Hojo Fan City

 

 

 

Data File

Rated R - Prose

 

Auteur: patatra

Status: En cours

Série: City Hunter

 

Total: 23 chapitres

Publiée: 02-03-11

Mise à jour: 19-07-22

 

Commentaires: 159 reviews

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GeneralDrame

 

Résumé: City Hunter n’existe plus. Après avoir accepté une mission, Kaori rencontre un homme qui veut détruire City Hunter et qui y réussit. Qui est cet homme ? Que veut-il à Ryo ? Comment réagit Kaori ? Pourquoi Ryo perd-il son ange ?

 

Disclaimer: Les personnages de "Le vent", excepté celui de Keiji, sont la propriété exclusive de Tsukasa Hojo. Le personnage de Keiji m'appartient exclusivement.

 

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   Fanfiction :: Le vent

 

Chapitre 1 :: Treize mois

Publiée: 02-03-11 - Mise à jour: 27-07-12

Commentaires: Bonjour, voici donc le chapitre 1 remanié, le niveau du précédent me désespérait et je me suis décidé à réécrire les premiers chapitres (certainement les 6 premiers), dont je ne suis pas du tout satisfait. Je mettrai à jour à chaque fois que je publierai un nouveau chapitre (là j’en suis au 18). J’espère ainsi homogénéiser cette histoire, ma première, qui me tient à cœur. Nouveau lecteur : tu risques d’être déçu par le second chapitre si celui-ci n’a pas été réécrit donc soit tu te lances quand même (vive le courage), soit tu patientes jusqu’à la prochaine maje. Bises.

 


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Chapitre 1 : TREIZE MOIS
 

 

 

Elle était assise sur lui, à califourchon, son corps aux courbes harmonieuses soulevé dans un rythme lent dont elle était seule instigatrice. Ses cheveux courts acajou caressaient son cou, en fait chaque fois que sa nuque ployait vers l’arrière sous les décharges de plaisir qui accablaient son entrejambe. Elle luttait contre ce mouvement instinctif, ne souhaitant détacher ses yeux de l’homme sur lequel elle se cambrait et qui contemplait en silence ses petits seins se balancer. Il semblait hypnotisé par le ballottement sensuel involontaire. Presqu’absent. Elle secoua légèrement la tête, grisée par le tableau qui se jouait sous elle, par la puissance surhumaine du torse dont il semblait à cet instant que les muscles étaient bandés au maximum. Un râle ponctua le silence et une nouvelle contraction balaya son ventre.  

 

Le désir…  

 

Animal,  

 

Inédit,  

 

Incroyable,  

 

Insoupçonnable avant lui.  

 

 

 

Ses seins... Il suivait avec fascination le mouvement, ascendant, descendant, les tétons roses chahutés ne savaient comment lutter contre cette force invisible. Les lois de la gravité offraient naturellement aux prunelles connaisseuses le plus excitant des spectacles. Oh oui, cette vision l’excitait, faiblesse masculine à laquelle il n’échappait pas. Il en sourit.  

 

Prenant ce sourire pour une invitation, elle se pencha, réduisant ainsi la distance entre leurs bustes, et vint happer la bouche du beau brun qu’elle chevauchait avec ardeur.  

 

Douces, fondantes… ses lèvres étaient si douces.  

 

Il subit le baiser avec un plaisir indéniable et entrouvrit lesdites convoitées afin de la laisser goûter sa langue. Mélange sucré et aphrodisiaque qui enflamma ses sens. Dans la foulée, il emprisonna chacune des fesses, englobant les rondeurs de ses paumes, y enfonçant ses doigts, et se décida à accompagner le mouvement de sa cavalière. Quelque peu surprise par le massage des plus sensuels, elle laissa échapper un gémissement langoureux. Ce râle sonna aux oreilles masculines comme un appel à l’orgasme, une supplique d’achèvement. Il entreprit alors de répondre favorablement aux volontés de la belle et de la mener là où le gémissement deviendrait cri. Pour se faire, il enroula un bras autour de sa taille, bloqua les hanches délicates afin de leur interdire toute fuite, et prit enfin l’initiative du mouvement, ondulant son bassin avec puissance, la soulevant dans un rythme infernal, faisant claquer les peaux l’une contre l’autre à chaque profonde immixtion. Il en devint presque violent et elle dût se pencher, prendre appui contre le mur pour ne pas être désarçonnée. Cependant, elle ne fut pas le moins du monde heurtée par l’impétuosité nouvelle qu’il mit dans son déhanchement, bien au contraire, le plaisir arriva vite, très vite, trop vite ; il se déchaîna dans tout son corps, ravagea sa raison. Ses ongles quittèrent alors le mur refuge pour se planter dans la chair ferme des pectoraux qui se contractèrent sous la rudesse de l’étreinte et le cri de l’orgasme força bientôt les lèvres féminines, aussitôt suivi d’un autre puis d’un autre encore, plus rauque et plus bestial ; la vague en elle ne cessant de venir, de partir, de mourir dans son ventre.  

 

Quel amant merveilleux il était ! Merveilleux… Jamais auparavant, elle n’avait été aussi comblée, jamais le plaisir n’avait été aussi intense !  

 

La providence avait voulu jeter cet homme sur sa route, c’était lui qui l’avait choisie, lui qui l’avait séduite. Avec une facilité déconcertante ! Presque honteuse ! Mais les prunelles noires ne pouvaient laisser indifférente, non, il n'existait pas une seule femme sur cette Terre qui puisse résister à cet homme. Pas une ! Lors de leur premier échange, son regard l’avait littéralement transpercée, il n’avait eu nul besoin de discourir ou de manier l’art de la séduction, non, inutile ! La victoire était assurée. Il l’avait donc simplement accostée d’un air sûr de son charme, appâté par le trophée qui serait le sien d’ici peu : son corps.  

 

Pourquoi elle ?  

 

Elle l’ignorait encore.  

 

Elle se devait de reconnaître qu’elle n’était pas particulièrement attirante, même si elle se savait jolie, mais en aucune façon le terme « séductrice » ne pouvait s’appliquer à elle : ses airs de garçon manqué n’attiraient pas les regards, son allure gauche et timide la rangeaient plutôt dans la catégorie « bonne copine », bref rien de fantasmatique n’émanait d’elle. Pourtant, lui, avait semblé sensible à son charme…  

 

Il s’était assis à la terrasse, juste en face d’elle, et ne l’avait pas quittée des yeux. Ses joues avaient viré au rouge carmin sous le regard carnassier du ténébreux. Regard qui s’était attardé sur sa bouche fine, la fixant insolemment. Par réflexe défensif, elle s’était touché les lèvres, souhaitant les soustraire à l’inquisitrice curiosité, mais avait aussitôt regretté son geste car, lui, l’avait pris pour une invitation à la rejoindre.  

 

A ce moment, la terre s’était ouverte sous ses pieds, elle aurait voulu se cacher, fuir la rencontre embarrassante. Bien évidemment, elle maudit sa sœur d’être à nouveau en retard à l’un de leurs rendez-vous, habitude qui, là, mettait sa timidité à rude épreuve, la livrait aux griffes d’un homme qui, à n’en pas douter, ne ferait d’elle qu’une bouchée. Impressionnée et condamnée au silence par la boule de feu qui avait pris vie dans sa gorge, elle le vit prendre place à sa table, ébaucher un sourire dévastateur, lever un doigt pour héler un serveur, puis se tourner de nouveau vers elle pour lier enfin connaissance. Dieu merci, il engagea la conversation le premier, certainement conscient de l’effet qu’il induisait en elle, de son évidente perte de contrôle. Pour autant, étonnamment, au lieu de se laisser submerger par l’appréhension, elle avait usé de ce temps qu’il lui offrait en paroles pour admirer ses traits, d’une rare perfection, d’une exemplaire régularité, d’une extraordinaire finesse ; elle avait divagué, suivant la courbe de son nez, l’ourlet de sa bouche, la fierté de son menton. En contrepartie, elle n’en était pas dupe, il agissait de même, les yeux onyx détaillaient chaque partie de son visage, la scrutaient avec curiosité, avidité. A un moment, elle avait d’ailleurs cru y déceler une pointe de déception, alors même qu’il plongeait dans l’abîme de ses yeux ; cela n’avait duré qu’une fraction de seconde, certes, désagréable sensation de désenchantement, mais par bonheur, il s’était vite repris, lui lançant derechef un sourire ravageur. Ce fut à cet instant qu’elle succomba. Atrocement. Délicieusement. Inéluctablement. Elle abandonna dans la seconde l’idée de suivre les banalités qui sortaient de la bouche séductrice, abandonna tout autant l’idée de résistance, tentative vouée à l’échec si la folie d’y céder l’eût effleurée.  

 

Il comprit rapidement que les armes venaient d’être déposées, qu’elle abdiquait, sans même qu’il n’ait à livrer bataille. La conversation prit alors un tour plus entendu…  

 

 

 

Les cris orgastiques lui donnèrent également l’envie de jouir et il dut accepter alors, avec une certaine résignation, que l’excitation se transforme en plaisir, d’abandonner dans le ventre féminin un peu de son âme, du moins un peu de ce qu’il lui en restait. Ses yeux se fermèrent, refusant de cautionner ce qui allait suivre, et aucun son ne sortit de sa bouche lorsque les spasmes prirent possession de son corps et que celui-ci se tendit sous les décharges éjaculatoires.  

 

Il fronça les sourcils… son bas-ventre était satisfait, certes, mais son esprit et son cœur ne trouvèrent aucun bonheur à l’issue de l’étreinte. Il rouvrit les yeux et croisa les iris marron foncés de Taya, braqués sur lui d’un air interrogateur, ne sachant interpréter son attitude.  

 

Singulière, il n’y avait pas à dire.  

 

Il en ressentit un étrange malaise, décida de réagir. Il lui fallait dire quelque chose. Vite !  

 

- Viens dans mes bras, murmura-t-il sans grande conviction.  

 

Elle sourit, se blottit contre lui, respira profondément dans son cou, puis caressa l’épaule confortable de sa bouche tout en ronronnant d’apaisement. Certainement désirait-elle quelques tendres échanges, requêtes féminines habituelles après le coït.  

 

Il éclata de rire intérieurement : « coït », c’était quoi ce mot ?... Horrible !...  

 

Il pencha la tête sur le côté pour l’observer. Où était donc cette ressemblance qu’il avait crue percevoir lors de leur première rencontre ?  

 

Envolée ?  

 

Taya soupira d’aise en se collant davantage à lui. Trois semaines ! Oui, cela faisait trois semaines qu’elle l’avait rencontré et cinq fois qu’ils faisaient l’amour. Seulement cinq fois. La première, c’était juste après l’épisode de la terrasse. Sans même réfléchir, elle l’avait invité chez elle, bien consciente de ce que cette invitation revêtait comme non-dits et conséquences. Evidemment, il ne s’était pas embarrassé de détails. Il l’avait croquée. Rapidement. Contre le mur du couloir. Révélation érotique troublante. Jamais auparavant elle n’avait agi ainsi, s’exposant de la sorte, sombrant, comme tant de ces autres dont elle critiquait la légèreté, pour une bagatelle sexuelle. Cette absence de réflexion et de maîtrise, cette abdication devant ses instincts les plus primaires l’avaient déroutée, l’obligeant à s’interroger sur cette relation addictive, née en quelques instants à une terrasse de café. Mais le mystère entourant cet homme, le désir de ce corps parfait avaient fait exploser ses principes d’un autre âge.  

 

Pour ce qui est des envolées charnelles suivantes, un coup de téléphone avait précédé son arrivée chez elle, et il lui avait brutalement prouvé que « l’Etalon de Shinjuku » n’était pas un surnom usurpé. Ses mains expertes, ses reins d’une puissance étourdissante lui avaient dévoilé des plaisirs inconnus, cet orgasme féminin dont elle avait toujours cru qu’il n’était qu’un mythe, un graal inaccessible. Alors elle avait chaviré, transportée par des désirs honteux, des caresses délicieusement osées, exigées par lui, et qu’elle exécutait maintenant avec une soumission inhabituelle, une concupiscence culpabilisante. Pourtant le comportement distant de son amant, la difficulté qu’elle éprouvait à créer avec lui une relation autre que celle qu’il imposait, uniquement sexuelle, induisaient un malaise persistant, un lancinant sentiment d’insécurité affective. Mais elle était incapable de le repousser, de lui refuser ses faveurs, son cœur lui dictait d’être patiente, compréhensive, presque soumise devant celui qu’elle devinait meurtri, écorché, malheureux.  

 

 

Ryo était gêné du regard tendre et appuyé que Taya posait sur lui. Pourquoi était-il revenu vers elle ? C’était stupide ! En fait non, pas stupide… Simplement plus fort que lui… Il refusait encore de l’admettre mais il revenait pour cette même raison qui l’avait poussé à l’aborder il y a maintenant trois semaines à cette terrasse de café. La ressemblance. Elle avait la même allure, quoique moins aérienne, la même chevelure, les reflets acajou dansaient dans ses mèches folles, envoûtante farandole solaire. Elle irradiait aussi d’une certaine inexpérience, pas tout à fait l’innocence naturelle qui le désarçonnait autrefois, mais elle s’en approchait quand même et puis,…, et puis il y avait aussi ces quelques autres détails comme la courbe de ses sourcils, ce pli d’exaspération au coin de la bouche… ; tout cela l’avait amené à lui parler, à vouloir la séduire. Les moments d’approche s’étaient révélés jouissifs, conquête interdite de celle qu’elle représentait en toute ignorance. Hélas, très vite, il avait dû se rendre à l’évidence : cette lumière dans le regard qu’ELLE possédait et dont, là, il ne pouvait que constater l’absence, le sourire de Taya était mutin, certes, mais ne le clouait pas sur place, quant au grain de peau…  

 

Incomparable…  

 

Non, ce n’était pas elle ! Il n’y avait rien d’ELLE !  

 

La ressemblance était grossière et il devait être bien las pour s’y être laissé prendre. Du coup, la chasse avait perdu de son attrait et il avait réalisé que ses babines ne goûteraient pas les saveurs fantasmées, entraperçues par erreur. Cependant, il avait tout de même mis un point d’honneur à la posséder, à faire sienne la pâle copie de cette ancienne autre qu’il abhorrait maintenant, histoire de se prouver qu’il était encore capable de prendre femme, de faire crier de plaisir, de s’étourdir aussi, de trouver dans les bras féminins le réconfort dont il avait cru qu’il lui serait salutaire, de se sentir un peu vivant, encore. Même sans Elle.  

 

Combien de temps déjà ?... Il fronça les sourcils.  

 

Pourquoi se posait-il la question ? C’était ridicule… chaque heure qui passait se rappelait cruellement à lui. Treize mois et deux jours. Sans Elle. Le 12 juin. Après cette sale affaire qui lui avait ravi son ange. Elle ne méritait plus ce surnom d’ailleurs, non elle ne le méritait plus ! Et y repenser lui tordait les entrailles. Il devait se maîtriser, maîtriser son esprit, ses pensées, et éviter de les laisser divaguer dans le passé.  

 

« Ce n’est que le passé et ça ne fait pas mal... » Tenta-t-il de se convaincre.  

 

Sa mâchoire se crispa sous la douloureuse déconvenue, l’esprit se montre fantasque et indocile parfois et refuse de se soumettre à la raison.  

 

Taya s’appuya sur son avant-bras et scruta le visage fermé de son amant, essayant de deviner les tourments qui le préoccupaient. Lorsqu’il s’en aperçut, le malaise le rattrapa à nouveau et il chercha l’idée d’une diversion. Il la trouva bien vite heureusement. Et pour elle, et pour lui. Alors il lui sourit d’un air coquin, attira son visage et l’embrassa fougueusement. Langoureusement, il lui indiqua qu’une autre partie de son anatomie attendait ses baisers. Les lèvres amoureuses quittèrent alors sans regret la bouche de l’étalon, glissèrent sensuellement sur le torse et la langue hardie reprit bientôt du service. Ryô ferma les yeux…  

 

Ne plus penser.  

 

 

*********************************
 

 

 

Elle rentra chez elle précipitamment, râlant contre cette habitude américaine de mettre toutes les courses dans ces satanés sacs en papier. Il allait craquer, c’était sûr !  

 

« Rhâââ »  

 

Déveine totale !  

 

Le kilo d’oranges s’échappa au moment précis où elle s’apprêtait à poser ce maudit sac sur la table de la cuisine, et les fruits s’écrasèrent mollement sur le sol, laissant deviner des blessures dont ils ne sauraient guérir. Ils allaient pourrir.  

 

Immangeables !  

 

Instinctivement, elle mit la main devant sa bouche comme pour étouffer le cri de la désespérance, et sentit les larmes lui monter aux yeux...  

 

Ridicule réaction.  

 

Elle se reprit et s’agenouilla sur le carrelage froid pour ramasser les agrumes. Elle prit une orange dans la main et la considéra de longues secondes d’un air dubitatif.  

 

Que ses goûts culinaires avaient changé depuis son installation aux States ! Des oranges ! Elle en avait vraiment peu mangé avant d’arriver ici.  

 

- Le temps ne passe pas vite, murmura-t-elle dans un souffle. J’ai l’impression d’être ici depuis une éternité.  

 

Se faisant, elle se releva, déposa les fruits dans la corbeille puis s’avança dans le salon. Du coin de l’œil, elle aperçut sa silhouette, reflétée par le miroir surmontant la petite commode en bois rouge. Elle tenta de fuir l’abjecte image, força son cou à se tourner vers le mur opposé, aurait souhaité verrouiller cette position. Mais l’allure fantomatique aimantait ses yeux, c’en devenait plus fort que sa résistance, elle voulait se voir, tomber dans le gouffre tout aussi délicieux que douloureux de la contemplation de son reflet, jubilatoire mise au pilori qu’elle s’infligeait à elle-même, sans indulgence aucune. Bien au contraire. Pour autant, les furieuses critiques dont elle se flagellait, les moqueries acerbes et acides qu’elle se servait lui semblaient bien douces comparées au châtiment qu’elle méritait. Résignée, elle fit face au miroir ; et ce qu’elle y vit ne l’attrista que davantage.  

 

Quelle mine affreuse !  

 

Les cernes s’étaient durablement installés sous ses yeux, soulignant d’un trait violine disgracieux ses prunelles noisette et son teint était particulièrement gris aujourd’hui.  

 

« Certainement pour s’harmoniser avec le temps de ce soir » ironisa-t-elle.  

 

Elle grogna bruyamment et persévéra dans l’inventaire de sa laideur. Ses cheveux avaient certes gardé toute leur luminosité mais ils encadraient un visage amaigri, pâle à faire peur, et il fallait être un observateur averti pour détecter la femme sous la face androgyne. Un soupir d’exaspération brisa le silence et une grimace de dégoût s’empara de sa bouche.  

 

Elle était vraiment vilaine !  

 

Mais peu lui importait de toute façon. Oui, cela ne la touchait plus d’être ainsi. D’ailleurs, l’être hideux qui la regardait sans complaisance au travers de la glace, possédait une difformité intérieure bien plus grande que celle qu’il affichait. Sa gorge se serra à ce constat.  

 

Elle était aussi moche à l’intérieur qu’à l’extérieur.  

 

Kaori ferma les yeux, souhaitant se soustraire un instant à l’horreur que sa propre image lui inspirait. Elle ne se supportait plus, malgré tous les efforts qui ponctuaient son quotidien, cette difficile lutte pour survivre, pour oublier, pour se pardonner aussi, elle ne se supportait plus.  

 

Son apparence n’avait jamais été un problème pour elle. Malgré les critiques incessantes et blessantes de Ryô, elle avait toujours assumé ses courbes discrètes, ses choix vestimentaires, et, quelque part, s’était toujours « aimé ». Désormais, tout lui était indifférent : sa maigreur, sa presqu’invisibilité, son teint de macchabée, ses sourires de façade qui ne trompaient personne, ses gestes sans dynamisme. Mais la pourriture intérieure qui la rongeait inexorablement, la trahison dont elle s’était rendue coupable, du moins c’était ainsi qu’il avait analysé ses actes, faisaient qu’elle ne pouvait plus se sentir, qu’elle s’exécrait.  

 

Oui, elle se détestait.  

 

 

« Y a-t-il un moyen d’effacer de ma mémoire ce que je suis ? »  

 

La question resta sans réponse et Kaori rouvrit les yeux, retrouvant le monstre dans la glace. Cependant, rien ne transparut sur son visage, pas même le haut-le-cœur que sa propre vision engendra.  

 

L’oubli seul serait salvateur maintenant, elle le savait, mais il nécessitait un sacrifice plus grand encore que le sursaut de vie qui en découlerait. Et elle n’y était pas encore prête, souhaitant conserver, même dans la plus absolue des souffrances, les souvenirs chéris du bonheur passé. Son essence, son histoire, ses amours, ses amis, sa vie, tout était au Japon. Absolument tout.  

 

Tokyo.  

 

Tokyo, c’était Miki, Umibozu, Mick, Kazue, Eriko, Kazumi, Saeko, Reika…  

 

Grand Dieu qu’ils lui manquaient tous ! Elle jura intérieurement… Elle s’était enfuie comme une voleuse. Nul n’avait été averti de son départ pour les US. Pas d’au revoir, pas d’adieu, pas d’explication à donner. Oh non ! Elle en aurait été incapable. Elle se mordit les lèvres jusqu’au sang, imaginant difficilement les paroles qui auraient dû être les siennes et que jamais elle n’aurait pu assumer.  

 

HONTE !  

 

Mais peut-être savaient-ils tout maintenant ? Ryô avait certainement dû leur expliquer. Et, même si elle connaissait la discrétion de son ancien partenaire, sa répugnance à s’épancher, il y avait fort à parier que, là, ses amis ne lui avaient guère laissé le choix, avaient exigé de connaître la raison de cette fuite incroyable... L’avait-il alors livrée en pâture ?  

 

« Oh Ryô ! »  

 

Elle se détourna de son reflet.  

 

Lui plus que tout autre était son oxygène, oui, il était devenu sa vie. A lui seul, il concentrait tout son univers : l’amour et la haine qui coulaient dans ses veines, n’avaient jamais été aussi bien inspirés que par lui, il l’avait façonnée sensible et pudique, là où lui n’était qu’intransigeance et impudeurs, il s’était toujours refusé à la voir comme femme alors elle s’était enfermée dans son image de garçon manqué, il avait veillé sur elle comme un ange gardien alors elle s’était évertuée à être la meilleure partenaire possible.  

 

Elle s’écroula sous le poids des réminiscences.  

 

Réussirait-elle à tourner définitivement la page ? A enfouir tout ce qu’elle avait vécu ? A oublier celui qui était bien plus que son partenaire ?  

 

Le manque de lui.  

 

Elle cacha son visage dans ses bras, fuyant la terrible réalité : sans lui, elle se mourait. Elle n’existait plus. Alors, certes, son corps continuait de respirer, de manger, il se mouvait, s’abritait même, étonnamment, lorsqu’il pleuvait, répondait aimablement à ceux qui s’adressaient à lui, souriait aux enfants croisés dans la rue. Mais sa conscience, elle, était morte, désagrégée par… le manque de lui.  

 

Et les souvenirs ne cessaient de harceler sa mémoire, de marteler infatigablement son cerveau. Au bord de l’implosion.  

 

Et elle de s’attacher au moindre détail incrusté en elle, et qu’elle faisait remonter par vagues, s’y noyant avec délice et suffocation. Inestimables reliques dont la simple évocation accentuait encore sa putréfaction intérieure : le rire de Ryô, le timbre de sa voix, ses intonations, le plissement de ses lèvres, sa puissance impressionnante, sa fragilité aussi, que tout un chacun devinait rapidement derrière le faciès clownesque, mais dont il se défendait. Et puis il y avait ses yeux, noirs comme l’onyx, perçants et caressants. Ses yeux… Son regard…  

 

Le premier qu’il avait posé sur elle, alors qu’elle n’était encore qu’une adolescente, lui avait déchiré le ventre, annonciateur des tourments futurs, naissance inopinée du sentiment amoureux qui vous cueille là où il n’est pas attendu, qui ne tolère aucune résistance et qui ancre ses racines au plus profond des chairs. Enchaînement fibreux incompréhensible lorsqu’on n’a que seize ans mais qui ne cessa jamais d’étendre ses ramifications et qui la laissait aujourd’hui exsangue, vidée, pompée de cette énergie nourricière qu’est l’amour.  

 

Le manque de lui.  

 

Les regards sur elle qui avaient suivi s’étaient toujours teintés de saveurs différentes, tantôt salaces, imbéciles, lorsqu’il chavirait dans ses multiples travers, tantôt attendris ou moqueurs s’il était question de ses faiblesses, parfois insondables aussi, quand elle parvenait à le surprendre dans sa contemplation d’elle, exceptionnels moments de grâce, vibrants et intenses… Mais aussi, plus rarement, regards de colère et de reproches, quand il lui arrivait de désobéir et de risquer inconsidérément sa vie. Cependant, tous ces échanges avaient été pétris de tendresse ; elle s’en rendait compte maintenant ; et ils l’avaient merveilleusement comblée, enchantant son existence, teintant toutes les années de vie commune de couleurs chatoyantes.  

 

Le manque de lui.  

 

Et il y avait aussi eu ce regard-là. Le dernier. Celui qui reste et qui empoisonne les nuits. Dur et froid. Rempli de déception. Regard qui juge et qui condamne. Il l’avait posé sur elle avec un mépris insupportable, incommensurable, accompagné de cette moue de dégoût qui avait replié ses lèvres et que, jamais, elle ne lui avait inspirée auparavant.  

 

Un sanglot explosa dans sa gorge. Mon Dieu, qu’avait-elle fait ?  

 

Elle ferma les yeux pour tenter de maîtriser la douleur qui lui enserra le cœur, serpent insidieux qui habitait dorénavant son thorax. Le pire dans tout ce carnage c’était qu’elle ne parvenait pas à regretter tout ce qui avait précédé son départ, ce qui avait provoqué son départ. Cette affaire, cette rencontre. En peu de temps, elle avait beaucoup changé, avait muri, projetée dans des considérations d’adulte qui la dépassaient et auxquelles elle s’était volontairement assujettie, occultant la réalité, ses obligations, son discernement. Elle s’était surprise elle-même. Quelle femme était-elle donc ? Qui était-elle ? Aurait-elle pu trahir l’homme qui partageait sa vie et qui lui faisait une confiance absolue ? Non, non elle n’aurait pas pu, c’était une certitude… Mais elle l’avait un peu trahi… quand même… et Ryo avait tout su, tout vu, tout compris. Comment avait-elle pu le décevoir ainsi ?  

 

Pathétiquement, elle avait tenté de se défendre, d’expliquer l’inexplicable, de racheter sa faute… Et lui n’avait rien voulu entendre, avait juste levé un bras en signe d’objection, d’appel au silence, l’enrobant de ce regard désillusionné, comme s’il découvrait l’infamie qui la rongeait, révélation épouvantable. Puis, solennellement, il avait prononcé la sentence.  

 

Pire que la mort.  

 

Alors elle s’était tue et était partie comme une voleuse, sans adieu à quiconque, sans se retourner, avait fui tout ce qui aurait pu la retenir sur Tokyo. Jusqu’à la dernière seconde, jusqu’au décollage, elle n’avait été que lâcheté, elle, Kaori, la droite, l’exemplaire Kaori. Elle connaissait ses torts. Terribles torts.  

 

Ryô seul avait su qu’elle partait. C’était d’ailleurs lui qui lui avait demandé, ou plutôt lui avait-il ordonné de s’éloigner de lui… Peut-être aussi n’était-ce qu’une supplique ?  

 

Mais qu’importe !  

 

La confiance était morte. Elle avait détruit City Hunter.  

 

- Oh, Ryô, Ryô, qu’ai-je fait ? S’étouffa-t-elle en joignant ses mains sur sa bouche.  

 

« Il ne faut plus y penser ! Ne plus penser ! » Se dit-elle surprise des perles salées qui coulaient sur ses joues.  

 

Elle ferma les yeux pour hâter la course des retardataires et, bien malgré elle, son esprit lui dessina les contours d’un visage masculin, des traits réguliers et fins, des cheveux noirs indociles, un regard de braise, mordoré, de cette couleur d’ambre si délicate et rare lorsqu’elle orne les iris. Mais elle coupa court à la vision, secouant fort la tête. Encore et encore.  

 

Ne plus penser. Non, ne plus penser !  

 

 

 

Sayuri était devant la porte de l’appartement de sa sœur et elle hésitait à frapper, appréhendant l’état dans lequel elle allait trouver Kaori aujourd’hui. Cela faisait maintenant six mois que sa sœur avait quitté le refuge qu’elle avait trouvé chez elle, et s’était installée ici, dans un quartier populaire mais calme, afin de pouvoir « vivre sa vie ». Oui, c’est ce qu’elle avait dit : « vivre sa vie ».  

 

Sayuri n’avait pas été dupe, la décision précipitée de Kaori s’expliquait par la relation, toute neuve, qu’elle entretenait avec Jude. Il était clair que l’ancienne nettoyeuse craignait d’entraver par sa seule présence l’idylle naissante. Alors, sans hésitation, elle avait bouclé ses valises, déniché un petit appart sympa et tenté d’y apprendre à supporter la solitude.  

 

« Jude », prononça la journaliste avec langueur.  

 

Dès le premier regard, il l’avait séduite, son allure contractée, ses mèches rebelles, son air lunaire, sa culture impressionnante l’avaient touchée. Son charme atypique l’avait conquise. Hélas, Jude semblait hermétique aux tentatives de séduction de la jeune japonaise et il avait fallu toute la patience et la persévérance du monde pour venir à bout de la résistance naturelle du journaliste financier. Sayuri, tout d’abord insensible aux hausses et baisses de la bourse, avait déclaré une passion subite et indéfectible pour les marchés de la finance et avait prétexté ce soudain intérêt pour se rapprocher de son collègue. Celui-ci n’y avait pas vu les prémices d’une histoire, convaincu qu’il était que le sujet passionnait les foules. De bonne grâce donc, il s’était plié aux explications des méandres nébuleux des transactions boursières, éclairant certains points, pas inintéressants d’ailleurs, sur les délits d’initiés et autres spéculations financières. La Nikkeijin (japonais expatrié) écoutait avec une ferveur feinte les évanescentes clarifications mais en tout état de cause, seul le visage de Jude captait son attention.  

 

« Vois-moi ! », criait-elle intérieurement.  

 

« VOIS-MOI ! »  

 

Et un jour, il l’avait vue. Décelé l’étincelle amoureuse dans les prunelles fixées sur lui. Etonnant éclair de lucidité qui brisa net sa prolixité.  

 

Il lui avait fallu quelques jours d’intense réflexion avant qu’il n’osât proposer un dîner. Elle avait accepté. Evidemment. Avec empressement. Et contre toute attente, cette soirée fut époustouflante. Non pas le dîner qui en aurait découragé plus d’une. Non. Mais ce qui s’ensuivit : la balade, la main posée fébrilement sur son épaule, le rapprochement des deux corps, le souffle coupé, l’invitation dans son appartement, le premier baiser, la première nuit. Déjà ! Chaste et lumineuse. Les caresses… douces et respectueuses, les mots… sobres et enflammés. Tout avait été à l’image de Jude. Merveilleux de retenue.  

 

 

Sayuri frappa à la porte et, après quelques instants qui lui parurent une éternité, ce furent deux yeux rougis qui enfin l’accueillirent.  

 

« Je te maudis Ryo Saeba ! » se dit sayuri en elle-même.  

 

« Quel homme peut se permettre de faire souffrir une femme de la sorte ? Et la plus douce d’entre elles qui plus est. »  

 

Sayuri ignorait tout des circonstances qui entouraient la venue de sa sœur aux Etats-Unis, mais il ne lui était pas très difficile d’en deviner les raisons. Quoi d’autre que cet homme égoïste, rustre et insensible pouvait avoir poussé Kaori à fuir loin de tout ce qu’elle aimait ? Alors certes, elle l’avait accueillie avec une joie non dissimulée : la visite était inattendue, merveilleux cadeau du ciel, occasion inespérée de partager des moments intimes avec sa sœur. Leurs premiers. Mais la réalité avait été toute autre : douloureuse impuissance devant la lente descente aux enfers de sa cadette. Elle avait bien essayé de la questionner, d’en apprendre plus sur la décision lourde de conséquences, mais Kaori s’était murée dans un silence absolu, et chaque nouvelle tentative de discussion débouchait inéluctablement sur des nuits de pleurs pour l’ancienne nettoyeuse. Aussi, très rapidement, Sayuri avait abandonné l’idée d’éclaircir les incohérences de sa sœur, nombreuses et déroutantes, qui éraillaient le court récit que Kaori se bornait à servir à chaque questionnement. Faute de mieux, elle avait tenté de joindre Saeba, mais le téléphone sonnait dans le vide, immuablement, et le répondeur était débranché. Signes pour elle que la séparation était actée, indéniable, et que le temps était maintenant à la cicatrisation. Celle-ci serait longue, Sayuri en avait la triste certitude, mais elle s’attellerait à aider sa sœur. Oui, elle s’y emploierait avec tout l’amour qu’elle avait pour Kaori.  

 

En entrant dans l’appartement de l’ancienne nettoyeuse, la journaliste embrassa le décor du regard et sourit. Il ressemblait vraiment à la jeune japonaise, celle-ci avait mis sa marque partout : des plantes vertes, des meubles chinés et peints par elle dans des couleurs vives, un miroir en bois, un canapé confortable et un tapis épais, accueillant. La cuisine était fonctionnelle, les murs repeints en blanc pour faire ressortir les façades rouges des meubles. Sayuri apprécia la quiétude mensongère des lieux et s’avança vers la cuisine :  

 

- J’ai bien besoin d’un thé ma chérie, ça te dit ? demanda-t-elle à sa sœur après avoir déposé son pardessus sur le dossier d’un fauteuil.  

 

- Avec plaisir, je viens juste d’en acheter aux épices, répondit Kaori en feignant l’enthousiasme.  

 

Son cœur se serra alors qu’elle osait une œillade en direction de Sayuri, celle-ci la couvait d’un regard attendri. Quelle honte ! Si sa sœur avait connaissance ne serait-ce que du quart de ce qu’elle avait fait à Ryô, jamais elle ne la considèrerait avec tant d’amour.  

 

 


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