Hojo Fan City

 

 

 

Data File

Rated R - Prose

 

Author: patatra

Status: Completed

Series: City Hunter

 

Total: 1 chapter

Published: 16-04-21

Last update: 16-04-21

 

Comments: 10 reviews

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Romance

 

Summary: La passion de Ryo Saeba ? Les femmes aux mensurations parfaites et généreuses ! Sa partenaire est loin de correspondre aux critères d’exigence du beau brun. Pourtant, de fil en aiguille, une soirée vient bouleverser les goûts démesurés du nettoyeur en la matière.

 

Disclaimer: Les personnages de "Les seins de Kaori" sont la propriété exclusive de Tsukasa Hojo.

 

Tricks & Tips

How many words are necessary in a chapter?

 

For normal fanfictions, the minimum is 600 words. For poetry, the minimum is 80 words and for song fics, the minimum is 200 words. These values can be change at any moment, if we think it's neces ...

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   Fanfiction :: Les seins de Kaori

 

Chapter 1 :: Les seins de Kaori

Published: 16-04-21 - Last update: 16-04-21

Comments: Bonjour à tous, NON, je ne me disperse pas, ne craignez rien ! Je lâche City Hunter peu à peu et je souhaite toujours finir les histoires que j’ai entamées. J’ai juste vidé mon ordi et mis à la poubelle de vieux textes et j'ai aussi exhumé celui que je vous propose aujourd’hui. Il date du 04/11/2012, cela ne nous rajeunit pas, et je l’avais mis au rebut car je le trouvais trop « guimauve ». Mais en le relisant et en le transformant un peu (quand même beaucoup, ça m’a pris des heures je ne le nie pas, mais c’est un exercice intéressant que de recycler un texte), il m’a paru digne d’être publié. Enfin je pense hein... Je me dis qu’en ces temps plutôt moroses un peu de légèreté et de douceur fait du bien ! Après, j’espère qu’il apporte quelque chose à ce que j’ai déjà écrit, vous savez ma volonté de me renouveler au moins un peu. ATTENTION, il est très très long, 14500 mots ! Je ne voulais pas faire une fic à chapitres donc je le propose en entier. Aussi, sachez qu’il vous faudra du temps pour lire tout ça. Désolé, ça peut être rebutant !!! J’espère qu’il vous plaira. Bonne lecture et merci pour vos commentaires ! A bientôt. PS : Ally, si tu passes par ici, je suis tellement content de te retrouver 😉 Pat

 


Chapter: 1


 

 

 

 

 

LES SEINS DE KAORI
 

 

 

 

 

 

La mine enragée de la nettoyeuse apparut dans l’embrasure de la porte, elle savait maintenant user de ruses de sioux pour s’approcher du grand malade avec qui elle partageait l’appartement, sans se faire remarquer. Elle étrécit les yeux tout en l’observant de dos. Il se tortillait comme un enfant qui a envie d’aller aux toilettes, tout en soufflant comme un buffle en rut. Tourné vers la fenêtre, il ne lui permettait pas de deviner ses occupations mais, visiblement, cela le mettait de très bonne humeur.  

 

« C’est pas possible ! C’est pas possible !... », ne cessait-il de répéter d’un ton enjoué et comblé.  

 

— Qu’est-ce qui n’est pas possible ? s’enquit-elle, suspectant quelque délire obsédé.  

 

La soudaine tension qui envahit le corps du nettoyeur, le tortillage de ses fesses qui s’intensifia et son rire stupide – celui qu’il empruntait systématiquement lorsqu’il était pris en faute – finirent de convaincre Kaori qu’il y avait là tort à redresser.  

 

— Dis-moi abruti ce qui te met ainsi en transe !  

— Mais rien du tout, lança-t-il en se retournant, la mine offusquée, qu’est-ce que tu t’imagines encore ? Je ne fais que…  

 

Mais il s’arrêta net lorsqu’il vit la fumée qui sortait des oreilles de sa coéquipière, cette dernière se crispa sous les spasmes de la colère et pointa du doigt les deux traces qui cernaient les yeux de Ryo.  

 

— Qu’est-ce que tu regardais par la fenêtre avec des jumelles ?  

— Des jumelles ? Non mais j’ai pas d’ju…  

 

Kaori ne prêta pas attention à la réponse mensongère qu’il bredouilla et plongea la main dans le caleçon de son obsédé de partenaire – c’était là la seule étoffe qui le couvrait – pour en extraire une mini paire de jumelles. Discrète, pliable, d’une puissance remarquable. Un concentré de technologie. Il en resta pantois. Elle se précipita vers la fenêtre pour découvrir le spectacle certainement sulfureux qu’il matait depuis pas mal de temps et qui le galvanisait de la sorte.  

 

— RYOOOOO ! hurla-t-elle lorsqu’elle eut le malheur d’apercevoir Kazue en train de passer l’aspirateur dans une tenue plus qu’affriolante : une nuisette entièrement en dentelle !  

 

Elle se retourna, fulminante, prête à atomiser le pervers qui n’avait visiblement rien de mieux à faire que reluquer ses voisines en train de faire le ménage. Mais le couard avait déserté, volatilisé ! Elle cligna des yeux… un corbeau atterrit sur son épaule… Elle n’avait rien vu, rien entendu tandis qu’il se carapatait… Elle serra les poings de rage. Ahhhh ! Qu’il était frustrant qu’il parvienne à lui échapper ainsi, sans être puni à la mesure de son forfait ! Mais comment faisait-il pour être si prompt à lui échapper en ce moment ?  

 

— Tu ne perds rien pour attendre Saeba ! s’époumona-t-elle.  

 

Dans la rue, bavant sur une épaule dénudée, tentant tant bien que mal de distendre l’encolure d’un caraco épouvanté, le fautif entendit la menace mais n’en prit pas peur… Au contraire, cela le mit en joie…  

 

— Mademoiselle, vous a-t-on déjà dit que vous étiez absolument adorable ? s’enquit-il, débile, auprès d’une jeune femme autant affolée qu’embarrassée par l’homme en caleçon qui la poursuivait de ses assiduités.  

 

La nettoyeuse reposa entièrement contre la fenêtre, la colère la désertait et laissait place à la désolation. Visiblement, il ne changerait jamais, aucun espoir ne semblait permis en ce qui concerne la relation qu’elle désirait ardemment nouer avec ce dégénéré de la quéquette. Il demeurait plus imperméable que jamais à toutes ses tentatives de rapprochement et, pire que tout encore, il évitait désormais les représailles qu’elle lui réservait à chaque nouvel affrontement. Depuis combien de temps n’avait-il pas reçu de coup de massue ? Depuis combien de temps ne l’avait-elle pas brutalisé ?  

Elle prit les jumelles qui étaient au sol et entreprit de mater la belle infirmière qui, elle, savait si bien plaire à son coéquipier. Qu’avait donc Kazue qui excitait avec une telle facilité celui qu’elle laissait de marbre ? Peut-être allait-elle enfin trouver ce qui lui faisait si cruellement défaut ?  

 

Honteuse, le rouge aux joues, la japonaise chaussa les jumelles et détailla le physique avantageux de sa voisine d’en face. Elle fit un inventaire le plus exhaustif possible des atours de la pulpeuse brune.  

 

Bon, il fallait bien avouer que les jambes élancées et sculptées de sa rivale étaient magnifiques, ainsi que ses cuisses délicieusement rondes - mais pas trop, juste ce qu’il faut – et puis sa taille parfaitement fine rehaussait l’ondulation de ses hanches. C’en était troublant, même pour la femme qu’elle était ! Et malgré la tâche dénuée de noblesse qui l’occupait, Kazue était la féminité incarnée, oui elle était belle tout simplement.  

 

« C’est clair que moi j’ai l’air de rien quand je passe l’aspirateur ! »  

 

Kaori se concentra sur les gestes précis, dynamiques, et pourtant tellement nimbés de charme de l’infirmière, tentant d’y dénicher le secret de la féminité. Elle nota intérieurement le balancement des épaules, les hanches qui chaloupent, les cheveux qui caressent les épaules, les fesses fermes et rebondies qui se dandinent en rythme. Oui, tout cela fut consciencieusement inventorié. Kaori tenta d’imiter quelques mimiques sans peur du ridicule, les jumelles toujours soudées aux yeux. Ces derniers se posèrent bien innocemment sur un endroit précis qui lui parut être « la » révélation, la réponse attendue à toutes ses questions.  

 

Kaori perdit son souffle, entièrement happée par la contemplation des seins ronds et généreux de celle que Ryo admirait quelques minutes auparavant. Oui, elle prit immédiatement conscience que là était le secret de la féminité, la vraie ! Son cœur dérapa dans sa menue poitrine. Elle avait sous les yeux l’objet de toutes les gourmandises, de tous les fantasmes de son obsédé de partenaire. Voilà ce qui lui plaisait au-delà de tout, l’attribut qui le mettait en émoi comme aucun autre : les seins !  

 

Elle en fut désespérément désespérée. Ses maigres dispositions génétiques à ce niveau l’handicapaient grandement, il fallait être lucide.  

 

Mais alors qu’elle admirait les voluptueuses rondeurs de sa brune voisine, elle vit deux mains amoureuses englober les monts engoncés dans la dentelle noire. Kaori, plus rouge qu’une tomate, déglutit difficilement. C’était bien les mains gantées de Mick qui, là, sous son regard voyeur, cajolaient les deux monstres capturés et visiblement heureux d’être ainsi chahutés.  

La nettoyeuse s’admonesta de quelques noms d’oiseau, n’avait-elle pas honte de se livrer ainsi au voyeurisme ? comme l’autre dégénéré - dont elle était, fallait bien l’avouer, complètement dingue – s’y adonnait si souvent !  

« Putain, il déteint sur moi ! », ne put-elle s’empêcher de se blâmer, grossièrement, sans pour autant abandonner son coupable espionnage.  

 

Mick baisait maintenant fiévreusement le cou de Kazue et cette dernière semblait très réceptive. Kaori eut quelques bourdonnements d’oreilles, jamais elle n’avait vu son meilleur ami dans une telle situation et le découvrir ainsi, sérieux, doux et excité avec sa fiancée, était tout aussi dérangeant que fascinant.  

 

« Kaori, Kaori, arrête ça tout de suite ! », tenta-t-elle de se raisonner.  

 

Elle ne put s’empêcher de s’imaginer dans la même position que l’infirmière, les lèvres assaillies par le japonais qui soufflait le chaud et le froid sur Shinjuku, comme sur son cœur. Qu’il devait être merveilleux de subir les mêmes caresses de sa part !  

 

Se projeter dans une telle proximité était incommodant. Du fin fond de son innocence, elle ne pouvait qu’entrevoir ce qu’était le plaisir partagé et, bien évidemment, elle n’imaginait que rarement les êtres qui l’entouraient dans des situations érotiques. Aussi, ce qu’elle voyait dans l’appartement d’en face l’ébranla terriblement, elle ne pouvait nier que Mick revêtait un visage bien différent de celui qu’il lui opposait au quotidien : l’ami fidèle, le conseiller, l’abruti de service aussi ! Là, tout de suite, il semblait n’être concentré que sur les seins abandonnés dans ses paumes et son visage fermé reflétait un trouble intense. Le désir ? C’était donc ça le désir masculin ?  

 

La révélation la bouscula et elle dut relâcher son attention, calmer les battements déraisonnés de son palpitant. Pour se faire, elle se défit un instant des jumelles avant de les repositionner. Elle n’eut pourtant pas le temps de digérer ce qu’elle venait de découvrir. Tandis qu’elle reprenait un peu contenance, ce furent les prunelles bleu azur qu’elle connaissait si bien qu’elle rencontra à l’autre bout des lunettes.  

Gloups.  

 

Elle chût immédiatement dans l’espoir de se dissimuler aux yeux de son ami.  

 

« Il n’a pas pu me reconnaître, tenta-t-elle de se convaincre, je suis trop loin, il a dû croire que c’était Ryo ! »  

 

De longues minutes plus tard, elle était encore recroquevillée derrière la fenêtre lorsqu’on frappa à la porte.  

 

Ne pas ouvrir. Non, faire comme s’il n’y avait personne. Mais les coups sur la porte redoublèrent.  

 

— Kaori ? appela doucement Mick. Je sais que tu es là. Ouvre !  

 

Elle réfléchit une seconde. Faire comme si de rien n’était, là était la meilleure stratégie, ne pas fuir et paraître innocente. Elle devrait savoir faire. Quoi qu’il en soit, elle nierait toute indiscrétion et n’hésiterait pas à mettre sur le dos de son partenaire ce que Mick croirait suspecter. Elle se leva et alla ouvrir tout en veillant à dissimuler les jumelles sous les coussins du canapé.  

 

— Mick ! Quelle bonne surprise ! entama-t-elle avec une voix suintant la culpabilité.  

 

L’américain étrécit les yeux. Comment pouvait-on être si piètre comédienne ?  

 

— Si tu cherches Ryo, il est sorti, persévéra-t-elle.  

 

Elle se mordit la langue et s’admonesta aussitôt de griller dès sa première tirade son alibi le plus crédible.  

 

— Mouais, mouais… En fait c’est toi que je viens voir, dit-il avec un large sourire.  

— Ah oui ?  

 

Mick entra sans qu’il n’y fût invité et s’approcha de la fenêtre du salon. Il avait les mains dans ses poches et marchait d’un pas ralenti, pliant exagérément les genoux, à en être ridicule, semblant se délecter de la situation qu’il savait embarrassante pour son amie, voulant la faire durer. Il n’était pas habituel de prendre ainsi Kaori en faute. Elle l’avait espionné en train de cajoler sa délicieuse Kazue et cette information valait son pesant d’or.  

 

— Quelle belle journée, non ? lança-t-il avec euphorie.  

— Oui.  

— Il est où Ryo ?  

— Ah ben j’aimerais bien le savoir, s’engouffra-t-elle dans le piège. Je pensais qu’il était chez toi.  

 

Mick écarquilla les yeux.  

 

— T’as bien vu qu’il n’y était pas, asséna-t-il insidieusement.  

— Oui, admit-elle doucement en baissant les yeux.  

— Dis-donc il t’en a fallu du temps d’observation pour réaliser que Kazue et moi étions bien seuls !  

 

Elle s’empourpra.  

 

— Je suis désolée, confessa la rouquine, penaude. Tu imagines bien que je ne voulais pas vous espionner, ni surprendre quoi que ce soit.  

 

L’américain observa attentivement son amie et se délecta de son malaise.  

 

— Je me doute, finit-il par apaiser, avant de reprendre, goguenard. Alors, ça t’a plu c’que t’as vu ma cochonne ? Ça t’a excitée ? Dis-moi, dis-moi…  

 

Comme il bavait comme un escargot, les yeux exorbités, avec une grimace libidineuse sur les lèvres, Kaori n’eut d’autre choix que de l’atomiser sous une massue XXL.  

 

— T’es pas mieux câblé que l’autre dégénéré du slip toi ! Voilà de quoi calmer tes ardeurs !  

 

 

oOo
 

 

 

 

Mick pleurait bruyamment, un sac de glace sur sa tête déformée. La nettoyeuse était assise à ses côtés et commençait à culpabiliser. Non seulement, elle s’était montrée particulièrement indiscrète avec son ami mais, de surcroit, elle l’avait blessé physiquement, n’y était pas allée de main morte. Le blondinet se perdait d’ailleurs en jérémiades contre son épaule et réclamait consolation. Kaori soupira profondément et enroula un bras autour du cou du blessé. L’américain stoppa net ses gémissements plaintifs, se cala dans le cou accueillant et ne bougea plus, savourant le moment de tendresse que son ancien amour daignait partager avec lui.  

 

— Qu’est-ce qui ne va pas ? interrogea-t-il après de longues minutes de douce complicité.  

 

Il ne la connaissait que trop bien pour ne pas déceler qu’une contrariété chamboulait la jeune japonaise.  

 

— Rien d’important, tenta-t-elle d’esquiver.  

— À d’autres s’il te plaît !  

 

Kaori était en profonde réflexion. Une drôle d’idée était née dans son cortex depuis qu’elle avait pris conscience de son inconsistance mammaire. Certes, depuis toujours, elle s’était prise en pleine face les critiques acerbes du brun concernant ses maigres atouts ; mais elle ne s’en était jamais véritablement émue. Son corps ne lui faisait pas honte, elle le trouvait même bien proportionné, sa musculature plutôt fuselée ; elle se plaisait même lorsque, nue, elle se contemplait dans la glace de sa chambre. Aussi, son crapaud de partenaire ne parvenait jamais à atteindre son estime d’elle-même. Et là encore, elle n’en était pas atteinte. Non, la douleur était ailleurs. Kaori venait juste de réaliser qu’elle ne saurait jamais plaire à l’homme dont elle était amoureuse. Le regard qu’il porterait sur elle serait toujours dénué d’intérêt érotique, la flamme du désir n’y brillerait jamais. Non, jamais il n’afficherait la mine troublée et troublante qu’elle avait surprise tantôt sur le faciès de son ami ; le fameux désir masculin. La nettoyeuse ne pouvait simplement pas le séduire, elle n’avait pas les arguments. C’était ainsi. Il est des incompatibilités physiques insurmontables et ses petits seins en étaient une.  

 

— Je ne pourrai jamais lui plaire, baragouina-t-elle, la voix chagrinée.  

 

Mick grimaça légèrement, non véritablement surpris qu’il soit encore question de Ryo.  

 

— C’est ridicule Kaori, tu es la personne qui compte le plus pour lui, déclara-t-il en quittant la place privilégiée qu’il occupait dans son cou pour mieux l’observer.  

— Je sais que je suis importante, reconnut-elle en offrant le désarroi de son regard. Je ne parle pas de ça. Je ne pourrai simplement jamais lui plaire physiquement. C’est ça que je dis.  

— Ppffff, souffla l’ancien nettoyeur en levant les yeux au ciel. Qu’est-ce qu’il t’a encore fait ?  

— Rien… rectifia Kaori. Je viens juste de réaliser que je ne corresponds en rien à ce qu’il aime.  

— N’importe quoi !  

— Mes seins ! scanda la rouquine, immédiatement affolée par son effronterie.  

 

Interloqué, l’américain se figea et sonda les prunelles noisette qu’il aimait tant.  

 

— Tes seins ? répéta-t-il en murmurant, presque effrayé de s’engager sur ce terrain.  

— Ils sont minuscules, interjeta-t-elle en les empaumant.  

— Euh… bégaya-t-il, interdisant à ses prunelles de dévier vers les objets décriés.  

— Ne prends pas de gants avec moi, Mick, je sais que c’est pas l’opulence !  

 

Elle se leva et s’éloigna en lui tournant le dos ; la discussion était tout de même dérangeante.  

 

— J’ai toujours des gants, tenta-t-il d’ironiser en levant les mains. Kaori…  

 

Il la rattrapa en deux enjambées et la contraignit à lui faire face, empoignant ses épaules.  

 

— Tout ce que tu es est absolument délicieux, confia-t-il avec une appréhension qu’elle ne détecta pas. Il n’y a rien à ajouter, rien à enlever. Tu es parfaite Kaori.  

— Ah, c’est facile pour toi de dire ça ! s’encoléra-t-elle. Tout à l’heure, c’était pas des mini-mamelles que tu caressais. Tu semblais ABSOLUMENT comblé par la générosité de Kazue.  

— Je le serais tout autant si elle était moins… ronde, peina-t-il à articuler.  

 

Non mais, c’était quoi cet échange de science-fiction ?  

 

— Ryo est obsédé par les seins des femmes. Il zieute tous les décolletés qu’il croise, s’extasie sur tous les bonnets D ou E, il est un professionnel de la palpation mammaire. Tout à l’heure il s’excitait devant Kazue en petite tenue qui passe l’aspirateur. Je suis quoi moi, à côté ? J’ai quoi à proposer ?  

— Le degré de féminité d’une femme ne se mesure pas à la profondeur de son bonnet de son soutien-gorge.  

— Et tu me trouves féminine ? s’enquit-elle, palpitante.  

 

Les deux amis se jaugèrent. Mick se mordit les lèvres. S’aventurer sur le terrain de la féminité avec la femme qu’il considérait comme la plus désirable de toutes n’était pas sans risque.  

 

— Non, dut-il admettre sincèrement. Tu n’es pas féminine Kaori, mais tu es incroyablement sexy et désirable.  

 

Une adorable teinte carmine colora les joues rebondies de la nettoyeuse tandis qu’elle détourna le regard pour échapper au malaise que Mick avait savamment distillé. Elle fit un pas vers lui et se blottit dans ses bras, y trouva refuge et réconfort. L’américain l’accueillit avec chaleur, l’enveloppa et la serra avec affection.  

 

— Cesse de te poser des questions sur tes jolis seins, murmura-t-il à l’oreille de la jeune femme. Et ne crois pas Ryo insensible à tes charmes.  

— J’ai de la chance que tu sois mon ami, abandonna-t-elle à son tour dans l’écrin des bras étrangers.  

— C’est moi qui ai de la chance…  

 

Ils s’étreignirent de longues secondes, appréciant la douce complicité qui caractérisait leur relation.  

 

— Quand on aime, compléta-t-il sans toutefois croiser le regard de la jeune femme, on se fiche pas mal du physique. Il faut oublier ses complexes, ses craintes, ses appréhensions. Pour les yeux de l’amour, l’être aimé est sans défaut, il est beau, parfait, sans égal.  

— Ryo ne fonctionne pas comme ça, Mick. C’est avant tout un physique qui le séduit, il a des exigences.  

— Pas avec la femme qu’il aime.  

 

Des larmes envahirent les mirettes malheureuses.  

 

— Le problème c’est qu’il n’aime pas…, évoqua la nettoyeuse, consciente que c’était bien ce point particulier qui la faisait souffrir.  

 

L’américain afficha un sourire désenchanté et fut heureux que la nettoyeuse ne pût le surprendre ou l’interpréter. Ses vieilles blessures devaient rester silencieuses et cicatriser. Il releva les yeux, mû par son sixième sens, et ne fut pas surpris de croiser l’onyx brutal du regard de son meilleur ami.  

 

Depuis quand Ryo Saeba était-il là à les espionner, immobile et tendu ? Qu’avait-il capté de leur échange ? Pourquoi avait-il caché sa présence ? Malgré le ridicule de sa tenue – un simple caleçon – il irradiait une rage contenue que le blond sut parfaitement identifier. Ryo était jaloux ! C’était indiscutable, il était jaloux.  

 

Ah Kaori, si tu savais…  

 

L’américain décocha un sourire magnifique à son rival, un sourire de défi. Immédiatement, la tension s’apaisa entre les deux hommes et les regards redevinrent amicaux.  

 

— Oh les amoureux, je vous dérange ? interrompit le japonais limite hilare.  

 

Mick ressentit très distinctement la raideur investir le corps de la femme qu’il enlaçait toujours. Sans la moindre hésitation, presque douloureusement, elle se détacha de lui pour toiser l’importun. Elle le dévisagea sévèrement.  

 

— T’as pas honte de poursuivre les donzelles, habillé de la sorte ?  

 

L’abruti cligna des yeux et gloussa de bonheur.  

 

— T’imagines pas Kaori chérie, je ne sortirai plus qu’à moitié à poil, jubila l’obsédé. J’ai carrément créé le buzz. On a admiré ma plastique parfaite, on m’a même tâté pour vérifier que c’était pas de la gonflette, vous vous rendez compte ? Et je rentre avec une quinzaine de numéros de téléphone.  

 

Ryo exultait et étalait ses nombreux numéros sous le nez de sa partenaire effarée et de son ami dépité.  

 

— Alors, alors, avec laquelle je sors ce soir ?  

— Donne-moi ça, crétin décérébré, éructa la nettoyeuse en tentant d’attraper les multiples morceaux de papier.  

— Hors de question, dragon moralisateur ! C’est pas parce que t’as pas de succès que je dois renoncer à user de mon sex-appeal, défendit-il avec emphase en mettant son précieux butin hors de portée de ladite dragonne. Laisse-moi vivre, j’ai le droit d’aimer…  

 

Mais à peine eut-il prononcé les derniers mots qu’il se prit une méga massue dans la mâchoire ! Oui, 10000 millions de tonnes lui pulvérisèrent la mandibule tout autant que ses projets nocturnes. Kaori s’en donna à cœur joie, elle lui asséna de violents coups sur le crâne ; elle rebondissait dans les airs à chaque écrabouillage sur le sol, jusqu’à ne laisser que quelques millimètres d’épaisseur au visage du mythique City Hunter. Une carpette. Ah, il était méconnaissable le Dom Juan de service !  

 

Elle ricana monstrueusement et récupéra les numéros de téléphone répandus sur le sol à côté du malheureux.  

 

— Pleure Saeba ! vitupéra la furie. Oui, pleure ! Je vais passer par les flammes tous ces numéros de téléphone. Je vais invoquer le Diable et l’exhorter à rendre ton mokkori impuissant ! C’est tout ce que tu mérites érotomane désaxé ! Comment peut-on être aussi détraqué ?  

 

Elle passa près des deux hommes dans une démarche altière, parut inaccessible à chacun d’eux. La rage avait muté en une fière outrecuidance. La violence était sa seule porte de sortie, l’anéantir lui procurait d’ailleurs un plaisir coupable qu’elle ne s’expliquait pas. Mais quelle autre solution avait-elle ? Elle ne pouvait quand même pas lui laisser vivre ses histoires d’un soir. Non, c’était au-delà de ce qu’elle pouvait supporter. Elle quitta la pièce silencieusement, grimpa les escaliers et disparut, s’évapora.  

 

— Mais qu’est-ce que j’ai dit ? bredouilla le nettoyeur au travers de ses dents cassées.  

 

L’américain s’était accroupi près de son ancien partenaire et l’aida à reprendre figure humaine. Il assembla comme il put chaque partie du visage démantibulé.  

 

— Je te comprends pas, abandonna Mick dans un soupir déçu.  

 

Le brun se releva, ne répondit rien, puis s’étira doucement, replaçant avec efficacité ses membres démis, retrouvant sa belle gueule comme par enchantement. Lorsqu’il eut terminé, il échangea un regard lourd de sens avec son ami. Mick ne tenta pas de briser la tension qui venait de s’installer à nouveau entre eux.  

 

— Je te laisse, se contenta-t-il d’informer laconiquement.  

 

Ryo ne le quitta pas des yeux, comme s’il eut deviné que le blond avait encore des choses à lui dire. Ce fut bien sûr ce qui arriva. À peine Angel s’était-il éloigné de quelques mètres qu’il stoppa net ; puis fit volte-face ; puis vint se replacer devant son ami. Il se positionna à quelques centimètres à peine, pénétra de ses clairs iris les insondables abysses de son vis-à-vis. Ils s’examinèrent en chiens de faïence un long instant et ne cédèrent pas à la facilité d’un sourire.  

 

— Rassure-la, exigea le blond.  

 

Ryo fronça les sourcils d’incompréhension. Il s’était attendu à des reproches ou aux conseils habituels.  

 

— Sur ce qu’elle représente pour toi, rassure-la.  

— Elle sait ce qu’elle représente pour moi Mick. Crois-moi, tu ignores la relation que nous avons Kaori et moi.  

— Détrompe-toi Ryo ! asséna le meilleur ami de la rouquine. Toi aussi tu ignores quelle relation elle et moi entretenons. Kaori me confie ses doutes, ses angoisses. Elle a besoin d’être rassurée sur sa féminité, sur le fait que tu la trouves jolie.  

 

Le brun ricana. Moult désobligeantes remarques lui vinrent à l’esprit mais il se censura. Là, il n’était pas question de feindre ou de déguiser.  

 

— Et tu n’es pas capable de la rassurer, toi ?  

— Elle se fiche de ce que je pense, admit le blond. C’est de toi qu’elle veut entendre des compliments. Dis-lui qu’elle est jolie, qu’elle est féminine, qu’elle…  

— Ne me dis pas ce que j’ai à lui dire ! se rebella le nettoyeur, vexé d’être ainsi infantilisé. Je sais comment je la trouve.  

 

Mick esquissa un sourire et bouscula brutalement son ami tandis qu’il reprenait le chemin de la sortie de l’appartement.  

 

— Et dis-lui qu’elle a les plus beaux seins que tu as jamais vus, souffla-t-il avec délectation, sachant très bien comment serait accueillie sa suggestion.  

— Ses seins ? s’étrangla de colère Ryo. Comment tu oses Angel ?  

 

Il saisit son ex partenaire par le poignet et l’obligea à lui faire face à nouveau.  

 

— Elle a trop de doutes concernant cette partie de son anatomie, se régala le blond. Dis-lui comme tu fantasmes sur ses seins, comme ils te semblent absolument parfaits, comme tu rêves qu’ils soient à toi, sous tes doigts…  

— Putain, je devrais te casser la gueule, tu sais ça ? pulsa celui qui comprenait parfaitement le message subliminal que lui envoyait son meilleur ami.  

 

Mick éclata d’un rire sans joie. Voilà qu’il réussissait à troubler celui qui, habituellement, restait stoïque quand il s’agissait de sa partenaire, qui préférait mourir plutôt que de reconnaître qu’elle lui plaisait, qu’il éprouvait des sentiments pour elle. La mascarade lors de son retour en était un étonnant exemple. Ryo n’avait jamais eu l’intention de sortir avec une des femmes âprement harcelées et dont il avait, par on ne savait quel odieux stratagème, extorqué les numéros de téléphone. Il avait juste voulu blesser Kaori, peut-être même lui faire payer ce qu’il avait surpris et qui l’avait heurté de plein fouet : elle s’était abandonnée dans les bras de Mick ; vision de cauchemar certainement.  

 

L’américain secoua la tête de lassitude.  

 

— Rassure-la ! répéta-t-il en s’arrachant de la poigne du nettoyeur.  

 

Il quitta l’appartement sans un regard ni mot supplémentaire.  

 

 

 

oOo
 

 

 

 

Kaori avait terminé le pot de crème glacée qu’elle abandonna négligemment sur la table de la cuisine. Elle souffla, s’étira paresseusement, se détendit les épaules et quitta son repaire pour se rendre au salon.  

 

Avachi dans le canapé, Ryo lisait. Enfin lisait…, c’était vite dit… Il regardait les images et s’esclaffait bruyamment, battant l’air de ses pieds excités. Il était 21h30 et, à cette heure de la soirée, le nettoyeur était bien plus couvert que dans l’après-midi. Vêtu de son éternel pantalon noir et de son tee-shirt rouge, il était l’incarnation du héros mythique. La revue de charme qu’il feuilletait captait toute sa concentration et il n’était guère conscient du désopilant spectacle qu’il offrait à sa partenaire. Adossée au chambranle de la porte, déjà en pyjama, la jeune femme souriait tendrement en le couvant d’un regard compréhensif. Elle s’était montrée violente lors du dernier épisode des numéros de téléphone et elle avait décidé de lui laisser le champ libre pour la soirée quant à ses délires obsédés. Ryo s’ébattait donc librement et joyeusement dans son canapé, profitant des images où nymphettes dénudées s’exhibaient avec indécence. Il bavait, saignait du nez, éructait, baragouinait quelques extravagants compliments aux mannequins à la plastique parfaite.  

 

Lorsqu’il réalisa qu’il était le centre d’intérêt de sa partenaire et que c’était avec bienveillance qu’elle le considérait depuis quelques longues minutes déjà, il se décida à poser sa revue érotique sur la table basse et à s’asseoir sur le canapé. Il sourit à Kaori, qui lui rendit son attention.  

 

— Je vais me coucher, tu sors ce soir ? s’enquit-elle innocemment.  

— Je pense pas, répondit-il, évasif.  

— Okay, bonne nuit alors !  

— Kaori…, interpella le nettoyeur. Tu viens t’asseoir trente secondes ?  

 

Elle posa sur lui des prunelles d’incompréhension, fronça les sourcils et suspecta une ruse quelconque. C’était pourtant inutile, aucune cliente ne dormait chez eux, il n’y avait donc aucune visite nocturne à organiser, elle venait également de l’autoriser implicitement à sortir, lui donnait même sa bénédiction. Cette invitation à le rejoindre sur le canapé parut donc à la nettoyeuse des plus suspectes. Elle posa son séant aussi loin de son partenaire qu’il était possible et lui jeta un regard en coin. Ne pas baisser la garde ! Il y avait fort à parier que la correction de l’après-midi avait laissé des séquelles. Peut-être fomentait-il un plan bassement vil pour se venger ?  

 

— Qu’est-ce qu’il y a ? interrogea-t-elle, le sourcil mobile.  

— Est-ce qu’il doit y avoir nécessairement quelque chose de particulier pour que j’aie envie d’échanger avec toi ?  

 

Il souriait bêtement et semblait indisposé.  

 

— Euh… non…, reconnut la rouquine, toujours sur ses gardes.  

— Il est chouette ton pyjama, lança Ryo en posant une main timide sur le genou féminin.  

 

Immédiatement, Kaori étrécit les yeux et analysa la mine embarrassée de son compagnon.  

 

— Il est neuf ? renchérit-il.  

— Pas du tout, éclaira-t-elle. C’est un pantalon de jogging et un simple tee-shirt. Il me semble que ça fait plus de deux ans que je les porte régulièrement.  

 

Elle souffla d’exaspération en réponse au rire gras et ridicule dont il se fendit, et avisa la revue érotique sur la table basse. Elle s’en saisit promptement sans que son partenaire ne puisse réagir. Elle ouvrit une page au hasard tandis que, dans ses petits souliers, le grand brun tentait maladroitement de soustraire les images de luxure absolue aux yeux chastes de son ange.  

 

— Laisse-moi voir ! gronda-t-elle en esquivant… Oh…  

 

Les mirettes de la jeune femme s’arrondirent comme des soucoupes. Kaori sentit les battements de son cœur résonner dans sa poitrine, sa gorge s’assécha. Ryo vit clairement le brouillard gagner le front de sa furie adorée, elle se mordit la lèvre inférieure. Un petit regard sur la photo admirée le fit grimacer. La pin-up du mois, tout en transparence, affichait des courbes affolantes.  

 

— Qu’elle est belle ! reconnut la complexée. Pulpeuse, plantureuse, avec tout ce qu’il faut là où il faut. C’est ça que tu aimes, je me trompe ?  

 

Elle déposa sur son partenaire un regard perdu, presque résigné. Il détesta le petit sourire qui s’installa au coin des lèvres fines qui venaient de décrire si justement la beauté retouchée.  

 

Les mots de Mick résonnaient encore dans ses oreilles.  

 

Rassure-la ! Dis-lui que tu la trouves jolie !  

 

Ce n’était pas si simple. Aussi incroyable que cela puisse paraître, c’était même éminemment compliqué. Ryo se révélait d’une incroyable maladresse quand il s’agissait de faire des compliments à son ange, alors qu’avec toutes les autres femmes, il était inspiré, même lourdement, même inélégamment. Si le trophée en valait la peine, le verbe pouvait être rond, il y mettait les couleurs, il enjôlait, prompt à séduire. Oui, le nettoyeur était en mesure d’exceller dans l’art de la flatterie, sans céder à la flagornerie. Mais avec Kaori, il se vautrait lamentablement. Infichu de louer son charme, de simplement trouver les mots. Alors lancer que « son pyjama était chouette », c’était tout bonnement pathétique.  

 

— Ben, bafouilla-t-il. En fait, c’est juste un fantasme.  

 

La nettoyeuse lui jeta un regard noir.  

 

Sûr qu’elle savait que la pin-up du mois était l’incarnation absolue du fantasme de son partenaire.  

 

— Dans la vraie vie, c’est pas tout à fait…  

 

Il ne put terminer tant les éclairs qui zébraient les iris noisette impressionnaient.  

 

— En fait, elle est plutôt vulgaire si tu y regardes de plus près ! scanda-t-il, tout heureux de sa répartie.  

 

Kaori cligna des yeux, ne sachant exactement quelle devait être sa réaction. Son sixième sens lui soufflait que Ryo ne souhaitait que faire diversion et changer de sujet ; mais son orgueil de femme voulait y croire.  

 

— C’est clairement vrai, asséna-t-elle en réexaminant attentivement la photographie. Tout est grossier chez cette fille. La bouche, les seins, les fesses…  

— Stop ! coupa-t-il court en saisissant le magazine et en le faisant voler dans le salon. Faisons un câlin, j’ai envie d’un câlin en fait.  

 

Et sans crier gare, tout en douceur, il s’allongea sur le ventre, posa la tête sur les genoux de sa partenaire et passa les bras autour de sa taille. Quelque peu ébahie, la rouquine n’osa réagir, les mains soudainement paralysées dans les airs, à quelques centimètres de la chevelure de jais qui recouvrait ses cuisses. L’air venait de déserter ses poumons, le sang ses joues et ses yeux incrédules ne purent que sombrer dans la contemplation de l’homme échoué sur elle et qui l’étreignait chaleureusement.  

 

— Pose tes mains sur moi, quémanda-t-il. Tout à l’heure, tu paraissais bien plus à l’aise quand il s’agissait de faire un câlin à cet abruti d’amerloque.  

 

Kaori déglutit, eut la désagréable impression d’avoir été prise en faute, puis se décida à poser les mains sur les cheveux qu’elle trouva incroyablement doux et soyeux. Timidement, ses doigts les pénétrèrent et les caressèrent tendrement.  

 

Alors, c’était ça le soleil levant ? Lumière et chaleur investissent toutes les cellules de ton corps ? C’est aveuglant, c’est rassurant, émouvant, bouleversant…  

 

L’un se repaissait de la douceur de l’échange ; malgré ses yeux scellés, un rayonnement sans égal irradiait son être tout entier, l’éclaboussant d’un bonheur réconfortant. L’autre savourait les sensations qui naissaient sous la pulpe de ses doigts, l’impression d’être à sa place, de prendre ce qui lui appartient, de n’en être pas gênée le moins du monde. Le pouce féminin glissa négligemment sur la joue à la barbe naissante, en apprécia la texture moelleuse, joua les funambules sur l’arête du nez, puis remonta plus au nord pour mieux suivre le dessin du sourcil. Un demi-sourire apparut sur le profil visible, signe que le nettoyeur appréciait les divagations digitales.  

 

Le cœur de Kaori n’en pouvait plus de jouer du tam-tam dans un rythme effréné, c’était tout bonnement étourdissant de jouir de ce privilège. Quelle mouche avait donc piqué Ryo pour qu’il l’autorisât à le toucher ainsi, à profiter de lui ainsi ?  

 

— Est-ce que tu as été jaloux de Mick ? questionna-t-elle avec innocence.  

 

Elle lut parfaitement la contrariété sur le front de son partenaire qui échappa à sa caresse pour se redresser sur un coude et lui faire face. Il ne travestit pas son expression mais parut tel qu’il était vraiment. Impressionnant, époustouflant d’animalité. La nettoyeuse ne sut cacher son trouble. Dévisagée d’on ne peut plus près, quelques centimètres tout au plus, pénétrée jusqu’au plus profond de son âme par le regard d’encre dont elle était folle, elle afficha malaise et confusion, tenta d’y échapper en détournant le regard. Ryo s’en trouva glorifié, détestable orgueil masculin dont il débordait.  

 

— Vois-tu une seule bonne raison qui pourrait justifier que je sois jaloux de ce blondinet sans saveur ? s’enquit-il de mauvaise foi.  

 

Elle osa l’affronter du regard, il embrassa le portrait magnifique dont il ne pouvait pas souvent profiter d’à cette distance. Il croqua sans honte tous les détails délicieux, si délicats. Le relief du visage sans défaut n’était qu’harmonie, s’y aventurer devait être un plaisir sans nom. Ses doigts, sa bouche, sa langue désiraient ardemment conquérir le territoire interdit. Pourquoi ce soir ne s’autorisait-il pas ? Ce soir, il voulait jouer avec le feu. Il voulait anéantir ces horribles images surprises lors de son retour l’après-midi ; Elle dans les bras d’Angel. Cela avait paru si naturel qu’ils s’enlacent. Le faisaient-ils souvent ? Lui accordait-elle souvent sa tendresse ? Ses bras, ses sourires. Ses confessions ? Oui, ce soir, il allait jouer avec le feu, il allait la ramener dans son giron, il allait la récupérer. Et même si sa conscience tentait de le rappeler à la raison, il était convaincu qu’il y serait sourd.  

 

— Il a Kazue ! osa-t-elle sous le coup d’une illumination.  

 

Il fut désarçonné, n’ayant pas anticipé la réponse, puis rit franchement tout en secouant la tête.  

 

— Certes, je n’y avais pas songé ! Il a la délicieuse Kazue dans son lit tous les soirs. Hum…, grogna-t-il en se délectant de la fureur qui gagnait les prunelles noisette de son dragon.  

 

La langue de la nettoyeuse se mit à brûler sérieusement, allait-elle cracher du feu ? Une main s’immisça entre elle et son partenaire et il soupçonna une prochaine punition.  

 

— Mais c’est de toi que je parle, court-circuita le brun, soucieux de persévérer dans un échange tendancieux, de ne pas la laisser céder à la violence. C’est bien moi que tu préfères, non ?  

 

Sa tirade eut l’effet escompté. Le projet d’assommer se dissipa aussitôt dans la caboche féminine. Kaori battit bêtement des cils. Devait-elle être sincère avec Ryo, ou se jouer de lui comme lui le faisait si souvent dès qu’il fallait circonscrire un incendie dans le cœur habituellement inquiet de sa colocataire ?  

 

— Je ne vous aime pas pareil, tenta-t-elle.  

— Pas de pirouette, exigea-t-il.  

— Ça n’en est pas une !  

— Dis simplement que tu me préfères, réitéra-t-il sans lâcher la rouquine du regard.  

— Si tu le sais déjà, à quoi bon te le dire ? s’escrima-t-elle, armée d’une détermination étiolée.  

— Parce que c’est bon de se l’entendre dire. Ça rassure.  

 

Elle ne crut pas un seul instant que son partenaire doutât qu’elle l’adorait par-dessus tout, mais la dernière réflexion prouvait comme il est essentiel d’être rassuré sur les sentiments que l’on inspire. Et Ryo n’échappait pas à cette règle.  

 

— Tu es l’homme que j’aime le plus au monde, avoua-t-elle sans détour, offrant la sincérité de son regard à celui qui l’observait attentivement.  

 

Ryo sourit, comblé, puis vint se lover dans les bras de sa partenaire. Il posa sa joue sur la poitrine impressionnée, se pelotonna comme un enfant et profita de l’écrin chaleureux des bras qui se refermaient sur lui.  

 

— Tu es si confortable…, confessa-t-il. Tu es aussi la femme que j’aime le plus au monde.  

— Je sais, avoua-t-elle avec une fêlure dans la voix.  

 

Fêlure qui n’échappa pas à la sagacité du nettoyeur. Il fronça les sourcils, rouvrit les yeux et les balada alentours. Ils se posèrent sur les seins menus tout proches. Les conseils bien intentionnés de l’américain lui revinrent en mémoire, lui extirpant une vilaine grimace. Était-il détestable au point de filer à son dragon des complexes mamellaires ?  

 

Il resta sans bouger de longues minutes, appréciant les mouvements respiratoires qui le berçaient, subjugué par le spectacle de la vie qui se jouait sous ses yeux : la poitrine décriée qui se gonflait, s’affaissait, puis regonflait. Rythme hypnotisant, sans cesse renouvelé, et dont il ne se lasserait jamais.  

Des doigts arachnéens chatouillaient sa nuque, le faisant ronronner de plaisir. Nul doute que Kaori voulait rendre le moment délassant, agréable et tendre. Ryo lança sa main gauche sur l’épaule de sa cajoleuse, sans quitter son repaire. Elle émit un petit rire conquis. Mais le rire s’évanouit rapidement, dès lors, en fait, que l’effrontée vint se perdre sous sa clavicule et qu’elle traçât un chemin imprévisible sur son tee-shirt.  

 

Les prunelles onyx suivirent méticuleusement le sillon que les doigts creusaient sur le torse accueillant. La tension était palpable chez la rouquine, tout était rigide dans son attitude, elle semblait guetter l’intention, ne l’avait pas encore clairement identifiée. Très vite, sa dextre vint contrer son homologue masculine, s’interposant sur le chemin emprunté. Le nettoyeur, contrarié, riposta, réprimanda l’intruse en la chassant.  

 

— Je ne veux pas chahuter, murmura-t-il contre le cœur impressionné.  

 

La main fine et délicate sembla hésiter. Elle avait pris de la hauteur et observait sa consœur. Qu’allait-elle faire ? Quel forfait s’apprêtait-elle à commettre ?  

 

Le brun sourit, heureux que la mutinerie ait échoué, et autorisa sa main à reprendre ses divagations. Les doigts glissèrent plus bas encore, provoquant un emballement du rythme cardiaque des deux intéressés. Ils accostèrent le sein droit, surpris, et pour le moins réticent à la caresse qui se dessinait.  

 

— Non, intervint de nouveau la dextre effrayée.  

 

Mais la réaction n’était pas franche, la paume vint juste se poser sur la main large et puissante qui gagnait en hardiesse. Les doigts fins et gracieux se mêlèrent à l’affaire, se saisirent de l’imposteur mais ne le chassèrent pas vraiment. Ryo, dont le visage reposait toujours contre la poitrine de son ange, était aux premières loges. Les deux mains luttaient tendrement. Qui sortirait vainqueur ? Celle de Kaori, farouche et intimidée, qui hésitait entre capitulation et contre-attaque agressive ? Ou la sienne ? Mâle et curieuse, pressée de parvenir à ce qu’il convoitait déraisonnablement ?  

 

Pourquoi donc souhaitait-il ainsi s’approprier les seins de Kaori ? S’approprier… Les toucher plutôt, les effleurer, les émouvoir, les éveiller… Le nettoyeur plissa le front. Son désir n’était pas net, certainement né de son récent échange avec l’américain de malheur. Mick lui avait soufflé de bien étranges envies, c’était évident. Voilà qu’il était maintenant sous le joug absolument divin des modestes atours de sa partenaire. Vus de près, ces derniers n’étaient pas si menus d’ailleurs, ils possédaient de surcroît un pouvoir inattendu : ils le fascinaient, l’envoûtaient, aimantaient ses doigts.  

 

Vous êtes appétissants, voulut-il crier. Terriblement appétissants !  

 

D’un habile tour de poignet, la féminine empêcheuse de peloter en rond se retrouva captive de sa virile adversaire. Et ce fut avec soumission qu’elle se laissa guider. La pulpe de ses doigts, menés avec autorité, vint goûter au renflement de son propre mamelon. Une couleur cerise pigmenta ses joues de la plus charmante manière, accentuant encore la chaleur grandissante dans les reins du nettoyeur. Plus rien n’existait pour ce dernier que la main de son ange, emprisonnée sous la sienne, contrainte de se caresser, de se donner du plaisir.  

 

Un gémissement rauque accompagna son prime effleurement. Il leva les yeux vers elle. Leurs regards s’entremêlèrent, insinuant gêne et contentement.  

 

— C’est bon ? demanda-t-il d’une voix caverneuse.  

 

Elle ne répondit rien mais la buée de ses yeux et l’inconstance de son souffle trahirent l’immensité du trouble dont elle était le siège.  

 

— Laisse-moi te toucher, ce sera encore meilleur, proposa-t-il, halluciné de son audace.  

 

La dextre s’effaça bientôt, laissant le champ libre à celle qui dominait. Ryo se hissa sur son coude droit et reprit avec son autre main le somptueux ballet sur la poitrine sensible.  

 

Au travers de son tee-shirt, les évanescentes arabesques étaient un véritable supplice pour Kaori. Ses seins semblaient s’arrondir sous les expertes manœuvres, ses tétons durcissaient à lui faire mal, tiraillés d’envies inédites : être maltraités, pincés, malmenés et non pas à peine effleurés comme son partenaire se bornait à le faire. Elle observait le visage adoré entièrement absorbé par la contemplation de ses doigts parcourant sa gorge. Il semblait happé par ses gestes. Avait-il seulement conscience que c’était elle qu’il caressait ainsi, avec une volupté indéniable ?  

 

Le nettoyeur était en effet dans un état d’excitation croissant. Un vent chaud et tumultueux grondait dans son corps, son mokkori s’était éveillé – évidemment – et son ventre tout entier pulsait d’un désir violent, son cœur s’emballait, ses oreilles sifflaient. Il avait perdu le contrôle de sa respiration et chaque expiration était plus brûlante qu’une bourrasque de feu. Oui, l’embrasement était total, ses yeux même s’habillaient de flammes incandescentes tandis qu’ils suivaient, avides et désespérés, les caresses interdites sur la poitrine critiquée depuis toujours.  

 

Elle esquissa un geste de tendresse, sa dextre se leva et approcha la joue de lave. Mais elle hésita un instant, le contact ne sonnerait-il pas le glas de leur rapprochement inespéré ? Le couard n’allait-il pas déserter illico ? Le risque était pourtant à courir, Ryo ne pouvait ignorer que la femme dont il cajolait les seins était en réalité la seule qu’il ne pouvait désirer. La paume s’enhardit et vint épouser la pommette enflammée. Mais la réaction ne fut pas celle que Kaori avait envisagée. Le regard du brun ne fit que balayer le visage de sa partenaire et ne dissimula rien du désir qui le consumait. Il revint très vite au centre de ses préoccupations : les tétons émotifs, avides de ses attouchements.  

 

Lorsqu’elle réalisa la volonté de son partenaire à poursuivre, Kaori ne sut retenir un râle de plaisir mêlé de surprise et de ravissement. Une vague humide et ronde se déversa dans son ventre, son entre-cuisse en reçut des répliques, comme si d’innombrables séismes ravageaient son sexe. Son rougissement décupla tandis que la concupiscence, qui n’était pour elle qu’un fantasme inconnu, s’imposa à un endroit précis. C’est à ce même moment que Ryo la regarda à nouveau, ce qui accentua encore son malaise car elle eut l’impression qu’il était branché sur la même longueur d’onde que son cerveau. Il allait voir, il allait comprendre et c’était terriblement gênant. Peut-être même lui demanderait-il tu mouilles ? et là, elle mourrait de honte. Elle inspira une grande bouffée d’air et tenta de garder contenance ; cependant tout son visage portait désormais le masque de la luxure et affichait la torture de son sexe.  

 

Le brun sourit et stoppa son délicieux manège. Il plaça son visage près de celui de sa partenaire.  

 

— Je ne sais pas pourquoi je fais ça, confessa-t-il, un peu embarrassé. Je cède juste à une terrible envie de te donner du plaisir… ici.  

 

Il montra du doigt les seins bouleversés mais toujours dissimulés derrière le tee-shirt blanc.  

 

— Il semble que tu en aies autant envie que moi, je me trompe ?  

— Non, murmura-t-elle doucement, plus rouge qu’une tomate. Mais, pourquoi ?  

 

Il se mordit les lèvres, bousculé par la beauté sage de son ange ainsi que par le désir brut qu’elle souhaitait dissimuler mais qui s’étalait partout sur elle : ses lèvres gonflées, ses yeux embrumés, son souffle défait, ses seins tendus. Il était véritablement désarmant de la découvrir ainsi.  

 

— Que quelques minutes Sugar, rien de plus, voulut-il mettre au clair. Entre amis.  

 

C’était quoi ce truc débile qu’il lui proposait ? Entre amis ? Fallait-il être fou ?  

 

— C’est le magazine ? s’enquit-elle avec innocence et une pointe de colère ressuscitée.  

— Chut, imposa Ryo en coupant net l’idée saugrenue de Kaori. Laisse-moi m’occuper de toi et te donner du plaisir… sans enjeu. S’il te plaît.  

 

Elle se contracta, son dos se décolla du dossier du canapé. Tous deux s’observèrent silencieusement, tentèrent de lire dans les pensées de l’autre, voulurent cerner les intentions. La nettoyeuse fronça les sourcils, son esprit se révoltait et s’indignait du marché qu’on lui proposait. Mais son corps, lui, exigeait l’abdication, voulait approfondir le sujet, c’est qu’un secret devait se dévoiler et qu’elle l’avait touché du bout des doigts. Il y avait plus à vivre que l’intense émotion dont elle avait été pénétrée lors des quelques caresses infligées. Et ce secret était vertigineux et extraordinairement alléchant.  

 

D’un soupir vaincu, elle se recala contre le dossier du canapé, s’arracha du regard onyx et rubis entrelacés – fascinant assemblage qu’elle découvrait pour la première fois dans les prunelles de son amour – détourna la tête sur le côté, ferma les yeux et resta immobile. Elle s’abandonnait à lui.  

 

Devant la reddition de la rouquine, il resta hésitant quelques instants. Qu’avait-il espéré ? Qu’elle le repousse, qu’elle l’insulte ? Comment pouvait-il oser ?  

 

Cependant, le corps alangui qu’elle l’autorisait à profaner était une invitation irrésistible. Il grogna comme un animal tandis qu’il reprit place sur elle, étonné de sentir le feu reprendre de plus belle dans son ventre. Saurait-il seulement se rassasier ? Ses lèvres baisèrent langoureusement la clavicule. Le contact des lippes rêvées fit grimacer la jeune femme de ravissement et elle rauqua. Un sourire étira les lèvres gourmandes, il était fier des sensations qu’il provoquait déjà, pourtant elle n’avait rien vu. Avec voracité, sa bouche se fraya un chemin sur le torse habillé, elle goba quelque bouton pendant le voyage, les dents mordirent le tissu et la nettoyeuse sut, à ce moment, que son tee-shirt ne ferait pas long feu.  

 

Lorsqu’il échoua de nouveau contre le ventre féminin, il temporisa, dans le désir de s’emplir des détails du moment, la luminosité, les fragrances ambiantes, les bruits extérieurs, les battements de son cœur. Battements désordonnés. La vie pulsait en lui avec une redoutable fureur et il s’enivra de la grisante sensation dont il avait si peu conscience habituellement. Oui, il prit le temps pour lui, il le prit également pour elle ; Ryo souhaitait assujettir mais aussi apprivoiser, et par-dessus tout, il voulait enchanter…  

 

Elle trembla un peu lorsque ses mains agrippèrent le bas de son tee-shirt. Le tissu de coton remonta lentement. Si lentement. Un enfer de lenteur qui la mit aux abois. Il laissa ses lèvres vagabonder sur la peau nouvellement découverte. Des frissons accompagnaient ses baisers, il n’en revenait pas de la sensibilité exacerbée qu’il dénudait. Avait-il seulement le droit d’imposer cela ? N’était-ce pas odieux ? Non, c’était délicieux. Si délicieux… Sa peau avait un goût de miel, une texture de velours. Elle était chaude et moelleuse. Moult fois, il avait décrié le bedon de son ange, moqué ses bourrelets. Inexistants. Ou presque. Il la mordit avec suavité ; là, près de la hanche. Elle était à lui. Tout à lui. Il pouvait la bouffer si l’envie l’en prenait, et il ne s’en priverait pas. Ses yeux se fermaient et s’ouvraient par intermittence. Tantôt, il souhaitait déguster, être concentré, goûter avec la langue mais aussi avec le cœur, alors ses paupières restaient closes et des arcs-en-ciel multicolores peuplaient son cristallin. Parfois, il fallait que ça soit tangible, presque cru, presque douloureux, alors il dévorait aussi des yeux, il mordait comme si la faim le tenaillait, comme si sa vie en dépendait. Et il adorait comme elle se tordait, comme elle feulait sous le feu de la morsure. Les traces rouges qu’il apposait sur son ventre le comblèrent de fierté. Voulait-il la marquer de manière indélébile ?  

 

Il ne fallait pas. Il ne fallait pas.  

 

Ces raisonnables considérations n’entamèrent pourtant pas la détermination de l’étalon de Shinjuku. Le tee-shirt n’en finissait pas de céder du terrain aux mains prédatrices ; lui, n’en finissait pas de la faire sienne, baisant avec ferveur chaque centimètre de peau conquis. Kaori exultait et n’était plus en mesure de retenir ses gémissements, elle s’abandonnait complétement, indifférente à l’impudeur de la situation.  

 

Ryo finit par mettre les seins à nu : blancs et ronds, surmontés d’une framboise appétissante, érectile, il en perdit définitivement la raison.  

 

Certes, ils n’étaient pas bien gros, certes, très loin de ses fantasmes démesurés, mais bon sang il n’en avait jamais vus de plus beaux, de plus émouvants, de plus inspirants. Comme des objets sacrés, il prit d’abord la peine de les admirer, quelques prières leur furent même délivrées muettement. Kaori resta circonspecte devant la ferveur que Ryo mit à célébrer ses modestes attributs, tant et si bien qu’elle douta de sa bonne foi et qu’elle suspecta une sournoise raillerie. Pourtant, à bien le considérer, on pouvait vraiment croire qu’il venait de déterrer un trésor. Le doute ne subsista qu’un instant, le nettoyeur fondit sur les rondeurs moelleuses.  

 

Calés dans les mains immenses et consciencieuses, les seins se laissèrent aimer. De tendres massages et pressions entamèrent la cérémonie, mais ils gagnèrent vite en rudesse et mutèrent bientôt en un savant pétrissage.  

 

Hallucinée devant tant de sensations exacerbées, Kaori observait, hébétée, son partenaire en pâmoison devant son corps. Leurs regards s’emmêlèrent une seconde. Puis Ryo entreprit de la téter goulument. Oui, les pointes dressées furent, chacune leur tour, englouties entre les lèvres tortionnaires et habiles.  

 

Impressionnée par le désir qui l’engourdissait de plus en plus et face au spectacle d’une agressive sensualité : Ryo en train de lui dévorer la poitrine, ses doigts balayant expertement le téton délaissé et enduit de salive, elle sombra dans une concupiscence liquide. Elle émit un râle extatique d’une indécence folle. Le brun, à l’orgueil flatté, sourit de satisfaction et les dents ainsi révélées croquèrent sans crainte. Oui, le téton fut mordu et étiré, affolant encore davantage la suppliciée.  

 

Kaori offrit sa main gauche à la chevelure de jais tandis que la droite échoua sur la cuisse de son partenaire. Il en fut électrisé, presque foudroyé. Réalisait-elle qu’elle le touchait à quelques centimètres à peine de son entrejambe, qu’elle venait, innocemment, de réveiller des désirs de chair bien moins sages que ceux auxquels il cédait ?  

 

Tandis que les doigts se contractaient dans ses mèches folles, il se perdit dans des songes éveillés, imagina la main inexpérimentée défaire sa ceinture, maladroitement déboutonner son jean, puis plonger contre lui. Une bouffée de chaleur monstrueuse lui brouilla la vue et le fit gémir comme un animal en rut. Il ondula du bassin, la main glissa un peu plus et s’approcha de son sexe, ce qui acheva de le rendre fou.  

 

Ses baisers gagnèrent encore en impétuosité contre les globes désormais plus tendus que la peau d’un tambour. Ryo aspirait furieusement les boutons sensibles, les faisait rouler sous sa langue puis soufflait pour les apaiser, pour qu’ils puissent récupérer leur émotivité. Et le manège ne cessait de recommencer, châtiment délicieux, éternelle ritournelle sensuelle.  

 

Parfaitement enlacés, les respirations accordées, les deux partenaires savouraient le jeu délictuel. Ryo exultait, perdu dans d’inavouables fantasmes, imprégnait ses papilles des saveurs capiteuses qu’il dénichait partout où sa langue s’engageait.  

 

Quant à Kaori, les sensations qui la grisaient, inconnues et déstabilisantes, s’exprimaient dans des vocalises éloquentes. Ses feulements gagnaient en emphase, trahissaient comme les baisers confinaient à un plaisir orgastique. Abandonnée contre le dossier du canapé, exquisément aspirée par la bouche savante et qu’elle devinait chevronnée – douloureuse considération – elle perdait pied. Inexorablement. Femme, elle se sentit femme. Une femme dans toute sa splendeur quand la lumière vint caresser ses joues, que ses sourcils se contractèrent, que sa gorge enfla de verbosités non maîtrisées. Elle déversa son plaisir en saccades, convulsant contre les lèvres voraces qui persistaient sur sa poitrine. Ryo glissa les mains dans le dos délicat, la pressa plus encore contre lui. Il voulait boire chaque logorrhée enchantée, s’en enivrer, avant que ne sonne la fin de leur étrange parenthèse.  

 

Kaori se recroquevilla sur lui, comme une fleur gagnée par la nuit.  

 

Les iris reparurent, les souffles toujours troublés. Le nettoyeur quitta son repaire et rabaissa le tee-shirt à regret. Il vit disparaître le territoire qu’il avait brillamment annexé et ne put s’empêcher de grimacer. Museler son désir était terriblement frustrant. Il avisa sa partenaire, elle semblait tout autant accablée que lui. Sa main était toujours perdue dans sa chevelure, le lien n’était pas complètement rompu.  

 

Il se jucha à sa hauteur et décocha un sourire éblouissant et vainqueur.  

 

— C’était bon ? Ça t’a plu ? s’enquit-il détestablement.  

 

Elle le regarda sans paraître comprendre ses dernières paroles, toujours perdue dans une dimension inconnue.  

 

— Savais-tu qu’on pouvait prendre autant de plaisir comme ça ?  

 

Le mutisme de la jeune femme finit par induire un certain malaise et Ryo peina à maîtriser la bouffée d’angoisse qui l’étreignit. Angoisse bientôt matérialisée par les paumes brûlantes et tremblantes sur ses joues ; par le visage adoré tendu vers lui ; par la distance séparant leurs lèvres, fondant inexorablement. Un baiser. Kaori voulait un baiser. Il écarquilla les yeux, ne sut comment repousser, comment esquiver. N’était-il pas celui qui avait provoqué leur rapprochement ? Était-il en droit de remettre la faute sur elle comme sa langue était sur le point de le faire ? Facilité méprisable… Perfidie habituelle…  

 

— Non, se contenta-t-il d’interjeter, tout en déposant ses doigts sur les lèvres demandeuses. Je suis désolé Sugar mais nous n’irons pas plus loin.  

 

La nettoyeuse se figea, une lame de glace lui déchira les entrailles.  

 

Bien sûr, il fut douloureux pour les orbes sombres de constater les effets du renoncement annoncé. Le visage qui, quelques minutes plus tôt, s’abandonnait à l’extase, était là en train de se décomposer. Les iris noisette se voilèrent de tristesse.  

 

— Un baiser est pour toi plus engageant que de me sucer les seins, c’est ça ?  

 

— Toi et moi avons fait un choix Kaori. Nous sommes City Hunter, énonça-t-il d’une voix grave en plantant son regard amical dans celui désespéré de la rouquine. Il n’y a pas de place entre nous pour autre chose qu’un partenariat efficace, qu’une amitié basée sur la confiance et sur la complicité. Ne dévions pas de cette voie ; elle est la seule tenable pour nous deux.  

 

Incompréhensible. Ce qu’ils venaient de partager. C’était lui qui avait fait le premier pas.  

 

— Je ne comprends pas alors… Pourquoi ? s’encoléra-t-elle en attrapant le col du tee-shirt rouge.  

 

Ryo se laissa malmener, secouer. Kaori avait visiblement besoin de le violenter mais, malgré tout, aucune massue n’apparut pour le pulvériser.  

 

— Je ne comprends pas non plus, reconnut-il. Une tentation irrépressible, qui ne sortait de je ne sais où, que je n’ai pas su refouler. Je te demande pardon Kaori, je suis seul responsable, j’ai cédé à l’envie de te goûter comme un gosse curieux. C’était comme un jeu pour moi. Un jeu ridicule.  

 

— Un jeu ridicule, répéta-t-elle, hallucinée par l’horreur des paroles prononcées.  

 

Elle s’était abandonnée corps et âme dans ce jeu ridicule, la dimension ludique lui avait échappé.  

 

Ryo s’était défait des poignes courroucées, avait quitté le refuge des cuisses accueillantes. Debout, il s’éloignait déjà, impatient d’échapper à l’angoisse qui gagnait du terrain seconde après seconde.  

 

— Je ne t’inspire pas grand-chose, n’est-ce pas ? éructa-t-elle sur un ton désabusé. Regarde-moi et avoue-moi que je ne t’inspire rien !  

 

La mine crispée, il se retourna vers elle.  

 

— Ne dis pas n’importe quoi, tu as bien vu que ce n’était pas le cas !  

— Arrête ton cinéma Ryo ! scanda la rouquine au bord de la crise de nerf.  

 

Elle s’était levée en trombe du canapé et s’était dangereusement rapprochée de lui, souhaitant offrir toute la détresse de son minois au regard coupable qui se dérobait.  

 

— Je n’arrive même pas à la cheville des bunnies qui racolent dans les bars sordides que tu fréquentes. À tes yeux, ces coups d’un soir ont mille fois plus d’attraits que moi.  

— Kaori, tu es ma partenaire, tu m’es infiniment plus précieuse que n’importe quelle autre femme sur cette planète ! crut-il bon d’éclairer.  

— Je ne te parle pas de ça ! Je ne te parle pas de sentiments, je sais que tu m’aimes Ryo ! Tu m’aimes à ta manière, tu tiens à moi, je sais cela, ne crois pas qu’il faille me rassurer à ce niveau-là.  

 

Elle était désespérée. Et il était insupportable de voir comme le désespoir l’avait envahie tout entière. Tout hurlait à la tête du nettoyeur que sa partenaire était ivre de désespoir. La crainte d’avoir tout gâché s’insinua en lui. Pourquoi donc avait-il cédé à la tentation ? Une fois, une seule fois, une toute petite unique fois pouvait-il suffire à tout effondrer ? Horreur !  

 

— Je te parle d’attirance, de désir, avoua-t-elle d’une petite voix.  

 

Il la regarda d’un air désolé et cela engraissa un peu plus la détresse qui ravageait la caboche rousse.  

 

— J’ai besoin de te l’entendre dire Ryo, osa-t-elle persévérer, cherchant la douleur absolue pour, peut-être, enfin se libérer. Dis-moi que je ne possède rien des charmes qui te troublent, que je ne t’attire pas, que je suis incolore. Dis-le-moi !  

 

Un doute fit vriller le regard onyx. Devait-il être sincère ? Ne rien dissimuler ?  

 

— Effectivement, lança-t-il en approchant un peu plus d’elle. Tu n’es pas mon genre de femme et tu le sais.  

 

Uppercut magistral. Mais elle accusa le choc, refoula les larmes qui gagnaient inexorablement ses yeux, c’était un combat de titan contre le chagrin qu’il lui fallait mener.  

 

— Alors tout à l’heure ? s’entêta-t-elle.  

— Mick m’a dit qu’il fallait te rassurer…  

 

Elle esquissa un sourire désenchanté. Mick…  

 

— Jolie mascarade, railla-t-elle sans joie. Voilà que tu verses maintenant dans l’action caritative, je ne te savais pas si altruiste.  

 

Ryo était toujours impassible et encaissait les paroles amères avec ataraxie. Il sondait avec concentration le faciès contracté de sa partenaire, se détestait d’autant de franchise mais il avait pris sa décision. Point de jeu ce soir, point de fanfaronnade !  

 

Face à cette montagne d’indifférence, Kaori se sentit flancher, tout était saturé en elle, tout débordait, son influx nerveux ne parvenait plus à gérer le stress et des soubresauts avaient investi ses membres. Tandis qu’elle fuyait, passant à côté de celui qui, presque sans le vouloir, juste en reconnaissant son désintérêt, venait de l’humilier atrocement, elle fut saisie par le poignet et replacée vertement face à la source de ses tourments.  

 

— Écoute Kaori, entama Ryo. Tu sais ce que je cherche dans les coups d’un soir dont tu parlais tout à l’heure ?  

— On peut arrêter, j’ai compris. Lâche-moi.  

— NON ! imposa-t-il avec véhémence, refusant de relâcher son étreinte sur le bras incapable de se libérer. Tu m’as demandé, tu vas savoir !  

 

Une relative agressivité filtrait dans sa voix et ses yeux habituellement insondables se colorièrent de moult nuances.  

 

— Les femmes dont je partage le lit, pour une heure, pour une nuit, je les aime féminines à l’extrême. Physiquement, elles ont les seins lourds et généreux, la taille fine, les hanches étroites, des jambes de gazelle.  

 

Il s’empara de la bouille de son ange et la soumit à la morsure de ses pupilles.  

 

— Elles ont les yeux clairs, les lèvres pulpeuses, boudeuses ; leurs cheveux sont longs et soyeux ; leurs mains délicates et expertes. Leur voix est douce. Elles jouent de leurs charmes, elles minaudent. Tout cela peut être factice, pourquoi pas, mais je m’en fiche. Je m’en fiche car je veux juste jouer, être ému une heure. Une fois. Ou deux. Oui, c’est cette facilité-là que je choisis, que je recherche, et tu le sais.  

— Pour qui tu te prends ? déversa-t-elle son fiel de mauvaise foi. Tu bandes pour tout ce qui bouge et tu te prends râteau sur râteau.  

 

Il rit de bon cœur et toute sa beauté sauta aux yeux de la nettoyeuse qui en verdit de jalousie.  

 

Elle se morigéna, se détesta. Ryo évoquait ce qu’il vivait loin d’elle, ses soirées de débauche, ses rencontres nocturnes. Certainement valait-il mieux qu’elle n’ait accès à rien de ses ébats sexuels débridés avec ses conquêtes plus belles les unes que les autres. Assurément, il devait plaire à la gent féminine ! Et pas qu’à ces bunnies de malheur dont l’américain et lui semblaient si friands. La vérité était ailleurs. Et force était de constater qu’il la protégeait tout de même de cela. Rares étaient les fois où elle avait suspecté des parties de jambes en l’air.  

 

Pourtant, la réputation sulfureuse de son étalon de partenaire n’était certainement pas mensongère, elle avait d’ailleurs quelquefois surpris des regards intéressés de femmes ; et puis toutes leurs clientes finissaient par tomber amoureuses de lui. Il plaisait. Alors il était à parier que, lorsqu’il était débarrassé de sa harpie attitrée, il se révélait un séducteur hors pair, ensorcelant, expérimenté, irrésistible. Elle feula de détresse.  

 

— Lâche-moi et va rejoindre tes poupées Barbie !  

— Tu ne comprends pas Kaori ! dit-il en la libérant.  

 

Elle se retourna vers lui et vitupéra :  

 

— Qu’est-ce que je ne comprends pas ? Que je n’ai rien d’attirant ? Détrompe-toi, j’ai très bien compris Ryo !  

— Tu as des petits seins, c’est vrai ! asséna-t-il pour la faire taire.  

 

Gloups.  

C’était quoi cette remarque qui sortait de nulle part. Elle se tut, mal à l’aise, et son regard se posa sur les lippes charnues qui, il n’y a pas si longtemps, avaient goûté ce qu’il s’apprêtait certainement à moquer.  

 

— Tu n’as rien de ce que j’énumérais tout à l’heure, reprit le brun. Mais ça n’a aucune importance. Non pas, comme tu le crois, parce que je te considère comme un mec ou parce que tu ne m’inspires rien d’autre que ce qu’on appelle l’amitié. Toi et moi, c’est tellement plus complexe que ça, tellement indescriptible. Ne doute pas de ta beauté Sugar, et ne doute pas d’être une femme désirable. Malgré tout ce que je peux dire, malgré tout ce que je prétends, tu es une femme désirable.  

 

Il fit une pause et sourit à celle qui tentait de suivre le cheminement de sa pensée.  

 

— J’étais sincère et complètement honnête tout à l’heure quand je te disais que nous avons fait un choix de vie tous les deux. Ce choix implique des sacrifices, notamment celui d’être fidèles à notre mission, celui de ne pas faillir, d’incarner les héros que nous sommes, avec abnégation. Notre cause est noble Kaori et nous devons nous y dévouer corps et âme. Et puis… Et puis je suis incapable de vivre une histoire d’amour comme tu aimerais en vivre, je ne suis pas programmé pour ça, c’est génétiquement incompatible avec ce que je suis. Mais il faut que tu saches… Oui, il est fondamental que tu saches. Tout à l’heure, j’ai adoré ce que nous avons partagé et je t’ai désirée.  

 

Chagrin, bonheur, lassitude, soulagement… Il était difficile de faire le tri de toutes les émotions qui bataillaient en elle.  

 

Ryo empauma tendrement la joue émotionnée, se pencha à l’oreille de Kaori et souffla :  

 

— Je n’ai jamais vu de seins plus beaux que les tiens. Tu es magnifique. J’ai eu très envie de toi… Très envie…  

 

Ça y est : elle allait défaillir.  

 

Respire Kaori, respire !  

 

Elle afficha un timide sourire embarrassé alors qu’il délaissa son cou. Leurs regards s’entremêlèrent intimement avant que le nettoyeur ne tournât les talons et ne quittât le salon. Il monta les escaliers et regagna sa chambre, abandonnant dans son dos une Kaori pantelante d’un bonheur mal cerné. Fallait-il être heureuse ou dépitée par la déclaration ? Ryo la désirait bel et bien, il l’aimait beaucoup, assurément, mais rien n’était possible.  

 

Merde !  

 

Il lui fallut de longues et interminables minutes pour véritablement réaliser, pour que son cortex s’extirpât du marasme émotionnel dans lequel il s’était embourbé. Peu de marge de manœuvre en réalité : accepter le statuquo, respecter le choix de Ryo, ou se rebeller, faire entendre sa voix, assumer ses sentiments et les lui crier haut et fort. Pourtant, aucune de ces possibilités ne semblait satisfaisante à la rouquine. Le choix se résumait à… le perdre… ou le perdre ; d’une façon, ou d’une autre.  

 

Une troisième voie. Il devait y avoir une troisième voie.  

 

À peine avait-il regagné sa chambre qu’il s’était effondré. Contre la porte. Son index droit l’avait muselé, il le mordit sauvagement, réceptacle de son cri. C’était quoi le bordel sans nom qui lui déballait les tripes ainsi ? Il posa la tête sur ses genoux repliés, se laissa gagner par la douleur du renoncement. La frustration n’était pas que physique. Il avait bandé sévèrement, c’est vrai et, maintenant, ce putain de désir lui brûlait les couilles. Mais de cela il s’arrangerait, ça n’était pas bien difficile ; c’était mécanique. Ce serait beaucoup plus complexe avec l’autre désir.  

 

L’autre désir…  

 

Celui qui serait démultiplié dès lors qu’elle partagerait le même oxygène que lui et que des molécules invisibles transporteraient des bulles d’elle, intimes effluves, jusqu’à lui. Ce serait insupportable, il en deviendrait fou. Elle serait dorénavant une torture pour son cœur, pour son âme, bien plus que pour son mokkori, et de cela il ne fallait pas douter.  

 

Le volcan s’était réveillé ; on le croyait éteint, mort peut-être ; il n’était qu’endormi. Le sol avait tremblé, s’était déchiré, la roche s’était fendue et le cœur de lave en fusion avait trouvé le chemin vers l’extérieur, vers la lumière. Depuis, l’éruption était dantesque, explosive, effusive, tout à la fois. Et le pauvre nettoyeur, géant de pierre, ruisselait de magma, subissait les assauts de sa nature et souffrait le martyre.  

 

Une grimace déforma soudain la perfection de ses traits. La poignée de sa porte venait de s’activer, Kaori tentait d’entrer dans sa chambre et se heurtait à son corps ramassé sur le sol.  

 

— Ryo, appela-t-elle doucement. Laisse-moi entrer.  

— Non, interjeta-t-il vivement. Qu’est-ce que tu veux ?  

 

Voix froide et cinglante, le message était clair.  

 

— Dormir avec toi, osa-t-elle avec audace.  

 

Il éclata d’un rire étonné.  

 

— C’est une plaisanterie ?  

 

Distinctement, il l’entendit choir derrière la porte, crut même sentir sa main se poser sur la cloison, sa chaleur se communiquer dans sa nuque.  

 

— Je sais, j’ai compris que nous ne pourrons jamais être ensemble, déchira-t-elle le silence. Je n’ai plus d’exigence Ryo, il faut que tu le saches, que tu en sois parfaitement conscient. Je prendrais ce que tu veux bien me donner, je te donnerai ce que tu veux bien me prendre. Cette nuit, la seule si tu l’exiges, toutes mes nuits si tu le désires, ou seulement quand tu en as envie. Je ne sais pas, tu décideras…  

 

Il ferma les yeux à s’en fendre les paupières, les mots pénétraient ses oreilles et heurtaient ses tympans, courtisaient sa détermination. Était-ce mélodieux ou odieux ?  

 

— Je suis amoureuse de Ryo Saeba, avoua-t-elle plus cramoisie que jamais.  

 

Ryo rouvrit les yeux, sourit, la gêne de la jeune femme était audible, cet aveu était absolument délicieux et tout autant monstrueux.  

 

— Je n’attends pas de vivre une histoire comme Miki et Umi ou comme Mick et Kazue. Nous ne le pouvons pas et j’ai bien compris que ça n’était pas compatible avec notre travail, avec nos engagements. Et moi aussi Ryo j’aime notre duo plus que tout au monde, je veux poursuivre nos aventures, comme on l’a toujours fait.  

— Ça n’est pas que ça.  

— Je ne veux pas te changer, murmura-t-elle calmement. Je ne veux pas te mettre en cage.  

— Tu veux dire que tu m’autorises à draguer toutes nos clientes, à organiser des visites nocturnes, à sauter sur tout ce qui bouge ? persévéra-t-il dans la provocation.  

 

Qu’elle m’envoie chier !  

 

Les yeux de la nettoyeuse s’embuèrent de larmes. Elle déglutit avec toute la maîtrise du souffle qu’elle possédait, désireuse de ne pas communiquer comme ce qu’il évoquait lui était pénible.  

 

— Et moi, j’aurais toujours le droit de t’écrabouiller, grommela-t-elle en peinant à dissimuler sa rage désespérée. Je promets d’être la même furie qu’aujourd’hui, insupportable de jalousie, violente et grossière comme tu détestes.  

 

Un lourd silence s’interposa. Ryo réfléchissait.  

 

— Ça ne marchera pas… Tu as le droit à mieux que ça, objecta-t-il avec lucidité.  

— Essayons tout de même. Que risque-t-on ?  

— D’avoir mal, souffla le nettoyeur.  

 

Elle avait entendu… mais fit mine que cela lui glissa sur la peau.  

 

— Laisse-moi entrer s’il-te-plaît. Discutons-en au moins.  

 

La proposition était diablement tentante, le nettoyeur le reconnut, mais il ne fallait pas être dupe, ce n’était pas viable, ne serait-ce qu’à court terme.  

 

— Je sais à quoi tu penses Ryo, renchérit-elle comme si elle eut deviné les pensées sombres de son partenaire. Je me répète, je n’ai plus les mêmes exigences. Je me fiche de ce que j’avais espéré ou fantasmé, je me fiche de ce que peuvent penser les autres, de leur jugement. Je ne renonce à rien qui me soit indispensable, je te jure. Non, je n’ai pas besoin de ça pour être heureuse, je n’ai besoin que de toi. Je suis aujourd’hui convaincue qu’il n’y a pas de définition universelle de l’amour, qu’une relation peut être belle et épanouie en dehors des sentiers battus. Je me fiche de la morale ou de la bien-pensance. Je t’aime comme tu es Ryo.  

— Je t’aime aussi comme tu es, lâcha-t-il d’une voix forte. Ne doute pas que je t’aime aussi.  

 

Le cœur de Kaori s’emballa dans sa poitrine. Cette troisième voie, elle s’était imposée à elle comme une évidence, elle était persuadée de faire le bon choix. Son partenaire ne pourrait jamais s’engager dans une relation conventionnelle. S’afficher, être démonstratif, surtout en public, même avec leurs amis, étaient pour le moment inenvisageables. Il était une bête sauvage et féroce, s’ébattant en liberté, rétif à toute domestication. L’engagement amoureux, c’était être enchaîné d’une certaine manière ; et de cela il ne pouvait être question pour lui. L’aimer, c’était aussi prendre cela en considération, c’était l’accepter, c’était faire le choix qu’elle lui proposait ce soir. La liberté ultime ; celle du cœur, celle des sentiments ; sans carcan, sans modèle, sans sujétion.  

 

— Si je ne sais pas faire, si je suis brutal avec toi, si je te blesse, je ne me pardonnerais pas.  

 

Il rendait les armes, c’était imminent, il rendait les armes. Le souffle de la nettoyeuse devint instable et fou.  

 

— Je ne sais pas pourquoi j’ai confiance sur ce que l’on va faire de nous, mais je n’ai ni crainte ni doute, avoua-t-elle d’une voix claire.  

 

Après quelques secondes, elle l’entendit très distinctement se relever, elle fit de même de son côté. Sa respiration se précipita. Il allait lui ouvrir, il allait l’accueillir.  

 

— Laisse-moi dormir auprès de toi cette nuit, proposa à nouveau la rouquine, soucieuse de l’encourager dans son acceptation. Je veux un câlin.  

 

Le nettoyeur se fendit d’un étrange sourire. Lui aussi avait quémandé un câlin plus tôt dans la soirée. Il l’avait obtenu.  

 

La porte s’entrouvrit lentement et les deux corps s’aperçurent enfin. Kaori trembla comme une feuille, Ryo inspira une grande bouffée d’air.  

 

— Je ne veux pas que tu sois prête à tout accepter pour moi, engagea le brun, conscient des efforts surhumains de sa furie pour museler ses craintes. Certaines de mes manies te seront insupportables, je veux que tu sois complètement sincère.  

 

La nettoyeuse observa attentivement son partenaire. À quelques pas d’elle, le ténébreux affichait un visage soucieux. D’une beauté à couper le souffle, bien sûr, comme à chaque fois qu’il était sérieux, mais elle décelait quelque indicible appréhension. Il semblait vouloir remettre en question certains de ses privilèges ; devaient-ils carrément envisager un contrat ?  

 

— Ton comportement avec les femmes lorsque je suis présente, osa-t-elle, l’effronterie en voie de ressuscitation.  

 

Les iris onyx s’étrécirent. C’était que le point soulevé était délicat ; il peinait à réfréner ses coupables pulsions en ces circonstances précises.  

 

— Plus de visite nocturne, proposa-t-il, aux abois.  

 

Kaori releva les sourcils de ravissement. Elle détestait avoir à piéger l’appartement, tout comme le surveiller pendant des heures et des heures dès qu’une cliente dormait chez eux. Son sommeil et son humeur en pâtissaient grandement.  

 

— Si tu es dans ma chambre, je n’aurais pas besoin de chercher ailleurs, précisa-t-il tout sourire.  

 

Ah le chacal, il négociait…  

 

— En contrepartie, je divise par deux le poids de mes massues, ironisa-t-elle.  

— Oh, à quelles importantes concessions nous sommes rendus ! renchérit-il avec le sourire.  

 

La rouquine haussa les épaules et rit bêtement mais restait plantée là, comme un arbre dans la forêt.  

 

— Je peux entrer ? questionna-t-elle enfin.  

— Je t’en prie, répondit-il en lui tendant la main.  

 

Elle y glissa timidement ses doigts et engagea quelques pas dans la chambrée. Il l’accompagna à peine, abandonna vite la menotte impressionnée pour refermer la porte derrière elle ; il n’était pas question qu’elle s’enfuit d’ici – déroutante idée.  

 

Elle se retourna et apparut plus troublée que jamais ; ses pommettes avaient viré rouge cramoisi et ses yeux tantôt regardaient son partenaire, tantôt fuyaient, comme si le contact visuel allait la descendre en flammes. Lui, se sentait incroyablement calme, comme apaisé. Et la fébrilité de sa partenaire lui apparut touchante, presque désarmante.  

 

— Je prends le côté droit du lit ; tu es d’accord ?  

 

À vrai dire, il s’en fichait royalement. Il haussa les sourcils en baragouinant un comme tu veux indolent.  

 

Elle se dirigea vers la droite de la chambre, s’assit sur le rebord du lit et ôta son bas de jogging. Ryo se contenta d’admirer la scène, curieux de découvrir la tenue qu’elle lui réservait pour leur première nuit.  

 

Il lutta contre un fou-rire lorsqu’il découvrit la culotte blanche franchement pas sexy. Mais il fallait reconnaître qu’avec le tee-shirt de coton, ça faisait la paire.  

 

On va juste dormir, se répéta-t-il.  

 

Kaori se glissa sous la couette qu’elle remonta jusque sous son menton puis, avec un regard bouleversé, elle s’adressa à lui.  

 

— Tu viens te coucher ? Je rêve de m’endormir sur ton épaule.  

 

Ryo s’approcha. Lentement et silencieusement. Sans cesser de darder sur elle un regard prédateur. Elle esquissa un sourire histoire de faire baisser la tension. N’était-elle pas simplement en train de se jeter dans la gueule du loup ?  

 

Arrivé à sa place, il accrocha le bas de son tee-shirt rouge et le fit passer par-dessus ses épaules, révélant un buste musculeux qui enflamma immédiatement l’imagination de Kaori. Cette dernière usa de tout son self-control pour chasser le trouble de son visage lorsque Ryo reporta son intérêt sur elle. Hors de question qu’il remarquât quoi que ce soit, son ego allait encore s’en trouver décuplé et il allait fanfaronner et se pavaner devant elle comme un coq arrogant. Pourtant, elle détecta sans difficulté un petit sourire narquois au coin des lèvres idéalisées. Se jouait-il de son inexpérience ?  

 

Il ne lâcha pas le regard enfiévré posé sur lui et poursuivit son effeuillage. La voir paniquer était un délice dont il voulait abuser jusqu’au bout du bout. Ses doigts jouèrent avec sa ceinture, feignirent la difficulté, puis défirent lentement, un à un, tous les boutons jusqu’au dernier. Face à sa partenaire congestionnée et écarlate, il fit glisser le jean, le balança à l’autre bout de la pièce.  

 

— C’est comme ça que tu prends soin de tes affaires ? ne put-elle s’empêcher d’intervenir.  

 

Il pouffa de rire.  

 

— Tu ramasseras demain matin, provoqua-t-il avec bonheur.  

 

Elle grogna comme un Diable de Tasmanie mais le regard attendri qu’il posa sur elle lui coupa le sifflet.  

 

Manipulateur !  

 

Voilà qu’il jouait de son sex-appeal pour la manipuler, le scélérat ! Elle le lorgna sans vergogne, du haut jusqu’en bas, et il fut à son tour décontenancé. Tout autant qu’elle, hélas. Elle n’était pas suffisamment aguerrie pour entrer dans ce jeu-là. Couler des yeux pervers sur l’anatomie de son amoureux ne la laissait pas de marbre. Le boxer qui le couvrait ne cachait rien des contours de l’engin qui l’habitait et, nom de nom, c’était quand même un truc de fou.  

 

Je suis fichue, pensa-t-elle en se tapant le front.  

 

— Tu ne changes pas de caleçon pour la nuit ? tenta-t-elle une diversion.  

 

Il s’étrangla. Voulait-elle… ?  

 

— En fait tu veux me mâter ! asséna le brun maintenant amusé.  

— Non, non, c’est que… bredouilla-t-elle difficilement.  

— Je voulais pas te faire peur. Habituellement, je dors à poil, mais si tu y tiens…, proposa-t-il en saisissant son élastique.  

— Nooooonnnnnnnnnnnn, scanda l’effarouchée. Viens… viens me rejoindre… Je veux mon câlin.  

 

Ils se turent enfin, gagnés par la solennité du moment. Ryo pénétra le lit et s’allongea aux côtés de son ange. Kaori fut subjuguée par la chaleur qui gagna la couche, qui l’enveloppa immédiatement, qui l’attira contre lui. Comme par enchantement, elle se coula sur son épaule, trouva sa place comme si celle-ci avait été sculptée pour elle dans le roc de granit qu’était l’homme qu’elle avait élu, fut enlacée. Fascinée et timorée, sa main se posa sur la poitrine non moins émue, ses longs doigts s’étalant sur le muscle pectoral parfaitement dessiné.  

 

Les yeux grands ouverts, fixant le plafond, Ryo réfléchissait. À cette déroutante soirée, à son acceptation, à son corps-défendant presque, à la relation peu conventionnelle qui allait se nouer entre eux deux, à ce qu’il s’autoriserait, à ce qu’il refuserait coûte que coûte. Les doigts de Kaori se crispèrent soudainement sur son torse, se recroquevillant dans un geste défensif qu’il n’apprécia pas. Il détourna la tête pour la regarder. Les yeux de sa rouquine étaient ailleurs, divagant. À quoi pensait-elle donc ? Doutait-elle également ? Les règles édictées par lui, acceptées par elle, ou le contraire – qui donc pouvait dire – la tourmentaient-elles aussi ?  

 

— Tu sais…, entama-t-il. J’ai connu beaucoup de femmes.  

 

Glaciation immédiate. Elle se rebiffa, voulut ôter sa main de la goujate poitrine mais il la retint en positionnant la sienne par-dessus la rebelle avec autorité et force.  

 

— Ne déserte pas, écoute-moi ! prononça le japonais en pénétrant le regard de sa partenaire. J’ai partagé beaucoup de lits mais… jamais le mien.  

 

Kaori peina à bien cerner l’information, battit des cils ; et ce fut un enchantement pour celui qui la contemplait.  

 

— Tu veux dire… je suis la première ?  

 

Il opina du chef et prononça avec gravité.  

 

— Tu es la première.  

 

Elle soupira d’aise, comblée et conquise, et reprit sa place confortable sur l’épaule ardemment fantasmée. Sa menotte s’ouvrit à nouveau et ses doigts s’égarèrent un peu, s’enhardirent.  

 

Les secondes s’égrenèrent dans la douce félicité, la chaleur des cœurs qui se trouvent.  

 

La pulpe des doigts caressa lascivement les tétons masculins. Kaori vit distinctement le ventre musclé se contracter.  

 

— Est-ce aussi sensible que pour moi ? questionna-t-elle naïvement.  

— Peut-être pas autant, répondit-il après un long moment de silence. Mais c’est très bon.  

 

Elle écarquilla les yeux et admira le terrain de jeu qui s’étalait devant elle, le buste dénudé sur lequel son partenaire n’avait pas remonté la couette. À croire qu’il souhaitait jouer avec son self-control. Bientôt, peut-être, pourrait-elle jouir de tout ceci sans entrave. Elle se redressa sur son coude droit et observa attentivement Ryo tandis que sa main glissait sur la peau tiède et douce de son torse. D’infimes contractions parcoururent le visage plus mâle que jamais.  

 

La main baladeuse, entêtée, fut vite kidnappée et tirée si vivement que la nettoyeuse, déstabilisée, se retrouva à moitié allongée sur son partenaire, les yeux à quelques centimètres des billes sombres courroucées.  

 

— Quoi ? interjeta-t-elle vertement.  

— Tu as raison, chuchota-t-il pour capter entièrement l’attention volatile de sa furie qui le zieutait, un baiser est plus engageant que quoi que ce soit d’autre.  

 

Elle cligna des yeux incrédules. Était-ce une invitation ? Une autorisation ?  

 

— Je peux ?  

— Ppffff, se contenta-t-il de répondre en levant les yeux au ciel.  

 

Elle se positionna plus adéquatement face à lui et approcha ses lèvres. En une fraction de seconde deux bras puissants se nouèrent dans son dos et une main vint se perdre dans ses cheveux, apposant une douce pression. Le bonhomme semblait impatient de goûter les lippes tentatrices.  

 

— Tu ne fuiras pas, hein ? stoppa la jeune femme à un micron de l’objectif.  

 

Les yeux dans lesquels les flammes rouges dansaient à nouveau se réouvrirent et parurent fâchés.  

 

— Tais-toi ! grommela le malotru. Tais-toi et embrasse-moi…  

 

La main dans les cheveux se fit plus pressante et, enfin, le baiser fut consommé. Et tandis que les lèvres s’apprivoisaient avec plus ou moins d’expertise, les deux protagonistes laissèrent libre-cours aux sensations qui les traversaient. Feux d’artifice retentissant, cymbales assourdissantes, trompettes rugissantes et autres batteries fracassantes offrirent un tapage monstrueux dans les caboches essoufflées. S’il n’y avait que douceur et tendres précautions dans leur premier échange intime, Kaori et Ryo souffraient en interne d’une cacophonie joyeuse et pour le moins résonnante.  

 

Les sourires gagnèrent les lèvres lorsque baiser et tintamarres prirent fin ; ils échangèrent un regard complice et bienheureux, ébouriffèrent leurs cheveux pour recouvrer raison, puis s’engagèrent à nouveau dans des jeux de bouche délicieux. Ils roulèrent l’un sur l’autre, rirent beaucoup, s’affranchirent de la gêne. Fougue et profondeur succédèrent bientôt à tendresse et douceur. Les baisers devinrent essoufflés, charnels, toujours plus humides.  

 

— Wouah, wouah, wouah, j’en reviens pas, balbutia la rouquine en reprenant place contre l’épaule de son partenaire. J’en reviens pas d’avoir partagé un vrai baiser avec toi.  

 

Ryo l’observa, mi-amusé, mi-frustré qu’elle mette fin à leur jeu délectable.  

 

— J’m’en suis bien sortie ? demanda-t-elle pleine de fierté.  

 

Il gloussa de surprise.  

 

— Oui, oui, tu t’en es très bien sortie ! la rassura-t-il sur un ton à la fois bienveillant et railleur.  

 

Kaori souffla bruyamment, contempla le plafond et afficha un bonheur inestimable aux yeux de son partenaire.  

 

— En fait, j’adore tout, confessa-t-elle avec naïveté. J’aime tout ce que tu me fais. Tout à l’heure dans le canapé, c’était tout simplement divin. Et là, tes baisers, ta douceur… J’aime tout ce que tu me fais.  

 

Elle afficha un sourire étincelant à celui dont elle squattait l’épaule. Désarçonné, Ryô ne sut qu’accueillir la boule d’émotion qui percuta son pelvis. C’était ça le bonheur ?  

 

— Et encore, t’as pas tout vu, osa-t-il sous l’inspiration de son arrogance tout en la faisant rouler à ses côtés pour la surplomber.  

 

Bouleversée et rose de confusion, elle ne put que hocher la tête pour acquiescer.  

 

— Mais il faut en garder un peu pour plus tard. Je ne vais pas griller toutes mes cartouches ce soir, rassura-t-il avec un petit sourire compréhensif et néanmoins désolé.  

— Oui, adhéra-t-elle, reconnaissante.  

 

Elle voulait dormir avec lui, cela avait été sa requête en entrant dans sa chambre. Et même si l’envie de la faire sienne absolument empoisonnait son cerveau, il avait décidé de rester sage toute la nuit. Mais souhaitait quand même tester les bornes des limites…  

 

— Par contre, tu es rouge comme une pivoine, tu as chaud ? Tu peux retirer ton tee-shirt pour dormir, soumit-il malintentionné, la bave aux lèvres. Tu seras plus à l’aise.  

— Nan mais dans tes rêves, obsédé pervers… !  

— Voyons, voyons Kaori chérie, tenta-t-il de convaincre de sa bonne foi. Tes petits seins, je les connais par cœur maintenant, ne sois pas gênée devant moi.  

— Petits seins ???? NON MAIS N’IMPORTE QUOI ! Sont pas si p’tits qu’ça d’abord !!!!  

— Désolé mais faut être consciente ma louloute… une planche à pain…  

 

Les éclairs transfigurèrent le joli visage de Kaori en une face de démon abominable et, sans crier gare, une massue mini-format apparut dans ses mains. Et alors la furie se déchaîna avec rage et frénésie.  

 

— Jamais plus tu m’appelles comme ça sinon tu les reverras plus. Adieu petits seins, tu m’entends ?  

— Non mais je rêve, elle sort d’où celle-là ? s’enquit Ryo après avoir désarmé avec une insolente facilité sa partenaire.  

 

Désopilé, il examina la massue 200 g qui l’avait agressé.  

 

— Planquée là où tu avais caché tes jumelles cet après-midi !  

 

Son caleçon… Les yeux de Ryo s’arrondirent comme des soucoupes. Sa culotte ? Il toussa de surprise et afficha très vite un sourire magnifique. Elle était vraiment impayable et il était fou d’elle, absolument fou d’elle.  

 

Vaincu, il retomba sur son lit les bras en croix, invitant muettement Kaori à reprendre sa place contre lui. Agenouillée à ses côtés, cette dernière observa avec infiniment d’amour l’homme dont elle était éprise depuis toujours. Une boule d’émotion vint emplir de feu sa poitrine ; elle soupira longuement, apprécia le souffle chaud de la vie qui la traversait. Enfin, elle se saisit du bas de son tee-shirt et s’en défit indolemment. Le nettoyeur en resta ahuri. Les petits seins s’affichaient en confiance et il darda ses prunelles noir et sang sur les atouts sataniques qu’elle lui offrait en contemplation. Elle reprit place sur son épaule, prit aussi conscience de l’affolement de la respiration de Ryo. Était-elle la source de son trouble ?  

 

Il ne fallut que quelques instants pour la faire rouler à nouveau et échouer sur le dos ; il positionna ensuite son visage sur le ventre de son ange, promontoire privilégié pour mater sans retenue sa poitrine.  

 

Doucement, elle fourragea les cheveux de jais de ses doigts amoureux, communiquant son tacite accord pour être ainsi mirée. Il ronronna de plaisir et d’abandon, lança une main conquérante sur le sein gauche. Mais ses doigts furent sages et immobiles, juste étaient-ils propriétaires.  

 

— J’ai une annonce à faire, clama-t-il bientôt.  

— Hum ? interrogea-t-elle sans même le gratifier d’un regard, trop alanguie dans leur communion.  

— Oyez, oyez braves gens, claironna-t-il avec présomption. Sachez que les seins de Kaori Makimura appartiennent désormais à Ryo Saeba !  

 

Les déflagrations du rire qui s’invita en elle firent tressaillir son ventre et la tête d’abruti de son partenaire bringuebala doucement. Il grogna légèrement et sa main s’empara un peu plus virilement du sein qu’il empaumait pour la rappeler au respect. Non mais !  

 

— Je suis d’accord, alloua-t-elle en caressant plus tendrement encore le visage niché sur son nombril. Tu m’donnes quoi en échange ?  

 

Il réfléchit une fraction de seconde.  

 

— Tu veux mon cœur ? souffla le brun géant qui se sentit plus minuscule qu’un grain de sable.  

 

Le silence qui suivit la proposition était lourd de sens pour chacun d’eux. Ils se repurent l’un et l’autre de la bulle enchantée, cadeau inespéré de celui qui ne savait pas s’épancher à son ultra-sensible et romantique amoureuse.  

 

Ton cœur je le prends. Et je prends plus encore, je prends tout ce que tu es.  

 

Mais pour le moment, Kaori voulait montrer qu’elle annexait également un autre territoire du nettoyeur ; et pas des moindres…  

 

— Oyez, oyez filles et femmes du Japon, de la Terre et de l’univers tout entier ! scanda la nettoyeuse le sourire lumineux et illuminé. Sachez que le mokkori de Ryo Saeba appartient désormais à Kaori Makimura !  

 

 

 

Le mokkori de Ryo Saeba ? … Ah, mais ça, c’est une autre histoire…  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Chapter: 1


 

 

 

 

 

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