Hojo Fan City

 

 

 

Data File

Rated R - Prose

 

Auteur: patatra

Status: En cours

Série: City Hunter

 

Total: 23 chapitres

Publiée: 02-03-11

Mise à jour: 19-07-22

 

Commentaires: 159 reviews

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GeneralDrame

 

Résumé: City Hunter n’existe plus. Après avoir accepté une mission, Kaori rencontre un homme qui veut détruire City Hunter et qui y réussit. Qui est cet homme ? Que veut-il à Ryo ? Comment réagit Kaori ? Pourquoi Ryo perd-il son ange ?

 

Disclaimer: Les personnages de "Le vent", excepté celui de Keiji, sont la propriété exclusive de Tsukasa Hojo. Le personnage de Keiji m'appartient exclusivement.

 

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   Fanfiction :: Le vent

 

Chapitre 11 :: Sur ta joue

Publiée: 26-04-11 - Mise à jour: 26-04-11

Commentaires: Bonjour à toutes et à tous, Merci à toutes pour vos chaleureuses revews. C’est toujours un plaisir de vous lire et j’essaie de ne pas vous décevoir. Petit clin d’œil spécial à Ryochou^^. Je pensais t’avoir déçu et suis bien heureux de te compter encore parmi les lecteurs de ma fic. Bon, ce chapitre s’est écrit pour moi dans la douleur, d’où le temps qu’il m’a fallu pour le sortir. La partie centrale (dans le parc) m’a donné du fil à retordre. Du coup, ce chapitre est encore très long et j’ai du couper la dernière scène. Me pardonnerez-vous ? Suite au prochain chapitre. BISES. A bientôt et bonne lecture… Pat

 


Chapitre: 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23


 

- Il faut que je vous explique, lança-t-elle avec une voix qui trahissait son excitation.  

 

Les trois hommes faisaient cercle autour de la table sur laquelle Saeko venait de déplier une carte de la capitale. Ryô observait son amie avec insistance tentant de lire sur son visage ce qu’elle avait pu découvrir qui leur permette de retrouver le ravisseur des deux jeunes femmes. Il ressentit une certaine fierté émaner de l’inspectrice, cette vaniteuse ambition qui consumait tout son corps et qui réapparaissait dès lors qu’elle se sentait en position de force, comme à ce moment, où elle avait fait une entrée triomphale, attirant tous les regards, concentrant tous les espoirs. Le nettoyeur n’appréciait guère cet aspect hautement présomptueux de Saeko, son besoin de théâtraliser afin de s’attirer tous les hommages. Il était néanmoins conscient de l’efficacité hors pair du lieutenant Nogami. Ses relations l’avaient très souvent sorti d’embarrassantes situations, lui évitant de fâcheux déboires avec la police, les innombrables pistes et indices qu’elle avait générés pour City Hunter s’étaient toujours révélés pertinents, précipitant favorablement les issues de nombreuses affaires ; de surcroît, Saeko avait sauvé le mythique duo d’une banqueroute assurée par un apport non négligeable de missions financièrement intéressantes dès lors que Kaori s’occupait elle-même de la nature des rémunérations. Etrangement, ces propositions inespérées tombaient toujours à propos et Ryô soupçonnait que l’inspectrice, derrière son sourire manipulateur, veillât sur ses amis avec bienveillance, dissimulant un besoin de reconnaissance amicale bien plus profond que la convoitise sociale et professionnelle qu’elle affichait. Elle s’en défendrait, évidemment, mais cette faille elle ne pouvait pas la cacher, pas à lui, ils étaient bien trop proches.  

 

 

Elle leva la tête et croisa le regard de son vieil ami. A la mort de Hide, elle avait naturellement cherché réconfort auprès de lui, désireuse d’en apprendre plus sur cet homme qu’elle aimait et qui l’avait abandonnée trop tôt, tentant d’éclaircir les zones d’ombre mystérieuses qui entachaient la vie de celui qui avait réussi à toucher son cœur. On ne pouvait nier que Hide était un solitaire, un être meurtri, mais ces blessures impalpables, il ne les avait partagées avec personne, gardant jalousement pour lui les tourments continuels de son âme comme de honteux fardeaux, des tortures expiatoires. Il s’était jeté corps et âme dans la conquête de cette femme magnifique, inaccessible, que convoitait également son coéquipier, oubliant par là même les raisons de ses angoisses les plus profondes. Elle avait hésité, longuement, papillonnant de l’un à l’autre, craquant pour le charme magnétique du brun ténébreux, vacillant pour l’intelligente retenue de son ancien collègue, pour son manque d’assurance, ses manières timorées, ses doutes existentiels. Leur premier baiser avait été des plus maladroits, l’ancien inspecteur n’osant prendre pleinement possession de cette bouche ô combien tentatrice, d’une sensualité effrayante pour le jeune homme inexpérimenté qu’il était. Elle avait dû guider ses lèvres, douces et embarrassées, forcer sa langue, incertaine, à rencontrer la sienne et inciter ses mains, réticentes, à effleurer son corps, y faisant naître, contre toute attente, un désir fulgurant qui avait marqué profondément ses chairs et assécher atrocement son cœur… Saeko avait alors connu les plus grands frissons de toute sa vie. Au-delà du plaisir physique insoupçonné révélé dans les bras d’Hideyuki, elle avait découvert la souffrance d’aimer. Souffrance insondable du doute que les sentiments éprouvés, ceux qui privent les nuits de sommeil, qui tordent voluptueusement les entrailles lorsque le visage désiré s’impose malgré tout à l’esprit, qui coupent la respiration pour un simple effleurement de la main et qui amènent aux bafouillages les plus embarrassants juste pour un regard trop appuyé, que ces sentiments là ne soient pas d’une absolue réciprocité. Elle ne saurait expliquer que ce doute se soit si rapidement emparé d’elle. Etait-ce l’attitude de Hide ? Son obstination à la tenir loin de son autre vie, qu’il partageait avec sa sœur ? Ses absences métaphysiques, alors qu’ils venaient de faire l’amour, qu’elle était toute emplie de son odeur à lui, qu’elle lui parlait doucement en lui caressant l’épaule et qu’il ne daignait répondre, absorbé par ses douloureuses pensées ?  

 

Elle s’était donnée à lui, entièrement, sans retenue ni calcul, pour la toute première fois, abandonnant volontairement artifices et minauderies, dévoilant son corps parfait aux assauts pudiques d’un homme empreint d’une délicatesse exacerbée, épanchant son âme, brulante d’amour, confiant ses doutes, ses craintes insensées de petite fille, racontant ses multiples tentatives d’inspirer à son père autre chose qu’une admiration professionnelle, ses espoirs d’être enfin considérée comme sa fille, simplement, une femme pétrie de défauts et assoiffée d’amour paternel. Il avait coulé sur elle des yeux de profonde gratitude, conscient de l’amoureuse confiance qu’elle lui témoignait. Hélas, il n’avait pas y su répondre. Il s’était au contraire renfermé sur lui-même, conservant ses angoisses monstrueuses, refusant de les partager. Alors le doute s’était insinué en elle, doucement, sûrement, insidieusement. Elle avait guetté son regard, tenté d’analyser ses sourires, interprété ses gestes jusque dans la plus sauvage intimité. Rien. Elle n’avait rien vu. Mais le doute n’avait cessé de croître, occupant toutes ses pensées, dénaturant les plus agréables moments qu’ils partageaient, gâchant le plaisir d’être avec lui… L’aimait-il ? Comme elle l’aimait ? Elle avait projeté de le faire souffrir, autant qu’elle souffrait, de se jeter dans les bras de Ryô, se pendre à son cou devant la mine désabusée de Hide. Elle jubilait, rien qu’à cette idée. Mais la crainte de le perdre définitivement l’avait stoppée net dans son délirant projet. Elle n’aurait pas supporté qu’il s’éloignât d’elle, elle préférait se satisfaire de ce qu’il lui octroyait plutôt que de ne rien avoir du tout, devoir renoncer à ses bras, à sa bouche, ses yeux qui se posent sur elle, à son souffle merveilleux dans son cou. Son souffle…  

 

 

Ce doute ne l’avait jamais quittée. Il continuait, malgré le temps qui effiloche toutes les douleurs, à la torturer doucement, à ternir ses jolis yeux, à jeter le voile sur un cœur qui a perdu l’usage de l’amour. Ce doute la taraudait encore et toujours, même s’il s’était adouci, elle n’avait pas eu de réponse, SA réponse… Avait-elle été aimée ? Aussi puissamment que l’ouragan qui l’avait dévastée ?…  

 

Après la mort de Hide, Ryô avait été présent pour elle, l’avait assurée de son amitié sans faille, mais il ne lui avait rien appris sur les sentiments de son ancien partenaire. Peut-être ne savait-il rien, après tout. Peut-être aussi ne souhaitait-il rien dévoiler. Toujours est-il que le nettoyeur avait pris une place des plus importantes dans sa vie, les yeux noirs veillant sans y paraître à ses plus petits bonheurs quotidiens. Ils avaient partagé repas, promenades, cinémas, diners et sorties nocturnes, longues conversations, missions dangereuses aussi, il l’avait maintes fois sortie de situations périlleuses, elle avait toute sa confiance. Ryô avait fait en sorte que Saeko retrouve goût à la vie. Il n’y avait réussi que partiellement et n’était pas dupe du change que lui donnait l’inspectrice. Lors de ces périodes de rapprochement, il avait failli, alors qu’il la raccompagnait chez elle un soir, lui voler un baiser. Elle avait bien senti le désir en lui et son regard affamé et transperçant ne lui avait laissé aucun doute. Mais elle n’était pas prête, prête à s’abandonner dans les bras d’un autre. Un autre que Hide. Ni à entamer une relation compliquée avec le nettoyeur, dont elle devinait les tortures incessantes. Il était alors dans une période délicate, entamant un nouveau partenariat avec la sœur de son ex-acolyte, la sœur de Hide. Malgré tout, Saeko ne pouvait renier l’attirance animale que Ryô exerçait sur elle et, les mois passant, la nécessité crue et lancinante de faire l’amour s’imposait peu à peu à son corps et les désirs obsédants qui la faisaient tressaillir le soir dans son lit n’avaient qu’un visage, celui de Ryô Saeba. Aussi, ce fut elle qui relança entre eux l’éventualité d’une fusion charnelle. Et quelle ne fut pas sa surprise lorsqu’elle réalisa que le nettoyeur ne semblait plus être dans les mêmes dispositions vis-à-vis d’elle, faisant mine d’ignorer ses allusions et ses tentatives de séduction qu’elle jugeait pourtant, à l’époque, irrésistibles. C’est certainement à cette époque qu’elle ouvrit les yeux… Kaori était là. Et lui avait changé !  

 

- Allez, on t’écoute, coupa Mick, exaspéré par la mine songeuse de l’inspectrice.  

 

- Tout d’abord, je ne veux pas que tu t’énerves Ryô, ce que j’ai fait c’est dans l’unique but de glaner des informations, prévint-elle en soutenant le regard noir.  

 

- Explique-toi, répondit Ryô, pressé d’en savoir plus.  

 

- Malgré tout ce qui a pu être dit depuis le début, j’ai mis ta ligne sous écoute et demandé à des professionnels d’analyser les bandes.  

 

Le nettoyeur se crispa mais se retint de toute remarque.  

 

- Il s’avère qu’à chaque coup de téléphone que tu reçois, ce sont les mêmes relais qui sont sollicités, dans le même ordre. Il a beau changé de téléphone pour qu’on ne puisse pas le repérer, on peut malgré tout, a posteriori certes, déterminer approximativement son parcours PENDANT le coup de fil. Mais il s’avère que cela nous éclaire dans le cas présent.  

 

- Intéressant, intervint Ryô. J’imagine que cet imbécile prend toujours le même chemin.  

 

- Exactement, en fait les relais utilisés sont d’abord celui du ministère de la défense, ensuite celui de l’université Senshu et enfin celui de Kitanomarukoen.  

 

Elle suivait du doigt sur la carte chacun des noms cités, formant ainsi un triangle.  

- La zone délimitée est immense, se permit Mick, conscient de ternir l’enthousiasme général.  

 

- C’est déjà ça, répondit le nettoyeur.  

 

- Attendez ! ce n’est pas tout, ajouta Saeko, savourant son effet. Il s’avère, lorsqu’on isole les sons des bandes d’enregistrement, que pendant la dernière partie de la conversation on entend distinctement, derrière la voix du ravisseur, des rires d’enfants, des bruits de fontaine, des chants d’oiseaux…  

 

- Un parc, coupa Ryô, posant ses deux mains sur la table et se penchant sur la carte avec intérêt.  

 

- Et il n’y en a qu’un seul dans la zone, déclama Saeko pointant son doigt sur un rectangle vert sur le plan.  

 

- Le PARC YAZUKUNI… on le tient, interjeta Mick, s’étranglant presque d’euphorie.  

 

- Sache que j’ai fait en sorte que l’on puisse transférer les appels reçus ici, directement sur ton portable. Bien évidemment, la personne au bout du fil ne se rend compte de rien, continua-t-elle.  

 

- Tu as tout prévu, lui sourit Ryô, reconnaissant.  

 

- Il ne faut pas rater notre coup, nous n’aurons pas de seconde chance, se permit Umibozu qui s’était jusqu’alors contenté d’écouter.  

 

- J’irai seul, on ne peut pas se permettre qu’il ressente une présence, je saurai masquer la mienne, décréta Ryô, catégorique.  

 

- Je ne te laisserai pas seul, coupa Mick, la mâchoire crispée. Plus on est nombreux moins on a de risque de le laisser filer… Ce soir, Kaori sera de retour chez elle.  

 

- Je peux t’assurer qu’il ne m’échappera pas, ajouta le nettoyeur sans lâcher l’américain des yeux… Et il nous le faut vivant.  

 

Il fut convenu qu’Umi et Mick attendraient aux portes sud du parc, le ravisseur étant sensé y pénétrer par le nord, ils pourraient communiquer avec Ryô et Saeko par le biais d’une oreillette et d’un micro. Saeko, quant à elle, resterait dans sa voiture, plus loin sur le boulevard, cependant elle serait prête à intervenir rapidement s’il le fallait. Ryô attendrait le fameux coup de téléphone dans le parc. Tel un fauve, il prévoyait de guetter sa proie, les sens en alerte, il la prendrait en chasse, ne la lâcherait pas du regard, la pisterait, l’acculerait et, d’un coup de griffe …  

 

****************************************  

 

Il avait passé l’après-midi à s’entraîner au tir avec les deux yakusas qu’il avait choisis pour la dernière phase de son plan, la plus délicate. Il était nécessaire qu’ils lui fassent une aveugle confiance. Ils allaient devoir lui confier leur vie.  

 

« Leur misérable vie »  

 

Ils avaient admiré, avec une grossière fascination, l’adresse extraordinaire de leur chef qui réussissait, à chaque tir, les plus incroyables prouesses. Keiji avait souri devant les mines béates de ses compagnons. Qu’ils étaient pathétiques ! Impressionnables avec de l’esbroufe ! Il fallait pourtant que ces deux nigauds le croient capable d’abattre Saeba au premier tir, il s’employait donc à leur en mettre plein la vue. Il grimaça, alors qu’il se rapprochait du parc d’un pas nonchalant, si les deux brigands n’assuraient pas le jour J ce serait un vrai carnage, et le nettoyeur pourrait s’en tirer. Ca, c’était inenvisageable. Il devait CREVER ! CREVER dans la plus absolue des douleurs ! Un rictus lui échappa. Il était convaincu que Saeba était d’une autre trempe que les tueurs qu’il avait fréquentés jusque là, il ne serait guère impressionné par une quelconque démonstration de force de son ennemi. Leur face à face promettait d’être sans pitié et bien plus délicat qu’il ne le laissait croire à ses complices. Il savait néanmoins que ses appels excédaient le nettoyeur, le plongeant dans des doutes monstrueux, faisant naître une fureur sans équivalent. Keiji sentit une coupable chaleur l’envahir en imaginant les visions cauchemardesques qui devaient assaillir l’homme qu’il allait bientôt abattre. Toutes ses manipulations odieuses le déstabilisaient en plus de le faire souffrir, c’était là son unique objectif, l’affaiblir avant de l’affronter, le torturer délicieusement avant de mettre fin à son calvaire, le manipuler suffisamment pour l’amener à échouer lors du grand oral.  

 

Mais toutes ces écœurantes conversations, ces vomitives insinuations, les tourments nauséabonds qu’il traversait n’étaient rien à côté de ce que, Lui, avait vécu. A côté de Sa vie en miettes.  

 

« Sa vie » ? Pffff. Un simulacre ! Une succession de jours sans saveur… Des battements froids dans sa poitrine… Une soif de vengeance, seul moteur du quotidien… Plus aucune envie… Le vide…  

 

Les badauds ne prêtaient aucune attention au grand jeune homme qui pénétra dans le parc, les lunettes noires masquant son regard et la casquette vissée sur la tête lui donnaient pourtant une allure particulière, presque inquiétante. Il secoua la tête pour mieux contrôler ses émotions, il n’était guère pressé aujourd’hui de passer son appel quotidien, il avait déambulé dans les rues, se retrouvait face à la fontaine et n’avait pas encore dégainé son téléphone.  

 

Une étrange sensation le saisit soudainement. Il s’arrêta. Un frisson inexplicable parcourut son échine. Une odeur âcre, qu’il connaissait bien, chatouilla ses narines... Le danger. Il serra le ventre, décidé à mettre tous ses sens sur le qui-vive mais ne laissa absolument rien paraître de son trouble et ne risqua pas même un regard sur les promeneurs qui s’éparpillaient un peu partout autour de lui. Malgré tout, il ne ressentait aucune présence ennemie. Ses nerfs lui jouaient-ils un vilain tour ? Il souffla légèrement pour reprendre contenance et avança doucement dans l’allée principale.  

 

 

Tapi dans l’ombre, son téléphone dans une main, Ryô s’impatientait d’entendre la sonnerie libératrice. Et si le transfert d’appels ne fonctionnait pas ? Il fit la grimace, la technologie ne lui faisait jamais de cadeau mais ce serait un manque terrible de veine si aujourd’hui ce satané appareil le lâchait.  

 

 

« Voyons, reprends-toi… encore quelques minutes ».  

 

Il se retourna vers l’entrée du parc et dévisagea avec intérêt les passants qui se pressaient pour profiter de la fraîcheur des arbres en fleur en ce début de soirée et des jets d’eau capricieux qui éclaboussaient par surprise les jambes dodues des enfants. Des éclats de rire s’élevaient de toutes parts et un léger sentiment d’allégresse flottait dans l’air. Le nettoyeur n’en fut pas ému le moins du monde. Sa concentration était telle que les sons et les images parvenaient à son cerveau décortiqués, comme hachés, saccadés, analysés.  

 

Le temps suspendit son vol...  

 

Il était là.  

 

Cette aura si caractéristique. Diffuse. Magnétique. Cette colère… Elle avait changé malgré tout. Ryô fronça les sourcils. Oui. Elle s’était légèrement apaisée, adoucie… Il ne put s’empêcher d’interpréter ce changement et l’image de Kaori s’imposa douloureusement à son esprit… Il se reprit… Où ? Où était-il ? Ses yeux fouillaient les alentours... De légers tremblements d’excitation secouaient ses membres et un grondement sourd envahit ses oreilles. Il caressa son arme avec confiance, flattant du pouce les moindres détails, la roulant dans sa paume avec délectation, reconnaissant avec plaisir les plus petites imperfections, jouant sensuellement avec le chien. Elle se lovait dans sa main comme une amoureuse abandonnée, assurée qu’elle serait manipulée avec respect.  

 

« Toujours rien », dit-il, s’adressant aux oreilles invisibles qui guettaient la moindre nouvelle.  

 

Les yeux, noirs comme la nuit, scrutèrent un à un les visages inconnus qui passaient la grille d’entrée, s’attardant sur une barbe suspecte, sur un homme dans la fleur de l’âge en grande conversation téléphonique, sur cet autre dont on ne pouvait détailler le visage, caché derrière ses lunettes et écrasé par cette casquette. Mais aucun d’eux ne réagit étrangement, aucun ne paraissait inquiet ou seulement tendu. Pour autant, IL était là ! Où ?... Ryô menaça son téléphone du regard. Comme électrisé par la peur, celui-ci se mit à vibrer, à trembler pour échapper à la terrible emprise de son propriétaire.  

 

- Saeba  

 

- Bonsoir, je ne te dérange pas ?  

 

Ryô balaya du regard le parc et fut intrigué par le jeune homme à la casquette qui s’était adossé à un arbre et qui lui tournait le dos. Il put, malgré l’obscurité qui gagnait, apercevoir le téléphone qu’il collait à son oreille. Il maîtrisa tant bien que mal le sentiment de victoire qui lui étreignit le cœur.  

 

- Pas du tout, répondit-il.  

 

- …  

 

- Comment va Kaori ? s’enquit-il avec une intonation légère qui n’échappa pas à Keiji.  

 

- Merveilleusement bien… Elle est radieuse.  

 

- Euh ? On parle de la même ? Interrogea Ryô qui était sorti de sa cachette et s’approchait dangereusement du ravisseur.  

 

Il n’était qu’à quelques dizaines de mètres. « Retourne-toi que je vois ta sale gueule de rat », pensa-t-il en serrant les dents.  

 

- Quoi ? Demanda Keiji, interloqué par le répondant du nettoyeur.  

 

- Parce que radieuse n’est pas tout à fait le terme qui me vient à l’esprit quand je pense à Kaori. On parle bien de Kaori Makimura, n’est ce pas ? Ma partenaire ? Celle qui n’a rien pour inspirer l’amour ? Continua Ryô, certain de sa prochaine victoire.  

 

- … Oui, Saeba, je parle bien de la sœur d’Hideyuki ! … Chacun ses goût ! Je croyais que nous partagions au moins celui-là ! … Il s’arrêta, la tournure de l’échange ne lui plaisait pas.  

 

Ryô contrôla au mieux les émotions qui le submergeaient.  

 

- Alors tu la gardes vraiment auprès de toi juste pour une histoire de promesse faite à ton meilleur ami le soir de sa mort ? S’enquit Keiji, sûr de son effet.  

 

Le japonais sentit ses muscles se bander et une haine viscérale déchira son ventre, le trahissant par la même occasion.  

 

Comment savait-il ?  

 

Keiji, quant à lui, resta pétrifié. Cette odeur qui l’avait agressé en entrant dans le parc, et là La présence, SON aura, tout près de lui. Il dégaina machinalement.  

 

- Où es-tu ?  

 

- Pas loin mon biquet, ne bouge pas ! J’arrive…  

 

Keiji se retourna pour voir la carrure imposante du nettoyeur se détacher des ténèbres qui finissaient d’envahir le parc. La vision était apocalyptique. Ryô marchait calmement dans sa direction, son python dans une main, le téléphone dans l’autre. Il se débarrassa de ce dernier sans sourciller.  

 

Des bruits de pas précipités venant de l’autre côté du parc l’alertèrent également. Certainement les amis de Saeba… Il n’avait nulle part où fuir… Il était fait… COMME UN RAT.  

 

Il lui fallait reprendre ses esprits et trouver une solution. Il ne pouvait pas tout perdre comme ça. Quelle connerie ! Quelle connerie de ne pas avoir pensé à tout ! De trouver à chaque fois refuge dans ce parc !  

 

« Réfléchis, nom de dieu ! » tenta-t-il de se secouer, impressionné malgré lui par la charismatique présence du nettoyeur. Celui-ci ne cessait d’approcher, la haine vissée au regard, tentant en vain de discerner les traits de ce visage qui se dérobait derrière les deux artifices.  

 

Soudain, Keiji roula sur le côté et s’engouffra dans un épais fourré. Ryô accéléra et visa la silhouette athlétique qui tentait de s’échapper par l’allée ouest, il arma le chien de son magnum. Le déclic caractéristique sonna dangereusement aux oreilles du poursuivi. Ce dernier se jeta par terre pour éviter le projectile au moment même où la balle fendait le canon dans un bruit assourdissant. Au sol, il se retourna plus vite que l’éclair et visa à son tour. Surpris par ce geste inattendu, Ryô n’eut que le temps de se dégager pour éviter la balle qui se logea dans le tronc d’arbre à quelques centimètres de son torse.  

 

- Je vais te tuer ! cria-t-il en direction de la casquette qui avait déjà pris la poudre d’escampette.  

 

Mick et Falcon arrivèrent sur les talons de leur ami qui fendait les buissons, tel un brise-glace la banquise, à la poursuite du kidnappeur. Des gouttes de sueur, qui lui parurent glacées, trempaient son T-shirt. Il ne quittait pas des yeux la silhouette fine et gracieuse de son ennemi qui, avec une agilité surprenante, évitait souches, branches et buissons et qui ne faisait qu’accroître l’avance qu’il avait sur lui.  

 

Keiji savait que le nettoyeur était à ses trousses, il lui semblait même sentir son souffle chaud sur ses reins et ses mains puissantes se saisir de ses épaules. Heureusement pour lui, ces mirages n’étaient que de chimériques sensations et lorsqu’il risquait un œil par-dessus son épaule, il mesurait la distance qu’il gagnait sur le japonais.  

 

Légèrement grisé par ce constat, il ne vit pas l’obstacle qui se dressait devant lui, infranchissable, et se heurta à la rambarde de sécurité, stoppé net dans son élan.  

 

Impossible d’aller plus loin.  

 

Sans s’en rendre compte il était sorti du parc et s’était précipité dans la gueule du loup, tout seul, comme un grand. Voilà pourquoi Saeba n’avait pas gâché d’autres munitions, il l’avait acculé ici, avec une honteuse facilité. Il rit de mépris à son égard. Il ne parvenait pas à reprendre ses esprits, fasciné par le ballet incessant des voitures en contrebas. Il tenta d’évaluer la distance. Peine perdue, il serait broyé par la première voiture qui passait et le trafic était dense... Il se retourna…  

 

Trois hommes armés lui faisaient maintenant face, ne lui laissant aucune échappatoire.  

 

- C’est terminé maintenant, lui dit Ryô, savourant ses paroles.  

 

- Je … le pense aussi, balbutia Keiji, dépité.  

 

Le nettoyeur, comprenant l’allusion, voulut se jeter sur le ravisseur mais celui-ci avait déjà sauté par-dessus la rambarde de sécurité, dans un geste désespéré. Les trois amis s’attendirent au choc lourd du corps s’écrasant sur la chaussée, fauché par un véhicule mais c’est un autre bruit, métallique, qui se fit entendre. Ryô, médusé, se pencha. Il vit alors la casquette s’éloigner avec insolence, elle avait trouvé refuge dans un camion benne, chance salutaire, hasard miraculeux. La rage au ventre, le nettoyeur pointa son arme vers l’homme prêt à tout qui rejoignait sa partenaire. Tout son désespoir, son amertume, sa cruelle déconvenue jaillirent du canon. Mais il était écrit qu’en ce jour, keiji était immortel, il évita donc le coup. Cependant, sa joue se déchira sous l’impact de la balle, lui arrachant un cri de douleur qui flatta les oreilles du nettoyeur. Dans le camion, le jeune homme caressa sa pommette et se perdit dans la contemplation du liquide carmin qui maculait sa main.  

 

Saeko avait démarré en trombe et se lança à la poursuite du véhicule, elle avait tout suivi des évènements et la peur serrait sa gorge. Malgré tout, aucun des trois hommes n’eut le moindre espoir qu’elle rattrapât le monstre qui venait de leur échapper avec une veine insolente. L’ennemi avait gagné. Une fois encore.  

 

« La chance a choisi son camp… », murmura Mick, affligé.  

 

Il chercha le regard de ses acolytes mais aucun ne daigna le rassurer.  

 

 

 

***********************************  

 

Elle se promenait seule dans cette cour minuscule et sombre. Pourquoi Keiji n’avait-il pas assuré lui-même cette sortie quotidienne ? Le yakusa qui l’accompagnait ne lui inspirait aucune confiance, elle ne supportait pas le regard perçant qu’il promenait sur elle avec une indécence assumée, s’arrêtant impunément sur les courbes qu’il devinait au travers de son T-shirt. Le sourire écœurant qu’il affichait souleva le cœur de Kaori et elle se cantonna à explorer le fond de la cour, ne s’approchant pas de la porte où l’horrible personnage se tenait, dans une menaçante posture.  

 

- Retourne à ton poste, je m’occupe d’elle.  

 

Keiji venait de pénétrer dans la cour et congédiait son complice. Elle fut presque heureuse de le voir.  

 

- Bonsoir, s’adressa-t-il à elle avec un sourire.  

 

Elle allait lui répondre lorsqu’elle découvrit la fraiche balafre qui déchirait sa joue gauche.  

 

- Que vous est-il arrivé ? lui demanda-t-elle en s’approchant pour mieux apprécier la blessure.  

 

- Je me suis blessé pendant l’entraînement, mentit-il. Une balle perdue… Je suis maladroit.  

 

Elle le regarda, incrédule. C’était peu probable. Il était habile, elle avait pu elle-même le constater le jour de son enlèvement et lors de l’échauffourée au bas de son immeuble. Qui plus est, Keiji affichait un air victorieux qui lui déplaisait fortement. L’idée d’une confrontation avec son partenaire l’effleura, mais nul doute alors que ce serait les bras rassurants de Ryô qui l’auraient accueillie et non la mine albatoresque de son geôlier.  

 

- Je ne vous crois pas, assura-t-elle, les yeux plissés de malice.  

 

- Ca ne m’étonne pas !  

 

Il souriait franchement devant l’air soupçonneux de sa captive, la moue dubitative qu’elle affichait était des plus drôles.  

 

- Y a-t-il eu d’autres blessés ? S’enquit-elle pour se rassurer pleinement.  

 

- Absolument aucun, Kaori… n’ayez crainte, tout le monde en est sorti indemne, dit-il, conscient du trouble qui avait envahi la jeune femme.  

 

Elle en eut la respiration coupée. Elle avait pris cette réponse pour un aveu. Aveu que les deux hommes s’étaient affrontés. Que Ryô n’avait pas gagné. Elle chassa cette idée improbable de son esprit. Les prunelles dorées qui la fixaient lisaient clairement en elle, Kaori ne savait pas dissimuler. Elle se tourna vers lui, mécontente.  

 

- Avez-vous consulté un médecin ? Demanda-t-elle.  

 

- Inutile, tout va bien, répondit-il surpris de cette question.  

 

- Je pense que vous devriez, vous faites peur à voir.  

 

- Peu importe, sourit-il, je n’ai pas l’intention de sortir ce soir.  

 

- Keiji, ne faites pas l’enfant ! se fâcha-t-elle sans même comprendre pourquoi. Cette blessure nécessite des points de suture.  

 

Il la dévisagea avec incompréhension… Peut-être avait-elle raison.  

 

- Je le ferai tout à l’heure, dit-il dans l’espoir d’apaiser la jeune femme.  

 

- Vous ne semblez pas sincère. Promettez-le-moi ! Insista-t-elle en le fixant.  

 

- Oui, c’est promis.  

 

Il resta songeur quelques minutes alors qu’elle l’observait à la dérobée, admirant ses traits préoccupés. Il était adossé au mur et ses yeux reflétaient une profonde tristesse.  

 

- A quoi pensez-vous ? S’enquit-elle, intriguée.  

 

- A vrai dire, vous me faites penser à quelqu’un, avoua-t-il malgré lui… Votre insistance à vouloir me soigner. Ces intonations dans votre voix…  

 

- A qui ? Demanda-t-elle, piquée par la curiosité.  

 

- Hana, dit-il dans un murmure.  

 

Ce prénom lui déchira les tympans et fit naître en lui une douleur sans fond. Kaori comprit immédiatement que la soudaine haine de son interlocuteur n’était destinée qu’à lui. A cet instant. Il se haïssait.  

 

- Hana ? Répéta la nettoyeuse en écho.  

 

Il posa les yeux sur sa délicieuse captive. Elle ne ressemblait pas le moins du monde à Hana. Non, pas physiquement. Mais elle avait la même bonté d’âme. Il eut l’esquisse d’un sourire. En quelques secondes, Kaori venait de faire voler en éclat sa plus terrible résolution : ne plus jamais penser à Hana. Comment, d’ailleurs, avait-il osé prononcer son prénom ? Après ce qu’elle avait enduré, par sa faute !  

 

- Qui est Hana ? Eut-elle le courage de demander.  

 

Aucune réponse ne sortit de la bouche de Keiji qui restait complètement perdu dans ses souvenirs.  

 

- Est-ce la femme dont vous êtes amoureux ? … Keiji ?...  

 

Les yeux du jeune homme se mirent à pétiller lorsqu’ils se reposèrent doucement sur leurs homologues féminins et un sourire illumina son visage, oubliant un instant les douloureuses réminiscences. Elle était décidément merveilleuse. Sa candeur était touchante, presque bouleversante.  

 

- Non, Kaori… Hana était ma sœur.  

 

- ….. Etait ? S’obstina-t-elle, approfondissant encore la douleur de Keiji.  

 

- Oui… Etait… Elle est morte... Il y a de nombreuses années…  

 

- Je suis désolée Keiji. Vraiment.  

 

- Vous n’y êtes pour rien.  

 

- Que lui est-il arrivé ?  

 

Il hésita.  

 

- Elle a été…  

 

Les détails sordides assaillirent sa mémoire. Le calvaire de sa sœur adorée, insupportable à imaginer, lui tordit la face et la nettoyeuse put y lire toute l’horreur des supplices qu’avait endurés Hana. Il se colla un peu plus au mur, ne cherchant pas pour autant à dissimuler l’intense chagrin qui secouait tout son corps.  

 

- Massacrée…, lâcha-t-il avec difficulté.  

 

- … Oh ! Keiji. C’est terrible… Qui ?...  

 

Mais elle se reprit rapidement, décidée à mettre un terme à son indécent interrogatoire.  

 

- Je vous comprends, vous savez, je sais à quel point…  

 

Elle ne termina pas sa phrase. Lentement, mais résolument, elle s’avançait vers l’homme qui la gardait prisonnière, portée par le réconfort qu’elle souhaitait lui apporté. Consciente de la torture qu’il acceptait pour satisfaire sa curiosité. Elle s’en voulait terriblement de le supplicier ainsi. Adossé au mur, les mains calées dans son dos, il avait suivi avec une certaine confusion l’approche de la jeune femme. Sa démarche féline et franche l’intimida légèrement, elle était maintenant tout contre lui. Dans un élan de tendresse, elle tendit sa main et la posa délicatement sur la joue déchirée. Il ferma les yeux et s’abandonna quelques instants à cette douce étreinte, acceptant la consolante chaleur qu’elle lui offrait. Puis il les rouvrit pour les planter dans le regard noisette qui le caressait avec bienveillance. La lueur intense qui y dansait fit trembler les jambes de la nettoyeuse. Sans baisser les yeux, Keiji se saisit doucement de la paume qui lui brulait la joue et, avec une lascive provocation, déposa un baiser incandescent à la naissance du poignet, obéissant au désir lancinant qui le taraudait depuis des jours.  

 

Kaori crut s’évanouir sous le choc. Elle s’empourpra. Son cœur résonna dans tout son être et l’air eut du mal à trouver son chemin dans sa gorge. Malgré elle, elle sentit son ventre se contracter. Ses yeux s’abandonnaient toujours au regard de braise qui ne les lâchaient pas et elle se sentit incapable d’échapper à cette moite douceur qui parcourait son poignet et qui faisait naître de merveilleux frissons dans tout son bras. Elle aurait voulu se soustraire à ce baiser mais n’en avait pas la force, ni même la volonté, les sensations, délicieuses, qui se propageaient dans son corps, l’obligeaient même à inciter Keiji à remonter le long de son bras. Que lui arrivait-il ? Elle arracha ses yeux du regard en feu qui la sondait pour s’attarder sur les lèvres moelleuses qui dévoraient sa paume, ses doigts et qui remontaient dangereusement, obéissant à la muette requête de leur propriétaire. Elle était comme hypnotisée par le spectacle de cette bouche. Sa bouche…  

 

 


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