Hojo Fan City

 

 

 

Data File

Rated R - Prosa

 

Autore: Sugar

Status: In corso

Serie: City Hunter

 

Total: 15 capitoli

Pubblicato: 10-12-18

Ultimo aggiornamento: 07-03-23

 

Commenti: 22 reviews

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ActionGeneral

 

Riassunto: Un étrange Yakuza apparait dans la vie des City Hunter alors que le Japon subit d'importants changements juridiques .Ce monde de trafiquants est traqué par le gouvernement. Troublant, ce Yakuza va venir bousculer le monde des nettoyeurs .

 

Disclaimer: Les personnages de "Yakuza ( ヤクザ/やくざ)" sont la propriété exclusive de Tsukasa Hojo. Sauf Eiji Ijichi , Yoshinori Watanabe

 

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   Fanfiction :: Yakuza (やくざ)

 

Capitolo 12 :: Yaku ! ...

Pubblicato: 27-08-20 - Ultimo aggiornamento: 27-08-20

Commenti: Bonjour! Avec beaucoup de retard, livraison du chapitre 12. A sa lecture, certains lecteurs vont se dire...ça y est...Sugar a complètement pété un câble..Gave-over...Mais non, tout est sous contrôle ! Cela suit son cours comme prévu. Lorsqu'on écrit une fanfiction et ici en l'occurrence City Hunter, c'est bien entendu pour mettre sous le feu des projecteurs Ryo Saeba. Mais parfois il est bon d'effacer les personnages qu'on connait très bien, gommer certains traits pour en faire sortir de nouveaux...Cela permet de retrouver notre héros avec encore plus de saveur et ferveur...Si si je vous assure, Bref rassurez-vous ! La petite * concernant le tremblement de terre de Kanto de 1926 est juste là pour signaler qu’il ne faut pas oublier que la fanfiction se situe dans au début des années 90. Depuis, la classification des séismes les plus violents a changé. Je vous souhaite une bonne lecture, une bonne rentrée ! Big Boussas

 


Capitolo: 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15


 

Chapitre 12  

Yaku (役) ! ...  

 

Les voix enjouées des badauds se joignent aux échos de leurs pas frappants le sol. Les klaxons, les crissements de pneus s’invitent au tumulte humain, obéissant aux feux tricolores, le tout, dans une cadence folle.  

 

Pour traverser le Shibuya Crossing, j’emprunte les célèbres passages aux bandes zébrées. Le noir et le blanc sont bien délimités par des traits appuyés HB. J’observe le monde s’agiter à un rythme régulier, tandis que le mien parait saccadé. Malgré le décalage entre nos deux tempos, je marche d’un pas léger sur le carrefour Hachikō.  

 

J’insère mes mains dans les poches de ma veste noire désormais attitrée. J’ai pris sa démarche à force de l’avoir observé. Malgré ma ressemblance avec ce héros de manga, je reste malgré tout  

 

Yakuza ( やくざ)
 

 

Je gomme le chapitre 11 de mon esprit avec l’inscription de ces premières lignes à l’encre invisible. Certains lecteurs ont paru troublés d’autres contrariés voir frustrés. La colère, la douleur, le sang se sont déversés sans pour autant que cela soit détaillés.  

 

J’ai rayé son prénom de mes données et de mon cœur à tout jamais. C’est une affaire classée bien que l’amertume me parasite encore la conscience. Je ne regrette rien ! C’est terrible ! Ce qui me tourmente et me déchire le cœur ce n’est pas son mensonge, mais la mise à mort de ma confiance. J’ai mûrement réfléchi avant d’appliquer la sentence.  

 

Tomare 止まれ !
 

Stop !
 

 

Je ne souhaite plus y songer, je ne veux plus rien ressentir, sauf palper le plaisir. Je désire seulement que mon corps vibre en m’imprégnant de la douceur de tes lèvres. J’aspire à emprisonner ta langue de la mienne, et les faire tournoyer dans d’innombrables mouvements hypnotiques. Tel un oscillateur harmonique je te ferai découvrir ses nombreuses variations dans un voyage à travers plusieurs dimensions. Tout est question de perception dans ce monde.  

 

C’est insensé !  

Je me prends à rêver !  

 

Cela faisait si longtemps que cela n’était plus arrivé !  

Tu as dilué mon cœur dans un mystérieux liquide dont je n’en connais pas toutes les couleurs et les saveurs. Ses battements se sont apaisés en s’imprégnant de sa chaleur. Je me suis senti planer en t’écoutant parler. Une sérénité digne d’une cérémonie du thé !  

 

Les traits délicats de ton honnêteté et de ta gentillesse m’ont troublé car la le statut de la femme chez les yakuzas est biaisée mais la tienne est adorable par sa simplicité. Je l’ai décodé avec tant de facilité que j’en fus touché. J’ai envie de m’immerger dans tes peines et tes rêves pour accéder à ton univers teinté de rose et de vert. Lorsque tes yeux suppliants se sont posés sur moi pour obtenir des réponses, je me suis inséré en ton vide sans l’ombre d’une hésitation. Te ressentir de l’intérieur fut une véritable révélation. Je ne suis pas parvenu à ignorer ta douleur et tes silencieuses questions. Ce constat brouille mes sens, car je ne suis pas habitué à de telles oscillations qui me font perdre la raison.  

 

Par réflexe, je chantonne car je me sens tourmenté par ces émotions nouvelles et désordonnées qui me submergent par leur intensité. Mon cœur se met à danser. Un sourire, un regard interrogateur ou amusé me sont souvent renvoyés. Ces réactions me rassurent quant à ma condition humaine dans ce surprenant univers. Personne ne devine ma fonction, je semble être un homme caméléon.  

 

Un coup de tonnerre retentit.  

 

Un craquement sec net et précis  

 

La toile se déchire et scinde l’air en le privant de son dioxygène.  

Ténor de la météo, les murs vibrent sous l’effet de son écho.  

Le ciel me parait disloqué par cette sonore explosion. Cette fissure électrique semble être le glas sonnant la libération. Elle ordonne le ciel à déverser sa radée sur Tokyo.  

 

Mes doutes se multiplient au rythme de la danse de la pluie qui modifie le décor tokyoïte.  

 

Le noir et le blanc s’entremêlent pour créer un gris d’une nuance nouvelle. Des zones me paraissent d’un blanc étincelant tandis que d’autres arborent un noir terrifiant. Le sol semble se gondoler sous mes pieds.  

 

Le vent s’intensifie pour emmener dans son violent sciage les derniers mirages.  

 

Les affiches se décollent des murs et s’envolent haut dans le ciel pour rejoindre les nuages. Des bruissements se font entendre s’apparentant à des murmures de pages. Un manga semble être feuilleté avec fébrilité dans ce néant grisâtre hachuré.  

 

Mon imagination dessine d’étranges et fugaces idées dans ma conscience agitée! Elles s’enfuient dans tout les sens et explosent tel un feu d’artifice qui va au-delà de toute rationalité. Pourtant, à cet instant précis, je ne saurai dire ce qui est du crayonné et de l’imaginé. Mes interrogations sont disséminées par une bourrasque de vent croqué d’un trait épais et dynamique, accompagné d’un rugissement pluvieux et colérique.  

 

Son passage fait vibrer la ville dans ses profondeurs et me fait perdre l’équilibre.  

 

Serait-ce la funeste annonce d’un séisme de la même intensité de celui du Kantô en 1926* ? L’un des plus monstrueux et terrifiant que le Japon ait connu ? Me demandai-je avec effroi. Pour me rassurer, je regarde autour de moi avant de diriger mon attention vers le ciel. Mon sixième sens pétille et s’avère être en alerte de cette situation particulière. Cette entaille céleste m’interpelle car elle me parait si irréelle. Des yeux imperceptibles semblent braqués sur moi.  

 

Pour me rassurer, mes doigts effleurent les murs du décor détrempé du grand héros de Shiti Hanta.  

 

Ryo Saeba
 

 

Un sourire se dessine sur mon visage placide.  

Je t’analysais pendant que tes fans les plus assidus lisaient tes mangas visionnaient tes animés, et dévoraient tes fanfictions sur Hojo Fan City.  

 

A Kobe, j’ai lu les trente-cinq volumes nous contant tes aventures. Je ne pensais faire parti de ce trente-sixième épisode alternatif avec cette mission de filature. Une obsession. Revenir sur Tokyo fut pour moi une véritable consécration. Je me suis rapproché de toi comme un véritable yokai (妖怪), un esprit japonais. J’ai pu mettre en pratique ma longue observation littéraire. Pouvoir te suivre dans la foule qui se déversait dans les rue du Kabukichô, sans que tu ne parviennes à me ressentir me fit frémir.  

 

Te bousculer dans le chapitre 4 pour me diriger vers le temple Hanzono-jinja (花園神社) sans que les lecteurs ne le devinent, je me suis senti comme un véritable Shinobi.  

 

Grâce à mes nombreuses analyses, j’ai décrypté avec exactitude tes réactions, y compris ta gestuelle, et tes émotions.  

A force de persévérance, j’ai décelé enfin ce que je recherchais en toi depuis si longtemps : Tu le dissimulais à merveille, derrière tes traits figés, imprégné des diverses facettes que tes fans t’attribuaient. Tapi dans les ténèbres de ton subconscient, il fallait se montrer patient pour distinguer ce néant sombre et mystérieux, niché dans les tréfonds de l’âme de ton célèbre personnage.  

 

Ton Angle mort
 

 

 

Pour le percevoir, il fallait aller au-delà des pages, des dialogues écrits et des encadrés et s’engouffrer dans les fibres de papier. Malgré le scénario banal de cette histoire, avec mon rôle d’ennemi attitré, tu me fascines, grand nettoyeur du pays du soleil levant. Te dissocier de ta culture de ton pays est une ineptie ! Pour saisir l’essence de ta vie, il faut s’immerger dans les bas-fonds du Japon et analyser avec attention. Chaque détail, que Tsukasa Hôjo a dessiné, voir appuyé de ses doigts agiles, dans ses ouvrages connote les spécificités de cette société japonaise à qui sait le voir.  

 

Plus âgé et expérimenté, tu demeures un homme de valeur malgré ton esprit et ton passé tourmenté. Je n’ose le dire ni même le penser, devant mon oyabun de peur de me trahir mais ta force et ta résistance me captivent. Tes compétences ne sont plus à prouver depuis très longtemps car tu possèdes cet accroissement des sens selon les circonstances.  

Au-delà du plaisir, t’enivrer des corps pour exorciser le vil esprit qui te tourmente de l’intérieur est également une diversion pour distraire les lecteurs et les éloigner de tes névroses les plus profondes. Faire sourire, rire par tes pitreries et ta légèreté apparente alors que ton cœur pleure, sont des effets miroir pour les personnes possédant la véritable faculté de percevoir. Contradiction. Me suis-je trompé de fanfiction ?  

 

Depuis quelques chapitres je soupçonne le fait qu’on tente de m’arracher des écrits de Sugar .On désire me réduire au silence, gommer ma présence, stopper cette histoire pour céder la place à d’autres chimères. Je relève les yeux malgré moi, vers cette fente issue d’une réalité interstellaire. L’auteur incompréhensible demeure silencieux sur ses motivations quant à mon intervention pour sa dernière fanfiction.  

 

_ Qu’en penses-tu ? Te Demandai-je en tournant la tête de ton côté.  

Toi ….Oui toi ! Lecteur que me suit depuis le début cette aventure.  

 

Je sens ton regard glisser sur moi, à l’affut de ton renseignement pour décrypter la réalité de mon visage sans image, mais qui prend du relief page après page. Tu me sembles soucieux sur mes intentions ou peut-être es-tu surpris de la surprenante situation dans laquelle nous nous situons. J’ai envie de t’embarquer avec moi à travers les rues de l’arrondissement de Shinjuku, t’expliquer l’histoire de la mafia et l’univers réel de l’homme que tu apprécies tant, Ryo Saeba.  

 

Sa vie et la mienne ressemblent à des recherches de Yaku,  

Des combinaisons de cartes dans une partie d’Hanafuda  

Sans l’obtention de ces alliances, nous finirons dans la rivière.

 

 

Un sursaut.  

 

Le vrombissement de moteur vint fragmenter l’instant incohérent de ce chapitre. Une nuée de corbeaux mécaniques envahirent de leur noirceur les rues animées de Shibuya.  

 

Des bōsōzoku (暴走族) passèrent à quelques mètres d’Eiji Ijichi. Ces motards rebelles de la société demeuraient une spécificité japonaise depuis plusieurs décennies. La frontière les séparant de la délinquance et des yakuzas était aussi mince qu’une feuille de papier. Ils éclaboussèrent l’esquisse du nouveau décor sur son passage remettant ainsi un peu d’ordre dans cette scène irréelle.  

 

Yakuza se tenait immobile, au milieu de la foule malgré le déluge dessiné. Il offrit son visage à la pluie pour s’imprégner de sa fraîcheur afin de reprendre ses esprits. Une perle d’eau scintillante s’infiltra dans la commissure de ses lèvres. Telle une vague tranquille, le liquide caressa de sa fraicheur son palet. Surpris du ressenti, il ouvrit les yeux en constatant que la pluie était salée. Le ciel semblait pleurer.  

 

 

Eiji ne parvenait pas à saisir ce qu’il venait de lui arriver bien qu’il avait l’intime conviction de s’être absenté durant quelques secondes. Le monde semblait avoir stoppé sa marche, que l’éternité avait tout entraîné dans ses abysses insondables. Perturbé, engourdi, Eiji promena un long regard circulaire aux alentours. Ses yeux se soudèrent à chaque bâtiment, et écrans géants de ce célèbre carrefour. Il le connaissait sur le bout du cœur. Les gens se déplaçaient d’un endroit à un autre, chacun avec son propre objectif. Tout paraissait normal. Sauf lui.  

 

Le chant de la pluie s’intensifia.  

 

Les badauds pressèrent le pas pour se mettre à l’abri. C’est le grondement du tonnerre qui l’obligea à reprendre sa marche lui aussi. Il souffla doucement pour reprendre possession de son cœur affolé puis, il s’engagea sur le passage zébré colorié de noir et de blanc. La sensation de l’avoir déjà traversé lui saisit l’esprit.  

 

Eiji avait l’impression d’avoir perdu le rythme de sa vie dans cette l’histoire. Il marchait, il respirait, mais son âme et son corps semblaient s’être séparés en deux entités bien distinctes. Cela n’est pas logique Maugréa-t-il pour faire taire ses idées burlesques.  

 

Pour calmer ses pensées extravagantes, il se mit à chantonner. Mais cette étrange sensation de flottement et de répétition persistait. Après avoir émit quelques paroles avec entrain, il s’interrompit car une évidence s’imposa à lui : il était imprégné de sa présence. Yakuza n’avait jamais fait le rapprochement.  

 

La nettoyeuse portait bien ce prénom aussi bien féminin que masculin qui signifiait parfum.  

 

Kaori 香….Parfum ….
 

 

Il lui apparaissait symbolique car il le prononçait tout les jours depuis le début de son addition au Kakuseizai (覚醒剤 ) autrement dit Méthamphétamine . La blancheur de la poudre était trompeuse. Il ne s’agissait pas de la poussière d’Ange comme l’ancienne partenaire de Sabea, Certes, elle était voisine mais non identique. Le phéncyclidine trouvait son origine aux États-Unis tandis que la sienne fut synthétisée par un chimiste japonais.  

 

 

« Kaori finit toujours par te trahir » fredonna-t-il les paroles une nouvelle fois, dans un murmure, sur un rythme lent pour soupeser chaque mot.  

 

Trahir  

 

 

Trahir par son parfum, par cette odeur d’herbe ! S’empressa-t-il de préciser le sens de ces paroles métaphoriques. Eiji adorait cette chanson, composée. par un groupe de rock sulfureux des années 70 dont l’un de ses membres était devenu un Yakuza au sein de la famille Inagawa-kaï (稲川会). Son oyabun Inagawa, l’homme à la kiseru, la pipe japonaise était reconnu pour son caractère du juste milieu, contrairement à Watanabe. Proche de cet homme respecté par toute les familles de Yakuzas, ce motard et musicien devenu yakuza, n’avait pas gravi les échelons comme un yakuza ordinaire, il avait été propulsé directement à la tête d’un gang affilié à sa famille, il réussissait bien son ascension  

 

Et lui ? Eiji Ichiji allait-il se pervertir, compromettre son avenir, par la présence de Kaori dans sa peau et ses pensées. Allait-il couper ses chances de carrière s’il estimait en avoir l’opportunité ?  

 

Kaori était une drogue, à part, qu’elle …Elle … C’était différent à tout point de vue. Malgré son impétueux caractère qui conférait un déséquilibre analytique, elle paraissait être une drogue douce bienveillance pour le cœur et les sens. Un parfum éphémère tel la trace d’un rêve emporté brutalement. Ce flot de ressenti se bousculait en lui, se tordaient dans tout les sens, à en devenir douloureux, sans parvenir à définir son nom.  

 

Serait-ce cela les prémisses de l’Amour ?  

 

Sa vie sentimentale n’était pas des plus stables tant elle était imbibée d’automatismes influencés par le milieu dans lequel il survivait. L’industrie du sexe était une activité rentable pour les yakuzas, qui détenait beaucoup de clubs à hôtesses. De ce fait, l’aspect sentimental paraissait entaché, sali et n’avait une place toute relative dans sa vie. En y réfléchissant, il n’avait jamais été amoureux.  

 

Etre séduit, avoir envie d’une femme Oui.  

Etre amoureux. Non.  

 

D’ailleurs, il ne souhaitait pas tomber amoureux, il préférait rester debout. Jusqu’à présent il conservait des souvenirs insignifiants des femmes qui avaient traversé le décor de sa vie. A peine le temps d’apparaitre qu’elles disparaissaient aussitôt de son esprit. Aucune n’était parvenu à s ‘enraciner dans la terre de son cœur. Aucune. Mais Kaori avait réveillé un surprenant écho en lui qui le dérangeait.  

 

Le timbre de sa voix, Les traits de son visage demeuraient prisonniers dans son esprit à toute heure de la journée et de la nuit. Ils se percutaient avec violence. Comme des furieux yokais, ils apparaissaient parfois d’une manière soudaine, sans lien logique avec ce qu’il était en train d’effectuer : il pensait à Kaori. Elle s’était incorporée en lui tel un spectre chantant, dynamique et colorée. Malgré lui certaines séquences de ce rendez-vous inédit lui revinrent en mémoire.  

 

- Mademoiselle Maki..Mak…Kaori.  

 

- Kaori ………Ce sera suffisant Répliqua-t-elle dans un souffle tout aussi troublée que lui.  

Peut être ne savait-elle pas mais prononcer Makimura lui était difficile,  

Hideyuki Makimura  

Là aussi il était contradictoire, car il le respectait malgré les camps opposés. Mais, il demeurait un Yakuza. De ce fait, éprouver de la sympathie semblerait être une forme de trahison car cet homme, les avait combattus dans cette guerre qui menait contre la drogue. Il effaçait toute trace de sympathie dés qu’elle tentait de s’immiscer dans son esprit.  

 

« Kaori » avait-il répété pour mémoriser la manière dont il devait la nommer.  

Il se sentait stupide en ayant l’impression qu’il lui manquait des éléments comportementaux pour interagir avec elle d’une manière normale. Alors il fit comme il en avait l’habitude dans des moments, il se calqua à elle. De toute évidence, elle était bien décidée à le faire parler. Toutefois, à peine avait-il émit du bout des lèvres son prénom, les yeux de la nettoyeuse se braquèrent sur son main mutilée.  

 

« Votre doigt ! « s’exclama-t-elle  

 

Le temps de comprendre, Eiji tenta de cacher sa main dans la poche de sa veste noire. Mais il était trop tard. Oubliant un peu de sa timidité, elle se rapprocha de lui en fronçant des sourcils  

 

_ Vous avez été puni n’est-ce pas ?  

 

Elle lui prit la main et la regarda avec effroi. « A cause de moi ? Rajouta-t-elle visiblement inquiète d’être la responsable de ce châtiment corporel.  

Il réfuta de la tête et se libéra vite de cet étau sensoriel.  

 

« Pourquoi ? » Insista-t-elle.  

 

Ce « pourquoi » le fit trembler le cœur tant il était rempli de sincérité. On ne s’était jamais soucié de lui, pas même sa famille de sang…Mais elle, une étrangère venait bousculer cette donnée ancrée dans son âme depuis des années. De son regard brillant et trouble, il la pénétra en douceur. Un fin sourire se dessina face à cette maigre résistance qu’il avait ressentie en se mouvant en elle.  

 

- J’aime jouer répondit-il en le lui prenant sa main à son tour et la serrer avec force mais douceur.  

 

 

 

Tomare 止まれ !
 

Stop !
 

 

 

D’un geste rempli de nervosité, il arracha la séquence du paragraphe écrit. Il en froissa le ressenti et le lança loin de lui. Ce chapitre devenait dangereux se dit-il avec la précipitation. Une effroyable constatation s’imposa à lui : Durant tout le trajet du retour, il n’avait pas été vigilant. Englué dans ses pensées, il avait pris le métro sans être certain de ne pas avoir été suivi. Comme une personne ordinaire, qui n’avait rien à craindre, le yakuza s’était assis et avait fermé les yeux jusqu’à son arrêt. Mine de rien, cela lui avait fait du bien ce relâchement des sens bien qu’il aurait pu être abattu.  

 

 

Arrivé devant son immeuble, le soulagement et l’inquiétude se disputaient en lui tant ce retour avait été déstabilisant. Une absence de la conscience.  

Après quelques instants d’hésitation et d’observation des environs, il se dirigea à la hâte vers le hall d’entrée du bâtiment et constata avec fatalité que l’ascenseur était une nouvelle fois en panne. Toutefois, la colère n’explosa pas cette fois-ci, sa contrariété ne se déversa pas sur les portes métalliques. Il prit les escaliers. Déboussolé par sa propre attitude qui se modifiait avec lenteur, dans cette mystérieuse atmosphère, il avait du mal à se reconnaitre depuis la nuit dernière.  

 

 

L’appréhension devint de plus en plus pesante lorsqu’il franchit la porte de son logement car des désagréables éclats de séquences passées se dessinaient devant les yeux. Il se revoyait, expliquer avec calme et froideur, à ce traitre quelles étaient les sanctions qu’on infligeait aux faussaires.  

 

« Sombre imbécile » Pesta-t-il en prenant le soin de fermer la porte avec douceur. La discrétion .Toujours.  

 

Au Japon, il y avait deux types de voisins que les locaux n’appréciaient pas : les démons et les yakuzas. Pour obtenir un logement, il fallait absolument montrer carte blanche, et n’exposait en aucun cas son appartenance. La présence d’un yakuza dans le secteur influençait d’une manière négative, le prix de l’immobilier. En d’autres termes, ils n’étaient pas les bienvenus dans les immeubles et les résidences, les propriétaires n’accordèrent guère de bail à ces genres de locataires.  

 

Heureusement, Watanabe possédait un carnet d’adresse garni, touchant tout les secteurs d’activité du pays. L’oyabun avait trouvé un logement, ainsi qu’ à ses autres soldats pour cette infiltration sur Tokyo, grâce à des agents véreux et peu regardants.  

 

D’ailleurs, lorsqu’Eiji débarqua à Kobe d’une manière définitive, il n’avait pas du se soucier du domicile, qui était beaucoup plus correct que ce taudis temporaire. Ce privilège que Watanabe lui avait accordé, n’était pas passé inaperçu par les différents gangs de Kobe. Pourquoi ? Cette interrogation revenait assez régulièrement sans qu’il n’ait réellement de réponse.  

Son regard se promena dans le salon comme-ci il s’agissait de la première fois qu’il le l’apercevait. Store baissé, il était plongé dans une semi obscurité Habitué, à errer dans la pénombre, Il lui sembla différent en le trouvant beaucoup plus sinistre qu’il ne l’était déjà. La sombre cérémonie de cette nuit avait du noircir les murs par des ondes négatives, pourtant, il avait gommé toute trace de sa présence. Quelque part, il était soulagé à l’idée de partir d’ici. Quelque chose s’était brisée en lui. Un voile de tristesse, de lassitude s’enroulaient autour de lui se resserrer avec les jours qui s’écoulaient.  

 

 

D’un geste las, il se débarrassa de sa veste noire humide, et soupira. Épuisé, il partit s’assoir sur le canapé, et s’effaça parmi les ombres de son salon. Il avait besoin de réfléchir. Son meilleur ami était une taupe de la famille Sumiyoshi-kai. Cette affirmation bien sombre emplit Eiji de regret et de culpabilité car il s’estimait, en partie responsable de cette sinistre mascarade dont il n’en connaissait pas encore toutes les conséquences.  

Cela n’aurait jamais arrivé affirma-t-il avec rage en tapant du poing sur l’accoudoir du canapé. Pour éviter que la colère lui dicte sa conduite, d’un geste rageur, il s’empara d’un paquet de Virginia Slimms qu’il avait laissé traîner sur le canapé. Les tremblements de sa main le mirent en difficulté pour saisir une cigarette. Cette incommodité l’agaça encore un peu plus, mais il se l’était juré, la colère n’aurait pas raison de lui. Pas ici. Pas maintenant.  

 

Il planta la tige entre ses lèvres. Le déclic provoqué par le briquet Zippo fut comme un nouveau signal. Il inspira fort sur le filtre et fit rougeoyer l’extrémité du tabac. L’effet de la première expiration de fumée apparaissait être une bouffée d’oxygène tant son corps réclamait sa subsistance. L’émanation empoisonnée éclaircit ses idées et lui permit d’établir par ordre de priorité les tâches à accomplir.  

 

Dans un premier temps, il animerait sa soirée placée sous le signe des d’Hanafuda , qui s’annonçait époustouflante. Il ne doutait pas sur ce point qu’elle serait spéciale car il y mettrait tout son être, pour que ce jeu traditionnel reste gravé dans leur esprit de tous les lecteurs comme un irezumi. Son Attitude était totalement irresponsable en faisant passer la partie d’Hanafuda avant tout le reste. Il mettait également sa vie en jeu rien que pour jouer encore une fois. Peu importe les conséquences maintenant…Il avait avancé sa carte sur la table. Il s’était laissé dans ce néant grisâtre qui se dessinait autour de lui. Il faisait confiance à son destin peu importe l’issu. . Son temps était limité, puisqu’il était contraint de repartir sur Kobe, sur l’ordre de Watanabe. Cette perspective ne l’enchantait guère  

 

Dans un second temps, il mettrait la main sur le yakuza qui avait perverti Sandayu. Il le retrouverait et le tuerait de ses propres mains. Son prénom était désormais gravé en lui.  

 

Daisuke
 

 

Le trait de son visage lui manquait, son nom de famille aussi mais il le traquerait comme un animal. Question de temps Affirma Eiji en mettant la tige séchée en bouche.  

 

Dans un troisième temps, si la vie lui accordait quelques chapitres supplémentaires, il gérait les conséquences de ses actes énumérés. A ce troisième temps, il sourcilla tant il demeurait incertain, serait-il agité ? Ou plutôt calme ? Il cumulait tant de faits qui s ‘ajoutaient dans son dossier. Pour le moment, il ne souhaitait pas y réfléchir. Il y songerait plus tard. Demain.  

 

Au delà de la colère à l’encontre de Sandayu, il se sentait surtout humilié. Comment n’avait-il rien vu ? Faux ! Il n’était pas honnête envers lui-même. Il avait bien perçu ces derniers jours, des ondes différentes qui émanaient de sa personne. Il sentait une dissemblance inexplicable mais réelle. Parfois, des intuitions primaires germaient en lui sans comprendre l’origine. Elles venaient lui murmurer des faits parfois anodins. D’où provenaient ces voix sans timbre ? Il fallait parfois du temps pour qu’il comprenne les signaux codés. Son trouble à l’égard de Sandayu s’était épaissi au fil des chapitres, sans rien laisser paraitre. Toutefois, Le voir tuer de sang froid le coréen l’avait surpris. Un débutant ne possédait pas une telle maîtrise même après une période de mise à l’épreuve et d’initiation. Selon les dires de cet ex-Yakuza, l’argent avait été la principale source de motivation à trahir sa confiance, à détruire leur amitié. Pitoyable.  

 

Peut-être ne connaissait-il pas aussi bien Sandayu ? La naïveté avait-elle recouverte ses yeux au point de ne plus voir la réalité ? Ces questions le perturbaient dans la mesure si cela se révélait exact, cela voulait dire qu’il s’était certainement trompé pour d’autres personnes de son entourage. Il allait devoir faire une nouvelle analyse complète et minutieuse des individus qui l’entouraient. Un par un, il sonderait leurs âmes dans les moindres détails.  

 

La colère remonta d’un cran en songeant à un homme bien défini :  

Watanabe ?  

 

Non…Impossible se hâta- t il d’affirmer en serrant le poing. Il l’aurait senti. Loin d’être aussi aveugle, il avait bien compris que Watanabe utilisait ses compétences et détenait un projet bien dessiné pour lui. Il n’y avait rien de paternel dans ces décisions bien que son attitude s’était vite assouplie à son égard démontrant une sympathie toute relative.  

 

 

A sa sortie de prison, Eiji avait eu droit à une grande fête, Shushoewa , comme tout les yakuzas. Elle fut organisée par son gang Dewaya. Comme la tradition le prévoyait, les convives étaient venus avec des enveloppes garnies pour témoigner du respect à celui qui venait de revenir par les leurs, et de l’aider financièrement dans les premiers temps. Cependant, les festivités furent troublées par la venue de Masaru Takumi premier lieutenant de Yoshinori Watanabe. Dés le premier regard, Eiji ne l’avait pas apprécié en percevant des intentions fourbes. Etant le bras droit de l’Oyabun, cette larve espérait secrètement briguer la place du grand chef. Toutefois, pour être chef, il fallait avoir une stature de leader, il ne la possédait pas. A force de l’avoir observé, Eiji pouvait mettre une deuxième phalange à couper. Il était sur et certain de ses analyses. Cet homme était mauvais.  

 

 

Aussi à l’issue de cette fête, il était d’usage qu’Eiji aille saluer ses supérieurs, mais cette entrevue avait été perturbé par la demande cet invité non prévue. Le but du voyage sur Tokyo de Masaru Takumi était de faire part à Eiji Ichiji qu’il était convié auprès du grand oyabun informé de ses exploits et de sa résistance face à l’ennemi. Il fallait dire qu’il avait vécu les pires sévices durant son séjour en prison. Humiliation, punitions. Malgré la pression des surveillants et de la police ses lèvres demeuraient closes. Plutôt mourir que de trahir.  

 

Aussi surpris l’un que l’autre, Eiji Ichiji, accompagné de son coach s’étaient donc rendu sur Kobe dés le lendemain. La pression qui avait été émise ne valait plus vraiment comme invitation, mais plutôt comme obligation.  

Toute sa vie s’était modifiée à partir de là.  

 

 

Les présentations ne s’étaient pas déroulées d’une manière des plus cordiales. Watanabe était connu pour son sens autoritaire, aussi lorsqu’Eiji refusa de le saluer, en se mettant à genoux, les deux mains et front sur le sol, prétextant qu’il n’ avait pas de tatami et qu’il risquait de se salir, le oyabun fut extrêmement offensé. Furieux, il hurla sur son coach de l’époque en lui ordonnant des plates excuses et lui reprocha de ne pas avoir dressé ce yakuza comme il fallait. A cette remarque, Eiji esquissa un sourire il était hors de question de le dresser comme un chien, ou un de ces singes obéissants à qui on leur apprenait des tours. Malgré la pression et les remontrances, Eiji s’était contenté de réitérer ses explications le tout avec le sourire. Aucune excuse.  

 

 

Malgré la rencontre électrique et les risques de vengeances en raison de l’affront, qu’il avait fait à Watanabe, ce dernier lui demanda à sa grande surprise quelques semaines plus tard de le rejoindre. Eiji avait accepté. Depuis, il évoluait dans la sphère rapproché de cet oyabun à la tête d’une des plus grandes familles de Yakuzas. Il semblait s’être radouci dans sa manière de réagir, il arrondissait les angles devant l’oyabun, mais au fond de lui, le feu demeurait incandescent. Son observation minutieuse du milieu lui avait permis de se faire une place. L’horloge silencieuse affichait 16h30. Il n y avait pas d’aiguille, pas de tic tac agaçant, juste le silence pesant diffusé dans l’appartement.  

 

La fatigue, l’angoisse, se propagèrent dans son corps comme la foudre égratignait le ciel. Le temps semblait s’être ralenti avec ces souvenirs qui lui égrainaient le cœur.  

 

Pourquoi maintenant ?  

 

Il passa ses mains dans sa chevelure sombre, puis il ferma les yeux pour tenter de se ressaisir. Dans quelques heures, il allait participer à un tournoi d’Hanafuda. Un combat féroce se déroulait en lui, car une image tentait de revenir encore et encore…occultant cet évènement nocturne qui allait changer la donne dans cette étrange aventure.  

 

Malgré la situation critique, c’était à Kaori qu’il souhaitait penser pour le moment. A rien d’autre. Soudain, des battements de cœurs assourdissants résonnèrent près de ses oreilles il aurait dit ceux du cœur de quelqu’un d’autre. Il semblait venir de l’extérieur. Mais c’était bien les siens.  

 

« center>Méfie-toi des femmes »  

 

La voix de Yoshinori Watanabe résonna dans sa tête lorsque le dessin de Kaori défila devant ses yeux. Un avertissement. Peut-être saisissait-il mieux aujourd’hui la portée de sa mise en garde. Il comprenait davantage en quoi elles semblaient être des menaces lorsqu’on baignait dans ce milieu sombre et sans saveur. La vie d’un Yakuza était très souvent éphémère. Beaucoup de soldats des villes étaient emportés par la drogue, ou lors d’un règlement de compte. Une femme logée dans le cœur augmentait le taux de mortalité. Il s’agissait là, d’une certitude mathématique. Quelle était la frontière ? La limite à ne pas franchir ?  

 

 

Il aurait aimé la gommer de son esprit pour rester concentrer sur la suite de cette fanfiction mais son image, sa présence demeuraient incrustés en lui, à l’encre de Chine. Il avait été tatoué de l’intérieur.  

 

 

Tomare 止まれ !
 

 

A peine avait-il expiré une bouffée de fumée, sa main trembla avec violence. Un rappel, une demande intransigeante. Pour la faire taire, il décida de prendre son temps pour finir sa cigarette. Or question de se dépêcher et de rester esclave de cet amour interdit et illicite ! Sourcillant à cette affirmation, Eiji serra la tige entre son index et son pouce pour contrôler la secousse qui s’annonçait.  

 

Déboussolé par lui-même Eiji paraissait perdu dans la noirceur étouffante de la pièce. Mais il en avait besoin de cette obscurité car il sentait qu’il se métamorphosait à un nouvel être. Il le sentait dans ses veines qui palpitaient sous le flux violent de son sang. Peut-être avait-il peur du changement qui s’amorçait, mais le Yakuza écouta cette voix qui lui murmurait de se laisser porter. Il se lançait dans un néant sans savoir sa profondeur.  

 

 

De nouvelles secousses de son corps l’extirpèrent de sa léthargie psychologique. Face à leur violence, Il se sentit résigné car ce n’était vraiment pas le bon moment d’avoir une crise. C’est sans grande motivation qu’il se leva et se rendit dans la salle de bain. Il quittait le monde obscur, pour se dissimuler dans un autre univers tout aussi lugubre. Après avoir allumé la lumière, Eiji s’adossa à la porte et laissa ses yeux s’habituer à la clarté. Le blanc du carrelage des murs lui fit mal aux yeux tant il était resté dans l’obscurité.  

 

 

Une fois revenu à la vie lumineuse, il observa cette pièce particulière, elle était le témoin silencieux de sa déchéance et sa descente en enfer. Cette pièce humide et froide paraissait être l’image de son futur tombeau. Un rire s’échappa de sa gorge nouée à cette idée macabre mais pourtant belle et bien réaliste. Cette sordide destinée lui collait à la peau malgré sa tentative de sevrage. Les crises devenaient violentes et douloureuses. Une course contre le temps semblait être lancée avec lui même. Paradoxalement il accomplissait son rituel d’empoisonnement pour tenir et maintenir la danse le temps de terminer cette histoire.  

 

Là aussi il jouait, car il prenait des risques à faire valser son cœur à une telle cadence. Un jour, il s’arrêterait épuisé d’avoir été autant torturé. Il n’en n’avait jamais pris soin. Un morceau de chaire sans importance. Son estomac se contracta tant ses réflexions mortifères le perturber. Une angoisse naquit en lui à l’idée de mourir ainsi. Seul. Un vent glacé se mit à souffler dans la pièce comme un second avertissement. Il s’en sortirait. Il se l’était juré. Une envie de survie lui saisit la poitrine, en ayant besoin de voir quelqu’un …N’importe qui tant qu’il ne sente plus seul et ne plus palper l’isolement du monde réel.  

 

 

Sans réfléchir, il ôta son tee-shirt et se déclina sur le côté pour apercevoir son étrange sceau. Son ange gardien incrusté dans sa peau qu’il avait appris à aimer avec le temps. Leur début de vie commune avait été difficile en raison de ce rapprochement forcé. A l’époque Eiji s’était fait une idée bien précise du tatouage qu’il escomptait avoir. Les irezumi étaient quasiment un acte obligatoire en étant un véritable yakuza. Il y avait un sens caché derrière ce rituel, celui de la prospérité car se couvrir le corps de ces sceaux demandait une certaine aisance financière. 52 897 yens pour quatre vingt dix minutes. Pourtant, il n’avait rien déboursé, bien qu’il avait vivement protesté. Ce fut malgré tout Watanabe qui eut le dernier mot et paya les séances.  

 

Il se souvint de sa déception quant au choix du motif. A l’époque, il espérait que le tatoueur lui dessine un oni, un démon pour afficher sa puissance et faire peur à ses propres fantômes. Il n’en fut rien. L’artiste avait décidé de confier son épiderme à une femme des plus célèbres dans le monde : une geisha.  

 

 

_ On attribue la geisha aux êtres agressifs. Tandis que pour les esprits plus placides, on leur tatoue des êtres sanguinaires. Il s’agit d’accorder le principe du Ying et le Yang. » Développa le tatoueur en l’observant avec intensité.  

 

_ De quelle année es-tu ? Demanda-t-il en se penchant sur son dos.  

Étonné par la question, Eiji s’apprêtait à rependre, mais Watanabe le devança.  

 

_ Il est de l’année du singe.  

 

_ hum, répondit tatoueur en tapotant les omoplates du jeune yakuza.Puis, il s’interrompit et se positionna face à lui.  

 

_ Il y a beaucoup d’eau en toi  

 

_ De l’eau ? Demanda le yakuza les yeux écarquillés, ne comprenant pas cette information.  

 

_ L’eau est un élément très instable, mais qui s’infiltre partout, expliqua le tatoueur en agitant ses doigts comme une pieuvre « Elle prend des formes improbables pour suivre son chemin et…surtout… » Continua le vieux tatoueur en lançant un regard en direction de Watanabe.  

 

_ Surtout ? Insista Eiji bien décidé à comprendre.  

 

_ Tu ne sais pas ? Demanda Watanabe visiblement amusé par l’ignorance de sa nouvelle recrue.  

 

_ L’eau est l’élément qui éteint le feu. Expliqua Yoshinori Watanabe avec gravité.  

 

A ce souvenir, Eiji fronça des sourcils.  

 

« Je suis eau » Murmura-t-il comme un aveu. Dans un geste teinté de panique, il ouvra le robinet, qui lâcha sa cascade de liquide transparent. Le filet scintillant chantait en s’abattant sur les parois du lavabo avant de disparaitre, englouti par la bouche menaçante.  

 

Sa vie n’avait été jusqu’à présent composé que d’obstacles et d’épreuves. Telle une rivière obstruée de pierres il s’y était buté avec brutalité, à cause du courant. Toutefois, il avait appris à connaitre les différentes humeurs du courant et contourner les obstacles pour continuer sa route…Mais pour aller où ? Déstabilisé par sa propre question demeurant sans réponse, il secoua la tête, et reprit la contemplation de sa Geisha sous le bruit incessant de l’eau gaspillée. Il avait besoin de bruit. L’eau n’était-elle pas aussi le symbole de vie ?  

 

 

La Geisha prenait une bonne partie de son dos. Légèrement courbée sur lui, elle le couvrait comme une armure. Les ornements de son kimono alliaient raffinement et subtilité, le tout dessinait avec précision. Des carpes koï s’entremêlaient aux fleurs de cerisier. Ce choix n’était pas anodin car tout les deux étaient des symboles importants. La carpe Koï avait cette spécificité de nager à contre courant. Les fleurs de cerisier quant à elles, symbolisaient le côté éphémère de la vie et représenter le détachement face à la mort. Ces fleurs roses ou blanches possédaient une vie très écourtées pour ensuite être emportées par le vent. En outre, elles évoquaient la vie d’un yakuza.  

 

 

La couleur pourpre des lèvres de la geisha, ainsi que celle des écailles des carpes l’impressionnait toujours autant tant elle restait flamboyante. Mais rien n’était du au hasard. Malgré une certaine hésitation, il avait opté pour l’encre du pays, car elle était réputée pour son éclat. Mais sa composition était beaucoup douteuse que celle provenant des usa.  

Cet irezumi était tout simplement sublime, toute personne qui l’apercevait le lui disait tant le décor ressortait de sa peau. Eiji ne parvenait pas à se défaire de ces séquences passées, défilant devant ses yeux, comme un dessin animé:  

 

Il ressentait encore le regard du tatoueur qui se déplaçait sur lui. Le plissement de ses yeux indiquait sa concentration. Il analysait le terrain sur lequel il allait laisser libre cours à son art. Mais durant son examen épidermique, le maitre tatoueur lui avait posé deux questions.  

 

A quel point peux-tu supporter la douleur ?
 

A quel point souhaites-tu que la beauté des traits de la geisha ressorte ?
 

 

 

« Je supporterai celle qui m’est imposée pour obtenir un effet parfait de mon irezumi. »  

 

Visiblement satisfait de sa réponse, il lança un regard entendu à watanabe ce qui n’avait pas échappé à Eiji.  

 

Il l’avait alors invité à s’allonger sur le ventre. Après s’être installé, Eiji avait fermé les yeux quelques instants comme pour mieux s’octroyer du courage avant sa transformation définitive. Du courage, il en fallait et pas qu’un peu ! Il n’avait jamais autant souffert de toute sa vie. Son tatouage avait nécessité quatre temps car il s’agissait d’un tatouage traditionnel qui n’était pas exécuté avec une machine électrique, mais avec de petits ustensiles contondants, de l’encre chinoise et des poinçons qui venaient piquer la chaire.  

 

 

Le maitre tatoueur avait tout d’abord délimité les sujibori, les contours avec un ustensile pointu. Le tracé fut dessiné dans sa peau, en enfonçant l’aiguille de nombreuses fois. Eiji crut défaillir…Mais le pire restait à venir.  

 

Après les délimitations du dessin, il avait travaillé l’ombrage, bokashi  

 

Ensuite, il avait effectué la colorisation des zones détournées le Gakubhori en creusant le cadre. Il avait été dans la profondeur de sa chaire. Le maitre avait décoré le kimono de la geisha avec de nombreux motifs très détaillés.  

 

 

La dernière étape, appelée Wabori consistait à faire ressortir les ombrages pour donner du relief. Il s’agissait d’un art à part entière.  

Le seul mot qui revenait à son esprit en se remémorant ces séances de tortures épidermiques était :  

 

Gaman(我慢)
 

La patience, l’endurance
 

La patience dans l’épreuve
 

 

 

 

Après chaque séance, il rentrait chez lui et s’effondrait dans son lit. La geisha était enflammée, et provoquait des douleurs insupportables. Elle était immonde, dépourvue de finesse et de charme. Avec moquerie, il se disait qu’il s ‘agissait d’un Oni travesti en femme. Le plus terrible, fut la patience face à la douleur durant les jours de cicatrisation. Mettre un vêtement apparaissait comme une épreuve. Dés que le tissu touchait sa peau, il lui semblait que des poignards se logeaient dans la colonne vertébrale. Aussi, il était resté chez lui, torse nu, allongé sur le ventre. Il fulminait, contre lui même, contre elle. Il détestait cette femme dessinée qui s’était emparée de son dos à tout jamais. Toutefois, sa haine s’estompa. Peu à peu, sa peau s’était apaisée laissant enfin apparaitre la geisha sous un autre jour. Sa véritable beauté fut enfin révélée à la lumière du jour. Son coté protecteur s’infiltra doucement, et prit enfin une place non négligeable dans leur vie commune. Ils avaient appris à s’aimer. Leur amour avait vu le jour sous le signe de la douleur.  

 

 

A la vue de son irezumi sous son plus beau jour, Watanabe satisfait de la prestation du maître tatoueur, lui avait lancé une petite boutade  

 

« Ta femme devra accepter de te partager avec cette beauté. »  

Elle était magnifique. C’est vrai, Watanabe avait raison. D’ailleurs il se souvient que durant la pause de son tatouage, les yeux de son oyabun ne se détachèrent pas de lui, sûrement à la recherche de signe de douleur ou de faiblesse.  

 

 

Eiji avait pris cela comme un test, une mise à l’épreuve. Pas une fois, il manifesta sa douleur, pourtant ce n’était pas l’envie d’ hurler qui lui manquait. Insoutenable. L’odeur infecte de sueur mêlée de fumée de cigarette lui soulevait le cœur. Il avait même du s’évanouir l’espace de quelques secondes, mais il s’était aussi vite repris. Pas un cri.  

 

Même aujourd’hui, il se demandait comment il parvenait à se taire, face à autant de souffrance. De nature impulsive, sa colère explosait par moment, mais cela était aussi accentué avec la drogue, et son manque. Mais, dans les situations extrêmes, il paraissait vidé de son cœur. Les sentiments, les émotions s’étiolaient dans son vide abyssal et atteignaient rarement la frontière de son cœur dématérialisé. Les peu de fois que cela se produisait, il faisait en sorte d’être seul, plongé dans le noir. L’absence d’émotion interloquait les gens. Son silence aussi, ses lèvres restaient scellées même dans les situations les plus difficiles. Sa résistance et le contrôle à la douleur physique, mentale demeuraient incompréhensibles depuis son plus jeune âge. Ses facultés avaient impressionné et intéressé Watanabe dés ses premiers pas chez les Yakuzas. Il n’était pas dupe quant au fait que son oyabun l’utilisait comme une arme tout comme lui-même l’avait utilisé pour s’en sortir.  

 

 

 

Un râle rauque provenant des entrailles de la tuyauterie le fit sursauter. C’était l’eau qui s’engorgeait dans le lavabo qui le fit revenir une nouvelle fois à la réalité écrite.  

 

 

_ Ça suffit…ça suffit ! Murmura-t-il, décontenancé par cet état  

Que se passait-il ? Quelque chose n’allait pas dans ce chapitre ! C’était saccadé.  

 

 

Un frisson lui parcourra le dos en ayant l’impression qu’on lui avait caressé le dos du bout des doigts ce fut léger et sans danger. Un yokai bienveillant ? Son cœur palpita à l’extrême en comprenant qu’il se noyait dans ses pensées. Ces souvenirs, ces ressentis, ces questions accentuèrent son mal-être. Le froid du doute et de la trahison lui envahirent le corps. Il regarda son reflet, ce double qui l’observait aussi. Il avait la sensation d’être aspiré d’une façon irrépressible par le passé. Peut-être avait-il des remords ? Des regrets ?  

 

 

Il avait passé une grande partie de la nuit à fumer et à observer ce traitre reprendre connaissance. Sandayu était revenu trois fois à lui. Il les avait comptés. Son agonie, ses supplications ne lui atteignirent pas une seule fois le cœur. A ses yeux, il ne représentait plus rien et n’existait plus à présent. La fibre était cassée. Eiji avait retourné le problème dans tout les sens pour savoir quelle attitude devait-il adopté en de pareilles circonstances. Après avoir écrasé sa énième cigarette, les yeux rivés sur cet homme devenu un étranger, il lui dit :  

 

 

- Sandayu…Tu vas réparer ton erreur avant de disparaitre de cette histoire.  

 

 

L’hésitation l’avait effleuré mais il l’avait gommé avant de partir rejoindre Kaori au parc. Bien qu’il ne veuille l’admettre, il avait fait un geste en direction du plus grand nettoyeur du Japon en offrant le doigt de Sandayu par l’intermédiaire de sa partenaire. Utiliser Kaori comme messager pouvait paraitre assez malsain, voir vicieux à plusieurs titres. Quelle aurait été la réaction de la jeune femme si elle avait su qu’elle tenait entre ses mains, ce qui restait du Yakuza Sandayu ? Eiji gloussa.  

 

 

Cela pouvait paraitre barbare, inhumain, violent. Pourtant, il s’agissait de la procédure à suivre en cas de faute grave. Eiji avait compris que par la traitrise de son ancien ami, Watanabe se retrouvait dans une mauvaise posture. Rien que ce fait, le mettait hors de lui, il donnerait sa vie pour lui car malgré son attitude manipulatrice, Yoshinori l’avait sorti de la rue.  

L’incendie et l’agression de la tenancière l’avait tout aussi révulsé car cela relevait d’une bassesse absolue. S’en prendre à une femme n’était pas dans leurs fonctions. Par ses observations, il avait remarqué l’attachement de Ryo à ce lieu symbolique mais aussi à Okuni. Les confidences de Kaori Makimura avaient confirmé ses analyses. Qui l’aurait dit ? La tenancière portait le nom de l’illustre créatrice du kabuki original…Là où tout avait commencé. Là où prenaient les racines du Kabukichô, les terres de ce héros de manga. Elle, lui, étaient liés dans une autre vie, une autre réalité dessinée. Une certitude ! Tout se mélangeait, s’entremêlait entre le présent et le passé, comme l’eau tournoyant dans cet entonnoir du temps. Il ne plaisantait pas avec ces genres de croyances. Les sensations étranges provenaient-elle de ses vies vécues. Les âmes avaient une mémoire. Il en était convaincu. Et lui ? Avait-il vécu une vie avec la nettoyeuse ? Il éprouvait d’étrange sentiment à son égard. Il ne parvenait pas à définir quelle était la différence entre l’Amour et l’obsession ? L’obsession et le désir ?  

 

 

Ce fut la chaleur moite qui le fit revenir au présent. L’eau continuait à tomber et à être aspirée par la fissure béante. Elle était devenue brulante et dégageait de la vapeur qui se déposait sur le miroir. Eiji retint son souffle : son hologramme le regardait en silence, de l’autre côté du miroir. Il examina cet autre s’évanouir sous une fine pellicule de buée qui se déposait sur cette lucarne d’un autre univers. Eiji disparaissait, son contour s’effaçait. Ses traits qu’on disait fins et délicats se dissolvaient dans le néant.  

 

La pulpe de ses doigts vint pénétrer la tiède moiteur du miroir à la recherche de son image dessinée. Ses doigts glissèrent, caressèrent son propre reflet pour faire réapparaitre son existence dans le chapitre 12. Le ressenti fut étrange car il avait l’impression de passer à travers le décor tout en étant conscient de la froideur et de la dureté de la réalité.  

Seul dans les roman Fantasy ou de sciences fiction, les personnages avaient cette capacité de passer les miroirs ou franchir d’autres dimensions. Pourtant, Eiji se voyait s’assoir aux cotés des lecteurs de cette fanfiction et attendre la suite des événements.  

 

flap flap flap
 

 

Cela semblait être un signal d’avertissement mais qui ne parvenait pas aux oreilles d’Eiji. Les petites cassades se formaient se déversant de part et autre du lavabo Les souvenirs débordaient de l’entonnoir de porcelaine.  

 

 

_ Dans quoi je me suis fourré confessai-je bien conscient de la position délicate dans laquelle je me suis mis : Mon envie d’en finir avec cette fanfiction, mort ou vif était devenu d’une manière soudain, oppressante.  

J’ai avancé ma carte en ta direction. Peu importe les conséquences qui en suivront ! J’animerai cette soirée avec passion. J’ai déjà tout planifié. Tout sera parfait.  

 

Tout d’abord, pour épurer les joueurs et ne garder que les meilleurs, nous jouerons à des parties de dés. Je gagnerai. Cela n’avait aucune l’ombre d’un doute. Ensuite, nous utiliserons les cartes portugaises, pour éliminer les joueurs restants. Je procéderai comme je l’ai toujours fait pour gagner, en m’insérant dans l’antre vide de mon adversaire, j’y verrai ses cartes, en palpant la forme de leurs symboles de son intérieur :  

 

La rondeur des trois feuilles du Trèfle, les pointes révélant un diamant daiamondo (ダイヤ )appelé aussi Carreaux. La noirceur de la pique transpercera ta rougeur de ton cœur Hāto (ハート)  

 

Pour s’approcher de moi et jouer en ma compagnie avec les cartes japonaise traditionnelles, il fallait mériter la place en étant le meilleur. Les cartes d’hanafuda étaient d’une toute autre complexité, avec des ornements beaucoup plus détaillés. Ce soir, elles sortiront de l’ombre pour reprendre vie sous mes mains agiles et elles danseront pour mon plus grand plaisir. Mais le moment le plus important celui qui n’est pas prévu dans le planning, ce paragraphe que les lecteurs attendent, le point culminant de cette étrange intrigue : ta rencontre. Tu vas venir ! Une certitude ! Je le sens  

 

Cette fois-ci il n y aura plus de filtre, plus de paragraphe interposés. Tu seras en face de moi pour jouer à une partie d’Hanafuda. Nos karmas sont liés d’une manière ou d’une autre que ce soit loin d’ici ou au Kabukichô. C’est écrit dans le scénario.  

 

Ennemis, amis… La réalité n’est pas forcement celle qu’on pense toucher du bout du cœur. La différence entre ces deux mots est aussi mince qu’une feuille de papier bon marché. Ne dit-on pas de se méfier de son ennemi une foi et de son ami deux fois ? Sandayu en était la confirmation.  

Il semblait être parti loin d’ici. Ses tremblements le rappelèrent à l’ordre. Il allait prendre sa seringue mais il se ravisa pour appliquer en premier lieu les gestes d’hygiène.  

 

Un rire se fit entendre,  

Un rire incontrôlé, de folie non maitrisé.  

Un rire des ténèbres annonçant une longue descente aux enfers.  

 

Tomare 止まれ !
 

 

Ce fut le tambourinement qui l’arracha de cet entre deux mondes. Il secoua la tête pour être certain d’avoir bien entendu. Bien qu’il n’avait pas encore injecté sa dose, ses yeux était brillant, son cœur battait à tout rompre. Quelques secondes furent nécessaires pour qu’il reprenne un peu le contrôle de ses mouvements et de son esprit visible enfui loin du site Hojo fan City.  

 

Boum boum boum
 

 

De nouveaux coups furent portés à la porte  

 

_ Et merde ! Chuchota-t-il en ayant bien eu la confirmation qu’on avait frappé à la porte. L’annonce de futurs soucis pensa-t-il car il n’attendait personne. Il referma avec fébrilité le robinet.  

 

Une vague froide, mordante lui envahit le corps, son écume semblait être les frissons qui s’agrippèrent à son dos. La sensation d’avoir plongé dans l’eau glacée lui fit claquer les dents avec violence. Les tremblements étaient terribles, incontrôlables. Il secoua la tête, et souffla bruyamment pour calmer le début de séisme.  

 

Malgré la déconnexion, il sortit de la salle de bain en trombe pour ouvrir sans tarder tant l’invité inopiné frappait fort. Il était agacé par la brutalité des coups, cela allait attirer l’attention des voisins, alors qu’il prenait toujours le soin d’être discret. Soucieux, il regarda l’identité de l’inconnu dans l’oculus, et soupira en les reconnaissant. Il s’agissait des deux gardes du corps de Watanabe. Après avoir tout de même vérifié, qu’il avait son arme sur lui, et son couteau dans sa poche, il ouvrit car ces deux corbeaux attiraient trop l’attention. A peine la porte entrouverte, Eiji les invita d’un mouvement de tête à se dépêcher de rentrer. Le chef avait fait deux pas dans le salon et regarda d’un œil furtif autour de lui.  

 

_ Le patron souhaite te voir. Lança –t-il visiblement pressé  

 

A l’écoute de ces paroles, il ne savait s’il devait être soulagé que ces deux babouins ne soient pas venus pour lui régler son compte ou alors devait-il être inquiet quant au souhait de Watanabe de lui parler. La température de son sang semblait augmenter. Prisonnier de son corps en ébullition, Eiji écarquillait les yeux sans parvenir à réfréner cet automatisme musculaire  

_ Il est défoncé ! constata l’homme qu’il dénommait l’asperge.  

 

 

Sa taille impressionnante associée à une maigreur accentuait son aspect voutée, souffreteux, inquiétant avec son épaisseur chevelure.  

Bien qu’il soit lucide, Eiji saisit l’occasion en dessinant ce masque de possession. Soucieux de ce rendez-vous, il doutait que ce soit par rapport à cette nuit, ou encore pour son entrevue avec Kaori. Ils avaient pris le soin de se mettre à l’abri des regards indiscrets. A ce doux souvenir, un étrange sourire se dessina sur son visage angélique, ses yeux brillèrent avec encore plus d’intensité.  

 

 

Prenant ce sourire comme un signe de possession, l’homme de main regarda son supérieur d’un air interrogateur. Eiji pouvait être dangereux dans un état secondaire. Bien conscient qu’il distillait le doute, Eiji accentua son sourire, avant de l’effacer aussitôt.  

 

_ Il avait besoin d’envoyer deux personnes pour venir me chercher ? demanda le yakuza d’une voix atone.  

 

L’asperge haussa les épaules.  

 

_ C’est urgent, bouge-toi se contenta-t-il de répondre.  

 

 

Décontenancé par la situation, il regarde l’heure avec inquiétude. Entre sa cérémonie interrompue, la partie d’hanafuda qui avait lieu ce soir, Eiji paniquait à l’idée qu’un piège lui soit tendu par son propre oyabun. La paranoïa tentait à s’infiltrer en lui. Ses yeux se posèrent sur les deux hommes à la recherche de faille. Un des faits secondaires de sa consommation, qui lui faisait le plus peur….La folie. Ses mains tremblèrent un peu plus à cette idée.  

 

_ Okay Répondit Eiji avec calme Okay…  

 

Il aviserait le moment venu se dit-il tout en se remémorant avec exactitude tout les faits et gestes qu’il avait entrepris depuis ce matin. Il n’était pas resté à découvert, pour s’entretenir avec Kaori. Il avait erré à comme à son habitude sans détecter d’ondes particulières avant de la voir.  

Si Watanabe venait le chercher, c’est qu’il s’était passé un événement. Au diable les spéculations pesta-t-il en enfilant son tee-shirt et remit sa veste noire en espérant qu’elle allait encore lui porter chance.  

Malgré les tourments, Eiji suivit les deux hommes de main de Watanabe en leur recommandant d’être discrets en descendant les escaliers bien que visuellement ils portaient sur leur visage leurs statuts. Cette manière de faire lui déplaisait fortement. Il avait tant d’effort pour s’assimiler ici…  

Une fois à l’extérieur, la contrariété monta d’un cran en apercevant la voiture garée en double file. Non, il n’aimait pas du tout cette sensation. Il allait devoir faire preuve de sang froid bien que le sien était bouillonnant. Ils l’avaient interrompu alors qu’il allait prendre sa dose. Le tremblement devenait palpable, mais il dut les faire taire. Les deux hommes le pressait à rentrer dans la Mercedes, mais Eiji les repoussèrent pour montrer qu’il restait maitre de lui même  

 

_ C’est bon ! Je ne vais pas m’enfuir ! Peste-t-il  

 

_ Mieux vaut pas tenter contenta de dire l’asperge. Avant de fermer la porte, il rajouta : « tu aurais plus à perdre en t’en allant… »  

 

Surpris, Eiji perçut des ondes étranges. Quelque chose se préparait. Observant les moindres détails, il fut malgré tout soulagé en les voyant s’installer tout les deux devant. Cela voulait dire qu’il n’était pas « prisonnier ». Un soupir de soulagement s’extirpa de ses lèvres scellées bien qu’il ne comprenait toujours pas la situation.  

 

 

S’affaissant dans son siège, il regarda par la fenêtre, le décor défilait à toute vitesse sous ses yeux. La pluie lavait les rues, décidément la météo était agitée. L’orage semblait camper au dessus de Tokyo bien résolu à se décharger de sa colère. Un tout autre orage s’était logé dans le cœur du Yakuza. L’électricité se diffusait dangereusement en lui. L’angoisse de ne pas pouvoir assurer sa soirée d’Hanafuda était brulante, tandis que la sensation de trahir l’homme qui l’avait sorti des rues pour lui donner un sens à son existence paraissait glaciale. La confrontation du froid et du chaud lui provoquaient des crampes douloureuses. La voiture prit la direction du centre de San’ya(山谷) puis quitta l’arrondissement de Taitō  

Ils traversèrent l’arrondissement de  

Bunkyo  

Shinjuku  

Shibuya  

 

 

Les kilomètres s’envolaient, augmentant l’angoisse de s’éloigner de ses projets. Ils partaient à l’opposé du lieu de la soirée.  

Quelle ne fut pas son désappointement lorsqu’ils pénétrèrent dans l’arrondissement de Setagaya . Watanabe s’était installé dans un petit appartement haut standing dans un quartier paisible comptant un nombre important de maison et d’immeubles à proportions humaines. Toutefois, pour protéger la localisation de l’oyabun, ils firent de nombreux détours à pieds. Mains dans les poches Eiji marchait d’une démarche tranquille, d’un air totalement détaché, bien que son esprit fusait sous le poids des interrogations.  

 

 

Face à l’immeuble, il prit le soin d’observer les lieux. Rien de clinquant mais tout de même luxueux. L’architecture de l’immeuble était ordinaire. L’entrée principale, fort discrète était située à côté d’une agence de voyage. Avant de s’engouffrer à l’intérieur Eiji lança un coup d’œil aux plaques des différents occupants de l’immeuble : aucune grande entreprise bien évidemment, des bureaux d’importations, des cabinets d’avocats véreux certainement. Les grandes familles des yakuzas avaient des pions dans tous les domaines de l’économie du pays. Pour accéder à l’ascenseur situé derrière une porte vitrée au fond de l’entrée, il fallait appuyer sur l’interphone. L’homme de main sonna.  

 

-« Shogi » dit-il avec distinction.  

 

Cela devait être le mot de passe du jour.  

 

 

Sans perdre les instants précieux, yakuza s’engouffra dans l’ascenseur, toujours encadré des deux hommes de main. Toutefois, une fois arrivé, à l’étage, ces derniers restèrent prés de l’ascenseur tandis que l’asperge lui indiqua d un mouvement de tête, la porte portant le nombre 3. Après quelques secondes d’hésitation Eiji s’y dirigea. Elle s’ouvrit automatiquement laissant apparaitre un homme mais pas n’importe lequel : Shinobu Tsukasa le Shateigashira , le deuxième lieutenant.  

 

Le premier lieutenant, Wakagashira , Masaru Takumi était parti sur Kobe pour préparer son retour. Toutefois, Eiji fut étonné par la mine tendue du Shateigashira, son regard dégageait quelque chose de haineux et de glacial à son encontre. Bien qu’il ne laisse rien paraitre, Eiji se sentit nerveux en percevant la tension ambiante et des ondes inquiétantes.  

_ L’oyabun t’attend ! Indiqua Shinobu avec solennité.  

 

 

Eiji l’avait toujours préféré Tsukasa à Takumi car il lui paraissait plus fin dans son approche. Mais, il n’appréciait pas comment il le dévisageait avec mépris, lui faisant bien comprendre qu’il n’était qu’un simple Kyodai , un grand frère. D’un mouvement de la main, Tsukasa le pressa à se diriger vers une nouvelle porte. Eiji avait l’impression de traverser plusieurs dimensions tant l’atmosphère paraissait surprenante. Chaque atome suspendu dans les airs semblait se muter. L’orage, la pluie devaient contribuer à cette impression d’étouffement, tout en ayant l’étrange certitude que l’équilibre de la réalité dessinée avait vacillé.  

 

 

Eiji huma l’air avec insistance. La mort. En captant cette étrange perception qui lui chatouillait le cœur, il était certain de sa présence. Elle flottait comme un nuage. Il déglutit avec difficulté.  

 

 

Lorsqu’il pénétra dans le salon, il aperçut tout de suite son oyabun, assis sur le canapé visiblement occupé à lire un livre. Un livre d’histoire chinoise bien entendu.  

 

 

Toutefois, dés que le Yakuza apparut, Watanabe leva les yeux vers lui. D’un mouvement sec, il refermât son livre et sonda du regard son sous alterne. Décontenancé par l’attitude ce père, Eiji contrôla son aura et ses émotions pour ne rien laisser paraitre. Le sol était recouvert d’un tapis s’apparentant à un tatami. Un étrange combat.  

 

_ Konichowa ! Adressa Yoshinori d’une voix posée au yakuza.  

 

 

Eiji redoutait toujours ces première secondes, durant lesquelles son oyabun l’examinait et attendait...Il attendait à chaque fois qu’il accomplisse le salut devant lui. Bien que son dos se souvienne encore de la correction qu’il avait reçu en refusant de s’agenouiller devant Watanabe lors de leur première rencontre, il s’y refusait encore à l’accomplir.  

 

_ Domo répondu Eiji avec malice.  

 

Bien conscient de la fuite du temps, et l’instant figé dans ce chapitre dans lequel les lecteurs trépignaient d’impatience de le revoir, le yakuza avec lui aussi une priorité : Le rencontrer aussi…  

 

A la vue de Yoshinori, il ne sentait pas d’ondes négatives à son encontre, ni un atome de contrariété. Ce constat le rassura .Aussi, il réfléchit à comment s’extirper de cette situation. Se souvenant de la remarque du garde du corps le pensant drogué, il décida de jouer. Encore une fois. Ici ce ne serait pas bien compliqué, car il connaissait ce rôle sur le bout des ongles.  

 

Un franc sourire apparut sur son visage jusqu’alors impassible. L’effet de la drogue octroyait une euphorie bien particulière. Watanabe s’était levé et rangea son livre dans la bibliothèque et fit courir ses doigts sur les divers livres d’histoire, sans se retourner vers le yakuza.  

 

 

_ Que faisais-tu ? On t’a cherché toute la matinée informa Watanabe d’une voix légère visiblement accaparé par ses livres.  

 

_ Je baisais. Répondit Eiji, les yeux pétillants, braqués sur l’homme à qui il devait tant.  

 

Surpris de sa réponse aussi crue, Watanabe stoppa son geste, se retourna et observa Eiji Ichiji. Peut-être cherchait-il un signe de plaisanterie chez le yakuza, mais celui-ci semblait bien sérieux.  

 

_ Me suis accordé une matinée au soapland…. Précisa-t-il avec amusement.  

 

Ses émotions remontèrent à la surface, et vinrent tourmenter sa conscience. Elles se transformèrent en de brillants éclats qui lui lacérèrent les yeux. Ses joues semblaient empourpraient au point, qu’il eu très chaud. L’angoisse s’invita dans sa prestation, en happant sa mâchoire, et l’obligea à laisser s’échapper un rire sonore, tremblant, terrifiant. Il avait appuyé sur le bouton invisible pour déclencher cette étrange hilarité. Divaguer, glisser entre deux réalités  

 

_ Je vois … ajouta Watanabe.  

 

L’oyabun s’approcha de son soldat. Sans crier gare Watanabe lui mit une gifle. Le visage d’Eiji demeura impassible, par contre son corps, lui avait réagi.  

 

_ Tomare 止まれ ! Ordonna Watanabe avec fermeté, tout en bombant le torse  

 

Surpris lui-même Eiji stoppa son geste bien que sa main paraissait soudée à son couteau caché dans sa poche. Il ne demandait qu’à sortir et s’enfoncer dans celui qui aimait et haïssait le plus. Il dut rassembler toutes ses forces pour avaler cette humiliation et stopper son geste. Tête baissée, il devait également contrôler ce manque grandissant qui ne demandait qu’à exploser.  

 

_ Ta maitrise devient excellente malgré ton état ! Affirma Watanabe  

Un surprenant sourire se dessina sur le visage de l’oyabun. Il soupira et s’éloigna de sa jeune recrue. Devant le petite guéridon accolé au canapé trônait une bouteille Cutty sark , Watanabe prit deux verres et versa de l’alcool.  

_ Je te l’avais dit….Tu es destiné à un grand avenir. Je l’ai senti dés la première seconde en t’apercevant, expliqua l’oyabun  

Le cœur du Yakuza hurlait à déchirer les pages de cette étrange histoire. Les feuilles semblaient trembler tant l’instant paraissait troublant.  

_ Eiji ichiji Mon nouvel wakagashira Annonça Yoshinori avec un air de triomphe en présentant un verre au Yakuza. « Tu vas nous ouvrir les portes de ce nouveau décor… » Ajouta-t-il d’approchant de lui en portant un toast  

Yakuza accepta le verre bien que l’étonnement lui parasitait la fluidité des mouvements. Il était dans l’incapacité à dessiner la moindre émotion à l’écoute de sa promotion. Les pensées se bousculaient dans son crane. Il tentait de les ordonner pour entièrement comprendre ce qui se produisait. Ses yeux se levèrent enfin vers son oyabun pour être certain d’avoir bien entendu. Comprenant la demande silencieuse de son nouveau bras droit, Watanabe fit disparaitre toute trace de sentiment.  

 

_ Masaru Takumi est mort. Informa-t-il d’un ton totalement détaché.  

Toujours sous l’analyse méticuleuse de son oyabun, Eiji sourcilla tout en restant neutre.  

_ Takumi est mort ? Répéta Eiji, abasourdi par la nouvelle.  

_ Il s’est fait abattre à Osaka. Apprit Yoshinori en buvant son verre.  

_ Osaka ? Mais que faisait-il l’a bas ? Il n’était pas censé être à Kobe ? Interrogea Eiji  

Surpris de la réflexion Yoshinori, fronça des sourcils en passant sa main sur sa barbe naissante, comme pour mieux la dompter.  

 

_ Hum il n y a qu’un pas de Kobe à Osaka, expliqua Watanabe en s’asseyant sur le canapé.  

 

_ Oui mais.. Commença le yakuza.  

_ Eiji, peu importe ce détail ! Coupa le oyabun agacé et but d’une traite le restant d’alcool  

 

Le yakuza prit cela comme un rappel, il ne devait pas oublier qu’il était censé être dans un état secondaire. Mais l’envie était trop grande. Il avait tant de question ! Que devenait ce pacte qui semblait ne pas être respecté, la famille Sumiyoshi-kai. Était-elle responsable de ce meurtre ?  

De son côté, l’information qu’il détenait pouvait modifier pas mal de chose. Mais, avant toute chose, il accomplirait ce qu’il l’obsédait. Jouer. Son cœur accéléra face à ce qu’il était en train d’effectuer en ne disant rien.  

 

_ Qui l’a tué ? Osa-t-il demander malgré tout.  

 

L’oyabun ignora sa question, il lança :  

_ Cela fait parti des risques ! Il se tut quelques instants pour enfin rajouter : « Je ne le sentais plus depuis quelques temps. ». Il se servit un nouveau verre, tout en ajoutant « Nous devons organiser les funérailles…il va avoir du monde. »  

 

 

La mort faisait parti de la vie des yakuzas. Beaucoup ne faisait pas de vieux os dans la mafia japonaise. Néanmoins, Eiji fut surpris de l’attitude de Watanabe face à cet incident. Cela semblait être un fait prévu dans le listing. Son bras droit avait été abattu. Pourtant il ne paraissait pas être très affecté par sa mort. A cette constatation, Eiji fronça des sourcils. Quelque chose n’était pas normal  

 

_ Ce n’est pas une grosse perte….C’était un connard ! Affirma le yakuza avec provocation pour persévérer dans l’illusion qu’il insufflait dans l’esprit de l’oyabun. Un rire démentiel vint accompagner cette réflexion décousue.  

_ En effet, c’était un connard répéta Watanabe les yeux rivés au Yakuza  

Il le sondait. Eiji en était persuadé  

 

tac-tic …Tac-tic..
 

Tomare 止まれ
 

Tic-tac
 

 

Le métronome du temps lui fit rappeler que les lignes défilaient et que la partie d’Hanafuda se rapprocher. Il devait partir. Toutefois il était mal à l’aise devant la désarçonnant attitude de son supérieur,  

 

_ Alors qu’est ce que cela te fait d’être mon wakagashira ? demanda Watanabe sortant ainsi de ce mutisme pesant.  

 

Bien décidé à sortir de cette séquence oppressante, le yakuza haussa les épaule d’une manière désinvolte  

 

_ Pour être honnête avec vous, je n’en ai rien à foutre ! Avoua-t-il en sortant son paquet de cigarette de sa poche.  

 

_ Oh des Gudang Garam ! J’avais oublié qu’il m’en restait.  

 

Le bruit de la langue de feu embrasant la cigarette vint accompagner cette surprenante prestation. Il savait qu’il était défendu de fumer dans l’intimité de l’oyabun, mais il effaça l’interdit. Il présenta le paquet à son supérieur. Celui-ci les yeux rivés sur sa recrue, déclina la proposition d’un mouvement de tête. Sous le feu des projecteurs, Eiji savait qu’il le scrutait et le sondait pour voir son degré de lucidité.  

 

_ Vu la situation, ton retour sur Kobe n’est plus d’actualité pour le moment. Du moins pas tout de suite. Expliqua Watanabe.  

 

_ J’aime bien ces cigarettes indonésiennes même si elles sont bourrées de saloperies, elles ont bons goûts, vous ne trouvez pas ? S’exclama Eiji en insufflant la fumée à l’odeur d’encens et de clou de girofle.  

_ « Es-ce que tu m’écoutes ? » Rajouta-t-il avec agacement.  

Un nouveau rire vint répondre à l’oyabun. Le yakuza observa la fumée épaisse flotter en cercles concentriques depuis le bout de la cigarette. Le clou de girofle mélangé au tabac crépitait et grésillait quand il inspirait. La voix de son oyabun semblait lointaine. Encore peu, il aurait été persuadé d’être vraiment dans un état secondaire. Bien qu’il ne laisse rien transparaitre, cet événement perturbait ses réminiscences qui demandaient qu’à s’écrire au fil du chapitre. Un moindre faux pas et l’histoire serait terminée. De toute évidence Watanabe ne semblait pas au courant de ses derniers agissements. C’était pour le moment le plus important. Du revers de la main, Eiji balayait le reste des faits. Le yakuza devait trouver la bonne yaku, combinaison pour pouvoir partir d’ici et aller jouer sa partie  

_ Et votre ami Nishiguchi, ….Vous vous êtes réconciliés ? Demanda Eiji en s’éclaffant.  

Les yeux de Watanabe se rétrécirent au fil de ses pensées, rivés au visage d’Eiji . Faire passer Nishiguchi comme était son ami, était une véritable provocation. Bien qu’il y avait un pacte, ils restaient des familles opposées.  

 

Un doute assaillit le Yakuza en se demandant si Masaru Takumi n’avait pas été un bout de viande qu’il avait lancé à des chiens affamés. L’envie de parler de question était grande, mais il s’abstenait de tout propos pour pouvoir partir d’ici le plus vite possible.  

 

_ Nous reprendrons cette conversation demain, tu es complètement stone ! S’insurgea Watanabe « On va te raccompagner. »  

 

_ Non ! Trancha le yakuza  

 

Face à stupéfaction de son oyabun provoqué par son « non » bien affirmé, Eiji précisa. «J’ai un rencart, Je n’ai pas spécialement envie que les deux gorilles viennent se rincer l’œil.  

 

_ Ce n’est pas prudent de te laisser partir dans ton état. Insista l’oyabun visiblement septique et soucieux de l’état de son nouveau bras droit.  

_ Ce ne sera pas prudent pour les personnes qui tenteront de gâcher mon plaisir, rétorqua Eiji bien décidé à sortir de ce chapitre indemne et libre.  

L’oyabun le toisa du regard. « Je compte sur toi » précisa Watanabe après s’être relevé du canapé. La conversation se termina avec le même rituel : Watanabe lui tendit un paquet soigneusement emballé contenant ses doses. Malgré la tension, la vue de cette substance la réjouit et lui tordit le ventre.  

 

Une fois dehors, son cœur hurla à tout rompre, Yakuza inhala l’air frais avec insistance. Il avait l’impression d’avoir été en apnée. Cet air là était différent des autres. La nuit se dessinait. Il disparaissait avec naturel et célérité, comme une ombre engloutie dans le crépuscule envahissant. Soulagé d’être parvenu à sortir de ce paragraphe contraignant pour son auteur et ses lecteurs, Eiji ne devait pas trainer dans le secteur. L’oyabun pouvait envoyer malgré tout ses missionnaires et le tracer. Il fallait se méfier de Watanabe car il appartenait à ces types de personnages dangereux car insondables. Watanabe surveillait les gens gravitant autour de lui et n’accordait son entière confiance à personne. Bien qu’il l’avait promu comme nouveau lieutenant, Eiji n’était pas crédule. En devenant son bras droit, il était encore plus proche de lui, donc doublement surveillé et contrôlé. A une époque, sa promotion l’aurait réjoui or cela ne fit aucun effet particulier aujourd’hui. Il y penserait plus tard…Demain.  

 

Son pas accéléra au point qu’il se rendit compte qu’il courrait. La crainte de se faire interpeler le poussait à s’enfuir et parcourir les encadrés pour tourner les pages aux plus vite.  

 

 

Chaque mètre parcouru était une distance en moins qui le séparait de cette soirée spéciale. Déboussolé, il ne savait pas exactement où se diriger car sa priorité était de brouiller les pistes à d’éventuels mouchards. Pour être certain de se fondre dans le décor, il glissa dans une ruelle d’un pas vif.Il pouvait apercevoir l’intérieur des maisons donnant sur ce petit passage. Il dépassait des salles à manger, des salons éclairés où se tenaient des gens sur lesquels il jeta subrepticement des regards par-dessus les haies. Certains étaient dans leurs cuisines, d’autres devant leurs postes de télévisions. Une odeur de nourriture s’étendait sur la ruelle. A cet instant, il enviait ces personnes agissant dans leurs vies ordinaires. Derrière une baie vitrée au deuxième étage, il aperçut une femme penchait son visage studieux sur son bureau en train d’écrire une fanfiction. Il perçut un couple se querelle. Un bébé pleurait.  

La réalité se déroulait dans la ruelle, comme un vase qui débordait de vie : des odeurs, des sons, des images. Une fois arrivé dans l’artère principale, il prit une démarche ni trop rapide ni trop lente.  

 

L’important étant de ne pas attirer inutilement l’attention. Son regard glissa sur le décor à la recherche d’un arrêt de bus ou une bouche de métro. Une faille pour s’enfuir loin d’ici. Il longea une succession de tours, traversa l’avenue Ome Sando et aperçut enfin une bouche de métro. L’angoisse montra d’un cran, il s’était tellement éloigné Il se retrouvait à devoir faire le chemin dans le sens inverse.  

 

Lorsqu’il se retrouva enfin en terre connue, le Yakuza prit la ligne Yamanote pour emprunter la voie 1 en direction de Ikebukuro  

 

Il avait été conclu d’organiser cette soirée en dehors de Shinjuku pour diverses raison. Sortir des entrailles du manga donnait un éclat différent à l’événement. Le gérant coréen avait proposé l’arrondissement Toshima car il disposait d’une petite maison qui officierait en tant que salle de jeux.  

 

Lorsqu’il sortit de la gare, le yakuza s’arrêta en détectant une note particulière qui le déstabilisa. L’odeur de La culpabilité rehaussée de notes aigres d’angoisse. Sa fragrance en était spécifique bien indétectable pour toute personne. Eiji l’huma avec dégout. Elle remplit l’air puis retomba sur lui comme une fumée malfaisante. Ce fut ses jambes, son buste, son visage qui furent bientôt complètement recouvert de cette fine membrane. Tout devint sombre devant ses paupières, et un rire retentit dans l’obscurité.  

Il se mit à courir pour enfin à arriver à destination. Lorsqu’il y parvint, il aperçut le coréen qui l’attendait dehors. Tournant en rond, le gérant fumait, visiblement stressé de son retard. Mais lorsqu’il aperçut le yakuza, un franc sourire se dessina sur son visage torturé.  

 

 

_ Te voilà ! J’avais peur que tu me fasses faux bond Eiji ! Avoua-t-il en soufflant de soulagement  

 

_ Quelle idée ! S’exclama Eiji tout en reprenant son souffle.  

 

_ Tout le gratin sera là ce soir. Certains ont déboursé une sacré paquet de pognon juste pour obtenir leur place ! Informa le coréen en se frottant les mains.  

 

Bien entendu, ce qui intéressait Eiji ce n’était pas ce beau gratin, c’était cet autre joueur non annoncé. Il observa à la dérobée le tenancier de jeu , les traits du visage du Yakuza se radoucirent. Non il ne se doutait pas qu’un héros de manga viendrait. Pourtant, rien ne garantissait qu’il serait la. Mais Eiji en était persuadé. Le nettoyeur avait déployé ses meilleurs agents suites aux diverses rumeurs lancées dans les ruelles étriquées. Il y avait bien une caractéristique à Kabukichô : les secrets étaient connus de tous. Rare étaient les personnes sachant tenir leur langue. L’argent était beaucoup trop tentant.  

 

Le coréen l’emmena dans la salle principale où se dérouleraient les festivités. Elle lui apparut lumineuse, les tables étaient mises en valeur par des nappes immaculées. Ils étaient loin des cafés douteux et miteux .Il avait voulu trancher dans les habitudes. C’était réussi. L’ambiance semblait celle d’un casino. D’habitude réservé, le coréen débitait un flot de paroles interrompues, dans lequel Eiji se perdait. Ses tremblements lui rappelaient qu’il n’était pas pris sa dose. Sourcillant à ce fait, l’inquiétude le gagna car il ne devait pas tarder à donner à son corps ce qui lui réclamait. Il devait se changer aussi. Il avait tout prévu en confiant ses vêtements au coréen. Pas de kimono ou tout autre attirail traditionnel, cette fois-ci...non, rien de tout cela ! Juste un simple ensemble dont la chemise blanche trancherait avec la noirceur ambiante.  

 

Tomare 止まれ !
 

 

 

La transition était toujours étrange, ses yeux se révulsèrent lorsque l’aiguille de la seringue s’enfonça dans sa veine. A peine le temps de réaliser que mon corps était possédé, et du temps écoulé je me retrouvais assis, face à une table de jeu, entouré de joueurs devenus mes supporteurs. Je ressentis la ferveur des acclamations dites en mon honneur « Eiji Ichiji ».  

 

 

« Yaku (役 ) !...» M’écriai-je.  

Une combinaison venait d’être composée  

Toi- Moi  

 

Un sourire se dessine sur mon visage à ta vue.  

Tu m’as reconnu.  

Tu es là, devant moi.  

Toi, Ryo Saeba le héro du manga Shiti Hanta

 

 

Tes sombres prunelles crépitent tant les flammes qui les animent te consument l’âme.  

Tu réponds à mon sourire car tu as compris le sens de ma répartie.  

Tu connais la réplique que j’attends pour débuter cette surprenante partie.  

L’auteur de toute évidence elle aussi, car Sugar écrit :  

 

Ryo lui répondit  

 

_ « …  

 

 

 

 

 


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