Hojo Fan City

 

 

 

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Rated G - Prosa

 

Autore: Sayaka1537

Status: Completa

Serie: City Hunter

 

Total: 1 capitolo

Pubblicato: 06-09-11

Ultimo aggiornamento: 06-09-11

 

Commenti: 2 reviews

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SongficRomance

 

Disclaimer: Les personnages de "De là-haut" sont la propriété exclusive de Tsukasa Hojo.

 

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   Fanfiction :: De là-haut

 

Capitolo 1 :: De là-haut

Pubblicato: 06-09-11 - Ultimo aggiornamento: 06-09-11

Commenti: J'avais déjà posté ceci début 2009 mais comme j'avais "travaillé" cette song-fic pendant plusieurs mois (j'avais peu d'occasions d'écrire) je ne pouvais pas créer de nouvelles histoires et l'avais donc postée en tant que nouveau chapitre d'une autre. Etant donné que j'ai mis à jour l'une des mes fics en cours, je peux désormais poster correctement cette song-fic et remplacer un système D qui s'est quelque peu éternisé... ^^ Du coup je remets ici le commentaire que j'avais écrit à l'époque : Coucou tout le monde ! Zallez bien ? ^^ ;) Ça fait une petite éternité que j’étais pas revenue sur le site, je le sais bien et je m’excuse pour les reviews et les majes que j’ai manquées mais mes études m’ont vraiment pris beaucoup de temps… :-( Avec évidemment pas mal de retard, tous mes vœux pour l’année 2009, de Bonheur, Santé, Succès, Prospérité, etc etc… Rajoutez à la liste ceux que j’oublie… XD Que ce soit une année pleine de rire si possible, parce que les infos en ce moment sont pas toujours très positives… En tout cas, j’espère que tout le monde va bien et que vous ne m’avez pas complètement oubliée pendant ces 4,5 mois !!! :-D Même si je suppose que c’est l’impression que ça donnait, je n’ai pas arrêté d’écrire. Je n’ai rien posté parce que je « travaillais » la même song-fic depuis Septembre. Oui, je sais, ça paraît long mais j’avais très peu d’occasions pour écrire et elles étaient limitées dans le temps. Cerise sur le gâteau, je vous préviens tout de suite ce n’est pas exactement très gai, donc émotionnellement drainant à écrire. Elle s’est donc faite très progressivement et je ne l’ai terminée que ces derniers jours pendant ma semaine de break !!! J’en ai donc profité pour vous la poster aujourd’hui étant donné que c’est l’anniversaire de Lady Gaby, à qui je souhaite un excellent anniversaire et beaucoup de courage pour la nouvelle année de vie qui s’annonce !!! :-D Cette song-fic ayant été à la base une requête pour elle et son grand-père de CHatsuko, qui fut donc logiquement la première à la lire, je la leur dédie naturellement. Je préfère dire tout de suite qu’elle est vraiment longue et comme je l’ai déjà mentionné pas très gaie. Je vous la déconseille si vous êtes déjà déprimés quoi… ^^ En attendant, j’ai beaucoup investi dans cette song-fic et je dois reconnaître que je suis très heureuse du résultat, alors je ne peux qu’espérer qu’elle vous plaira également !!! Encore merci à CHatsuko pour m’avoir fait connaître la chanson, un excellent anniversaire à Lady Gaby et il ne me reste plus qu’à vous souhaiter la meilleure des lectures possibles !!! :-D (PS : J'ai dépassé de quelques jours la limite des 6 mois pour mes fics en cours et même si j'ai posté des OS complets entretemps le site refuse que je poste une nouvelle fic. Je suppose que ça se débloquera si je maje sur mes fics en cours, non ??? En attendant, je n'ai pu poster qu'en prenant ainsi la tangente, vraiment désolée pour le désagrément !!! XD)

 


Capitolo: 1


 

C’est l’heure. L’heure d’un rendez-vous avec ce qui n’est plus. N’a jamais réellement été et ne sera désormais plus jamais. Tel un automate, je me dresse sur mon lit et sors de la pièce. Descendant l’escalier, mon regard glisse sans le voir sur le salon et, plus loin en enfilade, sur la cuisine, survolant sans s’arrêter ce qui fut un jour un appartement.  

 

Aujourd’hui, plus personne n’aurait la témérité de l’appeler ainsi. Plus personne n’aurait la folie suicidaire d’y rentrer de toute façon…  

 

Ce n’est plus une mais plusieurs couches de poussière qu’il faudrait retirer de toute urgence, des bouteilles vides ou pleines selon les cas trainent ici et là et une ou deux lampes ont grillé sans avoir été remplacées. Certains fauteuils ont été éventrés par quelques fusillades successives, leur mousse se répandant doucement sur le sol. Sur la table encore debout pour le moment s’alignent des paquets de cartouche et des armes, ainsi qu’une mallette qui déborde d’argent. Des boites en carton de pizzas à emporter demeurent abandonnées par endroits sur le sol, attendant qu’une ménagère consciencieuse vienne les ramasser et les jeter dans la poubelle. Une ménagère qui ne reviendra plus ici, dans ce qu’on ne peut même pas qualifier d’antre masculine, non c’est pire que ça…  

 

Et pour couronner le tout, l’endroit est glacial ! Lesdites fusillades ont également fait voler les vitres en éclats, elles aussi laissées en l’état. Pas de chauffage à l’horizon, quel intérêt de toute façon avec des vitres brisées ?  

 

Je vois tout cela et en même temps je ne le vois pas. Je suppose que mes yeux le voient, que mon cerveau l’enregistre inconsciemment, mais c’est tout. Je ne m’en rends plus compte. Et c’est peut-être mieux comme ça, car si je réalisais, la seule et unique chose que je réaliserais c’est que si notre ancien appartement, notre refuge et notre cocon rien qu’à nous, est dans un tel délabrement, c’est à cause de toi. Parce que tu n’es plus là. Ni pour lui…ni pour moi.  

 

 

 

De ce temps-là, je n'entends plus ma voix  

 

Une fois passé le porche, je me rends brusquement compte qu’il commence à pleuvoir. Quelle ironie, il pleut chaque année. Tous les ans, à la même date, à la même heure. Le temps est toujours à la pluie d’orage, jamais une seule fois il n’a fait beau en ce jour.  

 

Relevant le col de mon pardessus, je m’avance sous les gouttelettes qui augmentent rapidement en intensité, laissant la nuit m’envelopper. Derrière moi, j’entends quelqu'un hurler et m’appeler sans que je réponde.  

 

Si c’est un inconnu qui craint pour moi dans la tempête qui s’annonce, qu’il s’occupe de ses affaires ! Si c’est un de mes…de nos amis, je ne veux pas les voir, pas maintenant. C’est un pèlerinage que je fais seul, à trois cent soixante cinq jours et un quart d’intervalle à chaque fois. A la minute près. Je ne veux pas de compagnie. Ils le savent.  

 

Je ne me rappelle même pas de la dernière fois où je leur ai parlé de toute façon. Vraiment parlé. Eux oui. Ça pour parler ils me parlent ! Mais la dernière fois que j’ai répondu ?  

 

La seule personne à qui je voudrais parler n’est pas parmi eux. Alors pourquoi ouvrir la bouche, quand je sais que je n’entendrai pas ma voix ? Je ne l’entendrai pas, et personne ne l’entendra, car c’est au-delà de nous autres que ma voix cherche à atteindre. Aucun mot ne fera plus jamais entendre ma voix. Dès lors, pourquoi se fatiguer d’avantage encore, autant me taire.  

 

 

 

De ce temps-là, je ne guide plus mes pas  

 

Je continue d’avancer, gardant la tête obstinément baissée, sans me retourner ou ralentir mon rythme. Il me semble entendre un « Monsieur ! » puis plus rien.  

 

Que disais-je, un passant qui a peur du temps qui se déchaîne… Depuis plusieurs jours la chaleur montait, il fallait bien que la tension finisse par casser. Et ce soir tout explose, la Nature se fait violente pour rétablir l’équilibre. Voilà que la pluie se fait plus drue, plus insistante, plus glaciale aussi sur mon visage alors qu’elle coule le long de mon corps non protégé par un pardessus que je ne prends pas la peine de réellement fermer, et que le vent siffle à mes oreilles, me giflant à plusieurs reprises, se renforçant d’instant en instant.  

 

Je ne vois pas où je vais, mais peu importe. Je le sais. Mes pieds s’y rendent de leur volonté presqu’indépendante. Je pourrais avoir les yeux bandés, je saurais encore comment aller à ce rendez-vous là. Tous les autres jours de l’année ne font que mener vers cette journée, vers cette soirée-ci. Peut-être qu’au fond chaque pas que j’ai jamais fait dans ma vie m’a mené, nous a menés, toi et moi, jusqu’à cette soirée. Sans aucun contrôle, sans aucune conscience propre de notre destination, sans non plus que l’on en soit forcément toujours heureux. D’un pas devant l’autre, on a fini par en arriver là…  

 

Comme guide, aussi bien pour mes pieds que pour les tiens par procuration, on ne peut pas dire que j’ai été très doué… Je n’ai pas guidé mes pas, ce sont eux qui ont guidé ma vie.  

 

 

 

De ce temps-là, je sais que je vais mais ne marche pas  

 

Marcher… C’est un mot moins léger qu’il n’y paraît. Il implique normalement que l’on avance. Moi j’ai arrêté d’avancer il y a longtemps. J’ai même plutôt reculé, c’est avec toi que j’avançais, c’est toi qui me prenait la main pour m’obliger à tenter la chance : A s’aventurer à vouloir réellement vivre, au vrai sens du terme. A présent…  

 

Ce soir, je marche. J’avance, puisque je mets un pied devant l’autre. N’est-ce-pas ?  

 

En réalité je suis cloué sur place. Je n’ai jamais réussi à m’en remettre depuis et je ne le souhaite même pas. Je reste dans le présent, mon présent est simplement un brin différent de celui des autres. Pour le reste du monde, mon présent est terminé depuis des années, pour moi il est toujours actuel. Il est toujours là, autour de moi, dans le moindre souvenir qui éclot au détour d’une rue, dans ce manque en moi qui me ronge jour après jour…  

 

Pour eux, mon présent n’existe plus, moi c’est le temps et l’espace où je vis. Le seul où j’existe encore. J’ai cessé de m’inscrire dans la durée, de penser à demain, de parler au futur. Je survis dans le monde qu’ils appellent présent, simplement pour pouvoir rester encore dans le vrai présent, le seul et l’unique.  

 

Mon présent.  

 

 

 

Sans aucun repos, j'avance puisqu'il le faut  

 

S’occuper. C’est devenu une obsession, une recherche quasi vitale. Faire quelque chose.  

 

Je me suis éteint au fil du temps, je n’ai même plus la rage vengeresse qui m’habitait au début. Je suis juste vide et froid. Auparavant, mes yeux pouvaient être durs mais ils étaient également capables de transmettre réconfort et chaleur. Aujourd’hui, je sais qu’on ne lit plus rien dans mon regard. Même plus de la haine, ou un appel au secours, ou un homme qui sombre. Juste…plus rien. Seules les fonctions biologiques et les réflexes ancestraux fonctionnent encore chez moi.  

 

Je sauve ma peau régulièrement, j’utilise mes capacités pour obtenir l’argent dont j’ai besoin comme minimum vital et je ne crois pas avoir croisé une personne appartenant à la société classique depuis un bon moment. « City Hunter » c’est le reste du groupe qui s’en occupe. A ce qu’ils m’ont dit en tout cas, il me semble…  

 

Tu ne voudrais pas que j’abrège ma vie, alors je fais ce qu’il faut pour rester en vie sans que personne ne puisse me dire que j’ai cherché la mort. D’abord, je voulais du temps pour me défouler, pour leur rendre au centuple tout ce qu’ils m’ont donné en te prenant à moi. Je ne voulais même plus décaper la ville, s’il y avait eu un barrage à ouvrir je crois que j’aurais lâché les eaux, peu importe qui aurait été pris dans les flots avec eux…  

 

Mais cette tempête-là est morte, elle s’est détruite elle-même. Et il n’en reste que le néant qu’elle a laissé derrière elle.  

 

 

 

De là-haut  

Peux-tu me dire si les mots sont plus beaux ?  

 

Où es-tu à présent ? Au-dessus de moi ? Dans cette Idée en laquelle je n’ai jamais cru ? Y a-t-il encore une conscience de soi-même lorsque l’on est au Ciel, au Paradis ou où que ce soit d’autre ? Après la…mort ?  

 

Se souvient-on encore de sa vie passée ? Ou bien est-ce que l’on oublie tout pour ne pas être la proie des regrets et de l’attente des êtres chers ? Aurai-je le droit de te revoir ? Après ton départ, ma descente aux Enfers fut spectaculaire. Peut-être ai-je perdu ce droit…  

 

Mais si tu peux, dis-le moi, crie-le dans ces éléments, atteins mon âme-même : Là haut, des mots doux glissent-ils dans ton oreille ? Sont-ils ces mêmes mots que je ne t’ai jamais dit, ces mots que tu as toujours rêvé d’entendre venant de moi, ces mots d’amour éternel ? Tous les mots, toutes les phrases et toutes les promesses qu’une romantique telle que toi pouvait désirer, te les dit-on maintenant ? Coulent-il ainsi simplement dans le creux de ton oreille ou bien est-ce une personne qui te les souffle ?  

 

Et cet homme… Cet homme… A-t-il mon visage ?  

 

Dis-le moi Kaori, je t’en prie, dis-moi si quelqu'un là-haut répare tout ce que je n’ai pas fait ou pas dit, dis-moi que là-haut, enfin, je suis l’homme dont tu rêvais, un homme qui sait te parler d’amour alors que je n’ai jamais su. Je n’en ai jamais eu le courage.  

 

 

 

Peux-tu me dire si l'air est aussi chaud ?  

 

J’aurais voulu te laisser me connaître réellement, que tu rentres enfin totalement dans ma vie au lieu de rester sur le palier de la maison. Kaori, si seulement tu savais à quel point j’aurais voulu pouvoir te prendre dans mes bras et te serrer tout contre moi, t’entourer de mon amour pour toi, t’envelopper de cette chaleur humaine que nous désirons tous au fond…  

 

Je sais combien tu mourrais d’envie de connaître cet abri qui pour toi aurait pu être indestructible, je sais combien tu souhaitais t’abandonner dans ce confort que j’aurais du t’offrir et je sais aussi que c’est l’unique qui aurait pu te réchauffer réellement. Tu étais si chaleureuse Kaori, tu avais tant à donner et une telle générosité… Tu dégageais la bonté de tout ton être. Et pourtant, quelque chose a toujours manqué à ce tableau idyllique…  

 

Chacun le savait mais à part moi personne ne voyait à quel point.  

 

Si n’importe quel quidam t’avait regardée, il n’aurait vu que l’ange, que la femme qui aime donner de soi aux autres, si attentionnée et si humaine… Tes amis savaient que tu brûlais parmi tes plus belles années à attendre un geste du salaud que tu aimais. Et moi…  

 

Moi, lorsque je te regardais, je ne voyais plus, d’avantage chaque jour, qu’une flamme en train de s’éteindre. Le feu qui a toujours couvé dans tes yeux se faisait de moins en moins prononcé, cette petite étincelle que j’aimais tant n’apparaissant plus qu’en de rares occasions… Tu perdais de cette vie ardente qui était si tienne auparavant et j’avais conscience d’être le seul à pouvoir te la rendre, cette chaleur.  

 

Kaori, je veux croire que, là-haut, tu l’as finalement retrouvée.  

 

 

 

Est-ce que tu le sens?  

Est-ce que tu m'entends ?  

 

J’espère que tu peux m’entendre, mon amour. Je souhaite de toute mon âme que mes mots t’atteignent, même s’il est tellement trop tard pour nous deux…  

 

J’aimerais qu’au-moins tu saches, même si le temps s’est écoulé, même si le notre nous a filé entre les doigts aussi vite que l’eau d’une source vive et jaillissante qu’on ne sait ni canaliser ni retenir dans ses mains, même si tu n’es plus auprès de moi pour me répondre que tu m’aimes aussi. J’ai besoin de me dire que je t’ai dit tout cela une fois, une seule fois dans ma vie, mais au-moins une fois…  

 

C’est vital, il faut que tu m’entendes, il faut que je me dise que quelque part dans l’Univers, quelque part dans cette immensité tu demeures encore, m’aimant suffisamment pour comprendre. Pour avoir gardé notre connexion, plus loin que tout le reste. Pour entendre mes mots et sentir tout l’amour que je t’envoie en pensées, même s’il est trop tard pour espérer en l’avenir…  

 

Je voudrais que tu sentes tous les sentiments qui m’animent aujourd’hui pour que tu réalises que tout était réel, je voudrais que tu voies ce que je suis devenu par ton absence pour que tu comprennes à quel point je t’aimais et t’aime encore, je voudrais que tu m’entendes hurler à la mort pour toi, pour ta présence, pour te convaincre que je n’ai rien oublié.  

 

Toi qui te croyais sans importance pour moi, tu as marqué ma vie d’une manière que je n’aurais pas crue même possible. Tu l’as si bien marquée que ma vie a cessé de mériter un tel nom à l’instant où tu en es sortie...  

 

Je ne sais pas si tu m’entends alors je crie dans l’absolu d’un néant qui nous dépasse, au cas hasardeux où tu serais restée proche de moi. Si tu en avais l’occasion et le pouvoir, me répondrais-tu ? Ou bien t’ai-je définitivement beaucoup trop blessée pour cela ? C’est une autre de ces questions qui tourbillonnent dans ma tête en cette soirée fatidique…  

 

Bon sang, s’il-vous-plaît, qui que ce soit aux commandes, je vous en prie :  

Laissez-la m’entendre, il faut qu’elle sache, et que je sache…que je sache qu’elle non plus n’a rien oublié.  

 

 

 

Désormais, s'il fait un peu plus frais  

Ce n'est pas que le temps soit mauvais  

 

Tournant à droite dans une ruelle étroite, je sens la force de l’air qui y circule avec rapidité, venant s’écraser sur l’obstacle que je représente. Refusant de ralentir, gardant toujours le même pas posé mais déterminé, je m’engage résolument dans le fin passage entre ces deux pans de mur si serrés...  

 

Leur proximité devrait sans doute m’être désagréable, ils donnent un certain sentiment d’oppression, comme s’ils me coinçaient entre eux. Pourtant, et ce même si le professionnel en moi avertit du danger d’être ainsi bloqué dans une galerie encaissée, l’homme que je reste au fond apprécierait presque la situation…  

 

Cette impression d’étouffement, cela fait des mois et des mois que je la ressens. Des années que je vis avec. Ce soir au-moins, je puis me dire que ce n’est pas uniquement dans ma tête, je puis montrer du doigt la raison coupable de ce malaise qui m’étreint, je puis, le temps d’un instant, me dire que ce n’est pas à cause de toi que je respire si mal…  

 

Je ne peux malgré tout empêcher un frisson de me parcourir, sentant tout le long de mon dos le léger tremblement que je n’ai pu retenir. Il fait froid dans cette ruelle, vraiment très froid, ou en tout cas je le suppose à voir la réaction de mon corps. J’y suis pourtant habitué, l’appartement non plus n’est plus très chaud ces derniers temps. Mais le vent est vif et puissant, tourbillonnant autour de moi qui dégouline toujours d’eau de pluie, de la tête aux pieds… Je sais que l’eau commence à transpercer mon éternel T-shirt sous un pardessus que je n’ai toujours pas fermé. Je n’ai aucune intention de le fermer.  

 

Et pourtant, même ainsi, je n’ai pas froid à cause du temps. Tout ces éléments qui se déchaînent et se conjuguent n’arrachent un frisson qu’à mes membres. Si j’ai froid, ce n’est pas pour le temps et mon âme est bien plus glacée que ce que la pluie ou le vent pourraient jamais accomplir…  

 

 

 

Mais il est vrai que je me perds dans ce monde imparfait  

 

Bon Dieu, que quelqu'un m’explique comment le monde peut-il encore tourner, en une ronde qui nous semble infini !!! Car dans ce monde justement chacun continue d’évoluer autour de moi, apparemment inconscient ou indifférent à ce qui a bien pu s’y passer… Dans ce monde où tu n’es plus.  

 

Les gens me frôlent souvent, me bousculent quelquefois, et ne s’excusent jamais. Parfois un léger signe de tête mais c’est tout. Personne ne s’enquiert de mon état, personne ne me demande comment je vais ou quelle est la raison de la grimace de souffrance qui semble avoir pris mes traits pour résidence…  

 

Douleur qui n’a rien à voir avec ces hommes et ces femmes qui ne regardent rien ni personne autour d’eux, mais comment pourrais-je jamais le dire ? A qui l’exprimer de toute façon ?  

 

Je ne reconnais plus rien qui ne soit marqué de ta griffe, qu’il s’agisse d’un lieu, d’un visage ou d’une action… Je ne regarde réellement autour de moi que là où nous étions ensembles, je ne reconnais assez pour les écouter que les visages que tu connaissais aussi, j’agis en autopilote dès lors qu’il s’agit de quelque chose que tu aurais désapprouvé…  

 

Désespérément isolé et profondément seul, je me sais perdu dans ce labyrinthe de ruelles, où les corps s’enchaînent les uns après les autres et il n’y en a pas un seul dans ce défilé qui parvienne à m’atteindre pour me montrer la sortie. C’est comme tomber dans un puits sans fonds, alors même que vous êtes déjà trop profond pour voir la lumière, tout là-haut, même s’il vous prenait l’idée de lever la tête…  

 

Je ne la lèverai pas. Même pas.  

 

Pourquoi ? Avec toi le monde avait finalement pris quelques couleurs, une fois partie tu n’as laissé qu’un vide béant derrière toi sur cette terre que tu voyais si belle, un gouffre de silence et d’absence dans lequel je m’enfonce chaque jour d’avantage. Après tout, si le monde est imparfait de ton départ, le seul endroit où je peux encore, peut-être, ressentir ta présence est celui que tu as quitté. Justement parce que si tu n’y es plus, c’est que tu y as été un jour. Et ces endroits sont comme moi, ils ont mal de toi et de ce sentiment d’être arrivé chez-soi, où que ce soit, lorsque tu étais près de moi.  

 

Au fond, je me perds dans le reste du monde pour mieux me retrouver dans ces zones de pénombre-là… Il faudra que j’attende le sombre fond du puits pour retrouver la lumière. Ma lumière.  

 

 

 

Ni meilleur, ni plus laid  

Mais juste un pâle reflet  

 

Et pourtant, dans ce monde contre lequel je me déchaine peu de choses ont changé. Tu n’es plus là, mais qu’est-ce que cela a bien pu modifier pour le niveau de criminalité par exemple ?  

 

Certes, la statistique du quartier de Shinjuku a du descendre de façon abyssale il y a quelques années… Pour remonter lorsque je me suis lassé. Lorsque j’ai découvert que ça ne servait à rien, ils sont comme l’hydre mythologique, on ôte trois mauvaises herbes pour que le lendemain sept troncs entiers aient poussé dans notre dos… Lorsque j’ai compris que même si j’avais pu déraciner la moindre mauvaise pousse, ça ne t’aurait toujours pas ramenée auprès de moi. Alors à quoi bon ?  

 

Au final, le monde en lui-même n’est ni mieux ni pire que ce qu’il était. Que ce qu’il a jamais été d’ailleurs, même avant toi. Non, c’est juste moi qui ait connu autre chose. Et comme si nous n’étions que des photos jaunies et cornées ou un vieux film rayé relégué au fin fond d’une armoire, à moitié dissimulé sous les vêtements trop petits à donner, nous ne sommes que l’image d’un autre temps.  

 

Les autres aussi, qui essayent de faire croire qu’ils vont bien. Si j’avais l’énergie humaine de m’en inquiéter, je pourrais dire que ce n’est qu’un mensonge. Bien sûr qu’ils ne vont pas bien. On est censés apprendre à surmonter et à vivre à nouveau, mais toi tu étais si exceptionnelle que les règles habituelles ne s’adaptent pas. Seulement eux, ils ont encore la volonté de faire semblant d’être du bon côté de la caméra. Moi je n’en ai même plus l’envie, je sais bien à quel moment de ma vie correspond l’original. Le Ryô que je suis aujourd’hui, si cet homme-là mérite encore de porter ce prénom, n’en est plus que le négatif en noir et blanc…  

 

 

 

De là-haut  

Peux-tu me dire si les mots sont plus beaux ?  

 

Après tout, les mots du Ryô qui est sans doute à tes côtés aujourd’hui, la version positive de Ryô Saeba lorsque je n’en avais que la partie sombre de l’âme, ses mots à lui sauront te le dire. Sauront te dire combien je t’ai aimée, à quel point tu me manques aujourd’hui et l’intense ridicule de cette situation sans aucun sens : Tout le monde le savait, à part toi et peut-être bien moi-même au fond.  

 

Car si je ne t’ai jamais rien avoué ou si peu, je n’ai pas été plus courageux face à moi-même. J’ai mis si longtemps à accepter l’idée de t’aimer qu’il ne me restait plus de temps pour réaliser l’ampleur de mes sentiments avant que l’on ne t’arrache à ma vie. Ou plutôt, pas assez de temps pour y faire face devant la peur panique qui s’emparait de moi dès lors que j’entrevoyais leur ampleur… Aussitôt que je sentais qu’au fond, quoi que je puisse en dire, j’avais définitivement perdu le contrôle. J’avais trouvé mon maître : Des sentiments que je ne pouvais pas faire taire et qui parfois prenaient le pas sur le professionnel dans mes réactions.  

 

Tu n’as pas idée de combien cette simple constatation me terrifiait, je ne savais pas comment gérer cette toute nouvelle situation. Alors ce Ryô-là, cet homme concocté tout spécialement pour toi, lui aura les mots. Il aura les mots que je n’ai jamais su, voulu ou pu te dire, certes, mais surtout il aura la manière.  

 

Pour moi, même si tu m’étais rendue aujourd’hui, j’ignore toujours les mots de l’amour. Je n’ai toujours pas appris à parler de romance à une femme, à lui donner les mots d’un amour charnel mais qui sait échapper au vulgaire, à lui offrir cette tendresse qu’elles attendent toutes d’un homme envers elles, à être un amoureux et non plus un simple amant. Je n’ai toujours pas appris à laisser quelqu'un pousser la porte de mon propre jardin secret, lors même que je pénètre…ou pénétrais…si aisément ceux des autres.  

 

C’est pour ça que… Les choses sont peut-être mieux ainsi. J’ai toujours pensé que tu exagérais mes qualités, choisissant sciemment d’oublier mes pires défauts. Evitement psychologique confortable, qui posait le problème d’être amoureuse de quelqu’un qui n’existait peut-être que dans ton esprit…  

 

Aujourd’hui, je sais que tu es auprès de l’homme dont tu étais réellement amoureuse. De moi, mais de moi tel que tu me voyais et m’aimais, de moi tel que tu désirais tant que je sois ou devienne… L’éternité en compagnie de cet homme-là était dès lors sans doute le plus cadeau à te faire.  

 

 

 

Peux-tu me dire si l'air est aussi chaud ?  

 

Penseras-tu encore à moi dans cette éternité de plénitude, au vrai moi, à ce Ryô imparfait mais qui t’aimait malgré tout, à cet homme qui avait le courage des champs de bataille mais tremblait devant la chaleur d’une femme amoureuse de lui ?  

 

Il n’était pas sans défauts, il ne t’a sans doute jamais rendue totalement heureuse, voire parfois même profondément malheureuse, il t’a fait douter de toi sur tous les plans, il est celui qui a entraîné ton frère sur le chemin qui l’a mené à la mort et a ensuite réitéré cette folie avec toi, il est celui qui te tenait constamment à distance tout en te laissant picorer juste assez dans son assiette pour que tu ne dépérisses pas, sans toutefois calmer ta faim dévorante, il est celui qui t’a ôté la chance d’avoir une vie normale sans t’offrir en retour ce qui te revenait de droit :  

Une vie peut-être pas normale, mais au-moins complète. Vécue et menée de la façon dont tu le voulais, sans que quoi ce soit te soit imposé par un autre qui croyait, oh ! l’imbécile malheureux qu’il était, qui croyait savoir mieux que toi ce que tu voulais. Ce à quoi tu avais titre.  

 

Ce Ryô-là n’a jamais été capable de faire totalement un choix, et tu ne l’as jamais fait non plus. Nous nous sommes retrouvés dans un no man’s land qu’aucun de nous deux ne connaissait et où aucun de nous deux ne savait traverser sans rien déclencher sous nos pieds hésitants… Oui, ce Ryô-là était tout cela, il avait tout ces défauts et bien plus encore je suppose. Mais peut-être que j’avais tort, peut-être que c’était bien moi que tu aimais, si tu pouvais supporter de rester avec quelqu'un comme cet homme-là…  

 

L’homme qu’un quelconque Dieu pourrait te façonner serait sans doute parfait. Sans remarque acerbe sortant de sa bouche à tout bout de champs, sans méfiance rendue inhérente à son être-même par des années de trahison, sans cette peur d’aimer tenaillée au ventre…  

 

Mais alors, sera-t-il encore moi ? Et…l’aimeras-tu encore ? Et lorsqu’il t’enlacera, son étreinte t’apportera-t-elle la même chaleur et le même réconfort que lorsque je te serrais dans mes bras en un moment si rare d’intimité, que lorsque j’étais là pour te soutenir et t’aimer vraiment ? Retrouveras-tu en lui ces quelques fois où je ranimais la flamme qui n’était plus qu’incandescence dans tes yeux ?  

 

Ou bien sera-t-il trop lisse pour être un homme ? Trop plein de qualités pour ne pas s’en sentir terriblement éloigné, comme je pouvais le ressentir avec toi ? Et surtout… Trop parfait pour s’y attacher ? Aimer quelqu'un, c’est sans doute aimer ses qualités, mais n’est-ce pas surtout aimer ses imperfections, qui font de nous ce que nous sommes ? Et n’est-ce pas justement nos imperfections qui nous rendent parfaits d’humanité vraie ?  

 

Un Ryô parfait, rien que pour toi… C’est un homme qui aurait un goût de fausseté autour de sa personne, comme si l’on t’avait trompée sur la marchandise en quelque sorte… Ce ne serait plus Ryô justement, ce ne serait plus l’homme dont tu étais tombée amoureuse. Ce ne serait plus la même chaleur dans ses embrassades… Pardon Kaori, pardon d’avoir eu l’indécence de penser que ta mort ait pu être la meilleure chose qui aurait pu t’arriver…  

 

Pardon pour tout mon amour…  

 

 

 

Est-ce que tu le sens?  

 

Si seulement je savais… Si seulement je pouvais être sûr que tu existes encore. Que ton esprit perdure, qu’il demeure quelque chose de toi qui puisse encore ressentir des sentiments humains, qui puisse encore réaliser que je t’appelle, qui puisse encore…pardonner à ce qui reste de ton bourreau.  

 

Mais à qui en faire la prière ? A quel Dieu adresser ma supplique, à quelle entité sur cette Terre ou au-delà hurler ma complainte ? Aux genoux duquel de ces noms aller me précipiter ?  

 

Je ne suis pas un homme de foi, pour moi tous ces noms ne sont que cela : Des noms. Des agencements de lettres qui font continuer d’avancer de par l’espoir qu’ils transmettent, et plus encore de par la promesse d’une meilleure fin qui n’arrivera peut-être jamais. De par le serment de ne pas redevenir poussière lorsque la vie nous quitte. L’illusion fantasque de rester en vie après la vie qui pousse les plus extrêmes jusqu’à donner la leur, leur vie terrestre, persuadés qu’ils sont qu’ils en obtiendront une autre !!!  

 

Comme si la vie n’était qu’un objet bien banal, qu’il est si aisé de délaisser, qu’il suffit de jeter une fois que l’on s’est lassé… Oh Kaori… C’est grâce à toi que j’ai compris. Grâce à toi que j’ai perçu pour la première fois combien la vie est belle, est magnifique et sublime, combien c’est un joyau, une perle rare, une… Une chance qui ne nous arrivera qu’une seule fois.  

 

Tu disais que se lever chaque matin pour un nouveau jour était come ouvrir une huitre et trouver une perle noire, la plus ciselée, la plus précieuse et la plus délicate des perles noires. Que lorsque l’on allait se coucher le soir l’on n’était jamais certain que l’on trouverait de nouveau une autre perle le lendemain, que peut-être cette fois l’huitre serait vide…et qu’il fallait donc vivre, vivre chaque jour au maximum de toutes les possibilités qu’il offrait. Saisir toutes les opportunités, accepter de ressentir tous les sentiments qui pourraient éclore en nous et les laisser se développer pour en tâter toute la saveur…  

 

S’ouvrir au monde qui nous entoure sans craindre de s’y brûler et, même mieux, accepter de s’y brûler et d’en apprendre.  

 

Pour moi, je croyais avoir été déjà trop brûlé auparavant pour accomplir un tel exploit, mais jamais mon attitude n’est parvenue à te décourager. Et tu t’es accrochée à moi, tu es demeurée à mes côtés malgré tout ce que je pouvais faire ou dire, tu es restée dans ma vie… Pour tout le bien que ça t’a apporté…  

 

Alors à présent, à présent que la vie ne coule plus dans tes veines, est-ce que vraiment ils ont raison ? Tous ceux que je traitais de fanatiques aveuglés par un espoir imbécile et menés par une folie pourraient-ils avoir raison ?  

 

Je me surprends à le souhaiter, à le vouloir du plus profond de mon cœur et à le réclamer avec chaque fibre de mon être, avec tout ce que j’ai : Que quelque chose de toi existe encore.  

 

Parce que c’est l’unique moyen pour que tu me perçoives, même si moi je ne le peux plus.  

 

 

 

Est-ce que tu entends tous mes mots ?  

 

Que la Mort soit satisfaite de son œuvre, elle a permis de finalement courbé la tête du fier qui s’humilie jusqu’à la supplique. Car je supplie tous ceux en qui je n’ai jamais cru et ne crois peut-être toujours pas sans avoir d’autre choix que de faire comme si. Que ma prière monte jusqu’à ces Hestia, Aphrodite et Isis, Hathor et Freyja, que ces femmes qui gouvernaient ta vie réussissent ce qu’elles n’ont pas réussi pendant nos vies sur cette terre : Vaincre la domination de ceux qui régnaient sur la mienne depuis tous temps, les Arès, Thor, Tyr et Seth, Odin et Ishtar, et probablement tant d’autres encore…  

 

La bataille entre toi et moi fut abandonnée avant d’avoir pu voir son dénouement, puisque l’un des adversaires manquait à l’appel, alors que tu avais déjà presque partie gagnée. Mais ces Dieux au-dessus de nous n’ont pas du vouloir l’accepter, et tout comme les Grecs avaient fait perdre Troie ou les Egyptiens avaient sauvé un Ramsès à l’armée en déroute, ils ne t’ont pas laissé assez de temps pour achever ton œuvre…  

 

Finalement, j’avais raison depuis le début : Je ne méritais pas cette rédemption si totale que tu m’offrais et en l’obtenant presque nous avons provoqué le courroux d’inconnus hors du temps. C’est toi qui en a fait les frais, parce que c’est moi que l’ont voulait faire souffrir.  

 

Oh, les Dieux de la guerre et de la violence n’ont pas manqué leur cible, qu’ils se rassurent ! Mais j’en supplie encore une fois tout ce qu’il y a de suppliable et d’avantage, laissez-la m’entendre ! Laissez chacun de mes mots lui parvenir, un à un s’il le faut, mais laissez-la comprendre !  

 

Elle, elle était pure. Elle n’avait rien fait qui méritât votre mortelle fureur, sa seule faute a été de tenter de me sauver. Ne la faites pas payer les fautes d’un autre en même temps que le condamné à l’enfer et permettez-lui de savoir. De savoir que son vœu le plus cher était et est réalité. Dites-lui comment je la voyais en vérité toutes ces années durant, dites-lui…  

 

Dites-lui qu’elle est aimée. Qu’elle est aimée, par tous les dieux de l’Univers et du temps, qu’elle est aimée !!!  

 

O Maât, déesse Egyptienne de l’ordre et de l’équilibre dans le monde, s’il y a en toi une once de pitié pour nous autres pauvres mortels, répare le déséquilibre. Et que par-dessus la victoire de la guerre, de la violence et de la mort, par-dessus et au-delà, que tout ce qu’était cette femme n’ait péri que pour mieux rejaillir et renaître sous une autre forme, pour mieux vaincre au bout de tout !  

 

Et qu’alors elle trouve sa propre fin, sa propre vie après la vie et qu’elle entende. Qu’elle entende ce seul cri qui passe silencieusement mes lèvres, ce cri unique de « Je t’aime !!! »  

 

 

 

Peux-tu me dire si leur sens est plus beau ?  

 

Suis-je devenu fou ?  

 

La question est légitime. Moi, Ryô Saeba, le nettoyeur si redouté, l’homme qui a grandi en se jouant des balles et du Destin, l’homme qui a passé sa vie à se protéger des autres et à tuer son prochain, voilà que cet homme aujourd’hui en est parvenu au point de supplier des mots pour qu’une morte en entende d’autre qu’ils ne prononce pas ! Quelle ineptie…  

 

Sans doute ai-je finalement perdu de vue le mince fil qui maintenant ma sainteté d’esprit, car même lorsqu’Hideyuki est mort je réservais sa tombe pour de telles idioties. A présent, je cherche à parler à Kaori à chaque instant qui passe…  

 

Et même si, après tout qu’est-ce que cela apportera ? Même si mes mots l’atteignent, que ce soit à cause d’une personnification ou d’eux-mêmes… Au point où nous sommes, pourquoi la brise ne les prendrait-elle pas sous sa protection ? Cela paraîtrait encore moins incongru que tout le reste à mes yeux… Mais disons qu’elle les entende. Supposons même qu’elle puisse encore les comprendre, quel bien cela ferait-il ? A qui ?  

 

Tout ce qu’elle en tirerait ne serait probablement que d’amers regrets que nous ayons été assez… Assez… Il n’y a rien d’assez fort pour décrire cela, mais en tout cas que des regrets pour ce que nous avons manqué de notre plein gré. Non, de mon plein gré. Elle s’est battue contre.  

 

On dit que les regrets sont aussi éternels que les diamants, je pourrais ajouter qu’ils sont aussi durs qu’eux. Les diamants, le plus dur minéral naturel…  

 

Ils ont des faces polies sur lesquelles la pensée glisse et patine sans rien trouver où s’accrocher et se retenir pour ne pas sombrer, ils ont des arêtes aiguisées par nos souvenirs et tranchantes de nos sentiments incontrôlées pour que notre cœur vienne s’y blesser, ils ont des pointes pour nous piquer là où nous sommes le plus sensibles et ils sont transparents pour que nous ne puissions jamais les contrer : Trop translucides pour que nous puissions les voir ou agir matériellement contre une abstraction.  

 

Le premier à comparer les regrets aux diamants fut un génie, ma propre expérience m’ayant appris combien elle est juste. Le diamant, en Grec Ancien, vient d’un mot qui signifie indomptable. Inflexible et inébranlable. Il ne pourrait décidément y avoir parallèle plus parfait pour les regrets des hommes, qu’ils ne pourront jamais dompter, ne pouvant jamais plus désormais agir sur un événement du passé. Tout est terminé à l’instant même où la seconde suivante s’est écoulée et l’on n’y peut plus rien.  

 

Alors dis-moi Kaori, est-ce que des mots dits dans ces conditions peuvent vraiment être plus beaux que ceux que j’aurais du prononcer de ton vivant ? Peuvent-ils même être aussi beaux qu’eux ? Comment des mots extirpés par des diamants impitoyables de la seule source de chaleur qui se perpétue en moi peuvent-ils avoir la même valeur que des mots volontairement donnés, offerts au bon moment, emballés dans un joli papier cadeau pour t’en faire la surprise dans des conditions que j’aurais sciemment amenées ?  

 

Je veux que tu entendes mes mots parce que je ne suis qu’un pauvre hère désespéré qui n’a plus rien à quoi se raccrocher et qui cherche tragiquement à se retenir à cette dernière espérance, mais c’est pitoyable. C’est pitoyable parce que cela n’a plus aucune valeur. Je n’ai que douleur en moi et je veux m’échapper, je veux l’atténuer en réparant mes torts envers toi, mais c’est trop tard. Trop tard…  

 

Et même si tu m’entendais, la seule réaction qu’il serait raisonnable que tu ais serait le mépris. C’est tout ce que je mérite ce soir, ton mépris. Ton mépris pour vouloir fuir un enfer que je me suis moi-même préparé en espérant que tu sois encore dans les environs, pour souffrir la pire des souffrances, je le sais à présent : Savoir que l’on a manqué durant sa vie ce que l’on aurait pu avoir.  

 

Je veux que tu le saches parce qu’il me faut une porte de sortie de cette horreur à tous prix, pas pour toi.  

 

Sinon je ne serais pas possédé par ce désir si âpre de te l’apprendre…  

 

 

 

Peux-tu me dire si leur souffle est plus chaud ?  

 

Décidément, je n’ai pas changé. Après toutes ces années, je n’ai toujours rien appris. Je suis resté le même animal égoïste, se battant chaque jour pour sa survie. Finalement j’avais tort, tu n’as pas gagné un pouce de terrain, ou alors tout a été reconquis depuis ton départ. Car comment justifier sinon que je veuille t’attirer dans les cendres de mon monde, où tout ce qu’il reste à voir à l’horizon n’est que désolation ? Plus d’avenir dans le temps qui passe, plus de promesses dans le matin qui se lève à l’infini, plus d’espoir dans le chant de tes sourires à jamais perdus…  

 

Je veux te retrouver à toute force, même si pour cela je dois t’entraîner avec moi dans cette chute que moi-même je n’imaginais pas si profonde et inaccessible à tous. Si mes mots, mon amour ou moi-même parvenont à te toucher, nous ne parviendrons qu’à… Qu’à te glacer. Je n’ai plus de chaleur à offrir, si j’en ai jamais eue. Tu aimais tant à me répéter qu’il y avait bien plus d’humanité en moi que ce que je voulais bien avouer, bien plus de lumière et bien plus de réconfort que je ne distribuais que rarement, qu’avec nos clientes et nos amis. Pour tous les autres, je n’ai jamais représenté que la mort. Ce n’est pas pour rien que l’on m’a toujours ou presque appelé « l’Ange de la Mort »…  

 

Comment croyais-tu donc que j’ai obtenu un tel surnom dans le Milieu ? Mais tu n’as jamais voulu le savoir. Tu t’en fichais, disais-tu. Tout ce qui comptait à tes yeux était que j’accepte de reconnaître qu’il y avait aussi en moi cette source de chaleur et que, de temps à autre, je souffle dessus pour la faire danser dans mon cœur et m’enflammer… Tout comme ta propre chaleur le faisait.  

 

Mais aujourd’hui, tout ce qui reste de cette chaleur ne tient plus que par mon amour pour toi, que je croyais toujours intact. Il faut croire que mon égoïsme forcené en malmène le pouvoir, puisqu’aujourd’hui, si j’en avais l’occasion, je te ferais de nouveau souffrir par ma faute. Par mes mots. Quelle ironie, je t’ai blessée à force de me taire de si longues années durant et aujourd’hui je te blesserais encore si je pouvais les dire !  

 

De toute façon les exprimer serait vain à présent, même si tu me pardonnais tout le reste. Je n’ai plus rien à offrir, je ne suis plus que l’Ange de la Mort, j’ai perdu de nouveau tout repère en te perdant et le souffle de mes mots ne pourra jamais plus que glacer ta peau ou venir mourir contre la chaleur de tes lèvres… Auparavant je pouvais te les déposer en une délicate caresse au creux de ton oreille alors que je te retenais bien à l’abri dans mes bras, aujourd’hui je n’ai plus d’asile à te promettre. Le feu contre la glace…  

 

Les deux peuvent brûler, de différentes manières. Les deux peuvent à la fois être positifs et négatifs.  

 

Le feu… Il réchauffe les mains gelées que l’on approche de l’âtre, il fait cuire de croustillants marrons au coin de la cheminée les rudes nuits d’hiver, il flamboie et crépite pour réchauffer les cœurs tremblants quand les loups hurlent en symphonie avec la tourmente dans les montagnes…  

 

Mais le feu, c’est aussi la peur. Les animaux le craignent et le fuient, aveuglés par sa trop grande clarté. Je n’ai pas été différent.  

 

La glace… Ne sont-ils pas magnifiques, ces pics de glace qui descendent du plafond, ces stalactites ? Ne sont-ils pas sublimes de calme puissance ces icebergs qui dérivent à l’infini, jusqu’à rencontrer un de ces fiers paquebots de ces non-moins fiers hommes, qui ont eu la défiance de s’y frotter ? Au risque de s’y brûler… Et qu’y a-t-il qui surpasse la beauté figée d’un lac gelé en haute montagne ?  

 

Oui, belle glace, glace tentatrice et séductrice, qui vous attire pour mieux vous endormir. Glace sur laquelle on peut glisser, se couper, ...ou se tuer.  

 

Le Feu et la Glace… Une si belle image, n’est-ce pas ? Tout à fait notre histoire. L’Ange de la Mort et l’Ange de la Vie, la chaude lumière contre le néant sombre et glacial, le Ciel et l’Enfer réunis et unis sur cette Terre, pour le meilleur et pour le pire… Sauf que nous n’avons connu que le pire.  

 

Je n’ai jamais permis que nous connaissions le meilleur. Qu’est-ce que cela fait de moi sinon un homme pire que tes assassins ? Ils t’ont pris ta vie, mais je l’ai prise de bien pire manière. Je t’ai aliénée à moi sans jamais te rendre ce qui t’était du. En un sens, je ne vaux pas mieux qu’eux, pas mieux que ces ordures que j’ai passé une bonne partie de ma vie à traquer. Et ce que je suis devenu depuis ton départ prouve cela. Prouve que tu avais tort sur moi. Je suis désolé mon amour, mais encore une fois je ne suis pas à la hauteur des espérances que tu avais placées en moi…  

 

 

 

Et s'ils te réconfortent  

 

Kaori, je voudrais tellement aujourd’hui pouvoir encore te toucher, te serrer dans mes bras et te dire que tout ira bien. Te réconforter comme je sais que j’ai pu le faire quelquefois, du temps où tu étais encore là. Je ne m’y suis jamais correctement pris, mais j’ai essayé d’être là pour toi comme un ami sinon comme un amoureux. Et je sais que ma simple présence suffisait souvent à t’apaiser.  

 

Aujourd’hui ma déchirure doit être tout autant tienne si tu peux me voir et ressentir ce que je ressens. Je voudrais pouvoir faire semblant, je voudrais avoir la même force que nos amis et porter un masque jour après jour, et à chaque instant qui passe prétendre que tout va bien, qu’il ne me manque pas quelque chose, ou quelqu'un, de crucial dans ma vie pour que le monde aille bien. Je ne peux pas, Kaori, je ne peux pas… Je n’ai plus assez de forces pour une telle mascarade, je ne le peux plus.  

 

C’est d’une triste drôlerie, quand on y pense, moi qui ai joué la comédie d’un comique déluré pendant si longtemps pour le monde entier ne suis plus capable de continuer quelques années de plus pour la femme que j’ai aimée plus que tout au monde…  

 

Tu sais, de temps en temps, une idée folle me traverse la tête… Dans mes mauvais jours… Dans quelques unes de ces sales soirées où je suis seul dans un morceau de ce désastre d’appartement et perdu dans les méandres de mon propre cerveau, ou peut-être dans les vapeurs de l’alcool de la bouteille dans ma main… Dans un de ces moments où des souvenirs plus heureux passent tels des flashes de lumière devant mes yeux fatigués, aussi vite disparus qu’évoqués… Toutes ces fois, il me vient la pensée que, peut-être, tu en serais heureuse. Et si pas heureuse, du moins satisfaite.  

 

Je ne sais pas pleurer, ou je ne sais plus si j’ai su un jour. Mais si la source est trop tarie pour couler encore, son absence n’en rend la douleur que pire de n’avoir aucun lit de torrent en colère où s’échapper. C’est comme retenir à la source une rivière violente et sauvage qui ne peut plus laisser s’épanouir la force de sa rage. Imagine la puissance bridée que cela représente ! La pression à la source n’en est que d’autant plus grande qu’elle est contenue.  

 

Mais toi… Toi tu savais pleurer. Tu ne le savais que trop. Je me rappelle de chacune des fois où je t’ai trouvée, rentrant d’une de mes escapades nocturnes, allongée sur le canapé, les sillons de tes larmes marquant tes joues. Le rituel était toujours le même : Instantanément dégrisé, je m’approchais silencieusement et te considérais d’en-dessus. Tu me semblais toujours si fragile dans ces instants… Recroquevillée sur toi-même, échevelée et grelottante… Et pourtant j’y prenais un réconfort malsain de constater par mes yeux-mêmes combien tu pouvais t’inquiéter pour moi. Je continuais, encore et encore, pour tant d’autres raisons également, mais ce plaisir coupable de vérifier que ce soir-là encore tu serais là n’en était pas une des moindres.  

 

Tu t’es toujours tellement inquiétée pour moi…et je n’ai jamais vraiment rien fait pour calmer ces inquiétudes. Alors comment m’en vouloir si l’idée me vient que tu puisses prendre une revanche dans la vue que je t’offre aujourd’hui ? Que tu puisses y voir une compensation pour tout ce que je t’ai fait endurer, malgré ton amour pour moi ?  

 

Mais, bientôt, le moment passe, immanquablement, et je n’ai de nouveau devant les yeux que ton visage marqué par l’attente lorsque je rentrais…et je sais alors que jamais tu ne trouverais un quelconque plaisir, ou même la moindre rançon dans le témoignage si évident de la destruction d’un homme qui se croyait si solide…  

 

Non, il n’y avait que moi pour y trouver un plaisir…  

 

Si tu peux me voir, me contempler dans cet état n’aidera pas à ton repos éternel et je sais que ma plainte ne te sera d’aucun réconfort, d’aucune aide pour accepter la perte désormais inévitable, mais Kaori le spectacle s’est arrêté lorsque tu as quitté la scène. Et si le rideau n’est pas tombé sur moi, c’est tout comme. Il ne tardera plus de toute façon…  

 

 

 

Là où ils t'emportent  

 

Connaitra-t-on jamais les mêmes coulisses une fois le spectacle terminé ? Toi, tu ne peux qu’être au Paradis, qu’elle que soit la forme qu’il prend en réalité. Mais moi…  

 

Entre l’avant-toi et l’après-toi, je ne vois dans ma vie que le plus parfait réquisitoire pour une condamnation à l’Enfer. Bien des miles plus bas que toi, comme je l’ai toujours été…  

 

Et pourtant, à tout hasard, s’il y a quelqu'un qui m’écoute, j’ai l’impudence de faire une requête : Jugez ma vie, sanctionnez mes choix à loisir, mais accordez-moi sa présence une ultime fois. Parce qu’on ne sait jamais que la dernière fois sera la dernière, aussi cliché que cela paraisse. Parce qu’on ne sait jamais que l’on n’a plus le temps, denrée rare et que pourtant tous jettent par les fenêtres… Parce que l’on n’a jamais dit ou fait ce que l’on aurait du pour ceux que l’on aimait...pour ceux que l’on aime.  

 

Si j’osais, je dirais que j’ai déjà connu l’Enfer pendant ma vie, je ne serai donc guère dépaysé lorsque j’y débarquerai. Et si une étincelle d’espoir brillait encore en moi, une étincelle marginale échappée de ton feu d’artifice si communicatif, je demanderais le Purgatoire. Parce qu’il me semble que quelqu'un a dit que l’on nous donnerait dans une autre vie ce que nous n’avons pas reçu dans cette vie-ci et il me semble que ma vie n’a été que manque. Manque de parents, manque d’amour, manque de repères, … Manque de bonheur.  

 

Me punirez-vous de n’avoir jamais été heureux et d’en avoir souffert ? Me punirez-vous pour les mauvais choix qui en ont sans doute découlés ? Me punirez-vous de m’être, malgré tout et pour une raison obscure sinon par le même instinct de survie qu’ont tous les animaux, accroché à ce semblant de vie à tous prix ?  

 

Mais c’est faux… J’ai été heureux ou en tout cas je me suis approché du vrai bonheur. Avec celle que j’aimais, j’ai entraperçu ce qu’aurait pu devenir ma vie. Un fugace instant, j’ai entrevu le bonheur. Cette fois, je n’étais plus dans le manque, je n’avais plus qu’à tendre la main et à saisir ce qu’on m’offrait avec tant de bon vouloir…  

 

Je ne l’ai pas fait.  

 

Encore un mauvais choix, même alors que vous m’aviez enfin aplani quelque peu ma route… Voilà sans doute la faute de trop, voilà certainement la seule et unique vraie faute, celle qui me vaudra de ne pas te revoir. Celle qui me dirigera vers d’autres coulisses que les tiennes, vers d’autres demeures que ta nouvelle résidence.  

 

Kaori… Kaori, si seulement je…  

 

Mais non, il n’est plus qu’un vœu qu’il me soit permis de formuler, c’est que là où ils t’ont emportée…tu parviennes à trouver le moyen d’être enfin heureuse. Même sans moi, même si je représentais ton bonheur en ce temps-là, même si je ne viendrai pas…  

 

Peut-être même vaudrait-il mieux que tu m’oublies, comme je l’ai si souvent souhaité sans réellement y songer sur cette terre, peut-être serait-il mieux que tu t’abimes dans la contemplation de ce qui t’entoure aujourd’hui et que tu oublies ce qui t’entourait avant, il y a si longtemps…  

 

Que tu oublies, parce que je ne viendrai pas, Kaori. Je ne viendrai plus jamais ni te chercher ni te rejoindre.  

 

 

 

Je ne rêve qu'en noir et blanc  

 

La nuit est définitivement tombée à présent… J’aime cette manière de le dire, « définitivement »… J’aime que la nuit tombe, je remarque sans doute un peu moins la mienne propre dans l’obscurité ambiante…  

 

Malgré l’épaisseur soyeuse du noir qui m’entoure, jamais mon pas ne varie. Je sais que je suis presqu’arrivé à ce rendez-vous sans doute macabre et morbide, je sais que je suis presqu’au lieu…à notre lieu de retrouvailles, comme chaque année.  

 

Je connais tant chaque ruelle de cette ville que c’en est presque comme si je voyais encore où je pose mes pieds, alors qu’en vérité je ne sais même pas si je verrais mes mains tendues devant moi. Pas d’étoiles, pas de lune en cette nuit d’orage où les noirs nuages dissimulent entièrement toute la lumière du ciel.  

 

Il me revient une jolie citation, ou tout du moins je suppose qu’elle est jolie, qui dit que la lumière a ceci de supérieur à l’ombre qu’un mince point de lumière brille encore dans une étendue sombre... Les étoiles, par exemple.  

 

Mais maintenant, tout ce que je vois c’est qu’il suffit de quelques gros nuages, pleins d’électricité et de pluies, prêts à déverser averses et torrents, de quelques gros nuages noirs pour éteindre la lumière du ciel. Cachées, les étoiles. Disparue on ne sait où, la célèbre faucille jetée négligemment parmi elles. Annihilée, la clarté d’en-haut…  

 

Si nous n’étions cette nuit particulièrement, je souhaiterais presque être de retour à…l’appartement…et pouvoir m’allonger quelque part. Encore une autre ironie du Destin, lorsque tu étais encore avec moi, mes rêves restaient peuplés de cauchemars de mes années de guérilla. Je n’y étais que trop habitué pour que l’on me surprenne à crier, mais ta présence dans la chambre voisine était trop lointaine pour faire fuir de tels souvenirs, même si malgré cela certains rêves, purement des rêves, faits de nos journées passées en commun, parvenaient quelques nuits à cohabiter avec ces souvenirs plus anciens…  

 

Aujourd’hui par contre il en est tout autrement. Aujourd’hui je ne rêve plus que de toi, mon obsession pour toi a finalement réussi à prendre le pas sur les hantises de mon passé…juste un brin trop tard. Chaque nuit est telle un flash-back, telle un retour en arrière qui n’apporte pourtant avec lui aucune douceur. Si je t’avais perdue après avoir vécu ma vie avec toi au grand jour, ces rêves auraient une saveur douce-amère. Aujourd’hui, en l’état des choses ils ne servent qu’à me montrer et remontrer chacune de nos possibilités manquées, chacune des ouvertures que j’ai manquées. Ils n’ont pas de saveur, ils sont comme un poison qui ne laisse qu’une âcre amertume sur le bout assoiffé de ma langue…  

 

C’est regarder la télé en noir et blanc à l’ère de la couleur, c’est voir ma réalité lorsque je dors et marcher dans un rêve lorsque je suis éveillé dans le présent des autres, c’est enfoncer en le tournant vicieusement dans une blessure déjà béante le poignard qui m’a percé autrefois, c’est… Se souvenir de toi devrait m’être doux, si ce n’est entièrement au-moins en partie. Ce m’est une torture de plus. Et c’est uniquement ma faute, encore une fois…  

 

Mes rêves ne sont pas des rêves, mes rêves sont des souvenirs. Des souvenirs mélancoliques et douloureux, qui vous laissent dans un état second, comme anesthésié par la douleur et les regrets qui vous assaillent. Des images qui semblent sortis d’un autre temps, depuis longtemps révolu, comme si vous regardiez un film tel « Casablanca »… Un de ces films qui traitent d’une époque si proche et qui pourtant nous semble inatteignable. L’atmosphère a changé, l’ambiance de notre temps n’est plus la même, la couleur aussi est un obstacle… On ne ressort jamais le sourire aux lèvres de ces films-là.  

 

Ma vie a perdu sa couleur, mais ma vie a tout perdu : La couleur, la saveur, le sens… Alors que les rêves de mes souvenirs… Le noir et blanc est la couleur dont ils sont peints, puisqu’ils appartiennent au passé il faut bien qu’ils en prennent l’allure…  

 

 

 

Mes souvenirs se mêlent de sang  

 

Il est pourtant un souvenir, un seul souvenir, qui a conservé toute la vivacité de sa couleur. Enfin, d’une de ses couleurs…  

 

C’est le dernier que j’aurai jamais de toi. C’est l’ultime image que tu m’as laissée. Ce souvenir-là est aussi réel que s’il se déroulait de nouveau devant moi, aussi douloureux qu’au premier instant et aussi inacceptable aujourd’hui qu’hier… Inacceptable parce que la raison n’en a même pas été City Hunter, comme je l’avais toujours craint. Nous n’étions pas impliqués, si nous étions passés cinq minutes plus tôt nous n’en aurions peut-être jamais rien su et cinq minutes plus tard il ne se serait agi que d’une énième affaire…  

 

Mais nous sommes passés à cette minute-là et toi… Tu as été toi-même et comment pourrais-je t’en vouloir quand ton audace spontanée de porter secours quelles que soient les conséquences, généreuse et inconsciente, était justement un de ces traits de caractère que j’aimais tant chez toi ? Tu t’es précipitée au beau milieu de la mêlée, tu t’es jetée devant ce gamin pour le protéger d’ennemis qui n’étaient pas les tiens…  

 

Je n’ai appris que plus tard les dessous de l’affaire, mais quelle importance avaient-ils ? Plus rien ne présentait d’intérêt à mes yeux, hormis un temps la vengeance, lorsque j’ai vu cette giclée de balles te frapper. Il en aurait suffi d’une, ce gosse sur le sol n’avait aucun moyen de riposter et de se défendre, mais il en avait bien agacé plus d’un en haut-lieu... Ce qui est sûr, c’est que toi ils ne t’ont pas manquée.  

 

De quelques balles bien placées, j’étais entouré de cadavres et quelques autres avaient fui, mais il n’y avait pas de temps pour l’empêcher de tirer, ni pour te pousser hors de la trajectoire ou la dévier. Kaori, as-tu cru que je le pourrais ? M’as-tu vu une fois encore comme le héros qui ne peut pas perdre et qui s’en sort toujours ? Une fois encore…une fois de trop sans doute.  

 

Mais je pense que tu n’y as même pas songé, comme toujours tu as foncé tête baissée dans l’aventure sans vouloir prendre le temps de mesurer la situation, comme tu l’avais fait depuis le début, depuis ta décision de remplacer ton frère auprès de moi.  

 

Oui, cette image-là a gardé toute sa netteté et mon esprit rejoue presque sans cesse la scène avec une précision mordante. Et cette image a aussi gardé une couleur, qui se superpose à ce damné noir et blanc. La couleur rouge, ou peut-être pourpre, la couleur du sang.  

 

Le tien était chaud tandis qu’il coulait sur mes mains et je n’ai jamais oublié cette sensation. Peu importe le nombre de fois où je voudrais les récurer, je sais bien que ces mains seront rouges de toute éternité à présent. Si elles ne l’ont pas toujours été… J’ai essayé tellement de fois de les laver du mieux que je le pouvais, de gratter au-moins une infime parcelle de tout ce sang qui tachait mes mains, mais cette fois il ne partira pas. Il ne partira plus parce que c’était ton sang, Kaori, TON SANG ! Et c’est sur mes mains qu’il a été versé…  

 

Je t’ai attirée dans mes bras, de recroquevillée sur le sol que tu étais, et serrée contre moi comme si en agissant ainsi je pouvais sauver la vie qui s’échappait devant mes yeux-même. Mais c’était trop tard, trop tard pour te sauver comme il était trop tard pour tout le reste. Il était même trop tard pour te dire quoi que ce soit, en bien ou en mal, et même pour nous faire le cadeau empoisonné d’un premier et dernier baiser. Aucun délai accordé pour un dernier au revoir et nos paroles d’adieu ne furent que de vaines paroles de tous les jours…  

 

Il n’y avait plus rien que je puisse faire et la réalisation de mon impuissance m’était intolérable, moi qui parvenait toujours à trouver une solution aux pires imbroglios... Certes, j’avais déjà pour le moins connu la mort de compagnons auparavant, d’amis chers auxquels je m’étais attaché malgré mes propres avertissements à moi-même… Mais cette disparition-là était au-delà de ce que je pouvais encaisser. Ce fut finalement la goutte proverbiale qui fit déborder le vase et ce jour-là j’ai passé cette ligne si fine et si floue contre laquelle m’avait averti Hirotaka Kitao en son temps. S’il l’a su un jour, je suis presque certain qu’il a été déçu.  

 

Probablement pas autant que toi, ceci dit. Voilà deux respects durement gagnés perdus en un claquement de doigt… Mais Kaori, je ne pouvais tout simplement pas accepter de voir ces doigts rougis par ta mort de manière aussi gratuite…aussi accidentelle et imparable. Je ne l’ai jamais accepté, je n’ai même pas essayé. J’avais perdu l’envie d’essayer, parce que c’était pour toi qu’il valait la peine d’essayer. Une fois partie, il ne restait plus qu’à cette obsédante couleur, symbole approprié tout à la fois de la Guerre et de l’Amour depuis le fin fond des Ages, de me rendre fou.  

 

Je ne suis pas certain que ce ne soit pas chose faite.  

 

 

 

Et pourtant  

 

Mais me voilà parvenu à destination. Même si je suis fou et que j’ai dérapé ou pas, pour rien au monde je ne manquerais ce jour. Jamais. Et ce soir encore me trouve debout devant toi, Kaori...  

 

De bout, le regard vrillant sans la voir la plaque de marbre qui est tout ce qui reste de toi. Je suis rationnel, et pour n’avoir eu d’autre choix que d’abandonner derrière des corps de camarades tombés au combat je sais bien qu’il ne reste plus rien ou presque de ton corps. Il y a des années, dans la jungle, l’idée d’une tombe nous était à la fois ridicule, quelle importance puisqu’au bout de suffisamment de temps il ne demeurera plus que quelques restes ?, et désirable, parce qu’elle protégerait les dépouilles de nos…amis des outrages que nous imaginions nos ennemis leur faire subir…  

 

Aujourd’hui, je ne sais plus. Que faisaient-ils réellement de nos corps ? En faisaient-ils même quelque chose, lorsqu’ils ne devaient guère avoir plus d’occasions que nous de s’occuper déjà des leurs ?  

 

Mais à l’époque, personne ne voyait cela. Nous ne pouvions pas le voir, rester persuadé que ton ennemi est bel et bien ton ennemi est un des seuls moyens de rester sain d’esprit, ou le plus possible en tout cas. Penser, ne serait-ce que pour une seconde, que ton ennemi est comme toi, qu’il n’est pas d’une once différent de toi, qu’il éprouve les mêmes peurs, les mêmes fatigues et les mêmes fureurs, quoi de plus dérangeant et déstabilisant en temps de guerre ?  

 

En conséquence, j’en ai vu certains…se défouler sur des ennemis tombés. Morts ou vivants. Je ne peux pas les blâmer, lorsque nous étions si persuadés que les « autres » jouaient avec ceux qu’ils capturaient… Ils pensaient les venger en agissant ainsi… Mais à présent que je connais Falcon, que je le connais vraiment…  

 

Au fil des années, j’ai réalisé qu’eux aussi ne faisaient au final que répondre à nos propres « réponses ». Parlez-moi de cercle vicieux… Peu importe qui a été le premier, après cela nous avons tous continué à pérenniser l’engrenage. Tous, chacun d’entre nous… Et le seul résultat fut qu’aucun d’entre nous n’eut de sépulture décente.  

 

Kaori… Ce sont là des aspects de la guérilla dont nous n’avons jamais parlé, toi et moi. Nous n’avons presque jamais parlé de la guérilla, de toute façon… Je n’aurais jamais accepté de te conter ces histoires-là, elles n’étaient pas pour tes oreilles. Et puis, j’aurais trop craint de te faire fuir loin de moi tel un pestiféré, même si cette peur s’était considérablement atténuée après l’épisode Bloody Mary…  

 

Il restait cependant que tu avais bel et bien dit que la guérilla ne « faisait pas tilt dans ta tête » pour reprendre tes mots. Tu ne savais pas ce que le mot « guérilla » voulait dire. Tu acceptais pleinement l’homme qui en avait résulté, et c’était là un présent dont jamais tu n’a du mesurer le prix, mais cela ne représentait rien de réel pour toi. Je n’aurais jamais été celui qui t’apprendrait le sens de ce mot. Je n’aurais jamais voulu que tu l’apprennes, par qui que ce soit.  

 

Lentement, je mets un genou à terre devant cette damnée plaque que je ne connais que trop bien et je laisse le ciel épancher sur moi sa colère en silence. Si je pouvais me soulager aussi facilement… S’il me suffisait de tempêter de pareille manière pour évacuer tout ce qui me détruit de l’intérieur… Levant doucement le visage vers le ciel et fermant les yeux, je sens la pluie ruisseler sur mes traits et continuer sa course dans mon cou, où les gouttes viennent s’infiltrer sous mon T-shirt, bientôt imprégné et me collant au corps. Vaguement, je perçois les pans de mon pardessus voler autour de moi, emportés par la force du vent et m’offrant à l’orage…  

 

Rouvrant les yeux, mon regard trouve de nouveau les quelques lignes gravées sur la pierre : Il y a d’abord ton nom, « Kaori Makimura ». Puis tes dates que je ne peux même pas regarder. Je ne supporte pas de les regarder. Et, en-dessous, il y a la phrase que l’on ajoute toujours :  

 

« A mon Sugar Boy, avec tout mon amour. ».  

 

C’est moi qui l’ait choisie. Plus besoin de se cacher désormais, n’est-ce pas ? C’est le dernier acte vraiment « normal » et sensé que j’ai fait, le dernier, pour toi. Après ça, je me suis consciencieusement perdu en moi-même…  

 

 

 

Je me lève pour faire semblant  

 

Progressivement, comme si j’avais peur que quelque chose de terrible n’advienne lorsque je la toucherais enfin, j’étends lentement une main vers la pierre tombale. L’arrêtant en un instant d’hésitation juste au-dessus d’elle, avant de la saisir d’une poigne presque convulsive.  

 

Je ne m’étais jamais permis cela auparavant. Il m’a toujours semblé que la toucher aurait été aussi impardonnable que souiller un objet sacré… Comme si cette pierre avait été toi. Je n’avais plus le droit de te toucher.  

 

Je ne sais pas ce qui a changé ce soir. Un sentiment de finalité est en train de s’enrouler autour de mon âme, comme si mon cœur savait avant moi que le dénouement de toute cette triste histoire approche à grands pas. Je ne sais pas ce qui m’attendra au-delà, peut être rien après tout, seulement de la poussière…mais c’est cette impression de ne plus avoir de temps qui m’a poussé à tendre la main, une vague sensation malsaine et confuse d’effilochage de quelque chose, quoi que ce soit… Sans doute tout simplement de ma vie.  

 

Tu te rends compte, cette fois j’ai tendu la main, j’ai senti que le cours des choses nous échappait, enfin m’échappait, et j’ai tendu la main. Que n’ai-je pu le faire à l’époque ! Tout aurait été si différent si seulement j’avais eu ce simple geste…  

 

Mais soudain, mon attention est instinctivement mise en éveil. Je ne sais pas encore exactement ce qui se passe, mais j’ai conscience d’abord inconsciemment du danger. Fermant les yeux de nouveau une rapide seconde, je scanne les alentours et m’aperçoit que l’on m’encercle. Un sourire ironique et amer vient jouer sur mes lèvres à cette notion. Une fusillade dans un cimetière ? Quel endroit a jamais été plus parfait pour y mourir ?  

 

Mon regard se fait dur mais j’ignore pour qui, mes ennemis ou moi. Est-ce que mourir ici ne serait pas le mieux pour moi ? Est-ce que je ne préfère pas mourir ici que dans une ruelle, un autre soir d’orage, sachant que personne peut-être ne trouvera jamais mon corps ? Est-ce que mourir près de toi, peut-être même être enterré près de toi, ne serait pas encore la fin que je préfèrerais ? Voire que je choisirais ?  

 

Je ne sais pas encore quel niveau ont les gens qui vont me faire face d’un moment à l’autre, je ne sais pas encore qui ils sont… Mais il n’est pas difficile de choisir de mourir dans mon milieu. Je ne l’ai jamais fait encore, par respect pour toi, Kaori. Et je ne le ferai toujours pas ce soir, parce que la première chose que je vois lorsque je rouvre les yeux, c’est ce nom : « Sugar Boy »…et pour mon « Sugar Boy », je n’en ai pas le droit. Je lui ai déjà trop pris pour ça.  

 

Alors, avec difficulté, j’arrache ma main glacée par le marbre pour me relever pour une année de plus. Ou peut-être moins… Dans l’instant, mes yeux sont toujours rivés sur ta tombe Kaori, alors que je sais qu’ils ne tarderont plus. Je leur ai laissé tout le temps qu’il fallait pour se préparer après tout…mais pour rien au monde je n’aurais bougé plus tôt que ce je fais à présent.  

 

A cet instant, un éclair déchire le voile de la nuit qui n’en a toujours pas fini de s’épaissir, et j’aperçois un homme en train de se dissimuler derrière un arbre non loin. Nonchalamment, ma main s’égare sous ma veste pour venir saisir la crosse de mon arme. Ce soir encore, je vais me battre pour survivre. Je vais me battre avec hargne, comme si j’avais quelque chose en quoi espérer, une raison pour vivre. Je vais me comporter comme si j’étais toujours Ryô Saeba, le nettoyeur à défaut de « City Hunter » qui n’est plus moi depuis ce jour-là, alors que je ne suis plus rien depuis longtemps. Ryô Saeba est mort sans avoir été enterré le jour où ils t’ont abattue, Kaori. Mais, pour toi, toujours pour toi, je vais faire semblant. Ce soir encore…  

 

 

 

De vivre comme un vivant  

 

 

 

Lorsque le soleil se leva le matin suivant, il rayonnait d’un rouge-orangé de mauvais présage alors qu’il irradiait doucement le cimetière redevenu paisible. Il s’éleva progressivement dans le ciel, tout doucement, comme si lui-même était effrayé par le spectacle qu’il allait permettre de découvrir… Qu’allait-il dévoiler sur les événements de la nuit en y ramenant la lumière ?  

 

Le chemin des tombes était intriqué avec des arbres et à un endroit de ce terrain sacré ils formaient comme un petit bois. A l’intérieur de ce bosquet et alors que le soleil n’était pas encore bien haut dans le ciel, on entendit soudain résonner plusieurs fois ce qui ressemblait à une sonnerie de portable, dérangeant la calme quiétude retrouvée des environs. Mais personne ne répondit jamais…  

 

Quelques heures plus tard, on vit arriver en voiture un homme blond à l’entrée du cimetière, qui sortit de sa voiture visiblement inquiet. Sans rien dire, il entra d’un pas vif mais s’arrêta presqu’aussitôt et sembla humer l’air. Son visage se durcit alors et sa posture changea, se rapprochant vaguement de celle d’un fauve tapi pour la chasse. Cet homme examina les alentours avec grand soin, les yeux grands ouverts alors qu’au même instant il semblait voir tout à fait autre chose, avant de s’avancer beaucoup plus précautionneusement que la première fois. Il avait ressenti les effluves de ce qui avait eu lieu ici cette nuit.  

 

Il devait découvrir un véritable champ de bataille. Une fois dans le bois, il aurait été impossible pour le plus lambda des citoyens japonais de ne pas réaliser ce qui s’était produit ici. Mais il savait qu’il n’y aurait jamais d’enquête, tout le monde serait trop content que quelques yakusas de plus aient débarrassé le plancher…  

 

Combien avaient-ils été ? Il savait que d’habitude le nombre importait peu, mais l’orage d’hier rentrait aussi dans la donne, en diminuant considérablement la vision de tous… De tous ? Il eut une dénégation de cette affirmation péremptoire lorsqu’il faillit trébucher sur des lunettes de vision nocturne…  

 

Il lui fallut une bonne heure pour le retrouver. Mais finalement, il tomba sur le corps qu’il cherchait au milieu des autres… Il ne put s’empêcher de penser qu’il avait été stupide, il aurait du commencer par ce côté. Il avait visiblement tenté de se rapprocher de sa tombe...  

 

Tombant à genoux à côté de l’autre homme étendu à terre, il pleura un long moment sur son ami de toujours, tendant une main hésitante pour lui remettre en place une mèche de cheveux poisseuse qui lui tombait sur les yeux. Il vit ce qui ressemblait à un sourire, un vrai sourire, sur les lèvres de son ami, et le temps d’une seconde il pensa qu’il valait peut-être mieux qu’il soit enfin apaisé et cesse d’agoniser au fil des ans, mais apercevant le portable clignotant pour signaler les appels manqués dans sa ceinture ses pleurs redoublèrent et il dut attendre de se calmer avant d’appeler lui-même qui que ce soit.  

 

Cet homme s’appelait Mick Angel et un jour, avant que Ryô n’oublie l’amitié, il avait été son meilleur ami. Il le considérait d’ailleurs toujours comme tel. Il le voyait toujours comme un frère. Un frère qu’aucun d’entre eux n’avait pu sauver de lui-même.  

 

Mick appela finalement Falcon, pour lui annoncer que son intuition avait été juste, comme toujours. « Quelque chose » s’était bel et bien passé cette nuit-là… Il lui apprit aussi une nouvelle symbolique, mais tout aussi rude pour eux : L’arme de Ryô avait disparu.  

 

Puis il prit son ami tombé dans ses bras et entreprit de le ramener avec lui.  

 

Quant à Falcon, il apprit simplement la nouvelle à Miki sans autre forme de procès, avant de disparaître du café sans un mot de plus. Personne ne sut jamais exactement ce qui s’était passé, mais il réapparut trois jours plus tard, accompagné de Mick qui avait apparemment été du voyage.  

 

Ils ramenaient l’arme de Ryô.  

 

Il semblait qu’il ne resta plus personne en mesure de raconter quoi que ce soit et les deux intéressés restèrent toujours muets sur le sujet, refusant d’expliquer. Le reste du groupe ne les pressa point, simplement heureux et soulagés que l’arme de leur ami ne serve pas de trophée à un chef yakuza qui n’avait même pas été présent au cimetière…  

 

Tous allèrent parler avec le prêtre de la petite église adjacente au nom de Ryô Saeba, un homme sans identité juridique vraie, un homme qui avait en apparence dédié sa vie aux massacres de grande envergure et un homme enfin qui n’avait jamais été croyant. Mais ils voulaient obtenir une chose et ils plaidèrent longtemps pour cela. Ils montrèrent quel homme Ryô avait véritablement été, combien il avait été vital au quartier, combien eux-mêmes perpétuaient son œuvre. Ils lui dirent les vies sauvées, ceux qui avaient pu se reconstruire ailleurs grâce à lui, combien il essayait d’aider les gens sur tous les plans, sa personnalité bien plus complexe que ce que l’on croyait et tout son charisme…  

 

Ils dirent au pauvre saint homme, un brin dépassé, combien il avait aimé une femme. Combien il avait aimé SA femme. Et finalement, à force de petites avancées savamment menées, ils parvinrent à leurs fins.  

 

Et un homme qui n’existait pas fut enterré aux côtés de celle qu’il avait aimée au point de se consumer pour elle. Il eut l’ultime et peut-être seul désir qui lui restait vraiment : Il fut enterré juste à côté de Kaori Makimura. Et son arme fut ensevelie avec lui, pour que jamais elle ne serve plus à quiconque d’autre qu’à son légitime propriétaire. Ryô pouvait sourire d’un réel sourire, de son point de vue, les choses avaient probablement retrouvé leur équilibre.  

 

Comme tout le monde le disait à une époque et le redirait désormais :  

 

Ryô and Kaori forever…  

 

 

 

De là-haut  

Peux-tu me dire si les mots sont plus beaux ?  

Peux-tu me dire si l'air est aussi chaud ?  

Est-ce que tu le sens  

Est-ce que tu entends tous mes mots ?  

Peux-tu me dire si leur sens est plus beau ?  

Et peux-tu me dire si leur souffle est plus chaud ?  

S'ils te réconfortent  

Là où ils t'emportent  

De là-haut  

Est-ce que tu le sens  

Est-ce que tu m’entends  

De là-haut 

 


Capitolo: 1


 

 

 

 

 

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