Hojo Fan City

 

 

 

Data File

Rated R - Prose

 

Author: nodino

Beta-reader(s): Amelds

Status: Completed

Series: City Hunter

 

Total: 22 chapters

Published: 17-02-10

Last update: 17-11-18

 

Comments: 139 reviews

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RomanceDrame

 

Summary: Une nuit, tout bascule et la rupture devient inévitable... L'amour aussi... Mais jusqu'où peut on aimer quand on est City Hunter ?

 

Disclaimer: Les personnages de "Ain't no sunshine." sont la propriété exclusive de Tsukasa Hojo.

 

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   Fanfiction :: Ain't no sunshine.

 

Chapter 13 :: A la croisée des chemins : En mission.

Published: 03-09-14 - Last update: 05-01-16

Comments: Bonjour à tous :) . Tout d'abord un grand merci à ceux qui continuent de me suivre (et de commenter) malgré mes majes un peu (très) irrégulières et merci aussi à Yael, (si tu passes un jour de nouveau par là T-T ) qui m'a fait découvrir la magie du corps humain, ce qui m'a inspiré un certain passage ^^ . J'ai profité des vacances pour finir ce chapitre, du coup il est un peu plus long que d'habitude. Je ne sais pas pour vous mais je trouve que ça fait un moment qu'ils sont chacun de leur coté (même si toujours reliés ^^). Promis, je vais changer ça :). En attendant, je vous souhaite une bonne lecture et je vous dis à bientôt.

 


Chapter: 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22


 

Arrivée au bas de l'immeuble de Tybault, je gare la voiture à l'instant même où les premières gouttes de pluie viennent mollement s'écraser sur le pare-brise. Je sors sans y prêter attention. Le hasard a voulu que je m'arrête juste à l'endroit où se sont tenus mes quelques échanges avec le vieux Xiang. Je reste là, face à l'entrée de sa ruelle, regardant bêtement l'endroit où il se tenait assis, attendant presque de le voir sortir de derrière son abri de fortune pour me faire un clin d’œil ou tout autre signe de connivence discrète.  

 

 

Les gouttes se font plus insistantes, mais je ne bouge toujours pas. Le sentiment de culpabilité qui m'habite est plus fort que le besoin de me mettre à l'abri. Si comme je le pense Tybault fait partie du clan Futago, alors c'est ma réaction, la première fois que j'ai croisé ton indic, qui lui a mis la puce à l'oreille. Quelle idiote ! Et quel manque de professionnalisme ! Mais il est impossible de revenir en arrière, je le sais bien, impossible d'effacer cette erreur qui a pratiquement signé son arrêt de mort. Par contre je peux faire avancer ton enquête. Je sais qu'il t'a aidé plusieurs fois par le passé et qu'il était partie prenante dans cette affaire aussi, ce sera ma façon de lui rendre hommage.  

 

 

Et je sais où aller pour ça... me dis-je en tournant la tête pour fixer, au dernier étage de l'immeuble, cette lumière qui indique que, malgré l'heure, il y a encore de l'activité chez Tybault. Un craquement céleste accompagne cette pensée et l'orage éclate dans la seconde suivante. Est-ce un signe que la partie s'annonce compliquée ? En tout cas, ce sont des trombes d'eau qui se déversent sur moi tandis que je traverse la rue en courant.  

 

 

Je suis complètement trempée et j'inonde le hall en attendant l'ascenseur. Une fois à l'intérieur, j'ai à peine le temps d'essorer péniblement le bas de mon tee-shirt qu'il me dépose au dernier étage. Quelques secondes plus tard, je me retrouve à dégouliner sur la moquette qui orne le couloir grand standing, le doigt sur la sonnette. J'ai une seconde d'hésitation.  

 

 

« Je suis complètement dingue de faire ça », me dis-je en appuyant résolument sur le bouton accolé au nom Gaotuf. Je suis là sans avoir réellement décidé de ce que j'allais dire ou faire, et les éléments qui se sont déchaînés à mon arrivée ne m'ont pas laissé une seconde pour me préparer. Mais tant pis si mon plan est bancal - toi tu dirais qu'il est foireux – au moins je profite de mon avantage. Demain, il sera trop tard.  

 

 

Un cliquetis dans la porte. Tybault apparaît, le visage fermé. Il me scrute, silencieux, se demandant sûrement ce que je fais à grelotter devant sa porte.  

 

 

- Que fais-tu là ? demande-t-il d'une voix sans chaleur, je t'avais dit de rentrer chez toi...  

 

 

-Oui, je sais... Mais je... il fallait que je te parle... Je...  

 

 

J'essaie d'être convaincante mais le mensonge n'a jamais été ma tasse de thé. Heureusement pour moi, mon hésitation résonne dans ma voix et je dois vraiment avoir l'air perdu. Mais il ne m'écoute pas ; ma présence le dérange, je le vois bien, et il me coupe sèchement :  

 

 

-Écoute, je te l'ai dit tout à l'heure. Ce soir, ce n'est pas possible... Ce que tu as à me dire attendra quelques heures.  

 

 

Ce ton tranchant qui ne peut masquer une certaine tristesse... Ce n'est pas ma présence qui le dérange... Il sait ce que je pense de notre relation et a jeté l'éponge... Quelque part, ça me serre le cœur... Mais ce n'est pas le moment d'être émue. J'ai une mission à accomplir et je dois pénétrer dans cet appartement.  

 

 

-Rentre chez toi Kaori et dors. Il est cinq heures du matin. On se verra plus tard.., dit-il en amorçant le geste de fermer la porte pour clore la discussion.  

 

 

Ah non, ça ne peut pas se terminer comme ça, il faut que je le retienne ! Paniquée, je lance sans réfléchir à travers la porte presque close :  

 

 

-Attends ! J'ai ma réponse ! Partir avec toi !!! Pour Paris... Oui, je veux bien !  

 

 

La porte s'immobilise. Une seconde plus tard, elle s'ouvre à la volée et, d'une poussée, je me retrouve collée dos au mur. Face à moi, Tybault, me maintient par les épaules et me dévisage sévèrement, les lèvres pincées.  

 

 

-A quoi tu joues Kaori ?  

 

 

L'éclat de ses yeux bleu nuit est aussi dur que le métal, et un frisson de crainte s'immisce dans mon échine. Je cherche en catastrophe que répondre à cette attaque, mais il ne m'en laisse pas l'occasion. Sa poigne se relâche tout aussi brusquement qu'elle m'avait saisie et je me sens soudain soulevée tandis qu'il me serre dans ses bras. Il reste ainsi, la tête dans mes cheveux, pendant que les secondes s'égrènent en silence dans l'immense couloir. Prise au dépourvu par ce brusque revirement de situation et cette soudaine étreinte, je reste sans réaction dans ses bras.  

 

 

Lorsqu'il me repose au sol quelques secondes plus tard, ses yeux ont retrouvé leur douceur habituelle. Il me prend alors par la main :  

 

 

-Entrons Kaori, tu es trempée... et moi aussi maintenant, ajoute-t-il en constatant l'état dans lequel notre rapprochement a laissé sa chemise. Viens... Suis-moi.  

 

 

 

******  

 

 

 

Lorsque je reviens en courant vers le bâtiment qui sert de clinique au Doc, c'est pour tomber sur une scène des plus étranges. Une main tenant le couvercle, Mick fouille à l'intérieur du grand container où le Doc stocke les déchets de la clinique. Il sifflote et fait semblant de regarder ailleurs tout en brassant ce qui s'y trouve de son bras libre. Intrigué, je m'approche et lui assène un coup sur le crane en demandant :  

 

 

-Qu'est-ce que tu fous avec cette poubelle ?  

 

 

-Ahhh ! s'écrie-t-il, le regard paniqué du gamin pris en flagrant délit, t'es déjà revenu Ryo ? Euh, rien rien, je fais rien avec cette poubelle ! Et puis quelle poubelle d'abord ? C'est pas une poubelle ça, le Doc appelle ça un container, dit-il en relâchant le couvercle et en tapotant dessus pour ponctuer sa phrase. Je me suis assez pris de poubelles dans la figure aujourd'hui pour avoir envie d'y remettre le nez... ah ah ah ah !  

 

 

Un sourcil levé, je reste pantois devant cette réplique et ce rire qui sonnent tous les deux très faux. Il me fait quoi là ? La poubelle qu'il s'est pris dans la figure cet après-midi aurait-elle occasionné plus de dégâts qu'il n'y paraissait ? Bah, après tout, il y a plus urgent pour l'instant que de l'obliger à me révéler ce qu'il cherchait dans celle-ci. Je choisis donc de ne pas relever et me détourne pour entrer dans la clinique. Devant le peu de succès de sa tentative d'humour, Mick m'emboîte le pas et, sautant du coq à l'âne, me demande :  

 

 

-Et sinon, tu as réussi à trouver la famille du vieux Xiang ?  

 

 

-Oui, un autre indic avec lequel il discutait souvent vient de m'apprendre qu'il a un fils sur Nagoya. J'ai trouvé son numéro grâce à Saeko, qui était d'ailleurs enchantée d'être réveillée à 4 heures du matin. Mais avant d'appeler son fils, j'attends des nouvelles du Doc, histoire de savoir ce que je dois lui annoncer... Je tourne la tête vers la porte qui donne sur le bloc. Le Doc y a disparu il y a presque une heure maintenant.  

 

 

-Te bile pas, me lance Mick qui s'est arrêté pour pousser légèrement du pied une immense plante verte et jeter un rapide coup d’œil derrière, je suis persuadé qu'il va s'en sortir. Il a tenu le coup jusqu'à ce qu'on l'amène ici, c'est pas pour nous lâcher sur la table d'opération !  

 

 

C'est vrai. On avait vraiment craint pour sa vie mais le vieux Xiang, même s'il n'avait pas repris connaissance, avait réussi à supporter le voyage jusqu'à la clinique, et ça c'était bon signe. Le Doc, alerté par téléphone, était déjà prêt à l'accueillir quand nous avions déboulé dans sa cour et l'avait aussitôt pris en charge.  

 

 

-Tu as raison, il a toutes ses chances maintenant. J'espère qu'il pourra rapidement nous raconter ce qui lui est arrivé. Ceux qui lui ont fait ça doivent penser qu'il est mort mais crois-moi, ils n'ont pas conscience qu'ils viennent de commettre une grossière erreur, dis-je en me laissant tomber sur un canapé qui trône dans le hall. Le confort de l'assise me rappelle subitement à quel point mon corps est tendu. La journée a été longue et elle est loin d'être terminée.  

 

 

-En parlant de ça, tu as pu avoir quelques indices sur ceux qui l'ont amoché comme ça ? me questionne Mick en se laissant tomber à son tour sur le canapé, avant de se redresser brusquement pour regarder derrière le dossier – Mais il cherche quoi bon sang ?  

Mais sans me laisser le temps de lui poser la question, il se tourne vers moi et embraie aussitôt sur ses hypothèses.  

 

 

-On est bien d'accord que ça a forcément à voir avec Kaori ? Ça ne peut pas être une coïncidence que celui qui était chargé de veiller sur elle soit dans cet état-là... Son mec là, le Paris-Plouc, plus ça va et moins ça va, on est toujours raccord Ryo ?  

 

 

-Ouais... Lui, de toute façon, j'ai jamais pu l'encadrer tu t'en doutes. Et si tu avais vu sa mokkori-frappée de sœur, tu les mettrais tous les deux dans le même panier. Maintenant, je voudrais comprendre ce que cette violence a à voir avec Kaori, réfléchis-je à voix haute en m'adossant pour reposer ma nuque et regarder le plafond.  

 

 

-C'est lui, c'est forcément lui, murmure Mick, en plissant les yeux avant de rajouter, en secouant la tête, de toute façon un homme qui appelle ma douce Kaori « ma petite reine » ne peut être qu'un dangereux psychopathe.  

 

 

Je ne peux retenir un frisson de dégoût. Imaginer cet autre avec ce surnom mielleux dans la bouche me donne envie de vomir. Tu n'es pas le genre de femme à vouloir être mise ainsi sur un piédestal... et ce surnom, je crois bien que je serais capable de lui coller une balle si jamais je l'entendais t'appeler comme ça. Ce mec n'a rien compris : tu es tout sauf une reine que l'on vénère. Lorsque je pense à toi, moi je vois un ange... ou une furie ça dépend, je pense à ton côté tête brûlée, qui fonce parfois sans réfléchir quand c'est pour aider ton prochain, je pense aussitôt à ton dévouement, à ta présence sans faille. Tu es si forte Kaori, que je ne t'imagine pas autrement que libre... et que comme ma partenaire...  

 

 

-Oui hein, reprend Mick qui a sûrement perçu ma grimace de dégoût, je vois qu'on est d'accord. Heureusement que Miki t'a dit qu'elle était rentrée, parce qu'il y aurait eu de quoi s'inquiéter. Mais je pense qu'il faut la prévenir.  

 

 

-Oui, j'en suis arrivé à la même conclusion Mick.  

 

 

Même si je suis rassuré à l'idée que tu sois chez Miki, il est bien évident que cet homme n'est pas clair et que sa frangine est dangereuse. Il va donc falloir renforcer la surveillance et surtout réussir à te convaincre que tu ne peux rester à ses côtés. Voilà qui promet des échanges houleux vu ton foutu caractère. Quand je repense à ta fureur cet après-midi, lorsque tu as trouvé le dossier sur lui et sa sœur, j'imagine à peine dans quel état tu vas te mettre quand je vais t'annoncer qu'il est forcément impliqué dans l'agression de Xiang.  

 

 

Mais rien qu'à l'idée de te revoir, je ressens un bien-être m'envahir. C'est dingue cet effet que tu as sur moi. Et pourtant on va sûrement s'engueuler et tu vas me haïr, mais j'ai hâte d'y être, hâte de te voir, de te parler. Miki avait bien raison quand elle disait que j'étais heureux juste parce que tu étais revenue... « Je déteste cette femme de réussir à aussi bien me cerner » ronchonné-je en m'enfonçant un peu plus dans le canapé. Je sens bien que j'espère te mettre suffisamment en rogne contre moi pour avoir droit à un coup de massue. Espérer recevoir cent tonnes sur le crâne... Je dois être dingue, ou plutôt TU me rends dingue. Pourquoi faut-il donc que tout soit si compliqué et qu'il y ait tous ces vautours autour de toi ?  

 

 

En parlant de vautour... Je lance un regard noir à mon principal rival après ce Paris-Plouc :  

 

 

-Je te préviens, Mick. Le vieux Xiang est MON indic, c'est donc à moi d'aller voir Kaori, je saurai mieux répondre à ses questions et je ne veux donc pas te voir roder autour d'...  

 

 

Mais celui qui me fait face n'a absolument pas l'intention d'aller te voir, cela se lit sur son visage. Il a le regard absent de celui qui pense déjà à autre chose. Il regarde sans la voir la porte qui donne sur le bloc. Est-il donc si inquiet pour le vieux Xiang qu'il ait besoin de se projeter dans la pièce où le Doc et son assistant s'activent ? Soudain, le déclic se fait. Son assistant... Mais bien sûr ! Je n'avais pas fait le rapprochement sur le coup, mais je comprends enfin le sens de ces agissements étranges. Ce crétin cherche Kazue. Il devait être certain qu'elle s'était réfugiée ici et s'attendait sûrement à tomber sur elle après qu'on ait appelé le Doc en pleine nuit. Mais non, le vieux a fait appel à un autre de ses assistants pour le seconder. Et je suppose qu'il pense que Kazue se cache quelque part dans le bâtiment. « Dans une poubelle, non mais quel idiot » me dis-je, consterné, avant de choisir de mettre les pieds dans le plat :  

 

 

-Ça y est, je sais ce que tu cherches depuis tout à l'heure... ou plutôt QUI ! N'est-ce pas Mick ? Ce n'est pas à Kaori que tu penses en ce moment, hein ? Tu as enfin la réponse à tes questions ou tu veux vraiment prendre le risque de tout foutre en l'air ?  

 

 

-Oublie-moi, Ryo, j'ai pas besoin de tes sarcasmes, me répond-il en posant son regard bleu glacial sur moi, je m'inquiète pour elle. Je me demande si elle va bien... Ce n'est pas rien de quitter le meilleur coup de Shinjuku ! lance-t-il en accompagnant sa phrase d'un rire qui ne trouve aucune résonance dans ses yeux.  

 

 

-Le deuxième meilleur coup ! ne puis-je m'empêcher de relever, l'accompagnant dans sa tentative de plaisanterie avant de simplement me taire et de regarder fixement mon pote.  

 

 

-Quoi ? s'impatiente-t-il.  

 

 

-Dis-moi, j'étais vraiment comme ça ?  

 

Un silence. Il n'essaie même pas d'éluder ou de jouer celui qui ne comprend pas. Au plissement soudain de ses yeux il est clair qu'il voit très bien de quoi je parle. Un demi-soupir plus tard il me répond sans fard :  

 

-Non... Tu étais pire... Moi au moins je sais qu'elle est là, quelque part dans la ville, je sens même qu'elle n'est pas très loin... Et maintenant, fous-moi la paix, conclut-il avant de me tourner le dos et de se lever.  

 

 

Je le laisse s'éloigner sans rien dire. Après tout, tout ça ne date que d'hier, il a encore besoin de temps. Je me souviens avoir mis bien plus longtemps à avouer que tu occupais mon esprit jour et nuit.  

 

 

L'arrivée du Doc, qui entre dans la pièce en poussant la porte battante, tombe donc à pic. Nous nous avançons vers lui comme un seul homme, reportant à plus tard nos désaccords sur les femmes et l'amour.  

 

 

-Alors ? Il va s'en sortir ? demandons-nous presque d'une seule voix au vieil homme homme, qui s'essuie le front du revers de la manche avant de nous répondre d'une voix fatiguée :  

 

 

-Je ne sais par quel miracle, mais oui. La lame n'a touché aucun organe vital et même si ses ecchymoses sont très impressionnantes, il n'y a aucun hématome sous-dural. Bref, je ne vais pas le quitter des yeux pendant deux jours, mais ça devrait aller. Tu lui as trouvé de la famille ?  

 

 

-Oui, un fils, à Nagoya.  

 

 

-Alors tu pourras le rassurer. Je pense qu'il sera transportable d'ici une semaine.  

 

 

-Ok, merci Doc, je vais l'appeler.  

 

 

-De rien Ryo, tu sais bien que tu peux compter sur moi, mais au fait...  

 

 

-Quoi ?  

 

 

-Qu'est-ce qu'il fiche le blondinet ? murmure-t-il en m'indiquant Mick dont la tête a disparu derrière la porte entrebâillée.  

 

 

-Cet idiot a cherché Kazué un peu partout ici...  

 

 

-Et il pense qu'elle se cache dans mon bloc ?  

 

 

-Oh, il l'a cherchée dans des endroits bien plus inappropriés encore, dis-je en regardant le container.  

 

 

-Mais je t'ai pourtant dit tout à l'heure qu'elle n'était pas ici ! s'exclame le Doc en interpellant le corps sans tête.  

 

 

Attrapant le vieux toubib par l'épaule, je lui murmure, en nous éloignant pour que Mick ne nous entende pas :  

 

 

-Tsss... Doc, pas à moi voyons... Nous savons tous les deux qu'elle se trouve ici... mais que Mick n'a aucune chance de la trouver.... Une femme blessée sait se rendre invisible.  

 

 

-Tu m'étonneras toujours Baby Face, sourit le Doc avant de redevenir sérieux et de me regarder intensément, tu as grandi...  

 

 

-Hey vieux schnock, commence pas à dire que je vieillis hein ! m'indigné-je avant de courir vers la porte d'entrée du bâtiment, allez ! je file appeler le fiston du vieux Xiang !!  

 

 

Et je fuis en direction du jardin, bien content d'avoir réussi à couper court à l'analyse de ma nouvelle maturité amoureuse. Rien qu'à l'idée de devoir encore une seule fois aborder ce sujet, j'ai une furieuse envie de redevenir Ryochouchou et de courir soulever quelques jupes dans la rue. Héhéhé, je suis même sûr que je pourrais les convaincre de m'accompagner, me dis-je en regardant les deux pervers, dont l'un est en train d'essayer d'empêcher l'autre d'entrer dans son bloc en le retenant par le fond de son pantalon.  

 

Mais pour l'instant, j'ai quelque chose de plus urgent à faire. J'attrape mon téléphone et compose le numéro du fils de Xiang.  

 

 

*****************************  

 

Lorsque la porte se referme derrière moi, je me sens partagée, et il me faut toute la force de cette détermination acquise au prix de l'agression du vieux Xiang pour ne pas flancher. Il y a quelques heures à peine je repoussais les avances de celui que je pensais aimer et me voilà maintenant en train de lui faire de fausses promesses... Je déteste jouer avec les sentiments des autres, mais je n'ai pas le choix. Je dois me rapprocher de lui, tant pis pour les scrupules.  

 

 

Il tient toujours ma main dans la sienne, et quand il me fait quitter le hall pour me conduire dans un couloir, je crains une seconde d'avoir pris trop de risques. Je comprends mon erreur lorsqu'il m'explique :  

 

 

-Nous avons des choses à nous dire Kaori. Mais comme je te l'ai dit tout à l'heure, pas maintenant. Paris doit repasser d'ici une heure ou deux et je ne crois pas que le moment soit bien choisi pour des présentations officielles, et encore moins pour lui parler de ce soudain projet de partir en France. Tu te demandes ce que tu fais là, me devance-t-il en répondant à cette question que mes yeux ont exprimée avant moi. Je ne pouvais décemment pas te laisser sur le palier après une pareille déclaration, c'est tout. Cela n'aurait pas été digne d'un gentleman, rajoute-t-il avec un petit sourire en déposant un baiser sur mon poignet. Je vais aller me changer et je te propose d'en faire de même. Ensuite nous boirons quelque chose de chaud et je te raccompagnerai à ta voiture.  

 

 

Je suis soulagée je l'avoue. Une seconde j'ai vraiment craint qu'il ne me conduise jusqu'à sa chambre. Mais non, cet homme reste avant tout un gentleman... certes un dangereux gentleman. Et je suis ici pour le prouver.  

 

Pour l'instant, la chance est avec moi. Paris n'est pas là. Soulagée par ce coup de pouce du destin, j'opine de la tête en réponse à sa proposition tout en réfléchissant à ce que je peux faire. Le programme qu'il me propose ne m'offre que très peu de temps. Il va donc falloir trouver rapidement comment circuler librement dans l'appartement pour trouver des preuves.  

-Tu as la salle de bain au fond du couloir. N'hésite pas à prendre une douche chaude, tu es complètement gelée. Ça te fera du bien. Je t'apporte de quoi te changer.  

 

 

J'avance alors droit devant moi en me concentrant sur chaque détail du couloir. Il y a quatre portes. L'une d'elle, restée entrebâillée, laisse entrevoir un lit – une chambre donc... Celle du fond est forcément celle de la salle de bain. Il en reste deux. Il me faut juste un peu de chance... D'un pas décidé, je me dirige vers l'une d'elle au hasard et l'ouvre : un plan de travail, des dossiers, une bibliothèque. Bingo !!  

 

 

-Kaori, c'est l'autre porte, m'interpelle Tybault.  

 

 

-Oh pardon ! dis-je en jetant un dernier coup d'œil avant de fermer rapidement la porte pour n'éveiller aucun soupçon. Mais c'est suffisant, j'ai vu ce dont j'avais besoin : une baie vitrée restée ouverte derrière le bureau. Un balcon. Si je veux entrer ce sera par là.  

 

 

Lançant un sourire faussement penaud à Tybault, j'entre par la porte qu'il m'indique dans la salle de bain. Malgré l'urgence de la situation, je reste soufflée par la taille et la beauté de l'endroit. Tout comme le reste de l'appartement, elle est de style européen, épurée et luxueuse à la fois. Très masculine aussi, avec ce bois wengé et ces liserés métalliques. Dans un coin, une gigantesque baignoire d'angle à la ligne sobre et à la robinetterie étincelante attire mon attention. « Je pourrais sûrement nager dedans tellement elle est grande », me dis-je, avant de découvrir la douche, plus large encore. Je suis tellement impressionnée que j'entends à peine Tybault m'appeler au travers de la porte. Ce n'est qu'en l'entendant frapper que je réagis.  

 

 

Ouvrant la porte, je découvre alors un vêtement dont je devine immédiatement, au moiré du tissu, qu'il s'agit d'une tenue de soirée. Je la prends et retourne dans la salle d'eau pour la déposer sur une chaise, sans plus m'en préoccuper. Cet intermède m'a ramenée à mon objectif premier. Je n'ai pas le temps de m'extasier sur les somptueuses merveilles que renferme cet appartement. Je dois pénétrer dans ce bureau et le temps joue contre moi. « C'est donc maintenant ou jamais » me dis-je en levant la tête vers cette petite fenêtre située au-dessus de la baignoire.  

 

 

 

Je commence par ouvrir en grand le mitigeur de la douche, faisant jaillir l'eau contre les parois et le sol pour donner le change. Tybault étant donc un gentleman, il y a peu de chances qu'il entre en entendant ce bruit. Voilà qui m'assure une certaine liberté de mouvements. J'attrape ensuite mon téléphone et mon arme, et les coince dans ma ceinture. Puis, en deux bonds, je grimpe sur le rebord de la baignoire et m'agrippe pour me hisser jusqu'à la petite lucarne. Je passe juste, mais c'est bon, et en quelques secondes je me retrouve sur le rebord de la fenêtre qui surplombe le jardin. Ma posture est plus qu'inconfortable car l'encadrure de la fenêtre n'est ni très large ni très haute. Mais accroupie et pliée en deux, je tiens dans cet espace restreint. Je frissonne. L'air est glacé. Les gouttes de pluie viennent me gifler froidement avant de poursuivre leur chute vertigineuse vers le sol.  

 

 

«Mieux vaut éviter de glisser » pensé-je en risquant un regard vers le bas.  

 

 

La sensation de vide me happe violemment. Je n'ai pas le vertige mais mon équilibre est vraiment précaire, et la pluie qui rebondit sur moi avant de disparaître dans la pénombre accentue cette sensation d'attraction. La tête commence à me tourner ; je fixe donc immédiatement mon attention sur le balcon, qui se trouve à environ un mètre ou deux sur le côté. A en juger de ce que j'ai perçu de la configuration de l'appartement, c'est celui qui donne sur le bureau. Pour l'atteindre je vais devoir sauter, mais aucun élan n'est possible en partant de ma position. Il n'y a pourtant pas d'autre solution. Je me concentre sur la rambarde, chasse toute idée d’échec de ma tête, et d'une détente douloureuse je bondis vers l'avant. Je sens à peine que mon corps traverse l'espace, ne pensant qu'à cette barrière que je dois atteindre, jusqu'à ce qu'un léger choc sous mon pied m'indique que j'ai atteint mon but. J'ai réussi ! D'un dernier saut, j'atterris sur le balcon et me colle aussitôt contre le mur, pour vérifier d'un rapide coup d'œil que je suis bien seule. La pièce est vide.  

 

 

Je passe la baie vitrée et me dirige rapidement vers le bureau. J'avise la pile de dossiers et prends celui qui est encore sur le plan de travail - le dernier à avoir été consulté sûrement – et le feuillette rapidement. Des photos d'hommes... Qui sont-ils ? Cela pourra peut-être servir par la suite, alors je prends quelques photos avec mon téléphone.  

 

 

Un autre dossier, encore un autre, je les passe tous en revue en prenant le plus de précautions possible. J'essaie de rester calme pour analyser et choisir quels documents peuvent être utiles à l'enquête tout en restant à l'écoute de ce qui se passe dans l'appartement. Mon cœur ne me facilite pas la tâche en battant à tout rompre ; la nervosité me gagne. Pour couronner le tout, je suis trempée, et des gouttes tombent un peu partout autour de moi comme autant de preuves de ma présence.  

 

 

Soudain, dans mes mains, une feuille. C'est ça ! Je sais immédiatement que c'est ce que je cherche : des dates, des noms d'hommes influents, des sociétés et des adresses. Et surtout cette date, entourée de rouge, qui semble ensuite avoir été barrée rageusement. Celle d'hier soir. Je reconnais aussi les noms des deux hommes dont Saeko m'avait parlé et l'adresse de l'immeuble où elle vous attendait. La fameuse réunion que vous deviez sécuriser !  

 

 

Sur le document, cependant, quelque chose m'intrigue. Si je crois comprendre pourquoi la date entourée a ensuite été raturée, je ne saisis pas pourquoi un seul des deux noms qui y figure est souligné, celui de Makato. Cela voudrait-il dire qu'il est plus important que l'autre dans la stratégie du clan ? Il faudra que je t'en parle, tu auras certainement la réponse. Allez, une dernière photo et je sors d'ici. Mais à l'instant précis où le soulagement me gagne, quelque chose vrille l'air et mon instinct m'intime l'ordre de quitter immédiatement la pièce.  

Je ne saurais dire pourquoi mais j'ai la certitude que ce n'est qu'une question de secondes. Je replace rapidement les dossiers dans la position où je les ai trouvés et essuie en catastrophe les gouttes qui ont coulé sur le bureau et au sol. Vite... Vite... sont les seuls mots qui me viennent à l'esprit. La sensation d'urgence est de plus en plus prenante. Encore quelques gouttes d'eau que j'éponge avec la manche de ma chemise, en reculant pour être sure de ne rien oublier... Je me sens de plus en plus oppressée et j'ai du mal à ne pas céder à la panique.  

 

 

Vite.... Encore une dernière goutte essuyée et je bondis sur la terrasse, au moment précis où s'ouvre la porte du bureau. J'ai le temps d'apercevoir la pointe d'un escarpin avant de disparaître. C'était moins une...  

 

 

« Paris » pensé-je en me collant contre la paroi glacée de l'immeuble. Voilà donc pourquoi toutes mes alarmes internes se sont déclenchées si fortement. Les rares fois où j'ai eu affaire à elle, sans la voir ni lui parler, mon corps a appris à associer son nom et son aura au mot « Danger ». Même là, alors que je sens sa présence de l'autre côté du mur, c'est une sensation aussi désagréable que la façade trempée de l'immeuble qui m'étreint. Une chose est pourtant sûre : intuition ou imprégnation, cela vient de me sauver la vie.  

 

 

********************************  

 

 

Lorsque je raccroche, je suis rassuré. Je n'avais jamais parlé avec le vieux Xiang de sa famille. Il y avait donc le risque que, pour une raison ou une autre, son fils ne veuille plus entendre parler de lui. Mais non, il m'a dit qu'il serait là le plus rapidement possible, juste le temps pour lui de sauter dans sa voiture et d'enfiler les trois heures de route qui séparent Nagoya d'ici.  

 

 

« Ça se termine pas trop mal pour lui », me dis-je en rangeant mon téléphone au fond de ma poche.  

 

 

Pendant que je parlais à son fils, je me suis éloigné de l'entrée pour me diriger vers le jardin. J'aime bien ce que ce vieux fou en a fait avec l'aide de Kazue ces dernières années. Malgré la pénombre, je connais et reconnais par cœur le chemin. Je longe la petite haie taillée qui borde la mare où fleuriront les nénuphars au printemps et suis l'allée de sable fin fraîchement ratissée qui traverse la petite pelouse. Je m'arrête d'ailleurs un instant pour fouler du bout du pied les tracés réalisés dans le sable, trouvant intéressante la précision avec laquelle le jardinier les a réalisés. Plus loin, des pierres de rocaille suivent une courbe indiquant que le chemin continue sur la droite, mais je passe par-dessus et me dirige vers le petit bâtiment au fond du terrain, là où le jardinier, quel qu'il soit, range ses outils. Je veux vérifier quelque chose.  

 

 

Et l'ombre qui disparaît à mon approche me donne raison. Mais celle qui tente de fuir discrètement en profitant de la nuit a oublié à qui elle a affaire. Alors qu'elle contourne la petite cabane pour se cacher derrière, j'en fais rapidement le tour et l'attrape, la ceinturant d'une main et la bâillonnant de l'autre, pour l'empêcher de crier de surprise. Deux secondes plus tard nous sommes tous les deux à l'intérieur et lorsque je la pose au sol pour éclairer la pièce, elle ne tente même plus de fuir, reconnaissant par là qu'elle a perdu la partie.  

 

 

-Bonjour Kazue, comment vas-tu ? dis-je simplement à la jolie infirmière qui me fait face.  

 

 

-Comment tu as su ? me questionne-t-elle en guise de réponse, les bras croisés et une moue boudeuse sur le visage.  

 

 

-Tu as ratissé l'allée de sable, rien de mieux pour réfléchir calmement. Et je sais que le vieux pervers se sert de cette cabane de jardin pour venir faire une pause coquine avec ses magazines quand tout le monde le croit occupé dans son bureau. Je sais donc qu'elle est très bien aménagée, dis-je en désignant le petit canapé, le frigidaire et le poêle qui font de cet abri de fortune une cachette très confortable. Mais ce ne sont que de très minces indices, et Mick n'est pas resté ici assez longtemps pour découvrir à quoi cet endroit servait. Tu as donc un peu de temps devant toi avant qu'il ne découvre ta présence. Mais il est persévérant et il finira par le savoir. Tu devrais lui parler peut-être non ?  

 

 

-Pourquoi faire ? soupire-t-elle doucement en venant s'asseoir devant la petite table en fer forgé qui agrémente aussi la pièce et en se cachant la tête dans les bras... A quoi bon ? J'en ai assez de parler, assez d'entendre des mensonges et d'essayer de les croire en sachant qu'il ne rêve que d'elle. Je n'en peux plus.  

 

 

-Kazue, je ne suis vraiment pas le mieux placé pour te parler des relations amoureuses, rien que le début de cette conversation me donne des sueurs froides... Regarde, dis-je en lui montrant les gouttelettes glacées qui me coulent sur la tempe pour confirmer mes dires... Mais quelque chose me dit que si tu avais vraiment voulu qu'il ne te trouve pas, tu ne serais pas venue ici...  

 

 

-Et alors ? Même si je ne suis pas assez forte pour prendre le large tout de suite ça ne veut pas dire que j'ai tort.  

 

 

Un silence... long silence... Je ne sais que dire. Elle a de nouveau posé la tête dans ses bras et mes sueurs froides redoublent d'intensité. Normalement c'est toi qui gères ce genre de choses Kao, moi j'agis, je dis et fais des âneries pour détourner l'attention. Mais là sa tristesse est tellement palpable que j'en perds toute inspiration. Mick est vraiment un con. Et moi aussi, me dis-je en venant poser la main sur sa tête pour tenter de lui proposer l'apaisement d'un ami.  

 

 

-Pardon Kazue... est la seule phrase qui me vienne à l'esprit à ce moment-là. Elle lui est destinée mais elle te l'est à toi aussi. A toi surtout... Pardon Kaori pour toutes ces fois où j'ai dû te laisser dans cet état-là, pardon pour ces espoirs déçus, cette tristesse que j'ai laissé grandir en toi. Pardon d'avoir compris trop tard...  

 

 

-Pourquoi Ryo...  

 

 

Le son de sa voix est étouffé à cause de sa posture, et je ne suis pas certain d'avoir bien entendu. Mais la seconde d'après elle est debout devant moi et lorsqu'elle me martèle le torse de ses poings, je n'ai plus aucun doute sur sa question.  

 

 

-Pourquoi hein ? s'énerve-t-elle, pourquoi est-ce que nous passons toujours pour des idiotes à vous aimer ainsi sans retour ?!  

 

 

Je la laisse se défouler un peu contre moi. Ses poings sont indolores, et elle est tellement malheureuse qu'il y a peu de chances qu'elle utilise une massue ou toute autre arme que tu lui aurais appris à manipuler. Mais ce ne serait pas plus douloureux. Ce qui l'est, ce sont ses sanglots qui ponctuent ses coups. Dans le silence de la pièce on les entend pourtant à peine. Mais je sais qu'ils sont là. Et eux m'atteignent. Ils me font mal et me rappellent ces larmes que tu as souvent versées par ma faute. Alors j'accueille celles de Kazue, je lui permets de déverser sa peine quelque part. Ce sera ma façon à moi de réparer une partie du mal que j'ai pu te faire Kaori.  

 

Doucement, les coups et les sanglots s'atténuent, puis s'arrêtent, tandis que Kazue reste immobile contre moi, le front collé contre ma veste, les poings toujours serrés.  

 

 

-C'est pas juste... Non, c'est pas juste...  

 

 

Ses bras retombent le long de son corps puis elle s'éloigne et se poste à la fenêtre sans pour autant regarder dehors. J'attends. J'ai le sentiment qu'elle n'a pas fini de parler.  

 

 

-Sais-tu Ryo que quand une femme amoureuse s'offre à l'homme qu'elle aime c'est une sorte de piège qui se referme sur elle ?  

 

 

Sa question m'interpelle. Je me sens stupide de ne pas comprendre et pourtant je suis plutôt spécialiste en la matière ! En même temps, c'est très étrange de parler de sexe avec quelqu'un d'autre que Mick... ou Umi quand on voulait le faire tomber dans les pommes...  

J'enfonce les mains dans mes poches et m'adosse au mur, sans quitter des yeux son regard qui se reflète dans la vitre. Je me sens comme envoûté. Elle a retrouvé ce ton hypnotique qu'elle avait cet après-midi au Cat's, cette voix qui vous happe et vous entraîne dans une bulle, sa bulle.  

 

 

-Quand une femme fait l'amour, quand elle touche son amant, le caresse, son cerveau sécrète de l’ocytocine, qui est aussi appelée « hormone de l'attachement ». Et si en plus elle est amoureuse, alors c'est terminé, la voilà irrémédiablement condamnée à l'aimer et à vouloir rester à ses côtés. Ça fonctionne aussi chez les hommes, c'est cette hormone qui participe à cimenter le couple... Encore faut-il que les deux partenaires soient amoureux, soupire-t-elle douloureusement en fermant les yeux.  

 

 

Le silence s'installe. J'enfonce plus encore mes mains au fond des poches, mon index partant instinctivement à la rencontre de ce qu'il sait y trouver. Je continue de fixer Kazue. la devinant en train de lutter pour reprendre le contrôle de ses émotions. Puis elle reprend, s'adressant cette fois réellement à moi :  

 

 

-C'est sûrement pour ça que je suis encore ici. M'éloigner de lui c'est un peu comme si je devais m'arracher les tripes. Et puis va savoir, tu as sûrement raison, j'y crois peut-être encore un peu... Que veux-tu, les femmes sont parfois stupidement romantiques ! conclut-elle d'un rire sarcastique, qui fissure l'enchantement dans lequel elle avait plongé la pièce.  

 

 

-Les hommes peuvent aussi l'être parfois, constaté-je, avant de soudain prendre conscience que j'ai parlé à voix haute. Une goutte perle sur ma tempe. Pourvu qu'elle n'ait rien entendu...  

 

 

Kazue se retourne dans ma direction, l'œil narquois. Elle a entendu... Et merde...  

 

 

-Toi ? Romantique ? ricane-t-elle, le grand Ryo Saeba romantique ? Oh, je voudrais bien voir ça ! Une preuve, donne-moi une seule preuve Ryo, et je pourrais croire que tout est possible en ce bas monde !  

 

 

En l'entendant me mettre ainsi au défi, mes doigts se referment par réflexe et je garde le poing serré, caché dans ma poche . Bon sang, qu'est ce qui m'a pris ??? Je n'ai aucune envie de lui montrer ça, je ne veux le partager avec personne. Je ne pouvais pas me taire ?!  

 

Mais les yeux inquisiteurs de Kazue ne me lâchent pas. Elle ne rit plus, elle a perçu le mouvement de ma main et son regard interrogateur fixe intensément ma poche avant de se reporter sur moi :  

 

 

-Une preuve Ryo...  

 

 

Non. Hors de question ! J'ai très envie de sortir n'importe quelle idiotie graveleuse, de quitter cette foutue pièce en courant et de les laisser se débrouiller entre eux. Mais dans les yeux de Kazue brille une étrange lueur. Elle ne m'a toujours pas lâché du regard et j'y lis comme une prière. Elle a sincèrement besoin qu'on lui donne une raison d'espérer, même infime. Et merde ! Je suis pris au piège, impossible de résister à ce regard. Je ne peux pas résoudre leurs problèmes, mais je peux au moins faire ça pour elle.  

 

 

Alors je sors la main de la poche et la tends vers elle, découvrant dans ma paume ouverte ce que j''y garde depuis cinq mois déjà..  

 

 

-Des boutons ? s'étonne-t-elle en découvrant les deux petits disques blancs dans ma paume. Ses yeux écarquillés font des aller-retours entre mon regard et ma main. Mais qu'est-ce que c'est ?  

 

 

-Ta preuve, réponds-je évasivement, sans m'attarder sur l'explication.  

 

Ce que représentent ces deux vestiges de ta dernière nuit à l'appartement n'appartient à personne d'autre qu'à moi. C'est la seule chose qui restait de toi, Kaori, quand je suis redescendu ce matin-là, oubliés par terre après qu'ils aient été arrachés de ta chemise pendant nos ébats. Je les avais ramassés et mis machinalement dans ma poche. J'appréciais leur contact. En caresser la surface lisse ou les faire rouler entre mes doigts me procurait un certain apaisement quand je montais fumer sur le toit. Ce ne sont que deux boutons, j'aurais pu les jeter, mais je les ai laissés là, au fond de ma poche, et je prends conscience en les montrant à Kazue à quel point j'y tiens... Stupidement romantique... voilà le terme qui définit parfaitement tout ça.  

 

 

Kazue s'apprête à insister quand elle est interrompue par la sonnerie de mon téléphone. Vu l'heure, il ne peut s'agir que d'une mauvaise nouvelle, alors je lève la main pour la couper et attrape mon portable. Effectivement, la voix de Miki ne laisse rien présager de bon :  

 

 

-Ryo, c'est Kaori, elle n'est plus dans sa chambre !  

 

 

-Comment ça plus dans sa chambre ? Elle a été enlevée ?  

 

 

-Non je ne crois pas. Il n'y a pas de trace de lutte et elle a pris son sac. Je crois qu'elle est sortie, mais par la porte-fenêtre de sa chambre.  

 

 

-Une idée de l'endroit où elle aurait pu aller ?  

 

 

-On a parlé de son Tybault-Paris-Plouc ce soir, et ensuite elle a effacé le miroir comme si elle était énervée.  

 

 

-Le miroir ? Quel miroir ? Je ne comprends rien à ce que tu racontes Miki! Mais pourquoi vous êtes si compliquées les filles ? Écoute je vais chez Tybault, Umi et toi allez voir sur la tombe de Hide, on ne sait jamais, et il faudra aussi aller faire un tour du côté des indics au cas où elle aurait quand même été enlevée. On va la retrouver, ne t'inquiète pas, dis-je en raccrochant, le regard dans celui de Kazue, qui n'a pas perdu une miette de la conversation.  

 

 

-Kazue... Est-ce que je peux...  

 

 

-Oui, vas-y Ryo, je vais prévenir Mick.  

 

 

-Ça va aller ?  

 

 

-Ne t'inquiète pas, je vais mettre tout ça de côté le temps que tu la retrouves. Et ne perds pas ces boutons, je compte bien que tu m'expliques !! me crie-t-elle tandis que je m'éloigne en courant pour rejoindre la cour, où je saute dans la Mini et démarre en trombe, laissant loin derrière moi la silhouette de Mick qui est sorti, alerté par le bruit. Les rues sont désertes à cette heure-ci, et j'arrive rapidement au pied de l'immeuble où tu te trouves peut-être. Je sais exactement où il habite pour avoir déjà fait plus d'une fois des tours de repérage. Je sais que si je veux grimper jusque chez lui, il faut que j'escalade la série de balcons qui se trouve sur le côté de l'immeuble. Je m'y dirige aussitôt en courant.  

 

 

 

 

 

*********************************  

 

 

 

Allez, il faut que je regagne la salle de bain... Silencieusement, je me remets en position sur la rambarde, prête à sauter. Mais à l'instant de prendre mon élan, j'entends soudain la voix de Paris et tous mes muscles se glacent en l'entendant interpeller son frère:  

 

 

-Tybault, plus j'y pense et plus je me dis qu'il faut que ce soit fait aujourd'hui. Je ne veux pas que nous perdions notre crédibilité. Nous avons envoyé cette lettre, la menace doit être mise à exécution. Tu n'as pas le choix, ce sera ce soir ! Tu m'entends Tybault ? Et sors de cette fichue douche !!  

 

 

Voilà, si j'avais encore un doute, il est levé maintenant. Tous les deux sont donc ces tueurs recherchés par toutes les polices. Ces assassins qui menacent des hommes influents et descendent ceux qui refusent de plier. Et Tybault s'est foutu de moi. Prendre conscience de cette réalité est une chose, l'accepter en est une autre. J'en ai un haut le cœur. Cela a pour avantage de me réveiller de cette espèce de stupeur hébétée qui m'a saisie en entendant Paris parler. Allez, je sors de là d'abord, je réfléchirai à tout ça ensuite. D'un bond je m'élance... Et à l'instant précis où mon appui se dérobe sous mon pied je sais que j'ai raté mon saut. De l'humidité sur la rambarde ? Trop de précipitation à cause de la panique ? Le choc ? Peu importe : je n'atteindrai pas mon but. Dans un effort désespéré, je tends quand même les bras au maximum et projette mon esprit vers le rebord de la lucarne ; je DOIS l'atteindre. Mais avant même que mes doigts ne glissent sur la façade je sais que c'est peine perdue. Le vide et la pluie m'agrippent et m'emplissent toute entière pour me tirer vers le bas.  

 

 

«Non ! ». Ce cri meurt dans ma bouche restée grande ouverte. Impossible de crier, je suis totalement tétanisée. Incapable du moindre mouvement, de la moindre pensée. A part une. Je tombe. Alors comment expliquer que mon corps retrouve brusquement toute sa mobilité à l'instant où ce câble noir surgit de nulle part devant mes yeux ? L'instinct de survie ? Sûrement car mon bras se tend tel un ressort, ma main s'ouvre et se referme sans que mon cerveau n'en ait donné l'ordre, et je saisis fermement le filin salvateur sans comprendre comment il a pu arriver là. L'arrêt soudain de ma chute brutalise l'articulation de mon épaule et je râpe sur le crépi du mur, mais je tiens bon. Puisant dans mes réserves de volonté, je m'aide de ma main libre et de ma jambe pour me hisser jusqu'à l'appui de fenêtre, où je m'immobilise soudain en entendant le bruit d'une baie vitrée que l'on ouvre en grand. Paris... Le petit bruit sec de ses pas martelant le béton ne laisse aucune place au doute. Elle est sortie sur le balcon et se dirige par ici.  

 

 

Ne pas bouger... Nous ne sommes qu'à seulement deux mètres l'une de l'autre, moi cachée à ses yeux par l'épaisseur du mur dans le renfoncement de la fenêtre et elle sûrement accoudée à la balustrade. Ne pas bouger, surtout ne pas bouger. Comme un leitmotiv, cette phrase tourne en boucle dans ma tête. En plein jour, il est clair que je n'aurais aucune chance. Là, l'obscurité m'offre une certaine invisibilité.  

 

Les secondes s'égrènent, longues. J'ai mal. Partout. Et froid. J'ai l'impression que le temps s'étire et que cela dure depuis des heures.  

 

 

Soudain, sa voix rompt le silence auquel seule la pluie tenait compagnie, et en l'entendant se parler à elle-même, chaque parcelle de mon corps endolori se crispe un peu plus :  

 

 

-Oh oui, ce sera ce soir Tybault. Et crois-moi, hors de question que tu me poses un lapin cette fois...  

 

 

Elle a dit ça si calmement, si tranquillement ! Je ressens pourtant la menace de ses mots jusque dans ma chair. Je ferme les yeux pour disparaître un peu plus encore. Elle est si proche que je ressens son aura et j'essaie de ne pas en frémir d'horreur. Il y a tant de rage, tant d'énergie négative en elle... Ne pas bouger, ne pas bouger. Je résiste à l'envie de jeter un œil pour découvrir à quoi ressemble cette femme à la voix douce et pourtant si dangereuse, et je continue de fixer cette fichue façade et de répéter cette litanie qui représente mon seul salut. Les événements de la soirée prennent vraiment tout leur sens. C'est bien ce que je pensais : Tybault et Paris, ou plutôt le clan Futago, avaient prévu un attentat hier, mais Tybault l'a reporté quand j'ai débarqué chez lui avec mon dossier et toutes mes questions. Et c'est sûrement avec elle qu'il était au téléphone, pour la prévenir et lui imposer cette décision qui allait à l'encontre de leurs projets. Je comprends maintenant qu'elle ne se soit pas montrée et qu'elle ait demandé à Tybault de me faire partir. Elle devait être furieuse que l'opération ait été annulée à la dernière minute, à cause de moi. Je l'imagine, là, sur le balcon, à quelques encablures, serrant rageusement la rambarde à s'en blanchir les jointures, à me maudire d'être entrée dans la vie de son frère... et dans la sienne par la même occasion. Je ne donne pas cher de ma peau si elle découvre ma présence.  

 

 

Cela dure je ne sais combien de temps encore, mais j'entends finalement le bruit du panneau de la baie vitrée que l'on fait coulisser de nouveau pour le fermer. Au moment où je pousse un léger soupir de soulagement, je prends conscience que j'ai retenu mon souffle pendant toute la durée de sa présence. J'en tremble. Entre le temps où j'ai quitté la salle de bain et maintenant, il n'a pas dû se passer plus de quinze minutes. « Mais je ne suis pas prête de les oublier » pensé-je en me glissant dans l'interstice de la lucarne pour réintégrer la salle de bain.  

 

 

Première étape franchie. Il me faut encore quitter l'appartement. Je ne sais pas encore comment je vais m'y prendre, mais il faut déjà donner le change jusqu'au bout. Je passe la tête sous l'eau chaude de la douche pendant quelques secondes, me sèche à peine et me change illico en enfilant la robe que m'a laissée Tybault. Pas le temps de m'attarder sur la sensation agréable que le tissu délicat laisse sur ma peau. Il faut que je réussisse à filer d'ici sans tomber sur Paris, car quelque chose me dit qu'en plus de ma responsabilité dans le report de l'opération prévue hier soir, elle n'appréciera pas forcément de me voir porter une de ses tenues. Je récupère mes affaires, les enfourne dans mon sac et m'apprête à sortir.  

 

 

La main sur la poignée, j'inspire profondément et l'abaisse le plus doucement possible pour essayer d'ouvrir la porte sans être vue. Mais celle-ci s'ouvre soudain brusquement et Tybault, qui devait attendre derrière la porte ce signal, m'attrape par le poignet pour m'entraîner à sa suite, m'intimant d'un doigt sur la bouche de rester silencieuse.  

 

 

Quelques secondes de marche rapide plus tard, nous nous retrouvons dans le couloir, mais il ne me lâche qu'après avoir appuyé sur le bouton de l'ascenseur.  

 

 

-Ne me pose aucune question, ordonne-t-il enfin sans me regarder.  

 

Sa demande me soulage presque. Je n'ai plus la force d'essayer de mentir ou de faire celle qui ne sait pas. Je veux juste partir d'ici le plus vite possible. Mais... Même si je sais maintenant que cet homme est bien un meurtrier et que je veux tout faire pour qu'il finisse en prison, j'ai peur pour lui. Je crains que personne ne soit à l'abri de la colère de Paris, pas même lui. Je ne peux pas l'aimer mais je refuse qu'il lui arrive quoi que ce soit.  

 

C'est pourquoi, au moment où la porte de l'ascenseur s'ouvre, je ne peux m'empêcher d'attraper son bras.  

 

 

-Fais attention à toi Tybault !  

 

 

Ce regard qu'il pose alors sur moi.... Ces yeux bleu nuit encore un peu plus sombres que d'habitude... Ce visage contrarié... Une décharge électrique me traverse. Je ne sais pas comment, mais j'ai la certitude qu'il sait où j'étais et pourquoi... Mais c'est impossible. Comment saurait-il que je me trouvais dans le bureau ? Et s'il savait, pourquoi m'aurait-il aidée à sortir de chez lui ? Je crois que ma main tremble sur son poignet. Il me la prend doucement et y dépose un baiser avant de me répondre :  

 

 

-Merci ma petite reine...  

 

 

Puis il coupe court à la discussion en m'accompagnant du geste vers l'intérieur de la cabine. Et lorsque je me retourne vers lui et que les portes se referment, c'est avec un sourire qu'il me dit :  

 

 

-Cette robe te va à merveille. Je l'ai fait faire spécialement pour toi.  

 

 

De nouveau seule, j'accuse le coup. Je vacille et je dois me retenir au mur pour ne pas tomber par terre. La fatigue, le froid et l'adrénaline... je n'en peux plus. Mais il faut encore que je te prévienne et que je te raconte ce que j'ai trouvé. Par réflexe, je cherche mon téléphone comme si je portais encore ma veste, et quand ma main ne rencontre que la douceur du tissu j'ai une seconde de surprise. « Ah oui, c'est vrai, la robe » me dis-je en rencontrant mon reflet dans le miroir qui orne la paroi de l'ascenseur. Effectivement, cette robe est une merveille... Les longs pans vaporeux qui la composent tombent depuis sous la poitrine jusqu'à mes pieds, et avec ses longues manches évasées et sa couleur rouge corail, elle ne dénoterait pas dans une pièce de Shakespeare. Une véritable robe de princesse... Sauf que moi je fais peur à voir dedans. « Avec mon teint livide et mes cheveux trempés, j'ai plus l'air d'un fantôme qu'autre chose » me dis-je en fouillant dans mon sac à la recherche de mon téléphone, « dès que je rentre je l'enlève ».  

 

 

Attrapant mon téléphone au fond du sac, je compose rapidement ton numéro et quitte en courant le hall et l'immeuble pour arriver dans la lumière des réverbères. La pluie a cessé, le jour commence à poindre. Lorsque la tonalité laisse place au bruit caractéristique du combiné qu'on décroche, je m'arrête au milieu du trottoir et sans attendre que tu ne parles je me lance :  

 

 

-Ryo ! C'est Kaori ! C'est urgent, il faut qu'on se voie tout de suite, j'ai des choses à te montrer ! Je sais qui est à la tête du clan Futago ! Et il faut qu'on...  

 

 

J'ai à peine le temps de sentir ta présence qu'aussitôt tu m'attrapes par derrière et m'entraînes dans l'ombre de l'immeuble, et lorsque je me retourne vers toi, c'est pour rencontrer deux éclairs qui me fusillent littéralement sur place :  

 

 

-Je peux savoir à quoi tu jouais là-haut ?  

 

 

La seconde suivante, sans même me laisser le temps de répondre ni de comprendre, tu m'attires brusquement par l'épaule et je me retrouve projetée contre toi, le cuir tiède de ton holster réchauffant ma joue. 

 


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