Hojo Fan City

 

 

 

Data File

Rated R - Prose

 

Author: nodino

Beta-reader(s): Amelds

Status: Completed

Series: City Hunter

 

Total: 22 chapters

Published: 17-02-10

Last update: 17-11-18

 

Comments: 139 reviews

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RomanceDrame

 

Summary: Une nuit, tout bascule et la rupture devient inévitable... L'amour aussi... Mais jusqu'où peut on aimer quand on est City Hunter ?

 

Disclaimer: Les personnages de "Ain't no sunshine." sont la propriété exclusive de Tsukasa Hojo.

 

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   Fanfiction :: Ain't no sunshine.

 

Chapter 19 :: A la croisée des chemins ... Course contre la montre.

Published: 28-09-16 - Last update: 08-09-18

Comments: Bonjour à tous. Je vais doucement, je sais bien, mais je continue d'avancer mon histoire. J'ai beaucoup aimé écrire ce chapitre, bien que l'action ne me facilite pas les choses, là j'ai trouvé ça plus facile. Bon c'est pas de la grande action non plus mais ça bouge plus que d'habitude lol. J'espère que ça vous plaira. Il manquera des précisions sur la fin, mais vous saurez tout au prochain chapitre. Je vous souhaite une bonne lecture et vous dis à bientôt.

 


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… J'ai mal... Si mal...  

… Je dois ouvrir les yeux...  

… Mais c'est dur...  

… Je suis si fatiguée...  

 

Doucement, l'engourdissement qui habite chaque membre de mon corps commence à s'estomper. Trop doucement. Ou trop vite... Oh j'ai mal au crâne, j'ai mal partout ! Au fur et à mesure que la torpeur s'efface, mon cerveau prend conscience de cette douleur qui remplace la brume. Les questions affluent. Où suis-je ? Que s'est-il passé ? J'essaie de rassembler mes souvenirs mais c'est trop difficile, j'ai tellement envie de dormir ! Je voudrais ouvrir les paupières mais j'en suis incapable. Seule la douleur me permet de rester consciente. Je suis couchée sur le côté, les bras et les jambes sûrement entravés par des liens vu que je ne peux pas bouger. Je dois être allongée sur le sol ; je commence à en sentir le froid contre ma peau. La douleur s'immisce depuis cette sensation de froid et serpente tout le long de mon thorax. Respirer me fait mal. J'essaie de prendre une profonde inspiration mais ça me donne la nausée. Une espèce de haut le cœur provoque une onde douloureuse quand mon estomac se contracte. Le gémissement qui s'échappe de ma bouche me semble étrange, comme sorti de nulle part, comme si mes sensations se dissociaient les unes des autres. La décharge d'adrénaline libérée dans mon corps achève cependant d'effacer les dernières bribes d'inconscience ; j'ouvre les yeux. Tout est flou. J'ai la tête qui tourne.  

 

Les ombres instables qui dansent au loin gagnent petit à petit en netteté. J'ai toujours mal, mais je commence à mieux gérer ma respiration pour rendre la douleur supportable. Je plisse les yeux. Je devine... une table, une fenêtre. Derrière cette fenêtre des silhouettes passent puis disparaissent. Je les entends parler. Mais je ne comprends rien. Ils ne parlent pas japonais. Du rouge... L'une de ces silhouettes est habillée de rouge. La mémoire me revient alors brusquement, aussi violemment qu'une gifle. Les ongles rouges ! Je me revois devant le Cat's, je me souviens de l'appel de Tybault puis de l'attaque et des ongles rouges ! Ces ongles qui agrippaient le tissu imbibé de chloroforme. Paris ! C'est Paris !  

L'angoisse me gagne et j'essaie de bouger pour voir le reste de la pièce dans laquelle je me trouve. Il faut que je trouve un moyen pour me sortir de là ! Mais lorsqu'en me tortillant péniblement pour regarder vers mes pieds, je découvre cette petite lumière rouge qui clignote sur ma taille, au milieu de la mousseline de ma robe, je me fige, tétanisée de surprise et de panique. Bon sang qu'est-ce que c'est que ce truc ?! Je connais pourtant la réponse, j'en ai manipulé assez avec Falcon pour reconnaître ce qui me ceinture et menace de me faire exploser. Mon cœur me semble prêt à éclater tant il bat vite et il me faut un long moment avant de rassembler mes pensées qui ne sont focalisées que sur cette petite ampoule clignotante. Une fois la stupeur passée, mon cerveau se remet à tourner à mille à l'heure et je ne m'aperçois même pas que, dans la panique, j'ai réussi à dépasser la douleur et la torpeur. Seule la volonté de me sortir de ce guêpier m'anime et j'arrive même à faire abstraction de la bombe quelques secondes. Je me suis fait enlever tellement de fois - une sale manie décidément - que j'ai acquis des réflexes quasi conditionnés, et le premier de ces réflexes est de chercher autour de moi tout ce qui pourrait être utile pour me libérer, me défendre ou attaquer. Mon regard s'aiguise. J'observe de nouveau la pièce mais avec un autre œil cette fois. Et je vois la porte, la poignée sans serrure - je ne suis donc pas enfermée - je remarque que la fenêtre est cassée, ce qui explique que je les entende, et surtout, surtout, je découvre ces petits clous qui traînent sur le sol. Ça, ça peut servir, il faut que je les récupère. Et vite. Je ne sais pas combien de temps je vais rester seule avant qu'ils ne s'aperçoivent que je suis consciente.  

 

Je commence à ramper dans la direction des clous tout en surveillant vers la fenêtre qu'aucune silhouette n'y réapparaît. Mais c'est compliqué. Entravée dans mes mouvements par les liens, je dois en plus batailler avec la longueur de la robe, dans laquelle je m'empêtre les jambes. Fichue robe, fichue bombe, fichue journée !  

 

-Mais qu'est-ce qu'il fait ! Ça fait déjà une demi-heure qu'il aurait dû appeler.  

 

Je m'immobilise en reconnaissant la voix. Haut perchée, tranchante et froide comme la lame d'un couteau. C'est elle qui parle. J'ai beau savoir qu'elle est de l'autre côté du mur, l'entendre est aussi glaçant qu'une mauvaise douche froide. Comme lorsque j'étais coincée sur la fenêtre de la salle de bain à l'écouter sur le balcon, sa voix me tétanise. Je pensais qu'il n'y avait rien de pire que d'être attachée avec une bombe autour de la taille, mais je me trompais. Le pire c'est que c'est Paris qui est à l'origine de tout ça et que pour une raison qui m'échappe, elle tient absolument à me mêler à ses affaires. Crispée et les nerfs en pelote, je tends quand même l'oreille. Peut-être lâchera-t-elle des bribes d'information qui m'indiqueront ce que je fais là ou ce qu'elle attend de si important.  

 

-C'est bon, j'en ai marre ! Je l'appelle !  

 

L'agacement et l'impatience qui percent dans sa voix m'ouvrent une plage de sécurité. Puisque ce coup de téléphone la préoccupe tant, j'ai une chance de pouvoir traverser la pièce sans que personne ne s'en rende compte.  

 

-Alors ? lance-t-elle sans plus de préambule à son interlocuteur quand il décroche.  

 

Reportant mon attention sur les clous, je me concentre sur cet objectif. Paris se contentant d'onomatopée pour toute conversation, les récupérer me semble plus urgent pour l'instant. Je sais comment m'en servir pour déchirer les fibres de mes liens et, si j'ai de la chance, détruire ou désamorcer la bombe - ça je verrai plus tard. Je reprends ma pénible progression sur le sol froid. Les liens me font mal, ils sont bien serrés et cisaillent ma peau, mais je serre les dents. J'avance de quelques centimètres, me tortille ensuite pour libérer mes pieds du nœud de mousseline dans lequel ils s'emmêlent et recommence. Mais je me fige une fois encore en entendant le rire qui éclate soudain dans la pièce d'à côté. Il est presque hystérique et emplit tout l'espace, aussi tactile et glacial que cette aura qui m'engloutit et me coupe le souffle. L'aura de Paris. Je la reconnaîtrais entre mille. Il n'y a qu'elle pour dégager une telle énergie négative et là, elle dégouline en cascade au rythme de son rire. L'entendre est tellement effrayant que je sens monter le long de mon échine un frisson désagréable et une sueur froide recouvrir ma peau. Je sens qu'il se passe quelque chose d'important à côté, ils s'agitent, une chaise racle le sol. Pourvu qu'ils ne viennent pas par ici. Mon angoisse se transforme en sursaut quand j'entends soudain claquer la porte de leur bureau et s'éloigner le claquement de ses talons. Elle est partie... Je ne suis sûrement pas seule dans ce qui me semble être un hangar, mais la savoir loin de moi me rassure et je retrouve un rythme cardiaque presque régulier, compte tenu de ma situation un poil critique.  

Relevant la tête, je souffle pour me redonner du courage et je me concentre sur la première étape pour me sortir d'ici.  

 

-Allez, vas-y Kaori, tu es City Hunter, ce n'est pas une petite bombe qui va te faire peur ! Tu dois récupérer ces satanés clous !  

 

 

***********  

 

Alors que la vibration du téléphone m'indique que Falcon a peut-être enfin trouvé la solution à mon problème, je claque la porte de la Mini et me dirige en courant vers l'entrepôt dont Tybault m'a donné l'adresse. Les sens aux aguets, je me faufile soudain dans un renfoncement quand je reconnais cette aura particulière, qui me percute au moment où je vais tourner au coin d'un bâtiment. Je laisse passer la berline que j'ai poursuivie ce matin, suivant du regard le profil de Paris, puis la silhouette de la voiture jusqu'à ce qu'elle disparaisse de la zone d'activité portuaire. Je ne veux pas prendre le risque qu'elle fasse demi-tour et me tombe dessus alors qu'elle a le détonateur sur elle.  

Espérons que Falcon ait trouvé quelque chose d'intéressant. Attrapant mon téléphone, je découvre alors son message et je fronce les sourcils.  

 

« Aucune possibilité de déconnecter la bombe si tu n'as pas le code. Si tu l'enlèves, elle explose. Si le détonateur est enclenché, tu as 10 secondes pour couper le fil qui relie la boucle d'ouverture à l'explosif. Donc une infime chance de pouvoir l'enlever à ce moment-là. Après elle explose. Mick est au bloc. Doc pessimiste. Désolé de ne pas avoir de meilleures nouvelles.»  

 

Foutue journée.  

 

Reste encore à éviter qu'elle n'empire.  

 

Fixant mon attention sur l'entrepôt, j'attrape mon magnum et me dirige résolument vers la porte de service. Dans dix minutes grand max nous serons dehors toi et moi. Aucune bombe ne pourra empêcher ça. Cette certitude profondément ancrée en moi, j'actionne la poignée de la porte et, après un rapide coup d’œil, me faufile à l'intérieur et me glisse derrière une série de caisses de bois. L'une d'entre elles, vide et renversée, me sert de marchepied pour jeter un œil sur les lieux. Car maintenant que je suis dans la place, reste encore à te trouver.  

 

Il est facile de deviner que si tu es ici, je dois me diriger vers le fond, là où cet escalier mène aux bureaux. Là-haut, j'entrevois du mouvement derrière les vitres : les hommes de main de Paris. Elle ne doit pas s'attendre à ce que son frère tente de te libérer, vu sa situation, et l'un de nous encore moins, donc peu de risques qu'ils soient nombreux. De plus, si le hangar est immense, l'espace pris par les containers et les caisses occulte complètement la vue à qui voudrait me chercher. C'est une autre bonne nouvelle, mes déplacements seront quasiment invisibles. Le nombre, l'effet de surprise : tous les éléments sont en ma faveur pour que cette opération se déroule vite et bien.  

 

Je saute au bas de la caisse et découvre une bonne vingtaine de mégots écrasés à côté de ma semelle. C'est sûrement l'endroit où ils font leur pause cigarette. Il vaut mieux ne pas m'attarder ici. La crosse du magnum bien calée dans la paume, je m'élance de derrière mon premier poste d'observation pour aller m'adosser à un second. Pour l'instant tout se passe avec une facilité déconcertante ! Mais ce n'est pas le moment de baisser ma garde et de prendre le risque de me faire surprendre en étant trop sûr de moi. Si ses hommes ont le moindre doute sur ma présence, ils appelleront Paris pour la prévenir. Je dois trouver comment grimper là-haut et me débarrasser d'eux sans faire la moindre erreur. Alors que je suis en train de préparer mentalement le chemin qui va me mener au bas des escaliers de métal, je prends conscience que quelque chose ne colle pas dans cet entrepôt. Il y fait chaud. Trop chaud pour un mois de février. A l'extérieur, le froid glacial de ce milieu de matinée m'arrachait des nuages de buée à chaque expiration. Là, la chaleur rend l'humidité exacerbée de l'air terriblement difficile à respirer. Je sens le tissu de mon t-shirt commencer à me coller à la peau. Que se passe-t-il ici ?  

 

Dans mon dos, le bois de la caisse est chaud. J'avise une fissure dans le bois et y jette un œil. Des formes sombres. Des corps ! Ma découverte me déstabilise une seconde et je reporte mon attention sur les containers et autres caisses qui m'entourent. Renferment-ils la même chose ? Bon sang ces Futago ne cesseront jamais de me surprendre. Affinant ma vision, je replonge mon regard dans la caisse pour essayer d'en déterminer plus précisément le contenu. Les formes bougent. C'est déjà ça, c'est encore vivant. A l'odeur j'en déduis que c'est animal. Endormi, sûrement, pour plus de sécurité. Je n'en ai pas la preuve encore, mais ma main à couper qu'il s'agit de trafic d'animaux. Exotiques sûrement vu l'humidité ambiante. Un trafic, une vendetta, décidément ils ont toutes les qualités ces deux-là...  

 

Reportant mon attention vers les bureaux en hauteur, mon regard se pose sur le long circuit de la tuyauterie, qui alimente les buses libérant la vapeur d'eau chaude depuis le plafond. L'idée dont j'avais besoin pour pouvoir me débarrasser de tous ces malfrats sans risquer de me faire découvrir germe aussitôt.  

 

Deux secondes plus tard, j'ai déjà vissé le silencieux du 357 sur le canon et je vise la manette en métal qui permet de gérer la fonction des buses. Dans un léger bruit mat, la balle ricoche dessus et la relève, la mettant en position anti-incendie. Bien. Première étape. Passons à la suivante. Après avoir ramassé quelques brins de paille à côté des caisses, je reviens rapidement là où traînaient les mégots de cigarettes. Sortant mon briquet de ma poche, j'en approche la flamme des brins de paille et les regarde s'enflammer instantanément. Pendant qu'ils se consument au bout de mes doigts, je les dépose sur des éclats de bois. Il faut que je souffle un peu dessus pour que la combustion prenne mais quelques braises finissent par naître, d'abord hésitantes puis rougeoyantes, avant qu'une première flammèche ne se décide à apparaître. Je souris de contentement. Bien, cela va dans le sens de mon plan. Du bout du pied, j'approche de la caisse vide les éclats enflammés et me recule rapidement pour regarder le feu prendre. Un sourire de satisfaction me vient quand les premières flammes lèchent les lattes de bois avant de se propager sur le côté de la caisse, et je suis du regard l'épaisse fumée qui commence à monter vers le plafond. Je me faufile un peu plus loin et attends ce qui va lancer l'étape suivante.  

 

Je n'ai pas à patienter longtemps. Deux petites minutes plus tard, la stridente sonnerie d'alarme retentit dans le hangar tandis que le dispositif incendie se déclenche et que les buses libèrent l'eau depuis le plafond. Aucun risque que les caisses avec les animaux ne prennent feu. Lorsque les sbires de Paris sortent de leur bureau, alertés par la sirène, ils sont totalement désorientés. Entre l'urgence de comprendre d'où vient l'incendie et l'eau qui leur tombe dessus, ils ne font absolument pas attention à moi. Tandis qu'ils courent vers le fond du hangar pour éteindre le dispositif et vers la caisse qui finit de s'éteindre, moi je profite du champ laissé libre pour courir jusqu'à l'escalier et le grimper quatre à quatre. En bas, j'entends les premiers éclats de voix de ceux qui découvrent les mégots « coupables » d'avoir déclenché le feu. Ils s'invectivent les uns les autres, s'accusant mutuellement d'avoir mal éteint leurs cigarettes. Très bien, qu'ils continuent de se concentrer sur les causes de l'incendie, c'est tout à mon avantage...  

 

Cependant, lorsque j'ouvre la porte, je m'aperçois que j'ai été trop optimiste. Un homme se trouve face à moi. Mais, heureusement, il est aussi surpris que moi et reste immobile, les yeux exorbités de surprise, tandis que, reprenant rapidement mes esprits, j'appose mes mains à plat sur la table et bondis par-dessus pour lui retourner un méchant coup de pied qui l'atteint en pleine figure et le sèche sur place, l'envoyant valser contre le mur. Tandis qu'il glisse, évanoui, sur le sol, je me précipite vers la porte du fond avec une seule idée en tête :  

 

-J'arrive Kao...  

 

Ma phrase se mue en cri de rage quand je pénètre dans la pièce... vide.  

 

 

**************  

 

La sirène qui hurle au loin déclenche un branle-bas de combat dans la pièce voisine. J'entends la porte s'ouvrir puis se fermer avec violence et des bruits de pas précipités résonner sur les escaliers de métal. Puis plus rien.... Serais-je seule ? Vu le silence qui règne dans la pièce, ça a l'air d'être le cas. Je n'y crois pas ! C'est ma chance. Allez ! Grâce à un regain d'énergie, j'avance mieux et plus vite sur le sol, malgré la robe et mes jambes attachées. Quelques minutes d'efforts plus tard, j'ai enfin atteint mon but et je dois me retenir de crier de joie quand je sens enfin le métal froid des clous dans ma paume.  

 

Mais ce n'est pas gagné pour autant. Mes mains sont attachées dans le dos et je n'arrive à les tenir que du bout des doigts. J'ai du mal à les manipuler et je dois les récupérer plus d'une fois par terre. Mais je n'abandonne pas. Ils sont ma clé de sortie. Je me rappelle les leçons que tu m'as données sur les façons de se libérer des liens. J'entends encore ta voix, docte et sérieuse : « Soit tu arrives à maintenir un espace entre tes mains quand on te ligote et les liens seront suffisamment lâches pour que tu puisses te libérer, soit tu trouves n'importe quoi qui pourrait cisailler et déchirer les fibres de la corde. Viens, tu vas t'entraîner dans la salle de sport. Et arrête de ronchonner Kaori, vu le nombre de fois où tu te fais kidnapper, il faut que tu apprennes à te libérer sans mon aide ! Et ne me regarde pas comme ça, tu me fais peur !» Je t'avais maudit lors de ces exercices, parce que tu étais dur et exigeant comme entraîneur et que tu ne lâchais rien, me faisant recommencer encore et encore, parfois pendant des heures, mais je savais que tu avais raison - à propos des enlèvements et du fait que je devais pouvoir me débrouiller seule. Alors j'avais persévéré. Je te le faisais payer ensuite lors de nos autres disputes mais, massue après massue, baffe après baffe, j'avais été au bout de cet apprentissage.  

 

Et aujourd'hui, tandis que je sens les fibres de la corde se déchirer les unes après les autres, je ne peux que te remercier de tout ce temps passé à m'enseigner l'art de filer en douce. J'ai l'impression que je vais me démettre l'épaule, la corde brûle la peau de mes poignets et la douleur sur le côté à chaque inspiration ne veut pas me lâcher, mais je continue de les cisailler le plus rapidement possible.  

 

Lorsque enfin la corde cède, je suis complètement en sueur, mais l'idée que tu serais fier de moi m'arrache un sourire. Je me dépêche de défaire les liens qui entravent mes jambes. Bon sang que j'ai mal à la tête et aux côtes ! Les grands mouvements que je suis obligée de faire pour atteindre mes pieds en étant couchée ravivent les douleurs de mon corps, mais je retiens mes gémissements car je n'ai aucune certitude d'être seule ici et je ne veux pas me faire prendre après tous ces efforts. Pendant que je me détache, mon regard tombe sur la bombe et sa petite lumière qui clignote tranquillement. Rien qu'à la regarder s'allumer et s'éteindre régulièrement mon cœur, lui, s'affole.  

J'ai souvent étudié les explosifs avec Falcon. Pourtant, je ne connais pas ce dispositif et je ne comprends pas comment tout est relié. Et ces deux fils bleu et jaune qui me narguent en me mettant presque au défi de les couper, tout comme cette grosse boucle d'attache qui m'indique bien trop clairement que c'est là qu'il faut appuyer pour pouvoir l'enlever... Ça sent le piège. Heureusement que grâce à la patience taciturne de Falcon j'ai appris qu'il faut résister à l'envie de s'en défaire, mais la panique qui me gagne en la voyant collée à mon ventre me donne envie de m'arracher la ceinture pour la jeter au loin. Et cette sirène qui continue de hurler de l'autre côté de la rue ne m'aide pas !  

 

« Calme-toi Kaori, si tu veux pouvoir trouver une solution, il faut d'abord te calmer ».  

Je sais que je n'ai pas le temps, mais je ferme les yeux. Je t'imagine une seconde, accroupi près de moi. Je sens ton calme, ta force. L'effet est magique. Quand je rouvre les yeux, mon rythme cardiaque a retrouvé son calme et mes pensées leur sens pratique. Du coup, je réagis au quart de seconde quand je comprends qu'il y a quelqu'un à côté en entendant bouger une chaise.  

Instinctivement je récupère tous les morceaux de corde et me repousse des deux mains sur le sol pour me rejeter en arrière et me retrouver là où j'étais quand je me suis réveillée, puis je replace rapidement mes mains dans le dos tout en cachant mes chevilles détachées sous ma robe. Au travers des cils de mes paupières closes, je perçois cette silhouette qui se détache devant la fenêtre qui sépare les deux pièces. J'avais raison. Quelqu'un est resté pour me surveiller. Qu'est-ce qu'il fait ? Est-il de dos ou bien me regarde-t-il ? Est-ce qu'il m'a entendue... Ou pire, est-ce qu'il m'a vue ?  

 

Je retiens mon souffle jusqu'à ce qu'il disparaisse. Bon sang, il faut que je me dépêche de sortir d'ici !  

 

Dès que je suis certaine qu'il ne va pas réapparaître je me relève... et retombe aussitôt à genoux. La tête me tourne affreusement et cette impression qu'une lame me perce les côtes est atroce.  

« Allez, courage ! Faut mettre les voiles, c'est pas en restant ici que tu vas réussir à t'enlever cette bombe du ventre ! Allez, bouge tes fesses Kao ! » Tout en m'encourageant mentalement je prends appui sur un pied et je me relève péniblement en me retenant au mur. La pièce tourne moins. La porte est devant. Un pas après l'autre, tout en surveillant du coin de l’œil la fenêtre de service, j'avance dans sa direction. En passant près de celle qui donne sur l'extérieur , je jette un œil vers cet autre hangar d'où proviennent les hurlements de la sirène d'alarme... Qui s'arrêtent soudain. Dans le silence revenu, la main sur le mur pour garder mon l'équilibre, j'atteins enfin la porte. Mais au moment où je pourrais pousser un soupir de soulagement, mon sang se fige quand elle s'ouvre soudain en grand devant moi.  

 

-Alors Poupée, on a envie de prendre l'air ?  

 

Celui qui me fait face est un étranger, un européen sûrement, et il parle avec un fort accent. Son regard méchamment narquois me fait reculer de deux pas. Derrière moi, la table. Je la contourne rapidement pour mettre de la distance entre nous. Flûte, c'était pourtant bien parti !  

 

-Te sauve pas Poupée...  

 

Il s'amuse de la situation, je le vois. De l'autre côté de la table, les jambes et les bras bien écartés, il sautille d'un pied sur l'autre, me mettant au défi d'arriver à passer la barrière de son corps pour atteindre la porte.  

 

-Alors Poupée, à gauche, à droite ??  

 

Me retenant comme je peux , j'ignore son sarcasme. Je me concentre sur la danse que son corps effectue, attendant le moment propice où le rythme de son sautillement me permettra de le prendre au mot. Je suis même sûre qu'il va essayer de me prendre par surprise, mais c'est mal me connaître. Quand sa respiration se bloque, je comprends que c'est le bon moment. Bingo ! Il saute en glissant par-dessus la table, mais j'ai déjà anticipé son geste et me propulse sur le côté pour contourner le meuble. J'ai une chance d'atteindre la porte ! Il faut que je la saisisse ! Mais si mon esprit est alerte, mon corps, lui, me trahit et je ne peux que parcourir maladroitement quelques mètres avant de glisser sur le bas de ma robe et de sentir sa poigne m'attraper par la manche, qui se déchire sous la violence du geste.  

 

-Non mais tu crois aller où comme ça Poupée ???  

 

Mais il m'énerve à m'appeler comme ça lui ! D'un mouvement d'épaule je me libère de sa poigne et lui retourne un regard noir.  

 

-Non mais regardez-moi ce regard ! s'esclaffe-t-il en venant me bloquer de ses deux mains plaquées contre le mur derrière moi, tu veux me faire peur c'est ça ? Alors je vais t'expliquer un truc, Poupée, tu as juste bien de la chance que cette bombe te serve de ceinture parce-que, sinon, cette épaule dénudée serait le cadet de tes soucis. Et peut-être même que je peux avoir envie de prendre le risque... Ça pimenterait tout ça... J'aime ce qui est épicé...  

 

Ses yeux qui louchent sur ma gorge ne laissent aucun doute sur ce qu'il sous-entend. Manquait plus que ça : un pervers, adepte des explosifs. Bon sang, mais quelle journée pourrie ! Étonnamment, son petit sourire concupiscent, au lieu de me paniquer, éveille cette étincelle de rage que je reconnais. Elle est ma bouée de secours d'habitude, quand je suis gênée par une situation trop intime. Continue comme ça mon coco, et tu vas le regretter, si tu aimes l'épicé tu ne vas pas être déçu du voyage...  

 

-Ecoute-moi bien Poupée, reprend-il en réduisant encore un peu mon espace, je vais t'expliquer ce que tu vas faire maintenant. Tu vas gentiment retourner t'allonger là où tu étais et te laisser attacher en attendant que la patronne décide de ton sort.  

 

Il doit penser que je suis tétanisée par la gravité de ma situation et s'en amuse. Mais ce qu'il ne comprend pas c'est que plus ma situation se corse et plus je sens l'énergie affluer en moi. Un étrange cocktail de ras-le-bol, de colère noire et de malaise. Je ne sais pas d'où ça vient, mais ça me fait le plus grand bien. Je me sens plus ancrée dans le sol, la tête ne me tourne plus, j'oublie que j'ai mal... Je ne pense qu'à une chose :  

 

-Arrétez... De m'appeler... Poupée... sifflé-je entre mes dents, ce à quoi il répond par un éclat de rire.  

 

-Ah mais j'adore ! S'esclaffe-t-il, tu n'as vraiment peur de rien toi ! J'aime les femmes qui ont du répondant ! Tu veux savoir pourquoi je vais continuer de t'appeler comme je veux et pourquoi tu vas faire ce que je te dis ? Tout simplement parce qu'ici, c'est moi qui ai le flingue. Dans ma poche tu vois. Donc tu restes tranquille, parce qu'un explosif et une balle peuvent faire très mauvais ménage. Le menton collé à mon oreille, il me susurre ses menaces, profitant de sa grande taille pour prendre le dessus sur moi, tout en évitant de toucher la bombe. C'est moi qui commande, conclue-t-il avec morgue, et si je veux t'appeler Poupée alors je t'appellerai Poupée, c'est clair ?  

 

Une nouvelle étincelle s'allume aussitôt très loin en moi, pendant que j'essaie d'échapper à sa proximité. Mais il a clairement l'intention de profiter de son ascendant car s'il s'écarte un peu c'est pour mieux attraper le morceau de mousseline déchiré et le passer comme une plume sur ma gorge découverte. Quand il perçoit le frisson de dégoût qui parcourt ma peau, il reprend sa tirade. Je le laisse dire, j'ai besoin qu'il parle et j'ai de la chance, ce mec est une vraie pipelette !  

 

-Et puis, avec une telle robe sur toi, tu ressembles vraiment à une poupée, alors je trouve que ça te va bien... à moins que tu ne préfères que je ne t'appelle comme le patron ? Comment il disait déjà ? Ah oui, « Ma petite reine »... Ça ne plait d'ailleurs pas du tout à la patronne, tu sais. Et je vais te dire un truc, Poupée, la patronne, elle ne t'aime pas du tout. Et moi non plus d'ailleurs, car tu ne lui arriveras jamais à la cheville. Alors je pense qu'elle ne m'en voudra pas trop si je fais ça, m'assène-t-il, en plaquant brusquement la main sur mon sein.  

 

 

Enfin ! !! Il était temps ! C'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Tous les événements des derniers mois, le malaise avec Paris, ce surnom de « petite reine » dont Tybault m'a affublée et qui m'horripile - je m'en rends compte maintenant - la déception, la trahison, l'angoisse d'avoir perdu City Hunter à tout jamais, puis la peur et la douleur, tous ces sentiments se cristallisent soudain autour de cette main sur mon sein. Une dernière étincelle s'allume et m'embrase toute entière. Venue de je ne sais où, la rage m'inonde entièrement et me submerge avant de se projeter hors de moi et de prendre cette forme que j'attendais avec impatience. Pris par surprise, mon gardien regarde sans comprendre cette énorme masse de bois qui vient soudain d'apparaître près de lui et j'en profite pour le repousser violemment, avant d'attraper la massue à deux mains et d'effectuer une large torsion du buste pour lui fracasser violemment la tête avec, tandis que je pousse un cri de rage :  

 

-JE... VOUS AI DIT... DE NE PAS ... M'APPELER... POUPEE !!!!  

 

Sous la force de l'impact, son corps vole jusqu'à exploser la vitre et disparaît dans le bureau adjacent. Laissant alors tomber la massue avec un ultime « J't'en foutrais des poupées », je me précipite vers la porte, avant de trébucher une fois encore dans les plis de ma robe. Lâchant un juron, j'attrape un des clous et le plante énergiquement dans le tissu avant de le déchirer de part en part et d'arracher tout ce qui est en dessous des cuisses pour libérer mes jambes. Voilà, fini la Poupée ou la petite reine, ne reste plus que celle que je suis vraiment. Kaori Makimura. City Hunter.  

 

Quittant la pièce en courant, j'atteins rapidement les escaliers que je dévale sans rencontrer âme qui vive. Le hangar est immense et vide surtout, c'est ma chance. Je me précipite vers la porte la plus proche et, après un rapide coup d'oeil dehors pour ne risquer aucune mauvaise rencontre, je sors enfin à l'air libre. Et à l'instant où je referme la porte derrière moi, j'aperçois un mouvement sur la poignée de celle qui lui fait face. Il était plus que temps de filer, ils reviennent ! Je dois quitter rapidement les lieux avant qu'ils ne s'aperçoivent que j'ai disparu et ensuite m'occuper de cette bombe. Où es-tu Ryo, j'ai vraiment besoin d'un coup de main là !  

 

*******  

 

En pénétrant dans ce deuxième hangar, j'ai toujours ce sentiment d'urgence chevillé aux tripes. J'ai perdu trop de temps dans le premier. Quand, en entrant dans le bureau au-dessus des piles de caisses de bois, je n'y avais trouvé qu'une une pièce vide, j'avais vite pigé que Paris s'était méfiée de son frère jusqu'au bout. Elle ne lui avait même pas donné la bonne adresse de l'endroit où elle te gardait enfermée. J'ai l'impression qu'avec elle, il ne faut jamais se fier aux apparences et que rien n'est jamais acquis. En tout cas, en quittant le bureau, je savais au moins où tu étais. Si ce n'était pas ici, alors tu étais juste en face. Mais je n'y étais pas encore et le temps, lui, continuait de filer. Et Paris devait être quasiment arrivée à l'immeuble ou l'attendait Tybault. Il fallait faire vite. Très vite. Mais avant de courir jusque là-bas il fallait d'abord sortir d'ici. Mais en entrouvrant la porte pour regarder en contrebas, il avait été clair que disparaître sans être vu allait être plus compliqué qu'à l'aller. Ils étaient plus nombreux et s'étaient répartis partout, sûrement pour inspecter les caisses et éviter un autre incendie. Le premier obstacle se trouvait d'ailleurs juste en dessous de moi, adossé au pilier qui soutenait l'escalier de métal. « Bah, s'il faut casser du malfrat, alors allons-y... » m'étais-je dit en haussant les épaules, avant de bondir depuis l'arrière de la porte par-dessus la rambarde et d'atterrir pile sur ses épaules pour amortir ma chute. Il s'était effondré sans un cri. Je l'avais agrippé par les épaules et ramené dans l'ombre de l'escalier et avais ensuite couru en direction de la porte la plus proche. Sur ma route, j'avais rencontré deux autres hommes de main et, d'une simple double manchette dans la carotide, je les avais mis KO instantanément. J'avais caché leurs corps dans une caisse en bois en compagnie d'une vingtaine de terrarium contenant des mygales. Leur réveil serait peut-être un peu agité...  

 

J'avais ensuite pu sortir sans encombre et m'étais précipité vers l'autre entrepôt. Celui dont j'ouvre la porte. Il est aussi grand que l'autre mais, surtout, immensément vide. S'il y a quelqu'un ici, c'est uniquement dans les deux bureaux du haut que je le trouverai. Aux aguets, je me dirige vers l'escalier et grimpe avec précaution les marches métalliques. Une fois en haut, j'entre dans le premier bureau, face à moi. Immédiatement, j'avise les cordes au sol, la mousseline de ta robe, les éclats de verre par terre et ce qui reste de la fenêtre donnant sur le bureau adjacent. Mais ce qui attire forcément mon attention, c'est cette énorme, énorme massue qui trône au milieu de la pièce. Mais que s'est-il passé ici ?? En tout cas, aucun doute possible, tu étais là. Et visiblement tu n'y es plus. Bon sang, où es-tu ? me dis-je en me précipitant vers la fenêtre donnant sur l'extérieur. Si tu te caches quelque part, alors les choses se corsent et je n'aime pas ça du tout. Il ne doit rester que quelques minutes, si ce n'est déjà trop tard, avant que Paris ne découvre que Tybault n'a pas descendu Makato. Je devrais déjà être en train d'essayer de t'enlever la ceinture d'explosifs. Et non seulement je ne t'ai pas trouvée mais en plus je n'ai aucune idée de l'endroit où te chercher. Le peu de ce que je vois autour de l'entrepôt est vide de tout mouvement. Merde ! Je frappe du poing sur le mur et me prépare à repartir à ta poursuite quand j'entends soudain un téléphone sonner. Derrière le mur à la fenêtre brisée. Deux secondes plus tard, j'ai sauté par l'ouverture et découvre, à mes pieds, le corps d'un homme, complètement sonné. Vu la forme de son nez, nul doute que c'est lui qui a fait les frais de ta colère. Je pourrais en rire, mais je me fige en lisant ce qui s'affiche sur l'écran du téléphone. Patronne.  

 

Paris.  

 

Elle est arrivée.  

 

Pendant que le téléphone sonne dans le vide, je reste à le fixer comme s'il pouvait me donner la solution à ce problème. Je ne t'ai pas trouvée. Paris est surement avec Tybault. Elle a dû découvrir le pot aux roses. Elle peut déclencher la bombe qui te ceinture à tout moment. Je me sens impuissant. Et je déteste ça.  

 

Lorsque la sonnerie s'arrête, j'émerge brutalement de mes pensées. « Je dois te trouver » est la seule pensée constructive qui me vienne à l'esprit. Peu importe ce qui arrivera, je sais que si je te trouve, tout ira bien. C'est une évidence. Une certitude. Le téléphone qui se remet à chanter me rappelle que le laisser à côté de l'évanoui est dangereux. Tant qu'elle n'a pas confirmation de ce qui se passe ici, il y a toujours une chance que Paris n'actionne pas le détonateur. Et ça me laisse de précieuses minutes. J’attrape alors le téléphone qui vient de s'éteindre et le met dans ma poche. Je m'apprête à quitter le bureau quand je perçois à sa respiration plus rapide que l'homme est en train d'émerger. Il gémit et se passe la main sur la figure pour toucher l'enflure qui lui sert de nez. J'envisage fortement une nouvelle manchette qui scellerait son sort comme pour ses camarades dans les caisses mais, alors que je m'avance vers lui, le téléphone se remet à sonner pour la troisième fois et je l'entends alors murmurer faiblement :  

 

-Si j'étais vous, je décrocherais. Au bout de trois sonneries sans réponse, la patronne fera tout sauter. En même temps, si vous décrochez, elle fera tout sauter aussi...  

 

Ce qui déforme son visage doit être un rire narquois. La situation a l'air de l'amuser, mais il rira moins dans deux secondes. D'une main brusque, je l'agrippe fermement, ravivant sûrement la douleur provoquée par ton attaque, et je plonge mon regard dans ce qui reste du sien, pour qu'il y voie la noirceur profonde qui m'habite quand c'est de toi qu'il s'agit.  

 

-Tu vas décrocher ce téléphone. Et dire que tout se passe bien ici. Parce que sinon ce n'est pas la mort que je te promets. Mais ton agonie.  

 

Sans le quitter des yeux ni le lâcher, je lui plaque son téléphone dans la paume. Plaqué contre mon poing, son visage s'est vidé de toute couleur. Il me connaît. Il sait qui est le City Hunter. Déglutissant difficilement, il porte le téléphone à son oreille et décroche.  

 

-Patronne ? Tout va bien ici...  

 

Dans le silence qui suit, ses yeux s'éclairent d'un mauvais éclat amusé et il me tend le combiné.  

 

-C'est pour vous...  

 

Laissant retomber l'homme par terre, je prends le portable et me rapproche de l'immense mur de verre qui sert de fenêtre dans cette pièce et donne sur l'extérieur.  

 

-C'est de sa faute....  

 

La voix féminine à l'autre bout du téléphone semble lointaine, comme absente.  

 

-Laissez tomber Futago. Vous allez perdre.  

 

L'éclat de rire qui me répond pourrait glacer le sang du plus courageux des mercenaires. Mais je sais que je l'ai hameçonnée comme je le voulais. Effectivement, comme je m'y attendais, elle répond à ma provocation, ce qui me laisse la possibilité de fouiller le paysage à ta recherche. Depuis cette baie vitrée, mon champ de vision est bien plus large que depuis le bureau d'à côté.  

 

-Perdre ?! Siffle la voix dure et aiguë dans le combiné. Mais bien sûr que je vais perdre... J'ai déjà perdu... Tout perdu...  

 

Je perds le fil de mes recherches une seconde quand j'entends cette tirade, à la fois vindicative et désabusée. Qu'entend-elle par là ? Pour le savoir, je ne dois pas la lâcher, il faut qu'elle continue à parler.  

 

-Vous pouvez encore tout arrêter Futago. Vous n'avez pas encore tout perdu. Il y...  

 

-Oh que si ! me coupe-t-elle. J'ai DEJA tout perdu... Et c'est de sa faute.  

 

C'est pas bon ça, j'ai du mal à garder le contrôle de la conversation. Il faut absolument que je la ramène à son frère. Il n'y a que par son intermédiaire que je peux l'atteindre. Puisqu'ils sont si proches, il n'y a qu'en lui parlant de lui que j'ai une chance de lui faire entendre raison. Et toi, Kao, où es-tu bon sang ! Mon regard balaie les alentours, à la recherche du moindre mouvement ou de la moindre touche de couleur. Mais rien, rien ! Je serre le poing.  

 

-Pensez à votre frère Paris... Il a besoin de vous...  

 

-Tybault... Non... Il est déjà mort...  

 

Comment ça ?! Déjà mort ? Que veut dire cette phrase ? L'a-t-elle réellement tué ou est-ce une façon de parler ? Si c'est à prendre au premier degré, alors la situation est vraiment critique. Où es-tu Kao, où es-tu ?? La panique me gagne et je parcours frénétiquement du regard les rues qui entourent l’entrepôt. Sur le côté, les hommes qui étaient dans l'autre hangar reviennent en courant. Les choses se corsent plus encore. Il faut vraiment que quelque chose arrive. Maintenant !  

 

-Comment ça « Déjà mort ? » Paris... Que s'est-il passé ?  

 

-Si je ne peux pas l'avoir... Alors elle non plus...  

 

Tybault... Il a échoué. Je suis comme pétrifié de comprendre ce qui l'a amené au point de non retour.  

 

-... C'est de sa faute... Alors elle doit mourir aussi...  

 

Au ton de sa voix qui s'éloigne je comprends aussitôt qu'elle va raccrocher.  

 

-Non !! Paris !  

 

Le silence au bout du fil.  

 

Merde !!  

 

Tout s'accélère soudain à l'instant où je jette le combiné par terre. J'entrevois dans le reflet de la vitre que l'homme derrière moi vient de sortir une arme de sa poche arrière, pendant que résonne le claquement métallique des semelles qui grimpent quatre à quatre les marches de l'escalier. En réaction à cette cascade d'ennuis je passe en mode automatique, mais tout se fige brusquement autour de moi car, soudain, enfin... Je te vois !  

 

Tu émerges de derrière un container, derrière lequel tu attendais sûrement que la voie soit libre et tu traverses en courant la pelouse devant moi quand, d'un coup, tu t'immobilises, le regard fixé sur ton ventre, stoppée net dans ta course par la stupéfaction. La seconde suivante, je me suis déjà jeté sur le côté pour éviter le coup de feu tiré par celui qui est dans mon dos et, de la main droite, riposte d'une balle qui envoie valser son arme tandis que, de la gauche, j'attrape une chaise et la lance dans la baie vitrée, fragilisée par l'impact du tir.  

 

-KAORRRRIIIII !!!  

 

La cloison vitrée explose complètement et, surprise par le bruit, tu te retournes dans ma direction, les yeux écarquillés et les deux bras écartés, m'offrant une vue imprenable sur le décompte du minuteur qui n'affiche déjà seulement plus que 7 secondes.  

 

« Si le détonateur est enclenché, tu as 10 secondes pour couper le fil qui relie la boucle d'ouverture à l'explosif. »  

 

C'est maintenant ou jamais. Pointant mon canon dans ta direction, je me concentre sur ce que je vois. Deux fils. Bleu et jaune. Comme sur l'explosif de Tybault. Lui c'était bleu et rouge. Donc les deux explosifs ont le bleu en commun. Les deux bombes sont reliées l'une à l'autre. Le fil bleu est sûrement celui qui connecte l'explosif au mécanisme qui associe les deux bombes. Donc le jaune est celui qui relie l'attache de déverrouillage de la ceinture à l'explosif. Le jaune, c'est le jaune !  

 

...6... 5...  

 

Ajustant la visée sur le jaune, je fais abstraction du minuteur et de ton regard que je sens peser sur moi. Je vide mon esprit, me concentrant juste sur ce que je dois atteindre... Le... Fil... Jaune...  

 

… 4 ...  

 

Mon doigt appuie sur la gâchette, à l'instant même où je comprends mon erreur. Le bleu ! C'était le bleu !!! La poudre dans le barillet explose, projetant la balle dans ta direction, tandis que le léger recul me fait relever la tête et accrocher l'océan de tes yeux confiants.  

 

 

**********  

 

La détonation déchire l'air. Agrippée à la certitude que tout ira bien maintenant que tu es là, je ne cille pas lorsque la balle me frôle avant de disparaître dans le sol. Par terre, gît le fil qui s'est déchiré sous l'impact. Bleu.  

 

-Kaori ! Envoie !!  

 

Il me faut une demi-seconde pour comprendre. Puis, mue par ce lien qui nous permet de savoir ce dont l'autre a besoin dans l'instant, j'arrache pratiquement de mon ventre la ceinture qui continue à égrener les secondes, et d'un ample mouvement de bras, la lance vers toi.  

 

Ta main l'attrape au vol et j'ai à peine le temps de te voir te tourner que, dans une explosion de verre, de poussière et de fumée noire, tout disparaît brusquement à l'étage. Projetée violemment en arrière par la déflagration, je me retrouve par terre et, lorsque je me redresse, je ne vois plus rien de ce qui servait de bureau il y a quelques secondes à peine.  

 

D'une violente décharge d'adrénaline, je me retrouve debout et tente de me précipiter vers l'entrée, mais la violence de la douleur qui me déchire le côté me renvoie aussitôt au sol. A genoux, une main agrippant les restes de ce qui devait être une chaise et l'autre pressant la douleur pour me permettre de respirer, je murmure ton nom à la fumée qui s'échappe de la porte ouverte, encore et encore. Je sais que tu vas arriver, il ne peut pas en être autrement. L'écran de fumée va s'écarter et te laisser paraître, comme d'habitude. Allez Ryo, montre-toi ! On a encore plein de choses à mettre au point tous les deux, des trucs à discuter. C'est pas le moment de te défiler !!  

J'ai presque envie de crier de colère devant ce qui semble se profiler mais je balaie ce sentiment d'un froncement de sourcil, scrutant plus avant les volutes de poussières, jusqu'à ce que, comme répondant à l'injonction de ma volonté, elles se mettent à dessiner les contours sombres de ta silhouette, de ton corps, de ton visage... Enfin... Ryo...  

 

Lorsque tu émerges de ce qui reste de l’entrepôt, je retiens les sanglots de soulagement qui menacent de me submerger. Tu es là. Sauf ! A la place de sanglots, ma gorge libère une espèce de petit rire nerveux et mes lèvres me plaquent un sourire sur le visage. Je me relève difficilement et tente d'avancer vers toi. Il faut que je te serre contre moi pour être sûre que tu vas bien. Mais je m'arrête après deux pas tremblants et mon sourire s'efface. Je vois bien que ces traces de sang séché sur ton visage ne sont pas récentes et la gravité de ton regard, même mêlée de soulagement, trahit une série de mauvaises nouvelles. J'ose à peine demander :  

 

-Qui ?  

 

-Tybault... annonces-tu, la voix grave.  

 

Mes jambes flanchent une seconde, ma poitrine se serre. Je continue :  

 

-Et ?  

 

Tu hésites une seconde, ton regard se voile, j'anticipe la douleur mais quand je lis sur tes lèvres plus que je n'entends : « Mick » je comprends que je n'étais pas prête. Je les vois continuer de bouger mais je ne comprends plus ce qu'elles me disent. Je n'en peux plus. Je n'arrive plus à respirer, ma vision s'assombrit, mes jambes se dérobent sous moi. La seule chose qui me semble garder un sens avant de sombrer c'est que tes bras m'enserrent avec toujours autant de force et de douceur.  

 

 

 


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