Hojo Fan City

 

 

 

Data File

Rated R - Prose

 

Auteur: patatra

Status: En cours

Série: City Hunter

 

Total: 23 chapitres

Publiée: 02-03-11

Mise à jour: 19-07-22

 

Commentaires: 159 reviews

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GeneralDrame

 

Résumé: City Hunter n’existe plus. Après avoir accepté une mission, Kaori rencontre un homme qui veut détruire City Hunter et qui y réussit. Qui est cet homme ? Que veut-il à Ryo ? Comment réagit Kaori ? Pourquoi Ryo perd-il son ange ?

 

Disclaimer: Les personnages de "Le vent", excepté celui de Keiji, sont la propriété exclusive de Tsukasa Hojo. Le personnage de Keiji m'appartient exclusivement.

 

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   Fanfiction :: Le vent

 

Chapitre 17 :: Compliqué

Publiée: 13-02-12 - Mise à jour: 14-02-12

Commentaires: Bonjour. Ca faisait longtemps que je n'avait rien posté sur le vent et je reviens donc à mes premières amours. Un peu plus de grisaille... LOL. Et petit à petit je m'approche de la fin. Bon encore 6 chapitres je pense mais ça vient quand même^^. Nous sommes maintenant de retour avec Kaori et Ryô. Je ne dis rien de plus car je ne voudrais pas dévoiler ce qui va se passer. Bonne lecture à tous. A bientôt.

 


Chapitre: 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23


 

Elle avait donné à son corps l’impulsion de la vie, poussé très fort sur ses jambes, jusqu’au déséquilibre. Ses mains liées avaient fragilisé l’essor libérateur, mais elle n’en avait eu cure, et s’était jeté dans la bataille contre la peur, avait refusé de se noyer dans l’angoisse légitime que la perspective de la mort faisait naître chez tous ceux qui s’y trouvaient confronter. Oh ! Elle n’y avait pas totalement échappé, non. Les bulles luminescentes qui conquéraient son champ de vision, l’impression, étrange et nébuleuse, de se trouver hors du temps, hors de son corps et les milliers de fourmis qui avaient envahi ses membres en étaient les preuves les plus tangibles. Mais sa conviction de s’en sortir n’avait pas faibli. Elle avait refusé les doutes monstrueux, refusé de croire ce que ses yeux voyaient. Cette image insensée. Ce choix impossible. Le corps tant aimé qui s’était tourné vers leur cliente, la balle qu’elle avait même cru voir fuser du canon. Abandon monumental. Incroyable.  

 

Non, elle n’y crut pas. Pas un seul instant.  

 

Le cri était sorti sans qu’elle ne le maîtrise, s’engouffrant hors de sa bouche de son propre chef, prenant vie dans ses poumons, son dans ses cordes vocales, remontant dans sa gorge et forçant le passage de ses dents. Il avait muté en hurlement au contact de l’air, avait obligé tout le corps à se soulever avec lui, à lutter contre le garde qui le maintenait. Et alors que ses tympans explosaient dans l’incompréhension la plus totale, il y eut cette sensation étrange de pluie qui s’abat sur elle, pluie chaude et tropicale, aveuglante, transperçant tout à son contact. Une pluie acide ? Métallique à n’en pas douter vu son odeur, l’épaisseur rance de ses gouttes qui l’aspergèrent totalement, brouillant sa vue, collant ses cheveux, coulant grassement sur ses joues. Et cette caresse morbide qui l’enveloppa toute entière, le glissement de ces bras qui quittèrent son cou, tombèrent le long de son buste, frôlant ses cuisses, pour s’effacer sur ses genoux.  

 

Qu’il est étrange de vivre des moments d’une telle intensité sans avoir l’impression d’être dans les évènements, comme spectateur d’un divertissement totalement extérieur à soi. Et cette impulsion incroyable ! Qui la projetait vers Ryô. Sursaut de vie ? Confiance absolue en son sauveur ? Pulsion des sentiments qui pousse à rendre le dernier soupir dans les bras de celui qu’on aime ? Kaori se moqua bien des réponses à ces questions, elle agissait sans comprendre, sans réaliser. Ses jambes la portèrent vers lui, il lui sembla même qu’elle volait vers lui. Le cri n’avait pas cessé, toujours réactivé par la crainte honteuse qu’elle ressentait pour cet autre qui était derrière elle et dont elle ne percevait pas les actes.  

 

Non, seul son partenaire emplissait ses yeux.  

 

Ce dernier ne la lâchait pas du regard non plus, et son visage trahissait l’émotion intense, le trouble dérangeant qui étaient les siens et qu’elle ne sut interpréter. Les mouvements du nettoyeur lui parurent saccadés, ralentis par la perception faussée du temps qui s’écoule par à-coups. C’est alors qu’enferrée dans l’étau d’un désespoir sans nom, elle vit le magnum changer de direction, de cible, et le doigt se crisper sur la gâchette. Elle précipita son corps vers Ryô, perturbant volontairement tous les acteurs du drame, souhaitant s’interposer. Mais il était trop tard. Le bruit de la détonation couvrit le hurlement insupportable qui raclait toujours sa gorge.  

 

- NONNNN !!!!  

 

Etrangement, le coup de feu coula une chape de plomb sur tout le hangar. Kaori avait stoppé net son élan à tout au plus un mètre de Ryô, les yeux perdus dans le regard de celui qui avait représenté toute sa vie jusqu’à peu. Lui aussi semblait statufié devant le spectacle atroce de son ange ainsi barbouillée, se désintéressant de tout le reste. Accessoire. Il amorça un geste dans sa direction mais une voix féminine, emprunte de désespoir, le sortit de sa contemplation et l’accapara :  

 

- Monsieur Saeba, s’écria Chizu, alors qu’elle s’écrasait dans les bras de son sauveur.  

 

Il reçut le paquet et étreignit la jeune femme qui s’écroula en larmes, en sécurité contre son torse solide. Kaori n’avait pas bougé d’un millimètre. Elle sourit timidement devant le couple enlacé et ignora les yeux noirs qui ne la quittaient pas et qui guettaient une réaction. Celle-ci ne tarda pas d’ailleurs, Kaori refusant de résister à la vague déferlante, tsunami dévastateur qui s’abattit sur elle. Et dans un hoquet, elle explosa. Soubresaut qui souleva tout son corps, une nausée vertigineuse dans l’estomac. Les larmes coulèrent sur ses joues et le chagrin muta en souffrance, étranglant les sanglots dans sa gorge, déversant des torrents sur ses joues poisseuses.  

 

- KAORI !  

 

- … Mick… Gémit-elle, en se retournant vers celui qui accourait pour la consoler.  

 

L’américain prit à peine le temps de considérer son ami qui soutenait la cliente éplorée et les cadavres gisant sur le sol. Il ne voyait que Kaori. Sa Kaori. Dans un état épouvantable. Il hésita un instant tant l’aspect sanguinolent de son amie était terrifiant, mais il comprit vite que l’hémoglobine qui la salissait, détrempant ses habits, défigurant l’exquis visage, n’était pas la sienne. Non, elle ne semblait pas même blessée. Il soupira de soulagement lorsqu’il l’attrapa, ouvrant ses bras pour lui offrir le réconfort tant attendu. Puis il la berça doucement, plongeant son front dans la chevelure carmine, acceptant le contact morbide des fluides encore chauds.  

 

- C’est fini Kaori, murmura-t-il à son oreille alors qu’elle laissait toute la douleur s’épandre en elle, son chagrin ne cessant de croître  

 

Et elle abandonna là, dans les bras consolateurs, la souffrance qu’elle ne pouvait partager.  

 

Mick releva son regard azur et croisa les prunelles embrumées du nettoyeur. Ce dernier assistait, impuissant, au premier échange de son ange depuis sa libération. Et il y était étranger. Simple spectateur de la complicité qui unissait son ancien associé et sa partenaire, et qu’il acceptait avec jalousie.  

 

Les deux hommes se toisèrent quelques instants, affichant la sourde rivalité qui les opposait depuis si longtemps et qu’ils prenaient soin de museler au quotidien. Pourquoi remontait-elle à la surface dans de tels moments ? Instinctivement, l’américain resserra un peu plus son étreinte sur la nettoyeuse, la lovant davantage contre son épaule.  

 

- Ca va aller ma douce…, lui murmura-t-il afin de calmer les sanglots incontrôlables.  

 

Ce fut le moment que choisit Saeko pour intervenir, troublant le tableau qui la mettait mal à l’aise et qu’elle observait depuis quelques instants déjà.  

 

- Lequel est-ce ? S’enquit-elle en désignant les hommes qui gisaient sur le sol.  

 

- … Aucun des deux, répondit Ryô… Il s’est sauvé… Par l’autre porte…  

 

Il avait annoncé la nouvelle d’un ton neutre. Pourtant la chance insolente de l’ennemi le mettait dans une rage folle, l’insupportait au plus haut point. Intérieurement, Ryô éructait contre lui-même, s’admonestait avec fureur et intransigeance. L’autre s’était carapaté. Comme un nuisible fuyant devant le danger. Lâcheté écœurante… mais guère surprenante.  

 

« Raté »  

 

Il l’avait simplement raté. La balle s’était logée dans le mur, elle ne l’avait même pas effleuré. Comment était-ce possible ? Il l’avait tenu au bout de son magnum. Il n’avait eu qu’à presser la détente. Exploser la bouche qui avait vomi sur elle ! Qui l’avait souillée…  

 

Il la considéra à nouveau. Etrangement les gémissements s’étaient tus, elle semblait s’être quelque peu calmée, toujours cachée dans le cou de Mick. Les yeux du nettoyeur s’attardèrent avec horreur sur les coulées épaisses, visqueuses et maintenant noires, qui maculaient ses cheveux, sa tunique. Oui, elle était couverte de sang.  

 

La culpabilité atroce de l’avoir abandonnée à l’autre lors de l’affrontement transparaissait dans l’aspect moribond de son ange. Les stigmates carmins qui la recouvraient étaient hautement symboliques, ils dessinaient sur le corps adoré les ombres de la trahison. De sa trahison.  

 

A lui.  

 

 

La balle, en fracassant la tête par l’arrière, était ressortie en arrachant une partie du front, déversant ainsi le contenu de la boîte crânienne sur l’otage. Douche répugnante…  

 

Il avisa Chizu qui ne décollait pas de ses bras. Elle était indemne, merveilleusement indemne, pas une goutte de sang n’avait tâché le tee-shirt blanc qu’elle portait. Son garde avait pourtant subi le même sort que l’autre. Enfin non. Pas tout à fait. Le tireur était placé différemment.  

 

- Occupe-toi d’elle, dit-il en s’adressant à l’inspectrice. J’ai quelqu’un à voir.  

 

L’institutrice échoua dans les bras de Saeko qui lui sourit avec douceur et la libéra de ses liens. Elle l’entraina ensuite dehors, souhaitant revigorer la jeune cliente de City Hunter qui était d’une pâleur inquiétante. Mick libéra à son tour la nettoyeuse qui s’agrippa à son bras et le suivit à l’extérieur. La lumière naturelle sur son visage l’incommoda fortement, tout comme les regards de ses amis. Regards effrayés devant la mine écarlate ! Aussi l’américain entreprit de la débarbouiller du mieux qu’il put, mais son mouchoir fut vite détrempé et il dut renoncer à la nettoyer totalement. Il profita toutefois du rapprochement pour caresser doucement la joue de Kaori et planta ses iris indigo dans les yeux fuyants de son amie.  

 

- Est-ce que ça va ? Kao… Dis-moi que tout va bien.  

 

Elle comprit aux intonations inquiètes qu’il appréhendait sa réponse.  

 

- Oui Mick. Je vais bien, ne t’en fais pas, le rassura-t-elle en forçant son sourire.  

 

 

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A la vue du yakuza étendu sur le sol il grimaça. Il s’en approcha doucement. Puis s’agenouilla. Fit rouler le corps saucissonné pour voir le visage. Et observa le trou entre les deux yeux. Il fronça les sourcils, se leva, et ressortit du hangar.  

 

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- Ryô, les renforts vont arriver, il faut que vous partiez, on ne doit pas vous trouver là !  

 

- Tu as raison, on y va…  

 

- Monsieur Saeba ! Intervint Chizu en s’agrippant à lui. Emmenez-moi avec vous… S’il vous plait…  

 

Elle semblait encore perdue mais son visage avait retrouvé de sa sérénité. Pourtant la perspective de s’éloigner de son sauveur la plongeait dans une angoisse douloureuse.  

Ryô échangea un regard avec Saeko.  

 

- Je me débrouille avec mes collègues. Emmène-la chez le doc s’il te plait. Je vous rejoins dès que j’en ai fini ici.  

 

Le nettoyeur acquiesça et ouvrit la portière de la mini.  

 

- Mick, Chizu, ordonna-t-il d’une voix sans appel.  

 

Quand les deux furent installés à l’arrière, il s’avança vers Kaori et lui saisit doucement la main.  

 

- Viens.  

 

Elle se laissa emmener sans lever les yeux et s’installa sur le siège passager. La voiture démarra et les emmena loin du lieu de cauchemar. La nettoyeuse jeta un dernier regard sur l’entrepôt et contrôla le spasme qui traversa son ventre.  

 

C’était fini.  

 

La voiture roulait et seul le silence régnait dans l’habitacle. Chizu, collée contre Mick Angel, se remémorait les moments tragiques qu’elle venait de vivre, la vérité lui sembla insaisissable, quelque chose lui échappait. Mais elle n’avait pas rêvé : contre toute attente, City Hunter avait choisi de la sauver. Elle. Et Kaori ne devait son salut qu’à cet homme étrange qui les avait enlevées, qui portait toujours lunettes et casquette et qui lui avait paru si dangereux. Il avait abattu lui même un de ses complices. Celui qui menaçait Kaori. Impensable ! Impensable ! Elle avisa la nettoyeuse, recroquevillée sur elle-même, barbouillée du sang de son garde, les yeux perdus dans ses pensées. Se pouvait-il que celle en qui elle avait toujours eu confiance eût connu leur geôlier … autrement ? Elle secoua la tête… Non, c’était impossible ! Inimaginable !… Mais une chose était sûre.  

 

IL l’avait sauvée.  

 

La mini stoppa à un feu. Ryô soupira bruyamment et, hésitant, posa sa main sur celle de Kaori. Cette dernière se retourna vers lui, se retrouva face au profil inexpressif de son partenaire avant que celui-ci ne tournât également la tête vers elle.  

 

- Je vais le retrouver Kaori… Je te promets… Le retrouver et le tuer…  

 

Elle déglutit à l’écoute des paroles prononcées avec solennité. Et se mordit les lèvres.  

 

- Est-ce que tu sais comment il s’appelle ? As-tu un nom ? Un prénom ? Quelque chose pour nous mettre sur sa piste ?  

 

Les yeux de Kaori s’embuèrent de larmes alors que Ryô la fixait avec insistance. Ces instants de contemplation parurent une éternité à la jeune femme en proie au doute, à l’hésitation. Honteuse. Puis elle hocha négativement la tête, doucement :  

 

- Non, murmura-t-elle. Je ne sais pas. Je suis désolée, je n’ai rien pour t’aider. Nous nous sommes à peine parlé lui et moi… Je suis désolée Ryô. Tellement désolée…  

 

 

Il acquiesça doucement, défit son étreinte de la main de sa partenaire et accéléra. Cela faisait beaucoup de « désolée ».  

 

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Kazue crut défaillir en voyant arriver tous ses amis. Ou plutôt fut-ce l’aspect de Mick qui l’impressionna plus que tout… Le sang qui recouvrait Kaori avait tâché sa chemise et maculait son cou, ce qui pouvait prêter à confusion quant à une éventuelle blessure. Elle courut vers eux… Non… accourut vers lui. Il leva la main en barrière, ce qui eut pour effet de stopper net l’élan d’inquiétude tout en lui intimant l’ordre de ne pas s’approcher de lui :  

 

- Occupe-toi de Chizu et de Kaori… Moi je n’ai rien, ne t’en fais pas !  

 

Elle eut quelques instants d’hésitation, puis se trouva stupide ; cette crainte pour son amour alors qu’il était évident qu’il n’était pas blessé, cela se voyait facilement, surtout pour une infirmière aguerrie comme elle l’était. Mais la crainte de le perdre, quelle qu’en soit la cause d’ailleurs, au sens propre comme au figuré, la tenaillait toujours plus ou moins ; et ces derniers temps n’étaient pas des plus sereins pour leur couple, elle devait en convenir. C’était certainement pour ça… Oui, certainement pour ça qu’elle faisait tout de travers… Cependant, elle soupira de soulagement, imaginant la tempête éloignée : son homme était indemne, il semblait préoccupé, certes, mais il était indemne. Elle se retourna alors vers la nettoyeuse et la cliente de City Hunter et un sourire lumineux gagna son visage alors que ses yeux se voilèrent de larmes de joie.  

 

- Kaori ! S’étrangla-t-elle en constatant seulement à ce moment que son amie était couverte de sang.  

 

Elle eut honte. Terriblement…  

 

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Les deux jeunes femmes étaient maintenant aux mains des soignants qui les avaient emmenées dans des salles d’observation pour y être examinées. Les deux anciens acolytes se retrouvèrent donc seuls, l’un contemplant un néon clignotant, lumière agressive, artificielle et inquiétante, l’autre jouant mécaniquement avec son briquet, allumant et éteignant la flamme, y confrontant son doigt déganté. Jeu ridicule, surtout pour lui, et qui acheva d’échauffer les nerfs de son compagnon.  

 

- Arrête ça, tu veux !  

 

Mick releva la tête vers le nettoyeur, puis posa la question qui lui brulait les lèvres depuis qu’ils étaient à la clinique.  

 

- Qu’est-ce qui s’est passé ?... Dans le hangar, qu’est-ce qui s’est passé Ryô ?  

 

Le japonais fixa un long moment son complice de débauche avant de s’autoriser à parler.  

 

- C’est compliqué. Je me suis planté en beauté !  

 

L’américain fronça les sourcils, il ne comprenait pas tout.  

 

- Comment ça ?  

 

Ryô s’affranchit du regard de son ami en se levant brusquement, puis il s’approcha d’une fenêtre, désireux de s’offrir une vue sur l’extérieur, faisant mine d’y chercher l’inspiration. Mick se leva aussi et suivit son ancien partenaire.  

 

Au même moment, Miki, Saeko et Falcon rentaient dans la clinique, soulagés de l’épilogue mais relativement inquiets des circonstances de la libération. Bien sûr, les deux plus grands nettoyeurs du monde ressentirent la fébrile arrivée mais n’y prêtèrent délibérément pas attention, l’heure était aux explications et le blond voulait savoir. Absolument.  

 

- Je n’ai pas été à la hauteur. Je n’ai pas eu le choix. Je voulais que tout le monde survive Mick, continua-t-il en se tournant de nouveau vers son meilleur ami. Et comme je ne pouvais pas les sauver toutes les deux, j’ai du faire un choix.  

 

- Voyons, sourit Mick, tu les as sauvées toutes les deux… Elles vont bien Ryô, toutes les deux sont saines et sauves.  

 

Ryô nia les faits. Secoua négativement la tête.  

 

- Non Mick ! Je ne les ai pas sauvées toutes les deux. J’ai sauvé Chizu.  

 

Le blond américain scruta les traits tourmentés qui lui faisaient face... Il savait. Bien sûr qu’il savait ! Il avait su dès qu’il avait pénétré dans l’entrepôt. Dès qu’elle lui était apparue, dès qu’il avait croisé le regard noir dont il connaissait si bien les moindres expressions, y compris celle qu’il y avait lue à ce moment là. Oui, aussitôt, les doutes l’avaient assailli, Ryô avait failli quelque part. Mais où ?  

 

- Et Kaori ? Demanda-t-il tout en connaissant la réponse.  

 

- LUI, prononça difficilement le brun. Chacune était aux mains d’un yakusa, un revolver sur la tempe, je ne pouvais pas les atteindre tous les deux en même temps, et lui était là, observait, je devais décider d’en sauver une… J’espérais bien qu’il sauve Kaori.  

 

L’air gela dans la trachée américaine et les yeux bleus azur virèrent au marine alors que la situation revêtait enfin dans son esprit les traits de la réalité : la femme qu’il chérissait le plus au monde ne devait la vie qu’à un misérable criminel dont elle était vraisemblablement devenue la chose.  

 

Comment avait-il pu ?  

 

Un grondement sourd vrilla les tympans malheureux de la révélation. Mick trembla de tous ses membres alors que l’homme qu’il admirait le plus au monde le fixait en assumant.  

 

Comment avait-il pu ?  

 

Et comment pouvait-il, là encore, endosser sa minable responsabilité, en le toisant avec cet air supérieur dont il ne savait se déparer ?  

 

Le nettoyeur sut très bien ce qui allait suivre ses aveux d’abandon et il attendit avec quelque impatience que l’ire se déchaine dans les poings impulsifs, poings auxquels il avait gouté plus que de raison par le passé. Un revers magistral lui décolla alors les pieds du sol et il s’écrasa lamentablement contre le mur.  

 

- C’est LUI qui a tué celui qui menaçait Kaori, c’est ça Ryô ? J’ai bien compris ? Demanda Mick, fou de rage.  

 

Ryô acquiesça tout en essuyant le sang qui envahissait sa bouche et qui coulait de ses commissures.  

 

- Est-ce que tu étais sûr qu’il agirait ainsi ? Etais-tu certain qu’elle serait sauvée ? Hurla-t-il.  

 

- Non, dut admettre le brun, douloureusement.  

 

La bouffée de haine qui envahit l’homme encore debout lui donna des envies de meurtre. Aussi, les bras qui entravèrent l’élan de la colère, le contraignant à abandonner sa hargne dans un cri, à se débattre dans l’étau indestructible du géant, furent loués par les spectatrices impressionnées. Oui, Saeko et Miki remercièrent muettement Falcon de son intervention in-extremis.  

 

- J’aurais préféré mourir Ryô ! A ta place, j’aurais préféré mourir que de laisser à un autre le soin de la sauver ! Sais-tu ce que cela signifie ? Cracha-t-il. En as-tu seulement conscience ?  

 

- CALME-TOI ! Gronda l’homme qui le serrait avec une poigne de fer. Ryô a agi du mieux qu’il pouvait. Kaori va bien ! Chizu va bien !... Ryô va bien ! Réfléchis un peu Mick !  

 

- Qu’est-ce qui se passe ? S’enquit Kazue qui arrivait précipitamment, alertée par les cris, suivie de près par le Doc, légèrement essoufflé par l’effort. Qu’est-ce que c’est que ces hurlements ?  

 

L’immixtion de l’infirmière coupa court aux tensions dans l’instant, et toutes les attentions se focalisèrent sur elle, toutes les sollicitudes aussi. Oui car d’aucun ignorait que l’emballement de Mick était dicté par le plus incontrôlable des sentiments, cette folie douce dont ils croyaient naïvement qu’il était guéri. Fallait-il croire que non ? L’ancien nettoyeur sentit toutes ses ardeurs se briser net lorsque le doux regard glissa sur lui, lui rappelant subséquemment qu’une autre que celle qui habitait ses pensées se donnait à lui dès qu’il en manifestait le désir, qu’elle ne vivait que dans l’attente qu’il lui accordât autre chose que la faveur de son ventre. C’était compliqué. Très compliqué. Il tenait à elle, ne pouvait nier cette évidence… Mais Kaori… La brume épaisse qui recouvrait maintenant la soie des cils de Kazue fit mal à en crever à l’américain. Elle se doutait certainement que la rixe qu’elle venait d’interrompre concernait cette autre. Cette rivale qu’elle ne pouvait haïr. Celle qui considérait son aimé comme son meilleur ami, et rien d’autre, celle qui ne cherchait jamais qu’à les rapprocher davantage. C’était compliqué. Très compliqué. Pour autant, Mick chassa ses doutes, il saurait s’occuper de sa femme plus tard. L’urgence était ailleurs.  

 

Umi avait libéré le pantin qu’il tenait dans les bras et dont il devina qu’il n’y avait plus rien à craindre. Quant à Miki et Saeko, statufiées par la récente scène, par les non-dits effrayants que toutes ces révélations engendraient, elles ne surent quoi répondre, quoi dire.  

 

- Comment vont-elles ? S’enquit Ryô, créant une diversion satisfaisante.  

 

- Elles vont très bien, rassura le Doc d’emblée. Elles sont toutes les deux en parfaite santé, n’ont subi aucun sévice de quelque nature que ce soit. Là-dessus, je suis tout à fait satisfait des résultats… Il en va évidemment autrement de l’impact psychologique. Et…  

 

Il s’interrompit, conscient des paires d’yeux qui clignaient en rythme et qui le scrutaient avidement. Il ne put alors s’empêcher une petite digression.  

 

- Je ne suis guère surpris que cette charmante cliente aux formes appétissantes et généreuses soit à ce point bouleversée. D’ailleurs chère incarnation de moi, je pense que tu vas pouvoir conclure. Hé hé, elle ne fait que parler de toi. « Monsieur Saeba » par ci, « Monsieur Saeba » par là. Hum, tu vas te régaler. Je ne sais pas ce que tu lui as fait mais…, déclama-t-il en se frottant les mains, l’œil illuminé de lubricité.  

 

- DOC ! Râlèrent-ils tous.  

 

- Hum hum, oui pardon… Je disais donc que je ne suis pas étonné. Elle est traumatisée par l’expérience : la captivité, sa dernière heure qu’elle a crue arrivée, ce sauvetage inespéré, dit-il en fixant son baby face.  

 

- Et Kaori ? Demanda Miki.  

 

- Elle aussi est en état de choc… Enfin, elle tente de faire bonne figure évidemment, mais on ne me la fait pas à moi.  

 

Un silence embarrassant s’installa.  

- Je veux la voir, coupa Ryô en se dirigeant vers les chambres.  

 

- Attends, s’interposa le médecin. Attends un peu… Elle prend une douche, laisse la seule un moment. Va voir Chizu plutôt, elle est la mieux disposée actuellement. Et elle sera ravie de voir son sauveur !  

 

Ryô ne répondit pas à l’allusion dissimulée derrière la remarque légère, mais s’adressa à l’infirmière :  

 

- Emmène-moi auprès de Chizu.  

 

***************************************
 

 

- Je peux entrer ? Demanda le nettoyeur en passant sa tête dans l’entrebâillement de la porte.  

 

- Evidemment, répondit la pulpeuse brune toute au bonheur de le retrouver.  

 

Elle se leva dans la foulée et vint se jeter dans les bras musculeux, appréciant la puissance inébranlable de son garde du corps, puis elle se nicha dans son cou.  

 

- Mille mercis monsieur Saeba. Mille mercis, murmura-t-elle avec reconnaissance.  

 

- Voyons, il n’y a là rien d’extraordinaire, la calma-t-il en caressant la chevelure épaisse.  

 

Elle sourit doucement dans le creux de l’épaule. Qu’il avait changé en ces quelques jours ! L’obsédé qu’il était avant l’enlèvement se serait fait un devoir de profiter d’une telle situation, de tout faire pour qu’elle capitule, qu’elle lui appartienne. Et là, il aurait été si facile de parvenir à ses fins. Fallait-il que les circonstances soient graves pour qu’il abandonne ainsi le masque qu’il s’était forgé ?  

 

- Comment puis-je vous aider ? Demanda-t-elle sérieusement en s’éloignant suffisamment de lui pour le regarder dans les yeux, ayant deviné la requête.  

 

- Dites-moi tout ! Je veux tout savoir… Même ce qui vous apparait n’être qu’un détail inutile ! Je veux tout savoir de ce que vous avez vécu en huit jours.  

 

Elle expira bruyamment puis alla s’asseoir. Il la rejoignit sur le lit, conscient de ne pas lui laisser de répit, mais que pouvait-il faire d’autre ? Pour une raison inexplicable, ou qu’il refusait d’envisager, il ressentait l’urgence de savoir, de comprendre, de deviner, certainement était-elle initiée cette urgence par le besoin viscéral de rattraper la casquette, la rattraper et l’occire. Oh oui ! L’arracher du monde des vivants ! Anciennes étaient les fois où il avait pris plaisir à tuer, cela remontait à la période d’avant Kaori et sa mémoire refusait d’ailleurs de revisiter les nimbes sombres du passé révolu, mais aujourd’hui son instinct réclamait de nouveau le sang de l’ennemi, il réclamait sa mort !  

 

Sous le regard affuté du grand Saeba, Chizu Makame commença à relater tous les évènements de sa captivité en tentant de ne rien omettre, bien consciente des attentes de son sauveur.  

 

De leurs côtés, Saeko et Mick, adossés contre le mur de la chambre, ne perdirent rien du récit détaillé. Ils grimacèrent à certains moments, vibrèrent à d’autres, s’engouffrèrent souvent dans la colère et, finalement, louèrent l’incroyable sang-froid de Ryô pendant le duel.  

 

 

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- Est-ce que je peux la voir ? Demanda impatiemment Ryô pour la dixième fois au Doc.  

 

- Je suis désolé, elle est encore sous la douche.  

 

Le nettoyeur souffla d’exaspération. Deux heures de douche ! Etait-ce possible ?  

 

- J’ai quelques informations, annonça Saeko en arrivant à son tour dans la salle d’attente, attirant sur elle tous les regards. On en sait un peu plus sur les vingt-quatre morts retrouvés dans et autour de l’entrepôt… quatorze sont de ton fait Ryô, les autres ont été abattus par on ne sait qui.  

 

- Tu veux dire qu’ils ont été mis à mort? Questionna Falcon.  

 

- Oui c’est clair. La plupart étaient blessés et ils ont été achevés d’une balle dans la tête.  

 

- Il ne voulait personne derrière lui, réalisa Miki d’une voix d’outre-tombe. Personne qui puisse nous donner un quelconque indice. Pourquoi a-t-il fait tout cela ? Faut-il être un monstre pour sacrifier ainsi ses propres hommes ? Ca va à l’encontre de toutes les lois du milieu.  

 

- A-t-on une piste ? Reprit Ryô, fixant l’inspectrice.  

 

- Hum, je ne sais pas. Juste que les hommes déjà identifiés appartenaient à une bande d’Osaka, des trafiquants en tous genres, tous connus des services de police. J’ai dépêché des hommes sur place pour retrouver quelques uns des anciens membres du groupuscule. On en apprendra certainement plus dans les prochaines heures.  

 

- Osaka ? Répéta le nettoyeur. Faut-il chercher par là ?  

 

- C’est tout ce qu’on a pour l’instant, reconnut Saeko impuissante. Aucun véhicule n’a été retrouvé, aucune arme, aucune trace quelconque, et le lieu de détention reste inconnu… A-t-il pensé à tout ? Est-ce possible ?  

 

- Non, intervint Mick, pas à tout !... Il n’avait pas prévu Kaori.  

 

La remarque de bon sens ne reçut aucun écho pendant de longs instants, chacun tentant de trouver les réponses aux multiples questions.  

 

- J’en suis pas si sûr, dit Ryô. Là où je te rejoins Mick, c’est qu’il n’avait pas prévu le bouleversement qu’elle a amené dans ses plans. Non certainement pas, sinon il aurait agi autrement, il ne supporte pas ne pas tout maîtriser. Mais il avait forcément prévu que je puisse choisir de sauver Chizu. Il est trop intelligent pour ne pas avoir envisagé ce cas de figure. Et il savait aussi à l’avance qu’il ne laisserait rien arriver à Kaori. Il savait qu’elle ne mourrait pas…  

 

- Qu’est-ce qu’il espérait ? Ajouta Miki dont les nerfs étaient à vif. Que tu sauves Kao ? Que Chizu et toi mourriez ? Ca n’a pas de sens. Et il était prêt à mourir pour ça ? Voyons ! Soyons réalistes ! Arrêtons ces suppositions délirantes !  

 

- C’est peut-être un grand malade, proposa Saeko, c’en est certainement un d’ailleurs... Mais j’aimerais juste savoir une chose Ryô : comment as-tu su ? Comment as-tu eu le doute sur ce qu’il ferait si tu choisissais Chizu ?  

 

- … Les coups de téléphone,… les intonations de sa voix lorsqu’il parlait d’elle,… , je sais pas, avoua-t-il en se prenant la tête dans les mains, enfonçant ses doigts agités dans la chevelure ébène... Il faut que je la voie.  

 

Il se leva d’un bond et se dirigea vers la chambre où il savait que Kaori se trouvait. Evidemment personne n’osa s’interposer, tous le connaissaient suffisamment pour reconnaître chez lui les symptômes de l’impatience. Plus que l’impatience même, l’irritation, la brutale nécessité qui ne souffrait aucune contrariété. Ce fut donc sans hésitation qu’il entra dans la pièce où il était certain de pouvoir répondre à sa soif d’elle.  

 

Il s’arrêta pourtant, à peine il avait franchi le seuil.  

 

Le chuchotement de l’eau conférait à cette pièce sans âme une chaleur artificielle, il en était de même de la présence si douce, dont il était malgré lui imprégné jusqu’à la moelle. Se pouvait-il que les frontières qui le séparent d’elle soient brouillées à ce point ? Qu’il l’ait dans la peau au sens propre ? Qu’il n’en puisse distinguer son essence de la sienne à elle ? C’était effrayant ! Bouleversant… irrépressible et effrayant. Mais à cet instant, cette présence ne lui apporta aucun réconfort. Bien au contraire, elle souffla en lui un blizzard du plus mauvais présage. Il frissonna et tenta de reprendre maîtrise de lui.  

 

Il avança.  

 

Rhaaa, il devait en convenir : son cerveau était au bord de l’implosion. Au-delà de l’incompréhension douloureuse et inhabituelle de la situation, il se retrouvait dans le trouble inédit de haïr à mort un homme auquel il devait la reconnaissance de la vie sauve de son ange. Quel dilemme ! Quelle contradiction ! Mais cet homme était tout aussi responsable du danger sans nom qu’elle avait couru. Oui, lui seul l’avait soumise à ce garde…  

 

Le tuer… Voilà qui l’apaiserait sûrement.  

 

 

Et puis il la vit…nue, recroquevillée, assise sous les flots d’eau, les jambes repliées, ses bras les encerclant, la tête inclinée, posée sur ses genoux. Il grimaça. Elle semblait tellement mal. Etait-ce de son fait à lui ? Jamais il ne se pardonnerait de l’avoir ainsi abandonnée. A cet homme. Oui, en quelque sorte, son impuissance à la sauver l’avait contraint à la confier à un autre. Il écarquilla les yeux. Cela allait-il à l’encontre de sa promesse ?… Avait-il failli ?  

 

Il s’agenouilla.  

 

- Kaori, dit-il doucement.  

 

Elle leva les yeux vers lui, surprise.  

 

Il se releva, stoppa l’eau et s’empara du drap de bain accroché à côté de la douche. Puis, délicatement mais fermement, il l’obligea à se lever et lui présenta le tissu éponge en guise de rideau. Il fut volontairement aveugle aux beautés dévoilées, ne baissa pas une seule fois le regard sur le corps qui s’offrait entièrement à sa vue, encore ruisselant, mais garda obstinément ses prunelles plantées dans celles de son ange. Lorsqu’elle fut entièrement envelopée, la serviette nouée dans son dos, il la souleva et l’entraîna vers le lit où il la déposa comme s’il s’agissait d’une poupée de porcelaine. Il s’installa alors à ses côtés, un genou sur le lit afin de lui faire face. Il admira quelques secondes le profil soucieux, puis suivit la direction du regard flou. Il ne vit là que les habits qu’elle portait à sa libération, négligemment jetés par terre. Sur le dessus semblait trôner un carré de tissu blanc, tâché de sang séché. Il reporta à nouveau son attention sur elle et tenta de deviner ce qui soufflait à ce point le chaos dans sa si jolie caboche.  

 

Quand lui avait-il mis ce mouchoir dans la poche ? Elle n’en avait eu aucune conscience. Ce matin ? Lors de leur dernier baiser ? Peut-être… Elle n’avait rien senti.  

 

Elle se souvenait parfaitement de cette étoffe blanche qui avait pansé son genou lors de leur première rencontre au cimetière. Pourquoi l’avait-il gardée ? Pourquoi la lui avoir donnée aussi ? Aujourd’hui ? Elle y voyait foultitude de messages, ne sachant déterminer celui qui pré-pondérait : un adieu, une consolation, une ultime déclaration, un aveu de faiblesse, un point final à leur relation, oui, finir là où elle avait commencé?… Et Ryô qui ne cessait de la fixer. Ces yeux scrutateurs qui lisaient en elle avec une clairvoyance effrayante, facilité déstabilisante et non réciproque. Pouvait-il imaginer le désarroi qui était le sien, la pression que ses iris inquisiteurs faisaient peser sur ses épaules ? Elle fronça les sourcils, inspira profondément et s’apprêta à l’affronter. Enfin elle se tourna vers lui, et retrouva contre toute attente, avec un bonheur indéniable, les traits rassurants de l’homme qu’elle aimait plus que tout au monde.  

 

Son regard se figea sur la joue tuméfiée, la lèvre fendue. Elle fit une moue pincée et lança sa main vers la fraiche blessure, geste qui lui rappela subséquemment la caresse sur la joue déchirée de Keiji, quelques jours plus tôt. Elle stoppa net à cette considération, troublée par les réminiscences auxquelles à cet instant elle aurait voulu échapper. Ryô saisit alors la main hésitante et la posa lui-même sur sa joue. Elle sourit de l’audace. Et eut la joie de sentir sous sa paume le plissement reconnaissable de la bouche qui rend le sourire.  

 

- Oh Ryô, murmura-t-elle en noyant son regard dans le sien. C’est Mick ?  

 

Il acquiesça.  

 

- Mais il t’a généreusement laissé l’autre, remarqua-t-il en tapotant sa joue indemne. Je mérite un bon coup de massue, hein ?  

 

Elle émit un petit rire nerveux.  

 

- Nous sommes City Hunter, non ? Il est légitime que l’on fasse tout pour que notre cliente soit saine et sauve. Je ne peux que te féliciter pour ton choix partenaire, assura-t-elle sur le ton de la plaisanterie.  

 

Elle vit le front se plisser de désapprobation, un air de contrariété balayer le visage dur comme l’acier et elle décida à cet instant de retirer sa main de la joue confortable.  

 

- Te doutais-tu qu’il te sauverait ? Demanda-t-il tout de go.  

 

- Pas le moins du monde, répondit-elle avec sincérité.  

 

Non, elle ne s’en était pas doutée un seul instant, avait d’ailleurs cru sa dernière heure arrivée.  

 

Cet aveu le plongea davantage dans la culpabilité et il baissa les yeux, rencontrant de ce fait les griffes sur la poitrine de Kaori. Il releva immédiatement le regard vers le sien :  

 

- C’est lui ?  

 

- Oh non ! Protesta-t-elle spontanément, ses yeux s’agrandissant de l’impensable conjecture.  

 

- Oh non ? Répéta-t-il en employant le même ton.  

 

- Non, c’est un des gardes chargés de ma surveillance. Une obscénité à lui tout seul. Brrrr.  

 

- Ah oui ! Fit Ryô, simulant la mémoire qui revient, quand tu as tenté de t’échapper, c’est ça ?  

 

- … Oui… Comment tu sais ?  

 

- IL me l’a dit.  

 

- IL ?  

 

- Oui, celui qui vous a enlevées… L’homme à la casquette…Celui qui prenait chaque jour un malin plaisir à m’appeler pour me parler de toi… Celui que j’ai failli tuer dans ce parc et que j’ai raté… Celui que j’ai encore raté dans l’entrepôt tout à l’heure parce que…  

 

Il s’arrêta, conscient de se laisser gagner par la colère, conscient aussi des yeux ahuris qui ne le lâchaient pas et qui s’étaient assombris tout à coup, de ce visage mutin qui était là plus pâle que jamais.  

 

Il caressa la joue livide et ajouta tout bas :  

 

- J’ai eu tellement peur Sugar. Tellement peur de me tromper, de te perdre.  

 

Elle baissa la tête. Les états d’âme de son partenaire ne la touchèrent pas plus que ça. Etonnamment, elle y fut presqu’insensible ; pourtant, cela aurait du symboliser beaucoup à ses yeux, mais d’autres choses la tourmentaient. Tournaient en effet dans son esprit toutes les informations que Ryô venait de lui abandonner, sans avoir connaissance de ce qu’elles revêtaient pour elle comme réalité. Elle tremblait maintenant… Des pieds à la tête… Pourtant la chaleur était suffocante et elle était la proie des flammes… Oui, les flammes de l’enfer léchaient chaque parcelle de son corps. Elle cramait vive, s’asphyxiait. Mais avant tout, elle brulait. Oh, elle brulait de savoir.  

 

- Quels coups de téléphone Ryô ? De quel parc parles-tu ?... Raconte-moi s’il te plaît… Dis-moi tout…  

 

Il la considéra sans rien laisser paraître de ce que la requête signifiait pour lui. Donc elle ne savait rien. Rien de tout ce qui l’avait lié à cet autre dont il ne connaissait pas l’identité. Il en retira une grande satisfaction, un soulagement intense dont il ne put expliquer la raison. Alors à son tour, il relata consciencieusement les évènements qui avaient émaillé les huit jours de la captivité de Kaori, il ne s’étala que superficiellement sur les allusions malsaines, sur les menaces que le ravisseur avait fait planer sur elle, et il passa sous silence, bien entendu, la douleur qui avait été la sienne, son impuissance insupportable à la secourir, à l’arracher à l’ennemi.  

 

La nettoyeuse suivit avec rage les explications, fit bien évidemment le lien avec tous ses échanges avec son geôlier, avec tout ce qu’elle savait de Keiji. Le doute horrible de n’avoir été qu’une marionnette l’étreint alors, qu’ils n’aient partagé que faux-semblants et mensonges, qu’il ait profité de sa faiblesse de femme, qu’elle ne soit à ce point naïve et idiote, qu’il l’ait séduite dans la seule intention d’atteindre Ryô. Et cette libération ? Avait-elle été, elle aussi, orchestrée dans ce but ?  

 

Non. Elle secoua la tête. Non !  

 

- Je suis fatiguée Ryô. On peut rentrer chez nous ? S’il te plait ?  

 

Il avait suivi avec une curiosité suspicieuse toutes les expressions du visage de sa partenaire. Chaque haussement de sourcils, chaque voile triste sur les prunelles habituellement gaies, chaque pincement de lèvres l’avaient interpelé. Mais il était écrit que Ryô Saeba perdait de sa légendaire lucidité, de son incomparable acuité lorsqu’il s’agissait de son sugar boy et il ne sut interpréter tous ces signes ou plutôt les interpréta-t-il mal.  

 

- Bien sûr.  

 

 

***************************************
 

 

 

La montée des marches fut délicieuse. Elle contemplait le dos de Ryô. Qu’il était grand ! Et fort !  

 

La porte s’ouvrit et il s’effaça pour la laisser pénétrer la première dans leur appartement. Elle ignorait comment, mais il avait réussi à rassurer leur cliente, et celle-ci avait été prise en charge par la police. Ils rentraient donc seuls chez eux, ils seraient seuls ce soir, seuls cette nuit, seuls demain. Perspective effrayante pour celle qui mentait. Elle croisa timidement les yeux sombres. Et se mordit la lèvre inférieure. Des élancements de culpabilité paralysaient son cerveau, elle ne savait que faire, comment réagir. La réalité était telle qu’elle ne parvenait pas à dépêtrer le faux du vrai, que Keiji continuait de souffler en elle le vent de la folie, que Ryô était la perspicacité née, qu’elle ne saurait longtemps lui cacher la vérité, mais que cette vérité lui échappait encore.  

 

« Ne pourrait-il pas me prendre dans ses bras ? Me serrer fort ?... S’il te plaît Ryô, serre-moi fort »  

 

Evidemment, seul un sourire accompagna son entrée dans leur antre, le grand brun n’étant pas un professionnel de la tendresse et ignorant le désir de sa partenaire à ce moment précis.  

 

- Je m’demande bien ce qu’il reste dans le frigo, baragouina-t-il en salivant. Qu’est-ce que tu vas bien pouvoir me faire à manger ce soir ? J’ai l’impression de sortir d’un régime d’enfer.  

 

C’était stupide cette remarque légère, mais il ne savait comment être autrement, comment faire passer le message… « Tu m’as manqué » aurait été plus judicieux mais c’était au-delà de ses forces.  

 

- Je vais voir ça dès que j’aurais enfilé un short à moi et un tee-shirt, sourit-elle, heureuse de cette diversion.  

 

Peu après, elle redescendit et le trouva devant la télé, une bière à la main, vautré sur le canapé. Signe qu’il voulait que tout redevienne comme avant. Aussi elle s’obligea à ne pas réfléchir, la proposition de Ryô semblait claire : tournons la page.  

 

- Pppffff, souffla-t-elle devant la maladroite mascarade.  

 

Elle ignorait évidemment que les idées de Ryô étaient totalement opposées à ses suppositions. Il ne cessait de tourner et de retourner dans sa tête toutes les informations glanées, et était convaincu que son ange ne lui disait pas tout. Cependant, il pouvait comprendre qu’il existât un certain traumatisme et qu’il fallait maintenant s’armer de patience pour qu’elle ne s’épanchât avec lui. Oui, patience. Ca n'était guère son fort hélas...  

 

Elle alla ramasser la veste qu’il avait négligemment posée sur un fauteuil et l’accrocha au porte-manteau. En passant près du téléphone, elle vit la lumière clignotante du répondeur, signe d’un nouveau message. Instinctivement, elle s’empara du combiné et en prit connaissance.  

 

Aussitôt le souffle lui manqua, elle s’adossa au mur, alors que lui revenait en mémoire la soirée de la veille.  

 

Oui, ça n’était qu’hier soir.  

 

Le parc, les baisers, cet homme qui les avait surpris… Un indic de Ryô…  

 

NON !... Impossible… Impossible…  

 

Son cœur battait contre ses côtes, un tremblement convulsif avait envahi ses mains alors qu’elle effaçait nerveusement le message. Elle se précipita ensuite sur la veste de son partenaire et se saisit maladroitement de son portable. Dieu merci, il ne s’en servait jamais et visiblement il n’avait pas pris le temps ce matin de consulter sa boite vocale.  

 

Kaori grimaça à l’écoute de la description que l’indic faisait d’elle, c’était écœurant et tendancieux. Horrible ! Là encore elle effaça toute trace de son délit, bien consciente malgré tout qu’il lui faudrait régler l’affaire autrement, plus tard. D’une façon ou d’une autre.  

 

Elle s’affala contre le mur, la tête entre les mains, désespérée. Il fallut quelques minutes pour que la silhouette de son partenaire apparaisse dans son champ de vision.  

 

- Viens, dit-il en la tirant par la main.  

 

Elle se laissa hisser et atterrit sur la poitrine réconfortante, y enfouit son nez, gonfla ses poumons de l’odeur musquée.  

 

- Serre-moi…  

 

Il s’exécuta, l’enveloppant entièrement, une main se perdant dans la chevelure acajou, ses lèvres se posant sur son front.  

Elle s’appuya très fort contre la bouche et agrippa son sweet de toutes ses forces, cherchant à ne faire qu’un avec le corps tant aimé.  

 

 

***************************************
 

 

Les yeux fauves que lui tendait le miroir avaient l’expression de la culpabilité. Il avait échoué ! Lamentablement… Si près du but ! Hana devait se retourner dans sa tombe. Même la satisfaction de sa vengeance, il n’avait réussi à lui offrir. Etait-il le pire frère qui soit ?  

 

Il ricana de douleur. Evidemment ! Saeba avait gagné, avec maestria. Il avait réussi à déjouer son plan. Non, en fait, non ! Lui seul était responsable de son échec, Saeba n’avait agi qu’instinctivement, comme il l’avait toujours fait, il avait cette faculté là, que lui ne possédait pas. Jamais à la place du nettoyeur il n’aurait couru le risque de la perdre. Jamais !  

 

« Chapeau mec, tu es le meilleur, tu as gagné ! »  

 

Il contempla son reflet et ses pensées fondirent vers elle. Kaori. Elle avait du être couverte de sang, avait du mourir de peur, l’avait haï certainement, et à l’heure qu’il est, il y avait fort à parier que l’Autre se faisait un devoir de la consoler.  

 

Rhaa !  

 

Affreux à imaginer !  

 

Il ferma les yeux et maîtrisa le souffle irraisonné qu’elle avait fait naître en lui, cette douleur avec laquelle il allait maintenant devoir vivre et qui allait s’ajouter aux souffrances anciennes.  

 

« Adieu Kaori… Sois heureuse »  

 

 


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