Hojo Fan City

 

 

 

Data File

Rated R - Prose

 

Auteur: patatra

Status: En cours

Série: City Hunter

 

Total: 23 chapitres

Publiée: 02-03-11

Mise à jour: 19-07-22

 

Commentaires: 159 reviews

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GeneralDrame

 

Résumé: City Hunter n’existe plus. Après avoir accepté une mission, Kaori rencontre un homme qui veut détruire City Hunter et qui y réussit. Qui est cet homme ? Que veut-il à Ryo ? Comment réagit Kaori ? Pourquoi Ryo perd-il son ange ?

 

Disclaimer: Les personnages de "Le vent", excepté celui de Keiji, sont la propriété exclusive de Tsukasa Hojo. Le personnage de Keiji m'appartient exclusivement.

 

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   Fanfiction :: Le vent

 

Chapitre 9 :: MENACE

Publiée: 30-03-11 - Mise à jour: 11-06-22

Commentaires: Bonjour à tous, chapitre mis à jour (avec beaucoup d'ajouts) le 11/06/22

 


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Chapitre 9 : menace
 

 

 

 

Elle avait passé sa journée à réfléchir : comment tendre un piège aux deux demeurés qui gardaient sa cellule ? Contre toute attente, ils s’organisaient intelligemment, jamais ils n’étaient deux à entrer dans la pièce et toujours elle devait se coller contre le mur du fond, s’exposant ainsi à la surveillance du second. Keiji avait pensé à tout, cette stratégie était de lui, elle en était convaincue : les deux geôliers lui apportaient son repas, lui demandaient régulièrement si elle avait besoin de quelque chose, vérifiaient fréquemment ses occupations, refusaient de répondre à ses questions, snobaient ses insultes et ignoraient ses hurlements. Elle avait tout tenté, rien n’avait abouti. Finalement, Kaori s’était laissée tomber sur son lit, abandonnant momentanément ses provocations, et interrogeait le plafond. « Quoi faire ? ».  

 

 

Il s’était levé de fort mauvaise humeur, l’esprit encore embué des visions cauchemardesques de la veille, les yeux cernés par le manque de sommeil. Très vite, il s’était douché et était sorti sans même avaler un café. Il avait de nouveau fait le tour de ses indics, avait molesté des yakuzas, interrogé barmen et bunnies, harcelé Saeko de questions, mais toutes ses tentatives de recherches sur l’homme qui avait enlevé les deux femmes se soldaient par un cuisant échec. A croire qu’il était inconnu, ou invisible ! Il avait pensé à tout ! Après moult désillusions, Ryô finit par atterrir au Cat’s où il retrouva la plupart de ses amis, sa mine tracassée fit écho à leur propre tourment :  

 

— Qu’est-ce qu’on peut faire à part attendre qu’il fasse une erreur ? s’enquit-il, impuissant.  

 

Le soir tombait sur Tokyo. Pour tromper son angoisse le nettoyeur avait passé deux longues heures à s’entraîner dans la salle de tir, celle-là même où trois jours auparavant il avait tenu son sugar boy dans les bras et goûté la douceur délectable de sa peau. Il ne put que reconnaître que cet épisode était en contradiction avec l’échange virtuel douloureux qu’ils avaient eu la veille au soir. À ce souvenir, sa mâchoire se crispa et son esprit lutta contre les émotions qui tentaient de le submerger. Il revoyait le visage tourmenté de sa partenaire, ses yeux éplorés, attendant un signe d’amour de sa part… L’amour… LE problème...  

 

Le fait est qu’il désirait Kaori … à en crever ; ça il ne pouvait le nier. La savoir intouchée et intouchable ne faisait qu’accroître ce désir obsessionnel ; des fantasmes de défloration le hantaient depuis longtemps et les scènes osées qu’il imaginait le torturaient délicieusement, le contraignant à s’adonner honteusement au plaisir solitaire. Certes, il ne pourrait jamais la posséder sauvagement comme il en rêvait, déchirant ce ventre offert, suçant, mordant et léchant toutes ces zones inexplorées, sources de gémissements et râles excitants qui la surprendraient et qu’elle tenterait de maîtriser. Il se perdait dans d’inavouables fantasmes, mettant en scène, élucubrant. Elle rougirait et il n’en serait que plus implacable, il approfondirait ses étreintes jusqu’à la douleur, la clouant sur son lit, écrasant son corps à la limite de l’étouffement. Son désir d’elle était si violent qu’il l’effrayait. Jamais auparavant, femme n’avait éveillé en lui pareils tourments érotiques. Et force était de reconnaître que la frustration incommensurable de son corps, brûlant de s’unir à celui de sa colocataire, provoquait chez lui des envies équivoques où le plaisir se mêlait à la souffrance. Aussi, la béate mais coupable extase qui suivait l’inondation de son bas-ventre le rendait-il furieux, et c’est Elle qui, à chaque fois, endurait la douloureuse rage qu’il n’aurait dû destiner qu’à lui. Il prenait toujours, dans ces moments-là, un malin plaisir à dénigrer la plate poitrine, les rondeurs mal placées de la nettoyeuse, celles-là même dont la seule évocation le transportait aux portes du paradis lorsque ses doigts malmenaient sa virilité.  

 

Kaori était stupéfaite de ces crises inexpliquées et ne comprenaient pas les terribles injures qu’il lui débitait, ces paroles toujours plus blessantes et humiliantes. Alors elle jouait de la massue, écrasant, compactant et atomisant celui dont la méchante indélicatesse la blessait au plus profond de son âme. Celui qu’elle aimait, malgré tout, d’un amour inconditionnel !... Il sourit à cette pensée. Oui, l’amour ! C’était bien ça le problème ! ... Il rendait grâce chaque jour à la chaste innocence de Kaori, ce mur insurmontable, cette barrière infranchissable la préservait de son vice, de ses désirs masculins indignes d’elle. Si un autre avait déjà visité l’antre de son ange, il est écrit que jamais il n’aurait su résister à l’appel de sa chair et il aurait succombé avec ardeur et délice dans les bras accueillants de sa partenaire. A n’en pas douter, il l’aurait gratifiée de visites nocturnes et, par là même, il aurait anéanti une amitié merveilleuse, une complicité unique, un bonheur inenvisageable sans elle. Kaori Makimura était un soleil, elle était son astre. Mais elle voudrait plus que des nuits de plaisir clandestin, elle voudrait son cœur, elle voudrait l’Amour. Et ça, c’était impossible ! Il en était incapable, c’était inconcevable ! C’était bien là le seul échec de sa partenaire : Ryô Saeba n’était pas encore capable de s’abandonner entièrement, les verrous de son cœur avaient sauté un à un sous les assauts déterminés d’une pétulante jeune femme, mais l’un d’eux résistait, encore et toujours, cadenassant un sentiment merveilleux, à jamais interdit pour lui. Sentiment qu’elle espérait, le seul qu’elle attendait.  

 

Il secoua la tête, le cours de ses pensées ne lui plaisait pas. Aussi tenta-t-il de se raisonner : « Tu ferais mieux de chercher un moyen de les retrouver plutôt que de t’imaginer faire je ne sais quoi avec ce corps que tu ne peux désirer. »  

Il regagnait son appartement lorsque la sonnerie du téléphone l’obligea à monter quatre à quatre les marches de l’escalier.  

 

— Allo ?  

— Bonjour Saeba, comment vas-tu ?  

 

Ryô grimaça en reconnaissant le timbre dérangé de son interlocuteur.  

 

— Vais-je pouvoir leur parler ?  

— Désolé mais ça ne sera pas possible !  

— … Et pourquoi ça ?  

— Pour la simple raison que je ne prendrai pas le risque de les sortir de leurs cellules et que je ne t’appellerai pas de l’endroit où je les retiens. Je ne suis pas fou !  

 

Encaissant le choc du refus, Ryô décida de jouer le jeu de l’agresseur, l’allusion à une cellule l’ayant quelque peu inquiété.  

 

— … Comment vont-elles ?  

 

— Très bien, je te rassure… Chizu est un peu chamboulée par son nouvel environnement mais elle va s’y faire, elle n’a pas le choix.  

 

Volontairement il ne parla pas de Kaori et il ressentit l’irritation du nettoyeur.  

 

— Es-tu décidé à me dire ce que tu attends de moi ?  

— Au risque de te surprendre une fois encore, je n’attends rien de toi dans l’immédiat. J’ai tout ce qu’il me faut sous la main pour l’instant et je ne m’ennuie pas, je te rassure. Après, lorsque je me serai lassé de m’amuser avec elle, je m’occuperai de toi…  

 

Ryô analysait les paroles de son interlocuteur, les menaces étaient implicites mais indéniables, un frisson parcourut son échine.  

 

— Qu’est-ce que tu lui veux ? Qu’est-ce qu’elle t’a fait ?  

 

Le téléphone éclata de rire.  

 

— Oh Saeba ! Tu n’as pas encore compris alors… Je me moque éperdument de Chizu, je n’en ai jamais voulu après elle.  

 

Le silence glacial qui accueillit sa confidence enjouée le remplit de joie.  

 

— C’est de Kaori qu’il s’agit, continua-t-il sur le même ton… Il semblerait que toi et moi ayons les mêmes goûts en matière de femmes.  

 

Après quelques instants de tension et de sidération, le temps de digérer l’information, la voix menaçante et toute en fureur contenue du nettoyeur japonais se fit entendre.  

 

— Espèce d’ordure, si tu touches à un seul de ses cheveux, je te tue. Tu m’entends ?.... Je vais te tuer. C’est une promesse que je te fais... Moi, Ryô Saeba, je te donne ma parole de te loger une balle dans la tête … Compte les heures qu’il te reste à vivre.  

 

La rage étonnamment maîtrisée du nettoyeur fit frissonner Keiji. Il ne put répondre immédiatement, sa gorge s’étant nouée, et il dut avaler sa salive avant de poursuivre.  

 

— Et bien, s’il s’agit d’une parole … d’HONNEUR…. je peux dormir sur mes deux oreilles.  

— Ne la touche pas ! s’aveugla Ryô.  

— Je te rappelle demain. Continue de me chercher.  

 

Le nettoyeur eut du mal à reprendre ses esprits. Cet homme était malade. Quiconque connaissait City Hunter savait bien qu’il ne fallait pas toucher à sa partenaire si on tenait un tant soit peu à la vie. Alors de là à menacer Ryô Saeba de …. Qui était-il ? Un sentiment poisseux d’impuissance et de culpabilité l’envahit et il se débattit avec l’image monstrueuse qui s’insinuait dans son esprit… Je vais le tuer !  

 

 

 

oOo
 

 

La porte de la cellule s’ouvrit. Kaori avait compris que c’était Keiji qui la visitait car son visiteur avait frappé à la porte et il était le seul à avoir cette courtoisie ; de plus, il n’exigeait pas qu’elle se collât contre le mur du fond avant d’entrer. Elle fut surprise néanmoins de le voir avec des lunettes de soleil et une casquette, la nuit était tombée depuis longtemps et l’accoutrement frisait le ridicule. Cependant, elle saisit vite la raison du déguisement lorsque son ravisseur tira doucement Chizu devant lui pour la faire pénétrer dans la chambre de la nettoyeuse. La jeune institutrice, voyant son amie, se jeta dans ses bras en sanglotant. Kaori reçut le paquet et tomba mollement sur son lit sous le poids de la jeune femme. Elle la cajola comme elle put, caressant les cheveux bouclés, levant son menton pour l’obliger à la regarder dans les yeux.  

 

— Tttttt ! Chizu, ne vous inquiétez pas, tout va bien se passer.  

 

La jeune fille replongea immédiatement son visage dans le cou de sa protectrice et Kaori tourna la tête vers Keiji. Il était resté adossé au chambranle de la porte et assistait à la scène, il savait que Chizu devait être rassurée et constatait avec plaisir que les caresses prodiguées dans son dos, secoué de soubresauts, finissaient par l’apaiser.  

 

— Comment allez-vous Chizu ? Vous traite-t-on correctement ? s’enquit immédiatement la nettoyeuse.  

— Oui … Mais … Peut-on rester ensemble ? Je ne veux plus être seule dans cette chambre. J’en peux plus … Je vais devenir folle …  

 

Kaori regarda Keiji qui secoua négativement la tête. Elle lui jeta un regard noir de colère.  

 

— Je crains qu’ils ne soient pas d’accord Chizu…… Mais ne vous inquiétez pas, nous allons bientôt sortir de là.  

 

Elle parlait calmement mais tournait souvent la tête vers l’homme resté adossé à la porte, lui faisant comprendre qu’elle s’adressait également à lui.  

 

— Ryô ne va pas nous laisser moisir ici très longtemps… Vous avez confiance en lui n’est-ce pas ?  

 

Chizu acquiesça de la tête. Keiji, qui s’amusait de l’attitude de la nettoyeuse, se permit d’intervenir :  

 

— Oui, et rassurez-vous, s’il ne vous trouve pas rapidement, je me ferai un plaisir de l’inviter à venir vous chercher.  

 

La nettoyeuse le fusilla du regard, il lui répondit d’un large sourire.  

 

— Qu’est-ce qu’il veut ? murmura l’institutrice qui semblait trop effrayée pour s’adresser directement au ravisseur.  

 

— Je l’ignore, répondit Kaori, mais si on avait voulu nous tuer, ce serait fait depuis longtemps. Ce n’est pas après nous qu’ils en ont.  

— Après qui alors ? Je ne comprends pas… Pourquoi nous garder prisonnières ici, pourquoi refuser de nous laisser ensemble toutes les deux.  

— Parce que séparées, ils nous maintiennent dans le stress permanent de savoir comment est traitée l’autre. Parce qu’ensemble nous serions capables d’échafauder un plan pour nous enfuir. Parce qu’ils ont peur de nous. C’est un aveu de faiblesse Chizu, vous m’entendez ? débita la rouquine avec effervescence en relevant délicatement le menton de sa cliente. Vous êtes forte et nous allons leur montrer que rien ne peut nous atteindre. Êtes-vous prête à être plus forte qu’eux ?  

 

Le regard de l’institutrice luit de mille feux. Le discours engagé et rassurant de sa comparse venait de réveiller sa combattivité. Kaori ne tremblait pas, elle ne flanchait pas malgré la position délicate à laquelle elle était contrainte. De plus, elle affichait une confiance absolue en la capacité de son partenaire à les retrouver rapidement. À les libérer. Elle ne pouvait pas ne pas suivre l’exemple de Kaori. Elle se devait, tout au contraire, d’être forte et battante, leur faire honneur ; il en allait de leur chance de s’en sortir.  

 

Keiji avait suivi avec une curieuse attention la tirade de sa captive mais, plus encore, il était excessivement observateur de son attitude. Agenouillée sur son lit, la caresse facile et encourageante, le sourire sincère, la nettoyeuse affichait une douce bienveillance envers sa cliente. Et sa foi envers le seigneur de Shinjuku semblait communicative. Chizu était ragaillardie, un sourire non feint élargissait sa bouche, des couleurs réinvestissaient ses joues qu’il avait jugées blafardes et creusées lorsqu’il était allé la trouver dans sa cellule.  

 

— N’ayez pas peur, tout va bien se terminer.  

 

Kaori savait qu’elle mentait un peu mais elle ne voulait pas avouer que Ryô était la véritable cible de leurs ravisseurs, cela n’aurait comme conséquence que de torturer inutilement leur jolie et innocente cliente. Elles échangèrent encore quelques minutes sur les conditions de détention de chacune. Chizu avait retrouvé son calme, sa confiance, et ses traits semblaient reposés. Keiji fit signe à la nettoyeuse que l’entrevue était terminée et que Chizu allait regagner sa geôle. Elles se séparèrent à regret, l’institutrice dissimulant mal son angoisse de retrouver la solitude, mais elle quitta dignement la chambre de son amie.  

 

Plusieurs minutes s’écoulèrent avant que Keiji ne ressurgisse. Il avait abandonné casquette et lunettes et portait un plateau sur lequel étaient disposées une théière et deux tasses.  

 

— Que pensez-vous d’une tasse de thé, Kaori ?  

— Que me vaut cette proposition ? ricana-t-elle.  

— Mon amabilité naturelle !... Du thé au jasmin, vous aimez ?  

 

Elle leva vers lui un regard soupçonneux. Il savait pourquoi, évidemment, mais ne fit aucune réflexion, il avait envie de jouer ce soir.  

 

— Oui, répondit-elle en se jurant d’en apprendre plus sur son ravisseur.  

 

Il servit la boisson fumante et une odeur de jasmin envahit la petite pièce, flattant agréablement les narines et détendant l’atmosphère. Il se choisit la chaise qui tournait le dos au mur du fond ; il se cala en croisant les jambes et s’offrit au regard scrutateur de la nettoyeuse. Elle l’observait avec attention. Pour la toute première fois depuis l’enlèvement, elle détailla sa stature, son visage, son allure. Nullement gêné par l’insistance du regard aiguisé braqué sur sa personne, Keiji la laissa le jauger, conscient qu’elle désirait analyser l’ennemi.  

 

Il était gracieux, elle ne pouvait le nier. D’une grâce féline et légère, presque imperceptible. Oui, il lui faisait penser à un chat. Elle se reprit, il tenait plus du tigre, dangereux derrière la douceur et la délicatesse apparentes. Sa haute stature n’en imposait pas pour autant, il avait la musculature fine, longue, fuselée. Elle ne put s’empêcher de le comparer à Ryô. Le corps du nettoyeur était le plus beau qu’elle avait admiré, d’une perfection absolue, d’une puissance réconfortante. Keiji était plus longiligne mais on devinait la force rouler sous sa peau couleur olive, la finesse de son corps n’était pas sans rappeler celle de son esprit et elle s’en fit la remarque. L’homme qui lui faisait face était doté d’une redoutable intelligence.  

 

Il avait un sens aigu du chic, il portait en ce jour un jean stone, un polo bleu foncé et, détail qui arracha un sourire à Kaori, une paire de chaussures Repetto blanches. À cet instant de son inventaire, c’est l’image de Mick qui s’imposa à elle, dans toute son élégance ravageuse. Cependant, son geôlier ne jouait pas dans le registre de la séduction, ni dans celui de la brutalité d’ailleurs, il était insondable quant à ses réelles intentions vis-à-vis de ses prisonnières, ainsi qu’envers Ryô. Qu’y avait-il eu entre ces deux hommes pour que celui-ci haïsse tellement son partenaire ? Elle secoua la tête et continua son exploration espérant en découvrir davantage, remontant lentement vers le visage de son ravisseur. Son cou avait une couleur bronze peu commune pour les japonais, une veine battait sur le côté, excitée par le regard interressé qu’elle promenait sur lui. En coulant son regard un peu plus haut, leurs yeux se croisèrent et elle dut admettre que ses prunelles dorées étaient des plus magnétiques, il ne semblait pas conscient de l’attrait qu’elles exerçaient, ce qui les rendait encore plus captivantes.  

 

Elle ne fut pas le moins du monde émue ou gênée lorsqu’elle se rendit compte que Keiji comprenait son manège, s’abandonnant sciemment à la contemplation réciproque. Elle plissa les paupières, n’était-il pas lui aussi en train de l’« évaluer » ? Elle fut vexée en imaginant les remarques très certainement désobligeantes qui devaient traverser la tête de son ennemi. Mais elle haussa les épaules car l’avis de cet homme lui importait peu finalement et elle reprit son expédition en terre inconnue. Le visage de Keiji était empreint de la même finesse que celle qui se dégageait de tout son être, des pommettes hautes et fières, un nez parfait et discret complétaient l’agréable tableau. La tignasse ébène, indomptable, un peu trop longue à son goût, encadrait le joli visage. Seule la bouche, brune, agressivement ourlée, troubla Kaori. Elle eut le funeste pressentiment que cette bouche représentait le danger absolu, comme si tous les malheurs qui allaient s’abattre sur le duo mythique ne découleraient que de ces lèvres qui se relevaient légèrement sous l’insistance du regard noisette. Elle ignorait encore, pour le moment, les menaces nauséabondes qu’elles avaient proférées à son partenaire, plongeant celui-ci dans une haine viscérale de l’homme qui était assis en face d’elle. Et elle ne pouvait soupçonner, alors que le thé au jasmin coulait dans son corps, la réchauffant doucement, les tourments que ces lèvres allaient faire naître en elle, pour l’amener, contre toute attente, à l’ultime trahison, la mort de City Hunter !  

 

— À quoi pensez-vous ? intervint-il devant la mine absente de Kaori.  

— Vous voulez aussi contrôler ce que je pense ? Vous rigolez j’espère !  

— Vous arrive-t-il d’être agréable ?... Franchement, je doute que votre partenaire ait envie de vous retrouver, il doit être ravi que je l’aie débarrassé du dragon qui habitait avec lui !  

— Comment osez-vous ? Depuis quand les otages doivent-ils être agréables avec leurs kidnappeurs ? Vous vivez dans un monde bizarre, Keiji, revenez sur terre !  

 

Elle ne se démontait pas, bien que la remarque de son interlocuteur ait fait mouche. Lui, jubilait. Il adorait cette frimousse tendue vers lui, prête à mordre. Saeba devait bien s’amuser finalement avec ce pitbull.  

 

— Pourquoi ne gardez-vous pas votre casquette et vos lunettes avec moi ? s’enquit-elle sérieusement, cette question lui brûlant les lèvres depuis le retour de son geôlier.  

— Hum… ne voulez-vous pas plutôt demander pourquoi je les porte avec Chizu ? précisa-t-il sans répondre à la question.  

— Vous ne voulez pas qu’elle puisse vous reconnaître, énonça Kaori. Elle ignore votre nom, votre visage, votre apparence. Vous êtes bien différent lorsque vous ne vous déguisez pas. Chizu ne peut donc vous percevoir comme je vous perçois.  

 

Keiji peina à réfréner un sourire. Les dernières paroles sonnaient vrai dans ses oreilles ; avec Kaori Makimura il se permettait d’être différent. Elle n’en avait pas vraiment conscience car elle ne le connaissait pas en dehors d’elle mais lui devait accepter l’étrange réalité à laquelle il ne s’était pas attendu. Avec elle, il était différent.  

 

— Pourquoi ne les gardez-vous pas avec moi ? poursuivit la nettoyeuse avec une légère appréhension qui filtra dans le ton de sa voix.  

 

Le yakuza la fixa pour cerner la raison de sa soudaine fébrilité.  

 

— Parce que vous m’avez reconnu, confia-t-il sincèrement. Vous m’aviez rencontré au cimetière et vous connaissiez mon nom.  

— Pourquoi avoir provoqué notre rencontre ? Pourquoi m’avoir alors donné votre nom ?  

 

À cet instant, Keiji hésita, il n’avait pas de réponse satisfaisante à la question de sa captive. Question qu’il se posait souvent depuis qu’il avait croisé la jeune femme quelques jours auparavant.  

 

— Une erreur, murmura-t-il autant pour elle que pour lui.  

 

Les yeux noisette s’arrondirent de plaisir et la langue se plut à persiffler.  

 

— Preuve, s’il en fallait, que vous pouvez en commettre.  

 

Il offrit un sourire éclatant, le jeu l’amusait au-delà de ce qu’il attendait.  

 

— Pourquoi ne rien avoir révélé à Chizu ? questionna-t-il. Mon nom par exemple.  

 

Elle ne parut pas désarçonnée par la question.  

 

— Par calcul, cela me permet d’avoir une relation privilégiée avec vous.  

— Oh ? gloussa-t-il d’un plaisir feint. Vous voulez une relation privilégiée avec moi ?  

 

Une vague désagréable de chaleur vint s’écraser sur les joues de la rouquine. Son vis-à-vis la regardait avec un air gourmand – faux et manipulateur à n’en pas douter – mais quand même, soutenir le regard dérangeant et surenchérir n’étaient pas des plus aisé la concernant.  

 

— Bien sûr ! reconnut-elle en plissant les yeux. C’est ainsi que je terrasserai l’ennemi. Gagner sa confiance pour…  

— Mieux le poignarder ?  

— Êtes-vous un homme que l’on poignarde, Keiji ? rebondit-elle avec la souplesse d’une chatte. Je ne crois pas… Je pensais plutôt vous…  

— Séduire ? persévéra-t-il dans la provocation, étonnamment grave vue l’énormité qu’il sortait. Êtes-vous une femme qui séduit, Kaori ?  

 

Là, le malaise l’empourpra jusqu’à la base du cou, elle ouvrit une bouche béate et convulsive, ses sourcils tressautèrent de surprise puis se froncèrent tandis que ses iris lançaient des éclairs. Comment osait-il ? Keiji contemplait le spectacle avec stupeur et plaisir mêlés. Pourquoi une si petite allusion, certes abandonnée sérieusement, pouvait-elle inspirer autant d’embarras ? N’était-elle pas la femme qui vivait avec le plus grand séducteur tokyoïte ? celui dont la réputation de dragueur avait gagné les cinq continents ? Kaori devait en avoir vu des vertes et des pas mûres durant les nombreuses années partagées avec lui. Sa petite remarque était certes provocatrice et tendancieuse mais elle n’avait pas vocation à faire naître une telle indisposition.  

 

— Une femme dont il faut se méfier… comme toutes les femmes, tenta-t-elle de reprendre le contrôle de la conversation.  

 

Le rire qui emplit bientôt la cellule dans laquelle ils devisaient résonna désagréablement aux oreilles des deux protagonistes de la scène.  

 

— Permettez-moi de me méfier d’abord des hommes, Kaori, eut-il besoin d’éclairer.  

— Pensez ce que vous voulez mais je vous fais la promesse de tout faire pour m’évader d’ici. Je saurais vous surprendre, croyez-moi.  

— Je n’en doute pas, répliqua-t-il en regagnant son sérieux. Non, je n’en doute pas mais j’ai néanmoins un conseil pour vous Kaori. N’abattez pas vos cartes aussi facilement, vous vous exposez beaucoup trop. L’effet de surprise est un atout de poids, tentez de le conserver.  

— C’est ainsi que je combats… en m’exposant.  

 

Il ravala un vous ne faites pas dans la dentelle qui aurait certainement vexée la demoiselle. Celle-ci piquait d’ailleurs de plus en plus sa curiosité, elle était à la fois incroyablement lisible et tout autant inaccessible. Et puis sa compagnie n’était pas déplaisante…  

 

— Il ne suffit pas de combattre, il faut vaincre aussi.  

— Ne me sous-estimez pas, je suis redoutable, avança-t-elle avec une fierté qui seyait à son caractère belliqueux.  

 

L’homme la dévisagea avec amusement et la jeune femme eut l’impression de ne pas être prise au sérieux. Serait-elle toujours considérée comme le point faible du duo City Hunter ?  

 

— Plus sérieusement, pourquoi ne pas avoir divulgué le peu de mon identité que vous connaissez à Chizu ?  

 

La curiosité le poussait à revenir sur ce point de l’affaire qui le taraudait.  

 

L’hésitation s’insinua dans l’esprit de la nettoyeuse, elle darda des prunelles investigatrices sur son vis-à-vis afin d’accéder à celui qu’il était véritablement. Pouvait-elle aussi clairement exposer ses craintes à son ennemi ? Pourtant, naïvement, elle crut que la sincérité pouvait la servir, ledit ennemi lui inspirant, aussi étrange et malvenu qu’il puisse paraître, une certaine confiance. Il n’était pas comme les yakuzas communs que City Hunter affrontait au quotidien.  

 

— J’ai bien compris votre volonté de rester anonyme Keiji. Je ferai tout pour protéger ma cliente, c’est mon travail. Aussi, pour être totalement honnête avec vous, je pense que plus elle en ignore, plus elle est en sécurité. Plus elle a de chance d’en réchapper facilement… Je me trompe ?  

 

Il haussa les sourcils, se recala sur la chaise inconfortable et croisa les jambes.  

 

— C’est une analyse plutôt pertinente, proposa-t-il en guise de réponse, bien conscient d’éluder une part importante du questionnement. Alors vous vous pensez particulièrement exposée au danger du fait de votre connaissance de mon identité ?  

 

Il n’y avait pas à dire, elle s’exposait beaucoup à sous-entendre qu’elle avait conscience de la dangerosité de son ravisseur.  

 

— C’est mon métier ! rétorqua-t-elle simplement et plutôt sèchement. Je prends des risques à chaque mission, j’ai signé pour ça. Il n’y a donc aucun problème pour moi à être en première ligne. Et puis, entre nous, le risque est mesuré, vous ne croyez pas ?  

 

Elle s’était penchée en avant et captait toute l’attention de son geôlier en ayant largement diminué le volume de sa voix. Elle chuchotait presque et nimbait leur conversation d’une soudaine proximité, à la limite de la complicité.  

 

— Vous n’ignorez pas qui est mon partenaire. Il n’est question que de quelques heures – peut-être même de minutes – avant qu’il nous sorte de là et qu’il vous fasse la peau. Donc, puisque l’heure est aux conseils, ne vous souciez pas des risques que j’encours, préoccupez-vous plutôt de votre propre sort.  

 

Une nouvelle fois, Keiji décocha un sourire éblouissant, montrant ainsi comme la confidence de la jeune femme, qui se voulait être une menace cachée, une mise-en-garde, ne l’émouvait pas le moins du monde. Kaori s’en trouva contrariée mais combattit pour n’en rien montrer.  

 

— Quelle belle confiance vous affichez là, Kaori ! répliqua-t-il sur le même ton que sa captive.  

— La confiance c’est les fondations de notre duo, le ciment de notre relation. J’ai une foi absolue en lui.  

— Vous m’en voyez ravi, répondit Keiji légèrement irrité par les dernières paroles. Je suis tellement impatient de le voir débarquer pour vous sauver, vous n’imaginez pas.  

— Ne soyez pas trop présomptueux, Ryô ne craint personne.  

 

L’homme souffla et se recula, indiquant ainsi que le sujet de la discussion ne l’intéressait plus. Il but une gorgée de thé sous le regard inquisiteur de sa prisonnière. Kaori le reluqua sans vergogne, interloquée par son attitude.  

 

Il montrait sans nuance son agacement et elle sut très bien lire la nervosité qu’il tentait de dissimuler. Le sujet Ryô Saeba lui déplaisait. Pire encore, il l’insupportait. Nul doute que la découverte des griefs de Keiji à l’encontre de son partenaire était capitale pour appréhender l’histoire.  

 

Ainsi positionné, les jambes élégamment croisées, une tasse de thé à la main, l’échine parfaitement calée contre le dossier de sa chaise, le yakuza apparaissait bien inoffensif et, toute à cette constatation, un sursaut de révolte explosa dans le cortex de la nettoyeuse. En un mouvement souple et rapide, foudroyant, elle était capable de le mettre hors d’état de nuire. Les autres gardes n’étaient pas en poste, elle avait entendu clairement Keiji les libérer quand il était revenu dans cette satanée cellule. Il devait être sacrément sûr de lui pour ainsi se livrer sans craindre qu’elle ne le maîtrise. Elle étudia précisément les angles d’attaque qui s’offraient à elle ; le plus simple consistait en un abordage dans les airs. Bondir sur la table et s’élever pour lui atterrir sur le crâne était un jeu d’enfant. Elle excellait en plus dans ce genre de manœuvre, la massue humaine.  

 

Un jeu d’enfant.  

 

— Abandonnez tout de suite cette idée, désamorça-t-il sans même lui octroyer un regard. Contre moi, vous n’avez aucune chance. S’il y a une chose qu’il vous a mal enseignée, c’est le corps-à-corps.  

 

Un hoquet de rage et de détresse la fit sursauter, elle avait pourtant veillé à dissimuler ses intentions, à noyer son aura de guerrière. Que faire ? Persister, abandonner.  

 

— Pardon ? s’offusqua-t-elle feignant maladroitement une innocence à laquelle personne ne pouvait croire.  

 

Keiji releva les yeux de sa tasse fumante et colora ses lèvres d’un sourire narquois.  

 

— Savourez ce thé Chun Feng, je l’ai choisi spécialement pour vous. Envisager d’en venir aux mains contre moi est non seulement voué à l’échec le plus cuisant qui soit, limite humiliant, mais aussi une bien ingrate manière de me remercier pour ce thé d’exception qu’il me semble vous affectionnez particulièrement.  

— Je…, ne sut-elle interposer, en proie à une terrible frustration. Vous dites n’importe quoi.  

— Je vous ai déjà dit de ne pas abattre vos cartes aussi lisiblement Kaori. Vos pupilles sont dilatées, vos doigts crispés sur le rebord de la table, quant aux muscles de vos jambes, ils se sont contractés comme si vous souhaitiez vous élever très haut dans les airs. Et je ne vous parle pas de l’expression de votre visage… Il n’y a pas à dire, vous avez encore beaucoup à apprendre. Je comprends mieux votre réputation concernant les affrontements en corps-à-corps.  

 

Rouge ! Elle voyait rouge. Tout d’abord dépitée d’en être aussi facilement déchiffrable mais également vexée par tout ce qui était sous-entendu : sa faiblesse en tant que combattante à mains nues et la réputation qu’il lui lançait en pleine face.  

 

— Il ne faut pas se fier à ce qui se dit.  

— Bien sûr, tenta-t-il d’apaiser, je suis convaincu qu’il ne faut rien juger rapidement. Goûtez ce thé s’il-vous-plaît, et dites-moi ce que vous en pensez. Je ne vous empoisonne pas, j’en ai bu moi-même.  

 

La nettoyeuse grimaça mais s’exécuta. Le liquide chaud emplit sa bouche d’un délicat bouquet et son cœur palpita plus fort dans sa poitrine. Le breuvage était absolument délicieux mais elle préférait mourir que de le reconnaître.  

 

— Pas mauvais, reconnut-elle d’une voix tiède.  

— N’est-ce pas ?  

— Ne tentez pas de m’amadouer Keiji, votre tentative se soldera par un minable échec, prévint-elle avec agressivité.  

— Vous amadouer ? répéta-t-il amusé en la gratifiant d’un regard dénué d’hostilité. Non, je n’ai pas cette prétention, je suis juste curieux de vous connaître. Vous, la partenaire de Saeba, vous que j’ai facilement vaincue, vous qui fanfaronnez pourtant, vous qui êtes si éloignée du portrait flatteur que m’avait dressé votre frère. Je m’attendais à découvrir une jeune femme douce, réservée et charmante et vous vous révélez tempêtueuse, agressive, provocatrice.  

 

Le visage de Kaori se figea immédiatement, elle eut du mal à encaisser le choc de l’information. Qu’elle ne corresponde pas aux attentes de cet homme la laissait de marbre mais qu’il ait connu Hideyuki et que ce dernier se soit confié sur elle ouvraient des vannes insoupçonnées. Désarroi, mélancolie, incompréhension, moult émotions transparurent sur son visage. Keiji n’en loupa pas une seule. Il assista dans une immobilité dérangeante pour sa captive à toutes les nuances qui tantôt illuminèrent ou assombrirent ses iris, carminèrent ses joues ou, au contraire, les décolorèrent. Kaori ne sut lutter contre le bouleversement qui l’étreint et qui la rendit éminemment vulnérable. Elle plongea les lèvres dans son thé à la recherche d’un soutien immatériel, de saveurs réconfortantes. Elle parvint au prix de gros efforts à recouvrer la maîtrise de ses émotions. Lorsqu’elle reposa les yeux sur son vis-à-vis, elle se heurta à un regard attentif, presque scrutateur, mais indifférent. Très vite, sa réflexion la poussa à faire le rapprochement entre la récente révélation et leur première rencontre, au cimetière.  

 

— Bien sûr, comment n’y ai-je pas pensé plus tôt…  

 

Son ravisseur plissa les yeux, il jouait sciemment avec le feu, il distribuait des informations qu’il s’était juré de ne pas dévoiler. Kaori était la partenaire, l’amoureuse, l’égérie de son pire ennemi. Elle était également la sœur d’un ancien ami. Il se devait de l’exécrer, elle allait mourir, sacrifiée par lui pour assouvir sa salvatrice vengeance. Alors pourquoi lier avec elle, pourquoi répondre favorablement à l’intérêt qu’elle suscitait ? C’était incompréhensible et Keiji ne devait pas se leurrer ou se cacher derrière des faux-semblants. Être en sa compagnie dans sa cellule était déjà un accroc à son plan. Le plus raisonnable était de simplement mettre une distance entre eux, abandonner le prétexte qui avait bon dos, en apprendre davantage sur Saeba, cerner ses points faibles, se servir d’elle... Rien n’était plus simple, confier sa surveillance aux gardes qu’il avait spécialement choisis pour la fonction et ne plus reparaître jusqu’au jour décidé. Et là, là, quitter la scène, l’abandonner à son malaise.  

 

— C’était vous les chardons ? murmura-t-elle  

— Oui.  

— Pourquoi ? Comment avez-vous connu mon frère ?  

— Nous avons travaillé ensemble il y a une dizaine d’années.  

— Travaillé ?  

— Oui, j’ai aidé City Hunter à démanteler un trafic de drogue.  

— Vous connaissez Ryô alors ?  

— NON, je n’ai travaillé qu’avec Hide, ce n’était pas à Tokyo. Votre partenaire ne me connaît pas.  

— Comment peut-on haïr autant quelqu’un que l’on ne connaît pas ? C’est insensé !  

 

Il ne répondit pas. Aussi Kaori reprit :  

 

— Ça s’est mal terminé ?  

— La mission a été un grand succès.  

— Hide ne m’a jamais parlé de vous. Étiez-vous amis ?  

 

Elle menait l’interrogatoire tambour battant, manquant un peu de subtilité, trop heureuse que Keiji livre un peu de ses secrets. Lui était pleinement conscient qu’elle tentait de lui soutirer des informations, c’était de bonne guerre et il n’était pas dupe. Il renonçait à fuir, acceptait d’abandonner un peu de lui. Cependant, il ne lâcherait que ce qu’il avait envie de lâcher, du non-essentiel, de l’affectif – elle semblait vraiment être sensible à ce niveau-là. Se faisant, il se rapprochait d’elle et gagnait en force de nuisance.  

 

— Je ne sais pas si nous étions amis… Mais durant les trois mois qu’a duré notre collaboration, j’ai pensé que nous l’étions, oui.  

— Pourquoi des chardons ? J’imagine que vous ne vous êtes pas quittés en bons termes. Reprochez-vous quelque chose à mon frère ? Ça a forcément un lien avec ma présence ici … et avec Ryô ! Dites-moi Keiji, dites-moi ce qui s’est passé !  

— Croyez-moi Kaori, j’ai été attristé lorsque j’ai appris la mort de Hide, plus d’un an après la fin de notre mission. J’imagine bien toutes les épreuves que vous avez traversées, je savais qu’il était votre seule famille et que vous étiez très proches.  

— Il vous a beaucoup parlé de moi ? demanda-t-elle.  

 

Il réalisa le ton désespéré qui éraillait sa voix, comme il pouvait être précieux pour elle d’accéder à ce qu’il avait pu échanger avec Hideyuki. L’évocation des êtres qui avaient le plus comptés dans la vie pouvait être à la fois délicieuse et douloureuse et Kaori était en ce moment-même la proie de ces émotions antagonistes. Elle lui apparut alors comme son frère l’avait toujours décrite : fragile, entière et buttée.  

— Il vous aimait terriblement et pour être tout à fait honnête avec vous, il me saoulait continuellement en me parlant de sa petite sœur adorée. Je pense que je pourrais vous raconter mille anecdotes sur votre enfance, de la perte de votre première dent, au chat tombé dans l’égout que vous avez sauvé en passant par vos talents de cuisinière et vos colères mémorables… Et je sais aussi que vous adorez le thé au jasmin…  

Il souriait et persévéra dans la narration d’anecdotes qui encombraient sa mémoire. Kaori avait la tête qui tourne et ne saisissait pas toutes les paroles qui s’échappaient de la bouche de Keiji et qui retombaient sur elle comme une pluie des pétales de rose. Il lui faisait un merveilleux cadeau et n’en avait certainement pas conscience. Elle savait que son frère l’adorait par-dessus tout, mais tous les détails qui continuaient de fuser de cette bouche qu’elle avait crainte quelques minutes plus tôt l’éclaboussaient de bonheur.  

 

— Merci, dit-elle simplement après un moment.  

 

Les yeux ambrés contemplèrent le visage apaisé et en retirèrent un peu de plaisir.  

 

— Je suis désolé que vous ayez eu à vivre la perte de votre frère.  

— Ça a été horrible ! J’ai cru mourir.  

— Je sais… Vous et moi avons quelques malheureux points communs de ce côté-là.  

 

Le brun s’en voulut de cette nouvelle confidence révélée et se reprit avant que la nettoyeuse n’ait eu le temps de rebondir.  

— Mais Hide savait ce qu’il risquait en étant ce qu’il était. La mort fait partie de ce métier, il y a peu de chance pour que nous quittions ce monde de vieillesse.  

 

Il poursuivit :  

 

— C’est pourquoi je ne comprends pas que Saeba vous ait gardée près de lui. Pourquoi ne pas vous avoir mise à l’abri loin de ce monde de violence et de mort ? Je le pensais plus professionnel que ça !  

— Je ne lui ai pas laissé le choix ! Je voulais rester et venger mon frère, riposta la rouquine.  

— Ah oui… La vengeance ! répéta-t-il doucement pour lui-même… Et après ? Quand votre soif de vengeance a été apaisée, quand enfin vous vous êtes retrouvée libre, pourquoi être restée ? Pourquoi vous a-t-il gardée près de lui ?  

 

Il posait la question mais connaissait la réponse.  

 

— Après, le problème ne s’est plus posé. On était partenaires.  

— Vous voulez dire un couple ?  

 

Abasourdie, elle ouvrit des yeux comme des soucoupes. L’allusion la mettait en rage, que sous-entendait-il ?  

 

— QUOI !!!!! … Comment ça, un couple ? Vous délirez là ! JAMAIS DE LA VIE !!!!  

— Vous savez, c’est de notoriété publique.  

— Vous plaisantez ? Tout le monde sait que Ryô préfèrerait mourir plutôt que devoir ne serait-ce que me tenir la main ! Et moi, jamais je n’accepterais que ce pervers toutes catégories posent ses sales pattes sur moi. AAAAARRRRRRGGGGGHHHHHH ! MAIS VOUS ETES MALAAAAADE.  

 

Keiji tomba à la renverse devant l’explosion de colère de Kaori. Il ne comprenait rien, il avait vu, deviné, décelé… Saeba avait enroulé son bras autour de la taille de la jeune femme. Son visage incroyablement sérieux et transporté s’était penché sur la nuque de sa partenaire et le désir avait brillé dans ses yeux. Aucun doute n’était possible quant aux sentiments du nettoyeur. Huit ans à vivre sous le même toit, c’était juste impensable ! Lui, Keiji, ne pouvait admettre qu’un homme puisse résister aussi longtemps au charme si … Il regarda la jeune femme et fronça les sourcils…. si …. innocent ! Sa bouche s’ouvrit sur un large sourire carnassier alors que ses prunelles dorées virèrent à l’ambre... Oui, Kaori était déroutante d’innocence, dégoulinante de virginité.  

 

Oh ! Saeba ! Qu’est-ce que je viens de découvrir là ?  

 

 

 


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