Hojo Fan City

 

 

 

Data File

Rated R - Prose

 

Auteur: patatra

Status: Complète

Série: City Hunter

 

Total: 5 chapitres

Publiée: 30-06-20

Mise à jour: 04-01-22

 

Commentaires: 9 reviews

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Drame

 

Résumé: Aux racines des amours plurielles, des attractions passionnées et voluptueuses, des déchirements douloureux… Personnages légèrement OOC. Pour un public averti.

 

Disclaimer: Les personnages de "Demain, dès l'aube" sont la propriété exclusive de Tsukasa Hojo.

 

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   Fanfiction :: Demain, dès l'aube

 

Chapitre 3 :: Chapitre

Publiée: 09-09-20 - Mise à jour: 09-09-20

Commentaires: Bonjour et merci pour vos commentaires. Ils m'encouragent! Bon, je vous livre ce 3ème chapitre avec un peu d'inquiétude, je l'avoue. Il est vraiment spécial et je peux comprendre que l'on n'adhère pas. J'espère qu'il conviendra à ceux qui ont aimé les deux premiers et qui se risquent sur le 3ème. Je l'ai à peine corrigé. Il mériterait d'être élagué je pense, à la relecture j'ai tiqué à quelques endroits mais j'ai aussi envie d'avancer. Et il reste encore un chapitre pour boucler cette histoire. J'ai hâte. Côté contenu, ce chapitre est... particulier. Erotique, à réserver à un public averti donc. Je suis conscient qu'il puisse être dérangeant. Mais on a le droit d'écrire des choses particulières hein. Pour autant, je suis un peu crispé au moment de le publier... Pour les textes qui apparaissent, ou les références, vous reconnaîtrez peut-être: "Profond" de Brigitte Fontaine, j'adore! Et "Es-tu brune ou blonde" de Verlaine, ainsi que d'autres références (Victor Hugo, Serge Gainsbourg, Volodine,...). Bonne lecture! A plus pour la fin...

 


Chapitre: 1 2 3 4 5


 

CHAPITRE 3
 

 

 

 

Ai-je peur de toi ? La question aurait de quoi décontenancer si ton attitude n’était pas si terrifiante. Tu viens de t’écraser contre mes mains, y appliques une force menaçante, des flammes brunes dansent dans tes orbes agressifs. Tu me scrutes, la mâchoire contractée, indiquant que tu attends une réponse de ma part.  

 

« Pourquoi aurais-je peur de toi ? »  

 

Répondre à une question par une autre, voilà ma tactique de défense, ou est-ce une tentative de fuite ? Pourtant, notre position dans le couloir, moi acculée par ta gigantesque stature, a de quoi effrayer. Un rire démoniaque explose dans ta gorge et tu secoues la tête doucement, comme si tu voulais chasser les idées insensées qui y ont vu le jour. Mes poings se serrent contre ton torse dans le chimérique dessein de contrer ton avancée, les battements de mon cœur résonnent dans tout mon corps, comme un tocsin sonnant l’alerte.  

 

Chasse ces idées démentes, Ryô !  

 

« Je ne vais pas te faire de mal. », annonces-tu d’une voix neutre, comme pour mieux me rassurer, comme pour mieux te convaincre.  

 

Tu as brandi ta main, le sang se glace dans mes veines, mes muscles se contractent et, stupidement, je m’attends à recevoir un coup. C’est absurde ! Complètement absurde… C’est sur ma joue que tu déposes ta paume. Sans délicatesse, certes, mais sans animosité non plus. Tes prunelles, elles, semblent toujours habitées par une hostilité impressionnante.  

 

« Ryô, entamé-je courageusement, il faut que je te parle.  

 

— Non ! prononces-tu tandis qu’une vague de brutalité traverse ton corps pour venir mourir sur ma joue. »  

 

Joue que tu enserres férocement.  

 

« Tu vas m’écouter. C’est moi qui ai des choses à te dire. »  

 

De ta main libre, tu te défais avec une horrible facilité des poings que j’érigeais en barricade, tu te colles à moi, la distance qui nous sépare s’en trouve incroyablement réduite. Nous sommes si proches maintenant que je peux distinguer le plissement de tes lèvres, les battements de ton cœur. Contre mon cœur. Ton visage se penche vers le mien. Toujours prisonnière de ta dextre, je ne peux détourner la tête et me voilà en train de sombrer dans les abysses obscurs que tu positionnes à ma hauteur. Ainsi, tu souhaites me contraindre, me placer sous ton contrôle. Ignores-tu que, désormais, ton charme n’opère plus sur moi ?  

 

« Lâche-moi ! j’ordonne avec autorité.  

 

— Non, te contentes-tu d’objecter. »  

 

Mais voilà que tes sourcils se froncent, que je te sens plier sous une douleur invisible, que j’imagine dantesque tant tu te courbes, ta tête s’affaisse, ton visage ploie vers l’avant. Un doute s’immisce en toi, je te devine en lutte, en guerre contre toi-même peut-être. Tu sembles sur le point de chavirer. Mais presqu’aussitôt tu te recentres, tu te redresses ; et revoilà tendu vers moi le visage qui m’émeut plus que n’importe quel autre visage au monde. Oui, qui m’émeut et tout autant me tourmente. Là, tout de suite, tu t’apprêtes à me supplicier, n’est-ce pas ?  

 

Résolue et soumise, certainement rongée par la culpabilité de ce que je dois t’avouer, mes envies de résistance s’évanouissent avant même que d’avoir vu le jour. J’accepte la sujétion que tu m’imposes ; je vais t’écouter.  

 

« Je ne veux plus faire semblant, lances-tu, énigmatique, l’acier de tes yeux me griffant la face.  

 

— Faire semblant ? je répète bêtement.  

 

— Semblant de ne rien voir, de ne rien savoir. Faire semblant de ne pas avoir mal. Tu me fais mal Kaori ! »  

 

Je te fais mal… Alors tu sais tout ?  

Mon cœur bondit dans ma poitrine, mon âme se noie. Oui Ryô, mon âme se noie.  

 

« Penses-tu réellement pouvoir me mentir à tout bout de champ comme tu le fais ? Les premiers doutes, je les ai eus juste après que vous avez partagé cette putain de mission. Je te connais si bien. Je te connais par cœur Kaori. Tes absences répétées, le sourire dont tu ne te dépares pas, tes yeux qui ne me voient plus. Et puis tout ce que tu es ! Kaori, tout ce que tu es me balançait à la gueule ce qui était en train de se passer !  

 

— J’aurais dû te dire plus tôt, c’est vrai, poursuis-je d’une voix mal assurée. Je suis désolée Ryô.  

 

— Tu es désolée ? rebondis-tu l’œil mauvais, la dent mordante. Mais de quoi donc es-tu désolée ? »  

 

Que sous-entends-tu Ryô ?  

 

« Tu peux me reprocher la forme mais pas le fond. Je n’ai aucune sorte de permission à te demander, aucun compte à te rendre.  

 

— Et Angel non plus, assènes-tu calmement pour faire entrer le blond dans notre furieux échange. Angel non plus n’a pas de compte à me rendre. Et ne crois pas que j’en demande d’ailleurs. Ce n’est pas ce que je veux. »  

 

Tes mains m’enserrent toujours étroitement. Une désagréable impression de piège se refermant sur moi m’étreint tandis que tu t’approches plus près encore. Je ne pensais pas que c’était possible : ton corps si proche du mien. Ton nez s’écrase sur ma joue, que je ne peux ravir à tes intentions, tes yeux se ferment à ce contact, ton front se plisse de contrariété. Je ne comprends rien, je veux juste que tu me libères.  

 

« Lâche-moi.  

 

— J’ai dit non. Je ne te lâcherai jamais, clarifies-tu. »  

 

Je tente une révolte, je me débats. Peine perdue. Tu maîtrises parfaitement le corps-à-corps et ton positionnement contre moi ne me laisse aucune marge de manœuvre pour me délivrer. Mes poings se serrent, mes épaules se contorsionnent mais rien n’y fait. Je suis à ta merci.  

 

Ta bouche dépose un baiser sur ma joue. Un baiser humide et étrange. Qui me met mal à l’aise, qui n’a rien d’amical ou de bienveillant. Rien de bienséant. Un baiser qui n’a pas de fin, qui glisse dans mon cou. Un baiser que tu m’imposes.  

 

« Arrête ! », je scande avec véhémence, tentant une fois de plus de m’échapper de l’étreinte à laquelle tu me soumets.  

Mais tu ne sembles pas m’entendre. Tu poursuis ton immonde caresse.  

 

« Ryô, arrête !  

 

— J’en ai marre de faire semblant, répètes-tu une nouvelle fois, le visage toujours plongé dans mon cou. Au début, j’ai cru que ça passerait vite. Je connaissais les sentiments de Mick pour toi, je savais qu’il ne te ferait pas de mal, qu’il ne t’imposerait rien. Et je croyais connaître tes sentiments aussi. Alors j’ai décidé de faire confiance. Oui, j’avais confiance. »  

 

Quelques secondes de silence s’imposent, m’indiquant comme ta déception est grande concernant la fameuse confiance que tu évoques.  

 

« Grave erreur ! Je t’ai vue glisser chaque jour un peu plus loin dans ce que je refusais de nommer, de considérer. Je m’offre moi-même tant de récréations auprès d’autres femmes, de quel droit pouvais-je m’interposer dans cette aventure qui, visiblement, te rendait heureuse ? J’étais horriblement jaloux. Ça fait mal comme tu ne peux pas te figurer ! Je devenais fou à force de vous savoir ensemble, à force d’imaginer… »  

 

Ta voix se fêle et je devine ton ventre se tordre à l’évocation de mon amour. Mes yeux sont écarquillés de surprise, ma langue est paralysée. Je n’avais pas prévu. Rien de ce que tu me dis, de ce que tu sous-entends. Pas prévu ta douleur, ta réaction, la violence avec laquelle tu me cloues contre ce mur. Mon cœur ! Mon cœur, je t’en supplie, tais-toi ! Musèle-toi ! Ne te montre pas !  

 

« Je ne peux plus endurer ça ! J’ai honte Kaori… Honte d’être là contre toi. Honte d’être prêt à tout pour que tu ne me quittes pas. Je n’ai jamais envisagé que ça aille aussi loin… J’avais tellement confiance en nous.  

 

— J’aime Mick, lancé-je comme une bouteille à la mer.  

 

— Je sais ! craches-tu rageusement en te décollant légèrement de moi pour mieux me fusiller de ton regard. »  

 

Tes yeux replongent dans les miens avec une sauvagerie assumée. Je constate avec effroi que tu ne me laisseras pas prendre la main dans notre affrontement, que tu peines à réfréner les bouffées de fureur qui t’envahissent.  

 

« Mais qu’en est-il de l’amour que moi je t’inspirais ?  

 

— Je ne vois pas de quoi tu parles, réponds-je avec aplomb en détournant Les yeux comme je peux. »  

 

Mais voilà que tu souris dans un hoquet désabusé, attirant derechef mon regard circonspect.  

 

« Toi non plus, ne fais pas semblant ! prononces-tu en immobilisant ma bouille contre le mur, me contraignant une fois de plus à subir l’onyx de tes prunelles. Je te parle de l’amour en lequel j’avais une confiance absolue, qui me soufflait que je pouvais te laisser vivre cette amitié amoureuse sans crainte, que tu ne pouvais pas tirer un trait sur moi, que tout cela aurait une fin. Que tu ne pouvais pas tout balayer. Me balayer.  

 

— Tais-toi, tu dis n’importe quoi ! Ce dont tu parles n’existe pas. Et Mick n’est pas une amitié amoureuse…  

 

— Je sais ! tranches-tu, comme accablé de remords. J’ai été con ! Con de ne pas voir la menace à sa juste mesure. Con de croire que la rupture avec Kazue n’augurait rien de définitif pour nous. Mick est un mec bien. Très bien même… parfait pour toi, non ? En tout cas tellement mieux que moi. Je l’aime comme un frère. Putain Kaori, je l’aime comme un frère et j’en viens désormais à le haïr comme le pire de mes ennemis. »  

 

Nos yeux se captent et je saisis comme tu es tiraillé entre deux directions diamétralement opposées. M’abandonner à ton meilleur ami, abdiquer ; et me garder auprès de toi, m’annexer. Pour autant, ma position actuelle, prisonnière de tes bras, de tes yeux, de tes intentions, indiquent clairement le chemin que tu as décidé d’emprunter.  

 

« Je suis quoi, moi ? reprends-tu avec gravité. Je peux t’offrir quoi ? Rien de ce à quoi tu aspires, de ce que tu mérites ! Je suis instable, je me fais peur Kaori. Si tu savais comme je me fais peur parfois, comme je veux t’épargner cette crainte-là de moi.  

 

— Je n’ai pas peur de toi Ryô, annoncé-je avec conviction. Je n’ai jamais eu peur de toi ! Et jamais je ne renoncerai à ce que nous sommes, à City Hunter… »  

 

Mais ta main sur ma joue s’est à nouveau refermée, a gelé les paroles réconfortantes que je voulais te confier et qui semblent provoquer ta colère. Qu’ai-je donc dit ? Ton front est soucieux, ta mâchoire contractée, est-il possible de croire encore à ce que je viens d’énoncer, je me pensais pourtant sincère ?  

 

« C’est bien la première fois, aujourd’hui, que j’ai peur de toi. » je t’avoue sans dissimulation.  

 

Tu sembles ébranlé par ma dernière phrase, presque tu défailles. Il me faut pourtant te dire, que tu saches. Peut-être est-ce seulement maintenant que j’accède au sens de tes dernières paroles, à l’essence de l’homme que tu es réellement et que je devine derrière la scène terrible que nous nous jouons. Cette scène à laquelle j’ai toujours du mal à croire. Brutalité et excès. Moi, encagée dans tes bras, assommée par ta déclaration. Il est question de cet amour qui nous unit, nous unit. Alors toi aussi ? Toi aussi, Ryô ? Qui es-tu donc pour m’avoir joué la comédie si longtemps ?  

 

« Je deviens fou, donc tu as raison d’avoir peur de moi. Et je ne sais pas jusqu’où ma folie me conduira ce soir. »  

 

Tu me menaces ? Oui… la menace est évidente, tu ne la déguises pas. Au contraire, tes yeux pénètrent les miens avec arrogance pour illustrer tes paroles, ton corps neutralise le mien avec tant de facilité que j’en suis réduite à te subir. Tu accroches un sourire de démon à tes lèvres et replonges vers moi lentement. Ta paume geôlière condamne toute tentative de fuite et me voilà à la merci de ton nouveau baiser. Plus doux cette fois-ci, peut-être, mais nettement moins chaste ! C’est ma bouche que tu as saisie, sans vergogne.  

 

« Non ! martelé-je avec rage, tentant une fois de plus d’échapper à l’étreinte imposée, scellant mes lèvres comme je peux.  

 

— Peux-tu imaginer la torture que j’endure chaque fois que je te sais avec lui ? Que mon esprit devine ce que vous êtes en train de faire ?  

 

— Je ne comprends rien à ce que tu me dis, à ce que tu me fais. Ryô ! Arrête s’il te plaît. »  

 

Je suis déboussolée, égarée dans une dimension inconnue certainement. Le ton que je viens d’employer laisse deviner la crainte qui grandit en moi. Que t’arrive-t-il ? Que nous arrive-t-il ? N’es-tu pas toujours maître de toi, de tes actes, de tes sentiments ? Je perçois l’abîme dans lequel tu sombres un peu plus à chaque seconde qui passe. Je sais être la cause de ton tourment. Mais la raison m’échappe, à moi aussi. Je me sens prise au piège. La panique que tu fais naître en moi et que je tente tant bien que mal de dompter m’empêche toute rationalisation.  

 

« Je me suis convaincu qu’il n’y avait rien à craindre de la relation que je devinais entre vous, que vous vous obstiniez à garder secrète d’ailleurs, et qui t’épanouit tant ! Je suis écœuré Kaori, si tu savais comme je suis écœuré de te découvrir si différente de ce que je connais. De que que j’avais cru cerner.  

 

— Lâche-moi, s’il te plaît, t’imploré-je sans pouvoir dissimuler un sanglot.  

 

— Est-ce que je me suis trompé ? Sur toi, sur nous ? t’obstines-tu sans entendre ma doléance, tes yeux rivés aux miens. Sur nos sentiments ? Cet amour qui n’a rien à voir avec City Hunter et qui s’est construit lentement. Pas à coups de missions, de complicité, de confiance, de quotidien. Non ! Je ne te parle pas de cette tiédeur-là, ne te méprends pas. Je te parle de l’amour que je savais gronder en toi, furieux… fougueux… frénétique… celui qui t’emportait, qui te malmenait, celui contre lequel je me suis battu comme un forcené. Et qui s’est insinué en moi. Malgré tout ; malgré moi.  

 

— Tu m’as idéalisée Ryô, tu as idéalisé cet amour.  

 

— Ne crois pas Kaori que j’ignore les manques ou les faiblesses de ce que l’on s’offre. Pas de cri, pas de souffle, pas d’éternité, on s’aime et on s’en tient là. L’amour sans y toucher, l’amour, chacun le garde pour soi, comme on garde à soi sa douleur. Notre amour Kaori. C’est l'amour sans le faire. Du moins, c’est ainsi que je l’ai laissé m’envahir, grandir, s’intensifier. Et aujourd’hui je ne me réduis plus qu’à cela.  

 

— C’est un amour triste. »  

 

Tu te figes et nos yeux se perdent dans les méandres de ce que tu viens de décrire, et que je connais si bien pour m’y être brûlée si longtemps ; mais dont j’ignorais qu’il avait aussi atteint ton cœur.  

 

« C’est le seul que j’étais en mesure de t’offrir.  

 

— Insuffisant.  

 

— Visiblement. »  

 

Je suis abasourdie, tente de refaire surface, de mettre la tête hors de l’eau. Je me débats comme je peux, joutant verbalement contre toi. Contre tes allusions, contre la morsure douloureuse de tes yeux, contre la tristesse qui s’installe sur ton visage. Qu’il est rare de pouvoir lire tes émotions, Ryô ! Comme il est déstabilisant de constater que tu n’essaies pas de masquer le martyr de ton cœur ! Mais je suis désolée. Il est trop tard ! Tu sous-estimes certainement les sentiments qui me lient aujourd’hui à ton meilleur ami. Mick. Mick dont je rugirais bien le nom, là, maintenant ! Mick !  

 

« Cet amour n’en était pas moins réel, moins violent, ré-engages-tu avec ferveur.  

 

— L’amour ne se contente pas des élans du cœur. Il se nourrit de bien d’autres choses. Des choses tangibles.  

 

— Des choses ? répètes-tu avec sarcasme, devinant très bien où je veux en venir.  

 

— Trop facile Ryô de t’ériger en défenseur de la noblesse de l’amour que tu clames entre nous. C’est dans les bras d’autres femmes que tu te rassasiais.  

 

— C’est pourquoi je t’ai abandonnée aussi à d’autres bras.  

 

— Et bien, il ne fallait pas !  

 

— Non, il ne fallait pas ! grognes-tu, un éclat noir dans le regard, la main de nouveau féroce contre ma joue. Tu ne t’es pas contenté de ses bras, n’est-ce pas ?  

 

— Mick m’a tout donné.  

 

— Bien sûr, ricanes-tu de plus belle. Il t’a tout donné et je ne l’en blâmerais pas. Ça fait si longtemps qu’il est amoureux de toi ! Son cœur t’était déjà acquis, évidemment. Quant à son corps… Il était prêt à te prouver ses talents, hein, je me trompe ? »  

 

Par je ne sais quel miracle, tu m’octroies le droit de détourner la tête. Mon visage échappe donc à l’étau de ta dextre impitoyable. Pour quelques instants tout du moins.  

Je t’entends rire et soupirer contre mon cou et sens la brûlure de ton regard sur la peau sensible de ma mâchoire. Tu m’observes de si près, avec tant d’intensité, qu’il me semble que le feu surgit sous le frottement de ton regard.  

 

« Et toi aussi tu lui as donné ton cœur… Kaori, regarde-moi, ordonnes-tu en usant de ta force une nouvelle fois, m’imposant le spectacle de ton visage encoléré et désolé. Comment as-tu pu lui donner ton cœur ? Je n’avais pas envisagé...  

 

— Tu pensais notre amour plus fort, c’est ça ? Mais quelle arrogance ! »  

 

Voilà que j’énonce tout haut ce que tu penses tout bas. C’est pathétique Ryô, tu parles de ce qui n’a jamais pris chair, tu parles d’un amour intellectuel ; toi qui, je le sais, es à cent mille lieues de ça. Je vis aujourd’hui un amour mordant, pénétrant, un amour qui me fait jouir. Un amour qui me rend vivante.  

 

« Est-ce que tu ne m’aimes plus ? Kaori, m’aimes-tu encore ? »  

 

Ces questions.  

Tes questions me déstabilisent, je refuse de les étudier. Je ne répondrai pas, je ne répondrai jamais. Vois mes sourcils se froncer d’incompréhension, de révolte, de dénégation peut-être, peu m’importe ! Vois comme je te désobéis, comme je ne plie pas, comme je résiste ! Je suis venue te dire que je m’en vais, et tes larmes n’y pourront rien changer ; je refuse d’entendre ta déclaration, je refuse de recevoir le moindre de tes baisers. Mon cœur est sourd, ma langue muette, mon front insensible.  

 

« Tu n’es plus en moi ; je ne veux plus.  

 

— Penses-tu pouvoir décider ? me nargues-tu avec une odieuse assurance. Sonde ton cœur Kaori. Es-tu certaine que notre amour est mort ?  

 

— Certaine, oui, je souffle dans un murmure presqu’inaudible. »  

 

Une déception douloureuse fait grimacer tes traits à la beauté ténébreuse. Comment, à ce moment, ne pas réaliser cette différence notoire entre vous deux ? Mick, solaire et lumineux, irradiant de vie, et toi, démon torturé, ayant connu l’enfer sur terre, ange de la mort. Pourtant, rien n’est manichéen, je ne l’ignore pas. Il est trop simpliste de vous dissocier ainsi, vous rangeant dans des catégories aussi incompatibles. Ce serait mal connaître la complexité de votre nature, l’amitié indéfectible qui vous lie et qui en dit bien plus sur vos similitudes qu’une analyse grossière.  

Je n’ai pas accès à tout ce qu’est Mick, des ombres inquiétantes s’emparent parfois de ses clairs iris, des angoisses le traversent, des tourmentes le taraudent ; je les contemple dès qu’elles se dessinent, dès qu’elles se devinent… entre nous, en lui.  

 

Et toi, héros flamboyant, tu es tel un phénix, tout feu tout flammes, oiseau mythique et indestructible, éblouissant. Souvent, la joie t’inonde et rejaillit sur moi ; et me voilà éclaboussée, noyée de rire et d’un bonheur auquel je ne peux renoncer totalement. Du moins, pas encore. Ces instants fragiles, précieux, rares ces derniers temps, m’enracinent profondément dans notre histoire, sont le ciment de notre impétueux duo. Mais notre amour, celui que tu brandis en étendard depuis le début de notre singulier face-à-face, prend sa source ailleurs. Où ? Je ne sais exactement. Mais il est. Simplement, il est ! J’en crève de le reconnaître, j’en crève tant c’est une évidence, tant cette poisse me colle à la peau, mais notre amour est !  

 

« Tu mens ! Je ne peux pas te croire. Kaori, je vois tes yeux, je lis en eux. » déclares-tu les dents serrées.  

 

À cet instant, tu perds souffle, fais une pause dans ta tirade.  

 

« Je sais que tu l’aimes, avoues-tu péniblement, ta voix déraillant, ton front se plissant. Il me faudrait me crever les yeux pour ne pas le voir… Mais moi ?... Kaori, qu’en est-il de moi ? Moi qui suis encore et toujours… »  

 

Les mots te manquent… ne sont pas prononcés. Pourtant je les entends. Je te jure Ryô, je les entends.  

 

Je sombre dans l’incompréhension la plus totale. Il est impossible, à cet instant, de te distinguer au milieu de ce capharnaüm. Les mots avec lesquels tu m’assommes s’entrechoquent, la violence de tes gestes sur moi, leur impudique agression, forment un ballet fantasmagorique que je suis péniblement, comme abêtie, extérieure à mon propre corps. Et ton visage. Habituellement impassible et illisible. Oui, ton visage se révèle ce soir plus expressif que jamais. Espoir et détresse s’y confrontent. Des ombres, des lumières, tantôt brunissent, tantôt enluminent tes joues. Tes prunelles obsidiennes courent sur mon visage, je perçois ton désir ardent. Ton désir… que je t’aime et que tu m’aimes.  

 

Mes poings sont serrés, l’un entre nos bustes, parfaitement neutralisé, l’autre coincé entre mon dos et le mur, non moins maîtrisé. Chacun d’eux serré à s’en faire exploser les phalanges. Malgré la tension exacerbée qui règne en moi, une curieuse pulsion prend vie dans mes doigts. Est-ce de la pitié, ou une véritable doléance amoureuse ? Je ne sais pas, pourtant Ryô, que j’aimerais te consoler ! Ouvrir ma main et caresser ta joue, ou t’enlacer et te prendre contre mon cœur, souffler sur ton front, instiller douceur et tendresse dans notre tête-à-tête, repousser la passion qui te dévore. Mais, par chance pour moi, car je ne veux pas me perdre, chacun de ces gestes est impossible. Ton emprise sur moi est totale, tu empêches toute rébellion, mais aussi toute collaboration.  

 

 

« Dis-moi que tu m’aimes encore, Kaori. Que tu m’aimes aussi.  

 

— Non, balbutié-je, consciente pourtant que les larmes qui ont gagné mes yeux tiennent un tout autre discours que ma bouche. »  

 

Tu écrases ta bouche sur la mienne avec une voracité inquisitrice, tes baisers se font douloureux, escadrons missionnés en représailles de ma non-coopération. Tes dents mordent mes joues. Je gesticule comme je peux. Sans grand entrain ni grande résistance, c’est certain. Ton bras, celui qui enserrait ma taille, glisse plus bas, capture ma hanche et accole mon bassin au tien. Voilà que tu abandonnes un souffle rauque dans mon cou, un gémissement éloquent. Le langage de ton corps est on ne peut plus clair.  

 

« Jusqu’où l’as-tu laissé t’aimer ? t’enquières-tu dans une rage à peine dissimulée.  

 

— Ryô, susurré-je. »  

 

Comment oses-tu me questionner ainsi, me toucher ainsi ? Ma respiration devient quelque peu erratique sous tes odieux attouchements et je me méprise de l’émoi qu’elle dénude à tes yeux. Certainement le devines-tu déjà… oui, tu devines mes frissons, le saisissement qui m’engourdit, qui trahit ton futur succès, ce que tu réclames depuis que tu m’as acculée contre le mur. Que je t’aime aussi.  

Je me hais !  

 

« Dans ma folie, convaincu de mes certitudes insensées, je me dis que jamais tu ne l’aurais laissé s’aventurer aussi loin, que j’ai disposé dans ton cœur, sur ton corps, autant de chaînes et de cadenas qu’il est nécessaire pour protéger ce qui m’est le plus cher au monde… le plus précieux… »  

 

Tes mots sont désespérés et fous. En as-tu conscience ? À peine les as-tu déversés sur moi que tu reprends tes embrassades dans mon cou. Embrassades furieuses et acharnées. La peau fine de ma gorge s’écorche contre ta barbe et mes bras s’endolorissent, maintenus dans une position de soumission des plus inconfortables.  

 

« Arrête Ryô ! Tu me fais mal ! je parviens à m’exprimer tant bien que mal.  

 

— Penses-tu que toi tu ne me fais pas mal ? m’interroges-tu, comme ressaisi, installant une distance inespérée entre nos corps. »  

 

L’apaisement est de courte durée pourtant ; je crois un instant que tu me libères, ton corps se détache, un de mes bras s’affranchit de ton entrave, mon visage se défait du joug de ta main. Mais tout s’enchaîne si vite, sans que je ne puisse interposer de résistance. Le col de ma robe est agrippé, tu tires si violemment que les boutons sautent et s’éparpillent dans un bruit crépitant à nos pieds ; j’ose un cri de surprise lorsque le tissu se déchire, que les deux pans s’écartent pour exposer ma presque nudité. Ma robe en lambeaux ne repose désormais que sur mes avant-bras désolés, comme la voile d’un bateau qui vient d’essuyer une tempête sans précédent. Je suis tétanisée, paralysée. Terrorisée. Incapable du moindre geste, d’une fuite salutaire. Tu t’es statufié également, face à moi, examinant avec effarement ton œuvre. Tes traits grimacent d’horreur devant mon corps déshabillé et tes yeux se relèvent rapidement pour croiser les miens. Les miens… Toujours écarquillés…  

 

Ahurissement absolu. Mon cœur, tam-tam assourdissant, s’emballe dans ma poitrine, mes mains se recroquevillent sur mes seins que dissimule à peine un voile de dentelles blanches. Vulnérable. Je me sens vulnérable et pourtant, dans ton regard noir, je ne lis que stupéfaction et désespoir. Et rage. Rage. Mais cette rage m’est autant destinée qu’à toi…  

 

Mes yeux se gorgent de liquide salé, je suis perdue. Perdue. Dans tous les sens du terme. Je m’adosse complètement contre le mur sans pouvoir détourner mes yeux des tiens. Je contemple, stupéfaite, sur ton visage, dans l’attitude de ton corps, les stigmates de notre amour, ces cicatrices invisibles pour moi jusqu’à aujourd’hui et qui t’acculent à la folie. Ils m’enseignent comme toi et moi nous nous sommes faits mal. Jamais je ne t’ai vu si ébranlé, jamais tu ne m’as paru si fragile. Je mesure aujourd’hui comme tu sais habiller ton cœur, comme tu sais dissimuler. Je savais la complexité de ton essence, j’ignorais que tu pouvais maquiller de la sorte, sur une telle durée, des sentiments si dévorants.  

 

Sonde ton cœur Kaori, m’as-tu enjointe tout à l’heure. Tes paroles tournoient dans mon crâne, y rebondissent comme une balle de squash sur les murs d’un terrain, et m’assaillent de toute part. Il n’est pas nécessaire de sonder mon cœur Ryô, je connais la vague de folie qui m’emporte tel un fétu de paille dans le souffle de l'embrasement lorsque je visite les émotions que tu induis en moi. Nier est vain.  

 

J’ai mal ! j’ai mal !  

 

Nier est vain. Mes mains sursautent, animées de leur désir propre, elles s’ouvrent et glissent lentement sur mon ventre, s’effacent et s’abandonnent contre mes cuisses, me dévoilant, me rendant accessible… pour toi. Tes yeux roulent dans leurs orbites tandis que tu assistes à ma reddition, à cet aveu que je te fais, silencieux et symbolique. Je n’utiliserai pas de mots, c’est au-delà de mes forces Ryô, mais m’offrir ainsi n’est-il pas plus éloquent que simplement te dire ?  

À toute vitesse, alors que je devine chez toi l’intention de me rejoindre, le brusque assombrissement de tes prunelles trahissant ton dessein, j’érige un mur monumental autour de ma conscience. Je prends bien soin de laisser à l’extérieur de la forteresse mon amour pour Mick. Il ne sera pas remis en question ce soir. De cela, je suis convaincue, je l’ai décidé.  

 

Je n’ai pas la force de considérer les bouleversements qui suivront ma décision, les conséquences de mes actes. Je me fustigerai plus tard. Voilà une nouvelle vilénie de ma part. Pour le moment, je me laisse juste emporter par le désir de consommer cet amour qui me dévaste depuis tant d’années. Oui, submerge-moi, dévore-moi, inonde-moi, Ryô. Vole mon âme, malmène-moi. Au fond, n’ai-je pas toujours rêvé que de cela ?  

 

Déjà tu es contre moi, géant monstrueux et imposant, tes doigts caressent mes joues, emplis d’impatience et d’électricité ; je dodeline doucement de la tête pour suivre tes mouvements. Être à ton contact, au plus près de toi. Je lève un regard enfiévré, mes joues sont brûlantes déjà, mon épiderme en fusion. Tes incisives viennent mordre ta lèvre inférieure, la faisant blanchir, alors que tu admires mon manège ; ton souffle devient grognement quand ton corps se colle nerveusement au mien, m’acculant contre ce mur que je ne veux décidément pas quitter. Je savoure l’empressement que je ressens chez toi, les tremblements de tes mains, l’impétuosité de ton ventre dont je perçois les contractions.  

Nous nous embrassons ; ta main sur ma joue, servant de guide, nous nous embrassons. Et les lippes meurtries par ton avidité, je chavire… Chacun de tes baisers me lacère et toi, inconscient de leur effet, tu me noies de tes attentions, tu te repais de moi, tu t’empiffres de moi. Ce soir, je te suis entièrement dévolue.  

 

Bien sûr, d’autres baisers, non moins délicieux, se rappellent à mon subconscient. Je repousse l’atroce vision des paupières blondes plombées, les exquises fantaisies de Mick. Et pour m’assurer une méprisable tranquillité, j’empoigne ma lâcheté par les épaules avec détermination, la secoue fortement, je l’installe dans mon cortex et lui ordonne de veiller à ce que je ne sois plus dérangée.  

Oui, très chère lâcheté, sois la gardienne de ma déloyauté. Protège-la, couve-la. Absous-moi.  

Ne pas penser ! Juste ne pas penser ! Laisser mon cœur et mon corps divaguer, mes désirs s’exprimer.  

 

Malgré cette précaution, chaque geste échangé, caresse dont tu me couvres, chaque râle abandonné sont autant de coups de canif dans la peau qu’il me faut endurer. Ma chair est tendre à ces attaques dont tu ne taris pas, les éraflures sont profondes, elles saignent abondamment, recouvriront bientôt mon corps entier tant je sais ton insatiété de ce que je t’offre et la faiblesse dont je fais preuve. Je vais subir, bien sûr, car le plaisir naît des blessures que nous nous assénons, de la douleur qui en découle.  

 

« Je suis prêt à t’aimer comme tu le souhaites. » me confies-tu le souffle bouleversé.  

 

J’ouvre la bouche de stupeur, les yeux d’ébahissement. Niché contre moi, tu ignores les trahisons de mon corps, l’émoi de mon âme ; peut-être perçois-tu l’arythmie de mon cœur, mon soudain essoufflement. Puis s’ensuit un flot de paroles torturées que je peine à comprendre, que tu déverses à l’envi et qui nourrit plus encore mon trouble. Je ne veux pas comprendre, non, je ne dois pas comprendre… Il est question de ce que tu peux accepter. Accepteras. Être numéro deux. Rester dans l’ombre. N’être rien, tant que tu es près de moi. Tu te contenteras de ce que je t’accorderai.  

 

Insensé ! Insensé Ryô ce que tu proposes. Est-ce le désir que je t’inspire qui annihile à ce point ta nature profonde, qui déforme ta perception du possible ? Tu es City Hunter, tu es un mâle Alpha ; et Mick tout autant que toi, lui aussi est un mâle Alpha. Nous n’aurons qu’une soirée toi et moi, je n’envisage rien de plus. Rien de plus. Un autre choix n’est pas possible.  

Je tais bien évidemment la décision irrévocable qui est mienne, je ne suis pas à une couardise près, je reste donc muette et me contente de t’enlacer rageusement, t’invitant à reprendre tes droits sur mes lèvres. Inutile de te prier, tu te réappropries ma bouche avec une fougue désespérée et j’endure ce nouveau martyr avec euphorie. Tes lippes courent sur moi, et mille mâchoires me déchiquètent en simultanéité, tes mains m’enserrent, me contraignent, et je perçois comme des griffes entailler la chair tendre sur laquelle tu divagues. Je défaille chaque instant un peu plus, la raison m’abandonne, je sombre dans une concupiscence incroyable, un désir qui me cloue.  

 

Follement enlacés, presque fusionnés, nous mêlons salives et souffles sans discontinuer. Ton poing, de temps à autre, agrippe mes cheveux, contraint ma tête à plier davantage vers l’arrière, à offrir à tes lèvres gloutonnes ma gorge sans défense. Tu croques sans hésiter, tu m’abîmes sans honte. Puis, tout à coup, te voilà plus exigeant encore, la bretelle de mon soutien-gorge dévale mon épaule, mon sein droit apparaît. Aussitôt, tu l’engloutis, tu m’aspires, maltraites la chair délicate. Je devrais m’insurger, repousser tes attaques, revendiquer douceur et tendresse, pourtant je n’en fais rien. Bien au contraire, j’encourage ta démesure, te maltraite tout autant que je le peux. Mes caresses dans ton cou, les contre-attaques de ma bouche, mes grognements animaux sont des preuves incontestables de mon adhésion à notre violent entremêlement. Je prends plaisir à cette brutalité, la réclame. J’ai relevé un genou contre ta hanche, ta main s’est emparée d’une de mes fesses, en malaxe fermement la rondeur. Je perçois ton désir palpiter contre mon ventre, tu te frottes contre moi, tu feules d’impatience. Des bulles explosent dans mon intimité, une chaleur humide envahit ma culotte, tandis que tu cherches à me coller de plus en plus. Je perds pied… Je perds pied…  

 

D’un habile procédé dont je te sais expert, voilà ma poitrine entièrement débarrassée de la dentelle blanche, soumise à tes seules extravagances. Tu sembles ému devant mes modestes attributs. Le temps fait une pause alors que tu les admires à quelques millimètres, que tu les effleures avec respect et fébrilité. Puis tu hausses les sourcils, tes yeux suivent le mouvement, retrouvent les miens, enfin ! Cela fait des minutes que nous ne nous sommes pas accordés un regard maîtrisé. Que te disent mes yeux Ryô ? Te communiquent-ils l’amour destructeur qui se déchaîne en moi et qui nous précipite vers un funeste destin ? J’ai envie de toi à en crever, je tremble de nervosité à l’idée d’être tienne. Je te voudrais déjà en moi…  

 

Prends-moi ! Voilà les seules paroles qui me viennent à l’esprit. Prends-moi et fais-moi mal ! De toute manière, saurions-nous nous aimer autrement ? Simplement, comme un homme et une femme… je ne le pense pas.  

 

Mais déjà tu reprends ta place contre moi, m’enlaçant plus étroitement que jamais. Je me blottis dans tes bras, quémande ton affection, ces baisers que tu distribues avec largesse et qui me comblent. Petite fille, je me surprends à caresser ton visage à la virilité exacerbée, me rassurant de ces traits chéris convoités jusqu’à la folie et dont il me semble qu’on m’en accorde enfin la jouissance. Je savoure ce moment d’éternité, mes caresses confiantes, tout comme les grandes bouffées de moi dont tu t’emplies en inspirant profondément dans mon cou. Inédite complicité que nous partageons…  

 

Mais la fièvre reparaît très vite, elle investit tes mains, envahit mon cœur, jusqu’à nous entraîner à nouveau sur les chemins interdits de la luxure. Je suis pratiquement nue, seul mon slip me couvre toujours ; toi, tu es encore tout habillé. Certainement le remarques-tu car tu te débarrasses de ton Tee-shirt en le faisant passer par-dessus ta tête, tu le jettes négligemment. Ce nouveau terrain de jeu que tu m’offres est fascinant. Après quelques instants de confusion, mes doigts se dévergondent et déambulent sur ton buste mythique. Mes yeux s’écarquillent tandis que je cours sur ta peau nue. Il n’est pas ici question de soie, comme celle qui recouvre le corps de mon autre amour, non, ton épiderme à toi est creusé de multiples sillons et imperfections, ces cicatrices témoins des blessures dont on ne t’a pas épargné. Je devine que celles-ci ne sont rien en comparaison de celles qui déchirent ton âme et auxquelles je n’ai pas accès. Suis-je responsable de certaines ? Sans nul doute, oui ! Mais là tout de suite, ces considérations ne m’atteignent pas. Je me contente de suivre, impressionnée et électrisée, les lignes de ton corps. Je chavire d’un bonheur sans nom de ce territoire inespéré que je conquiers, je détaille chaque recoin, je m’approprie les moindres interstices que je visite pendant que, toi, tu introduis tes mains sous mon dernier rempart, que tu empaumes mes fesses. Je m’abandonne, confiante, à ton intrusive caresse.  

 

Mes joues s’échauffent davantage et ma respiration devient saccade. Tes doigts descendent si bas Ryô, si bas que tu en viens à gagner mon sexe, à l’effleurer savamment, à en apprécier la consistance, la texture. Il me semble qu’il est gorgé de nectar, gonflé comme un bourgeon prêt à exploser, qu’une vie fabuleuse y éclot. Me voilà roucoulante contre toi, tremblante et excitée, mon front, un instant, échoit contre ton épaule. Puis ta main droite quitte son repaire, lentement. Elle remonte le rebondi de mes fesses et contourne ma hanche, toujours sous le tissu blanc. Je comprends ton dessein, accéder à mon sexe par l’avant. Coopérant, j’écarte ma cuisse gauche, mon pied prend appui sur le mur afin de te faciliter l’accès. L’onyx de tes yeux contemple l’expression de mon visage avec une avidité impressionnante. Tu sembles entièrement concentré sur les émotions qui naissent des sensations que tu induis et qui transparaissent sur mes joues carmines ; je devine la fierté que tu ressens à constater mon émoi, une lueur moirée danse dans tes iris. Tes lèvres embrassent délicatement ma mâchoire tremblante tandis que tes doigts poursuivent leur œuvre sur mon intimité.  

 

Je ne veux pas croire, je ne peux pas croire Ryô que c’est ma langue qui pénètre ainsi ta bouche, mes mains qui fourragent si violemment tes cheveux. Je ne veux pas croire, je ne peux pas croire que c’est moi qui gémis ainsi sous tes attouchements démoniaques. Tes doigts ne cessent de tournoyer dans ma culotte, flattant merveilleusement l’épicentre de mon plaisir. C’est à la fois doux, lent et sauvage. Impudique. Mes mains se crispent sur tes épaules, je renverse ma tête vers l’arrière, cogne légèrement le mur de notre entrée. Ma gorge gonfle de ces cris que je souhaite retenir, mes yeux se ferment et se détournent sous le feu de ton regard, ma poitrine tressaute contre ton bras. Je voudrais… Je voudrais…  

 

Mais tu interromps ta savoureuse masturbation pour, au détour d’une caresse, introduire quelques doigts en moi.  

Combien ?... Je ne saurais dire ; mais il me semble en nombre bien suffisant. Je suffoque, surprise, heureuse ou déçue, je ne saurais dire. Pourtant je me cambre ! Mue par l’envie de complétude, par mon instinct, je bascule mon bassin vers toi pour venir davantage à la rencontre de ta main.  

 

Bouge ! ai-je envie de t’intimer. Je n’en dis rien, évidemment, bâillonnée par une gêne et une certaine pudeur qui ne s’expriment qu’avec toi.  

 

Tu ne me pénètres hélas pas comme je l’attends, tu meus tes doigts en moi, tu me sondes visiblement, sans me lâcher du regard. Mes sourcils se froncent de frustration tandis que tes doigts quittent leur repaire et entrent dans mon champ de vision, tout près de ta bouche.  

 

« Tu es trempée. » constates-tu, visiblement satisfait.  

 

Tu écartes vivement les doigts et des fils transparents apparaissent entre eux, formant comme une toile d’araignée. Tu souris et les lèches suavement, je suis fascinée et terriblement troublée par le tableau érotique que tu m’offres.  

 

« Et délicieuse…, ajoutes-tu. Goûte-toi ! »  

 

Ton index vient s’écraser doucement contre mes lèvres. J’ouvre délicatement la bouche et le suce d’un air licencieux, dardant sur toi un regard équivoque. J’exulte de la crudité de la situation, bien plus que de la douce saveur que je découvre sur ton doigt et qui est mienne. Tu grondes de désir tout en contemplant mon manège. Oui, je me prête au jeu Ryô ; et je devine très bien à quel genre de pratique tu penses alors que ton index investit ma bouche par intermittence. Je suis consciente de t’exciter follement.  

 

D’une fébrilité déconcertante, tu retires ton doigt d’entre mes lèvres et te colles brusquement à moi, m’embrasses avec passion. Bien sûr, avec toute la couardise qui me caractérise, je te rends ton baiser, je le partage, je l’approfondis même, je m’y investis corps et âme, renonçant à considérer toutes les objections raisonnables à notre effusion. Est-ce un crime que je m’apprête à commettre ? Lâcheté, faiblesse, tout cela m’écœure et m’indigne. Pourtant, ces médiocrités ne me freinent pas, elles n’entament pas ma détermination à m’unir à toi, de la plus bestiale manière. Déjà mon corps halète et te réclame. Cependant, dans l’obscurité coupable de ma conscience, tapi et malheureux, mon amoureux sanglote. Mick. L’homme qui m’a conquise, qui me comble, qui me rassure. Désolé et désespéré, il sanglote et ses gémissements me parviennent distinctement… sans pour autant entraver mes désirs.  

 

« Je te veux, murmures-tu péniblement. Est-ce que tu me veux aussi ?  

 

— Oui, oui… tout de suite ! »  

 

J’ai répondu sans réfléchir et me précipite aussitôt pour ôter cette satanée culotte, refoulant le sentiment de culpabilité qui commençait à me gagner ; je la fais descendre le long de mes jambes avec des gestes non maîtrisés qui trahissent mon impatience. De ton côté, tout aussi maladroitement, tu défais ta ceinture, retires pantalon et boxer d’un seul tenant, les envoies valser à l’autre bout du couloir. Dans la seconde, je retrouve tes bras autour de moi, tu me saisis, me soulèves, me colles contre le mur. C’est donc ici ? Dans cette entrée glacée, à peine éclairée, contre le mur dur et inhospitalier, que nous allons nous aimer ? Nous aimer ? Le terme est-il adéquat ?  

 

Je devine sans peine l’urgence qui t’habite, la barre de ton érection qui se presse entre mes cuisses ; cette urgence palpite en moi de la même manière Ryô. L’urgence de se posséder, de s’appartenir. Pouvons-nous qualifier d’amour ce qui va suivre ?  

 

Mais je ne peux investir plus avant ma réflexion, te voilà à l’orée de mon intimité.  

 

« Attends ! », j’ose t’interrompre.  

 

Immédiatement, tu te glaces dans mes bras, prends quelques centimètres de recul pour m’observer, sonder mes intentions.  

 

« Un préservatif, éclairé-je immédiatement. Nous devons mettre un préservatif… »  

 

Nos yeux, distants de quelques dix centimètres, s’entremêlent. Tes sourcils esquissent une arabesque majestueuse puis se froncent imperceptiblement. L’onyx de tes iris s’assombrissent plus encore tandis que tu me fais retoucher terre silencieusement. Tu te détournes de moi et le froid profite de ta désertion pour me mordre les épaules. Je frissonne tout en te suivant du regard. Tu t’es approché de ton jean, te baisses pour en extraire ton portefeuille. Duquel tu sors un préservatif.  

 

Lorsque tu me refais face, à quelques mètres de moi, je ne peux manquer d’admirer ta nudité, le déploiement de ton sexe, ce fameux mokkori qui fait ta légende à Shinjuku. Je recule instinctivement contre le mur… mon mur… notre mur. Je me projette dans ce qui va suivre, cette pénétration qui se dessine, ta terrible érection qui la matérialise. Une difficile déglutition s’empare de mon gosier. Serai-je la milliardième ?  

 

« Je vois que tu as toujours des préservatifs sur toi, fais-je remarquer, amère.  

 

— Avec lui aussi tu en mets? questionnes-tu sans considérer ma remarque. »  

 

Tu t’approches de moi, l’air encoléré, les yeux revolver. Si tu savais comme j’ai mal de te savoir toujours prêt à dégainer une capote et, visiblement, toi tu as mal de m’imaginer faire l’amour avec Mick. Mes yeux esquivent le coup, se perdent dans la contemplation du sol.  

 

« Regarde-moi ! scandes-tu. J’exige que tu me regardes ! »  

 

Je gonfle ma poitrine pour me donner du courage, relève fièrement le menton puis dépose sur toi le regard le plus neutre dont je sois capable. Notre petit duel n’est pas terminé à ce que je peux discerner sur ton visage. L’amertume est grande dans ton cœur, les désillusions encombrent encore le mien, ne crois pas le contraire.  

 

« C’est mon moyen de contraception, je n’en ai pas d’autre. » dis-je afin d’apaiser la tension qui s’installe.  

 

C’est sans sourire et sans précipitation que tu te diriges vers moi, tes yeux obstinément plantés dans les miens. Tu as déchiré l’emballage d’aluminium, déjà tu testes le sens de déroulage en soufflant légèrement dans le préservatif. Je suis les mouvements de tes doigts le long de ton vit, ta dextérité que je déteste. Mais déjà tu m’abordes. Impressionnées par ton corps, mes épaules heurtent le mur, mon dos s’y réfugie également, j’inspire un grand coup puis ma respiration cesse brusquement. C’est que je me suis envolée, que tu m’as kidnappée, capturée, et que j’en ai perdu le souffle. Mes cuisses se sont exagérément ouvertes sous la pression de tes bras et de ton bassin qui s’est encastré entre elles, mon sexe n’a d’autre choix que de s’offrir à toi. Mes genoux reposent sur tes coudes, je suis en lévitation, tes mains ont pris place sous mes fesses et m’écartèlent. Pour maintenir mon équilibre, je dois enrouler mes bras autour de ta nuque ; nos nez se touchent, nos yeux se sondent. Ta récente animosité n’est plus. Il n’est désormais plus question que de désir dans le feu de tes orbes onyx.  

 

« Guide-moi en toi. » m’implores-tu.  

 

J’obtempère. Évidemment que j’obtempère. Ma raison n’est plus, je suis désormais incapable de suivre mes gestes, d’en avoir conscience, je suis juste percluse de concupiscence. Une de mes mains se fraye un chemin tant bien que mal entre nos corps enlacés puis se saisit de toi. L’incendie redouble de puissance dans mon ventre, sur mes joues, mais nos regards restent entremêlés, refusent de se laisser gagner par la moindre gêne. Ryô, je veux graver en moi, pour l’éternité, ce moment où je serai tienne.  

J’ignore exactement quels sont mes mouvements, les caresses que j’induis entre nos deux sexes, mais cette première pénétration signe ma totale reddition. Nous abandonnons tous deux un soupir libérateur, extatique, tandis que nos corps fusionnent profondément, que je prends conscience de ton ampleur.  

 

Me voilà soumise à tes coups de rein, à l’ardeur que tu mets à m’envahir pleinement. Tu ne m’épargnes pas, tu te montres sauvage et impétueux. Dedans, dehors. Ton souffle est court, délicieusement troublé, mais le mien s’est métamorphosé. Chaque retour en moi fait exploser des gémissements éloquents que je suis incapable de refouler tant le plaisir naît du coït que je subis. Dedans, dehors. Pour peu, je choquerais mes propres oreilles.  

 

Nous nous embrassons beaucoup, mêlant l’abondance de nos salives mais, de temps à autres, mes prunelles croisent tes obsidiennes gourmandes guettant chacune de mes réactions. Tu sembles te régaler de mes manifestations sonores qui encouragent la démesure de ta pénétration.  

 

Lorsque mon visage se détourne quelque peu de toi, je découvre une silhouette fantasmagorique, sombre et rougeoyante, à mes côtés, contre le mur. Je devine que c’est ma conscience incarnée dans ce démon cornu aux yeux de braise qui suit dédaigneusement notre corps-à-corps. Il sourit ! Le monstre, il sourit ! Il semble se régaler du spectacle érotique que je lui offre. Ces mouvements verticaux qui me font glisser contre le mur à chacune de tes immixtions, ces râles de plaisir qui envahissent notre entrée, la sueur qui perle dans mon cou, qui y colle quelques mèches de mes cheveux. Débordée de plaisir, l’expression certainement chavirée, je ne parviens à m’extirper de la fascinante contemplation que m’inspire l’étrange créature, de ce sourire malsain qu’il arbore et dont je suis la muse.  

 

Va-t-en ! Diable, va-t-en ! Cesse de me regarder, cesse de sourire, je ne supporte pas !  

 

Bien sûr, nul mot ne franchit mes lèvres, bien trop occupées à te communiquer les exquises sensations qui m’étreignent. J’arrache mon regard du succube pour te considérer à nouveau. Ryô, là, maintenant, ce soir, dans l’univers tout entier, rien ni personne n’altèrera ce que nous partageons.  

 

Profond, profond, jusqu'aux enfers  

Nous nous mêlons rivière et mer  

Fondus comme l'argent et l'or  

Je t'adore dedans dehors.  

 

Insidieusement, le plaisir s’amplifie. Chaque retour prodigieux en moi m’accule contre ce mur. Mur qui m’accueille, me recueille, puis me repousse vers toi qui me transperces à nouveau. Encore et encore. Toujours plus loin, toujours plus fort.  

 

Tu es mon bourreau, ma victime  

Nuit de noce, maison du crime  

Tu es mon terrible tyran  

Et mon naïf petit enfant  

 

Notre relation amoureuse, d’aussi loin qu’il m’en souvienne, fut une succession de montagnes russes. Jamais sans toi, jamais avec toi. À se faire souffrir, à endurer, à se retrouver, à se chercher sans jamais se trouver. À suffoquer de douleur. Mais aussi à apprendre à vivre, à aimer, à pardonner. Quel homme es-tu Ryô ? Quelle femme vois-tu en moi ? Celle que tu espères, que tu attends ? Ou celle que je suis vraiment ?  

 

Nous avons connu des merveilles  

Des dragons et des nuits de veille  

Nous avons connu mille morts  

Et résurrections à l'aurore  

 

Nos dragons, nos démons, autant d’embûches sur le chemin non balisé de l’amour que j’ai emprunté à seize ans à peine. Tu es apparu et j’ai été subjuguée. Je pourrais mourir pour toi Ryô. Aujourd’hui encore ! Je te jure, je pourrais mourir pour toi.  

 

Dans ta chair compacte et si bonne  

Au chaud parfum de cardamome  

Je me blottis et je frissonne  

Comme un chat trouvé qui ronronne  

 

Je savoure… Chacun de tes gestes, chacun de tes souffles… Les odeurs sexuelles qui planent dans notre entrée… Lourdes, pleines, suaves… Nos effluves mêlées…  

 

Je ne sais pas pourquoi tu m'aimes  

Et pourquoi moi la milliardième  

Ce qu'il y a de moi à toi  

Quel trésor tu peux voir en moi  

 

Je suis moche, informe pour ne pas dire difforme, un vrai travelo. Tant d’horribles défauts et critiques dont tu m’as couverte des années durant et qui m’ont blessée comme tu n’imagines pas. Quelle union insensée ce soir, Ryô ! Entre un homme séduisant et séducteur, tombeur de ces dames, et moi, cette fille sans charme, sans sex-appeal, soi-disant incapable de susciter chez toi le moindre désir…  

 

Nous avons connu des merveilles  

Des dragons et des nuits de veille  

Nous avons connu mille morts  

Et résurrections à l'aurore  

 

Je te fais mal ? Ahhhhhh ! Souffre alors ! Souffre autant que j’ai souffert !  

 

Parfois j'oublie jusqu'à ton nom  

Tu es un meuble un bruit de fond  

Puis tu te dresses scintillant  

Vainqueur comme un soleil levant  

 

Mes yeux souhaiteraient ne plus te voir, mes oreilles ne plus t’entendre, mes narines ne plus saisir le parfum envoûtant que tu dégages. Me libérer de toi, à jamais, ne plus être sous ton joug. Diable, si tu m’écoutes, libère-moi !  

 

Souvent mon cœur pleure et se hait  

Pour tout le mal que je t'ai fait  

Puis je deviens sauvage et dure  

Au souvenir de mes tortures  

 

Mais les lianes sur mes poignets sont enroulées si fort qu’elles ont attaqué ma chair, elles ont pénétré mes artères, les ont vidées de leur fluide vital, fusionnent avec elles. À genoux devant toi, je suis.  

 

Nous avons connu des merveilles  

Des dragons et des nuits de veille  

Nous avons connu mille morts  

Et résurrections à l'aurore  

 

À genoux… Incapable de t’opposer la moindre résistance.  

Ton sexe me soumet, ample et puissant, imposant le plaisir. Déjà l’orgasme se devine sous tes coups de rein impitoyables.  

 

Quelquefois la fusion exquise  

D'un frôlement comme une brise  

Est si forte que je pourrais  

M'évanouir si je voulais  

 

Point de frôlement ce soir. Bien au contraire. Dans l’humidité de mon repaire, tu t’obstines avec fureur. Ton souffle est désormais fou et désordonné. Nos bassins claquent de plus en plus rapidement et mon clitoris s’affole des frottements induits, les muscles de mon vagin échappent à tout contrôle. Je suis à une inspiration d’une jouissance fabuleuse.  

 

Je me noie, j’étouffe, les muscles de mon périnée s’enflamment, se gonflent de spasmes délicieux et ma voix s’abîme dans des logorrhées envolées. Mon ventre se contracte autour de toi, l’orgasme m’envahit, monte et descend. Il dure, s’éteint presque, pour renaître plus intense encore, me submerger et m’anéantir.  

 

Tu es désormais presque violent, ne mesures plus le rythme ni la profondeur de tes pénétrations et je devine, aux grognements que tu abandonnes, l’imminence de l’apogée de ton plaisir.  

 

 

Mais j'aime mieux goûter encore  

Tous les prodiges de ton corps  

Me noyer dans la griserie  

Qui fait que pour toujours je ris  

 

Tu t’es tendu comme un arc, les muscles de tes bras et de ton ventre se sont crispés, tu grondes et gémis tout en t’affalant contre moi pendant que de longues crispations tétanisent ton corps. Tu me rejoins, Ryô, tu me rejoins. Abandonnée dans tes bras, je livre mes derniers souffles qui se fondent aux tiens.  

 

Le pouvoir enivrant qui change l'homme en dieu ;  

L'amour, miel et poison, l'amour philtre de feu,  

Fait du souffle mêlé de l'homme et de la femme,  

Des frissons de la chair et des rêves de l'âme  

 

 

Une certaine délivrance, un apaisement incroyable suivent mon ultime tension, comme si tout en moi se relâchait. À mes côtés, un rire démoniaque explose, un rire vainqueur, monstrueux et effrayant. Je te garde dans mes bras, serré à t’étouffer, tes jambes flagellent et je devine notre chute imminente. Tandis que nous nous effondrons ensemble, je jette un œil à mon voisin démon. Il me couve d’un regard méprisant, tout en affichant la blancheur de ses dents. Nous nous écrasons toi et moi sur le sol de l’entrée, j’atterris sur ton buste, dans le cocon de tes bras car tu as pris garde à amortir ma chute. Mon regard ne peut toutefois pas quitter la mine incandescente du succube. Je me perds dans les prunelles sanguines et le fou-rire qui résonne toujours dans sa gorge me gagne peu à peu. Je me mets à rire moi aussi, secouée de spasmes incontrôlables, un rire sonore et désabusé. Je ris et pleure dans le même temps. Oui, des larmes gagnent mes yeux. Je pleure et ris. Je suis le Diable !  

 

« Calme-toi Kaori, ça va… », me susurres-tu en caressant mes cheveux et en resserrant l’étreinte autour de mes épaules.  

 

Mais ta voix s’éteint dans les limbes qui nous entourent, ta caresse s’évapore. Nous sommes nus et enlacés sur le parquet de notre entrée. Quoi de plus normal ? Nous venons de faire l’amour... Alanguie sur toi, je bénéficie d’une vue plongeante sur ton torse. La vision est hallucinante, ton sexe encore enveloppé, le préservatif usagé, plein du fruit de ta jouissance. Odieuse vision, oui !  

 

Je hoquète désormais dans mon délire apocalyptique, j’échappe à l’étau de tes bras ; toi, tu te redresses, soucieux certainement de calmer la crise de nerfs qui s’annonce. Mais hors de question de croiser tes yeux. Je ne veux rien y lire ; ni les reproches qui ont éraillé ton discours ce soir, ni les traces de l’orgasme que tu as connu avec moi. Et encore moins les sentiments que tu m’as confiés, ou la satisfaction de m’avoir eue. Malgré tout, malgré lui ! Comme une anguille, je glisse et m’évade de la douce chaleur que nous partagions. Tu tentes d’endiguer ma fuite, mais hésites à me retenir de force, puis finalement renonces. Quelques mots incompréhensibles sont prononcés. Des excuses, des explications, des suppliques ? J’entends rien, ne veux rien entendre. Je disparais. Un courant d’air, un frisson, des larmes et une boule d’angoisse, là, fichée dans ma poitrine. Mick !  

 

Je me suis réfugiée dans la salle de bain. Mick ! Dans le miroir, je me fais face. Moi, démone du vice, moi, traîtresse monstrueuse, je me dévisage au travers de mon reflet. Je détaille avec effarement comme tout trahit mes récentes occupations : mes lèvres gonflées, roses presque rouges, les noisettes de mes yeux, pupilles brillantes et dilatées, mes cheveux courts, défaits et collés. Et ces marques dans mon cou ! C’est quoi ces marques dans mon cou ? Le feu de tes baisers, la morsure de tes dents. J’approche lentement du miroir et le reste de mon corps nu m’apparaît. Mon regard s’y aventure prudemment et je découvre, hagarde, les traces de notre corps-à-corps, les traces de mon infâmie…  

 

« Mick… », articulé-je mécaniquement.  

 

Mes paupières se referment, je refuse d’inventorier davantage les preuves de mon abjection. Mais déjà je te pressens derrière la porte. Tu te heurtes heureusement au verrou que j’avais pris la peine de fermer.  

 

« Kaori, s’il-te-plaît, laisse-moi entrer.  

 

— Non, parviens-je à répondre d’une voix que je ne me connaissais pas.  

 

— Il faut qu’on parle ! proposes-tu, raisonnable.  

 

— Pas maintenant. Je ne peux pas. »  

 

Je n’ai plus d’énergie, pas assez en tout cas pour t’affronter de nouveau. Je me sens plus vulnérable que jamais, happée dans un puits sans fond, incapable d’analyser mes actes, de cerner la femme que je suis vraiment. Un seul homme, pour le moment, occupe mes pensées, il se trouve de l’autre côté de la rue dans l’ignorance absolue des instants dramatiques que je viens de traverser et qui, si je les lui dévoilais, pourraient mettre un terme à notre histoire.  

 

« Je ne voulais pas que ça se passe comme ça, Kaori. Crois-moi, ce n’est pas comme ça que je veux t’aimer, t’adresses-tu à moi au travers de la cloison.  

 

— Tais-toi Ryô ! osé-je t’interrompre. Laisse-moi seule s’il-te-plaît.  

 

— Je ne voulais pas te faire mal, abandonnes-tu dans un murmure. Ouvre-moi. Kaori, ouvre-moi, je veux juste te voir…  

 

— J’ai besoin d’être seule maintenant. J’ai… J’ai besoin de réfléchir, de me retrouver. Peux-tu faire ça pour moi ? Ryô, je t’en supplie, laisse-moi. »  

 

Un bruit sec, peut-être ton front contre la porte, m’indique que tu sembles capituler, accepter ma requête, mais aussi que tu m’abandonnes ici contre ton gré, j’en suis bien consciente.  

 

« Comme tu veux. »  

 

J’entends tes pas s’éloigner et cela réconforte mon cœur, la tension qui m’avait envahie baisse d’un cran. Mes yeux retrouvent mon reflet dans la glace et une vilaine grimace vient fendre ma bouche. Je me détourne rapidement, ne supportant pas la vilénie peinte sur mon visage.  

 

L’eau de la douche coule sur moi. Une demi-heure déjà que j’aspire à être complètement purifiée. Une demi-heure que tes mots tournent et retournent dans mon crâne. Notre histoire à tous les deux, les paroles que tu as prononcées, ma relation à Mick, si précieuse, si épanouissante, si nécessaire, ne cessent de tournoyer dans mon esprit, de s’imbriquer, de s’organiser afin que je puisse prendre conscience du problème dans toute sa complexité. Mes muscles se sont détendus, ma peau et mes cheveux se sont imprégnés des odeurs fleuries des shampoings et autres gels douche. Mon corps s’affranchit peu à peu des entraves que tu lui as imposées, mais mon cœur, lui, est perdu. Mes désirs véritables me sont-ils accessibles ? Renoncer à toi est-il seulement possible ? Je peinais à l’envisager jusqu’à ce soir mais, après ce que nous avons vécu, ce que tu m’as avoué, me sera-t-il aisé de respecter la promesse que je me suis faite ?  

 

Tu n’auras qu’une soirée… Une seule fois…  

 

Et tandis que je me perds dans les méandres du doute amoureux, des vers lus au détour du recueil « Chansons pour Elle » de Paul Verlaine me reviennent en mémoire, prennent un sens nouveau.  

 

Es-tu brun ou blond ?  

Sont-ils noirs ou bleus,  

Tes yeux ?  

Je n'en sais rien, mais j'aime leur clarté profonde,  

Mais j'adore le désordre de tes cheveux.  

 

Es-tu doux ou dur ?  

Est-il sensible ou moqueur,  

Ton cœur ?  

Je n'en sais rien, mais je rends grâce à la nature  

D'avoir fait de ton cœur mon maître et mon vainqueur.  

 

Fidèle, infidèle ?  

Qu'est-ce que ça fait.  

Au fait ?  

Puisque, toujours disposé à couronner mon zèle  

Ta beauté sert de gage à mon plus cher souhait.  

 

 

 

 

 

 

 

 


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