Hojo Fan City

 

 

 

Data File

Rated R - Prosa

 

Autore: Sugar

Status: In corso

Serie: City Hunter

 

Total: 15 capitoli

Pubblicato: 10-12-18

Ultimo aggiornamento: 07-03-23

 

Commenti: 22 reviews

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ActionGeneral

 

Riassunto: Un étrange Yakuza apparait dans la vie des City Hunter alors que le Japon subit d'importants changements juridiques .Ce monde de trafiquants est traqué par le gouvernement. Troublant, ce Yakuza va venir bousculer le monde des nettoyeurs .

 

Disclaimer: Les personnages de "Yakuza ( ヤクザ/やくざ)" sont la propriété exclusive de Tsukasa Hojo. Sauf Eiji Ijichi , Yoshinori Watanabe

 

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   Fanfiction :: Yakuza (やくざ)

 

Capitolo 7 :: Kabuki

Pubblicato: 02-05-19 - Ultimo aggiornamento: 11-05-19

Commenti: Introduire un personnage avec une véritable personnalité dans une fanfiction City Hunter n’est jamais évident car le décor initial est déjà bien dessiné. Cependant, l’exercice est très intéressant à accomplir. J’espère pouvoir arriver à l’intégrer avec son empreinte. le Kabuki,est en lien direct avec mon OS (Kabukichô, et le chapitre portant également le même nom) l’un ne va pas sans l’autre. Ils ne font qu’un.Ils sont indissociables car ils sont la base de mon histoire Yakuza.Entre le paraitre imposé par la société et la réalité il y a parfois une frontière aussi mince qu’un Kanzashi. Il faut savoir décrypter le comportement des personnages selon les circonstances. Le shōnen (少年) est un genre de manga. Big Boussas les gens.

 


Capitolo: 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15


 

Kabuki (歌舞伎)
 

 

Kabuki  

Kabukichô  

Tokyo  

 

Okuni observait le plafond.  

 

Son corps s’exprimait avec le rythme que la chorégraphie lui imposait. Toutefois,ses yeux,dénués d’expression, ne se détachaient pas du rideau de théâtre invisible. Il n’existait pas,mais Okuni, elle le voyait. Assurément. Il n’était pas de velours mais de béton. Il n’arborait non pas un flamboyant rouge mais un blanc cassé. D’ailleurs, il n'y avait pas ces genres d’ornements textiles dans un théâtre traditionnel japonais. Aucun brocard n’interférait entre les acteurs et les spectateurs. Ils ne faisaient qu’un. Aucune texture ne les séparait. Dans le Kabuki, seul demeurait un Hanamichi (花道). Ce chemin de fleurs prenait l’apparence d’une fibre délicate de papier, conférant une magnifique illusion décorative derrière les artistes.  

 

Une fine craquelure de peinture vieillissante fissurait la surface lisse du plafonnier.Ce fendillement semblait la subjuguer. Elle y percevait une déchirure dans le décor homogène, annonçant une ère nouvelle. Que se cachait-il derrière ? Avec un minimum de concentration et défiant toutes les lois physiques, elle était convaincue de pouvoir s’y insérer et s’enfuir dans un autre univers. N’était-elle pas dans le théâtre des illusions ? Okuni avait redessiné le concept du Kabuki pour le moderniser et l’adapter à sa clientèle esseulée. Elle avait peint avec soin les multiples décors imperceptibles.  

 

Ce soir,elle endossait le rôle principal de la représentation nocturne. Elle connaissait son jeu d’actrice sur le bout des lèvres. Avec le temps, elle effectuait parfaitement le surprenant scindement pour dissimuler la dérangeante réalité. Son cerveau n’enregistrait pas les séquences qui se déroulaient soir après soir, ici au Kabuki.  

 

Il ne s’agissait pas d’une célèbre tragédie, encore moins d’une tendre comédie, mais simplement l’assouvissement des envies.  

 

Durant ces moments capiteux, elle parvenait à se dédoubler. La sensation que son âme s’extirpait de sa propre chaire, sans une once de douleur, demeurait un moment déstabilisant. Ce processus était vital. Son esprit pouvait s’évader loin, très loin du Kabukichô et de cet étrange Gishikino.  

 

Pourtant, son corps réagissait parfaitement au monde qui l’entourait. La comédienne donnait la réplique avec exactitude. Elle n’était ni froide ni distance. Bien au contraire, elle était très attentionnée avec le client, mais elle demeurait absente.  

 

Avec ce stratagème alambiqué, elle parvenait à ravir son public grisé de plaisir. La chance lui avait souri en lui offrant une apparence et une morphologie plaisant à la gente masculine. En tirer profit fut sa dernière carte de survie. Son corps était agile, ses paroles étaient adaptées selon les circonstances.  

 

Les gestes, les mots et les intonations, cette subtile alliance de froid et de chaud conférait un tempo particulier à son étrange ballet au cœur du Kabukichô. Ils étaient au dernier acte de cette représentation intime.  

 

Elle enfonça ses doigts dans les cheveux noirs sévères, sa bouche accepta la sienne quelques instants avant de la libérer. Il enfouit son visage dans son cou pour lui parsemer la peau de furtifs baisers. Ses coups de reins s’accéléraient. Ses gémissements étaient de plus en plus prononcés en réponse aux assauts endiablés.  

 

Malgré l’accélération de la représentation, ses yeux restaient étrangement rivés à la fissure alors qu’il s’infiltrait au plus profond d’elle-même. Elle se cambra davantage en percevant la jouissance arriver. Elle allait clôturer cette danse ancestrale. Son partenaire était au bord de l’implosion, alors elle lui sourit pour l’inciter à persévérer dans son ascension. Il émit un gémissement de satisfaction en se figeant de plaisir en se déversant artificiellement en elle.Ce figement du corps pouvait s’apparenter parfaitement au mie (見え). Il s’agissait d’une pose puissante et émotionnelle. Cette chorégraphie était importante dans le théâtre traditionnel japonais.  

 

Les applaudissements prirent la forme sonore d’un rire grognard. Il l’observa en lui offrant un sourire salace. Il l’embrassa goulument en signe de satisfaction. Puis, il se laissa tomber de tout son poids sur elle afin de rependre son souffle. Il semblait enchanté à la vue de son visage détendu. Cet air soudainement jovial changeait radicalement,du masque froid qu’il affichait en arrivant dans son établissement. La pièce théâtrale était terminée. La définition même du Kabuki avait été respectée.  

 

(ka歌)
 

 

Les chants étaient les paroles, les soupirs et les gémissements de plaisir. Les silences aussi.  

 

(bu舞)
 

 

La danse était un élément clé dans son établissement. Okuni le répétait souvent aux danseuses peuplant son univers. Leurs danses corporelles valaient aussi bien que les danses traditionnelles du buyō (舞踊) Elles n’avaient pas à être complexées des chorégraphies des maiko.  

 

(ki 伎).
 

 

L’Habileté technique avait toute sa place. L’amour était un art à part entière. Cette vision devait être appliquée. Connaitre les sources, les gestes du plaisir afin de combler pleinement le client était une obligation. Le client devait sortir du Kabuki, ensorcelé, ivre de satisfaction. Il devait revenir pour de nouveau goûter aux délices charnels.  

 

 

 

Après les ovations sonores venait le délicat moment de flottement. Il était parfois le plus déplaisant. Certains clients discutaient en toute légèreté, d’autre se taisaient, c’était en fonction des envies ici à Kabuki. Beaucoup d’hommes trainaient leur cœur après eux, en venant dans son établissement.  

 

Le client de ce soir n’était pas très éloquent. Un brin nerveux, il revêtait une attitude dédaigneuse et faussement sympathique. Il flottait autour de lui une odeur de célibataire endurci. Intransigeant. Il ne fallait pas effectuer une analyse poussée de sa personnalité pour percevoir son caractère impétueux mais habilement maîtrisé.  

 

Il était peu emprunt à la discussion. Il préférait laisser encore quelques instants ses mains arachnéennes se balader mollement sur son corps de danseuse. Sentir sa peau contre la sienne commençait à la révulser pourtant, elle patientait. Pour oublier son trouble, elle s’accrochait à son but ultime : en finir avec cette vie sordide au cœur du Kabukichô. Elle mettait toute son énergie depuis plusieurs années, pour atteindre cet objectif : Une nouvelle vie, loin d’ici.  

 

Vint enfin le moment des séparations de l’actrice et du client. Okuni le laissa se rhabiller en toute tranquillité, il devait semble-t-il effectuer un appel. Chaque souhait était respecté. Après s’être elle-même revêtue, la jeune femme repartit rapidement du côté de la scène des illusions. L’établissement n’allait pas tarder à fermer, aussi Okuni effectua un regard circulaire à travers la salle. Elle remarqua que quelques clients étaient encore présents, mais s’apprêtaient à partir. Ils étaient saouls. Spectacle de désolation de la détresse humaine. La tenancière constata que ces séquences commençaient à lui devenir pesantes. Ici, l’amour ne faisait pas partie de l’étrange équation. D’ailleurs, il n’existait plus depuis bien longtemps.A cette constatation, elle serra la clé du Kabuki, de toutes ses forces en escomptant bien le souhait de ne plus revoir et vivre ces étranges mirages.  

 

Son regard ne se détacha pas d’un homme titubant légèrement, il se dirigeait péniblement vers la sortie.Il était en pleine discussion avec une compagne invisible. Sourcillant à ce désolant détail, la tenancière ne s’attarda pas et partit vers le vestibule. Elle observa les jeunes femmes étirer leurs corps musclés et longilignes après leur longue prestation. Des éclats de rire venaient ponctuer les conversations animées et joyeuses.  

Bien que la bonne humeur embaumait les coulisses, Okuni restait flegmatique. En temps ordinaire, elle aurait participé à cet élan de joie, car il réjouissait le cœur. Chaque soir, la gérante venait les féliciter ou les sermonner. Avec le temps, elles étaient devenues une troupe soudée. Chaque jour apportait son lot de soucis, mais l’illusion d’être unies permettait de mieux vivre.  

 

Elles étaient toutes en quête d’une vie normale loin du marasme ambiant. Le passage au kabuki était temporaire. Okuni espérait que le jour où elle fermerait définitivement l’établissement, elles trouveraient une meilleure situation. Beaucoup d’âmes perdues venaient toquer à sa porte pour s’y faire engager. Hélas, elle devait à contre cœur refuser. La plupart des postulantes étaient des objets sexuels aux mains des yakuzas, dans les ruelles du Kabukichô.  

 

Certaines étaient réduites à l’esclavage. Bien entendu, les autorités fermaient les yeux. Il fallait réguler la température du milieu. Okuni haïssait les policiers. Leur fausse préoccupation de la sécurité du quartier lui procurait la nausée. Le marché du sexe était un gage de réussite dans les bas fonds de la capitale.  

 

Bien que le tableau ne soit pas des plus beaux, Okuni tentait de faire du Kabuki une zone transitoire. Les conditions de travail n’avaient strictement rien à voir avec les établissements concurrents où régnait un patron despotique. Les jeunes femmes étaient respectées dans leur intégrité. Elles y percevaient un salaire tout les mois.Toutefois, ces conditions de travail impliquaient une rigueur et une originalité. La gérante souhaitait viser une clientèle fortunée. Depuis plusieurs mois, elle travaillait avec acharnement cette nouvelle image afin d’accélérer les rentrées d’argent.  

 

En attendant, elles vivaient la nuit pour satisfaire la pègre. « Des vampires du plaisir » Avait énoncé l’une d’entre elle en pouffant de rire. Un zeste d’humour dans une boisson tiédie par la froideur de la réalité japonaise.  

 

Okuni ne pouvait pas affirmer qu’elle détestait la capitale. Néanmoins, elle ne l’appréciait pas particulièrement. Elle n’était pas originaire de Tokyo. Elle portait comme nom de famille, la ville où elle était née. Elle y avait vécu une enfance paisible à Izumo (出雲市). Il s’agissait d’une ville située dans la préfecture Shimane. Elle avait la caractéristique de détenir izumo-taisha (出雲大社) le sanctuaire shinto le plus ancien du pays.  

 

Comment était-elle arrivée à Tokyo ? A travailler dans les quartiers du Kabukichô ?  

 

L’Amour d’un Yakuza.  

 

Elle en portait encore le sceau sur sa peau. Elle avait tatoué un Irezumi (入れ墨) par amour pour lui.Ce tatouage avait été choisi avec soin. Discret, il se situait au niveau de son épaule, descendant discrètement vers la colonne vertébrale. Être la compagne d’un yakuza n’était pas le statut le plus enviable pour une femme. Elle devait accepter ses priorités. Elle n’en n’était pas une. Répondant à l’oyabun de jour comme de nuit, leur vie personnelle était morcelée par l’ombre de ses supérieurs.  

 

Avec lui, elle avait sombré dans de profonds abysses des milieux des trafiquants. Il était dépendant de diverses drogues et coureur effréné. Ses journées étaient rythmées plus ou moins de la même manière lorsqu’il était à ses côtés: Se droguer, aller dans des loves hôtel. Leur vie était complètement déconnectée de la réalité quotidienne. La jeune femme perdait pied jour après jour sans véritablement parvenir à s’extirper de ce chaos. Il arrivait qu’ils restaient dans des états secondaires de nombreux jours, sans réellement redevenir lucides. Pourtant, elle l’aimait et en avait accepté les contraintes.  

 

A ces pensées bien sombres, elle ressentit cette petite piqûre acide bien caractéristique qui se diffusa rapidement dans le cœur. Elle s’obligea à vite les effacer pour se concentrer sur l’instant présent. Rien ne servait à remuer les cendres du passé. La soirée s’était bien déroulée. Les clients lambda étaient satisfaits, de même que le client spécial. D’ailleurs, cet homme semblait être un illustre personnage dans le milieu. Elle n’avait pas eu plus d’information que cela. Cependant, en le voyant arriver, elle comprit qu’il s’agissait d’un homme issu de la pègre. A la vue de ses hommes de main discrètement positionnés à l’entrée, elle en déduisit qu’il s’agissait d’un haut gradé. Il avait effectué le paiement avant de venir, tout était en règle.  

 

Pour ce genre de client, la pièce la plus intime lui était réservée. Elle s’occupait personnellement de sa soirée charnelle. Les gains étaient doublés voir triplés selon les bonnes grâces du client. Malgré le bon déroulement de la soirée, une étrange tension flottait dans les airs en cette fin de nuit. Okuni ne parvenait pas à définir avec exactitude son désagréable ressenti. Or, ses sens étaient en alerte. Cela s’apparentait à de l’inquiétude ou de l’agacement tout simplement. L’envie d’en finir avec cette vie sordide devenait constante. Monnayer son corps n’était pas ce qu’elle escomptait dans son existence. Malgré sa révulsion grandissante, son théâtre original avait de plus en plus du succès. Il prenait de l’importance dans le quartier.  

 

Il fallait dire que son théâtre charnel devenait le baromètre de Kabukichô. Elle était au courant de tous les événements, les ragots circulant de ses ruelles. La venue du plus grand nettoyeur du Japon avait contribué à sa popularité.Un soir, il était apparu discrètement dans son établissement. Assis, il buvait tranquillement son verre en contemplant les corps élancés. Mais son regard d’ébène se posait régulièrement sur elle. Par la suite, il revint de manière irrégulière jusqu’au jour, où elle lui avait transmis une information sur un homme recherché. Bien qu’elle soit discrète durant la soirée, elle captait tout ce qui était dit dans son établissement.  

 

Depuis ce jour, le nettoyeur venait très souvent au Kabuki. Souriante en pensant à ce héro japonais, son nom était prononcé chaque soir.  

 

Le milieu était tendu. Le meurtre du coréen était la discussion principale de cette nuit. Okuni avait bien remarqué la venue de Yakuzas qu’elle n’avait jamais aperçus auparavant. Elle allait en informer le nettoyeur.  

 

Les langues se déliaient avec l’alcool.D’après les discussions enflammées le fautif de la situation dégénérescente était Ryo Saeba. Ce dernier ne serait plus à la hauteur.  

 

Okuni fut extirpée de ses pensées agaçantes, en apercevant son client sortir de l’alcôve privée. Elle devait le raccompagner avec bienveillance. Ce dernier se rapprocha d’elle en revêtant un léger sourire à son attention. Ils discutèrent quelques minutes. Puis, il lui adressa les salutations les plus distinguées avant de disparaitre. Un véritable gentleman.  

 

***
 

 

Lorsqu’il sortit de l’établissement dénommé le « Kabuki », le client réajusta correctement ses fines lunettes ovales sur son nez aquilin. De taille moyenne,ténu, il portait un bel ensemble sur mesure. Toutefois, ses traits irréguliers déséquilibraient l’ensemble. Rien n’était encore acquis, mais il mettait un point d’honneur à afficher une certaine prestance.  

 

L’homme fit quelques pas et s’interrompit aussitôt. La ruelle n’était pas assez éclairée pour lui permettre d’apercevoir l’ensemble de ses disciples.Toutefois, ils étaient là, veillant sur lui comme des shinobi. Il les percevait.  

 

L’imposante berline noire était garée non loin de là. Le ronronnement discret du moteur le hélait afin qu’il la rejoigne au plus vite. Elle est belle cette voiture pensa-t-il bien qu’elle ne soit pas véritablement à lui. Grâce à son statut, il avait pu bénéficier de son usage.  

 

Étant le wakagashira, il avait eu droit à cet égard distingué. Son oyabun avait été généreux en lui accordant cette luxurieuse nuit.  

 

Mais, il n’était pas naïf, il connaissait le véritable enjeu de cette soirée gracieusement offerte. Le premier lieutenant s’engouffra à l’intérieur de la voiture, celle-ci partit aussitôt. Le véhicule sortit du quartier sulfureux, puis il ralentit pour se garer sur le bas côté. Le wakagashira tourna la tête en direction du passager silencieux, assis à ses côtés.  

 

_ Vas-y ! Ordonna-t-il sur un ton sec.  

 

Le yakuza acquiesça de la tête et sortit de l’habitacle. Il s’enfonça avec célérité dans la nuit épaisse. Lorsque l’homme arriva à proximité des lieux, il regarda l’heure avec attention. Il était trois heures du matin, les rues étaient désertées de la présence humaine. Le disciple était calme mais son regard était rempli de fièvre. Il avança dans la venelle de l’établissement, plongée dans les ténèbres. Le missionnaire s’adossa contre le mur, pour attendre un moment.  

 

Son chef avait préféré regagner ses pénates sans l’attendre. Il allait devoir rentrer par ses propres moyens, une fois le travail effectué. C’était normal après tout, il n’était qu’un pion agissant sous ses ordres. Un simple Yakuza. A ce constat, il soupira de lassitude et de frustration. Avec le temps, il espérait obtenir une reconnaissance et une évolution rapide de son statut. Pour le moment, il devait accomplir les tâches qu’on lui donnait, aussi ingrates soient-elles ! Le tout sans broncher.  

 

La mission de ce soir était particulière.  

 

Un groupe de femme sortirent du Kabuki, leur conversation bruyante et animée emplissait la rue déserte. Elles partaient toujours ensemble pour prendre le métro. Seule, la gérante, restait pour fermer le théâtre.  

 

Son temps était compté aussi, il ne devait pas sous estimer les yeux invisibles du quartier.Le yakuza avança de quelques pas pour s’assurer que les danseuses aient disparu de la rue. Le son de leur voix diminuait pour devenir inaudible. Elles étaient parties.  

 

Il observa avec attention les alentours pour être certain que personne ne soit un témoin gênant. La gueule sombre et inquiétante dans laquelle il s’était réfugié, était oppressante. Une vraie scène de film plaisanta-t-il en remontant le col de sa veste pour se couvrir.  

 

« L’atmosphère est inaccoutumée cette nuit » songea-t-il. Il lui semblait qu’elle était saturée d’humidité, son poids invisible en était mesurable. La brise froide accentuait le ressenti très désagréable. Elle lui transperçait les os.L’aura de la mort.Il frissonna.  

 

L’homme examina de nouveau sa montre. Dix minutes s’étaient écoulées. Remarquant que la nervosité le gagnait, il décida qu’il était temps de se mettre en action. Alors, il partit discrètement en direction de l’arrière du bâtiment pour parvenir à l’entrée de service. La porte principale avait été fermée après que les danseuses soient parties. Lorsque le mercenaire arriva au porche d’entrée, il examina la façade. La fenêtre masquée par un film occultant, diffusait une faible lumière trahissant la présence de la patronne.  

 

Avant d’entreprendre cette mission, ils avaient bien surveillé, analysé les habitudes de l’établissement, mais aussi celles de Saeba. Vu la situation tendue, le nettoyeur devait être afféré à identifier les incriminés à travers Tokyo.  

 

 

 

 

Okuni était assise à une table, dans la salle principale, occupée à comptabiliser les gains de la soirée. Ils étaient corrects. Elle sourcilla car malgré le bon résultat, il était tout de même en baisse par rapport aux soirs précédents. Il était indéniable que l’ambiance électrique de ces derniers jours devait y être pour quelque chose. Ce fait était surprenant car en règle générale, son activité n’était nullement perturbée par les tensions existantes. Bien au contraire. Okuni soupira de fatigue. Sa tête se fit subitement douloureuse. Elle massa de ses doigts ses tempes. Elle réfléchissait, calculait sans se lasser.  

 

 

Un bruit lui fit ouvrir brusquement les yeux.  

 

_ Junko c’est toi ? Demanda-t-elle en se retournant vers le vestiaire. Elle avait remarqué que Junko avait fait tomber son portefeuille en partant. Il avait du tomber de son sac.  

 

Elle tendit l’oreille, en étant persuadée d’avoir entendu des pas provenant du vestibule. Le silence lui répondit. Il en devenait pesant. La tenancière haussa les épaules, et entreprit de ranger ses affaires. Il était très tard.  

 

Après avoir fermé à double tour la caisse métallique, elle se leva de sa chaise, et regarda de nouveau en direction du corridor plongé dans le noir Étrange sensation.  

 

Okuni repartit sans tarder vers son petit bureau.  

 

_ Il est temps de rentrer, murmura-t-elle pour se rassurer et combler un peu le vide.  

 

Elle se hâta pour fermer à clé l’armoire, la fenêtre aussi. Alors qu’elle prit son sac, la tenancière perçut une présence derrière elle. Elle en était persuadée. Il y avait quelqu’un.  

 

Okuni se retourna brusquement vers la porte. Il était là, immobile. A sa vue elle resta impassible. Il lui était déjà arrivé, de retrouver des hommes complètement ivres,errants comme des âmes en peine dans son l’établissement.  

 

_ Le kabuki est fermé monsieur,décréta-t-elle avec assurance.  

 

A peine avait-elle donné cette information, elle remarqua un sourire mauvais apparaitre sur le visage de l’inconnu.  

 

En apercevant son regard métallique, elle comprit. A cet instant, les questions ne servaient à rien. Son cœur se mit à battre à tout rompre,tant la peur s’accroissait au fil des secondes. Elle regretta amèrement son manque de vigilance.  

 

Un Beretta 92 FS calibre 9mm dormait, dissimulé dans un tiroir de son bureau. Elle ne l’avait jamais utilisé, ni même touché dans la mesure du possible. Pourtant, Ryo Saeba le lui avait conseillé à de nombreuses reprises d’être beaucoup plus prudente. Or, ce soir, elle se retrouvait dans une situation dangereuse, sans aucun moyen de défense. L’inconnu obstruait l’entrée, il n’y avait aucune autre issue de sortie. Même si elle était pessimiste, Okuni tenta de se rapprocher du bureau, mais l’inconnu se précipita sur elle. Il l’emprisonna de ses bras en laissant échapper un rire malsain. Son haleine chaude soufflait sur son visage. Il n’était pas ivre.  

 

La tenancière tenta de se dégager avec vigueur mais le Yakuza l’avait saisi avec brutalité. Elle essaya d’utiliser ses jambes agiles pour atteindre son point faible. Mais la force qu’il mettait à la faire basculer l’empêchait d’y arriver. Il la bâillonna de sa bouche pour l’obliger à se taire. Elle secoua la tête pour sortir de cet immonde rapprochement. Puis, elle capitula volontairement. Il darda sa langue frémissante pour assiéger sa cavité buccale. Alors qu’il entreprit de savourer sa pénétration, Okuni utilisa la seule arme qu’elle avait en sa possession. Elle attrapa la lèvre inférieure de son agresseur et la lui mordit de toutes ses forces. Ce dernier la relâcha brutalement sous le coup de la douleur. Il hurla en posant automatiquement ses mains sur sa bouche.  

 

 

Profitant de son moment de faiblesse, elle se précipita vers la salle principale pour s’enfuir.  

 

_ Petite garce ! Tu vas me le payer Hurla-t-il en s’essuyant la lèvre ensanglantée.  

 

Haletante, Okumi sentit son cœur battre à tout rompre. Combien de temps dura sa course en direction de la sortie ? L’espace d’un battement de cœur. Elle sentit sa présence menaçante derrière elle. Il était rapide et agile. Ce dernier lui empoigna une nouvelle fois le bras avec férocité afin qu’elle lui fasse volte-face. Horrifiée et furieuse, elle lui cracha en plein visage. Il lui administra une gifle en réponse à son geste. A la vue de son visage déformée par la colère, Okuni hoqueta de peur. Il était bien décidé de se venger en s’emparant une nouvelle fois des lèvres de la tenancière. Il la mordit avec férocité. Un cri de douleur étouffé se fit entendre à travers le kabuki.  

 

La douleur fut fulgurante. Mais une sensation anesthésique recouvra le foyer douloureux. Un bouillant Tsunami rouge vif fit son apparition. L’agresseur s’extirpa de ses lèvres ensanglantées. Le yakuza émit un rire cynique en passant sa langue sur ses propres lèvres imprégnées de sang. Cet homme était un animal pensa-t-elle,les yeux figés sur son agresseur.  

 

Puis, il la relâcha en la projetant brutalement au sol. Cette dernière s’effondra par terre, groggy. Elle passa la main sur sa bouche blessée. Elle sentait sa lèvre pulser. Cela s’apparentait à une rivière pourpre coulant abondamment sur le parquet.  

 

Une lame aussi tranchante qu’un katana était venue lacérer son décor.  

 

Ses yeux étaient rivés sur la cascade. Elle ne savait ce qui l’effrayait le plus à cet instant, son agresseur ou la mare de sang qui s’agrandissait à vue d’œil. La nausée la saisit en éprouvant un goût métallique.  

 

Malgré la torpeur, l’instinct de survie s’infiltra dans chacune des ses veines en lui sommant de se sauver. Lorsqu’elle tenta de se lever pour repartir à la charge, elle entendit son rire de dément. La jeune femme n’osa pas relever la tête. Elle ne souhaitait plus voir son visage déformé par la folie. Il ressemblait à un véritable Oni...Un démon.Il était à deux pas d’elle, la jaugeant de son être rempli de colère malsaine. La terreur explosa en elle.  

 

Sa mission était de lui infliger une bonne leçon et de détruire, mais le geste d’Okuni l’incitait à passer à l’acte. Après tout, lui aussi pouvait en profiter un peu pensa-t-il. Le bruit de la boucle de sa ceinture la fit tressaillir.  

 

 

 

 

_ Okini ! Appela une voix féminine  

 

Le yakuza redressa la tête en direction de la voix. Essoufflé, il se releva prestement en lançant des jurons et remonta son pantalon . Un cri retentit lorsqu’il aperçut une jeune femme. Ni une, ni deux, il se précipita sur la jeune danseuse en lui affligeant un coup. Sous le poids de la violence, elle tomba lourdement sur le sol.  

 

Le yakuza s’apprêtait à bondir dehors pour s’enfuir à travers les ruelles. Il stoppa net dans son élan. Il allait oublier le plus important. Le but même de sa venue. Il fit marche arrière en fouillant fébrilement la poche de son pantalon à la recherche de son briquet argenté.  

 

Une fois dans les mains, il s’approcha du léger voilage vert Jade d’Organza. Il laissa la flamme embrasser langoureusement le textile. Le rideau s’embrasa à l’instant même où la langue de feu toucha le délicat tissu. Une flamme vive, immense, remonta avec une extrême rapidité jusqu’au plafond. Satisfait de l’effet produit, le Yakuza sortit et s’enfuit à travers les rues du Kabukichô.  

 

Okuni tentait de remettre de l’ordre dans ses idées tout en hélant après sa salariée. Cette dernière quelque peu assommée, se releva avec difficulté. Junko marcha en chancelant légèrement, tant le choc avait été violent. D’un regard hagard la jeune fille considéra la gérante avec inquiétude en apercevant le flot rougeâtre qui se répandait sur ses lèvres.  

 

_ Okuni ? Balbutia Junko,terriblement ébranlée.  

 

Tétanisées, la jeune danseuse étreignit la tenancière avec force. Okuni ne parvient pas à émettre un seul mot. Malgré sa volonté de tout contrôler, son corps endolori, se mit à trembler violemment.  

 

Toutefois, la gérante se reprit vite. La panique l’assaillit, elle repoussa avec brutalité Junko, pour regarder vers le vestiaire. En effet, malgré la douleur, Okuni huma fortement l’effluve. Une odeur âcre se répandit comme un esprit malfaisant à travers son célèbre Kabuki. La fumée pénétra dans la salle principale.  

 

_ Le feu ! Hurla Okuni en se précipitant vers l’émanation grisâtre. La peur et la douleur se diluèrent en elle comme une onde électrique. Sa lèvre ensanglantée la faisait souffrir en criant ainsi. Pourtant, elle continuait à répéter inlassablement l’unique mot qui lui venait en bouche. « Le feu » Les flammes intégrèrent la pièce principale très rapidement.  

 

Tout ceci était faux Un mauvais rêve qui allait prendre fin. Essaya-t-elle de se convaincre. Dans un geste désespéré, Okuni regarda autour d’elle pour se rappeler où était l’unique extincteur.  

 

Levant les yeux vers le plafond du vestibule, ce dernier se faisait rapidement dévorer par le feu. Okuni serra les dents douloureusement, dans un élan de rage, puis se retourna brusquement en direction de la danseuse.  

 

_ Appelle les secours au lieu de rester planté là comme une idiote ! S’écria avec virulence la gérante avant de tenter d’éteindre le feu.  

 

Sursaute à l’ordre impétueux, la jeune danseuse, encore sonnée, analysa rapidement la situation.  

 

_ Okuni il faut sortir d’ici ! On appellera les pompiers dehors ! S’écria Junko en panique.  

 

Elles ne pouvaient plus accéder au bureau.  

 

_ Jamais ! Hurla Okuni avec fureur en tentant d’éteindre le feu qui doublait en intensité. Elle dut reculer tant sa force était impressionnante.  

 

Les fumées devenaient épaisses s’apparentant à de masses ténébreuses s’infiltrant dans la pièce principale dédiées aux plaisirs. La fumée âpre s’infiltrait en elle, irritant son organisme. L’air lui piquait les narines et la trachée au point de lui en donner envie de vomir. Elle avait de plus en plus de mal à respirer. La tenancière mit la main devant sa bouche, elle vit avec effroi le feu venir lécher progressivement la scène principale. Elle perdait ce qu’elle avait construit à la sueur de son corps et de son cœur. Un cauchemar. La chaleur devenait suffocante. Le crépitement douloureux du bois leur hurlait de vite s’enfuir.  

 

_ Viens! Okuni !Il faut sortir ! Cria Junko en la prenant par le bras pour l’inciter à la suivre.  

 

_ Lâche-moi ! S’écria la gérante en se détachant brutalement de son amie.  

 

La salariée resta stoïque en examinant la jeune femme aux lèvres sanguinolentes, les yeux aussi brillants que les étoiles en plein été. Okuni la gifla.Toujours immobile, la gérante lui adressa un nouveau geste menaçant pour l’inciter à reculer d’elle.  

 

_ Dégage d’ici immédiatement! S’époumona la patronne, dans un état secondaire. Sa vue était embuée de larmes. La lumière partait.  

 

Sans attendre, elle reprit l'extincteur et tenta de se rapprocher de nouveau du foyer ardant.  

 

C’était la première fois que sa patronne levait la main sur elle. Estomaquée par son geste,Junko resta stoïque.  

 

__va t’en ! Rugit Okuni en se rapprochant une nouvelle fois d’un air menaçant. « Ne me le fais pas répéter encore une fois ! » Ajouta-t-elle avec colère.  

 

Okuni était ivre de rage  

 

Junko la considéra avec chagrin, mais la fumée l’empêchait petit à petit de respirer. Elle fit d’abord quelques pas en arrière, les yeux rivés sur sa patronne. Puis elle décida de s’évader de cette prison. Elle ne voulait pas devenir un combustible.A peine sortie du Kabuki, elle fut pétrifiée : le feu avait définitivement condamné la dernière sortie. C'était moins une ! Songea-t-elle. Aussitôt, son unique pensée fut: Okuni. Junko courra en à perdre haleine, dans un établissement voisin pour prévenir les pompiers.  

 

Okuni était au milieu de son théâtre de faux semblants traditionnels qui se consumait. Suffoquant en raison du manque d’oxygène, des flammes de plus en plus intenses s’approchaient dangereusement. Elles s’emparaient de son territoire. La jeune femme suait de tous ses pores. Son visage se contractait de douleur,tant respirer demandait un effort considérable. Sa tête devenait douloureuse, il ne semblait plus être irrigué en oxygène. Une sensation de tétanie des sens la submergeait.Un flottement. Elle vacillait tant le gaz s’imprégnait avec violence dans son organisme. Elle ne partirait pas ici. La jeune femme préférait mourir plutôt que subir une nouvelle vie sans son Kabuki. Elle crut entendre les sirènes. Néanmoins, elle se rendit compte qu’elle percevait quasiment plus la voix assourdissante de son combustible ennemi. Son ouïe s’évaporait. Sa vue aussi. Okuni avait les yeux inondés de larmes lui brouillant la triste réalité. Cela était peut-être mieux ainsi.  

 

Dans un ultime effort, elle observa une dernière fois le feu danser avec une certaine provocation sur sa scène de bois. La parure orangée des flammes conféraient un avant goût d’enfer qui ne lui faisait plus aussi peur. Sa couleur ambrée ressemblait également à un whisky glacé. Il aimait bien cet alcool. Surprenante pensée avant de mourir Songea-t-elle en s’obligeant à fermer les yeux.  

 

 

***
 

 

 

 

Il observa le barman lui verser un double whisky avec des glaçons dans un grand verre. Il avait bien précisé la contenance tant il avait besoin d’un remontant efficace en cette fin de soirée. Le tintement des glaçons s’entrechoquant au contact du liquide lui mit l’eau à la bouche. Il profita du calme ambiant du café pour récapituler la journée. Le nettoyeur japonais semblait être paisible en ayant passé un agréable moment, essentiellement en Cat’s .  

 

La discussion collective de l’affaire donnait un élan de motivation et d’optimisme à l’ensemble du groupe. L’union faisait la force. Il en comprenait peu à peu la mesure. Les hanafuda avaient aussi contribué à renforcer leurs liens face à cet étrange épisode. Les détails du passé pouvaient être bien utiles pour adoucir des instants présents.  

 

Le nettoyeur, accompagné de sa partenaire étaient rentrés chez eux qu’en fin d’après midi.Peut être avaient-ils prolongé leur visite de peur de se retrouver seuls ? Pourtant, ils avaient discuté, comme-ci rien était durant le trajet. Bien entendu, l’affaire était en cœur de leur conversation.  

 

Toutefois, il avait bien perçu une distance mise par sa partenaire.Elle était aussi fine qu’une feuille de papier, mais suffisamment épaisse à ses yeux pour la remarquer. Elle était palpable. Il n’aimait pas son grain. Certes, la sérénité de Kaori enveloppait les non-dits, avec une certaine dextérité, mais elle le fuyait du regard. Ses yeux perçants de nettoyeur l’avaient immédiatement détecté. Il haïssait ce mur invisible, bien qu’il en soit plus ou moins responsable.Vu le nombre de fois qu’ils se disputaient, Ryo connaissait bien ses réactions. Ici, un fait lui échappait. Il n’était pas question de rancœur liée à leur dispute. Il pouvait mettre son auriculaire à couper. Comme les Yakuzas. Elle lui cachait quelque chose. Il en était persuadé. Malgré ce constat déstabilisant, il avait néanmoins apprécié le regain de douceur, après la nuit lugubre.  

 

 

Une fois que le Hanamichi (花道) bleu marine parsemé de paillettes argentées avait recouvert Tokyo, Ryo était parti, comme à son habitude dans son quartier de prédilection, le Kabukichô.  

 

Mick Angel l’avait accompagné durant son escapade nocturne. L’américain avait cette manière de s’imposer à lui qu’il ne parvenait pas à le repousser. De plus, ce n’était nullement son intention. Le nettoyeur japonais avait bien remarqué que Mick était bien décidé à suivre de prés les City Hunter, dans cette histoire. Cela faisait longtemps qu’il n’était pas resté aussi longtemps en sa compagnie.  

 

_ « Comme à la bonne époque » lui avait lancé l’américain  

 

Sourcillant à sa remarque, le nettoyeur japonais se moqua gentiment de son élan nostalgique. A vrai dire, le japonais n’appréciait guère la nostalgie.  

 

_ Elle ne sert à rien! Juste à raviver des décors brûlés par le passé. Tu es beaucoup trop sentimental Angel ! Avait constaté le nettoyeur japonais.  

 

_ Il faut toujours se méfier des cendres. Parfois quelques braises résistent malgré le temps. Il suffit d’une simple étincelle pour raviver le feu avec vivacité,rétorqua Mick en claquant des doigts pour appuyer ses dires.  

 

_ Un peu comme l’amour lui avait répliqué le nettoyeur japonais en suspectant une allusion.  

 

_ Oui, comme l’amour! Avait admis l’américain surpris lui-même de la repartie franche du japonais  

 

_ Je ne te savais pas pyromane Mick ! Avait décrété Ryo en soudant son regard charbonneux à celui de l’américain.  

 

_ Je ne le suis pas. J’estime être quelqu’un de réfléchi. J’éteins le feu consciencieusement ! Avait conclu Mick en affichant un sourire complice et un clin d’œil furtif.  

 

Malgré cette séquence troublante, Ryo fut touché par la volonté de Mick Angel à l’aider à dénouer cet étrange épisode. Le mot amitié prenait tout son sens avec lui depuis longtemps  

 

Durant leur ronde à travers les ruelles étriquées, ils avaient discuté du milieu tokyoïte.Toutefois, un sentiment d’angoisse s’immisçait malgré tout dans les analyses du japonais. Le temps jouait en leur défaveur. Mais, concrètement, il ne pouvait faire plus qu’ils ne faisaient actuellement.  

 

Soupirant doucement, il devait également faire face ces jeunes loups avides de pouvoir. Il était le nettoyeur numéro un du Japon. Pour combien de temps ? Face aux déboires de ces derniers jours, sa réputation en pâtissait. Il avait conscience qu’un jour, un adversaire plus jeune que lui aurait le dessus.  

 

Toutefois, ce jour n’était pas encore arrivé. Il ne ressentait au plus profond de lui-même. Le danger qui planait sur lui aujourd’hui, était d’une toute autre nature.Un ressenti inexplicable.  

 

Mick était à ses côté, sirotant sa bière dans un silence pensif. Autant plongé que lui dans ses pensées, l'américain soupira.  

 

_ New York me manque ! Lança de but en blanc Angel en reposant son verre devant lui. « La nostalgie du pays » Rajouta-t-il comme-ci il se parlait à lui-même.  

 

_ Ha ouais…… ? Se contenta de répondre Saeba, concentré à observer les glaçons se consumer rapidement dans son liquide ambré.  

 

_ Hum je me demande si après cette histoire, je n’irai pas quelque temps, rajouta l’américain d’un air pensif.  

 

_ Pourquoi pas. Kazue serait ravie ! Ajouta le japonais  

 

L’américain qui s’apprêtait à reprendre son verre, stoppa à la réplique de Ryo.  

 

_ Oui …Tu as raison Acquiesça Mick en hochant affirmativement de la tête. Puis, il observa sans détour le nettoyeur japonais. « Tu devrais emmener Kaori du côté d’Okinawa quelques jours… c’est très joli là-bas. Cela vous ferait du bien à vous aussi » Rajouta-t-il en s’emparant de son verre.  

 

_hmm ! Répondit Ryo, hypnotisé par la disparition progressive de la glace.  

 

L’américain fut agacé par la réponse plus qu’évasive de Ryo. Il but rapidement la dernière gorgée, et reposa avec un certain mécontentement son verre vide.  

 

_ Ryo... Je ne veux pas me mêler des affaires qui ne me regarde mais… Amorça Mick avec un flegme mal maîtrisé.  

 

_ Alors ferme la Angel ! coupa sèchement Saeba en saisissant parfaitement que la discussion tournerait autour de Kaori  

 

Le nettoyeur ne souhaitait en aucun cas aborder ce sujet tant il en était déjà tracassé. De plus, il ne voulait pas gâcher cette douce ambiance amicale, apaisante de ce soir en sa compagnie. L’américain avait toujours cette manie de mettre les pieds dans le plat au mauvais moment. En fait, il n’y avait jamais de bon moment lorsqu’il s’agissait de Kaori admit Ryo avec résignation.  

 

Lançant discrètement un regard en direction de son ancien partenaire, celui-ci ne semblait pas offusqué par sa réplique cassante. Ryo esquissa un sourire en croisant son regard azur.  

 

_ Tu es irrécupérable,conclut Mick en secouant légèrement la tête en signe d’abandon.  

 

Une voix retentit à travers le café.  

 

« Un incendie à deux pas d’ici ! »  

 

A cette information, Ryo se retourna vers l’homme qui avait annoncé la nouvelle, d’une manière fracassante. Il était entré en trombe dans le café. Une poignée de curieux se leva simultanément, pour aller voir à quelques ruelles l’incident.  

 

_C’est le Kabuki d’Okuni ! Ajouta l’homme  

 

Ryo s’arrêta de boire et lança un regard inquiet en direction d’Angel. Ils se levèrent brusquement et partirent eux aussi vers l’établissement en flammes. Les quelques venelles lui parent une éternité. Le nettoyeur ressentait toute l’agitation dans les rues. La fumée était visible. Il accéléra le pas pour se décider à courir les centaines de mètres qui le séparaient du Kabuki. Son Cœur battait à tout rompre en humant l’odeur du bois brûlé. Il était inquiet pour Okuni. Avec un peu de chance, elle était déjà partie. Tenta-t-il de se rassurer.  

 

 

Le nettoyeur aperçût des hommes affublés de leur combinaison rouge, et de leur casque blanc combattre l’ennemi. Une ambulance était également garée à quelques mètres de là. Il fallait évacuer les environs rapidement. Le nettoyeur japonais analysa rapidement la situation, d’un coup d’œil, il reconnut une jeune danseuse assise à même le trottoir. Il se précipita vers elle en lui demandant : Où est Okuni ?  

 

La jeune danseuse releva la tête en sa direction. A son expression, elle le reconnut immédiatement. Elle secoua la tête en toussotant, et montra du doigt l’établissement en proie des flammes.  

 

_ Oh my god ! Murmura Angel en comprenant la situation  

 

Cela s’apparentait à un mauvais rêve.  

 

Le nettoyeur se figea d’effroi en observant l’épaisse fumée noirâtre s’échappant des fenêtres.Il entrapercevait des flammes dansant dans les entrailles du théâtre d’Okuni. Le nettoyeur s’apprêta à braver la fournaise pour tenter de la sauver, mais Mick l’en empêcha en l’empoignant le bras avec force. Au même moment, deux pompiers sortirent à pas rapide du théâtre, en portant la gérante.  

 

_ Okuni, murmura le nettoyeur  

 

Tout se déroula rapidement. Les deux sauveurs s’engouffrèrent dans l’ambulance pour lui prodiguer les premiers soins. Les de survie tandis que la police faisait son possible pour disperser les curieux. Ils sécurisaient car une explosion était à craindre. Les pompiers mettaient à pied d’œuvre pour éteindre les flammes avec pugnacité. Une scène de chaos en plein Kabukichô.  

 

Alors qu’on lui appliquait les premiers gestes de secours, le nettoyeur s’approcha de l’ambulance. Mille questions s’entrechoquaient dans son esprit. Une sourde colère s’empara de son être en apercevant les secouristes batailler avec l’invisible. Le secouriste lui avait mis un masque à oxygène. Le nettoyeur entendait des bips oppressants qui s’accéléraient dangereusement. En général, cette stridente mélodie était annonciatrice d’un sinistre dénouement. Il détourna les yeux tant il en était troublé. Que s’était-il passé ? Il n’avait nullement besoin de se poser la question.On l’attaquait en détruisant son monde. Il en était persuadé. Il le ressentait au plus profonde de sa chair.  

 

Watanabe opérait avec une précision chirurgicale.Il avait du prendre le temps d’analyser sa vie dans les moindres détails. Il avait sûrement des complices. On souhaitait l’abattre non pas en le tuant mais en le détruisant de l’intérieur. Il ne percevait pas les aboutissants d’une telle manœuvre.  

 

Les voix des secouristes semblaient être de lointains échos. Okuni ne reprenait pas connaissance. Il percevait une agitation, un affolement. L’ambulancier s’écria :  

 

_ On décolle ! Hôpital Seibo !  

 

L’ambulancier qui s’apprêta à refermer les portes du véhicule, se retourna vers le nettoyeur, sentant une présence derrière lui. Le nettoyeur hésita. L’homme demandait implicitement s’il souhaitait venir.  

 

_ Sache de savoir ce qui s’est passé Angel! Lança le nettoyeur japonais en s’engouffrant dans l’ambulance.  

 

_ Compte sur moi ! Répondit l’américain, soucieux, mais aussi confus par ce nouvel événement.  

 

 

Junko était toujours assise à même le sol. Elle avait refusé les soins tandis que des policiers la questionnaient.  

 

_ Je vous ai tout dit, je veux rentrer chez moi maintenant ! S’écria Junko avec nervosité. La fatigue la terrassait, la peur aussi. Tout s’était déroulé si vite.  

 

_ Il faut venir faire une déposition mademoiselle c’est un incendie d’origine criminelle. On ne peut pas vous laisser partir comme cela, expliqua l’officier avec calme.  

 

-M’en fiche de votre procédure, moi je veux rentrer! Rétorqua la jeune femme. Les policiers n’étaient pas forcement les personnes les plus appréciées ici.  

 

Saeko arriva en trombe. Soucieuse, irritée, elle sortit de son bolide rouge et alla directement discuter avec les officiers. Un nouvel incident en peu de jour. La situation s’enlisait, les journaux allaient s’emparer de cette vague de violence sans précédent.  

 

Ils devaient absolument calmer l’affaire.Le lieutenant Nogami, avec sa finesse professionnelle parvint rapidement à gérer la situation tout en permettant au nettoyeur américain de participer à l’interrogatoire de la jeune femme. Junko semblait exténuée et n’était pas encline à la discussion.Toutefois, en reconnaissant le nettoyeur américain elle lui adressa un demi-sourire qui la détendit légèrement. Ainsi, elle lui raconta ce qu’elle avait aperçu.  

 

L’américain n’avait aucun doute quant à la volonté de cet ennemi, nuire à l’équilibre personnel de Ryo en s’attaquant aux personnes gravitant autour de lui.  

 

Pourtant, il s’agissait bien d’une première aujourd’hui constata-t-il avec un certain trouble. Il s’en était pris, au Kabuki, et à Okuni. Le japonais appréciait particulièrement cette femme. Embarrassé par ce constat,Mick s’interdit d’entrer dans une analyse plus poussée.  

 

_ Je n'avais plus mon portefeuille.J'étais en panique, car je pensais l'avoir perdu. Je suis retournée au Kabuki, en espérant le trouver. Lorsque je suis rentrée par l’arrière du théâtre car elle ferme immédiatement l’entrée principale après notre départ. Expliqua-t-elle en s’efforçant de rester calme. Elle prit une grande inspiration avant de reprendre. « C’est là que je l’ai vu ! Okuni était au sol. Il s’est enfuit mais a mis le feu avant de partir Continua-t-elle d’une voix de plus en plus faible.Sa gorge se contracta d’émotion en se remémorant ces séquences.  

 

_ C’était un Yakuza ! Ajouta-t-elle sans détour en se rongeant nerveusement les ongles.  

 

_ Qu’es-ce qui vous fait dire cela ? Demanda doucement Saeko  

 

_ On en voit passer des hommes vous savez. C’était un yakuza. D’ailleurs, ce soir beaucoup de clients n’étaient jamais venus auparavant. Ils viennent certainement de Kobe ou Osaka !  

 

_ Comment pouvez-vous affirmer qu’ils viennent de ces villes ? Demanda l’américain circonspect  

 

_ Ils parlaient en Kansai-ben. Il n’y a nul l’ombre d’un doute.  

 

A l’écoute de cette information culturelle, Mick se sentit quelque peu désarçonné. Il lança un regard interrogatif vers le lieutenant Nogami.  

 

_ Les japonais vivant dans la région du Kansaï ont une manière bien spécifique de parler. Ils contractent certains mots. C’est assez complexe de t’expliquer rapidement Mick. Mais tu as du très certainement percevoir la différence.  

 

Lors d’un voyage sur Osaka il avait constaté une légère différence dans leur manière de parler.L’intonation était différente.  

 

_ Durant la soirée, Okuni s’était occupée d’un nouveau client. Lui aussi avec un accent ! Ajouta la jeune femme.  

 

Des disciples de Watanabe ? Le client était l’oyabun en personne ? Non impossible, il ne prendrait pas ce risque insensé ! Pensa Angel. ..  

 

_ Savez-vous le nom de ce client ? Demanda Saeko, peu convaincue que l’homme ait donné son nom véritable  

 

_ C’est okuni qui gère tout cela…. Répondit-elle avec une voix tremblante. Il avait l’air d’être un homme d’affaire. Ajouta Junko d’un ton morne.  

 

_ Il était beaucoup plus élégant que ce voyou des rues ! S’écria la danseuse avec colère. Elle serra les poings de rage en se remémorant la vision de cet homme.  

 

_ Pouvez-vous nous décrire physiquement ce yakuza ? Continua Saeko  

 

 

_ Cela s’est passé rapidement mais il était jeune Affirma-t-elle avec nervosité. Elle précisa « grand…comme ça» en joignant le geste à la parole. « Efflanqué comme un chat. » Ajouta Junko en fronçant des sourcils. Elle avait mal en bras en raison de sa chute  

 

_ Japonais ? Interrogea Angel visiblement troublé  

 

_ Oui c’était un japonais, d’une trentaine d’année je dirai. Répliqua la danseuse, revêtant une mine concentrée.  

 

_ Avait il un tatouage ? Ou un signe spécifique que vous aurez remarqué ? Questionna le lieutenant Nogami, en rapprochant sa description à celle de Kaori.  

 

_ Je ne vois pas les tatouages à travers les vêtements. Désolé. Répliqua-t-elle dans un rire nerveux teinté d’ironie.  

 

_ Comment était sa veste ? Demanda Saeko ignorant la réponse acerbe de la salariée d’Okuni.  

 

_ Pardon ? Lança la jeune femme désappointée.  

 

_ Sa veste…Comment était-elle ? Longue ? Courte ? Demanda l’officier d’un ton ferme. Elle suivait avec exactitude la description détaillée de Kaori.  

 

_Je ne m’en souviens plus Chuchota-t-elle avec lassitude  

 

_ faites un effort. Insista Saeko avec sévérité.  

 

_ Il me semble qu’elle était noire… Décréta-t-elle en fronçant les sourcils. Elle fit une pause. Puis, elle affirma « Oui elle était noire ! Je ne me souviens pas de sa longueur. Je ne saurai pas vous en dire d’avantage. Se justifia Junko, épuisée « Je peux rentrer maintenant ? » Demanda-t-elle d’une manière suppliante.  

 

_ Je suis désolée mademoiselle mais un officier va vous accompagner au commissariat pour faire une déposition. Vous avez besoin d’une surveillance. Vous êtes témoin Expliqua Saeko en lui adressant un sourire.  

 

Soupirant d’exaspération,Junko opina de la tête en guise d’approbation. Les épaules affaissées, la danseuse suivit avec résignation l’officier.  

 

Lorsque la jeune femme avait décrit l’agresseur, l’américain pensa tout de suite au Yakuza qui s’était interféré dans la fusillade. Cela n’avait aucun sens. Etait-il dangereux ? Pourquoi Umi n’avait-il rien ressenti envers cet homme ? Mick passa nerveusement la main dans ses cheveux, tant la tension le gagnait.  

 

_ On va faire un portrait robot de ce Yakuza. Informa Saeko en ayant lu dans les pensées d’Angel. Puis, elle rajouta avec amertume« On va accentuer les recherches sur cet homme sur kobe et Osaka. J’ai peut être commis une erreur en concentrant les recherches sur Tokyo. Mais je ne pensais pas que cela irait aussi loin »  

 

_ Non, tu as fait ce qui te semblait logique. Déclara Mick en regardant les pompiers à l’œuvre. « Je vais rejoindre Ryo. Ils l’ont évacué à l’hôpital Seibo » Informa Angel  

 

Grâce à leur efficacité et leur rapidité, les pompiers étaient parvenus à prendre le dessus. Toutefois, le bâtiment avait été à moitié brûlé. Bien qu’il ne connaisse pas véritablement la gérante, Mick eut de la peine en constatant que les flammes lui avaient tout pris. Peut-être même la vie.  

 

_ Hôpital Seibo ? Répéta Saeko  

 

_ Oui 2 Chome-5-1 Nakaochiai Ajouta l’américain d’une façon laconique. Il avait appris certaines adresses par cœur. Ses débuts avaient été difficiles pour comprendre le mécanisme des adresses japonaises.  

 

_ Je t’accompagne, laisse moi deux minutes ! Avertit Saeko. Elle donna diverses instructions aux officiers. Puis, elle observa de nouveau l’américain. Immobile, les mains dans les poches, il considérait le Kabuki avec tristesse.  

 

Le trajet se fit d’abord dans le silence. Le nettoyeur américain tentait de remettre de l’ordre dans ses idées. Deux jours. Deux incidents. Un mort, Cet étrange Gishikino tournait autour de Ryo. Il s’en prenait au cercle professionnel et intime du nettoyeur. Le rythme s’accélérait. En touchant par à-coup sa vie, Watanabe voulait certainement l’affaiblir mentalement.  

 

Néanmoins, Okuni était la dernière personne à laquelle il aurait pensé. Mick l’admit avec une certaine amertume. Cet ennemi avait scrupuleusement bien analysé le nettoyeur japonais. Contrairement aux autres femmes de joie, Okuni…Elle était différente. Dans tout les cas, Watanabe avait bien remarqué sa spécificité et l’avait utilisée pour son dessein.  

 

Bien entendu, l’américain pensa inévitablement à Kaori Makimura. Elle demeurait la ligne de mire. Le point faible. Il était inquiet de la tournure que prenait la situation. Il appréhendait la réaction de la nettoyeuse lorsqu’elle apprendrait l’incendie. Elle comprendrait en un quart de seconde. Mick avait d’ailleurs trouvé la jeune nettoyeuse distante, soucieuse…Voir absente. Était-ce lié ?  

 

Après un long moment de silence, Saeko semblait vouloir discuter avant d’arriver à l’hôpital. Vu l’heure tardive, les routes n’étaient pas encombrées, ils étaient bientôt arrivés.  

 

_ Ryo fréquentait régulièrement cet établissement Angel ? Demanda sans transition Saeko Nogami.  

 

_ Oui. Répondit l’américain sans vouloir détailler.  

 

_ Cette femme en particulier ? Demanda-t-elle, les yeux rivés sur la route. Le vrombissement soudain de la voiture fit légèrement sursauter l’américain.  

 

Il se sentit mal à l’aise face à cette question. Ryo était son ami. Il ne voulait pas d’une manière ou d’une autre lui rajouter des tracas inutiles.  

 

_ Angel ? Insista Saeko sur un ton neutre mais suffisamment ferme pour montrer sa détermination à obtenir sa réponse.  

 

_ « Oui » Se contenta –t-il de répondre du bout des lèvres. Il détesta par-dessus tout cette sensation de trahison. Les images se superposaient devant ses yeux. Il avait eu l’impression d’être dans un sombre cauchemar. Il se racla la gorge et lui dit :  

 

_ Ryo doit voir l’oyabun Chong Gwon Yong de la famille Tōa Yuai Jigyō Kummiai. T’a-t-il fait part des dernières nouvelles que j’ai obtenues ?  

 

_ Oui il m’avait appelé en fin d’après-midi pour m’expliquer ! Darren Hawkins t’a fourni une information très intéressante Angel. De notre côté, nous avons peut-être localisé Watanabe.  

 

_ Ha oui ? Et où est-il ? Demanda Angel.  

 

_ il aurait été aperçu du côté de Gaienmae Aoyama itchome .Mais, il est très rusé et détecte la filature à des kilomètres à la ronde. Il avait bien préparé son séjour et sa planque. Bien entendu il sera entendu d’une manière officieuse si nous arrivons à lui mettre la main dessus. Développa Saeko.  

 

_ D’une manière officieuse ? Pourquoi ne pas déployer les grands moyens ? S’étonna l’américain.  

 

_ Mick! Nous nous basons pour le moment sur des hypothèses. Or, nous n’avons encore aucune preuve tangible de son implication dans ce meurtre. Expliqua calmement la jeune femme.  

 

_ Une fusillade, une agression, un mort, voir deux…Cela n’est pas suffisant Saeko ? Explosa l’américain, excédé par cette prudence protocolaire.  

 

_ Nous devons garder la tête froide. Nous avançons. Crois-moi ! Se justifia Saeko, affichant une moue contrariée.  

 

_ Pas assez vite ! Rétorqua l’américain.  

 

_ Nous allons faire un portrait robot à partir de la description de Kaori et de Junko. J’ai eu le feu vert Mick. Je devais faire attention tu sais bien que même la police a des oreilles communes avec le milieu des Yakuza. Se justifia Saeko.  

 

_ Ils ne sont pas intouchables ces enfoirés ! S’emporta Mick, tant il ne comprenait pas que ces genres de personnes puissent être couvertes par l’autorité japonaise.  

 

_ Non … Mais les Yakuza aident à la régulation de la criminalité. Cela peut paraitre choquant, mais c’est un fait. Mais avec le remue ménage de ces dernières semaines, nous devons agir prudemment. Dit elle en soupirant. Puis elle demanda « Crois-tu que l’agresseur de la tenancière soit le même Yakuza qui a sauvé Kaori ? »  

 

_Je ne sais pas … Mais ce n’est pas impossible? répondit l’américain incertain.  

 

_ J’espère qu’Okuni Izumo va s’en sortir Confia le lieutenant tout en rétrogradant. Bien qu’elle énonça pas à haute voix le fin fond de sa pensée, il comprit la suite de sa réflexion. Okuni avait vu le visage de son agresseur. Elle pourrait également les renseigner quant à ces clients venus du Kansaï. Le silence recouvra l’habitacle durant quelques minutes.  

 

_ Je vais également recevoir l’oyabun Chong Gwon Yong. Il ne faut pas que la tension se ravive entre les gans japonais et coréens. Cela va devenir ingérable, reprit la jeune femme.  

 

_ Que tu veuilles arrondir les angles avec Watanabe. Cela peut se comprendre vu qu’il est censé être sur Kobe. Mais pourquoi ne pas convoquer séance tenante l’oyabun Shigeo Nishiguchi de la Famille Sumiyoshi-rengō?  

 

Elle soupira en constatant l’entêtement de l’américain.  

 

_Jimin-Jang a été assassiné. Il faisait partie indirectement de la famille Tōa Yuai Jigyō Kummiai . Je convoque Chong Gwon Yong pour cette raison. Voilà pourquoi Mick ! Pourquoi convoquerai-je Shigeo Nishiguchi ? Quels motifs ? Décréta-t-elle avec conviction. Elle plissa légèrement les yeux, tant l’attitude de Mick la désarçonnait.  

 

_ Ceci dit ... Vous avez toujours eu carte blanche pour agir comme bon vous semblez de votre côté. Rétorqua-t-elle avec fermeté.  

 

_ Nous faisons ce qui est en notre pouvoir. On retourne tout Tokyo, on a activé nos indics, même à New York. Que pouvons-nous faire de plus ? Nous ne sommes pas devins. Se défendit le nettoyeur américain piqué au vif.  

 

_ Non … Vous êtes des nettoyeurs professionnels. C’est encore mieux. Rétorqua-t-elle à son tour bien décidée à avoir le dernier mot.  

 

_ Tu as un humour assez douteux ce soir Saeko…Accusa Mick en la toisant du regard.  

 

_ « Je suis à cran comme toi Angel. Mais je reste méthodique. Moi aussi je veux savoir qui est derrière cette hécatombe. Moi aussi je ressens une étrange sensation avec cette affaire qui me tombe sur les bras au plus mauvais moment ! » S’exclama-t-elle avec irritation.  

 

Depuis quelques temps, son père lui mettait une certaine pression. Etant sous le feu des projecteurs, l’autorité judiciaire était scrutée avec défiance Avec la promulgation des nouvelles mesures concernant le monde des Yakuzas. Des chiffres. Du concret. Voilà quel étaient les ordres. Ils devaient remettre dans les rangs les différentes familles pour leur conférer une image respectable. Après quelques instants de réflexion, elle rajouta ; « je m’inquiète pour Ryo et Kaori.. »  

 

_ Moi aussi Saeko….Moi aussi. Murmura l’américain avec douceur.  

 

_ La gérante… Reprit Saeko  

 

Mick fut soudainement exaspéré en constatant qu’elle revenait sur le sujet délicat  

 

_ Il la côtoie depuis combien de temps ? Demanda-t-elle d’un ton neutre en choisissant bien ses mots.  

 

_ Oh Shit Saeko ! Je ne suis pas le chaperon de Saeba ! C’est à lui que tu dois poser la question. Pas à moi ! S’invectiva Mick perdant son calme apparent.  

 

_ Ne t’emporte pas Mick. Je ne veux pas jouer ma fureteuse ! Je souhaite simplement avoir des faits précis. Ressaisis-toi ! Détache-toi de tes sentiments personnels ! C’est la base ! Sermonna la jeune femme.  

 

_ Merci pour cette leçon de professionnalisme Saeko ! Lâcha Mick, vexé. « Depuis un moment » rajouta-t-il dans un souffle en s’affaissant contre son siège. « Mais il va aussi dans d’autres bars ! C’est ses habitudes » grommela malgré tout l’américain en croisant les bras.  

 

L’omerta était particulièrement difficile à appliquer avec cette femme songea-t-il. Malgré son agacement, il rongea son frein. Ce n’était certainement pas le moment de s’emporter.  

 

Lorsqu’ils arrivèrent à l’hôpital, Mick Angel éprouva de l’appréhension sans parvenir à comprendre l’origine d’un tel ressenti. Il refoulait l’idée sinistre qu’une catastrophe se profilait à l’horizon. Le nettoyeur tentait de se rassurer en affirmant que la nuit était toujours propice aux idées noires. Les ténèbres engendraient de l’angoisse de l’esprit.  

 

Sans tarder, ils intégrèrent la partie des urgences en espérant trouver rapidement Ryo. L’américain semblait confus Ses pensées se dirigèrent inexorablement vers Kaori… Il avait la désagréable impression de la trahir. Il était également inquiet pour son acolyte. Si elle mourrait ? Comment allait-il réagir ?  

 

Mick avait perçu la lame invisible qui était venu s’abattre sur le japonais. En apparence régnait l’impassibilité, mais l’américain n’était pas dupe. La décision de Ryo à l’accompagner en disait long. Le nettoyeur japonais devait se sentir coupable. Peut être avait-il peur qu’elle meure seule ? C’était le lot d’un grand nombre de personne vivant dans le milieu. En général il s’agissait de personnes isolées, sans famille. Un frisson lui parcourra le dos à ces réflexions des plus macabres.  

 

 

Saeko Nogami discutait avec le personnel d’accueil. En une fraction de seconde, un homme revêtu de sa blouse blanche les dirigèrent d’un pas rapide vers le service demandé. Ils retrouvèrent Ryo Sabea, avachi sur une chaise, les yeux rivés au plafond, mains dans les poches.Il ne bougea pas d’un iota à leur arrivée. Il semblait captivé par le plafond. Instinctivement l’américain regarda à son tour. Une légère fissure y demeurait. Détail sans importance.  

 

_ Alors Ryo, as-tu eu des nouvelles ? Demanda Mick Angel, souhaitant attirer l’attention du japonais.  

 

_ Non…..J’attends. Répondit-il en se relevant brusquement de sa chaise, sans lancer un seul regard en direction de ses amis  

 

_ Alors, vous attendez quoi ? expliquez moi ce qui s’est passé..au lieu de me regarder comme ça. Lança Ryo. Durant l’explication, le nettoyeur japonais resta figé, devant un panneau d’affichage sur lequel étaient épinglés de divers documents informatifs.  

 

_ « Un yakuza… » Répéta-t-il d’une voix atone.  

 

Ryo se retourna pour faire volte face à l’américain. Le dialogue qui s’en suivit fut silencieux. Le léger tremblement du sourcil du japonais trahit sa sourde colère.  

 

_ Et Kaori ? Demanda Ryo  

 

_ Kaori ? Répéta l’américain dubitatif  

 

_ Ne t’inquiète pas Ryo, j’ai passé des coups de fil. Tout va bien. Rassura Saeko ayant compris la réflexion du japonais.  

 

_ Et le Kabuki ? Interrogea le nettoyeur d’une voix parfaitement calme.  

 

_ Il a été pas mal endommagé Ryo. Il reste quasiment rien Avoua l’américain.  

 

Mick lui relata les explications de Junko, la danseuse d’Okuni. Ryo acquiesçait en hochant de la tête, mais ses lèvres restaient closes. La discussion se tarit. Ils attendirent un long moment. Lançant de temps à autre un regard agacé en direction de l’horloge, le nettoyeur s’impatientait. Il se sentait prisonnier. Cet ennemi était dehors, savourant certainement l’effet produit. Il devait jubiler. Lui, il était coincé entre ces murs d’hôpital. Mais, il estimait qu’il devait rester ici, afin de s’assurer qu’Okuni s’en sortirait indemne. Elle devait s’en sortir. Il lui était impensable qu’elle puisse partir de cette manière  

 

Une porte battante s’ouvrit avec fracas. Un homme en blouse blanche se présenta devant eux. De haute stature, il avoisinait la cinquantaine. Il salua Saeko, qui de toute évidence, la connaissait.  

 

_ Il s’agit de la famille ? Demanda le professionnel en lançant un regard interrogateur en direction des deux nettoyeurs.  

 

_ Des amis proches d’Okuni ! Justifia Saeko avec assurance.  

 

_ Elle devrait être tirée d’affaire. Mais c’était moins une. Elle a inhalé beaucoup de fumée, expliqua le médecin en s’adressant à Saeko Nogami. « Nous avons effectué une fibroscopie bronchique pour détecter d’éventuels lésions. » Poursuivit-il en plaçant sa main sur ses bronches en tapotant légèrement comme pour bien faire comprendre ses explications. « Nous attendons les résultats de l'analyse des gaz du sang artériel »  

.  

Bien qu’il appréciait l’effort professionnel à expliquer avec application son état, Ryo s’impatientait face à ce flot de paroles médicales. Il souhaitait seulement savoir si elle s’en sortirait sans dommage.  

 

_ Elle est sous ventilation mécanique pour le moment. Il faut corriger l’hypoxémie détectée, continua-t-il d’une manière imperturbable. « Elle devrait s’en sortir sans dommage ». Elle a eu beaucoup de chance.  

 

Soupirant de soulagement, le nettoyeur tiqua à la remarque du médecin en ce qui concernait la chance. Il n’était pas persuadé qu’Okuni penserait la même chose en apprenant qu’elle avait perdu son tremplin de liberté. Cependant, Ryo compris que le docteur n’avait pas fini son explication en remarquant son regard braqué sur lui.  

 

_ « hormis l’intoxication du aux inhalations de fumée, il ya aussi des hématomes au niveau des bras, du visage aussi. La bouche présente également des lésions. Le feu ne provoque pas cela comme vous devez bien l’imaginer » informa-t-il tout en griffonnait sur son calepin « Nous attendons le résultat des autres analyses. » conclut-il sur un ton atone.  

 

_ « Quelle serait la cause des lésions ? » Demanda Saeko visiblement interpelée par le cas de la jeune femme.  

 

_ « Morsure» Informa le médecin en levant les yeux vers elle  

 

_ Puis-je la voir ? Demanda brusquement Ryo souhaitant en finir avec le protocole médical et surtout avec les détails énoncés. Il n’était pas sûr de contenir indéfiniment son ire face à cette infamie. Il avait les nerfs à vif. Ce n’était pas le feu qui le consumait, mais la culpabilité et la rage.  

 

Le docteur le considéra un moment. Puis son regard professionnel se dirigea vers le lieutenant avec insistance. Cette dernière opina de la tête.  

 

_ Entendu, pas plus de dix minutes. Suivez-moi, déclara d’un ton directif le docteur. Ce dernier tourna les talons, il poussa la porte battante pour s’engouffrer dans le couloir. Le nettoyeur japonais lui emboita le pas. La mine de Ryo s’était renfrognée tant la colère montait sans parvenir à la temporiser. Le sentiment de culpabilité s’infiltrait comme une drogue dans chacune de ses veines.  

 

Le médecin l’intima d’entrer dans une chambre tout en lui rappelant le délai accordé. En temps normal, Ryo n’aurait pas du tout apprécié le ton autoritaire de cet homme à la chevelure poivre et sel. Ce soir, la voir était le plus important.  

 

Lorsqu’il l’aperçut étendue dans ce lit, il lui fallait quelques secondes pour réaliser la situation. Le drap de coton blanc lui accentuait sa pâleur. Bien qu’il ne laissa rien paraitre, l’ire se mit à bouillir encore plus intensément. Il était désarçonné en s’estimant coupable.  

 

Après quelques instants d’hésitation, il se rapprocha du lit avec une certaine prudence. Heureusement que le médecin lui avait assuré, qu’elle s’en sortirait. En examinant le tube enfoncé dans sa bouche, les pansements, et le bip de la machine, il pouvait sérieusement en douter.  

 

Le nettoyeur se sentit stupide en ne sachant pas quelle attitude adopter. Que devait-il faire ? Que devait-il dire ? Il s’impatientait. Il se rassura en estimant que dans certains moments, les mots étaient inutiles. Le nettoyeur rapprocha une chaise, et s’assit à ses côtés. Il lui prit doucement la main.  

 

En l’observant attentivement, Ryo repensa au kabuki mais surtout ce qui se cachait derrière ce théâtre corporel …Un rêve. Une autre vie loin de leur monde de noirceur dans lequel la jeune femme était plongée bien malgré elle. Le milieu était à l’image de sable mouvant. Il était difficile d’y s'en extraire. Fronçant des sourcils à cette constatation, il était pourtant certain qu’Okuni y parviendrait. Peu de personne connaissait son secret, il était bien caché, enrobé de plusieurs épaisseurs. Elle réussirait.  

 

Trois ans.Selon ses calculs il lui restait trois ans pour parvenir à ses fins. Aujourd’hui, il ne lui restait plus rien si ce n’est que des cendres. Le feu avait dévoré en grande partie son rêve. Comment allait-il lui annoncer ? Il la regarda avec douceur. Son cœur se fit lourd, car la guerre des sentiments y faisait rage.  

 

_ Ils vont le payer Okuni... Je te promets, jura le nettoyeur en serrant davantage sa main.  

 

Ce n’était certainement pas les mots qu’il devait dire en de pareilles circonstances, un « je suis là » aurait été plus de rigueur. Cependant, il n’était pas parvenu à émettre des mots plus doux. Il était peu habile avec les paroles, il en avait toujours été prisonnier. Le nettoyeur énonçait uniquement des paroles brutes, que son cœur lui dictait, sans enrobage littéraire ou linguistique. Des mots dénués de fioriture. Ce n’était certainement pas les plus jolis mais ils étaient les plus sincères. Aussi, il s’agissait de son propre langage pour lui demander pardon.  

 

Malgré son air impassible, il était déstabilisé. Son cœur s’était fendu en deux, dans un fracas silencieux. Une fumée noirâtre de trahison se répandait dans sa conscience déjà bien agitée. Il ne parvenait plus véritablement à réfléchir tant ses sentiments étaient de diverses natures.  

 

Il refoulait continuellement certaines pensées. Une en particulier, elle le hantait depuis de nombreuses années : Kaori. Il était certain que la nettoyeuse attendait son retour avec angoisse. Pourtant, il était ici au chevet d’une femme qui parvenait à lui faire oublier l’espace de quelques heures sa misérable vie de nettoyeur amoureux. Sa gorge se noua bien malgré lui à ce constat peu reluisant pour le héro de papier qu’il était. Pourtant, il s’agissait de la stricte vérité.  

 

Ryo observa sa bouche du moins, le pansement apposé dessus. Il s’interdit de réfléchir à ce que ce monstre avait pu lui infliger. La voir silencieuse et inerte lui était intolérable. Il appréciait ses rires et son sourire. Le nettoyeur se pencha davantage vers elle pour lui caresser de sa main gauche ses cheveux. L’odeur du souffre était encore tenace malgré l’atmosphère aseptisée de l’hôpital. Le nettoyeur détestait le parfum de mort qui planait autour d’eux depuis plusieurs jours. IL devenait agressif. Il resta ainsi, la main droite posée sur la sienne, sans bouger, juste à la regarder en lui parlant en silence. Les dix minutes s’écoulèrent rapidement. Le grincement aigu de la porte le fit revenir brutalement à la réalité. Il devait partir.  

 

_ Je reviens très vite,assura-t-il après quelques instants d'hésitation tant il était indécis aux mots qu’il devait utiliser.  

 

Le nettoyeur devait absolument rentrer pour parler à Kaori. Elle n’était pas en sécurité. La situation dégénérait .Pourtant, il avait fait ce qu’il faisait depuis toujours. Etait-il dépassé ? Ou vieillissait-il au point de ne plus savoir gérer la situation ? Jusqu’à présent, les attaques étaient plus au moins frontales. Or ici, elle était différente.  

 

Durant le trajet du retour, l’américain et Saeko lui parlaient mais, il n’écouta pas un piètre mot. Il s’était dédoublé. Présent physiquement, mais absent par la pensée. Il était plongé dans les abysses de ses réflexions. Le nettoyeur repassait en boucle toutes ses décisions depuis la fusillade. Il avait ratissé au peigne fin le Kabukichô, déployer un grand nombre d’indics.  

 

Par instinct,il avait même contacté les agents sur Osaka résidants dans l’un de ses faubourgs sulfureux. Il allait certainement rivaliser dans quelques années le Kabukichô : Tobita Shinsho飛田遊郭.  

 

Ce quartier où la prostitution y était reine, se trouvait dans l’arrondissement Nishinari-ku d’Osaka. Les yakusas y pullulaient en détenant des restaurants originaux. Il avait été surpris, lors d’une de ces escapades dans le passé. A l’entrée de ces établissements dédiés aux plaisirs, il n’y avait pas de sentinelles masculines, mais une grand-mère japonaise. Elle était assise devant le restaurant, avec derrière une hôtesse qui attendait le client.  

 

Il reprit le fil de ses idées. En rencontrant l’oyabun Chong Gwon Yong de la famille Tōa Yuai Jigyō Kummiai, il aurait une idée plus précise de l’implication ou non de cet homme. Il allait également revoir le moustachu à la cigarette comme l’avait surnommé l’américain. Le nettoyeur allait certainement conclure un marché. Kakuji Inagawa n’était pas un tendre mais il était assez intelligent pour comprendre qu’il valait mieux l’équilibre que le chaos.  

 

 

Jamais Ryo n’aurait imaginé replonger pleinement dans l’univers des Yakuzas. La lame d’un katana avait déchiré son décor de papier manga. Les pages semblaient se détachaient sous les mains du créateur de ce sombre scénario.  

 

_ Qu’est ce-que tu en penses Ryo ? Demanda Mick  

 

Le nettoyeur japonais releva les yeux en direction de l’américain.  

 

_ Excuse-moi je réfléchissais ! Avoua le nettoyeur japonais.  

 

_ Ryo, tu n’as pas à culpabiliser Décréta Saeko, tout en conduisant.  

 

_ Si bien sûr que si ! J’aurai du être plus prévoyant. Cela aurait pu être évité. Je retournerai tout le Japon s’il le faut. Watanabe est loin d’être l’adversaire le plus dangereux que j’ai du affronter Saeko ! » « Quelque chose cloche dans cette histoire » rajouta-t-il en s’affaissant lourdement dans son siège tant Ses paroles lui avaient été pénible.  

 

_ Les pièces du puzzle se mettent en place, risqua d’ajouter Mick pour le contenir.  

 

_ C’est lui qui avance les pièces ! Pas nous. On ne fait que constater la mise en place de son plan ! Ils mènent la danse depuis le début Mick Tu sais ce que cela signifie ? Vociféra Ryo en lui lançant un regard noir.  

 

A cette question, l’américain ne put que hocher positivement de la tête en guise de réponse. Ryo avait raison. D’un coup, il se sentit démuni.  

 

_ On se joue de nous, murmura Ryo avec rage  

 

-il a du préparer son dispositif depuis des mois Ryo ! Comment veux-tu qu’on désagrège son plan machiavélique en un claquement de doigt ! Expliqua Mick bien résolu à rester optimiste malgré les faits.  

 

_ On aurait du sentir le vent tourner Angel. Il y a toujours des failles lors de préparation de grande opération, rétorqua le japonais avec agacement.  

 

_ Oui mais elle a peut être été aiguillée de Kobe voir même de New York cette histoire ! On ne peut pas tout contrôler. Soit réaliste! Affirma Angel  

 

_ Ryo, demain, tu comptes voir Chong Gwon Yong n’est-ce pas ? Coupa le lieutenant Nogami  

 

_ Oui,Inagawa aussi ! En espérant que cela ne soit pas des discussions vaines. La langue de bois du milieu des Yakuzas commence véritablement à me chauffer Décréta-il dans un rire jaune. Le nettoyeur lança un regard à Angel. Puis , il ajouta « Inagawa sait quelque chose ! Il a peur et m’a tendu la main. »  

 

_ Attention …Va savoir ce qu’il cache dans l’autre main Répliqua l’américain peu enthousiaste à l’idée que le japonais conclut un marché avec un oyabun.  

 

Ryo soupira d’agacement.  

 

_ Tu vas te mettre au service de l’oyabun ? Demanda Saeko en lui lançant un regard grâce en rétroviseur.  

 

_ Je ne sais pas… Avoua le nettoyeur numéro un du Japon.  

 

Mike repensa à son étrange idée d’alliance. Il hésitait à la relancer tant cela paraissait impossible au vu de leurs différents. Ils étaient des familles ennemies. Impossible comme lui avait dit Darren. Et pourtant…  

 

_ Ryo…Crois-tu que cela soit possible que la famille Yamaguchi-gumi ait passé un pacte avec la famille Sumiyoshi-rengō ?  

 

_ Une alliance entre Yoshinori Watanabe et Shigeo Nishiguchi ? Intervint Saeko avec un certain étonnement.  

 

_ Oui…Cette mystérieuse réunion à Harlem m’intrigue ! Expliqua l’américain.  

 

De longues minutes s’écoulèrent sans l’un des trois protagonistes ne reprenne la parole.  

 

_ Ce watanabe a beaucoup d’ambition d’après ce que j’ai pu savoir. Ton idée pourrait tenir. Déclara Ryo, visiblement interpelé par la remarque d’Angel.  

 

Mick respira, tant il fut soulagé que son acolyte japonais prenne en considération son hypothèse. Il n’avait pas osé l’émettre tant il n’était pas des plus informés concernant l’univers des Yakusa. Aujourd’hui, il regrettait de ne pas avoir accentué ses recherches sur le sujet, plutôt que de vagabonder à travers les arrondissements.  

 

_ Nous avons essayé de localiser Shigeo Nishiguchi, lui aussi semble s’être volatilisé.  

 

_ Nous voilà bien avancé. Décréta Ryo avec lassitude.  

 

 

 

 

 

 

 

Lorsqu’il fut au seuil de la porte, Ryo avait la désagréable impression d’avoir déjà vécu cette séquence dessinée. L’aube naissante avait apaisé la tension palpable qui régnait sur Tokyo. En ouvrant la porte du salon, il aperçut immédiatement Kaori. Elle était assise sur le canapé, les yeux grands ouverts, rivés à la porte d’entrée. La jeune femme l’avait attendu toute la nuit.  

 

A la vue de la jeune nettoyeuse, son cœur se figea de soulagement mais aussi d’inquiétude. Ryo n’était pas réellement parvenu à aplanir les choses avec elle. Cette nuit venait de les éloigner une nouvelle fois, il en était persuadé. Le regard de Kaori en disant long. Le nettoyeur n’avait pas voulu préparer ses répliques.  

 

_ Comment va-t-elle ? Interrogea Kaori sans tergiversation  

 

Le visage de la nettoyeuse était pâle. Des cernes sombres s'élargissaient sous ses yeux. La rougeur de ces derniers indiquait aussi qu’elle avait pleuré. Malgré l’urgence de la situation, il se sentit mal à l’aise de sa question.  

 

_ Elle est hors de danger, parvint-il à répondre. Tout en sachant pas s’il s’agissait de la meilleure réponse qu’il pouvait lui apporter.  

 

_ « Tu dois être rassuré » Répliqua-t-elle en se relevant brusquement du canapé. Il n’apprécia pas son calme. Aussi étrange que cela puisse paraître il aurait préféré la voir hurler, se mettre en colère, massue à la main.  

 

_ « Kaori, cette histoire …, commença le nettoyeur  

 

_ Non Ryo, économise ta salive, tu vas en avoir besoin aujourd’hui lorsque nous rencontrerons Chong Gwon Yong, coupa-t-elle sans lui laisser le temps de s’expliquer davantage.  

 

Kaori l’avait énoncé d’un ton faussement froid. Il avait perçu un léger tremblement dans sa voix. Elle tentait de se maitriser.  

 

_ Tu devrais te reposer. La journée s’annonce compliquée, se contenta-t-elle de lui dire en détournant légèrement la tête en sa direction.  

 

Bien décidée à terminer cette confrontation, elle gravit les escaliers.  

 

« J’ai besoin de toi » Avoua-t-il dans un souffle  

 

Elle stoppa son ascension et se retourna vers lui. Il remarqua immédiatement sa surprise et son trouble à l’entente de sa déclaration. Il l’avait touché. C’est ce qu’il souhaitait : qu’elle réagisse. Elle était si expressive, il avait appris la signification du moindre rictus qu’elle affichait. A cet instant, il avait l’impression que son cœur allait exploser tant il battait avec violence.  

 

Un demi-aveu.  

 

Kaori le sondait du regard, pour comprendre le sens véritable de sa réplique. Elle attendait patiemment la suite. Il y en existait une. Bien entendu. La nettoyeuse l’espérait depuis si longtemps.  

 

Toutefois, il ne parvenait pas à l’écrire dans son esprit assiégé et encore moins à le lui dire. Ces trois mots avaient malgré tout réussi à s’extirper de son cœur, pour se loger dans sa gorge, ils ne demandaient qu’à être libérés.  

 

En comprenant que son partenaire n’expliciterait pas ses propos, la nettoyeuse soupira. Elle battit en retraite devant son silence habituel en reprenant sa marche dans les escaliers.  

 

Ce n’était pas l’envie qui lui manquait .Ryo rêvait de lui avouer ses sentiments tant cet amour devenait pesant et obsédant. Elle le hantait. Il ne parvenait plus à l’arracher de son cœur et de ses pensées. La loi du silence n’était plus l’armure des plus solides avec les années qui s’étaient écoulées. Malgré ce feu incandescent, il demeurait réaliste. Jamais il ne lui déclarerait sa flamme comme dans les contes de fée. Ici, ils étaient dans un shōnen (少年).  

 

 

 

 

 

 

 


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