Hojo Fan City

 

 

 

Data File

Rated G - Prose

 

Auteur: Mercury80

Status: Complète

Série: City Hunter

 

Total: 1 chapitre

Publiée: 01-10-20

Mise à jour: 01-10-20

 

Commentaires: 3 reviews

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General

 

Résumé: Parfois on doute, parfois on tombe, puis on se relève. Nul n'est à l'abri de cela.

 

Disclaimer: Les personnages de "Reflets" sont la propriété exclusive de Tsukasa Hojo.

 

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   Fanfiction :: Reflets

 

Chapitre 1 :: Chapitre 1

Publiée: 01-10-20 - Mise à jour: 01-10-20

Commentaires: Bonjour, voici un petit One-shot tout en pensées intimes. Bonne lecture et merci pour vos commentaires^^

 


Chapitre: 1


 

Je me tiens droite face au lavabo, une serviette enroulée autour de moi. Je sens encore la chaleur qui irradie de mon corps, rémanence de la douche que je viens de prendre, mais, comme beaucoup de choses, elle s’évapore, disparaît, m’échappe… Elle est juste hors de contrôle, hors de mon contrôle. Je me brosse les cheveux rapidement. Je suis ce que je suis, nul besoin d’y passer des heures, mille lotions, un fer à lisser ou à friser, de sortir le sèche-cheveux qui n’a dû me servir qu’une dizaine de fois depuis que je suis ici. Sept longues années maintenant…  

 

Comme de son propre chef, ma main se lève et mes doigts se posent sur le miroir face à moi. Doucement, ils glissent sur la surface créant un chemin sinueux sur la buée qui l’a recouverte, m’offrant une vision brouillée de mon reflet. Un sourire triste s’affiche sur mes lèvres, sourire qui n’atteint pas mon regard. Brouillé, c’est un adjectif qui correspond assez bien à la façon dont je me vois, dont je me sens. Triste, heureuse, nostalgique, espérant, dépendante, indépendante, confiante, terrifiée, mes facettes se mélangent, s’entremêlent, se noient, se fondent. Il y a celle que je suis et celle que je laisse paraître. Il y a celle qui existe et celle qui rêve. Un léger rire sort de ma gorge : mon reflet pleure. Une goutte d’eau s’est formée et descend de mon œil, me tirant une larme également, bien réelle, qui vient effleurer la commissure de mes lèvres de son goût salée.  

 

Je relève les doigts et trace de nouveaux traits sur la glace. Un visage, un regard que je sais doux, des lèvres qui ont toujours su me rassurer. Ma gorge se serre et je sens la douleur revenir en moi, cette douleur qui est en moi depuis sept longues années, cette douleur que je tais et dont je n’affuble personne, cette douleur contre laquelle je me bats pour toi. Je sais, Hide, que tu n’aurais pas voulu me voir triste et le coeur vide du manque que tu as laissé derrière toi. Je sais que tu m’aimais et me chérissais du plus profond de ton coeur, que tu voulais pour moi une vie douce et heureuse. Je sais que tes rêves pour moi étaient simples mais emplis de joie : de bonnes études, un mari qui m’aimerait et que j’aimerais, une maison chaleureuse et joyeuse, emplie de vie, de rires et d’amour, exempte de souffrance et de tristesse comme nous l’avions connue, et des enfants…  

 

Que dirais-tu si tu me voyais aujourd’hui ? Que dirais-tu si tu me voyais me languissant d’un homme qui a des sentiments pour moi mais refuse d’agir dessus ? Me trouverais-tu idiote de l’attendre parce qu’au fond de mon coeur, il ne peut y avoir que lui ? Trouverais-tu ma vie terne et loin de ce que tu attendais pour moi ? Je ne le pense pas, sinon tu ne m’aurais pas confiée à lui, non ? Je m’accroche à cela, je m’accroche au fait que tu aies eu suffisamment confiance en lui, en sa mission, pour quitter un emploi que tu adorais par dessus tout, prenant le risque de décevoir beaucoup de monde dont papa, ce père qui nous a quittés il y a si longtemps, ce père que tu adorais et qui t’aimait, ce père dont tu te souvenais.  

 

J’ai honte parfois parce que je ne me souviens plus de lui. La seule chose qui me reste, c’est le sentiment d’avoir été aimée mais, même cela, je ne sais si c’est de lui véritablement ou de toi. Les souvenirs de ma petite enfance se sont effacés et je souffre beaucoup moins de son absence que de la tienne. Et pourtant, c’est à lui que je dois de t’avoir connu. Sans lui, je ne sais même pas où je serais. Sans lui, je n’aurais certainement pas connu la chaleur d’un foyer.  

 

Parfois, je te maudis, mon frère adoré. Je te vois lever un sourcil étonné. Je te vois comme si tu étais en face de moi, juste là à portée de main et je lève les doigts et effleure ton visage. Seul le froid humide du miroir me répond et je reviens à la réalité. Tu n’es pas là. Tu es parti avant même de me dire ce que tu savais de moi. Je sais que j’ai été adoptée mais tu étais le seul à pouvoir peut-être m’aiguiller sur mes origines, à m’apprendre les circonstances de mon adoption, à peut-être pouvoir me permettre un jour rechercher mes parents biologiques.  

 

Je sais que j’ai été aimée, Hide. Je n’en ai jamais douté. Tu m’as entourée de toute l’affection que tu ressentais pour moi, et je la sais sincère et entière. Tu m’as apporté la chaleur et la sécurité d’un foyer, la douceur de tes bras quand j’en avais besoin, le regard rassurant posé dans mon dos pour pouvoir avancer. Tu m’as prodigué de sages conseils, de fermes recommandations, de tendres assurances. Tu m’as entourée comme il le fallait, comme ça aurait pu me suffire s’il n’y avait pas eu ce petit fait anodin, enfin c’est ce que tu m’as toujours fait ressentir : j’avais été adoptée.  

 

Je me regarde dans le miroir et je me vois comme je me sens : seule, désorientée, instable. J’ai l’impression de marcher sur des sables mouvants chaque jour, chaque minute. J’aurais aimé que tu me parles, que tu me dises si ce projet d’adoption daté de longtemps ou non, si c’était un projet que tes parents avaient eu ensemble et que notre père n’avait pu que concrétiser après la mort de ta mère ou si c’était arrivé après et pourquoi. Etait-ce la volonté de combler le manque qu’elle avait laissé, de donner sa chance à un être malheureux, les aléas de la vie ? Personne ne pourra me le dire maintenant… Si tu n’as pas pris le temps de m’en parler, tu ne l’auras fait avec personne d’autre et je vais rester seule avec mes interrogations.  

 

J’aurais peut-être recherché ma famille biologique mais tu serais toujours rester ma famille, tu sais. Là aussi, j’aurais aimé avoir des réponses sur les circonstances. Ca m’aurait peut-être fait mal de me savoir non désirée, rejetée mais j’aurais certainement réussi à digérer tout cela. J’aurais pu classer cela et aller de l’avant. Je ne me sentirais pas retenue par des chaînes encore maintenant. Tu comprends peut-être mieux pourquoi je suis en colère contre toi mais, rassure-toi, mon amour est beaucoup plus grand encore.  

 

Je relève les yeux vers le miroir et, de nouveau, mon reflet me regarde. Il y a tant de tristesse dans ce regard. Je sais pourtant que, dès que j’aurais ouvert la porte de cette pièce, il sera tout autre. Empli de joie, posé, serein, nul ne saura les turpitudes qui m’auront assaillies quelques minutes auparavant. Le seul qui me perce parfois, c’est Ryo. Je le sais, je le sens comme je sens les moments où il sombre lui aussi un peu. Il est là, je suis là, non loin, pas trop proches, juste à la bonne distance, celle qui nous convient pour ne pas briser la ligne invisible qui nous sépare d’un confort connu à une zone de potentielle turpitude. Pour les autres, les quelques moments de tristesse sont ceux que je veux bien partager avec eux et ils sont peu nombreux.  

 

C’est facile de leur parler de la relation que j’entretiens avec mon partenaire. Ils la voient et la vivent jour après jour. Ce qu’ils voient surtout de moi à ce moment-là, c’est la jeune femme pleine de caractère qui lui court après pour le recadrer, la femme maîtresse qui ne s’en laisse pas conter, la femme qui l’aime en attendant un geste de sa part. Cette femme-là rit, crie, parle avec tendresse ou vocifère à tour de bras. Elle ne se mure pas dans des silences contemplatifs à ressasser des pensées bien plus profondes. Cette femme-là est entourée et se sait aimée, cette femme-là ne se sent pas fragile, en proie aux doutes, ou encore seule. Cette femme-là paraît bien plus forte que celle qui existe au fond d’elle.  

 

Je pourrais leur parler et leur dire. Je pourrais leur expliquer que j’aimerais savoir d’où je viens, que, malgré leur présence, malgré leur chaleur, je me sens seule mais je n’y arrive pas. Je refuse de leur transférer le poids de ma souffrance, je ne veux être que légèreté, espoir et combativité à leurs yeux. C’est idiot parce qu’ils m’aiment et comprendraient certainement mais je ne veux pas voir dans leurs yeux la pitié ou l’image que j’ai de moi, la faiblesse. Je ne peux pas être faible devant eux, je ne peux pas être faible dans notre monde, je ne peux pas être faible alors que j’ai eu une vie beaucoup moins douloureuse que eux… Alors, je relève le menton et je fais taire ce mal-être au fond de moi.  

 

La seule personne à qui j’ai jamais osé en parler est quelque part non loin, certainement en train de lire ses magazines pour adultes ou de fumer une cigarette… Je reviens en arrière d’un peu plus de dix ans et me revois en train de confier à cet inconnu d’alors que mon frère n’est pas vraiment mon frère mais qu’il ne sait pas que je sais que je ne suis pas celle que je suis sensée être, que, malgré tout cela, ça ne change rien pour moi même si j’aimerais qu’il m’en parle… Je voulais juste que Ryo comprenne que je ne pouvais pas perdre mon frère, l’être que j’aimais plus que tout au monde, le pilier de ma vie. Je voulais qu’il le laisse vivre sa vie et quitte la sienne pour qu’il ne devienne pas un être aussi ignoble que lui, un pervers, un satyre qui draguait tout ce qui bougeait, un assassin sans foi ni loi. C’était ce que je voulais jusqu’à ce que je découvre l’homme derrière le masque, jusqu’à ce que mon coeur sente ce que ma tête n’avait pas voulu comprendre jusque là. Il y avait lui et il y avait les apparences qu’il se donnait, deux choses bien différentes mais qui ne servaient qu’à se protéger ou se cacher peut-être… Finalement, nous n’étions pas si loin l’un de l’autre, avais-je fini par penser, et il avait semé en moi quelque chose qui avait réchauffé mon être.  

 

Cette petite chose avait grandi et, lorsque je l’avais retrouvé quatre ans plus tard, elle était là et ne demandait qu’à exploser mais, lui, il était toujours aussi coureur et inconstant et terriblement énervant… et beau à tomber et charismatique plus que je ne pouvais en supporter et, quand il le voulait bien, il tombait le masque. J’aimais cet homme aussi imparfait soit-il avec ou sans masque.  

 

Alors cet homme auquel je m’étais attachée irrémédiablement mais qui ne se laisserait pas attacher aussi facilement, j’ai dû m’en protéger. La femme que je suis et la femme que je montre se sont alliées pour se protéger. La première manquait tellement de confiance en elle qu’elle ne pouvait croire un traître mot des jolies choses qu’on lui disait, des regards que l’on posait sur elle, des sentiments qu’elle ressentait. Elle fondait comme neige au soleil sous la chaleur de ses yeux posés sur elle, se faisait aussi malléable que de la pâte à modeler sous de belles paroles. La deuxième se montrait colérique et punitive quand il se moquait d’elle comme pour lui montrer qu’elle ne le laisserait pas mener la danse, que ce qu’il disait ne la touchait pas, qu’elle était aussi insensible qu’il l’était.  

 

Je ne peux pas le laisser croire que je suis faible. Je ne peux pas le laisser croire qu’un rien suffit à me déstabiliser. Je ne peux pas le laisser croire que je n’ai pas ma place à ses côtés. Je ne peux pas le laisser croire que je dois quitter notre monde, sa vie. Je suis là où je dois être parce que ce que j’ai donne un sens à ma vie, parce que l’avoir à mes côtés donne une lumière à mon existence et, quelque part, j’ai le sentiment que c’est réciproque et ça me fait du bien. Si seulement nous osions nous parler, peut-être que… je serre les dents et, d’un geste rageur, efface la buée restant sur le miroir, annihilant mon reflet. Les choses sont comme elles doivent être. Parfois, il faut savoir se contenter de ce qu’on a, de ce qu’on est et ne pas en demander plus.  

 

Je chasse mes humeurs moroses et sors de la salle d’eau, m’arrêtant dans la pièce adjacente pour m’habiller. Je me tourne vers le panier où j’ai rangé mes vêtements propres et souris. Il est passé par là, a tripoté à mes sous-vêtements et n’a pas pris la peine de les remettre en place. Il sait pourtant ce qu’il risque à le faire mais, aujourd’hui, je n’ai nulle envie de lui courir après et de le massacrer. Je veux juste… Je ne sais pas en fait. Est-ce que je veux être celle qui paraît et me montrer forte et courageuse ou être celle qui est et accepter de me dévoiler un peu plus au risque de décevoir ?  

 

Je me secoue et m’habille lentement, sentant la rougeur gagner mes joues en passant les sous-vêtements qu’il a touchés. Idiote, bécasse, me dis-je, m’en voulant de me montrer si troublée par ce simple fait. C’est un satyre compulsif : privé de sortie, il se ruerait sur n’importe quoi, pensé-je. C’est faux, me souffle une petite voix.  

 

- Kaori, dépêche, on doit y aller !, m’interpelle mon partenaire.  

- Je vois pas ce qui t’oblige à passer des heures dans la salle de bains… pour ce qui en sort., lâche-t-il.  

 

Mon humeur sombre à nouveau. Il a raison après tout. Je ne suis ni belle, ni drôle, ni intelligente malgré ce que me disent certains. Heureusement que je n’ai pas mis de miroir dans cette pièce. Je suis sûre que mon propre reflet me dirait la vérité en face. Je boutonne mon jean, ajuste mon pull puis sors de là.  

 

- La place est libre., maugrée-je, gardant le regard baissé pour ne pas lui montrer ma peine.  

- Je n’en ai pas pour longtemps. Je suis naturellement séduisant., réplique-t-il, goguenard.  

- Et naturellement idiot !, riposté-je avant de descendre.  

 

Rageusement, je range deux trois choses dans le salon plus par besoin de m’occuper que de faire de l’ordre. L’entendant descendre, je me tourne vers la penderie et attrape mes chaussures et mon manteau. Je le sens à mes côtés s’habiller. Je vois un pan de sa veste passer dans mon champ de vision alors que je remonte la fermeture de mes bottines et ferme un instant les yeux. Sa présence apaise mes tourments. Peu importe ce qu’il me dit, il m’apaise. Je me sens en sécurité à ses côtés et j’en ai besoin. Quand je me redresse, il me prend ma veste des mains et passe derrière mon dos. Surprise, je reste un moment sans bouger avant de passer le bras dans la manche de droite puis celle de gauche. Je m’apprête à attraper les replis pour la serrer devant moi et la fermer quand il me devance et, dans un geste que mon frère faisait quand j’étais petite, ferme la fermeture éclair jusqu’en haut avant de me mettre une pichenette sur le nez.  

 

Je sens son regard se poser sur moi et je relève instinctivement les yeux. J’ai un autre homme devant moi, celui derrière le masque, celui qui me fait me sentir forte et mon coeur se met à battre un peu plus vite. Je me sens fébrile et un peu nue. J’ai cette étrange impression qu’il lit en moi en ce moment et que je suis incapable de lui cacher quoique ce soit. Je sens son regard fouiller les tréfonds de mon âme et j’en suis remuée.  

 

Sans un mot, il me prend par le coude et m’emmène hors de l’appartement. Toujours dans le silence, il nous conduit jusqu’au cimetière et à la stèle où tu reposes, aniki. Je sais que, dans quelques minutes, il ne sera plus là, qu’il en aura eu assez et qu’il va courir toutes les allées à la recherche d’une miss mokkori. Je sais que ça va m’énerver et me pincer le coeur parce que ce ne sera pas moi mais, pour le moment, il est là à mes côtés. Pour le moment, il a chassé en moi ce sentiment étouffant de solitude.  

 

- Sept ans déjà…, murmure Ryo derrière moi.  

- Oui, sept ans qu’il est parti., murmuré-je, le coeur lourd.  

 

J’entends Ryo prendre une profonde inspiration derrière moi. C’est le moment où il va partir. Je ferme les yeux et m’y prépare.  

 

- Je sais que tu es forte, Kaori., commence-t-il, me surprenant.  

- Mais je sais aussi que tu te sens seule., ajoute-t-il.  

 

Mes yeux s’écarquillent et je ne peux m’empêcher de me retourner avant même d’avoir régné sur mes traits, approuvant ainsi ses dires. Il me parle à coeur ouvert. Pour la deuxième fois aujourd’hui, j’ai droit à l’homme sans masque et, pour moi, c’est un cadeau inestimable car nous ne sommes pas dans une de ces situations où il apparaît normalement, celles où les balles sifflent, le danger nous oppressent et la mort rôde autour de nous, attendant de prendre enfin son dû.  

 

- Tu as le droit de me parler. Je ne suis pas lui, je ne serai jamais aussi bien qu’Hide ni aussi doué que lui pour te dire des trucs sympas mais…, dit-il, détournant les yeux, apparemment dans ses petits souliers.  

- Tu es ma famille, Kaori. Tu n’es pas toute seule., ose-t-il enfin avouer en me regardant.  

 

Imagine-t-il seulement la couche de baume qu’il vient de mettre sur mon coeur ? Je ne sais pas ce que j’ai fait pour mériter cela, je ne sais pas pourquoi il m’a accordé ce privilège à moi mais il est là pour moi comme je suis là pour lui et, étrangement, quelque chose s’apaise en moi. Ca fait du bien. C’est comme si entre nous, pendant cet instant, tous les miroirs déformants se sont brisés et qu’il ne reste que les vrais nous, ceux prêts à se parler, pas ceux qui louvoient autour de cette ligne invisible, en approchant le plus possible, hésitant à la franchir.  

 

- Pourquoi ?, lui demandé-je.  

- Je ne peux pas te l’expliquer. C’est comme ça, c’est tout, non ?, me répond-il, haussant les épaules.  

 

Son attitude légèrement désinvolte sans l’être me tire un sourire et je me sens un peu mieux. Ryo Saeba dans ses grandes heures : je tente de faire un pas en avant mais je ne sais pas m’y prendre alors je fais l’idiot. Et pourtant, il avait su me toucher.  

 

- Au fait, joyeux anniversaire., me lance-t-il soudain.  

- Je sais que ce n’est pas le meilleur endroit mais ce n’est pas que le jour de la mort d’Hide., me rappelle-t-il, un sourire en coin.  

- Je… Merci, Ryo., fais-je.  

- Au fait, je… n’ai pas eu le temps d’aller t’acheter un cadeau…, me lance-t-il, les mains dans les poches, se balançant de la pointe au talon de ses pieds, comme un sale gamin pris en faute.  

 

Voilà le retour de l’autre Ryo mais, malgré tout, je sens celui que je voyais juste avant non loin. Oserai-je ?  

 

- Hide et toi vous parliez de moi parfois ?, finis-je par lui demander.  

- Bof, tu sais, moi, les mineures…, me dit-il, prenant un air ennuyé.  

- Oh d’accord…, murmuré-je, déçue.  

- Mais j’ai peut-être retenu une chose ou deux…, lâche-t-il, enfin.  

 

Quand je plonge mon regard dans le sien, je sais qu’il sait de quoi je veux lui parler. Je vois le doute dans ses yeux, un peu de crainte peut-être mais il sait. Malgré mon envie, je ne me sens pas de lui faire ça et je préfère m’effacer que de le blesser, de le mettre mal à l’aise…  

 

- On n’est pas obligés de remuer le passé. Il est préférable de se tourner vers le futur, non ?, lancé-je, d’un ton faussement désinvolte.  

- Je ne sais pas ce qui me prend aujourd’hui…, plaisanté-je, riant un peu trop fortement pour que ce soit sincère.  

 

Et il le sait. Il me connaît même s’il n’a pas l’air de faire attention à moi. Je sais que ce n’est pas le cas. Il a été là depuis le jour de la mort d’Hide. Il m’a laissé le choix de partir et je suis restée parce que je le voulais, parce que je m’étais déjà attachée à lui suffisamment pour ne pas avoir la force de m’en aller, parce qu’il y avait en moi ce sentiment instinctif que nous étions liés d’une manière ou d’une autre.  

 

- Parfois, ça fait du bien de savoir d’où on vient pour savoir où on va., me dit-il.  

- Tu voudrais savoir ?  

 

La question m’a échappée et je m’en veux à son regard qui s’assombrit.  

 

- Je ne me suis jamais vraiment posé la question., me répond-il honnêtement avant de me demander :  

- Mais ce n’est pas ton cas, n’est-ce pas ?  

 

Je baisse les yeux. Je me sens égoïste parce que j’ai eu tellement plus de chance que lui. J’avais une famille, un toit au dessus de ma tête, un pays en paix dans lequel grandir, une école pour mon enseignement…  

 

- Oui., finis-je par acquiescer.  

- Alors je peux t’apprendre des choses qui t’aideront peut-être à tourner la page et à comprendre que tu es une femme bien meilleure que tu ne le penses., me dit-il.  

- Tu es malade ?  

 

En même temps que je lui dis cela, je me tourne vers lui et pose une main sur son front. Je vois un léger sourire répondre à mon regard plus léger.  

 

- Non parce qu’une conversation sérieuse de plus de trois minutes et, en plus, tu dis que je suis une femme, je ne vois pas d’autre explication., lui expliqué-je sur un ton léger, aussi léger que mon humeur s’est faite d’un coup.  

- Trop de massues…, me répond-il.  

- Puisque c’est mon anniversaire, je t’offre une journée sans., lui proposé-je.  

- Puisque c’est ton anniversaire, je vais te parler de ce qu’il s’est passé il y a moins de vingt-sept ans, de la petite fille qui est venue embellir la vie de deux hommes endeuillés et leur a redonné le sourire comme elle a su le faire avec nombre d’entre nous, comme elle a su le faire avec moi., me dit-il.  

- Il est temps que certaines vérités se dévoilent., ajoute-t-il.  

- Il est temps que tu découvres celle que tu es vraiment. Oublie le noir, oublie le blanc. Imagine juste une palette de couleurs, quelques-unes froides mais beaucoup plus nombreuses sont les nuances chaudes. C’est toi, Kaori., m’annonce-t-il.  

 

Ses paroles m’ont émue. Il me tend la main et, je ne sais pourquoi, je sens que beaucoup de choses vont changer pour moi, pour nous. Etrangement devant mes yeux, très fugacement, je vois deux femmes marcher côte à côte. Tout aussi étrangement, je les vois se fondre l’une en l’autre. Je n’ai plus froid. Je n’ai plus peur. Je ne veux plus prétendre. Je vais retrouver celle que je suis. J’ai retrouvé le chemin. 

 


Chapitre: 1


 

 

 

 

 

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