Chapitre 7 :: Chapitre 7 Publiée: 24-12-20 - Mise à jour: 24-12-20 Commentaires: Bonjour, voici la suite de l'histoire. Je vous souhaite un très bon réveillon de Noël. Bonne lecture et merci pour vos commentaires^^
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Chapitre 7
Il était presque midi quand Ryo se leva dans un appartement silencieux. Ce n’était pas un fait exceptionnel en soi sauf si l’on ne prenait en compte que les jours passés depuis l’arrivée de Mari. Elle n’était pas bien grande mais elle occupait l’espace d’une manière ou d’une autre. Quand elle ne se manifestait pas personnellement en pleurant pour manifester un de ses besoins ou en babillant discrètement, c’était Kaori qui s’affairait pour boucler ce qu’elle pouvait dès qu’elle le pouvait. Il n’avait jamais aussi peu entendu l’aspirateur depuis quelques jours et il savait au regard froncé de sa partenaire que ça ne lui plaisait pas. Pourtant, l’appartement était propre et elle aurait pu lâcher du lest sans culpabiliser.
- Partie à la gare, neuf heures., lut-il sur le papier qu’elle avait laissé sur la table.
Il regarda l’horloge et se demanda ce qui pouvait la retenir aussi longtemps. Même lorsqu’elle passait au café voir Miki, elle ne s’absentait pas tant. Soucieux, il enfila son holster, vérifia son magnum qu’il rangea, puis mit sa veste pour sortir. Presque au même moment, la porte s’ouvrit et Kaori rentra tenant Mari dans ses bras, le sac à langer sur l’épaule.
- Tu en as mis du temps…, lui fit-il remarquer, malgré tout soulagé de la voir.
Sa partenaire n’eut même pas le temps de répondre que Mari se mit à pleurer. Kaori lui lança un regard désespéré en grimaçant. Cela faisait deux nuits qu’elle ne dormait pratiquement pas parce que le bébé pleurait à tout va et les cernes sous ses yeux pouvaient attester de sa fatigue. Elle posa le sac à langer qui entraîna son sac à main qui se vida par terre.
- Je ramasserai après., abdiqua-t-elle.
- Elle n’a pas arrêté de pleurer depuis ce matin. Le seul moment où elle a été calme, c’était lorsque je la baladais en landau. Miki est même venue marcher avec moi pour qu’on puisse parler un peu dans le calme., lui expliqua-t-elle, visiblement épuisée.
- Tiens, tu peux réchauffer cela, s’il te plaît ?, lui demanda-t-elle, lui tendant des sachets de plats préparés.
- Je vais la changer et lui donner son biberon. Peut-être qu’elle voudra bien dormir après., soupira-t-elle.
L’ancien lui l’aurait rembarrée et lui aurait certainement dit que c’était son boulot et qu’elle n’avait qu’à se débrouiller. L’homme du jour, soulagé de savoir que sa partenaire n’avait rien et touché par sa fatigue, attrapa le sachet sans un mot et accomplit la tâche qui lui avait été confiée. Il en fit même un peu plus.
- Tu as préparé le biberon ?, s’étonna Kaori en redescendant, Mari geignant dans ses bras.
- Ca n’a rien de sorcier. C’est un peu comme préparer une balle., fit-il en haussant les épaules.
- Merci., murmura-t-elle, émue.
- Tu vas pas chialer pour un biberon tout de même…, répliqua-t-il, gêné.
Il l’entendit rire légèrement et sourit en réponse. Sans se faire prier, il mit la table et sortit les plats du micro-ondes quand elle eut presque fini avec le bébé.
- Elle s’est endormie., soupira Kaori, fondant à la vision du petit air angélique.
- Va la coucher. Et si elle se réveille, tu la laisses pleurer le temps de manger. Tu dois aussi penser à toi., lui enjoignit-il.
Malgré son hésitation, elle monta la petite et la mit dans son lit en douceur. Elle ne voulait surtout pas prendre le risque de la réveiller et de devoir revivre la matinée. Soulagée d’avoir réussi cette étape, elle referma la porte et redescendit déjeuner, étouffant à plusieurs reprises les bâillements qui montaient.
- Je n’ai pas rêvé qu’elle pleurait quand je suis rentré cette nuit ?, lui demanda-t-il en plein milieu du repas.
- Non. C’est à peine si j’ai pu fermer l’oeil une heure cette nuit., avoua-t-elle.
- Ce n’est plus un problème d’adaptation, je pense. Ca ne fait qu’augmenter depuis qu’elle est arrivée., pensa-t-il à voix haute.
- Peut-être que je devrais la mettre dans ma chambre. Elle se sentirait peut-être plus en sécurité., suggéra Kaori.
- Autant te mettre sous intraveineuse de caféine tout de suite alors., plaisanta-t-il.
- Non, ce n’est pas une solution non plus. J’irai voir sa chambre après. Peut-être que quelque chose la dérange. Il y a peut-être une prise qui fait du bruit ou autre., proposa-t-il.
- Je n’y ai pas pensé. Je n’ai rien entendu pourtant., fit-elle remarquer.
- On vit ici. Nous sommes habitués., répondit-il.
Elle se dit qu’il avait certainement raison et décida de le laisser prendre en charge cette partie-là.
- Tu fais quoi ?, lâcha-t-elle, les yeux ronds en le voyant débarrasser la table.
- Es-tu si fatiguée que cela ?, s’amusa-t-il à son air.
- Ca s’appelle débarrasser la table. Je prends ce qu’il y a là et je le mets là-bas pour que tu puisses faire la vaisselle., lui expliqua-t-il comme si c’était la première fois.
- Ne me prends pas pour une idiote. J’ai bien vu que tu débarrassais la table mais c’est bien la première fois que tu le fais., lui répondit-elle avec un léger mouvement d’humeur.
- Si c’est un problème, je peux dé-débarrasser la table., lui proposa-t-il, son sourire s’élargissant.
- J’ai plutôt envie que tu m’embrasses., pensa-t-elle, le fixant du regard.
- Ca peut s’arranger., répliqua-t-il après un léger flash de surprise.
Rougissant, elle se rendit compte qu’elle avait pensé à voix haute et que Ryo l’observait attentivement avec une petite flamme dans le regard. Comme statufiée, elle fut incapable de bouger quand il approcha d’elle et s’arrêta juste devant elle.
- Alors tu veux que je t’embrasse ?, lui demanda-t-il d’une voix suave.
Il faisait le malin mais il n’en menait pas large. Il ne savait pas vraiment comment réagir entre écouter sa raison qui lui disait que ce n’était pas encore le bon moment et se laisser porter par son cœur qui le poussait vers elle.
- Je… Euh… Ce… Ce n’est pas… Enfin…, bafouilla-t-elle, ne sachant comment réagir.
Ce fut ce qui lui permit de se décider. Il passa la main dans ses cheveux, appréciant leur soyeux, et inclina légèrement son visage en arrière.
- Allons-y par petites étapes., lui proposa-t-il.
Il vit les questions apparaître dans ses yeux mais elle n’en pipa mot, se reposant sur la confiance qu’elle lui vouait, une confiance dont il était encore et toujours surpris mais qu’il lui retournait bien volontiers. Il se pencha et posa les lèvres sur son front. Il ressentit les mêmes sensations que plusieurs années plus tôt lorsqu’il avait fait le même geste sur le toit de leur immeuble. C’était bon et ça faisait battre son cœur de manière déjà assez erratique pour lui. A sentir le frémissement de son corps contre le sien, il devait en être de même pour elle. C’était un premier pas pour eux deux. Ce n’était pas le pas décisif mais il lançait la machine, ce qui était déjà une grande aventure en soi.
Lorsqu’il écarta les lèvres de son front, il ne s’éloigna pas et la prit dans ses bras, posant le menton sur ses cheveux. Après un instant d’hésitation, il sentit les bras de Kaori s’enrouler autour de lui et n’eut aucune envie de fuir. Ca, il pouvait gérer. Ca restait assez proche de certaines étreintes amicales qu’ils avaient déjà eues même si tous deux étaient conscients de la nuance supplémentaire qui venait l’éclairer ce jour-là.
Ils restèrent ainsi un long moment, se laissant imprégner par la douceur ambiante avant de se séparer et de vaquer chacun à leurs occupations, évitant le moment maladroit juste après.
- Tu comptes faire quoi là ?, lui demanda-t-il, lorsqu’il la vit sortir l’aspirateur après avoir fait la vaisselle.
- Du ménage. Je n’ai pas pu le faire ce matin ni hier., se justifia-t-elle, le voyant se lever.
- La seule chose que je t’autorise à faire dans les deux minutes à venir, c’est de ramasser ton sac à main. Après, tu files dans ta chambre dormir, Kaori., lui dit-il d’un ton ferme.
- Mais…
- Pas de mais ou je t’enroule dans un futon enroulé de chaînes. J’ai eu le temps d’étudier la technique., répliqua-t-il.
- J’ai besoin de toi… en forme., lui affirma-t-il.
Elle le regarda et lui sourit, touchée par ses mots. Elle avait noté la légère coupure dans la phrase qui lui disait bien plus que les mots assemblés pris hors de leur contexte. Elle n’objecta donc pas et alla ranger l’aspirateur avant de remettre son sac en ordre et de le reposer dans le placard. D’un geste, il lui fit signe de monter sans attendre et elle ne se le fit pas dire deux fois. Elle retrouva avec plaisir son lit et se terra sous la couette, s’endormant rapidement, espérant que Mari ne se réveillerait pas de si tôt.
Resté seul, Ryo démonta son arme et la nettoya consciencieusement, réfléchissant à ce qui venait de se passer. Il s’attendait à paniquer et se dire qu’il venait à nouveau de faire une erreur mais, de manière surprenante, il était serein. Autant leur baiser avorté deux jours plus tôt l’avait incité à prendre des mesures pour revenir à la normale, autant celui-ci le confortait dans ses sentiments et la confiance qu’il commençait à avoir en la possibilité d’un eux.
Ayant terminé, il alla ranger l’arme dans son holster et, au moment où il se retourna, son regard fut attiré par un éclat vert inédit sur le sol en dessous du canapé. Il trouva le calepin dans lequel Kaori notait les coordonnées et renseignements sur les clients potentiels. Il allait le ranger dans son sac quand sa curiosité fut plus forte et il l’ouvrit, le feuilletant rapidement. Comme il s’y attendait, certains messages ne s’étaient pas conclus en travail et, aux annotations JJJF qu’il traduisit rapidement par Jeune et Jolie Jeune Femme, il en comprit la raison. Il vit d’ailleurs les coordonnées du dernier message et se dit qu’il l’avait échappé belle. Peut-être que, si le contrat pour Mari n’avait pas si bien payé, Kaori aurait été tentée de lui imposer un deuxième travail. Amusé, il rangea le calepin dans son sac à main.
Soudain, il fronça les sourcils et monta les escaliers rapidement avant de se diriger vers la chambre d’amis. Il ouvrait la porte quand les premiers pleurs éclatèrent. La refermant doucement, il approcha du berceau et regarda le bébé dont le visage était crispé, ne sachant quoi faire. Kaori l’aurait certainement prise à bras mais il ne s’en sentait pas capable.
- Ah non, mini-pouce, tu ne vas pas recommencer ton cinéma. Tu as eu ton biberon il y a une heure, tu es changée et tu as déjà passé et fait passer une nuit d’enfer à Kaori. Alors maintenant, tu vas te calmer et dormir encore un peu., lui affirma-t-il d’un ton ferme mais doux.
Etonné, il la vit se calmer quelque peu à ses mots. Se rappelant ce qui s’était passé au café, il s’assit sur le lit adjacent et passa le doigt sur son front. Les pleurs cessèrent. Il vit encore quelques hoquets secouer le corps de Mari puis elle se rendormit profondément. Il continua malgré tout à caresser son front, y trouvant un certain plaisir, tout en se concentrant sur l’environnement et un bruit éventuel qui pourrait la déranger. Il n’y avait rien. Ce qui la faisait pleurer venait d’elle, uniquement d’elle, ce qui promettait encore des nuits agitées.
Se rendant soudain compte qu’il caressait encore le visage de Mari en l’observant intensément, il leva la main et resta là, silencieux. Un instant, un très court instant, il s’était imaginé faire la même chose pour leur enfant. Son humeur s’assombrit : c’était quelque chose qui n’arriverait jamais. Pourtant, Kaori serait une mère tendre et aimante et peut-être qu’elle lui apprendrait comment faire mais ce serait une entreprise inconsciente de sa part vu la nature du milieu dans lequel ils évoluaient.
Se sentant comme oppressé, il sortit de la chambre et redescendit. Il tourna en rond un long moment, cherchant le moyen qui lui permettrait de terminer cette mission sans trop s’impliquer et aussi donner à Kaori une occupation autre pour lui permettre de se détacher de la petite sans en avoir l’air. Ayant trouvé, il enfila sa veste et sortit.
Quand elle se réveilla une heure plus tard, Kaori apprécia le silence qui régnait dans l’appartement. Ca la changeait des pleurs qui l’avaient réveillée régulièrement les deux nuits précédentes. Elle passa rapidement dans la chambre de Mari, soulagée de la voir encore endormie. Elle serait bien restée là des heures à l’observer mais, si elle dormait, c’était aussi un de ces moments où elle pouvait faire quelque chose chez elle. Elle descendit en cuisine et prépara le repas du soir, bien décidée à ne pas se faire prendre de court cette fois-ci. Elle ne ressentirait pas ainsi cette pression de privilégier leur cliente sur son partenaire.
Elle fut d’ailleurs un peu déçue de ne pas le trouver mais, au moins, ça offrait un moment de répit pour son cœur. Que dire si ce n’était que ce baiser était loin de l’avoir laissée insensible. En fait, Ryo ne la laissait jamais insensible, se corrigea-t-elle. Il la faisait enrager, l’attendrissait, la rendait jalouse, faisait battre son cœur comme aucun autre n’avait pu le faire. Là, il l’avait fait battre comme rarement et ça l’avait suivie jusque dans ses rêves. Elle avait revécu ce moment à l’infini dans ses songes. Elle se sentit sourire puis rire bêtement, juste heureuse de ce rapprochement. Il l’avait embrassée sur le front. Elle fit une pirouette sur elle-même, le paquet de riz dans les mains, et des grains s’éparpillèrent sur le sol comme lors d’une cérémonie de mariage. Elle cligna des yeux et posa une main sur ses lèvres, riant un peu plus.
- Pas jusque là tout de même., se reprit-elle.
Elle s’appuya un moment sur le plan de travail et fit le vide dans son esprit. Même s’il ne semblait pas y avoir d’enjeu particulier, ils avaient une mission et Ryo l’avait laissée seule avec Mari, lui confiant sa sécurité. Elle devait rester vigilante et, en plus, elle s’était promise de ne plus se laisser déborder par le bébé. Elle posa le paquet de riz, sortit le cuiseur et le mit en route avant de balayer les grains au sol. Avec plaisir, elle prépara le repas du soir qu’elle n’aurait plus qu’à réchauffer. Ayant fini, elle allait pour faire du ménage quand elle entendit Mari babiller. Elle monta et la trouva bien éveillée dans son lit, gigotant.
- Tu as envie de bouger et découvrir d’autres choses, Mari ?, lui demanda-t-elle, la prenant à bras.
- Ba ba ba., babilla la petite.
- Viens, on va prendre un peu de temps à deux., lui proposa-t-elle.
Les pleurs de la nuit étaient oubliés. Elle avait une petite fille à sa charge et, même s’ils devaient assumer principalement sa sécurité, elle pouvait en profiter pour passer des moments agréables avec elle, participer à son éveil. Elle s’installa dans le salon et étendit un plaid par terre sur lequel elle la posa, l’entourant de quelques jouets. Elle la regarda un peu faire, babiller en observant son environnement, tourner la tête, son corps commençant à suivre. Doucement, elle l’aida à basculer sur le côté et la petite tendit la main vers un jouet de couleur vive non loin qu’elle parvint à attraper tant bien que mal.
L’heure tournant, elle l’emmena à l’étage et la baigna. Mari gazouillait gaiement et semblait apprécier de sentir l’eau qu’elle prenait dans sa main et laissait couler sur elle. Quand le premier bâillement apparut, elle la sortit et la prépara pour la nuit. Ces moments passés avec elle lui avaient fait beaucoup de bien et avaient éloigné l’euphorie née avec le baiser de Ryo. Elle n’en oubliait pas son émoi mais elle pouvait le maîtriser.
Donnant le biberon au bébé, elle entendit Ryo monter les escaliers. Elle fronça les sourcils en sentant une autre présence avec lui et, quand elle entendit la voix féminine, elle sentit son sang se glacer. Il ramenait une femme à la maison et ce n’était aucune de celles qu’elle connaissait. Refusant de se laisser abattre alors qu’il venait de faire un geste vers elle, elle se concentra sur Mari qui avalait son biberon avec un air concentré, touchant le plastique comme pour l’empêcher de le retirer de sa bouche.
- Bonsoir Kaori. Je te présente Yume, notre cliente… Enfin, plutôt la mienne puisque tu gères Mari., lui annonça-t-il, faisant entrer une jeune femme aux longs cheveux roux et aux yeux noisette.
- Vous avez un enfant ? Vous ne m’aviez pas dit cela. Je pensais que vous étiez célibataire., fit Yume, visiblement déçue.
- Kaori est ma partenaire et Mari notre cliente., expliqua-t-il, jetant un rapide regard à sa rouquine.
Elle ne croisa pas son regard mais il voyait qu’elle était contrariée. Il comprenait parfaitement parce qu’après tout, il l’avait shuntée en allant lui-même faire un rendez-vous et acceptant une mission sans l’avoir consultée auparavant.
- Bienvenue, Yume. Installez-vous, je vous en prie., l’invita Kaori, se levant et allant en cuisine.
- Ryo., l’appela-t-elle.
Ils allaient avoir une explication et il avait intérêt à être très convaincant parce qu’elle était très en colère de s’être fait berner. C’était son job de rencontrer les clients et d’accepter ou non les missions. En plus, elle savait que c’était la cliente qu’elle avait refusée de prendre. Elle l’avait appelée la veille pour lui conseiller de contacter un autre confrère. Enfin, elle se demandait à quoi il jouait alors qu’il avait fait un geste vers elle. Etait-ce sa manière de lui dire que ça n’irait pas plus loin ? Si c’était le cas, elle le prendrait très mal.
- Qu’y a-t-il ?, lui demanda-t-il innocemment.
Mari dans les bras, elle ferma la porte de la cuisine et se tourna vers lui.
- Comment tu l’as trouvée ?, l’interrogea-t-elle, les yeux plissés.
- Je… Ton calepin était tombé de ton sac., avoua-t-il, refusant de lui mentir même si ça aurait été facile.
- J’ai trouvé le numéro et j’ai appelé pour voir., expliqua-t-il.
- Tu as vu une jolie miss mokkori et tu t’es dit que tu allais profiter de mon indisponibilité pour te laisser aller à tes penchants, c’est cela ?, fit-elle, sentant la colère monter.
- Non., répondit-il simplement.
Ok, se concéda-t-il à lui-même, il y avait une petite part de lui qui voulait la voir jalouse mais ce n’était pas son intérêt principal. Il voulait juste se détourner et la détourner de l’attention totale portée à Mari mais, ça, il ne pouvait pas lui dire.
- Non ?, répéta-t-elle, dubitative.
- Non. Je me suis juste dit qu’avec Mari, c’était plutôt calme, que son père avait certainement surestimé le danger et que rien ne m’empêchait de prendre une affaire plus sérieuse., lui expliqua-t-il.
Elle entendit un corbeau croasser au loin en ne le quittant pas du regard.
- Attends, c’est quand même toi qui me traitais de tyran si je t’imposais un deuxième travail., lui fit-elle remarquer.
- Il faut croire que j’ai évolué. Sans rire, Kaori, Mari, c’est juste du baby-sitting. Une vraie affaire, ce ne sera pas grand-chose et c’est tout bénéf…, plaida-t-il.
- Et ça ramène une miss mokkori à la maison en sachant que j’ai Mari dans les bras., pipa-t-elle, amère.
- Bah !, s’exclama Mari, tout sourire.
- Et elle y a l’air très bien… ce que je peux comprendre., remarqua-t-il, attendri.
- Ne détourne pas la conversation., lui dit-elle, fronçant les sourcils.
- Je ne détourne pas la conversation, Sugar., lui opposa-t-il, amusé.
Surprise, elle ne sut quoi répondre. Il ne l’avait pas habituée à cela. Il l’avait habituée aux faux-fuyants et excuses bidons, à éluder la conversation et la tourner au ridicule.
- Pourquoi prendre une deuxième affaire ? On est suffisamment payés avec Mari., lui redemanda-t-elle.
Il l’observa et sut qu’elle ne démordrait pas et, en fait, il ne savait pas vraiment quoi lui répondre si ce n’était que c’était peut-être lui qu’il voulait tester en réalité. Il ne se sentait pas prêt à lui avouer cela cependant. Il décida alors de jouer le tout pour le tout. Il approcha et posa la main sur la joue de sa partenaire qui entrouvrit les lèvres de surprise.
- Si je te demande de me faire confiance, tu le feras ?, l’interrogea-t-il.
- Je… Oui, tu sais bien que oui., soupira-t-elle, se sentant comme une idiote à toujours accéder à ses demandes.
- Alors fais-le, s’il te plaît., lui demanda-t-il.
- Fais-moi confiance comme tu l’as toujours fait.
Elle acquiesça et s’écarta de la porte pour le laisser passer. Elle serra les dents en entendant Yume minauder auprès de Ryo sans qu’il l’envoie paître.
- J’ai eu tort, tu crois, Mari ?, lui demanda-t-elle, la soulevant à hauteur de vue.
- Ba ba ba !, babilla la petite, lui offrant un sourire ravissant qui lui fit chaud au cœur.
- C’est Ryo. Il faut espérer que tout ce qu’il m’a dit dernièrement n’était pas que du vent., soupira-t-elle.
Elle serra de nouveau la fillette contre elle, alluma le gaz pour réchauffer leur repas et retourna au salon avec un verre d’eau pour leur deuxième cliente qui n’avait d’yeux que pour son partenaire et le charmer sans honte.
- Je suppose que Yume reste dormir ici., intervint Kaori, tentant de rester neutre.
- Oui., admit Ryo, la connaissant trop bien.
- Elle devra dormir avec moi. La chambre d’amis est déjà prise., précisa la nettoyeuse.
- Quoi ? Oh… euh… Je ne peux pas dormir avec toi, Ryo ? Je ferai tout ce que tu voudras., susurra Yume, se faisant féline.
Kaori serra de nouveau les dents et attendit la réaction nucléaire de son partenaire. Celui-ci sourit en croisant son regard puis se tourna vers leur cliente.
- Ce ne serait pas très correct de ma part de profiter de ta faiblesse., fit-il remarquer.
- Ba !, s’exclama Mari, se mettant à rire aux éclats alors qu’une libellule traversait le séjour.
Son cri résonna d’autant plus dans le silence incrédule qui avait envahi la pièce.
- Bon… D’accord., murmura leur cliente, dépitée.
- Je vais mettre la table., annonça Kaori, posant Mari dans le siège-auto à côté du fauteuil.
- Elle ne peut pas prendre le bébé avec elle ?, demanda Yume, jetant un regard peu amène vers la petite fille.
- En quoi Mari te gène ? Elle est dans son siège-auto., lui fit remarquer le nettoyeur, observant la petite qui semblait bien malicieuse ce soir.
- Ba !, s’exclama celle-ci de nouveau comme si elle ponctuait ses propos.
Il se retint de sourire malgré tout, ne voulant pas montrer trop d’attachement à la petite, un attachement qui montait inexorablement malgré la présence de Yume. Ce n’était pas ce qu’il avait escompté.
- J’ai peur qu’elle me vomisse dessus., avoua la cliente.
- N’approche pas d’elle alors. Là où tu es, tu ne risques rien., pipa-t-il.
- C’est prêt. J’irai préparer le lit après le repas, Yume. Je suppose que vous êtes fatiguée., fit Kaori aimablement.
- Non, pas vraiment. Je me sens en pleine forme. J’ai l’habitude de veiller tard et de me lever tard., annonça la jeune femme.
- Pas toi, Ryo ?, susurra-t-elle, passant un bras autour du sien et se collant à lui.
- Tout dépend de mes motivations à me lever., répondit-il énigmatiquement, attrapant le siège-auto de Mari.
- Elle peut rester là, non ?, fit la jeune femme.
- Elle peut aussi venir à côté de nous à table., rétorqua-t-il, posant le siège entre lui et Kaori qui s’était installée face à lui.
Le sourire qu’elle lui adressa valut toutes les récompenses. Le repas se passa dans le calme malgré les tentatives de séduction de Yume. Ryo n’était pas insensible au charme de la jeune femme mais il était déjà pris par un autre sortilège beaucoup plus discret mais aussi beaucoup plus efficace. Il fallait croire qu’il avait besoin de tester sa puissance pour s’en rendre compte.
A la fin du repas, Kaori alla coucher Mari qui montrait les premiers signes de fatigue et en profita pour faire le lit de Yume avant de redescendre et de trouver Ryo finissant de débarrasser la table. Ainsi, ce midi n’était pas qu’un coup d’essai. Le voyant ressortir, elle l’arrêta d’une main sur son avant-bras.
- Merci., souffla-t-elle avant de déposer un baiser sur sa joue.
- Merci à toi., lui retourna-t-il, plongeant dans son regard un instant.
Elle savait qu’il lui était reconnaissant de sa confiance, de lui laisser de la latitude pour évoluer. Il en avait besoin. Elle ne savait pourquoi mais, bien qu’ayant laissé entrer le loup dans la bergerie sous la forme d’une magnifique rouquine pulpeuse et avenante, parce qu’elle savait après tout qu’il l’aurait écoutée si elle lui avait dit non, elle avait confiance en l’avenir. Les choses allaient changer pour eux.
Ce qui ne changea pas cependant furent les pleurs qui résonnèrent à peine eut-elle refermé la couette sur elle.
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