Chapter 1 :: Le défi d'Halloween

Published: 20-02-19 - Last update: 10-08-19

Comments: Un dernier OS avant le grand saut? Je me suis amusée à écrire un court texte avec… je ne donnerai pas d'indices, j'espère que les dernières lignes confirmeront vos déductions…

Chapter: 1

-On avait un accord !, ne puis-je m'empêcher de crier.  

-Mais t'imagines pas le mal que j'ai eu pour l'obtenir., me rétorque-t-il avec une moue puérile.  

-Je te rappelle qu'on va à l'orphelinat ce soir !  

-Justement ! C'est une légende ça !, reprend Ryô en désignant l'objet de notre discorde.  

Je rabats le couvercle de la boîte puis je le fusille du regard. Je n'ajoute rien, je soulève mon fardeau, je tourne les talons et je quitte la pièce d'un pas alerte. Je compte profiter de l'aide d'Eole pour mener à bout cette tâche avant la fin de l'après-midi. Ce n'est pas une tenue pour une fête avec des enfants, en plus à cette saison c'est assurément le meilleur moyen d'attraper une pneumonie. Je l'entends grommeler quelques secondes avant de se relancer à ma poursuite.  

-Mais...mais...Mais...Attends !  

-Certainement pas !, claqué-je.  

Le carton bien calé contre lui, il escalade deux par deux les marches pour me rejoindre sur le toit. D'un mouvement ample et sec, je secoue si énergiquement les draps qu'ils en claquent. Je ne suis peut-être pas douée pour viser une cible avec un magnum, mais je sais comment le tenir, lui, à distance. Une pince à linge dans une main, une autre fichée entre les dents, je tends le coton pour jouer à cache-lessive avec mon partenaire.  

-Kaori, je t'assure que...tu devrais être flattée.  

-Tu te fiches de moi ? Flattée d'être habillée comme une esclave ? Moi aussi je l'ai vu ce film !  

-Eh ben tu sais alors à quel point elle est importante !, tente-t-il mais l'argument qu'il espérait convaincant reste sans effet sur moi.  

-Je ne reviendrai pas là-dessus ! Je te le répète : hors de question que je mette ça !, soufflé-je.  

Ce n'est que mon cinquième " non " depuis le début de notre affrontement, il y en aura d'autres...Les unes après les autres, j'aligne les pièces de coton sur le fil tendu. Allez, ça s'est fait ! Ses mots dansent dans le vent autant que le contenu de la machine à laver que je viens de finir d'accrocher, je rentre en lui fermant la porte au nez. Il essuie donc un nouveau refus détonant mais ne va pas renoncer pour autant.  

Je ne dois mon répit qu'à la présence de Mick de l'autre côté de la rue, probablement attiré à la fenêtre par les claquements sonores des draps et de la porte. Je pose le panier à sa place en poussant un soupir d'exaspération, j'imagine les pouces levés de son comparse gonfler sa motivation. Je sais que je vais en avoir pour l'après-midi, et il n'est que 14h...Je dois économiser mes forces et ne pas gaspiller vainement ma salive.  

-...Mick est d'accord avec moi., chantonne la petite voix près de mon oreille.  

-Le contraire m'aurait étonnée. Il n'a qu'à le mettre, si il lui plaît tant que ça !  

-Ah ben, c'est pas...tu sais bien que c'est pour une femme !  

-Je rêve ou tu viens de dire que je suis une femme ?, répliqué-je avec un air éminent surpris.  

-Euh...  

Je sais bien que cela ne sera pas aussi facile que ça, je souris, satisfaite d'avoir su utilisé ses propres mots pour le faire taire quelques instants. A sa mine déconfite succède la réflexion, il cherche un autre angle d'attaque. Le combat a commencé à midi et prendra fin à 18h, il lui reste donc de nombreuses opportunités. Sa tactique, l'attaque, est toujours la même : me pousser à bout pour me faire prononcer un mot interdit. J'ai choisi d'embrasser la résistance.  

-C'est pas moi qui aie choisi le thème !  

-Tu pouvais appuyer ma proposition., repliqué-je aussitôt en reprenant mon calme.  

-...Princesses et chevaliers ? Et pourquoi pas les bisounours ?!  

Pendant qu'il retrace les grandes lignes de cette discussion, au moins il ne revient pas à la charge. La patience est une vertu, j'en ai à revendre de la patience, même lui ne peut me contredire. Il fuit les tâches ménagères comme la peste, c'est pour cela que j'ai adopté cette stratégie de défense, je sais qu'elles viendront à bout de ses attaques. Il me défie en passant ostensiblement l'objet de sa nouvelle obsession, les arabesques dorées, devant mon visage.  

-Le costume de MON choix dans le thème imposé ! C'était celui-là, mon premier choix.  

Je ne suis que davantage motivée par la perspective de le voir dans celui que j'avais choisi. Il veut un duel de tête de mule ? Soit ! Je suis la mise et je relance.  

-On remet les premiers choix sur le tapis ? Tu te rappelles du mien ?  

-Parfaitement.  

-Très bien, j'accepte, à la condition...que ce soit ma taille..., osé-je posément.  

-Bien sûr que ça l'est !, s'insurge-t-il à la remise en cause de son aptitude ès mensurations féminines.  

-Vraiment... ?, saisissant ma fenêtre d'opportunités je me dérobe sous ses exclamations outrées.  

Je n'ai pas vraiment besoin de tous ces ustensiles électriques pour cuisiner, ils provoquent assez de bruit pour qu'il doive élever la voix et augmentent ainsi ses risques de commettre une erreur. J'ai prévu large dans mes préparations culinaires, de quoi lui remplir la majeure partie de l'après-midi et contenter les bouches gourmandes qui les dévoreront. Je ne trébuche pas pendant l'assaut lancé au cours de la phase finale de vaisselle.  

-Tu veux pas l'essayer ?, gazouille mon démoniaque partenaire.  

-Je suis bien trop occupée pour ça, et en plus...on sait tous les deux que je ne vais pas perdre.  

-Tu en es sûre ?, reprend le diable en ronronnant.  

-Aussi sûre qu'il faut décrocher la lessive maintenant. Tu t'en charges ?, lancé-je le plus distraitement possible.  

Il s'affale sur le canapé en ouvrant le dernier numéro de sa précieuse revue, tournant les pages plus rapidement que d'habitude, incontestablement le signe qu'il mûrit le plan de sa nouvelle offensive. Il est interrompu par la sonnerie stridente du téléphone qui me vaut un regard surpris, pendant qu'il réceptionnait son précieux colis, j'ai rebranché le fil qu'il avait pris soin de déconnecter dans la matinée. Cependant, j'ignore qui peut bien appeler, je plante mes yeux dans les siens en haussant les épaules en guise de réponse. Ce n'est qu'une courte trêve qui se prolonge jusqu'à ce qu'il raccroche.  

-On part à 18h, j'espère que tu as commencé à charger la voiture., glissé-je pour l'éloigner.  

-Il ne reste qu'un détail, celui de...  

-Si tu as pris les sacs noirs, alors tout est prêt !, ma seconde tentative échoue aussi.  

-Tu ne te rends pas compte à quel point tu vas décevoir les enfants !,  

-Les enfants ? Tu parles des deux idiots qui se faisaient des signes sur le toit tout à l'heure ?, lui cloue le bec momantanément.  

Maintenant au tour de l'aspirateur d'entrer dans l'arène. Il ne me reste plus que 28 minutes à tenir, ensuite il aura beau protester, il sera trop tard. Il bougonnera, évidemment mais il se pliera aux règles, c'est lui qui les a fixées. Et moi je jubilerai. Comme je m'y attendais, il presse le bouton pour retenter sa chance dans les ultimes minutes de cette bataille.  

-Kaori? Tu ne pourrais au moins me laisser...  

-...passer l'aspirateur à ma place?, je lui tends le manche d'aspiration.  

-Oh...Mais n... N'importe quoi !  

Je parachève l'anéantissement de la poussière pour arracher la victoire. Le temps est écoulé et je n'ai pas failli. Je consulte ma montre, la sienne, les pendules, je compose même le numéro de l'horloge parlante qui proclame haut et fort que cette année encore, j'ai remporté le défi d'Halloween. Je range dans le placard mon dernier atout et je décrète l'heure du départ. Le sourire des enfants et les grognements expressifs de mon nettoyeur préféré seront ma plus belle récompense.  

-Ryô...  

-... ?  

-...On est bien d'accord ?, questionne ma petite voix satisfaite.  

-...Hum...  

-Reconnais que j'ai gagné !  

-Rhaaa !, peste-t-il bruyamment.  

-Tu es vraiment de mauvaise foi !  

-GRRRR !, tonne mon sombre crétin, même s'il n'a pas encore revêtu son costume il se fond déjà dans son personnage.  

-Absolument pas, je n'ai pas triché !, déclaré-je tandis que nous descendons les escaliers.  

Les grondements de fureur s'éclaircissent pour devenir compréhensibles. Je ne peux me retenir d'éclater de rire quand une chevelure brune ébouriffée émerge de la partie supérieure de ce costume. Il se joint à moi en se mirant dans le rétroviseur.  

-Mais comment t'as fait pour comprendre ce que j'ai dit ?, me questionne-t-il en domptant les rebelles.  

-Et toi tu fais comment pour comprendre ce que je ne te dis pas ?...Tu as vu comme ils étaient contents ?,  

-...Je crois que...ça ne fait aucun doute...  

-Tu pourrais au moins reconnaître que..., essayé-je en refermant le coffre.  

-Nous ne sommes pas encore rentrés...je peux me refaire !, s'exclame-t-il soudain.  

-Minuit ?  

-Minuit !, ses yeux en pétillent d'excitation.  

-J'ai les clés, je conduis., annoncé-je aussitôt.  

-Certainement pas ! T'as peut être le costume de pilote, mais c'est ma voiture je te rappelle.  

-Mets la gomme Ch...  

-STOP ! Là tu vas vraiment trop loin !, me coupe-t-il courroucé.  

J'affiche un sourire espiègle, en prenant la place du copilote dans notre vaisseau. Je me repais des yeux rieurs qui se posent sur nous tout au long de notre trajet retour, il a beau râler et prétendre le contraire, je sais bien qu'il est aussi heureux que moi. Cet effet ne se dissipe pas immédiatement, il perdure jusqu'à ce que j'atteigne le sixième étage, bien avant lui. Il maugrée encore quand il parvient enfin à la dernière marche, aprsè tout il n'avait qu'à l'enlever dans le garage son costume.  

-...Je me demandais...qu'est-ce que tu as fait de ta boîte ?  

-Ma boîte ?, répète mon chevelu.  

-T'as très bien compris.  

-...Ah...ben...Je l'ai laissée sur la table du salon.  

-Très bien, merci., murmuré-je.  

-Hum...Pourquoi tu demandes ça ?, m'interroge-t-il légèrement surpris.  

-Juste pour savoir...  

-Fais tout ce que tu veux avec, je me repose sur le canapé..., souffle-t-il en fixant la bouteille de whisky avec envie.  

J'emporte le paquet dans ma chambre et je me défais de chaque élément de ma panoplie de vaurien que je plie et ordonne sur la commode. Les dorures à présent, ma taille effectivement, puis je me glisse dans le " pantalon ". C'est une ineptie, une mascarade, un jeu de dupes, il ne comptait pas réellement gagner. Non mais quelle crapule ! Je ne perdrai pas non plus cette manche, je l'obligerai à admettre sa défaite.  

-Tu sais quoi ?  

-Quoi ?, grogne-t-il.  

-T'avais raison.  

-Je sais !...J'avais raison à quel sujet ?  

-Dis-le d'abord ! Dis que j'ai gagné !  

-Eh bien je ne vois vraiment pas pourquoi je dirai ça..., marmonne mon partenaire.  

-Tu n'es qu'une tête de mule !, m'emporté-je devant tant d'obstination.  

-Parce que toi t'en es pas une peut-être !  

-Moi, au moins, je suis capable de reconnaître que j'ai tort !  

-Alors vas-y je t'écoute !...Tu vois!Tu dis rien ! J'ai encore raison !, reprend la tête de mule.  

-...C'est la bonne taille !, finis-je par avouer.  

-...la bonne taille?...Hein ? Quoi ??...T'es sérieuse ?!, bafouille-t-il en comprenant à quoi se réfère mon aveu.  

-J'ai gagné ?, demandé-je uniquement pour l'entendre proclamer ma victoire.  

J'entends le bruit d'un corps qui tombe lourdement sur le sol, des borborygmes indistincts, je devine la lutte de l'homme contre l'animal. J'ajuste la longue tresse sur ma clavicule puis je souris en m'installant. Je visualise parfaitement bien Ryô dans sa guerre contre la fermeture éclair. Elle se coince sans cesse dans l'épaisse fourrure tandis qu'il se tortille au sol frénétiquement pour s'en extirper.  

-D'accord ! D'accord, oui ! Oui ! OUI ! Kaori ! T'as gagné !, plaque une mine triomphale sur mon visage.  

Décidément, le plus mémorable de tous nos défis ni oui-ni non d'Halloween... les grondements incompréhensibles, l'amusement de tous ceux que nous avons croisés, l'hyper drive en panne dans les escaliers sans oublier que ce n'est vraiment pas facile de caser un wookie derrière le volant d'une Austin mini. Ses pas précipités se rapprochent, j'accueille son arrivée dans ma chambre par un petit mouvement d'épaule parfaitement calculé. Le supplice enduré mérite une rétribution...qui mieux qu'une princesse peut récompenser un vaurien ? 

Chapter: 1