Hojo Fan City

 

 

 

Data File

Rated G - Prose

 

Auteurs: Elane , A. Dust

Beta-reader(s): Cristinampm

Status: Complète

Série: City Hunter

 

Total: 17 chapitres

Publiée: 06-07-21

Mise à jour: 12-10-21

 

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HumourRomance

 

Résumé: Et si Ryo Saeba s'asseyait pour raconter Sa Véritable Histoire de City Hunter, celle des ombres, des âmes et des rencontres qui ont changé sa vie ? Et si ...

 

Disclaimer: Les personnages de "Entretien avec un chasseur" sont la propriété exclusive de Tsukasa Hojo.

 

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   Fanfiction :: Entretien avec un chasseur

 

Chapitre 15 :: Ler plan du 15 août

Publiée: 05-10-21 - Mise à jour: 05-10-21

 


Chapitre: 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17


 

Chapitre 14 : le plan du 15 Août  

 

 

- "Qu'est-ce que vous avez fait ensuite ?" Me demande Binoclard.  

- "A votre avis ?" Répliqué-je, narquois. "Vous auriez fait quoi, vous ?"  

- "J'aurais appelé Saeko, il fallait absolument qu'elle ait cet enregistrement !" s'écrie-t-il, ravi.  

 

Je claque des doigts en souriant :  

- "Bingooooo ! Bien vu, G.P.B!" Il se fige brusquement en me regardant en biais, ne comprenant absolument pas la signification de mon abréviation de Gentil Petit Binoclard mais je poursuis comme si de rien n'était. "Quand j'ai récupéré mes esprits, on a eu une petite discussion, Kaori et moi et on a conclu la même chose que vous : il fallait donner cet enregistrement à Saeko, pour qu'elle puisse boucler son affaire, récupérer sa place dans la police et surtout laver son honneur et celui d'Hideyuki. Ceci tenait vraiment à cœur à Kaori. J'ai donc appelé notre inspectrice de choc et elle est venue récupérer l'étui."  

 

Il n'avait pas besoin de tout savoir. Je ne lui dirai pas que quand Saeko s'était garée à quelques mètres de l'entrée de l'immeuble, à l'endroit même où Hideyuki s'était fait assassiner, elle s'était figée à peine sortie de sa Porsche rouge et avait dû s'adosser à sa voiture pour que ses jambes ne flanchent pas.  

 

Non, ça je ne lui dirai pas.  

 

Je ne lui dirai pas non plus que je m'étais senti alors complétement idiot, pendant que je me précipitai dans les escaliers à sa rencontre, réalisant ce que je venais de lui demander, à elle, l'ancienne partenaire, l'ancienne amie, l'ancienne amante d'Hideyuki, l'homme qui habitait ici ... Avant ... Avant tout ça. Trop de souvenirs, trop d'émotions, trop de colère.  

 

J'arrivais à sa hauteur alors qu'elle levait les yeux vers les fenêtres de l'appartement du cinquième. Pour tenter vainement d'apercevoir la silhouette fantomatique de Kaori peut-être ou pour retenir ses larmes. Elle avait eu un sourire tellement triste à ce moment-là, un sourire d'excuse, un sourire d'espoir. Je n'ai jamais vraiment su si elle souriait à mon âme errante ou à son amour défunt. Si elle s'excusait auprès d'Hideyuki de ne pas avoir pu faire plus ou d'en avoir trop fait. Si elle essayait de redonner à Kaori de l'espoir ou du courage. Peut-être tout ça à la fois.  

 

Je m'étais approché d'elle et je m'étais moi aussi adossé à sa voiture, sans rien dire. Nous étions restés ainsi plusieurs secondes, moi respectant son recueillement, et elle reconnaissante de mon soutien discret. Puis elle s'était tournée vers moi et je lui avais glissé le petit étui dans la main. Elle l'avait serré en remerciement, me regardant dans les yeux. Nous n'avions pas échangé un mot.  

 

Puis je l'avais soutenue pour retourner dans sa voiture, mon bras autour de sa taille, alors que ma main essayait de glisser vers les fesses du lieutenant, pour lui redonner le sourire. J'en avais été quitte pour un nouveau talon enfoncé sur le pied.  

 

Kaori l'avait vu et, bien entendu, l'avait plutôt mal pris. Au retour dans l'appartement, j'avais dû esquiver le vase en cuivre de la cheminée qui avait fini par voler en direction de ma tête.  

 

Oui. Je tais tout ça. Il n'a pas besoin de le savoir et je n'ai ni le droit, ni l'envie de partager ces souvenirs.  

 

G.P.B toussote pour me sortir de mes pensées, je le regarde à nouveau et poursuis :  

- "Quant à Kaori, c'était loin d'être fini…"  

- "C'est vrai, elle ne s'était toujours pas réveillée et votre père la maintenait dans le coma. Vous avez trouvé un plan ?  

 

Je confirme sombrement :  

- Oui… Un plan qui nous avait été apporté par un ange blond aux ailes aussi grises que son costume.  

 

***  

 

J'étais en train de remettre le vase à sa place, celui qui avait bien failli m'exploser le crâne, quand je reconnus soudain l'aura particulière de mon ami ailé qui venait de s'inviter dans notre salon. Je le saluai sans même me retourner, faisant toujours face à la cheminée :  

- "Et voilà le Prince des Cieux… Que nous vaut l'honneur de ta visite ? Tu as retrouvé le convoyeur de Kaori?"  

 

Je lançai un regard complice à Kaori et vis sa mine horrifiée, les mains plaquées contre sa bouche, qui regardait derrière mon épaule. Je me retournai vivement :  

- "Mick !!" M'écriai-je en me précipitant pour soutenir mon ami avant qu'il ne tombe au sol.  

 

Je l'allongeai, faisant attention à ne pas lui froisser une aile.  

- "Ca va, ça va ... Pas la peine d'en faire des caisses, Chasseur de Pacotille ..." murmura-t-il.  

- "Que s'est-il passé ? Que t'est-il arrivé ?"  

- "Panique pas ... Je vais m'en remettre ... Laisse-moi ... juste… un peu... de temps ..." Il prit une grande inspiration en fermant les yeux puis les rouvrit et prononça d'une voix plus assurée : "Je l'ai trouvé… son Convoyeur… et c'était un piège. Il a été retourné… complétement corrompu par la drogue qu'ils lui ont donné ... Tu te rends compte ? Ils lui ont donné de l'Angel Dust ! A un ange ! J'ai réussi à m'enfuir, mais ils m'ont volé de ma poussière… Il m'en restait juste assez pour revenir ... ici … "  

- "Take it easy, Mick, tais-toi. Je vais appeler Le Prof et Kazue. "  

- "Kazue … "  

- "Oui, Mick, elle va venir, elle va venir… "  

 

Je jetai un œil à Kaori qui comprit le message et vint soutenir la tête de Mick, prenant ainsi ma place et je me précipitai sur le téléphone. Je terminai à peine de composer le numéro de la Clinique quand je sentis une aura de colère bien connue maintenant enfler derrière moi. Je rentrai instinctivement la tête dans les épaules en me retournant lentement, anticipant l'impact, avant de me rendre compte que je n'étais pas la cible du courroux de Kaori. Pas cette fois ...  

 

La scène que je vis devant moi fit grandir en moi un sentiment étrange et nouveau, presque aussi fort et dévastateur que la colère de Kaori qui n'allait pas tarder à exploser : la jalousie et une sensation très forte de trahison ... Oui, de la jalousie et de la trahison, car l'Emplumé Céleste qui me servait soi-disant d'ami, n'était finalement pas si mal en point et il avait réussi à blottir sa tête dans la poitrine de Kaori, le nez tranquillement coincé entre ses deux seins, le sourire aux lèvres, les yeux fermés de satisfaction ... Puisque lui, il pouvait la toucher ... Lui ... Pas moi ...  

 

Enfoiré ...  

 

Le visage de Kaori prenait une teinte charbon, mélange de gêne et de colère… noire…  

 

Je lançai, dédaigneux, en raccrochant violemment le téléphone sans même avoir fini de composer le numéro, fâché de m'être fait avoir mais retenant mon envie de le dégommer pour de bon, me disant qu'une autre que moi s'en chargerait avec tout autant d'efficacité si nécessaire :  

- "Eh l'Emplumé, si j'étais toi, je relâcherais un peu la demoiselle, à moins que tu aimes te retrouver à nouveau encastré dans le plancher à coup de porte-manteau ! Ça la fout mal pour l'Ange en Chef, tu crois pas ?"  

 

Mick, qui souriait littéralement aux anges, releva la tête vers Kaori et ouvrit les yeux. Découvrant que je ne mentais pas, il se détacha d'elle dans la seconde, retrouvant immédiatement son sérieux, se mettant de justesse à l'abri d'un éclat de colère équivalent à celui qu'il avait essuyé un peu plus tôt. Je me retins de rire de lui alors que Kaori se rapprochait de moi.  

 

Mick se releva à son tour et je notai, malgré son apparente prestance, une difficulté et une raideur inhabituelles dans ses mouvements. Il avait certes exagéré son état, mais il semblait quand même avoir été atteint.  

 

A l'observer davantage, son aura avait également perdu un peu de sa brillance. Il n'avait donc pas menti sur toute la ligne et on lui avait effectivement volé de la Poussière. Inquiet de le découvrir ainsi affaibli, ma colère contre lui se calma un peu, tout comme celle de Kaori quand elle croisa mon regard. Elle avait immédiatement compris ce que mes yeux lui murmuraient.  

 

Elle reporta une mine inquiète sur notre ami, qui s'était assis sur l'accoudoir du canapé, se massant les tempes.  

- "Ils t'ont volé beaucoup de Poussière d'ange ?" lui demandai-je.  

- "Oui, ils étaient nombreux." Répondit-il et je notai qu'il était légèrement essoufflé.  

 

Je ne l'avais jamais vu comme ça. Il poursuivit, ne faisant pas attention à mon regard :  

- "Trop nombreux. Tous des anges corrompus. Tu avais deviné juste. Comme elle est bien protégée et qu'ils n'arrivent pas à l'atteindre physiquement par des moyens humains, ils ont recours à des moyens ... Différents ... La maintenir dans la peur pour qu'elle refuse de se tourner vers la vie, éliminer son convoyeur pour l'empêcher éventuellement de négocier avec lui, la pousser à choisir la mort et à se tourner volontairement vers les Enfers ... "  

 

Il se tourna vers Kaori et lui dit d'une voix douce que je ne lui connaissais pas :  

- "Leur but est que tu ne te réveilles jamais."  

 

Je sentis peu à peu l'angoisse monter en moi pendant que Mick souriait à mon âme errante, avant d'ajouter, admiratif :  

- "Et tu as déjoué leur plan en revenant ici, en te cachant pour retrouver un peu de sécurité. Et ce qu'ils n'avaient vraiment pas prévu, c'est l'arrivée de cet idiot, bien décidé à t'aider. Et moi aussi, par la même occasion ... comme on n'est pas du genre qu'on peut arrêter ... Ils vont tomber sur un os, ça, je peux te le promettre. Parole d'Ange !"  

 

Elle lui rendit son sourire mais je ne me sentais pas aussi confiant que lui. Imaginer qu'elle ne puisse pas se réveiller me serrait le cœur. Mick se tourna vers moi et me demanda :  

- "L'enregistrement…. Vous l'avez finalement trouvé ?"  

- "Oui et on l'a déjà filé à Saeko." Lui répondis-je en lançant des regards en biais à Kaori.  

- "Top. Le temps nous est donc compté avant que ton p... que Kaïbara ne s'en rende compte. J'espère que Saeko ne leur tombera pas dessus trop tôt. Il faudrait attendre quelques jours encore… Tu penses que tu peux arranger ça ?"  

- "Ca devrait pouvoir se faire ..." Dis-je, me sentant un peu rassuré en voyant à nouveau la petite étincelle de malice au fond de ses prunelles bleu azur. "Qu'est-ce que tu as en tête ?"  

- "Quinze Aout." Dit-il simplement.  

- "L'O-bon" murmurai-je alors que les pensées de Kaori faisaient écho dans ma tête.  

 

O-bon est le temps durant lequel on honore et on remercie les ancêtres de leurs sacrifices, où on les soigne, on les nourrit, on leur fait des offrandes. Mais surtout, au moment de cette fête, le voile qui sépare le monde des morts et celui des vivants s'affine à tel point que les morts peuvent parfois retourner visiter les vivants dans leur monde ... Mon cœur s'accéléra à cette pensée. Kaori …  

 

Mick planta ses yeux dans les miens et j'eus l'impression que son regard me transperçait l'âme. La dernière fois qu'il m'avait regardé comme ça, je devais avoir quinze ou seize ans et j'étais à moitié mort. Et puis l'Archange Michel se redressa et prononça d'une voix grave :  

- "It's time, Ryo. Il est temps pour toi d'accomplir ta plus grande Mission."  

 

Je le regardai pendant quelques secondes et je finis par comprendre parfaitement son plan sans même qu'il ait besoin de m'en dire plus. Le quinze Aout était le moment idéal pour faire revenir l'âme de Kaori de ce côté-ci, pour la ramener dans son corps. Mais c'était également le moment idéal pour un vivant pour passer de l'autre côté. C'est ce que j'allais devoir faire ... J'allais devoir affronter mon père. Kaibara. Le Diable en personne. Mais pour cela, j'allais être obligé de voyager entre les mondes …  

 

A nouveau ...  

 

***  

 

- "Haaaaannnnn !!! Alors c'est pas des blagues, ces histoires d'O-Bon ?"  

- "Non." reconnais-je. "Il y a des moments comme ça, question d'alignement de planètes, astres, magnétisme et autres trucs compliqués ... En fait, ça arrive plusieurs fois au cours de l'année un peu partout dans le monde. Les hommes leur ont donné différents noms ... et en font des fêtes parfois. Comme l'O-Bun ou Halloween, Dias de los Muertos, ce genre de trucs ... Voyez ?" Le type hoche la tête et j'ajoute en souriant : "Et ça tombait bien, on célébrait l'O-bon à peine cinq jours plus tard..."  

- "Je comprends ... C'est vrai que c'est une sacrément bonne idée ... mais c'était hyper dangereux, non ?"  

 

Je souris :  

- "Le danger est mon métier, ne l'oubliez pas." Dis-je un brin crâneur.  

 

Il faut dire qu'il a raison, Binocle. Et c'est sûr que pour quelqu'un qui vient de découvrir toutes ces histoires de mondes des vivants et des esprits, passer de l'autre côté doit sacrément fiche la trouille. Enfin, aujourd'hui, en racontant mes souvenirs trois ans plus tard, je frime un peu mais, ce jour-là, je dois avouer qu'intérieurement, j'en menais vraiment pas large ... car oui, c'était une opération dangereuse et même si j'étais entouré de personnes en qui j'avais une confiance absolue, ce n'était pas sans risque.  

 

Je réponds :  

- "Oui, c'était dangereux, mais c'était aussi la seule possibilité que nous avions. Et elle ne m'enchantait guère, parce que l'un de nous avait l'intention de faire un énorme sacrifice."  

 

***  

 

Nos préparatifs furent courts et je passais tout mon temps à m'entrainer. Quatre jours où je ne faisais plus que ça : tir, combat rapproché, utilisation d'armes diverses et variées. L'Eléphant fut un parfait adversaire, Miki le relaya, Mick n'ayant plus la force de combattre en "plume-à-corps".  

 

Je voyais peu Kaori mais c'était préférable. Elle était inquiète, nerveuse et moi j'avais besoin de me concentrer, de trouver une certaine forme de paix et de sérénité, nécessaire pour avoir la force et le courage de donner la mort à une personne que j'avais aimée.  

 

Je n'arrivais pas à savoir quelle arme serait la plus adaptée pour tuer mon Diable de père.  

 

Kaibara.  

Le Diable.  

Un médium puissant.  

 

Puis finalement, mon choix se porta sur mon arme fétiche.  

- "Je sais que tu apprécieras la symbolique, Père : aller te combattre avec l'arme que tu m'as offerte." Pensais-je en faisant tourner mon Phyton entre mes mains.  

 

Puis le 15 Août, au matin, alors que je m'entrainais et vidais mes pensées en même temps que mon chargeur dans la salle de tir de l'immeuble, je sentis une présence familière derrière moi.  

- "Je ne veux toujours pas de ton aide, tu sais ? Pas toi, pas pour ça…" Dis-je sans me retourner.  

- "I know, Bro. Mais c'est mon rôle." Me répondit mon ami, sans une trace de regret dans sa voix.  

 

Je me retournais vers lui.  

- "Mick, ça veut dire renoncer à ton immortalité, renoncer à tes ailes…"  

- "On en a déjà parlé…"  

- "Oui mais…"  

- "... et reparlé…"  

- "Mais ..."  

- "... et on est tous tombés d'accord sur ce plan. Et je veux le faire."  

 

Je me retournai vers lui tout en vidant les douilles de mon arme sur le sol. J'allais encore relancer mes arguments contre lui mais il leva la main pour me couper la parole. Il me regardait de ses yeux bleus, transperçant mon âme. Je l'avais rarement vu aussi sérieux.  

- "Je sais tout ce que tu vas me dire, Mec, parce que tu me l'as déjà dit." murmura-t-il en souriant.  

- "Mick, tu risques de perdre tes ailes…. Ça veut dire, perdre ton immortalité, perdre tout ce que tu es …"  

- "Je sais exactement ce que je peux perdre, j'en suis pleinement conscient, mais je sais aussi ce que je peux y gagner et puis ... C'est pas sûr que j'y passe, tu sais. Je ne suis pas si fragile tout de même !" Il fit une pause, un peu gêné de me confier ses sentiments, une grande première pour nous deux : "L'immortalité, j'y ai gouté. Depuis plus longtemps encore que ce que tu penses. Mais depuis un moment, je n'ai pas envie de voir le temps laisser ses marques sur elle, la regarder vieillir puis mourir… Sans rien pouvoir y faire… Je ne veux plus être immortel, Ryo"  

 

Je ne trouvais pas quoi répondre et je finis par accepter le petit sac qu'il me tendait. Je l'ouvris et regardai avec déférence à l'intérieur pour découvrir une poussière légèrement scintillante.  

 

De la Poussière d'Ange. La Poussière d'Ange de Mick…  

- "C'est mon choix, Bro'. Ne culpabilise pas pour ça. La discussion est close. Point final."  

 

Je redressai la tête alors qu'il ajoutait :  

- "Dépêche-toi. On n'attend plus que toi."  

 

Je hochai la tête et me dirigeai vers les escaliers. Je montai au cinquième étage, concentré et nerveux. J'ouvris la porte de l'appartement pour y retrouver Mick, qui ne s'encombrait pas d'escaliers, le Professeur, Kazue, mon ami l'Eléphant et sa femme Miki, et bien sûr, Kaori ... Tous m'attendaient. Tous connaissaient le rôle qu'ils auraient à jouer.  

 

Le Professeur et Kazue se chargeraient d'ouvrir le portail grâce à leurs incantations, l'Eléphant et Miki étaient là pour éliminer les éventuels démons et autres créatures étranges qui pourraient s'aventurer par-delà le voile, Kaori, debout au milieu d'un cercle dessiné à la craie sur le sol, attendait en croisant les bras croisés, visiblement tendue. Si tout se passait comme prévu, elle allait regagner son corps dans quelques minutes.  

 

A l'autre bout de la ville, dans un hôpital militaire, Saeko veillait à la sécurité physique de mon âme errante. Elle, sa sœur, quatre anciens flics à la retraite et une demi-douzaine de yakuzas d'un clan entièrement dévoué à Reika par je ne sais quel miracle, allaient monter la garde en cas d'attaque des hommes du Démon Noir.  

 

Nous regardâmes tous la pendule accrochée sur le mur de la cuisine.  

 

C'était l'heure et nous étions tous prêts.  

 

Je ressaisis ma prise autour du petit sac. Je savais ce que je devais en faire. Je m'approchai des dessins kabbalistiques dessinés autour de Kaori et ouvris le sac pour en sortir la poussière d'ange, que j'appliquai consciencieusement sur tous les traits du cercle. Puis je m'en recouvrai le visage et mis le reste dans un petit brûloir rituel et en respirai les effluves. Je fus pris de vertiges quasi instantanément sous l'effet de la magie qui s'en échappait.  

 

Je sentis la main de Mick se poser sur mon épaule et je répondis à sa question muette en hochant la tête, je commençai à me sentir un peu mieux.  

 

Je vis mon ami ailé s'approcher de Kazue, se pencher vers elle et déposer un chaste baiser sur son front en lui murmurant :  

- "Sayonara, ma Belle."  

 

Le regard de la jeune femme se voila mais elle retint ses larmes quand Mick alla s'installer sur le cercle, un pied de chaque côté du trait, les bras croisés sur la poitrine, les ailes déployées, prenant ainsi sa position de Gardien entre les Deux Mondes. Ils échangèrent un dernier regard et elle prit une grande inspiration avant de s'installer elle aussi, sans un mot près du dessin sur le sol, presque à ses pieds, commençant le rituel par un moment de méditation.  

 

Puis, elle et le Professeur commencèrent leurs incantations, je vis un voile, comme une sorte de paroi transparente et légèrement luminescente, qui se dressait le long du périmètre du cercle de craie et qui engloba toute la silhouette massive de Mick, lui donnant une luminescence presque aveuglante.  

 

Kaori, cessa de tourner en rond et se précipita vers moi, inquiète, criant mon nom dans mes pensées. Je relevai la tête vers elle alors qu'elle se heurtait à ce voile entre les deux mondes, matérialisé entre nous. Mon cœur se serra en voyant la détresse dans ses yeux.  

 

Les incantations du Prof et de Kazue continuaient, comme une mélopée, un coup d'œil vers eux me permit de confirmer mon impression : ils étaient en transe. Je reportai à nouveau mon regard vers Kaori. La netteté de sa silhouette diminuait petit à petit, me confirmant que les incantations marchaient. Elle regagnait son corps doucement. Je me levai, légèrement titubant sous l'effet des fumées rituelles mais me repris bien vite et je me tins debout devant elle.  

 

Elle avait posé ses mains contre le voile et j'appliquai les miennes sur les siennes tout en la regardant dans les yeux. J'avais l'impression de la sentir enfin et voir ses pommettes rosir me confirma qu'elle avait la même sensation.  

 

Derrière elle, de l'autre côté du voile, je vis, dans une sorte de brume lumineuse, son lit, sa silhouette allongée, nimbée de blanc, les deux silhouettes de Saeko et de Reïka à ses côtés, penchées vers elles.  

Je lui souris en murmurant :  

- "Vas. Kazue et le Prof ont réussi à ouvrir la porte, tu vois. Vas."  

 

Elle secoua la tête, les lèvres pincées. Je poursuivis :  

- "Pars Kaori, tu as encore du travail. Il faut témoigner, identifier les voix sur l'enregistrement. Toi seule peux le faire." Lui dis-je alors que je la voyais lutter.  

 

Elle hurla soudain dans ma tête :  

- "Noooon !!! Je ne veux pas te laisser ici !!"  

- "Kaori…"  

- "Je ne veux pas survivre seule !"  

- "Kaori… Tu ne seras pas seule. Il y aura Saeko, Reïka, tu as des amis ..."  

 

Elle secouait de plus en plus la tête :  

- "Non, tu ne comprends pas ! Tu vas tuer ton père, Ryo. Tu es obligé de le tuer alors que tu l'aimes… C'est abominable !"  

 

Elle se tourna vers Mick et lui lança :  

- "Et ces histoires de bras armé de l'Archange, c'est des foutaises ! C'est moi qui te le dis, Angel !"  

 

Mais Mick restait impassible, concentré sur son énergie à lui, puisant dans ses réserves pour que sa lumière devienne de plus en plus forte.  

- "Destin." Murmura-t-il à son intention mais sans ouvrir les yeux pour la regarder et sans bouger d'un cil.  

 

Elle frappa la paroi à son niveau mais rien ne fit. Angel restait impassible. Elle frappa à nouveau et je lui criai :  

- "Stop ! Kaori, arrête. Il a raison. Et lui aussi met sa vie en jeu, tu sais."  

 

Elle secoua la tête, les yeux pleins de larmes.  

- "Pourquoi ? Juste pour me sauver moi ? C'est ridicule !"  

- "Non. Ce n'est pas ridicule. Et on en a déjà parlé. On ne fait pas ça uniquement pour toi. Nous faisons ça parce que nous devons le faire. C'est notre rôle, notre métier, notre choix, notre ... destin ... Comme il dit l'Emplumé."  

 

J'entendis alors un murmure dans ma tête, un souffle à peine audible, léger comme une plume sur l'eau :  

- "Je veux rester avec toi…"  

 

Sa sincérité me transperça l'âme et je restai sans voix.  

 

Elle avait trouvé la faille dans ma carapace et avait compris ce que j'avais au plus profond de mon âme.  

 

"Je veux rester avec toi…"  

 

Elle avait certainement parlé pour elle et elle ne voulait pas rester seule. Mais cette phrase avait trouvé un étrange écho en moi, parce que la solitude a toujours été mon plus grand regret, alors même que je repousse tous ceux qui essayent de m'approcher.  

 

L'amitié, l'amour, la famille, tout ça ... L'expérience m'a montré qu'on était souvent trahi.  

 

Mais au fond de moi… J'apprenais à faire confiance à nouveau, petit à petit, parce que moi non plus je ne voulais plus rester seul.  

 

Et là, en face de moi, ce petit bout de femme me regardait les yeux brillants de larmes, pleine d'empathie et elle avait peur que je ne revienne pas.  

 

"Je veux rester avec toi…"  

 

C'était bien la première fois que quelqu'un comme elle voulait rester avec quelqu'un comme moi. Je sentis ma gorge se serrer et je ne trouvai rien à lui dire en retour. Alors elle ajouta, très sûre d'elle, tout en posant délicatement son front contre le voile, les yeux rivés aux miens :  

- "Je ne te laisserai pas mourir, Ryo…"  

 

Sa conviction me sembla inébranlable quand ses mots investirent mon cerveau. Je m'approchai d'elle et posai ma main face à son poing puis je penchai pour poser mon front contre son front, à travers le voile. Je souris :  

- "N'imagine pas n'importe quoi, Kaori !!"  

 

Elle releva son beau visage vers moi, interrogative. Je poursuivis en me penchant légèrement vers elle :  

- "Qui a dit que j'allais attendre la mort sans me battre ? Je réussirai !"  

- "Tu le promets… ?"  

- "Je n'ai jamais manqué à ma parole !!! Je ne te briserais pas le cœur en mourant ici !!! Mais toi, promets-moi que tu ne briseras pas le mien en ne retournant pas à ton corps !! D'accord ?? Tu dois te réveiller ! Promets-le moi !"  

 

J'attendais sa réponse, le visage collé à ce putain de voile, les yeux perdus dans les siens, toujours en noir et blanc et puis elle murmura dans ma tête :  

- "Je te le promets…"  

 

Je fermais les yeux alors que mes lèvres touchaient le voile glacé entre les mondes, sur les lèvres de Kaori. J'eus la sensation fugace de sentir sa présence malgré notre séparation. Et puis le voile céda soudain et je sentis sa bouche contre la mienne. Vraiment, je la sentais vraiment, je ne lui étais pas passé à travers.  

 

Je ne sentais peut-être ni sa chaleur ni son souffle contre ma joue, mais je sentais sa douceur et tout l'amour qu'elle mettait dans notre étreinte. Je ne lui passais pas à travers !!  

 

Je fis un pas, entrant dans le cercle, avec elle. Mes bras se nouèrent dans son dos et je la pressai contre moi.  

 

Je ne lui passais pas à travers !!  

 

Je ne sais pas combien de temps dura ce baiser. Je sais juste que j'aurais voulu rester comme ça l'éternité entière, perdu entre deux mondes, perdu entre ses bras, mes lèvres suspendues aux siennes.  

 

Mais nous avions à faire. Nous avions une mission. Nous avions un plan. Et je n'avais pas le droit de faillir. Je rompis notre communion en posant les mains sur ses épaules pour la repousser délicatement. Elle me regarda, surprise tout d'abord puis hocha la tête et fis un pas en arrière sans me lâcher des yeux.  

 

Puis un deuxième pas.  

Puis un troisième.  

Encore un et sa silhouette commença doucement à s'effacer, se fondant dans le halo lumineux dans son dos.  

 

Elle avait fait une promesse et respectait sa part du marché. A moi de respecter la mienne maintenant.  

 

Je me sentis alors plein de courage pour continuer mon chemin. Pour aller livrer le combat le plus difficile de ma vie. Je fis un signe de tête à Umibozu qui raccrochait le téléphone pour me confirmer que Kaori s'était enfin réveillée. Je soupirai de soulagement. Je me concentrai sur ma force vitale comme Mick m'avait dit de le faire, puisant ainsi dans la puissance infinie de Sa Poussière d'Ange. Je fis deux pas et la lumière m'envahit. Je m'enfonçai vers mon destin.  

 

Mon Destin.  

Kaibara.  

Mon père.  

Mon destin était de tuer mon Père.  

 

C'est lui qui m'avait appris à me servir d'une arme. Il connaissait ma vitesse de mouvement, mes techniques, mes points forts, mes points faibles, peu nombreux, certes, mais existants ... Et tous mes réflexes, puisque c'est Lui qui me les avait inculqués ...  

 

Et alors que j'avançais vers Lui, et vers Sa mort ou la Mienne, je repensai à tous ces moments passés avec lui, à ce jour où il avait perdu sa jambe à cause de moi. Et pourtant il m'avait souri sans rien dire, comme pour me dire que perdre sa jambe pour me sauver, c'était peu cher payé. C'était un sourire éblouissant… J'avais compris alors tout l'amour que mon père avait pour moi. Nous n'étions pas du même sang et pourtant ce jour-là, je l'ai reconnu comme mon vrai père, mon seul réconfort humain dans toute cette putain de guerre sanglante et absurde, loin de notre pays.  

 

Et aujourd'hui, j'allais devoir le tuer ...  

Mon Destin ...  

Mon Destin a toujours été celui-là.  

Mon Destin était de rencontrer l'Archange Michel et de devenir son arme.  

Mon Destin était de tuer le Diable.  

Mon Destin était de tuer Mon Père.  

PUTAIN DE MERDE !!!  

J'avais envie de hurler.  

J'avais envie de faire demi-tour.  

 

Mais je caressai ma bouche du bout des doigts pour tenter de retrouver la douce sensation de Ses lèvres sur les Miennes.  

 

Mon Destin a été de rencontrer Kaori et de la sauver. Voilà ce que je devais me dire :  

- "Mon Destin, c'est Elle. Mon Destin, c'est Kaori."  

 

Alors, oui, à cet instant, tout en m'avançant vers le Diable pour le tuer, je sus que j'étais le seul à pouvoir le vaincre. Parce que mes sentiments pour lui étaient restés les même qu'autrefois et qu'il était l'homme que j'aimais et que je respectais le plus au monde… Mais aussi parce qu'il devait en être ainsi. 

 


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