Hojo Fan City

 

 

 

Data File

Rated R - Prose

 

Author: nodino

Beta-reader(s): Amelds

Status: Completed

Series: City Hunter

 

Total: 22 chapters

Published: 17-02-10

Last update: 17-11-18

 

Comments: 139 reviews

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RomanceDrame

 

Summary: Une nuit, tout bascule et la rupture devient inévitable... L'amour aussi... Mais jusqu'où peut on aimer quand on est City Hunter ?

 

Disclaimer: Les personnages de "Ain't no sunshine." sont la propriété exclusive de Tsukasa Hojo.

 

Tricks & Tips

Some pieces of advices to authors

 

- Check the grammar and spelling of your stories. - Read your story at least once. - Try to write chapters of at least 2 pages and of a maximum of 6-7 pages. - Try to update your story regularly.

 

 

   Fanfiction :: Ain't no sunshine.

 

Chapter 21 :: A la croisée des chemins... Tonight

Published: 01-09-18 - Last update: 18-08-19

Comments: Bonsoir à tous. Cela fait longtemps hein ? J'en suis désolée, comme à chaque fois, d'être si peu rapide. Je voulais absolument finir ce chapitre mais, arrivée à la page 40 je me suis dit que je devrai de toute façon le couper en 2 voire 3 chapitres. Donc voici les 19 premières pour raconter la nuit que vont partager Ryo et Kaori avant leur prochaine séparation. Merci à Fankaori pour ses Reviews qui me font tant plaisir et à Dulja :) Je vous dis à bientôt pour la suite.

 


Chapter: 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22


 

« Après toi, Kaori...»  

 

Ces quelques mots, un ample et cérémonieux mouvement de bras en direction de la porte d'entrée, une petite poussée sur la poignée et l'appartement s'ouvre alors doucement sur le salon illuminé. J'ai un instant de flottement. Cela fait si longtemps, cet endroit m'a tellement manqué ; j'ai presque peur que la magie qui faisait de cet appartement mon « chez moi » ait disparu.  

Pourtant, quand je pénètre finalement dans l'entrée, presque hésitante, je ressens immédiatement que cet endroit est resté le même. Rien n'a changé. Chaque élément est resté à sa place et il émane toujours autant de cet intérieur, minimaliste et masculin, quelque chose d'accueillant. Un havre de paix. Enfin, si on peut appeler « paix » nos fracassantes disputes pour te lever du lit ou t'empêcher d'aller importuner les clientes mokkori dans la chambre d'amis. C'est chez moi.  

 

-Bienvenue chez toi Kaori, murmures-tu en écho à mes pensées, tandis que ta main vient presser doucement mon épaule.  

 

J'ose un regard en biais vers toi. Je croise dans tes yeux l'importance que tu donnes à ces mots. Je souris. Je suis heureuse d'être là... Même si ce n'est que pour quelques heures. C'est frustrant de savoir que le temps nous est compté, mais je veux prendre comme un cadeau ce qui nous est accordé. Tes yeux se font souriants. Tu partages mes sentiments. La pression de ta main, toujours sur mon épaule, en est la preuve. Naturellement, je viens poser ma main sur la tienne, avant de murmurer : « Chez nous ».  

 

-Alors c'est ici que vous habitez Monsieur Saeba ! commente, derrière nous, une voix condescendante, qui fait éclater la bulle d'intimité qui nous enveloppait. Et vous dites que nous devons rester ici un temps indéterminé ?  

 

 

Dans un mouvement conjoint, nous nous tournons vers la porte d'entrée pour découvrir, sur le seuil, ce Makato pour lequel je devine ton animosité. A peine as-tu posé le regard sur lui que ton aura se charge de colère contenue. Je te comprends. Le nez pincé, le menton levé vers le haut, il scrute ostensiblement et avec un dédain marqué la mezzanine menant aux chambres à l'étage.  

 

-Tout le plaisir est pour moi, réponds-tu au petit bonhomme, qui ne semble pas relever le sarcasme de ta remarque. Il plisse un peu plus le nez et passe la porte. Un bras maintenant contre lui une petite mallette noire et l'autre tenant le revers de sa veste de costume froissée, il continue son tour d'horizon sans daigner nous regarder. Derrière lui, apparaît celle que tu m'as présentée comme étant sa secrétaire, que tu préfères mettre en sécurité aussi. Mademoiselle Taki. Elle est jolie, même avec ses vêtements tachés de sang et l'inquiétude qui tire les traits de son visage. Je sais que je ne devrais pas être jalouse, mais je te connais. Elle est vraiment mokkori. Il faudra que je la prévienne à ton sujet. Mais pour l'instant, il émane d'elle une telle détresse contenue que je me dirige instinctivement vers elle pour l'accueillir.  

 

-Entrez mademoiselle ! Ici, vous serez en sécurité.  

 

-Merci, répond-elle avec un regard reconnaissant. C'est très aimable à vous.  

 

Quand elle pénètre à son tour dans le salon, la magie qui y règne agit sur elle et un faible sourire apparaît sur son visage. C'est aussi pour ça que j'aime tant cet endroit. La lumière des lampes qui baigne la pièce principale la rend chaleureuse et amoindrit un peu les soucis. On s'y sent à l'abri. Mademoiselle Taki y est sensible et cela me rassure. Je ne sais pas combien de temps tu comptes les garder sous ta protection, mais je sais qu'au moins elle se sentira bien ici. Je n'en dirais pas autant de ton deuxième protégé. En regardant sa petite silhouette replète se déplacer dans le salon, je sens son dégoût monter crescendo. Le confort simple avec lequel est meublée la pièce ne correspond visiblement pas à son standing et il regrette manifestement de plus en plus de ne pouvoir rentrer chez lui.  

 

-Venez, je vais vous montrer vos chambres leur proposes-tu en te dirigeant vers les escaliers. Monsieur Makato, vous prendrez la chambre d'amis ; elle est confortable. Mademoiselle Taki, vous dormirez dans la chambre de Kaori.  

 

« Dans ma chambre ? ». Instinctivement, je me tourne vers toi, une question au bord des lèvres, mais la jeune femme à mes côtés me prend de vitesse :  

 

-Et Mademoiselle Maki...mura, c'est bien ça ? m'interroge-t-elle avant de continuer, où dormira-t-elle ?  

 

-Elle restera avec moi, dans ma chambre, réponds-tu, avant de capter le regard embarrassé de la jeune femme et de rajouter, précipitamment, parce que je dois la surveiller ! C'est le Doc qui l'a dit ! Elle a été blessée !! Et heu... je dois garder un œil sur elle au cas où. Oui, c'est ça ! Le Doc l'a dit ! Et il y a un canapé ! C'est pas ce que vous croyez ! C'est le Doc ! Ah ah !  

 

J'éclaterais presque de rire de te voir ainsi t'embrouiller dans tes explications et passer une main nerveuse dans ton cou, si je n'étais pas le sujet de tes bafouillements. Du coup, je ne sais plus où me mettre pour éviter à la fois de te regarder et de croiser le regard de Mademoiselle Taki. Mais une chose est sûre : à la vitesse où tu te décomposes, tu ne vas pas tarder à dire une énormité.  

 

-Non mais il n'y a aucun problème, Monsi.... essaie de te détendre la jeune femme, mais tu ne lui laisses pas la possibilité de passer à autre chose, car déjà tu embraies sur la suite, prévisible.  

 

-Oui, c'est ça ! C'est pas du tout ce que vous croyez ! Non non ! C'est à cause du Doc, y a rien du tout entre nous ! Ah ah ! Rien du tout !  

 

Je peux sentir jusqu'ici la sueur te couler dans le dos. Autant que je peux sentir cette petite veine qui commence à palpiter violemment sur ma tempe contre mes sourcils froncés. Je commence à bouillir. Abruti... Il n'y a pas si longtemps, une massue aurait déjà clos la conversation, nous libérant tous les deux et nous permettant de passer à autre chose, mais là, c'est différent. Je ne veux pas de massue aujourd'hui. Pas de colère. Pas de non-dits. Mais je décide quand même de mettre fin à ton calvaire, car je sais que tant que rien ne sera arrivé, tu vas rester debout, au milieu de cette pièce, à débiter des idioties au kilomètre, jusqu'au point de non-retour. Par contre, il va falloir que je fasse vite, car je sens que le point de non-retour ne va pas tarder à arriver.  

 

-D'ailleurs, comment voulez-vous qu'il y ait quelque chose entre nous ? Regar....  

 

-Allez Mademoiselle Taki, je vous propose de me suivre ! lancé-je en avançant d'un pas décidé vers les escaliers et en prenant le bras de la jeune femme au passage. S'il faut attendre après Ryo, vous allez rester dans l'entrée jusqu'à demain ! Je vous laisse ma chambre avec grand plaisir et j'espère que vous vous y sentirez comme chez vous !  

 

Pendant que nous gravissons les marches en discutant, je sens ton regard sur moi. Un mélange de reconnaissance soulagée et de remords. Un sourire suffirait à te faire comprendre que tout va bien, que je ne t'en veux pas, mais je n'en ferai rien. Et pour la peine, je te laisse t'occuper de Makato, ça te fera les pieds ! Afin de clore la scène, j'essaie de monter les marches le plus dignement possible, malgré les douleurs que le voyage en Mini a réveillées dans tout mon corps.  

 

Quelques instants plus tard, j'ouvre la porte de ma chambre. A peine ai-je appuyé sur l'interrupteur qu'une bouffée de nostalgie me saisit brutalement. Ma chambre. Je la retrouve comme je l'ai laissée. Depuis la commode, l'armoire et jusqu'à mon lit, sur lequel les coussins sont positionnés comme je le faisais habituellement, rien ne semble indiquer que je n'habite plus ici. Je reconnais même le livre que je lisais la veille de mon départ, avec le marque-page encore en place, posé sur la table de chevet. Et enfin, devant les rideaux qui s'ouvrent doucement sur les lumières de la ville, ce miroir. En y découvrant mon reflet, la violence des émotions ressenties la dernière fois que je me trouvais devant cette psyché m'assaille.  

 

-Tout va bien Mademoiselle Makimura ? s'inquiète la jeune femme dans mon dos.  

 

-Euh oui oui ! Bien sûr, tout va bien ! Entrez et faites comme chez vous ! dis-je en la laissant passer devant moi. Et appelez-moi Kaori ! Ce sera plus facile, rajouté-je en lui souriant, pour reprendre contenance après cette bouffée d'émotions.  

 

-D'accord Kaori, mais alors appelez-moi Hisae, s'il vous plaît.  

 

-Très bien, Hisae ! Mon sourire s'élargit, presque par réflexe. Cette femme est, j'en suis sure, une très belle personne. Et son regard perdu, sûrement hanté par les événements des dernières heures, me touche. Je vais vous laisser, lui proposé-je doucement, il est tard et je pense que vous devez avoir hâte de prendre une douche et de dormir un peu, après cette journée !  

 

Je ne rajoute pas que j'ai de nombreuses choses à mettre au point avec un certain nettoyeur et très peu de temps pour le faire mais, de toute façon, Hisae est très loin de pouvoir se dire que j'essaie de me débarrasser d'elle car elle est visiblement fatiguée et éprouvée par ce qu'elle a vécu.  

 

-Oh oui, c'est peu de le dire. Quelle journée !! me répond-elle, en passant une main dans ses cheveux décoiffés, que je devine habituellement impeccablement tirés en un chignon parfait.  

 

-Je vais vous indiquer la salle de bain et vous laisser vous rafraîchir. Mon amie Miki m'a sûrement rapporté mes affaires, dis-je en indiquant d'un mouvement de tête le sac noir posé devant l'armoire. Je vais vous donner de quoi vous changer, en attendant mieux.  

 

-Merci Kaori, vous êtes un ange !  

 

******  

 

« Un ange... »  

 

Alors que j'expire une bouffée de la fumée de ma cigarette, je repense à ces mots, attrapés au vol en passant devant ta chambre quelques minutes plus tôt, pendant que j'accompagnais Makato à sa chambre. Décidément, cette Mademoiselle Taki me plaît de plus en plus ; elle vient à peine de te rencontrer mais elle t'a pourtant déjà bien cernée. Je n'avais pu m'empêcher de sourire en entendant cette phrase, mais ce sourire s'était effacé lorsque tu avais tourné la tête dans ma direction et accroché mon regard, avant de repousser doucement la porte pour la fermer. La détermination que j'y avais lue m'avait frappé aussi violemment qu'une masse de 500 tonnes.  

 

Après avoir indiqué à Makato sa chambre, j'avais préféré m'esquiver et grimper sur le toit. Je n'avais aucune envie de lui tenir compagnie. De toute façon, si j'avais dû le faire, cela aurait été pour lui demander des comptes, et je n'ai pas de temps à perdre avec ça ce soir. Il sera bien assez temps demain. Pour l'instant, je veux profiter des quelques heures que je vais passer avec toi. Et j'ai l'impression que cela ne va pas être simple si je m'en réfère à la scène du salon. Plus catastrophique que ça, tu meurs !  

 

Je cherche un peu de réconfort dans la danse des lumières de la ville, mais ni ce rituel ni celui de la nicotine n'apaise mes craintes. Instinctivement, je porte la main à ma poche et y récupère le bouton de ton chemisier. L'effet est immédiat d'habitude, mais là, ce soir, c'est un peu plus compliqué. City Hunter vit un tournant important, je le sens, tout comme je sens que je peux tout faire foirer d'un mot malheureux. Je l'ai déjà fait, bien trop souvent, puis je l'ai fait une fois de trop, le jour de ton départ, et j'ai failli recommencer tout à l'heure. Mademoiselle Taki n'avait pourtant posé qu'une malheureuse question. Elle ne voulait pas savoir ce qu'il y avait entre nous, mais juste savoir si tu serais installée confortablement, vu que tu lui laissais ta chambre. Il suffisait que je lui dise, posément, que tu dormirais dans mon lit et que moi je prendrais le canapé et voilà, le tour était joué. Bon sang ! C'était pas compliqué ça : répondre PO-SE-MENT que je prenais le CA-NA-PE !! J'enrage en me frappant le front, encore et encore, mais ça ne change rien au fait qu'il est trop tard. J'ai encore sorti une flopée d'âneries, même si tu m'as arrêté avant le bouquet final. Il ne reste qu'à espérer que tu ne veuilles pas de nouveau fuir le plus loin possible. Je ne comprends pas ce qui se passe ; dès que je sens que ce « nous » peut devenir officiel, je perds tout contrôle. « Lobotomisez-moi, ce sera plus simple » me dis-je en m'effondrant de désespoir sur la rambarde de sécurité.  

 

Ce moment de faiblesse ne m'empêche pourtant pas de ressentir ton aura arriver dans ma direction, et je reprends rapidement une posture plus assurée, avant que tu ne me rejoignes et ne viennes t'accouder à mes côtés.  

 

-Cette vue m'a manqué, commences-tu, en plongeant ton regard dans la nuit.  

 

Je garde le silence, profitant un peu du calme qui revient dans mes pensées. J'inspire une nouvelle bouffée et laisse la fumée prendre la place d'une éventuelle réponse, réponse que tu n'attends pas, j'en suis sûr. Nous sommes restés ici, si souvent, à contempler cette ville en silence que je sais que City Hunter n'a pas forcément besoin de mots dans ces moments-là. Et lorsque je coule un regard vers toi, je devine à ton profil serein que je suis dans le vrai. Je fais donc de même, reportant mon regard vers le ballet des lumières de la ville en contrebas, jusqu'à ce moment où nos respirations abandonnent leurs rythmes propres pour s'accorder parfaitement. J'aime quand nous faisons ça, cela m'avait aussi terriblement manqué, je m'en aperçois maintenant.  

 

-Je peux te poser une question ? hésites-tu, sans détourner ton regard de la ville.  

 

-Je t'écoute, réponds-je avec une légère inquiétude, pressentant que le moment fatidique des grandes déclarations est arrivé.  

 

-Comment as-tu su quel fil il fallait couper ?  

 

-Le fil ? répété-je bêtement, pris de cours par cette entrée en matière.  

 

-Oui. Le fil de la ceinture, m'expliques-tu, toujours de profil. Comment as-tu su qu'il fallait couper le bleu ? Je ne connaissais pas du tout cet explosif, il y avait des fils partout. Mais toi, tu as su qu'il fallait tirer sur le fil de la boucle d'ouverture, et plus précisément sur le bleu. Et pas le jaune. Alors, je me demandais comment tu avais su. C'est Umi qui te l'a dit ? Ou Tybault ?  

 

-Non. Ni l'un ni l'autre, réponds-je, presque soulagé d'aborder un sujet que je maîtrise bien plus. Falcon m'avait prévenu que le seul moyen de t'enlever la bombe, une fois le minuteur enclenché, était de couper l'un des deux fils qui reliaient l'ouverture à l'explosif. J'ai d'abord cru que je devais viser le jaune, et je me suis souvenu que Futago avait tendance à ne pas aller là où on l'attendait.  

 

-Ah, tu connaissais aussi leur mode opératoire ? t'étonnes-tu, en replaçant une mèche derrière ton oreille, signe de léger malaise. Je voulais te prévenir, juste avant que Paris ne m'agresse. J'avais oublié de t'en parler au cimetière ; je suis désolée.  

 

-Ne t'en veux pas Kao. C'est devenu rapidement flagrant. Je l'ai compris quand Tybault a tiré sur Mick pour mieux atteindre Makato. Et Paris avait donné à son frère l'adresse du mauvais entrepôt. Donc si elle ne lui faisait plus confiance à ce point, alors elle devait avoir aussi prévu qu'il pourrait essayer de te délivrer. Elle devait penser qu'en réfléchissant un peu, il associerait vos deux fils bleus au mécanisme qui reliait vos bombes et en déduirait qu'il fallait couper le fil jaune... signant ainsi ton arrêt de mort. Et celui de son frère par la même occasion.  

 

-Je vois, murmures-tu alors, pensive, elle avait même prévu d'aller jusque-là. Le silence retombe pendant de longues minutes, tandis que tu te perds dans la contemplation des petites lumières rouges en contrebas de l'immeuble. Mais je ne suis pas dupe. Les épaules rentrées et les lèvres légèrement pincées... Tu accuses le coup. Toi qui aimais tant ton frère et qui souffriras toute ta vie de son absence, tu ne peux concevoir que ce geste ait pu être délibéré. Je peux lire sur ton visage les émotions qui te traversent : incompréhension, tristesse, colère. Et à regarder cette petite veine qui prend un peu d'ampleur sur ton front, je dirais même que tu bous devant tant d’aberration. Quand tu reprends la parole pour poser cette question qui me taraude aussi, ta voix tremble d'indignation.  

 

-Mais comment une sœur peut-elle vouloir faire ça à son propre frère ?  

 

-Je n'en sais rien, Kaori, je ne comprends pas non plus, d'autant plus qu'ils semblaient très liés d'après le dossier de Saeko. Il nous manque forcément des éléments pour tout comprendre... réfléchis-je à voix haute.  

Elle est mokkori mais elle est complètement frappée, cette Paris, reprends-je avec un demi-sourire hésitant, pas très sûr que l'humour soit le plus adapté à cet instant. Pourtant, c'est avec la naissance d'un sourire que tu m'envoies un « Abruti », accompagné d'une petite tape sur le bras. Faussement penaud, j'attrape ta main et la maintiens sous la mienne. Tu l'y laisses, avant de reprendre, le ton adouci et les joues légèrement tintées.  

 

- « Mokkori, mais frappée »... Elle doit être jolie si tu en parles ainsi.  

 

-Qu'est-ce que tu veux dire ?  

 

-Je veux dire qu'autant pour le « frappée» je suis d'accord, autant je vais devoir te croire sur parole pour le « mokkori », car je ne l'ai jamais vue.  

 

-Quoi ? m’étonne-je, tu ne l'as jamais rencontrée ?  

 

-Non. Elle a toujours refusé, et les rares fois où je l'ai croisée, elle était soit dans l'ombre, soit derrière moi, soit derrière une vitre opaque, ou bien c'est moi qui me cachais d'elle. Bref, non, je ne sais pas du tout à quoi elle ressemble.  

 

-Je demanderai à Saeko de te passer le dossier qu'elle a sur elle, avec des photos.  

 

-Est-ce vraiment utile ? Je n'ai pas l'intention de la rencontrer prochainement, tu sais...  

 

-Utile ? Mais bien sûr que c'est utile ! Tu as une ennemie Kao, et plutôt vindicative à ton égard. Connaître son ennemi est la règle de base d'un nettoyeur. Je suis sérieux.  

 

-Ok. Ok, t'énerve pas, tu as raison. Il vaut mieux que je sache au cas où je croiserais de nouveau son chemin… J'accrocherai même sa photo au-dessus de mon lit pour être sûre de ne pas l'oublier, t'amuses-tu, légèrement sarcastique.  

 

-Quand je pense que tu me faisais tout un foin de mes posters de bunnies ! poursuis-je sur le même ton. Si tu veux décorer tes murs, je peux t'en passer quelques uns, j'en ai de super sexy, tu m'en diras des nouvelles !  

 

Au mouvement sec que tu fais pour retirer ta main, je devine que, cette fois, mon trait d'humour fait un flop. Te comparer à un mec est la limite à ne pas dépasser, j'avais oublié. Le petit bouton que j'avais gardé entre mes doigts en profite pour rouler au sol jusque devant tes pieds, ce qui n'échappe pas à ton regard aiguisé.  

 

-Tu es très fort pour me vanner et me comparer à un mec, commences-tu en te baissant pour le ramasser, mais j'imagine que tu ne vas pas me répondre si je te demande pourquoi tu as encore ce bouton en ta possession après tous ces mois....  

 

J'ai un mouvement de recul quand tu te redresses pour l'avancer vers moi, posé innocemment au creux de ta paume. Pris au dépourvu par le changement de sujet et la mauvaise tournure que prennent les événements, je ne sais que faire d'autre que regarder bêtement ta main. Dans un autre moment, je suppose que les mots me viendraient plus facilement, mais avec le ton un peu hargneux de ta question et ton attitude sur la défensive, j'en oublierais presque comment je m'appelle. En plongeant ensuite dans ton regard et en y découvrant cette pointe d'espoir qui surnage au milieu de l'agacement, j'en oublie comment respirer. C'est la panique. Ce bouton est un piège, je n'aurais jamais dû le garder. Je vois bien que tu attends quelque chose, et ce serait le moment idéal pour me lancer, celui où je devrais m'engager, dire un truc cool ou romantique sur nous. Mais mon cerveau buggue, il est incapable de formuler une pensée cohérente. La seule information qu'il envoie à mon corps est « Danger », avec comme unique solution : la fuite. L'adrénaline afflue, m'embrouillant encore plus les neurones et je ne sais effectivement plus comment je m'appelle ni ce que je fous ici !  

Dans un intense effort de concentration, j'arrive à récupérer un minimum de contrôle de mes pensées et de mes muscles pour articuler, d'une petite voix de fausset :  

 

-Ben, c'est un bouton.  

 

-Et ? Pourquoi l'as-tu gardé Ryo ? Ou plutôt pourquoi LES as-tu gardés ? rajoutes-tu en sortant de la poche de ta robe déchirée son jumeau.  

 

Si le son de ta voix s'est adouci et se teinte d'encouragement, c'est bien loin d'être suffisant pour que j'arrive à sortir de cet état cathartique dans lequel je me noie complètement.  

 

-Beeeennnn, couiné-je pathétiquement en ressentant le pressant besoin de m'essuyer la sueur qui me coule dans la nuque.... Bennnn, c'est des boutons.  

 

-Oui je sais. Des boutons de ma chemise. Celle que je portais ce soir-là.  

 

-Oui... Des boutons quoi...  

 

-Ryo, soupires-tu... Tu ne nous aides pas, tu sais...  

 

La panique me quitte dès que je perçois ta déception. Je pourrais sauter de l'immeuble et atterrir sur le toit d'un camion tout en tirant sur une cible en mouvement sans aucune hésitation, mais là, alors que mon bonheur ne tient qu'à un aveu, une simple phrase, je me sens complètement démuni. Je ne sais pas comment formuler ce que je ressens. Ces mots que tu sembles attendre, ces phrases de cinéma me semblent dénués de sens, bien en-deçà de de mes propres sentiments. Aucun mot ne me semble assez précis pour te faire comprendre à quel point tu comptes. Rien de ce que je pourrais te dire ne reflétera correctement ce que je ressens pour toi. Je me sens stupide de ne pas être à la hauteur de tes attentes et de mes sentiments, mais comment dénouer tout ça ? Je pourrais me taire, ou dire un truc désagréable et te laisser me fracasser pendant que tu quitterais le toit, mais je sens bien que la fuite n'est pas la solution. Même si je n'arrive pas trouver les bons mots, je peux quand même essayer de faire la moitié du chemin.  

 

-Kaori... Qu'est-ce que tu attends de moi exactement ? commencé-je en accrochant ton regard. Tu me connais, tu sais comment je suis... Il y a certains trucs pour lesquels je suis vraiment nul.  

 

Tu sembles hésiter une seconde ou deux, je lis dans tes yeux que tu livres une bataille intérieure puis tu fixes ta main, avant de sourire et de refermer ton poing.  

 

-Oui, c'est vrai, souris-tu en secouant la tête, j'avais oublié une seconde. Tu es vraiment nul. Mais que veux-tu, reprends-tu avec sarcasme, après ce que t'a dit Kazue j'ai cru qu'il t'était possible de t'ouvrir aux autres.  

 

Je ne peux qu'acquiescer d'une moue en repensant à la scène du réveil de Mick. Juste avant de quitter la clinique du Doc, nous étions passés le voir rapidement pour que tu puisses te rassurer sur son état. En entrant dans la chambre, nous avions découvert Kazue, presque allongée à côté de lui sur le lit, dans une tentative compliquée de le serrer dans ses bras sans lui faire mal. Et lui, en pleine phase de réveil, essayait vainement de rester conscient pour lui parler. Il en avait même oublié son japonais et baragouinait en anglais des mots sans suite, entrecoupés de moments d'agitation. Kazue, qui avait retrouvé ses réflexes d'infirmière, tentait de le calmer.  

 

-Shhhhh, shhhhh, tout va bien Mick, ne t'agite pas, tu me diras tout ça plus tard.  

 

Mais elle avait beau lui caresser le bras, Mick luttait contre les effets de l'anesthésie et, malgré des évanouissements de quelques secondes, il revenait à la charge, répétant en boucle les mêmes phrases en anglais.  

 

-Je reste là Mick, repose-toi, repose-toi... Je ne comprends pas ce que tu dis mon amour, je suis désolée, avait-elle fini par reconnaître, les larmes aux yeux, en levant la tête vers nous.  

 

-Il te dit qu'il est désolé, avais-je traduit, désarmé devant son visage éploré, il dit qu'il s'est comporté comme un con. Qu'il n'y a que toi. Pour toujours. Voilà en gros... En fait ça baigne au milieu d'un tas de mots d'amour mais je refuse de traduire ça ! Je pourrais me noyer dans tout ce sirop ! Beurk...  

 

Mick m'avait jeté un regard noir avant de sombrer de nouveau, tout en serrant la main de Kazue qui l'embrassait en pleurant et riant en même temps.  

 

-Oui, oui, moi aussi Mick. Je suis désolée... Plus jamais... Je te promets... Repose-toi maintenant, repose-toi...  

 

-Kaori, viens, t'avais-je proposé, ému malgré moi devant ton regard brillant, laissons la Belle au bois dormant profiter de son happy end.  

 

J'étais bien content de m'esquiver aussi, il y avait vraiment trop d'émotion dans cette chambre et je commençais à y être sensible ! Manquerait plus que je verse ma petite larme devant ces déclarations mielleuses et la coupe serait pleine ! Mais il fallait quand même avouer que j'étais heureux de les voir rabibochés. Je les enviais même un peu en jetant un dernier regard dans la chambre avant de refermer la porte. Et au moment où j'allais la fermer, Kazue m'avait rappelé et, les yeux brillants de larmes, m'avait soufflé :  

 

-Merci Ryo, merci... Grâce à toi, je sais que je peux y croire.  

 

Dans le couloir, tu m'avais tanné pour que je t'explique le sens de cette phrase mais j'avais botté en touche, forcément. Comment te raconter la scène dans la petite cabane du Doc et t'expliquer que Kazue avait compris comment me mettre au pied du mur ? Mais à priori, même si tu n'as rien compris, tu as senti que c'était quelque chose qui avait à voir avec nous. Et avec ces boutons.  

 

Et maintenant que j'ai devant moi ta mine butée et ton menton relevé, le poing serré devant toi, j'entrevois tout ce que tu attendais, les espoirs que tu avais mis dans cette discussion, dans ce possible aveu que tu sembles attendre. Je sens la puissance de ta déception et la colère qui l'accompagne, et au moment où ton regard quitte le mien pour se plonger dans la nuit, je comprends aussitôt ce que tu vas faire. Instinctivement, j'anticipe ton geste et attrape ton poignet avant même que tu ne le lèves pour balancer les boutons dans le vide. Ramenant ton poing heureusement toujours fermé et ton attention vers moi, je te demande :  

 

-C'est ça que tu attends de moi, Kao ? Une déclaration ?  

 

Surprise par ma réaction et ma question, tu te figes, avant de blêmir. Les yeux rivés sur ton poignet que je maintiens fermement, tu secoues la tête. J'ai l'impression que les émotions bouillonnent en toi et que, pas plus que moi, tu ne sais où tu en es et ce que tu dois dire.  

 

-Je... Non... Ce n'est pas ça... Je veux qu'on avance, mais... Je me suis dit... J'ai cru... Et en même temps, il ne faut pas se forcer. Je me suis promis... Je ne dois rien attendre. Voilà Ryo. Je n'attends rien. Je veux juste profiter de ces moments avec toi, me faire des souvenirs qui seront ma force quand je ne serai plus là. C'est dur de me dire que je dois partir, quitter City Hunter encore une fois. Je ne veux pas...  

 

Ta voix, d'abord troublée au début de ta tirade, sonne à peine plus fort qu'un murmure, comme si ces mots ne m'étaient pas destinés, comme si tu te parlais à toi-même et puis, au fur et à mesure, elle devient plus assurée, pendant que tu relèves la tête pour planter ton regard dans le mien et finir par affirmer, tes mèches fauves auréolant ton visage brouillé de larmes :  

 

-Je veux tant rester.  

 

Instinctivement, je comble l'espace qui nous sépare. Presque par réflexe, je pose la main dans ton dos et t'attire contre moi. Tes cheveux dans mon cou. Ta chaleur contre moi. Tes mots... De nouveau cette question. Comment faire pour exprimer ce que je ressens à cet instant ? C'est tellement intense qu'aucun mot ne pourra jamais le retranscrire. Merde Kaori, comment faire ?  

Un soupir. Toi ou moi, je ne sais pas. Je sais juste que te tenir ainsi est tellement bon. Je lutte pour ne pas simplement répondre : « Reste ». C'est impossible. Nous le savons. Voler un peu de temps au temps ne signifie pas que le monde arrête de tourner. Il y aura bientôt une procédure contre toi, il faut te mettre à l'abri. Tu as besoin que je te donne la force de partir. Encore une fois...  

 

Je me redresse, te repoussant légèrement. A tes paupières closes je devine que toi aussi tu t'es abandonnée à l'instant. Je me mords l'intérieur de la joue pour reprendre le fil et couper court à mon envie de te reprendre contre moi.  

 

-Ecoute Kao...  

 

Mais à l'instant où je croise la résignation de ton regard, un cri suivi d'un grand fracas nous arrive depuis l'appartement, et la seconde suivante nous courons tous les deux en direction de la porte ouverte.  

 

 

**********  

 

-Que se passe-t-il Hisae !? m'écrié-je en faisant irruption dans ma chambre, d'où provenait le cri.  

 

Elle se retourne en sursautant dans notre direction et pousse un second cri en serrant contre elle les plis du peignoir qui recouvre sa nudité. Je m'arrête et d'un coup d'œil circulaire, embrasse la scène. Hisae se tient devant nous, dans le peignoir que je lui ai prêté avant qu'elle n'aille dans la salle de bain pour se laver, ses cheveux retenus dans une serviette torsadée au-dessus de sa tête et, tout autour d'elle, une bonne dizaine de mes massues et autres armes contondantes sont répandues sur le sol, devant les portes ouvertes de mon armoire.  

 

-Mais... que s'est-il passé ??  

 

-Je... Je suis désolée Kaori, bafouille-t-elle, je... je voulais ranger mon sac... Je ne savais pas où vous étiez... Du coup, je me suis dit que dans votre armoire... Mais quand j'ai ouvert la porte... Tout s'est effondré...  

 

Effectivement, c'est, entre autres, là que je rangeais mon arsenal, et si tout lui est tombé dessus quand elle a ouvert l'armoire, je comprends qu'elle ait crié. Entre le volume de mes massues et le poids, il y avait de quoi hurler de peur.  

 

-Mais est-ce que ça va ? Est-ce que vous vous êtes fait mal ?  

 

-Non non, tout va bien, j'ai juste eu peur. Mais... Euh... Qu'est-ce que c'est ?  

 

-Euh, ce sont... Heu...  

 

-Aaahhh ! Mon pire cauchemar ! t'entends-je t'écrier dans mon dos. Mais tu les avais laissées ici ?? Ah bon sang ! Si j'avais su, j'aurais retourné ton armoire et j'en aurais fait des cure-dents !!  

 

Quand je me retourne, c'est pour te découvrir le regard fixé sur mes masses et le poing serré devant toi, comme si tu défiais un ancien ennemi d'oser encore s'en prendre à toi.  

 

-Comme si tu n'avais jamais fouillé dans mes affaires, abruti... Ne l'écoutez pas, Hisae, ce sont juste quelques armes que j'utilise pour me défendre.  

 

-Pour vous défendre ? Avec ça ?! Mais elles sont énormes !! Comment vous faites !?  

 

-C'est son super pouvoir de mégère hystérique, te moques-tu en fuyant mon regard courroucé.  

 

-Ryo, dehors ! Elles ne sont pas si lourdes que ça Hisae, expliqué-je en me retournant vers la jeune femme, mais il faut être dans certaines conditions pour qu'elles soient efficaces. Et d'ailleurs, puisque vous les avez vues, n'hésitez surtout pas à vous en servir si le besoin s'en fait sentir. Il y en a des petites, qui vous permettront de vous débarrasser de n'importe quel parasite.  

 

-Il y a des parasites ici ? s'inquiète-t-elle en frissonnant.  

 

-Oui, une espèce très particulière, plutôt nocturne et très collante. Donc si jamais vous êtes dérangée pendant la nuit, un coup bien placé devrait vous en débarrasser...  

 

-Même pas vrai d'abord, t'entends-je ronchonner. Je te rappelle que le somnambulisme est un trouble bien plus répandu qu'on ne le pense...  

 

-Somnambulisme, bah voyons ! ironisé-je en levant les yeux au ciel. Oui, vous avez bien compris, Hisae, réponds-je au regard interrogateur de la secrétaire, voici le parasite nocturne dont je vous parlais. Il peut parfois être accompagné d'un autre cafard, plutôt blond, lui.  

 

-Le somnambulisme c'est très contagieux, nous informes-tu, très doctement.  

 

-Ça peut surtout s'avérer mortel, ne l'oublie pas Ryo. Je ne pense pas que vous aurez affaire à ce deuxième « somnambule » ces prochaines semaines, ses crises sont sous contrôle actuellement, mais quoi qu'il en soit, ces massues sont certifiées « nuit tranquille » à 100%, donc n'hésitez pas à vous en servir et je vous garantis un sommeil de qualité.  

 

-Ouais ben j'espère que vous n'en profiterez pas pour ronfler aussi fort qu'elle, lui murmures-tu sur le ton de la confidence, parce que quand moi je venais dans sa chambre, je vous assure que c'était juste pour la tourner afin de ne plus l'entendre ronfler depuis l'autre bout du couloir.  

 

-Je te croyais somnambule.  

 

-Je SUIS somnambule. Mais j'ai aussi le sommeil léger et tu ronfles comme un sonneur.  

 

-Tu m'énerves. Dehors ! grondé-je la voix lourde de menaces, confuse de me sentir devenir rouge de colère.  

 

-Ah ! Vous voyez, une mégère hystérique ! Et qui ronfle !  

 

-Je t'ai dit dehors ! réitéré-je en te poussant vers la porte. Hisae, reprends-je, en ignorant le sourire niais qui te sert de réponse pendant que tu échappes à ma poigne, il faut que j'en profite pour vous montrer les autres éléments mis en place pour assurer une double protection autour de votre chambre.  

 

-Kaori, je t'interdis formellement de modeler cette femme à ton image ! t'écries-tu, complètement catastrophé, elle est douce et innocente !  

 

-Justement, Ryo ! Il faut donc qu'elle puisse le rester et pour ça il faut qu'elle soit armée, rétorqué-je avec assurance, les bras croisés.  

 

-Kaori, vous êtes sûre ? Je ne veux pas d'une arme, je ne me sens pas prête. Ce n'est pas pour moi, ça, vraiment.  

 

-Voilà ! Écoute-la. Regarde-la, la pauvre, elle est toute tremblante. Tu es en train de la traumatiser avec tes idées de violence. Venez-là ma pauvre, commences-tu en la rejoignant en deux enjambées pour la prendre par les épaules et la serrer un peu contre toi. Ne vous inquiétez pas, je ne la laisserai pas vous entraîner sur cette voie. Je vous protégerai !  

 

D'abord indécise devant ta réaction, je comprends soudain l'objectif de ce rapprochement. En la tenant fermement par les épaules et en l'attirant légèrement sur le côté pour la rapprocher de toi, tu as une vue imprenable sur le décolleté de son peignoir, qui s'est légèrement entrouvert sous la pression. La fureur m'étreint brusquement et, faisant fi de la douleur qui broie chaque muscle de mon corps, je t'attrape l'oreille par surprise et te tire vers la sortie. Agrippant au passage un 100 tonnes, je traîne l'ensemble sur le sol jusqu'à la porte de la chambre, d'où je balance le tout d'un fracassant moulinet de bras en direction du mur du couloir. Tant pis pour mes bonnes résolutions !  

 

-J'ai dit : DEHORS !! explosé-je en claquant la porte sur l'enchevêtrement de membres et de morceaux de bois qui finit de retomber au sol, avant de me retourner vers Hisae en m'époussetant les mains. Bien, revenons à nos moutons...  

 

-Heu... commence la jeune femme, hébétée... D'accord.  

 

-Alors, vous savez maintenant où sont rangées les armes les plus volumineuses. Elles sont à utiliser en cas d'intrusion ou d'urgence. Mais il faut aussi savoir qu'ici « les murs ont des oreilles » n'est pas seulement une expression. Et ils ont même des yeux !  

 

-Comment ça ?  

 

-Venez voir, je vais vous montrer.  

 

Serrant son peignoir contre elle, Hisae se rapproche du tableau accroché au mur que je lui désigne du doigt.  

 

-Ce tableau ? Je ne vois rien...  

 

-Regardez bien...  

 

Le nez collé à la couche de peinture et les sourcils froncés de concentration, je la laisse chercher, jusqu'à ce que soudain son regard s'éclaire, signe qu'elle a vu le petit trou.  

 

-Voilà. Ce petit trou donne sur la chambre d'ami. Il n'est visible ni d'un côté ni de l'autre. Disons qu'il faut savoir qu'il est là pour le voir. Maintenant que vous connaissez son existence, vous saurez si quelqu'un regarde dans votre chambre depuis l'autre côté du mur.  

 

-Mais quelle horreur ! Je n'oserai jamais me déshabiller en sachant ça ! Comment faites-vous pour vivre ici ?  

 

-Oh ne vous inquiétez pas, dès que vous voyez une ombre apparaître, c'est très simple. Il vous suffira d'enfoncer brusquement votre doigt dans le trou du tableau. Croyez-moi, une fois que le voyeur aura passé deux jours dans la peau d'un borgne, il ne se risquera plus à recommencer !!  

 

Frissonnant d'indignation, la jeune femme attrape les quelques vêtements que je lui ai prêtés et se dirige vers la porte.  

 

-Pour l'instant, je vais me changer dans la salle de bain. Au moins là-bas je serai tranquille. A moins qu'il n'y ait des trous là-bas aussi ?? s'inquiète-t-elle.  

 

-Ceux-là ont été rebouchés, lui réponds-je en riant doucement, vous pouvez y aller sans crainte.  

 

Une fois Hisae sortie, je m'attarde un peu dans ma chambre. La présence de la jeune femme a déjà laissé sa marque. Quelques affaires sur le lit, les rideaux refermés d'une façon qui n'est pas la mienne et je me sens presque intruse. Au moment où je m'apprête à sortir à mon tour, mon regard est soudain happé par le reflet dans le miroir et, malgré moi, je m'en approche.  

Face à moi, dans le reflet, celle que je suis aujourd'hui. Je ne me suis pas encore vue et le choc est violent. Je suis couverte de bleus et en partance pour l'exil, encore, même si cette fois, c'est contrainte et forcée. Je me revois, il y a cinq mois, pâle et déterminée, forte et effondrée. Et là, face à moi-même, j'ai comme un hoquet qui me coupe la respiration. Ai-je été à la hauteur de cette Kaori d'il y a cinq mois, celle qui refusait les faux-semblants ? Quand je vois mes hésitations sur le toit, tout à l'heure, je n'en suis pas certaine. Pourtant, je me sens plus forte aujourd'hui, plus sûre de ce que je suis et de ce que je veux. Mais je n'oublie pas non plus ce que je me suis promis lorsque nous avons reformé City Hunter : t'aimer sans rien attendre.  

Tel un automate, je viens poser ma main sur celle de mon reflet, comme pour lui poser cette question : comment profiter de ces quelques heures pour faire tomber les murs et respecter cette promesse ? Dans les pupilles de celle qui me fait face ne brille que le doute et au lieu d'une réponse, le miroir m'offre le reflet de Hisae, revenue de la salle de bain et vêtue de mon pyjama. Elle pose sur moi un regard inquisiteur.  

 

-Kaori ?  

 

Je souris à la jeune femme dans le miroir. Mais mon sourire ne semble pas la rassurer.  

 

-Vous êtes sure que tout va bien ? Vous avez l'air épuisé... Et mal en point si je peux me permettre, dit-elle en soulignant sa phrase d'un regard appuyé sur mes hématomes.  

 

-Vous avez raison, je suis épuisée. Je vais aller prendre un bain et aller me coucher. Et n'oubliez pas, ces massues sont à votre disposition, n'hésitez pas à vous en servir si le besoin s'en fait sentir.  

 

-Non, vraiment Kaori, je ne me sens pas prête. Rien que de les savoir là me donne des frissons !  

 

« Évitez de soulever les lattes du plancher sous votre lit alors » réponds-je en mon fort intérieur en réprimant un petit rire. Hisae semble prendre ma grimace pour un signe de douleur et automatiquement elle me prend le bras, visiblement inquiète.  

 

-Vous êtes sûre que vous ne préférez pas dormir dans votre lit ? Ma proposition est toujours valable.  

 

-Non, non ! C'est déjà devenu votre chambre ! Et comme l'a dit Ryo tout à l'heure, il doit me surveiller. C'est le Doc qui l'a dit ! t'imité-je en riant, avant de sortir de la chambre et de me diriger vers la salle de bain, devant la porte de laquelle je te trouve, adossé au mur, les bras croisés.  

 

-Qu'est-ce que tu fais là, Ryo ?  

 

-A ton avis ? me réponds-tu, impassible.  

 

-Comment veux-tu que je le sache ? rétorqué-je en te passant devant pour ouvrir la porte et pénétrer dans la salle de bain. Ce n'est qu'en constatant que tu me suis que je comprends le sens de ta réponse et je me retourne aussitôt vers toi, en serrant contre moi les serviettes que je venais de prendre.  

 

-Non mais tu plaisantes ? Tu ne penses quand même pas que tu vas rester ici ?  

 

-Ah mais bien sûr que si... répliques-tu, sans aucune gêne visiblement, alors même que ton regard posé sur les serviettes signifie que tu as bien compris que je compte prendre un bain. Laisse-moi juste attraper ça, dis-tu en récupérant, derrière moi, une petite boîte blanche en haut de l'armoire.  

 

-Que ? La trousse à pharmacie ? m’écrie-je en reconnaissant la petite croix verte qui indique l'usage de la boîte. Ecoute Ryo, je veux bien croire que le coup de massue et le mur t'aient un peu fait mal, mais, tu vois, là, j'ai besoin de prendre un bain, dis-je d'une voix lasse. Si tu veux, je te soignerai après, d'accord ?  

 

-Ce n'est pas pour moi, me réponds-tu doucement.  

 

-Hein ? Pas pour toi ? Oh, pour moi... comprends-je alors, mais ne t'inquiète pas, ça va. Je vais me délasser dans de l'eau bien chaude et ensuite ça ira mieux.  

 

-Si tu le dis, me retournes-tu d'un air entendu, alors vas-y, déshabille-toi.  

 

-Je vais me répéter Ryo mais... Non mais tu plaisantes ?  

 

-Non non, je ne plaisante pas. Mais si tu veux, on fait un deal : si tu arrives à enlever ta robe toute seule, alors je te laisse tranquille.  

 

Je ne peux m'empêcher de faire claquer ma langue d'agacement, mais ton petit sourire narquois me met au défi, défi qu'une soudaine bouffée d'orgueil m'oblige à relever. Me tournant face à la glace, j'attrape le bas de ma robe pour la passer par-dessus ma tête, tout en lançant à ton reflet :  

 

-Très bien, voilà, tu es content ? Et ferme la porte en sor...  

 

La violence de la douleur me cloue littéralement sur place. Impossible de finir ma phrase et de terminer mon geste. Je reste coincée dans cette posture stupide, les bras levés et coincés dans les plis de la robe, la bouche grimaçante. Blême. Je vacille. Je me demande même si je ne vais pas tomber dans les pommes. Des taches blanches dansent devant mes yeux ; une affreuse nausée me saisit ; mon corps tout entier se contracte et me déséquilibre vers l'arrière. Mais à l'instant où je bascule, je sens ton corps contre le mien qui fait contrepoids, pendant que tu me ramènes doucement sur mes pieds en me maintenant de tes bras.  

 

-Voilà pourquoi je voulais rester. Ne fais pas ta tête de mule Kao, laisse-moi t'aider.  

 

Je ne sais pas si c'est la douleur, l'adrénaline, la peur ou ta voix chaude dans mon oreille, mais je suis incapable d'émettre le moindre son. Lorsque tu fais redescendre la robe le long de mon corps pour libérer mes bras, je ne peux que hocher la tête en guise de réponse. Attrapant une paire de ciseaux dans la boîte, tu entreprends de découper le tissu.  

 

-J'espère que tu ne m'en voudras pas de découper une si belle robe, ou plutôt ce qu'il en reste, ironises-tu doucement, mais c'est le moyen le moins douloureux de te l'enlever. J'espère aussi qu'Eriko ne m'en voudra pas.  

 

-Ce n'est pas Eriko qui me l'a donnée. C'est Tybault.  

 

Seul le bruit de la lame déchirant les fibres du tissu de mousseline suit ma réponse. Tu concentres ton attention sur le découpage, le visage morose. Je n'ai pas le temps de m'interroger sur ta réaction, ou plutôt ton manque de réaction, car, après un dernier coup de ciseaux, la robe se sépare en deux pans, l'un tombant derrière moi et l'autre devant, découvrant mon corps à tes yeux, qui s'écarquillent violemment. Un éclair les traverse, tes mâchoires se crispent et tu lâches un juron. Puis tu t'écartes pour t'asseoir sur le rebord de la baignoire et reprends :  

 

-Viens par là, je vais te mettre une crème pour aider à résorber ces... bleus.  

 

Ta voix est sourde et ressemble à un grondement tant elle est basse. Sans comprendre, j’acquiesce et viens me positionner là où la pièce est un peu plus large pour que nous puissions nous tenir à deux et bouger plus facilement. Mais c'est là aussi que se trouve, collé au mur, ce miroir qui me permet soudain de me voir en pied et de comprendre. J'en ai la respiration coupée. J'avais bien vu que mes bras étaient couverts de bleus, et le miroir dans ma chambre m'avait déjà révélé les hématomes sur le visage. Mais là... En découvrant les lignes de marques violacées qui zèbrent mon thorax et les traces, noires et larges comme le poing, qui les ponctuent et crient la violence des coups qui les ont créés, je me demande comment j'arrive encore à respirer. Le reste de mon corps n'est guère mieux. C'est comme si j'avais été rouée de coups de pieds pendant que j'étais évanouie. Bon sang, elle a dû s'acharner sur moi ! Je suis saisie d'un violent tremblement et, instinctivement, je croise mes bras devant moi dans un dérisoire geste de protection, comme si cela pouvait annihiler ce qui a déjà été fait.  

 

-Je vais devoir masser pour faire pénétrer la crème, m'informes-tu, presque hésitant, tu me dis si je te fais trop mal.  

 

Ta voix, plus calme, me sort un peu de ma léthargie et je me tourne vers toi, lentement. J'essaie de retenir mes larmes. C'est ridicule de pleurer, ça ne sert à rien, me morigéné-je silencieusement, ce sont les réalités du métier ! Mais j'ai beau faire, je sens bien que ce n'est pas comme d'habitude. J'ai déjà été blessée, plus ou moins gravement, mais à chaque fois c'était dans l'exercice de mes fonctions, parce qu'en tant que nettoyeuse, j'avais pris des risques. Mais là, c'est différent, ce n'est pas à la nettoyeuse qu'on s'en est pris, c'est à moi, Kaori. Elle a voulu me faire du mal à moi. Je me remets à trembler, comme une feuille cette fois ; j'ai froid ; je me sens affreusement mal.  

 

-Elle le paiera, Sugar.  

 

Ta voix est neutre, monocorde, mais je connais cette aura. Je sais qu'en baissant la tête vers toi je vais me faire transpercer par la colère qui vrillera l'onyx de ton regard.  

 

*********  

 

Tes lèvres tremblent encore plus que ton corps. Debout devant moi, les bras croisés contre ton corps, tu n'as jamais semblé aussi fragile et perdue. Et moi je suis complètement retourné. Ce que tes bras me cachent est gravé à jamais au fond de ma mémoire. Bordel, comment a-t-elle pu s'acharner à ce point-là sur toi !? J'hésite entre te prendre dans mes bras et aller exploser mon poing contre le mur pour me décharger un peu de cette rage qui me brûle. Je suis furieux. Furieux contre moi-même. Merde, où étais-je quand elle te fracassait le corps de coups de pieds ? Et pourquoi n'ai-je rien pu anticiper, rien vu venir ? Je me suis fait avoir comme le dernier des abrutis. J'aurais dû te protéger toi et non Makato. Mes veines me brûlent et ma respiration devient difficile. Et là, devant ton corps tremblant, me demandant comment je vais pouvoir appliquer sur toi le baume cicatrisant sans te faire hurler de douleur, je me jure que c'est la dernière fois. Je ne tue pas les femmes. Jamais. Je ne dérogerai pas à cette règle. Mais plus jamais elle ne doit pouvoir s'en prendre encore ainsi à quelqu'un. Ni à toi, ni au vieux Xiang, ni à qui que ce soit d'autre. Plus jamais. Je m'en fais le serment. Je vais trouver son point faible et la traquer sans merci jusqu'à ce que je la fasse tomber et qu'elle aille croupir en prison. Ou ailleurs. Je m'en fous, tant qu'elle reste inoffensive. Cette pensée me permet de respirer un peu mieux et de revenir à ma première intention, te soulager.  

 

-Viens-là, dis-je en attrapant le tube de crème et en écartant les jambes pour te permettre de te rapprocher.  

 

Silencieusement, tu te positionnes près de moi, hésitante. J'étale une noisette de crème sur le bout de mes doigts et, faisant mine d'ignorer tes bras toujours croisés devant toi, je commence par un hématome moindre, sur le haut de ta cuisse, pour que tu puisses appréhender la sensation d'être touchée et ta douleur. Peine perdue. Un gémissement douloureux t'échappe dès que j'appose la crème.  

 

-C'est une crème cicatrisante mais elle est surtout anesthésiante. Ça ira vite mieux, te rassuré-je, sans te regarder. Je devine que tu opines du chef tout en serrant les dents pour ne pas geindre pendant que j'applique la crème sur tes bras... bras que tu finis par décroiser en une ultime preuve de confiance. Cette confiance me touche tellement que je dois serrer les dents à mon tour pour rester concentré sur ma tâche. Oui, ce sera mon objectif. Elle ne pourra plus s'en prendre à toi. Ni t'éloigner de moi.  

 

Je suspends mon geste à quelques centimètres de ta peau. « Ni t'éloigner de moi ». Ces quelques mots m'ont pris de court. Levant les yeux vers toi, je croise ton regard, à la fois interrogateur et brillant d’inquiétude, anticipant la prochaine salve de douleur. Je te souris difficilement et reprends mon geste, m'appliquant à étaler le plus délicatement possible la crème anesthésiante sur les plus grosses marques, pendant que tu fermes violemment les yeux et que ta respiration redevient erratique. Ton courage m'oblige à en être à la hauteur.  

« Viens-là »... « Reste »... Tu avais raison. Il faut profiter de ces quelques heures pour, comment as-tu dit déjà ? « Fabriquer des souvenirs qui seront notre force ». Mais plus que des souvenirs, je veux que tu partes avec la certitude que tu vas revenir et que ce sera la dernière fois que nous serons séparés. La dernière. Et pour ça il faut que tu saches à quel point tu comptes. Je ne sais pas encore comment je vais faire, ni même ce qu'il faut faire, mais quand tu partiras tout à l'heure, ce sera avec le sourire. Je peux faire ça, je veux être cet homme,..  

 

Un gémissement me fait lever la tête. Tout à ma réflexion, j'ai appuyé un peu plus fort que je ne l'aurais voulu. C'est seulement la deuxième fois depuis le début que tu exprimes ta douleur. Je retire mes doigts pour les remplacer par ma paume, le temps que tu te détentes un peu. Il faudrait trouver comment t'aider à mieux supporter cette séance de torture.  

 

-Pardon Kao. Tu as le droit de crier tu sais, te proposé-je, avant de rajouter :  

 

-Ça va ?  

 

-C'est l'extase, mens-tu effrontément.  

 

-Tu m'impressionnes, tu sais, reconnais-je après un silence, tu n'es plus la pleurnicheuse que je connaissais.  

 

-Hein ? tiques-tu brusquement, qu'est-ce que tu viens de dire ?  

 

-Heu... Qu'est-ce qu'il y a ?  

 

-Je ne suis plus la... Je rêve où tu es en train de me dénigrer ? te méprends-tu.  

 

-Je ne te dénigre pas. Je dis juste que moi qui pensais parfois que tu n'étais pas à la hauteur malgré ta carrure de mercenaire, je remarque que tu supportes la douleur aussi bien qu'un mec. Je ne vois pas pourquoi tu t'énerves...  

 

-Tu ne dénigres pas ?! Mais tu dis non seulement que je ne suis pas à la hauteur et que je suis une pleurnicheuse mais, qu'en plus, j'ai la carrure d'un mec ! Et il faudrait que je te remercie peut-être ?!  

 

-Euh... Bah oui, hésité-je, mais c'est pas tout à fait comme ça qu'il faut le prendre Kao... C'était un compli....  

 

-Pas tout à fait ? t'insurges-tu, alors explique-moi comment je dois le prendre Ryo ? Je dois le prendre, un peu, beaucoup ou moyennement comme une phrase complètement misogyne et affreusement déplacée dans un moment pareil ! Et je ne ressemble pas à un mec !!  

 

-Oh, si peu... réponds-je nonchalamment.  

 

Ce n'est même pas la peine que je te regarde pour deviner que la petite veine sur ton front a soudain fait son grand retour et qu'elle doit palpiter frénétiquement contre ta tempe. Je souris malgré moi.  

 

-Et en plus ça te faire rire ? t'étrangles-tu en serrant les poings violemment. Tu te fous de moi, tu m'attaques sur mes capacités ET sur mon physique, tu me rabaisses avec des soi-disant « compliments » et en plus ça te fait rire ?  

 

-Calme-toi...  

 

-Et en plus il faudrait que je reste calme ? Tu sais ce qu'elle te dit la mercenaire pleurnicheuse ??  

 

-Elle me dit : « Et voilà ! » m'exclamé-je, fier de moi, en claquant très légèrement la peau de ton bras à côté du dernier hématome que je viens de traiter, « c'est fini !! »  

 

-Hein ? Quoi ? t'étonnes-tu sans comprendre pendant que je ne résiste pas à afficher un grand sourire satisfait.  

 

-J'ai terminé de te mettre la crème. D'ici quelques minutes, tu devrais être vraiment soulagée. Il faudra que tu la prennes avec toi pour accélérer la guérison, t’explique-je en te mettant le tube dans la main.  

 

-Oh... Je... Alors tout ça... C'était...  

 

-Juste une façon de détourner ton attention pour que tu n'aies pas trop mal, oui.  

 

Tu en es toute déboussolée, et moi je ne me départis pas de mon grand sourire. J'adore te faire tourner en bourrique, surtout quand c'est utile en plus. Et là, j'avoue que j'ai fait fort. Dès le moment où j'ai lancé ma petite phrase assassine et que j'ai senti ta réaction, j'ai commencé à masser plus fort pour accélérer la pénétration. Il suffisait juste de continuer à t'énerver crescendo et en moins de temps qu'il ne fallait pour le dire, c'était terminé. Imparable. Face à moi, tu reprends contenance au fur et à mesure que tu comprends comment je t'ai menée en bateau et tu auscultes ton corps pour vérifier qu'effectivement, les hématomes les plus douloureux commencent à l'être un peu moins.  

 

-Merci Ryo, mais tu te rends compte que... j'ai failli... j'étais vraiment à deux doigts... enfin tu vois quoi !  

 

-Une massue ? Bah ma foi, c'est pas comme si c'était une surprise m’esclaffe-je.  

 

-Donc... hésites-tu, tu n'as jamais pensé que je n'étais pas à la hauteur ni que je ressemblais à un mec ?  

 

-Pas à la hauteur, ça jamais ! réponds-je en omettant sciemment de te rassurer sur la suite.  

 

Tu fronces d'abord les sourcils, avant de comprendre que je me moque encore de toi, et tu te mets doucement à rire.  

 

-Abruti... protestes-tu en me tapant gentiment sur le bras, avant de prendre soudain conscience que tu es en sous-vêtements et de me repousser vers la porte. Maintenant, dehors ! J'ai un bain à prendre.  

 

-Attends, dis-je en échappant à ta poigne, je ne pars pas, je reste jusqu'au bout.  

 

-Non mais tu plaisantes !  

 

-Encore ? Tu te répètes ce soir, m’amuse-je en allant ouvrir les robinets pour remplir la baignoire. Ne t'inquiète pas, je veux juste t'aider à t'installer là-dedans.  

 

-Ah mais non, c'est hors de question Ryo, je me suis déjà bien trop déshabillée devant toi !  

 

-Tu as peur de quoi, Kao ? Que je voie ce qui se trouve sous ces sous-vêtements de coton ? lancé-je en indiquant du regard ce que tu caches maintenant de nouveau derrière des serviettes. Tu sais, ce n'est pas la peine de t'inquiéter de ce que j'ai déjà v....  

 

Je m'arrête brusquement en te voyant rougir violemment. Non... Ce n'est pas comme ça que je dois faire. Aborder cette nuit-là sous cet angle est un terrain glissant. Et d'une je risque de finir fracassé, pour de bon cette fois, au fond de la baignoire et de deux ce n'est pas ça qui te donnera demain la force de partir avec le sourire. J'étouffe donc la fin de ma phrase maladroite dans un toussotement et je teste de la main la chaleur de l'eau avant de me tourner vers toi et de te tendre la main.  

 

-Reste habillée, Kao, aucun souci. Et je sortirai dès que je serai sûr que tu peux t'allonger dans la baignoire sans tourner de l’œil.  

 

Le regard méfiant et hésitant visiblement à tenir compte de ma dernière phrase, tu finis quand même par te débarrasser de tes serviettes et prendre ma main. Tu évites mon regard pendant que je t'aide à monter et je me place derrière la baignoire, les bras tendus de chaque côté de ton corps, pour que tu puisses t'appuyer dessus pendant que tu t'allonges. Mais comme je le prévoyais, la chaleur de l'eau sur ton corps blessé, associée aux mouvements pour t'allonger, créent un choc et tes jambes flanchent sous toi. La demie-seconde suivante, j'ai sauté dans la baignoire pour te recevoir contre moi.  

 

-Ça va ? m’enquière-je devant ta mine agacée.  

 

-J'en ai marre d'être faible.  

 

-Tu n'es pas faible. Je te rappelle que tu as fracassé mon corps et le mur du couloir il y a dix minutes à peine...  

 

-On n'a qu'à dire que j'ai glissé, ok ?  

 

-Ok, dis-je en riant doucement à ton oreille, tu as juste glissé. Maintenant, tiens-toi à moi, je vais descendre.  

 

-Ok, murmures-tu en retenant une grimace.  

 

-Je ne te lâcherai pas, me sens-je obligé de rajouter, tu peux avoir confiance.  

 

-J'ai confiance, réponds-tu en te laissant aller contre mon torse.  

 

Ton dos contre moi, tes avant-bras appuyés sur les miens, j'amorce la descente. Ton corps, naturellement imbriqué contre le mien, suit le mouvement tout en douceur et même si je sens tes doigts se crisper sur mes bras quand l'eau chaude recouvre tes hématomes, je suis rassuré. Cela n'a pas l'air d'être aussi douloureux que je ne le craignais. La crème fait déjà effet.  

Du coup, je prends soudain conscience de nos positions réciproques. Accroupi dans le fond de la baignoire, j'ai ton corps appuyé contre le mien et tes cheveux, déjà légèrement humides, contre ma joue. La vue sur la courbe de ton cou et le chemin qui mène à la rondeur de ton épaule est imprenable et l'odeur de ta peau se mêle à celle, légèrement alcoolisée, de la crème. Enivrant. Il ne faudrait pas grand-chose pour que je m'en serve de prétexte pour poser la main sur ton ventre, et t'attirer pour te serrer plus fort contre moi. Peut-être aussi poser mes lèvres dans ton cou. Sentir le grain de ta peau. La couleur que prennent tes pommettes laisse entendre que tu as autant conscience que moi de l'intensité du moment. Un bref instant de folie, je laisse mes pensées vagabonder. Nous deux, dans cette bulle. Loin de tout... Ce serait bon... Et si tentant... Mais tu bouges soudain contre moi en gémissant légèrement de douleur, et ma petite bulle éclate.  

 

« Tu dois la surveiller de près et l'empêcher de trop bouger. Il y a de vrais risques de perforation du poumon. Donc doucement, compris ? »  

 

La phrase du Doc résonne violemment en moi et me rappelle à l'ordre aussi brusquement qu'une paire de baffes. Ce serait te mettre en danger que de succomber. Je ne suis qu'un égoïste. Doublé d'un con. Je ne veux décidément rien comprendre. Ce n'est pas comme ça que je vais réussir à nous faire avancer. On a bien vu ce que ça a donné la dernière fois... Malgré moi, je laisse échapper, dans un murmure :  

 

-Imbécile !  

 

-Heu... Ryo ?  

 

Inquiète, tu t'agites dans mes bras et finalement, ce que je rêvais de faire une seconde plus tôt se produit. Ton appui sur mon bras glisse et, instinctivement, je replie mon bras pour te rattraper et dérape à mon tour pour te réceptionner, assise, sur mes cuisses. L'eau chaude nous recouvre tous les deux jusqu'au torse, et la vapeur d'eau embue ma vision et embrume soudain mon cerveau. Je ne peux plus penser à rien. A rien à part la douceur de ton ventre sous la pulpe de mes doigts. A rien à part les courbes de tes fesses sur mes jambes. Je déglutis. J'ai chaud. L'eau brûlante n'y est pour rien. Ta voix me parvient, un peu plus grave que d'habitude.  

 

-Ryo...  

 

-Kao...  

 

La mienne est carrément rauque. Ta peau est douce. Ton parfum... Le Doc... Dans un ultime sursaut de raison je me redresse soudain en te laissant doucement glisser dans le fond de la baignoire. L'eau exprime toute sa frustration par de violents clapotis pendant que je sors rapidement, dégoulinant d'eau et inondant le sol.  

 

-Je... Tu dois avoir faim... Je vais te faire à manger. Je bafouille en regardant ostensiblement la porte. Détends-toi dans l'eau le temps que la crème fasse complètement effet et ensuite, rejoins-moi dans la cuisine.  

 

-Je... Oui... D'accord... Je ressens un poil de déception dans ton intonation et quand j'ose un regard vers toi, je vois que tu fixes sans les voir tes genoux sous l'eau. Je reviens vers toi et pose la main sur ton épaule, sans pouvoir m'empêcher d'en caresser la courbe du pouce. Tu lèves la tête.  

 

-Tu veux manger quoi ?  

 

-Euh, je ne sais pas, ce que tu veux... Ou une omelette ?  

 

-Je vais voir ce qu'il me reste.  

 

-D'accord. Merci.  

 

Des banalités. Ça pourrait sembler pathétique. Mais il y a un sourire dans ton regard. Je ne te fuis pas et tu l'as compris. Une dernière caresse du pouce et je m'éloigne, ouvre la porte pour sortir, puis me ravise.  

 

-Attends, tu seras plus à l'aise sans ça, affirmé-je en glissant rapidement un doigt le long de ton dos, dans un geste aussi léger qu'un souffle d'air. L'instant suivant, tu pousses un léger cri et tentes de retenir la bretelle de ton soutien-gorge que je viens de détacher, tandis que je m'esquive rapidement. Je t'entends d'abord maugréer derrière la porte que je viens de refermer puis, quand tu prends conscience qu'il est trop tard pour m'insulter, tu te contentes de rire doucement, pendant que je m'adosse contre le panneau de bois pour reprendre un peu mon souffle. Cette soirée est bien plus compliquée que je ne le pensais. « Je dois d'abord aller me changer, me dis-je en découvrant l'énorme flaque qui s'élargit à mes pieds, et puis te préparer une omelette. Je réfléchirai ensuite. » 

 


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