Hojo Fan City

 

 

 

Data File

Rated R - Prosa

 

Autore: patatra

Status: Completa

Serie: City Hunter

 

Total: 5 capitoli

Pubblicato: 30-06-20

Ultimo aggiornamento: 04-01-22

 

Commenti: 9 reviews

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Drame

 

Riassunto: Aux racines des amours plurielles, des attractions passionnées et voluptueuses, des déchirements douloureux… Personnages légèrement OOC. Pour un public averti.

 

Disclaimer: Les personnages de "Demain, dès l'aube" sont la propriété exclusive de Tsukasa Hojo.

 

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   Fanfiction :: Demain, dès l'aube

 

Capitolo 2 :: chapitre 2

Pubblicato: 05-07-20 - Ultimo aggiornamento: 05-07-20

Commenti: Bonjour, Voilà déjà le chapitre 2. Il est écrit, autant le livrer. Le titre de la chanson de ce chapitre est "C'est ma vie" de Michel Sardou (ah je rigole en voyant la chanson que j'ai choisie). Mais, si vous cherchez bien, il y a de multiples références dans tout ce texte (romans, chansons, films...) dont j'ai volé, parfois un peu transformé, des extraits. Bonne lecture et merci pour vos commentaires. Ils font plaisir! Zoub. Pat

 


Capitolo: 1 2 3 4 5


 

 

 

 

CHAPITRE 2
 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ce jour-là, Ryô, signe une évolution marquante dans le couple que je forme avec Mick. Un couple. Oui, un couple. Les semaines qui suivent ont une saveur délicieuse. Souffrirais-tu si tu savais ?... Les stratagèmes dont j’use pour t’échapper, pour le retrouver… L’abandon que je m’offre chaque jour dans ses bras… Les fou-rires, les frissons, la complicité… Les mots tendres enflammés, le langage de nos mains, nos regards éloquents… Nous deux enlacés sur son canapé, jamais rassasiés de nos baisers.  

 

Il est atroce de constater comme je connais alors son corps mieux que le tien, même si j’ignore encore beaucoup sur son désir, sur son plaisir, je suis simplement pétrie de chacune de ses courbes, de chacune de ses fragrances. Je connais le goût de sa bouche, c’est terrible à dire, mais bon sang, que ses lèvres sont délectables et appétissantes ! Je ne me lasse pas de les suçoter, de les mordiller, de les profaner lorsque je visite sa langue, lorsque je m’immisce entre ces charnelles gardiennes de l’antre de toutes les tentations. Mick est éminemment sensuel et sa bouche est diabolique ; je devine comme elle saura me terrasser… plus tard… lorsque nos corps exigeront davantage que de chastes étreintes. Oui Ryô, les lèvres de mon américain sont absolument divines et je m’abandonne quotidiennement à leurs talents. Je me livre sans combat à leur ardeur, à la hardiesse de leurs caresses ; ma gorge est leur cible privilégiée et je reste pantelante d’un désir que je comprends mal lorsqu’il cesse ses assauts, après qu’il a mordu, léché, aspiré, et je ne sais encore quelles manœuvres délicieuses au creux de mon cou. Je perds toute notion de temps et d’espace tandis qu’il me baise ainsi avec fureur et passion. Souvent, après, je repense aux gémissements honteux que j’abandonne, à ce plaisir intense et inouï que je retire de ces simples baisers, à mon corps qui se balance dans ses bras, échappant à mon contrôle, à cette chaleur qui naît au creux de mon ventre, à mes cuisses qui s’ouvrent par réflexe.  

 

Systématiquement, Mick déserte notre corps-à-corps après que je me suis montrée très expressive. Le rouge aux joues, j’admets livrer des logorrhées suggestives, parvenir à un plaisir extatique par ses savantes embrassades. Un sourire victorieux s’affiche alors sur la bouche voluptueuse de mon amoureux qui me contemple avec dévotion. Je ne suis pas dupe, je devine très bien l’incendie qui embrase ses chairs, son regard est sombre et profond, son front accablé. Pourtant, il me fuit invariablement après m’avoir mise dans un état indescriptible, duquel il pourrait profiter sans problème s’il le souhaitait. Je ne peux d’ailleurs nier une certaine frustration pour ma part et je n’ose imaginer la sienne. Tout en s’éloignant de moi, il chiffonne sa chevelure et se met à rire de lui-même. Oui, il se moque gentiment de nos amours adolescentes et, d’un pas alerte, se dirige vers la fenêtre. Je le suis dans ce rituel qu’il m’impose ; je m’approche, me poste à ses côtés et, moi aussi, je pose mon regard sur la fenêtre de notre appartement.  

 

« Quand vas-tu lui dire pour nous ? me demande-t-il d’un ton neutre.  

 

— Laisse-moi encore un peu de temps, s’il te plaît. J’ai peur qu’il le prenne mal.  

 

— Parce que tu crois qu’il n’est pas déjà au courant ? Kaori…, me répond-il d’un air blasé »  

 

Chaque fois que Mick et moi abordons le sujet Toi, je suis prise de violentes angoisses que je dissimule avec difficulté. Je crois qu’il en a parfaitement conscience mais qu’il fait mine de ne rien voir. Ça m’arrange, je ne peux pas le nier. Je n’aimerais pas avoir à expliquer pourquoi je suis terrifiée à l’idée de t’annoncer que je suis amoureuse de lui. D’abord parce que je ne cerne pas moi-même toutes les raisons à mes réticences, je devine certaines peu avouables, et puis il s’agit aussi d’amour… cet amour que tu m’inspires depuis toujours, qui m’a consumée, qui n’est pas totalement éteint, je ne dois pas mentir. Oui, cet amour persiste envers et contre tout. Il est moins prégnant, moins étouffant, moins ardent, mais il n’est pas encore réduit à l’état de cendres, loin s’en faut. Tu es et restes ma plus grande faiblesse, Ryô. Te perdre est tout simplement inenvisageable.  

 

« Comment veux-tu qu’il soit au courant ? Nous sommes parfaitement prudents.  

 

— Te rends-tu compte que tu parles comme si tu commettais un adultère ? Toi et moi ne faisons rien de mal Kaori. Nous sommes libres comme le vent, non ?  

 

— Oui, j’admets quasi-silencieusement, avouant à demi-mots ne pas adhérer sans réserve à ce qui vient d’être énoncé.  

 

— Et Ryô est bien plus perspicace que tu ne le crois. Je suis convaincu qu’il sait déjà tout ! Il a tout deviné.  

 

— Lui as-tu dit quelque chose ? m’enquis-je, gagnée par l’appréhension.  

 

— Non, bien sûr que non Kaori. Je t’ai promis de ne rien dire. Mais si tu es d’accord, j’aimerais bien lui parler.  

 

— Ce n’est pas une bonne idée Mick, c’est à moi de lui annoncer. À moi seule.  

 

— Pppfff, souffle-t-il, dépité, comme tu veux. »  

 

Je me tourne vers lui et nos yeux se connectent.  

 

« Pourquoi veux-tu précipiter les choses ? Est-ce qu’on n’est pas bien tous les deux en tant que clandestins ?  

 

— Parce que toi, ça te convient ? Ça fait deux mois que nous nous sommes rapprochés. Est-ce qu’il n’est pas temps de mettre nos amis au courant de notre relation ? Personnellement, je ne trouve pas ça précipité.  

 

— Je sais pas… J’ai peur de leur jugement. Pour Kazue aussi, ils feront inévitablement le rapprochement. Je ne me sens pas encore capable d’assumer. Laisse-moi un peu de temps, s’il te plaît… »  

 

Mick s’approche de moi. Toute son attitude traduit sa tendresse et, dans le même temps, sa résignation. À peine sa main effleure-t-elle ma joue qu’un sourire naît sur mes lèvres. J’aime ses attouchements, j’aime la bienveillance de son regard.  

 

« Tout le temps que tu veux…, évidemment, prononce-t-il affectueusement, mais je pense qu’il est grand temps que Ryô entre en jeu.  

 

— Entre en jeu ? je réagis avec surprise, agacée par la syntaxe employée. De quel jeu parles-tu ? »  

 

Je déteste la blancheur éclatante de son sourire ravageur qui, bien malgré moi, émeut mon cœur, alors que je veux paraître fâchée. J’ai pourtant bien compris de quoi il retournait et, lui, sait aussi très bien que j’ai parfaitement saisi l’insinuation. Mick a une perception de l’attachement que tu as pour moi bien différente de la mienne, Ryô. C’est ridicule ! Il n’a pas accès à toute notre relation, la fantasme aussi, à sa façon, la craint presque. Moi, ce que je crains, c’est ton impulsivité, ta rage ou ton désespoir, ton incapacité à gérer toutes ces émotions négatives sans moi.  

 

Le sacrifice que tu exiges de moi, être sans réserve à tes côtés, être ton Ange-gardien, ton droit chemin, est si pesant désormais. J’ai maintenant pleinement conscience de ce que je suis, ta partenaire mais tellement plus encore. Ta bouée, ta bite d’amarrage, ton phare, ton port. Les flots de la vie te ballotent sans relâche, ont affaibli ta coque. Tu n’es pas un vieux rafiot craquant mais un navire amiral, endommagé par des années de guerre, les torpillages intensifs de sous-marins mal intentionnés.  

 

M’émanciper, moi je veux m’émanciper. Je revendique mon droit à aimer !  

 

« Et pourquoi souhaites-tu qu’il entre en jeu ? » je m’entête dans la provocation.  

 

Un haussement de sourcil équivoque et une soudaine pétrification de ses traits m’indiquent comme la réponse à ma question est fondamentale pour celui que j’interroge.  

 

— Parce que je veux plus Kaori, m’avoue-t-il sans détour, dardant sur moi un regard azuréen explicite. Je veux plus ! »  

 

 

Les semaines qui suivent m’éloignent de toi, lentement, mais irrémédiablement. Je renonce à guetter tes retours tardifs comme je l’ai toujours fait. Finalement, tes occupations nocturnes ne regardent que toi ! Le danger que j’ai longtemps craint pour le grand Ryô Saeba n’est pas véritable, j’en suis convaincue, tu es insubmersible. Mais de quoi ai-je l’air, moi, amoureuse éplorée et délaissée, dans l’obscurité du salon, me languissant siècle après siècle ? Cette posture qui me rebute n’a plus raison d’être… Ma désertion ne semble pas être remarquée d’ailleurs, surtout qu’il m’arrive de déroger à ma nouvelle règle, dès lors, en fait, que ton ancien partenaire t’accompagne dans tes péripéties et batifolages, et que j’enrage de la félonie dont tu fais preuve. Le pervertir ? Le tenter ? L’éloigner de moi ?  

 

Pour autant, le temps qui passe fait son œuvre dans mon cœur, dans mon corps. Notre rupture amoureuse est consommée, mais pas digérée. Ne te moque pas s’il te plaît ; je sais, ne doute pas, qu’il n’a jamais été question de relation amoureuse entre toi et moi, qu’il n’y a eu que fantasme de ma part mais, hélas, la douleur que je m’inflige en renonçant à toi, elle, n’est pas fictive. Et je souffre, et j’endure, avec dignité mais aussi abnégation, dans le même temps que je glisse avec délice dans toutes les premières fois que m’offre notre meilleur ami. Étrange simultanéité de sensations et sentiments contradictoires. Suis-je écartelée ? Prise au piège entre deux amours dévorants. L’un vigoureux et plein de promesses et l’autre désespéré mais non moins violent, même s’il a décru. Je combats des bouffées d’angoisse qui souvent m’accaparent ; je me souviens de ce vieux film français, bouleversant et tragique, que tu avais refusé de venir voir avec moi lors d’une rétrospective du mouvement cinématographie « la nouvelle vague », Jules et Jim en était le titre. L’héroïne aimait deux hommes, deux amis inséparables, l’un étranger, l’autre français, l’un blond, l’autre brun. Le destin l’amena à en épouser un, à prendre le second comme amant. Le tourbillon de la vie les malmena tour à tour, jusqu’à l’épilogue terrible, qui me glaça et me plongea dans une mélancolie qui m’oppresse encore aujourd’hui. Quel rapport avec moi ? avec nous ? Je ne saurais dire… Il est des désagréables pressentiments, Ryô. En fait, ce film m’est apparu étrangement prophétique ! Une femme fatale qui fut fatale.  

 

Pourtant, au quotidien, je dois avouer dédier mon âme à ma satisfaction amoureuse et échapper aux tourments que tu inities encore. Il est tant de territoires à découvrir, charnels et sensoriels notamment, et c’est avec lui que je les conquiers.  

 

La première fois que ses mains se perdent sous mon chandail...  

Pourquoi avoir tardé ? Ses doigts timides ont exploré, lentement, consciencieusement, s’attardant avec savoir-faire sur des zones dont la sensibilité m’avait échappé jusqu’alors. Tout d’abord paralysée par l’audace non anticipée, j’ai serré les dents, contracté mon ventre, gelé ma respiration et accepté la danse lascive sur mon buste, le papillonnage délicat. Un alanguissement ouaté a bientôt envahi mes membres, endormi ma vigilance et dénoué mes craintes, mes complexes. Mi-évanouie, je me suis abandonnée délicieusement à l’envahissement de mon chandail, aux mots tendres qui l’accompagnaient, j’ai accepté sans broncher le dégrafage de mon soutien-gorge.  

 

Il est des gestes d’une sensualité exacerbée qui vous meurtrissent à jamais. Meurtrissure de plaisir ici, il va de soi. Mon épiderme se gorgeait des frissons naissants sous les attouchements, jusqu’à en saturer ses récepteurs sensoriels. Quel étrange tournis m’enveloppa alors, fit ployer ma tête en arrière et m’envoya dans une dimension inconnue ! Je murmure son prénom, Mick, par vagues incessantes, mes yeux se sont clos, mes dents déchirent mes lèvres et le manège ne cesse de tourner. Comme le chemin de ronde que font sans cesse les heures, le voyage autour du monde d'un tournesol dans sa fleur, il fait tourner de son nom tous les moulins de mon cœur… Ses lèvres démoniaques se sont évidemment mêlées à l’affaire et je hulule malgré moi sous leurs offensives impudiques. Allongé sur moi, mon amoureux semble être soumis à la même torture. Le temps suspend son cours tandis qu’une dextre coule le long de ma hanche, courtise la ceinture de mon pantalon, s’apprête à le pénétrer. Collaborant, je rentre le ventre, communiquant ainsi mon consentement à l’intromission de la visiteuse dans ma culotte et je transperce les yeux azurites du regard le plus concupiscent dont je suis capable.  

 

Viens !  

 

Rage et désespoir. J’ai détesté le sourire narquois qui est né au coin de ses lèvres et l’abandon dont je suis la victime inconsolable. Mick se libère de mon étreinte passionnée pour trouver de nouveau refuge devant la fenêtre du salon et observer notre appartement. Le message est clair, les mots sont inutiles. Pourquoi vois-je rouge ? Du fait de Madame Frustration qui a posé ses bagages entre mes cuisses depuis quelque temps ? Une pulsion malsaine me souffle à l’oreille une basse manœuvre que je me plais à orchestrer dans la seconde. Je me lève d’un bond et le rejoins, me place bien en vue à la fenêtre et relève mon pull très haut, présentant ma poitrine à tout le voisinage.  

 

« Veux-tu m’aider à ragrafer mon soutien-gorge, s’il-te-plaît ?  

 

— Non mais ça va pas ! bafouille-t-il en me repoussant sans ménagement loin des yeux de potentiels voyeurs.  

 

— Quoi ? je m’obstine dans la provocation agressive. Tu sais, Ryô s’en fiche complètement de mes seins ! Et puis tu sais, il les connaît par cœur… »  

 

Ses mains telles des serres d’aigle ont agrippé mes épaules et m’ont secouée comme pour me faire recouvrer raison.  

 

« Putain Kaori, ne joue pas ce jeu avec moi ! me crie-t-il d’une voix blanche.  

 

— N’est-ce pas toi qui parlais de jeu ? renchéris-je avec toute la mauvaise foi du monde, me libérant de son entrave. »  

 

Je vois son regard vaciller, ses lèvres se crisper et je devine comme il se retient de déverser sur moi quelques noms d’oiseau bien sentis, que je suis consciente de mériter.  

 

« Idiote…, prononce-t-il difficilement. Est-ce que tu te fiches de me faire du mal ? »  

 

Comme je ne réponds pas, toujours embourbée dans mon désir insatisfait, plus boudeuse que jamais, il enfonce profondément les mains dans ses poches, renonçant au moindre contact avec moi.  

 

« C’est moi qui suis con en fait, ajoute-t-il comme s’il se ressaisissait. T’exhiber ainsi à ma fenêtre était le meilleur moyen de lui faire savoir qu’on est ensemble !...  

 

— Ppfff, je souffle, exaspérée.  

 

— Parce qu’on est ensemble, hein ? s’inquiète-t-il sans considérer mon humeur belliqueuse.  

 

— Oui, on est ensemble, j’acquiesce sans chaleur.  

 

— Hum, hoquète-t-il, des yeux sévères posés sur moi. Rentre chez toi Kaori, il se fait tard. »  

 

De l’eau salée embrouille ma vue tandis que je tourne précipitamment les talons, pressée d’échapper au malaise que j’ai moi-même induit. Je m’admoneste silencieusement, je ne me savais pas manipulatrice à ce point ; capable de blesser intentionnellement pour cause de désir inassouvi. Un caprice !  

 

« Kaori ! scande-t-il avant que je franchisse le pas de la porte, comme s’il souhaitait me retenir.  

 

— Oui, réponds-je sur le ton le plus aimable que j’ai en réserve mais lui refusant un regard, le trouble en moi persistant.  

 

— Ici aussi ça pourrait être chez toi.  

 

— Je sais. »  

 

Je ferme rapidement la porte et rejoins notre appartement.  

 

C’est plus échauffée que jamais que je rentre chez nous ; les yeux brillants, les joues cramoisies. Ce feu qui me dévore est autant le fait de mes envies de luxure irrassasiées que de la culpabilité qui m’étreint le cœur. Le récent épisode que je viens de jouer à Mick, dans l’indifférence de ses tourments, révèle à mes yeux ma nouvelle personnalité. Il me devient de plus en plus difficile de juguler mes désirs et ceux-ci me submergent dès que je suis dans ses bras. Je perds la tête, je veux faire l’amour ! Mon corps a mal des envies qui le malmènent et que Mick se refuse encore à satisfaire alors qu’il en est l’instigateur. J’ai honte ! Affreusement honte ! Mais je n’avais pas soupçonné pareille corruption de mon esprit par mon corps ; voilà que je deviens scélérate, prête à tout pour arriver à mes fins ! Devenir femme nécessite-t-il vraiment les bouleversements que je traverse, le réveil de ses bas instincts ? Avec toi Ryô, je suis restée si sage. Mes furies étaient superficielles, je ne renonçais à aucune de mes vertus ; quelque part, j’étais soumise et résignée, condamnée à attendre un geste qui ne viendrait pas. Aujourd’hui, je prends conscience de mes atours, de mes capacités à manipuler, à infléchir, à convaincre. Une force nouvelle pulse en moi, mes horizons s’élargissent et une confiance inédite gonfle mon cœur, emplit chacune de mes cellules. Oui, la honte côtoie l’odieuse certitude d’avoir déjà vaincu. Il n’est question que de jours tout au plus avant que Mick ne m’aime comme j’y aspire. Et de tout mon cœur, de toute mon âme, j’y aspire !  

 

Pour mon malheur, alors que j’entre en transe dans notre appartement, mi-encolérée, mi-coupable, tu es là ! Les bras croisés, la mine indéchiffrable, adossé contre le chambranle de la porte, tu sembles m’attendre. Que dire ? Je mentirais si je clamais être dorénavant insensible à ton magnétisme. Pas vrai ! Mon cœur rate un battement, nombre de mes obsessions s’évanouissent sur le champ et mes yeux caressent ton image. Si séduisante. Si inaccessible. Une image. Un instant, un doute s’insinue, dérangeant : m’as-tu aperçue à la fenêtre tout à l’heure ? Ça serait une catastrophe !  

 

Mais tes yeux inexorablement fixés sur moi se refusent à communiquer tout comme la panique refuse de m’investir. C’est que mon être est encore pétri des caresses merveilleuses de Mick, de cette main dont j’ai cru et espéré qu’elle allait sustenter mes sens ; je ne peux pas, là et maintenant, te considérer davantage Ryô. Je passe donc devant toi sans réellement m’inquiéter de ton singulier manège - m’attendre et me dévisager, quelle idée ! - , sans même t’adresser un sourire. Non, ma bouche et mes dents ne te sont pas dévolus ce soir, je suis désolée. Je ne t’ignore pas complètement, mon regard accroche le tien tandis que je te bouscule à moitié pour atteindre l’escalier. Mais ce contact suffit à éclairer ma conscience, à me souffler une idée. Te sonder. Toi, oui toi qui me connais si bien. Aussi ai-je gelé ma progression arrivée sur le palier et me retourné-je avec confiance.  

 

« Ryô », je t’interpelle pour capter ton attention.  

 

Effet inutile car tes yeux ne m’avaient pas quittée.  

 

« Est-ce que j’ai changé ? », m’enquis-je tout de go sans m’embarrasser de dentelles.  

 

Je te surplombe avec effronterie, bien consciente de l’ambiguïté de mon propos. Allez Ryô, demande-moi de quoi il retourne exactement et je te confie tous mes secrets, je te livre tout crûment, sans t’épargner. Je suis si chamboulée encore que mon esprit ne distingue pas le précipice vers lequel je me rue, ni le danger inhérent à ma provocation. Mais dans ta bouche, point de question. Du moins, pour le moment. Tes sourcils magnifiquement esquissés se sont légèrement contractés mais ont très vite retrouvé leur courbe imperturbable ; et hormis cette faiblesse, ton visage n’a pas varié d’expression, muraille infranchissable. Tu t’es juste mis en branle vers moi, gravissant péniblement les marches qui nous séparent. Planté devant moi, sombre comme une nuit sans lune, tu me dévisages.  

 

« Changé ? oses-tu enfin.  

 

— Je…, balbutié-je maladroitement, manipulatrice… »  

 

L’onyx de ton regard s’est posé sur ma bouche tandis que j’énumère difficilement mes nouvelles vilénies.  

 

« Capricieuse… exigeante… Impatiente… »  

 

Une de tes mains s’est nichée dans ma nuque et me précipite contre ton buste où j’échoue sèchement, non sans avoir positionné mes dextres en rempart, en appui sur ta poitrine. C’est que je ne veux pas te paraître collaborer à cette étreinte, je ne peux pas. J’applique autant de force qu’il m’est possible dans la résistance que je t’oppose.  

 

« Il était bien temps, non ? », réponds-tu péniblement, faisant fi de ma tentative d’échapper au malaise que tu fais naître en moi.  

 

Le visage niché contre toi, envahie par les fragrances musquées de ton corps, je perds pied. Encore. Toujours. Je me fustige de tant de faiblesse mais finis par accepter le contact qui m’emplit d’un bonheur qui tait son nom. Coupable communion. Des réminiscences amoureuses m’envahissent, notre complicité immuable, l’effet dévastateur de tes bras ceints autour de moi, les larmes qui refoulent. Mon incapacité à te rayer de mon cœur.  

Et cette litanie qui s’impose à moi… Quand tu me serres tout contre toi, quand je sens que j'entre dans ta vie, je prie pour que le destin m'en sorte, je prie pour que le diable m'emporte…  

Mais le diable rit de mon impuissance, il se gausse de mes ridicules attentes et s’amuse à torturer ma morale, les sentiments inédits que m’inspire Mick, sans possible rémission, le désir animal qu’il éveille en moi… et toi. Toi, mon indicible amour. Toi qui, en un geste, en un mot, me retournes les entrailles. Toi à qui je ne renoncerai jamais ; je le pressens, là, dans l’étau de tes bras puissamment arrimés à moi, dans l’incompréhension de tes dernières paroles. Énigmatiques.  

 

« Ce que je sais, Sugar, ajoutes-tu à mon désarroi, c’est que tu n’as jamais été plus belle que ces dernières semaines… Disons donc que ces nouvelles failles te vont à merveille… »  

 

Aujourd’hui, je ne parviens toujours pas à analyser cet épisode nébuleux : toi et moi enlacés dans le couloir menant à nos chambres, toi que je sentais bienveillant et compréhensif, paternel à m’en donner la nausée, moi, le souffle court, perdue entre deux hommes, l’un que j’aime éperdument, l’autre que j’aime désespérément. Prisonnière de mes pulsions, otage de mes espérances, condamnée… Assurément condamnée…  

Je prie pour que le diable m’emporte…  

 

Le diable me visite souvent.  

Les jours suivants voient ma volonté de racheter mes erreurs auprès de mon blond amoureux. Nos retrouvailles, fébriles, le lendemain, signent ma décision inflexible : je serai à lui. Mes yeux sont humides lorsque je retrouve ses bras, mes lèvres demandent pardon, exigent l’absolution. Il me serre si fort tandis que j’enfouis mon visage dans son cou, que je suce la veine qui y palpite. Il baragouine des mots malheureux, décrit sa nuit de doutes, les regrets des phrases prononcées, des gestes trop brusques, des exigences qu’il sait prématurées. Mes doigts pénètrent sa tignasse, griffent son cuir chevelu, lui communiquent la passion dont il est l’âme. Ma bouche se veut rassurante et je décline toutes les variations des excuses que je lui dois.  

 

Mais, bien vite, nos baisers sont prioritaires, nos corps atterrissent sur le canapé, engourdis par le désir qui apparait de plus en plus facilement en ce qui me concerne. Je ne tente pas de dissimuler la vague brûlante qui lèche mon intimité dès lors que mon homme se perd dans de délicieuses tortures dans mon cou, que ses mains œuvrent sous mon pull. Et mes roucoulements indécents ne peuvent pas échapper à la sagacité du beau blond. Où donc a-t-il caché la perversité qui l’animait dès que j’entrais dans la pièce où il se trouvait ? Il ne pouvait alors réprimer les pulsions sexuelles que j’inspirais et seuls quelques coups de massue bien sentis pouvaient mettre fin à son jeu lourdingue. Aujourd’hui, les râles érotiques qu’il suscite expertement et qui me débordent, ne semblent pas en mesure de l’émouvoir suffisamment pour qu’il perde raison. Pas plus que mon corps alangui, entièrement dédié à son plaisir si l’envie lui en prenait. Je mesure alors comme tout n’était que comédie, que les affres de son cœur étaient bien plus insondables que les mokkoris qu’il arborait en tentant de me peloter à tout va. Et toi Ryô, jusqu’où pousses-tu le cinéma que tu me joues depuis toujours ?  

 

Les jours passent et Mick reprend toujours bien vite la maîtrise de son corps. Je sais, je sens, sans doute permis, la réalité de son désir de moi. Son érection est largement évidente, troublante à en défaillir pour l’amourachée que je suis, suppliciée par sa débordante libido. Je crève d’envie de plus que ce qu’il consent à m’offrir. Je ronge mon frein tout en modérant mes ardeurs, consciente de ce qui retient encore l’homme qui a ravi mon cœur et qui ne fait qu’accroître sa valeur à mes yeux.  

 

Tel Faust, je vends mon âme au Diable et ourdis un plan machiavélique. Mais la sincérité et l’innocence avec lesquelles je conçois ce plan lui confèrent, j’en suis sûre, dignité et respectabilité. Il n’est pas question d’abuser ni de tromper, mais juste de précipiter l’inévitable. Il est grand temps de dire simplement à Mick ce qu’il brûle d’entendre.  

 

Ma première fois…  

 

J’ai revêtu des dessous qui me correspondent tout en étant largement plus sexy que ceux que je porte à l’accoutumée. Un ensemble noir, en dentelle fine, dissimulé sous une jupe plissée bleu marine et un pull grenat dont l’air faussement ingénu plaidera pour mon innocence. Parfaitement épilée, crémée, parfumée, apprêtée, je rejoins mon américain. Je tremble lorsqu’il prend mes lèvres, cela l’interpelle et il me considère, étonné, inquiet. D’un sourire, je le rassure et m’engage dans un duel buccal dont je sais qu’il sortira vainqueur. Nul autre n’a son pareil lorsqu’il s’agit d’user de sa bouche, de sa langue, de ses dents, et de m’infliger de terribles blessures de plaisir. Mon cœur meurt cent fois sous ses redoutables assauts, l’arythmie qui le gagne succède à de folles envolées, l’éprouve et l’endolorit. Mais le défi m’électrise et je ne démérite pas. Nos corps s’engagent avec ferveur sur le canapé qui voit, chaque jour, mon désir refoulé et bafoué.  

 

Aujourd’hui, je ne serai pas celle qui échouera.  

 

Mes hanches se montrent accueillantes, ondoyant à l’unisson des siennes, mes mains se révèlent effrontées et j’investis sans honte la chemise que j’ai déboutonnée avec lenteur et délectation. Sa peau, d’une douceur de nouveau-né, se couvre de frissons sous mon passage, et mes tympans se régalent des soupirs qu’il m’abandonne et dont je sais être la muse. Mais Mick n’entend pas se laisser déposséder ainsi de la maîtrise des événements. Quotidiennement, c’est moi et moi seule qui subis le calvaire de la damnation érotique. Lui, survit toujours, admirablement, semble bien plus à même de contrôler les élancements de son ventre, d’inverser le rapport de force si nécessaire ; celui-ci tourne inévitablement en sa faveur.  

 

Pour le moment, nos lascifs frottements m’engagent dans la voie, habituellement sans issue, du désir exacerbé. Comme un papillon aveuglé par la lumière qui le brûle, incapable d’apprendre de ses erreurs, je m’engouffre sur ce même chemin. C’est que les sensations explosent dans mon ventre, m’enjoignent à la quête de la satisfaction de mes sens surexcités, me privent de lucidité. Et je m’enfonce inexorablement dans les eaux troubles de la concupiscence. Mon slip se gorge des sécrétions qui naissent au fond de moi, mes cuisses brûlent et s’ouvrent inexorablement, tentant d’inviter celui qui se presse contre elles. Ah, je maudis la longueur de cette jupe, je n’avais pas prévu ! et je maudis ces mains tentatrices trop sages pour descendre et relever le tissu qui entrave les caresses auxquelles j’aspire.  

 

Mes doigts flattent lentement les abdominaux finement ciselés, admirablement dessinés. Je remonte pour effleurer les pectoraux, salue les tétons roses de la pulpe de mes doigts, poursuis ma route sur ses épaules puis, subrepticement, je les dénude, fais glisser la chemise dans le dessein affiché de commencer à le dévêtir.  

 

« Kaori », murmure Mick tout à la surprise de ma nouvelle audace, mais assurément hébété de plaisir.  

 

Pourtant, il relève les bras et condamne ma manœuvre. Voilà la chemise qui recouvre de nouveau les épaules que j’ai à peine pu empaumer. Mes mains se retrouvent emprisonnées au-dessus de ma tête et je devine les représailles qui vont suivre, délicieuses, mais ô combien frustrantes.  

 

Les minutes s’écoulent. Exquises et précieuses. J’ai abandonné toute idée de mutinerie et me contente pour le moment de savourer les fantaisies merveilleuses dont Mick a le secret, des mises en bouches qui m’ouvrent l’appétit. Et bon sang, j’ai une faim d’ogre ! Mon amoureux aussi semble atteint de gourmandise aigüe. Ses dents redoutables croquent ma gorge, grignotent mes hanches. Au bout de mes tout petits seins, s'insinuent, pointues et dodues, deux noisettes, crac! Il les mange.  

 

Je deviens la femme chocolat…  

 

Mon pull est remonté jusqu’à mon cou et l’Ange blond me dévore, me suce, m’aspire. Je le contemple, fascinée, téter goulument mes seins ; l’incarnadin de sa langue fusionne avec la framboise de mon mamelon et lorsque ce dernier échappe à la torture succulente des lèvres talentueuses, il est boursoufflé, gonflé de désir, enduit de salive, comme sculpté par les forces auxquelles il a été soumis dans l’antre de velours. Des vagissements irrépressibles envahissent l’univers sonore, je rée comme une biche, je n’ai pas honte de m’exprimer aussi clairement, le spectacle est d’un érotisme hypnotisant et mes yeux se régalent tout autant que mes tétons. La vache ! C’est quoi cette folie qui prend possession de mon ventre ?  

 

De mes bras nouvellement libérés, je serre très fort la tête de mon tortionnaire contre ma poitrine et me cambre sous ses baisers. Mon intimité se noie, réclame l’attention qu’il ne semble pas enclin à lui accorder.  

 

Par une habile contorsion, j’oblige Mick à reposer entièrement sur moi, à abandonner sa tétée et à reprendre possession de ma bouche. Il pèse sur tout mon corps, de tout son poids. J’adore ! J’étouffe, suffoque. Et je profite de son léger abandon pour me frotter doucement contre lui, contre la jambe qu’il a perdue entre les miennes. Il grogne tandis qu’il prend conscience de mon manège.  

 

Pourtant, les réticences qui depuis des semaines empêchent la concrétisation de mon désir émergent doucement en lui, je les pressens. Une distance qui n’est pour le moment qu’intellectuelle m’éloigne de son corps âprement convoité et mes bras se crispent dans son dos pour endiguer sa fuite. C’est peine perdue, je le sais. Déjà, Mick prend de la hauteur et me contemple d’un air résigné.  

 

Abandonnée à son regard, le visage certainement convulsé d’envie et de frustration, de quoi ai-je l’air ? Les seins exhibés, leur pointe encore luisante, il me semble être une proie suffisamment désirable pour le chasseur qui me fait face.  

 

« Tu les aimes mes seins ? » , je demande de ma voix doucereuse, caressant négligemment leurs contours.  

 

Un hoquet s’est invité dans son souffle, tout comme un léger sourire étire ses lèvres. Je prends peu de risque, j’en ai conscience ; et plus encore lorsque nos regards s’étreignent intimement et que ses yeux murmurent les mots que je souhaite entendre. Les fameux mots bleus de la légende. Je n’ose imaginer quelle réponse tu pourrais m’opposer si un jour une telle question t’échouait. Tu me fustigerais d’une tirade bien sentie ! Me clouerais au pilori des nénés inconsistants !  

 

« Oui », murmure-t-il gravement, m’arrachant à ma coupable digression mentale.  

 

« Et ils t’excitent mes seins ? », je m’enhardis avec effronterie.  

 

Mais point de réponse attendue, je me suis relevée sur un coude et lance une main contre son érection pour cueillir concrètement l’effet que j’induis.  

 

« Visiblement oui, ils t’excitent. », je confirme avec bien moins de témérité, impressionnée par le sexe durci que je flatte du plat de la main.  

 

Mick me laisse faire. Il m’observe sans ciller, semble réfléchir.  

 

Ma caresse est-elle agréable ? Ou suis-je complètement à côté de la plaque ? Un doute s’installe, mes joues s’enflamment alors que je poursuis bêtement ma manœuvre, espérant que mon inexpérience ne me desservira pas trop. Mes doigts s’écartent pour mieux câliner l’objet retranché derrière le tissu et je mesure l’ampleur de l’organe. Une nouvelle vague s’écrase dans mon ventre et m’oblige à gémir.  

 

« Emmène-moi dans ta chambre Mick ! supplié-je en relevant le regard vers lui. Emmène-moi…  

 

— Kaori, riposte-t-il en secouant la tête et en posant une main sur la mienne, stoppant son ballet entêté. Je ne veux pas.  

 

— Moi je veux ! m’insurgé-je avec entrain. Oublie tes scrupules !  

 

— Ce ne sont pas des scrupules, nie-t-il sans véhémence, je ne veux pas avoir l’impression de te voler quelque chose, est-ce que tu comprends ?  

 

— Moi, je veux ! je revendique avec force, tu ne me voleras rien, je te donne tout ! »  

 

Je me suis levée d’un bond, je l’attrape par la main et l’entraîne à ma suite vers sa chambre. Mon cerveau est en ébullition, fantasme et réalité se brouillent. Mick, certainement touché par ma dernière réplique, me suit docilement jusqu’à la porte entrebâillée. Parvenue devant la pièce nocturne, je fais une pause. J’entraperçois le lit impeccablement fait, je reconnais le petit côté maniaque et méticuleux de notre meilleur ami ; j’en suis émue, troublée. Je ne peux m’empêcher de faire le parallèle avec ta chambre continuellement bordellée Ryô ! Mais, très vite, je t’expulse de mes pensées, il n’y a plus de place pour toi en moi aujourd’hui. Ma décision est prise. Irrévocable. Mes yeux divaguent sur la couette multicolore qui recouvre le lit. Une pointe de jalousie sème le trouble dans ma conscience, je pensais pourtant en avoir terminé avec l’histoire d’amour qui m’a précédée dans le cœur de mon américain, mais des images de luxure, de contorsions de corps dans ce même lit, m’assaillent et m’indisposent. Je pousse la porte précautionneusement et pénètre l’antre intime. Se faisant, j’ai l’impression de marquer mon nouveau territoire, je chasse les fantômes qui hantent ma conscience et mon cœur. Kazue. Toi. Je me retourne vivement pour inviter Mick à me rejoindre et me heurte à ses réticences. Encore et toujours. Mais il n’est plus l’heure de tergiverser, la clairvoyance m’emplit tout entière désormais. Le discernement. La détermination. L’acceptation. Appelons cela comme on veut. Un affranchissement certainement. Le dilemme s’est envolé, Ryô…  

 

Lentement, avec toute la délicatesse dont je suis capable, je me suis approchée de lui. J’ai posé ma main sur sa joue et ai prononcé les mots que tu retenais encore dans ma gorge.  

 

« Je ne viens pas vers toi par dépit, Mick. »  

 

Un éclair dans le ciel bleu de son regard. Sa main se pose sur la mienne, chaude et confiante.  

 

« Moi aussi je t’aime. »  

 

Ses doigts se sont brusquement crispés sur les miens, en simultanéité de ma déclaration et ses sourcils se sont froncés.  

 

« Dis-le encore ! exige-t-il avec presque violence, me broyant la main.  

 

— Je t’aime !  

 

— Encore !  

 

— Je t’aime… »  

 

Mick a défait notre étreinte trop douce, m’enserre avec ferveur et m’invite à sauter dans ses bras. Je m’exécute en psalmodiant des « je t’aime » à tout va. La parole libérée m’ôte d’un poids que je réalise seulement lorsqu’il s’évanouit. Était-ce si simple ? Mais des mains conquérantes se sont immiscées sous mon pull et reprennent possession de mon ventre, coupant court à ma réflexion.  

 

Le lit m’accueille à bras ouvert. Je glousse tandis qu’on me dévête avec empressement. Nulle pudeur. Nulle hésitation. Nulle résistance. Mes doigts œuvrent en miroir des siens et je découvre, toute émoustillée, les secrets de son anatomie dans le même temps que mes trésors se dévoilent.  

Nous cédons vite… À nos envies, à nos extravagances, à nos ardeurs… nous faisons l’amour… j’ai fait l’amour… Bon sang, j’ai fait l’amour !  

 

Je n’avais pas imaginé comme ça. Enfin, si ! Je savais le protocole. Je n’avais juste pas imaginé comme douceur et animalité pouvaient à ce point fusionner. Mick m’a prise ! Il a été prévenant, il a baisé mon corps sans omettre la moindre parcelle. C’était étourdissant, je dois reconnaître. Ses lèvres, mon Dieu… ses lèvres et sa langue sont les instruments de torture les plus délicats qui soient, mais ô combien efficaces. L’extase m’a saisie, brutalement. Elle a explosé en moi, noyant mes chairs, distordant mes organes. J’ai crié son nom tandis que j’atteignais les cimes inconnues de l’orgasme que l’on offre. Pourtant, la communion des corps et des cœurs déborde ces charmants préliminaires, dont j’ai raffolé et auxquels je me suis adonnée sur le corps masculin avec enthousiasme et inventivité. Un autre rituel m’attendait. Plus sauvage. Bestial. Sous l’écrin velouteux de mon épiderme, je fus écartelée, transpercée et j’ai saigné. Et j’ai aimé !  

 

J'ai eu mal tout à coup. C'est à peine, c'est très léger. C'est le battement du cœur déplacé là, dans la plaie vive et fraîche qu'il m'a faite, lui, celui qui me parle, celui qui a fait la jouissance de l'après-midi.  

 

Qu’en est-il de toi ? Toi, que j’avais toujours projeté dans le rôle de mon premier amant. Toi, dont je fantasmais les caresses, imaginais les talents. La débâcle est amère en ce qui concerne mes anciennes amours. Anciennes amours ! J’ai envie de crier tout autant que de pleurer. Mes rêves te concernant ont trop longtemps bercé mes espérances. Douces chimères dont je me suis affranchie vaillamment, avec panache il me semble. Eut-il fallu sacrifier chevelure, beauté et jeunesse, sans l’ombre d’une hésitation je l’eus fait ! Mais il n’y a pas de désolation Ryô. Je ne suis pas dévastée, ni même chagrinée. C’est un autre que toi qui a su cueillir la fleur qui ne demandait qu’à s’épanouir. La passion reste en suspens dans le monde, prête à traverser les gens qui veulent bien se laisser traverser par elle.  

 

Je retourne donc, dès qu’il m’est possible, dès que tu m’en laisses l’occasion, auprès de mon amant ; celui qui donne la jouissance qui fait crier.  

 

Un jour que nous sommes nus, étendus l’un contre l’autre dans le confort de sa couche, abandonnés à la contemplation de l’autre, j’ai le vif désir de lui déclamer l’espoir fou qu’il a mis en branle en moi. Dehors, la pluie bat contre les fenêtres, le ciel est lourd de pleurs et déverse ses émotions sur nous. Les éléments se déchaînent mais sont impuissants contre la chambre où nous nous sommes réfugiés. Il faudra d’autres moyens pour nous atteindre, prendre plus de risques.  

Seuls au monde, voilà la délicieuse impression qui m’emporte tandis que mes doigts divaguent mollement sur son torse.  

 

« J’ai retrouvé de vieux disques de mon père dans une armoire de l’appartement… Hide les gardait précieusement, ils faisaient partie de son trésor d’enfance comme il disait. J’ai honte de le reconnaître mais j’avais oublié qu’ils existaient. Ce sont des disques que mon père aimait beaucoup.  

 

— J’imagine que ça t’a fait plaisir de les retrouver.  

 

— Oui, je confie émue.  

 

— Et tu les as écoutés ces disques, bien sûr. »  

 

Je fais signe que oui. Mick me sourit et suit avec tendresse l’arrête de mon nez. Inutile d’évoquer les larmes qui ont ravagé mes joues à l’écoute des musiques qui ont rythmé mon enfance. Il connaît mon émotivité, je sais sa perspicacité.  

 

« Alors, quel genre de musique aimait ton père ? oriente-t-il la conversation après quelques instants.  

 

— Rho la la ! Pas du bon, je dois avouer. Je me souviens qu’enfants nous râlions Hide et moi quand il nous bassinait les oreilles avec ces morceaux d’un autre âge. On trouvait ça terriblement ringard hein. Et puis il connaissait les paroles par cœur, c’était terrible de subir sa voix en plus de tout le reste. Mais aujourd’hui, en les réécoutant, je suis prise de nostalgie et je tempère mon jugement qui était quand même très sévère. C’était de la variété, c’est vrai, mais de qualité très inégale. Certains morceaux sont intemporels, d’autres semblent avoir cent ans.  

 

— Tu me feras écouter ? J’ai bien envie de découvrir les mélodies qui t’ont vu grandir.  

 

— Oui, ça me ferait plaisir… Tu sais, ajouté-je doucement, il y a une chanson qui me fait beaucoup penser à toi.  

 

— Ah oui ? interroge mon amoureux qui se relève légèrement sur ses coudes, tu piques ma curiosité là !  

 

— Je pense que j’aurais pu écrire moi-même les paroles avec toi comme unique inspiration. »  

 

J’interromps mon discours en ménageant le suspense, consciente de mon effet.  

 

« Hum… Intéressant, et c’est quoi cette chanson, dis-moi ?  

 

— Bah, elle est pratiquement inconnue, c’est la face B d’un 45 tours d’un artiste très en vogue il y a une vingtaine d’années.  

 

— Une face B ? répète Mick en affichant une certaine vexation. Alors, si je comprends bien, je ne suis qu’une face B pour toi ? »  

 

Me voilà légèrement décontenancée, c’est stupide, ridicule. Mais ça fait écho à tant de choses. À toi Ryô, toi que j’ai remisé comme ces vieux souvenirs ; eux au fond de ma mémoire, toi au fond de mon cœur …  

 

« Kaori, je rigole, s’empresse de me rassurer l’Ange blond qui s’est précipité vers moi, empaumant mon visage et pénétrant mon regard de l’azur de ses iris. Je me fiche d’être la face A, B, C ou D. Tu m’entends ? Je sais que tu m’aimes et je t’aime aussi ! Parle-moi de cette chanson. S’il te plaît. Parle-moi de ce que je t’inspire…  

 

— Désolée, bredouillé-je difficilement. Je ne voulais pas…  

 

— Toi et moi avons connu d’autres amours ; il en est ainsi pour l’immense majorité des amoureux tu sais ?  

 

— Oui je sais, approuvé-je en m’allongeant contre lui, reprenant ma place sur son épaule. Tu m’aimes ?  

 

— À la folie…, me rassure-t-il avec sincérité en baisant mes doigts. Alors, cette chanson ? »  

 

Je me cale contre son épaule, je ferme les yeux et m’échine à réguler mon rythme cardiaque en le calquant sur celui du vent dont les rafales claquent contre les fenêtres. Très vite, mon souffle se calme, mon esprit s’apaise. Ce que j’éprouve pour Mick est si intense qu’il me crèverait le cœur d’induire le moindre doute quant à mes sentiments ; je ne veux, entre nous, ni malentendu, ni méprise, ni amertume.  

 

« C’est une chanson qui est écrite par un homme, pour une femme, annoncé-je avec solennité. Mais à moi, elle semble parfaitement convenir à ce que tu représentes pour moi… Tout ce que tu représentes pour moi.  

 

— Vraiment ? demande-t-il en me caressant les lèvres d’un air rêveur. J’aimerais vraiment l’entendre, tu me la chantes ? »  

 

J’éclate de rire à l’écoute de sa proposition ô combien risquée. Mamamia, on voit qu’il ne m’a jamais entendue pousser la chansonnette !  

 

— Ouh lala ! je m’exclame avec mon indélicatesse habituelle, tu me quittes fissa si tu m’entends chanter, crois-moi ! Mais si tu es d’accord, je vais te la réciter. J’ai envie de te la réciter.  

 

— Comme un poème ?  

 

— Comme un poème. »  

 

Sans quitter mon repaire confortable mais en me redressant sur mon coude gauche afin de le surplomber légèrement, j’entame, impressionnée, ma récitation. Nos yeux sont entremêlés et la gravité de l’expression qu’affiche mon amoureux m’indique comme il investit déjà les confidences que je vais lui abandonner.  

 

« Je parie sur ton corps.  

Il est blond quand il dort.  

Il est doux à toucher  

Si facile à aimer. »  

 

Mes doigts, funambules arachnéens, accompagnent vaporeusement mon intime confession. Ils baguenaudent tout en légèreté sur les sentiers de son corps, se glissent, téméraires, sur ses lèvres gonflées par les récentes extravagances dont elles m’ont régalée. Puis s’aventurent plus au sud. Dessinent la courbe parfaite de son menton, escaladent la pomme d’Adam avant de plonger vers sa poitrine.  

 

« Je parie sur tes yeux.  

Ils sont bleus quand il pleut.  

J'ai besoin d'une eau pure.  

Ces yeux-là, j'en suis sûre. »  

 

Ses yeux, aux vagues envoûtantes, se promènent sur mon visage. Ils me sondent, me défient, me désarment, avec une confondante facilité. Je saisis comme ma déclaration l’interpelle, comme elle l’émeut aussi. Des constellations naissent dans les cieux sans nuage qui sont désormais mon horizon. J’assiste, bouleversée, à ces naissances célestes. Que je sois foudroyée si jamais, un jour, j’apporte la pluie ou l’orage à ce regard.  

 

Puissent tes beaux yeux ne jamais pleurer, et tes lèvres sourire sans cesse… Mon amour…  

 

« C'est ma vie que je perds  

Si je perds la partie. »  

 

Un froncement, imperceptible, vient de faire sursauter ses sourcils. Ma main a repris son ballet sur la soie de son corps et des frissons hérissent son derme après mon passage.  

 

« J'ai perdu tant de fois  

A ce drôle de jeu-là.  

A mon tour de gagner  

Je l'ai bien mérité. »  

 

Il fallait bien que tu t’invites à un moment ou à un autre dans ma chanson. Ton si séduisant visage s’impose à moi alors que ces mots sortent de ma bouche. Sous le feu des prunelles scrutatrices, je perds un peu contenance, détourne une seconde mon attention. Qu’y a-t-il à lire en moi ? Tu es toujours là, bien accroché, malgré tous mes efforts pour te déloger. Mon amour pour toi résiste malgré tout. Il est des plantes coriaces et vigoureuses, aux rhizomes traçants, comme la renouée du Japon, qui colonisent n’importe quel terrain, même le plus aride. Et le terrain dans lequel je t’ai accueilli est loin d’être aride Ryô.  

 

Mon amour pour toi, à l’image de cette plante, a envahi tout mon corps. Il s’est infiltré dans chaque interstice, dans chaque cellule, s’est arrimé profondément dans mes organes et mes chairs. L’arrachage et le déterrage sont sans effet. Je n’ai pas superposé l’image d’un autre sur les sentiments que tu m’inspirais. Non, une autre fleur, plus luxuriante, plus odorante, plus délicate, tente de se faire une place au milieu de tes rhizomes. Je l’encourage, je favorise son épanouissement. Et j’assiste, émerveillée, à la victoire de la fleur gracieuse et fragile sur la plante envahissante et toute-puissante.  

 

« Je parie tout sur toi  

Mais la mise c'est moi.  

C'est mon dernier cadeau.  

Je n'ai plus que ma peau. »  

 

Un profond soupir traverse mon homme lorsque j’aborde son ventre et que mes doigts s’aventurent sur le dessin de ses abdominaux. Plusieurs tressaillements trahissent l’effet de ma simple caresse. Je souris, éblouie par le désir masculin qui naît sous mes yeux.  

 

« C'est ma vie que je perds  

Si je perds la partie,  

C'est ma vie que je perds  

Si je perds la partie. »  

 

Mick s’est redressé, a enroulé un bras autour de mon cou.  

 

« Je ne te laisserai jamais perdre la partie Kaori, il n’y a aucun risque ! »  

 

Nos yeux se sont connectés, nos sourires se sont embrassés et je savoure l’instant précieux de la communion de nos fronts. Nous restons là, enlacés, en parfaite osmose. Mes divagations sur son ventre recommencent lentement, mes mains prenant le relais de ma langue pour achever ma déclaration. L’ange blond flatte doucement mes joues tandis que je frôle son intimité.  

 

« Allonge-toi encore, je veux pouvoir t’admirer sans réserve. », m’entends-je prononcer.  

 

Mick échoue sur le dos, cale un bras dans son cou et s’abandonne à ma vue, à mes gestes. C’est magique ! Le spectacle est d’une irradiante beauté. Je flatte, indolente, sa suprême supériorité masculine, cet appendice dont je suis dépourvue et qui attise ma convoitise démesurément. Je me contente de frotter lentement le verso sur toute sa longueur, de la naissance de ses bourses, jusqu’au frein. Son ventre tressaute délicieusement et je devine mon manège extatique. Je m’applique consciencieusement, attentive à chaque souffle, soucieuse de le satisfaire, découvrant les endroits où sa sensibilité s’exacerbe. Mes yeux sont captés par le tableau d’une crudité bouillonnante. Voilà mes sens affolés, mon sexe tiraillé par quelque envie licencieuse ! Ma main ne cesse de câliner l’objet érectile mais le contact est vaporeux, aérien, infime, et je sens une certaine frustration naître dans le ventre qui se soulève de plus en plus vigoureusement sous mes frôlements.  

 

« Branle-moi ! », intime alors mon amoureux.  

 

Je ne réfléchis pas. Je m’exécute. Docilement. J’empoigne son sexe et assène de fringants va-et-vient. Mick exulte. Ses abdominaux se contractent sous l’effet de mes caresses, ses gémissements s’amplifient, tout comme les mouvements de son bassin, qui oscille sans cesse. Je recueille méticuleusement le liquide translucide qui perle sur le bout de son sexe et l’étale sur le gland de mes doigts agiles. Ainsi lubrifié, je peux le malaxer à loisir, tantôt avec douceur, tantôt avec violence, toujours avec sensualité. Tout son corps se contorsionne désormais et je me sens éminemment puissante. Mon propre désir me donne des ailes, mon cœur pulse à cent à l’heure dans ma poitrine et je salive abondamment. Mes reins s’électrisent, les pointes de mes seins se tendent et me titillent. J’ai envie de me toucher. Diable ! J’ai envie de me toucher…  

 

Mais une main met fin à mon manège, rompt le sortilège sans toutefois briser la magie. Mes yeux remontent sur mon heureuse victime. Mick est échevelé, ses joues sont roses, ses lèvres humides et gonflées.  

 

« Suce-moi ! », réclame-t-il avec hardiesse et impudence.  

 

La déflagration est totale dans mon ventre. Trois secondes, je reste interdite, mais ma langue impose ses doléances et une faim furieuse la fait claquer. Amoureusement, je viens cueillir un baiser mouillé sur ses lèvres que je mords sans douceur, je lèche la langue qui sort à ma rencontre. Puis, je lui souris d’un air démoniaque et sulfureux. Ses traits ne s’émeuvent pas le moins du monde de mes manœuvres, ses yeux me fixent et ne parviennent pas à travestir l’impatience gourmande qui l’habite à ce moment. Je déglutis devant la fièvre de son regard, soustrait le mien en baissant les paupières et, enfin, je le régale de mon inexpérience.  

 

Toute groggy de ma récente expérience sexuelle et de la douche tiède qui m’a revigorée, je me dirige vers la porte d’entrée. Mon américain m’emboîte le pas. Il m’est si rassurant de sentir sa présence derrière moi. Mes pas sont légers, chaloupés. Un sourire ridicule s’est accroché à mes lèvres, mes joues sont échauffées, mes yeux – j’en suis sûre – ont perdu de leur ingénuité ; je les imagine sombres et d’une profondeur inédite. Qu’est-ce qui m’est arrivé ?  

 

Je me suis fait baiser. J’ai été défoncée.  

 

Ouh là, comme ces mots rebondissent en moi, éclatent, m’éclaboussent ! J’ai envie de pouffer de rire, de clamer mon bonheur, le plaisir que nous nous sommes donnés, la sauvagerie avec laquelle il m’a prise. Les positions… Diable, quelles positions !  

Alors, on peut aussi faire l’amour comme ça ?  

 

Devant la porte, je fais demi-tour, me retrouve face à l’homme qui m’accompagne sur le chemin de mon « devenir femme ». A-t-il conscience des bouleversements induits par nos sentiments, par nos ébats, par nos échanges ? M’inscrire dans une relation amoureuse est aussi une rencontre incroyable. Une rencontre avec moi-même. Je me découvre dans tous les sens du terme ; comme un oignon, il s’avère que j’ai plusieurs peaux, plusieurs saveurs. De la plus douce à la plus acide, la plus piquante. Et plusieurs pouvoirs certainement : je relève le goût, j’aromatise, je condimente, mais aussi – je le crains – je fais pleurer…  

 

Je suis rapidement enlacée quand je lui fais face. Il me gratifie d’un sourire d’ange, d’un regard confiant et passionné. Il me contemple attendri.  

 

« Hum… tu as aimé hein ? s’enquit-il, coquin.  

 

— Pas du tout, je réponds, espiègle. Je simulais. »  

 

Mais je ris grassement, discréditant ainsi la thèse que je défendais. C’est que Mick a déjà replongé dans mon cou, là où siège l’une de mes faiblesses, et me titille expertement.  

 

« Encore, encore, encore ! je baragouine gaiment, feignant l’extase suprême.  

 

— Reste-là… ce soir…, implore-t-il tandis qu’il délaisse la sensibilité de ma clavicule. »  

 

Je rouvre les yeux pour rencontrer les siens.  

 

« Je veux une nuit avec toi. Me réveiller demain dans tes bras.  

 

— Mick, protesté-je en posant mes doigts désolés sur sa bouche. Pas encore. Sois patient.  

 

— Je n’ai pas envie d’être patient, j’ai envie d’être exigeant. »  

 

Nous nous observons calmement, à quelques centimètres l’un de l’autre. La tension sexuelle s’est envolée ; une autre, désagréable et orageuse, s’est installée entre nous. Le ton de Mick s’est largement refroidi mais il n’est pas agressif. Pas encore.  

 

« Arrête d’être naïve au point de croire que Ryô n’a toujours rien compris de ce qui se passe entre toi et moi ? Kaori, nous avons abordé tant de fois le sujet !... Là, tu vas rentrer chez vous, les joues rougies, les cheveux dégoulinants de la douche qui, tu le penses, a effacé les traces de l’amour qu’on s’est fait. Tu as les yeux qui brillent ! Tout ce que tu es trahit ce que tu as fait cet après-midi. Et lui, il ne voit rien ? Ne devine rien ? Tu lui racontes quoi quand il te demande d’où tu viens ? D’une partie de scrabble chez des amies ?  

 

— Je ne lui dis rien car il ne demande rien ! j’assène avec froideur.  

 

— Et ça, c’est normal ?  

 

— Peut-être qu’il ne veut pas voir !  

 

— Tsss, me siffle-t-il, acerbe, se détournant de moi. Comme toi tu ne veux pas voir qu’il sait tout !  

 

— Vous sortez bien le soir tous les deux, riposté-je, est-ce qu’il te demande quoi que ce soit à toi ?  

 

— Non, il ne me demande rien, mais il existe bel et bien une tension entre lui et moi, je peux te l’assurer, et je ne comprends pas pourquoi nous persistons dans notre mascarade de sorties nocturnes, c’est ridicule ! Alors, cette tension est-elle de son fait ? du mien ? je l’ignore. Par contre, je ne suis pas dupe, je connais son regard Kaori. Ryô est mon meilleur ami et je sais qu’il n’attend qu’une seule chose : qu’on lui parle. Qu’on lui parle !  

 

— Il est trop tôt, bredouillé-je.  

 

— Ce que tu dis n’a pas de sens ! »  

 

Mick s’est éloigné de moi et s’est posté derrière la fenêtre, comme il le fait chaque fois que nous t’évoquons, se refuse évidemment à croiser mon regard.  

 

Ne crois pas Ryô que je suis aveugle à mes contradictions, à mes dénégations. Je perds juste toute raison dès qu’il s’agit de toi. Trop trouble, trop ambiguë, trop essentielle est notre relation.  

 

« Je te propose juste de passer la nuit ici, avec moi. Demain, je te raccompagne et nous disons tout à Ryô.  

 

— C’est pas possible…, j’avoue avec une certaine gêne. J’ai peur qu’il m’en veuille, qu’il me chasse, qu’il ne veuille plus entendre parler de moi. »  

 

Mick penche sa tête vers moi, pose ses prunelles d’un bleu plus profond que l’océan sur ma silhouette impressionnée et déclame avec solennité.  

 

« Ce n’est pas ce qu’il fera, crois-moi. »  

 

Après quelques instants de flottement que je peine à analyser, il chemine vers moi, se repositionne en vis-à-vis et sa main droite se saisit doucement de ma mâchoire, nos yeux fusionnent.  

 

« Est-ce que tu m’aimes ? questionne-t-il abruptement.  

 

— À la folie. »  

 

Est-ce de soulagement qu’il souffle longuement sans me quitter des yeux ? Ou désespère-t-il d’être amoureux de moi avec la même intensité que celle qu’il m’inspire ?  

 

« Tu as tout le temps qu’il te faut. », conclut-il.  

 

Mick dépose un minuscule baiser sur mes lèvres et m’offre un sourire désenchanté.  

 

« Ce soir, après tout, j’ai prévu de dîner avec Kazue. », annonce-t-il sans enchaînement.  

 

Un raidissement désagréable investit tout mon corps et je lutte pour qu’aucune grimace ne fasse de même avec ma face. Terrible est la contrariété que m’apporte cette nouvelle.  

 

« Ah ! je réagis mollement. Vous dînez ici ?  

 

— Non, nous allons au restaurant.  

 

— Et tu me demandais de rester ? Ça non plus, ça n’a pas de sens.  

 

— J’aurais évidemment annulé, se justifie-t-il dans un demi-sourire félon. »  

 

Non, je ne t’aime pas Mick Angel, je te déteste même ! Quelle est encore cette stratégie pour me mettre à genou ?  

 

« J’ignorais que vous continuiez à vous voir, j’indique distraitement.  

 

— Il est important pour moi de savoir que Kazue va bien, de rester en bons termes avec elle et j’avoue passer des moments agréables en sa compagnie. Nous sommes amis depuis longtemps et nous nous entendons très bien.  

 

— Amis ? souligné-je avec amertume. Tu n’ignores pas qu’en agissant ainsi tu entretiens son espoir de te reconquérir.  

 

— Je ne pense pas, les choses sont claires maintenant, il ne subsiste aucune ambiguïté entre nous, me répond-il avec une évidente mauvaise foi. »  

 

Je déteste l’acidité qui remonte de mon estomac et qui emplit ma bouche. Mick déblatère ses inepties sans même sourciller.  

 

« Tu es jalouse ?  

 

— Non, bien sûr que non, mens-je éhontément. Devrais-je l’être ?  

 

— Non, bien sûr que non, répète-t-il sans sourire, ses yeux sondant toujours les miens. Je suis sérieux quand je dis m’inquiéter pour elle et vouloir m’assurer qu’elle aille bien.  

 

— Et moi je suis sérieuse quand je dis que c’est une mauvaise idée d’entretenir son espoir.  

 

— Y a-t-il une si grande différence entre la manière dont je considère Kazue et celle dont tu considères Ryô ? »  

 

La question reste en suspens mais nos yeux y apportent moult réponses. Tout se mêle et s’emmêle. Notre jalousie réciproque, les non-dits, les désirs passés, secrets, assouvis et non-assouvis, les amours traversés, ceux fantasmés, ceux qui perdurent. Nos attentes, nos exigences, nos faiblesses.  

 

Je quitte son appartement avec la terrible impression de mécontenter Mick, de le frustrer, de le désillusionner. C’est que je ne parviens pas à faire autrement. Toi, tu me hantes encore et toujours. Mon cœur s’affranchit un peu plus chaque jour mais tes rhizomes sont si profondément enracinés en moi que je crains qu’il faille une éternité pour véritablement en venir à bout.  

 

 

oOo
 

 

 

Demain, dès l’aube, je partirai.  

 

Les semaines, les mois ont passé jusqu’à ce soir. Ma dépendance amoureuse au blond américain ne fait que s’amplifier, jusqu’à en devenir douloureuse. J’en crève de n’être pas contre sa peau, dans le reflet de ses yeux, dans le creux de ses paumes, et ce chaque seconde de chaque minute, de chaque heure, de chaque jour. C’est une déchirure insupportable de repousser le moment où je serai à lui entièrement, de soutenir son regard déçu et blessé lorsque j’arrive chez lui et qu’il constate qu’encore une fois j’ai échoué à simplement te dire.  

 

Demain, dès l’aube, je partirai.  

 

C’est lui ou toi. Ce choix n’a jamais été verbalisé, merci le Diable, mais il est pourtant l’ultimatum que je devine inéluctable. Je suis désolée Ryô, il en va de ma survivance. Maintenir ainsi notre situation me mènera à ma perte ; purement et simplement. Ce choix, je l’ai donc fait. Du moins dans l’absolu, je me dois d’être honnête. Je ne vivrai plus avec toi, je vais m’arracher de toi car il m’est impossible de t’arracher de moi. Tu vas me haïr peut-être, me repousser, me blesser… Quoi qu’il arrive tu me blesseras, tu ne m’épargneras pas, j’en suis convaincue. Tu me blesseras car moi aussi je vais t’infliger une blessure. Et que, contrairement à celles que tu as su encaisser depuis toujours, magistralement, celle-là tu ne parviendras pas à la panser. Elle te débordera, réclamera vengeance et châtiment. Elle exigera vengeance et châtiment. Non, tu ne m’épargneras pas !  

 

— Est-il vraiment nécessaire de me le dire alors ? réponds-tu calmement en te tournant complètement vers moi, me faisant face à l’autre bout du salon.  

 

Ton visage, malgré l’obscurité ambiante, me semble accablé. Sont-ce les ombres qui caressent tes traits, y dessinant des paysages mélancoliques, qui m’impressionnent ? Tes yeux cherchent les miens, veulent les assujettir. Tu ne tentes plus désormais de travestir tes intentions, tes états d’âme. Tu me les livres sèchement et je devine la rancœur qui t’habite. Ce triste spectacle, que tu m’offres ce soir, est une nouveauté ; jusqu’alors tu ne m’opposais que neige et brouillard. Quelle désolation ! Nous vivons ensemble, tous les deux attachés plus que tout à ce que nous sommes depuis des années et à quoi nous refusons de renoncer, obstinément, et pourtant, tout ceci n’est plus. La joie, la folie, notre légèreté, nos faux-semblants. Plus rien ne subsiste. Quoi alors ? Qu’y a-t-il à sauver ? Pourquoi m’accrocher ? Pourquoi t’accrocher ?  

Pourquoi t’approcher ?  

Cette approche qui me tétanise. Tu te diriges vers moi, résolu, mais d’un pas exagérément lent, sans quitter mes yeux que tu as finalement réussi à hameçonner. Je me tends, je m’efforce de ne pas fuir, de ne pas tourner les talons et grimper les escaliers pour t’échapper.  

 

Que veux-tu ? Que sais-tu exactement Ryô ? Que sais-tu des affres de mon cœur ? De ces heures que je passe loin de toi, loin de nous, dans les bras de ton meilleur ami. De cet amour que nous faisons, de cette folie qui nous embrase et nous unit.  

 

Pourquoi approches-tu sans ciller, armé d’une détermination effrayante, auréolé d’une aura féroce et dangereuse ? L’onyx de tes yeux glissent sur mon corps. Verticalement, de bas en haut, tu jauges mon apparence, sembles estimer mes capacités de résistance. Je me sens soudainement fragile et démunie. Instinctivement, je recule devant ton avancée, inquiète de tes intentions, mais je me refuse à baisser les yeux. Mes pieds accélèrent ma marche arrière mais se heurtent bientôt à un obstacle de taille : le mur de l’entrée. Par pur réflexe de défense, tandis que tu fonds sur moi et que je n’ai plus aucune échappatoire, du moins je n’en vois aucune, je positionne mes mains en barricade, dans l’objectif affiché d’endiguer ta progression. Mon cœur s’accélère, un cri naît dans ma gorge mais y reste prisonnier, une panique me pénètre. J’ai peur ! Que m’arrive-t-il Ryô, j’ai peur de toi ?  

 

« Tu as peur de moi ? »  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


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