Hojo Fan City

 

 

 

Data File

Rated R - Prosa

 

Autore: Ally Ashes

Beta-reader(s): Tamia62

Status: Completa

Serie: City Hunter

 

Total: 40 capitoli

Pubblicato: 25-06-03

Ultimo aggiornamento: 09-09-05

 

Commenti: 210 reviews

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ActionRomance

 

Riassunto: Ryô doit aider deux soeurs à affronter un lourd secret de famille ... Leurs noms: Sayuri Tachiki et Kaori Makimura...

 

Disclaimer: Les personnages de "Corps à Coeur" sont la propriété exclusive de Tsukasa Hojo (petit veinard). Béta lectrice: Félisoph (je te dois tout...) et Tamia62

 

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   Fanfiction :: Corps à Coeur

 

Capitolo 32 :: Chapitre 20: Petite Soeur (3ème partie)

Pubblicato: 14-07-05 - Ultimo aggiornamento: 14-07-05

Commenti: Désolée du retard pour majer, les joies du "bientôt le départ en vacances- comment ça j'ai un tas d'1,20m de boulot en retard????". Résultat: il me reste peu de temps pour fire les modifs requises et publier la petite cinquantaine de pages qui restent. Warning pour les non-shippers: la fin de la fic est écrite pour être une "nouvelle tentative de fin heureuse", à savoir plus tournée vers la relation Ryô-Kaori que vers l'action. Je place donc un panneau "Attention risque de bluette", même si je tente de ne pas sombrer dans le mélo guimauvisant. Merci de me prévenir si c'était le cas! Merci comme toujours aux revieweurs qui me réchauffent le coeur, surtout en ces moments où je dois reprendre sérieusement l'histoire pour gommer quelques faiblesses du synopsis.

 


Capitolo: 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40


 

A l’instant où les portières se refermèrent, Sayuri sentit ses muscles se relâcher ; elle était enfin à l’abri, dans ce petit habitacle, loin de la folie de la famille Gunda. Elle risqua un coup d’œil vers ses ravisseurs, menés de main de fer par Saeko, mais détourna le regard avant que l’un d’eux ne se tourne vers elle. Dehors, la nuit paraissait étonnamment calme. Rien ne laissait supposer qu’il pouvait exister un enfer sur Terre, et qu’elle venait d’en faire la rencontre.  

 

Le fil de ses pensées l’emporta vers ces quelques heures et ce fut soudain un déferlement de sensations, de bruits, d’odeurs. Incapable de se raisonner, elle fut saisie d’une crise de panique incontrôlable. Elle commença à réfléchir à haute voix, contant par bribes ce qui s’était passé, verbalisant ses peurs, sans cohérence apparente. Tout son corps se mit à trembler, parcouru de frissons intenses qui se succédaient de plus en plus rapidement. Elle qui n’avait jamais fait de crise d’asthme de sa vie se sentait oppressée, incapable de respirer à fond. Elle goba l’air en le forçant à entrer et sortir de ses poumons, sans effet. Tout s’assombrissait…  

 

Kaori se rendit immédiatement compte que quelque chose « clochait » et appela sa sœur à plusieurs reprises, en vain. Sayuri était à mille lieues de cette voiture, à présent. Elle passa à l’arrière et lui prit la main, surprise par le contact glacé.  

 

- « Ryô… Ses ongles et ses lèvres sont bleus... »  

 

Il accéléra : il avait pris d’emblée la route qui menait chez le Doc, et se félicita d’en avoir décidé ainsi. Elle était en train de faire une véritable crise de tétanie, ce qui n’était pas étonnant.  

- « Parle-lui. Essaye de la calmer en la massant, fais-lui sentir ta présence ».  

 

Kaori acquiesça et prit sa sœur dans ses bras. Elle se montra gauche tout d’abord : elle ne savait pas quoi dire, quoi faire. Sayuri était toujours la même, et pourtant… C’était la première fois qu’elle la touchait en ayant conscience du lien qui les unissait. Elle se surprit à examiner ses traits, à chercher des points communs. Sans s’en rendre compte, elle lui parla de ce qu’elles allaient faire à partir de maintenant, des lieux qu’elles allaient visiter, des secrets qu’elles allaient partager. Tout ce temps qui leur avait été volé et qu’elles allaient reprendre à ce satané destin qui avait voulu jouer avec elles.  

 

Lorsque Ryô s’arrêta enfin, Sayuri s’était un peu calmée, sans toutefois reprendre vraiment connaissance. Il ouvrit la porte pour porter la jeune femme à l’intérieur, mais Kaori la serrait si étroitement que cela lui était impossible. Il eut du mal à lui faire comprendre qu’il avait besoin d’espace, et lorsqu’elle s’écarta enfin, ce fut pour faire rapidement le tour de la voiture et pour le rejoindre aussi vite que possible. Lorsque le Doc les vit arriver, il demanda à son tour à Kaori de s’écarter pour examiner sa patiente, mais elle refusa obstinément de la quitter.  

 

Après avoir soigné les différentes blessures et enduit les doigts de la jeune femme de Biafine, il lui injecta un sédatif en adressant un petit clin d’œil à Kaori.  

 

- « Avec ça, dans quelques heures, elle sera requinquée. En tout cas physiquement. Psychiquement, ce sera de votre ressort. Mais je suppose que je ne dois pas trop m’en faire ? »  

 

Kaori lui rendit son sourire. Elle aimait bien ce vieux professeur, malgré ses assauts de lubricité qui lui faisaient immanquablement penser à Ryô dans ses pires moments. Il avait largement fait ses preuves dans les pires circonstances, et elle lui faisait une confiance absolue. A présent que Sayuri était sous sa protection, elle pouvait être tranquille. Elle attendit néanmoins que son souffle devienne calme et régulier, et alors seulement elle se résigna à quitter la chambre pour rejoindre son partenaire.  

 

Elle retrouva Ryô dans le petit salon qui leur servait régulièrement de salle d’attente. Il regardait par la fenêtre et semblait absorbé par le spectacle d’une fontaine de bambou qui marquait le temps de son oscillation régulière, à peine éclairée par le clair de lune.  

Kaori se posa dans un des fauteuils et prit une tasse de thé qui n’attendait qu’elle. La première gorgée, brûlante, réchauffa un peu son âme. Elle soupira et ferma les yeux un instant pour calmer leur brûlure. A chaque gorgée, à chaque respiration, elle pouvait sentir ses épaules s’abaisser, ses muscles noués se détendant progressivement. Ryô n’avait pas bougé, tendu, impassible. Il devait s’en vouloir d’avoir ainsi laissé Sayuri seule à l’appartement, à la merci des Gunda. A moins qu’il ne s’en veuille pour tous ces mensonges, pour tout ce qu’il lui avait infligé.  

 

Elle étudia la posture de son corps et se rendit compte que, malgré ce qui s’était passé, il pouvait encore faire naître une étincelle de désir en elle, rien qu’en étant là, immobile. En dépit de tout ce qu’elle avait pu dire ou faire, elle avait compris, au fil de son errance solitaire qui avait fini au Blue Angel, qu’elle resterait avec lui.  

 

Shinjuku était sa ville… Elle y avait ses seuls amis, son seul travail, tous ses souvenirs. Oui, elle avait à présent une sœur et elle aurait pu partir avec elle. Mais ce n’était pas son destin, elle aurait pu en jurer. City Hunter avait traversé des crises, les meilleurs et les pires moments de sa brève existence. Elle n’oublierait jamais, mais elle lui avait déjà pardonné tant de choses. Peut-être qu’avec le temps, elle y parviendrait encore.  

Le silence la mit soudain mal à l’aise, et elle choisit de le rompre par la première phrase qui lui passa par la tête.  

 

- « Je regrette presque de l’avoir manqué ».  

- « Il s’en est fallu de peu. De trop peu à mon goût. Je ne t’ai jamais vu viser aussi efficacement. La balle suivante était pour sa tête, n’est-ce pas ? Qu’est-ce qui t’a pris ? »  

 

Il s’était retourné et ce qu’elle vit la laissa sans voix : ses traits étaient sérieux et durs, une expression qui ne lui avait jamais été réservée jusqu’ici.  

 

- « Tu sais bien que je n’aurais jamais tué ce type, malgré tout ce qu’il a fait ! J’aurais juste voulu le blesser, qu’il ne puisse plus jamais faire de mal à un être humain. Je ne suis pas… »  

- « Je ne veux plus jamais te voir tenir une arme de cette manière, tu m’as bien comprise ? Pour intimider passe encore, mais là… Je ne veux plus jamais te voir animée de cette froide intention de tuer ou même de blesser quelqu’un. Fin de la discussion. »  

 

Il se détourna, glacial, et se dirigea à nouveau vers la baie vitrée. Il essaya de se calmer en fixant son attention sur les lumières de la ville qu’il apercevait au loin, mais à tout instant l’image d’une jeune femme de 26 ans en position de tir apparaissait devant ses yeux.  

 

Derrière lui, Kaori mit un moment avant de comprendre qu’il ne plaisantait pas. Pourtant elle avait fait ça pour leur survie, à tous ! Comment pouvait-il l’écarter ainsi et la traiter comme une gamine écervelée, alors qu’elle avait largement fait ses preuves cette nuit ? Choquée par son comportement, elle n’eut qu’un désir : tenter de le convaincre, de lui faire comprendre qu’elle pouvait dorénavant le seconder dans cette équipe qui devait continuer à être la leur.  

 

- « Je suis ta partenaire ! Ce mot te rappelle vaguement quelque chose ? Depuis des semaines je m’entraîne à tirer pour pouvoir être digne de toi, pour pouvoir t’aider en cas de coup dur ! C’est ce que j’ai fait dans ce hangar : je les ai retrouvés ! Je me suis fait avoir par Daichi, c’est vrai, mais j’ai fait des progrès et tu ne peux pas le nier. Tu me reproches quoi au fait ? De m’être améliorée ou de ne pas m’être assez améliorée ? »  

 

Il ne répondit pas, apparemment hermétique à tous ces mots. Il savait bien qu’elle avait raison, il l’avait toujours su, mais cela ne rendait pas les choses plus faciles pour lui. Comment se résoudre à voir quelqu’un de proche devenir un professionnel ? Surtout elle…  

 

Dans le reflet de la vitre, Ryô observa à la dérobée sa partenaire. Avec son jean élimé et son pull empruntés au Doc, elle ne faisait pas son âge. A vrai dire, elle avait tout d’une enfant à cet instant : le chagrin de lisait sur son visage et il pouvait deviner à l’éclat trop brillant de ses yeux la venue des larmes. Il ne supportait pas de la voir pleurer, et pourtant il l’avait rendue triste si souvent. Etrange paradoxe. Un de plus dans sa vie.  

 

- « Ryô… Dis quelque chose, je t’en prie ! »  

 

Pour Kaori, ce silence était pire que tout. Elle ne parvenait pas à comprendre ce qui avait bien pu le mettre dans une telle colère : elle avait seulement voulu faire son job, après tout !  

 

- « Ryô… »  

 

Elle s’approcha de lui à pas lents. Elle voulait seulement qu’il la regarde, elle voulait qu’il lui explique ce qu’elle avait fait de mal… Elle voulait comprendre. Elle tendit la main presque jusqu’à le toucher mais s’arrêta au dernier instant : la réaction de Ryô était tellement inhabituelle qu’elle ne savait plus quoi faire.  

 

Il s’était tendu en voyant son geste dans la vitre, se préparant à sentir la chaleur de sa paume sur sa peau. Et puis elle s’était figée… Une pointe de frustration l’agaça et s’ajouta au sentiment de trahison. Il désirait à présent qu’elle le touche, il désirait sentir sa peau, sa présence, sentir que c’était bien SA partenaire qui était là, et non une inconnue capable de tuer de sang froid.  

 

Kaori s’apprêtait à renoncer, à partir, lorsque tout à coup une main saisit son poignet. Elle ne reconnut pas le visage furieux qui lui faisait face.  

 

- « Tu n’as rien compris alors ? Est-ce qu’il t’est même arrivé une seule fois de réfléchir ces six dernières années ? Pourquoi penses-tu que tu es toujours là à mes côtés malgré tout ce qui a pu arriver ? Parce que je l’ai promis à Makimura ? Tu penses vraiment que je risquerais à chaque instant ta vie et la mienne simplement pour une promesse ? Bon sang, il m’a demandé de te protéger, et le meilleur moyen aurait été de t’envoyer à l’autre bout du pays, plutôt que de te garder ici ! »  

 

Paniquée, elle voulut partir mais l’étau qui lui enserrait le bras ne lui permettait pas de faire le moindre geste. Les yeux écarquillés, elle subit chaque mot qu’il prononçait, de plus en plus fort, de plus en plus violemment.  

 

- « Tu crois que je n’ai pas pensé cent fois, mille fois, à te pousser à reprendre une vie normale, comme avant ? Il aurait suffit de te foutre à la porte ! Bon sang je vis depuis six ans avec la peur de te perdre à force de vouloir te garder avec moi ! Seulement voilà, la peur vaut mieux que la solitude ! J’ai voulu que tu restes avec moi parce que je ne vivrais pas sans toi. Sans TOI ! Ce n’est pas d’une partenaire dont j’ai besoin, mais de toi ! Tu es la seule parcelle de ma vie qui ne soit pas dédiée à la mort ! Et maintenant tu veux tuer toi aussi ? »  

 

Il avait fini par lâcher son poignet et l’avait saisie par les épaules. Il la secouait à présent, en proie à une rage amplifiée par la crainte de voir s’éteindre cette flamme d’innocence qu’il aimait tant chez Kaori. Extérieur, il lui semblait que quelqu’un d’autre avait pris possession de lui et parlait par sa bouche, un homme qui avait trop longtemps prétendu vivre sans attaches, et que la réalité avait finalement rattrapé.  

 

Soudain il vit la frayeur dans les yeux de Kaori, celle qu’il reconnaissait habituellement dans ceux de ses ennemis. Elle avait peur de lui. Surpris, il relâcha un instant son étreinte et elle en profita pour se dégager. Elle resta pourtant devant lui, plantée en terre, et la panique céda la place à la colère. Elle se sentait le droit de hurler à son tour, de laisser s’exprimer celle qui vivait au quotidien avec l’angoisse de voir son homme mourir et se taisait depuis longtemps.  

 

- « Je ne veux pas tuer ! Je ne voudrais jamais tuer, jamais ! Je veux seulement être capable de te défendre ! Tu as jusqu’ici accepté que j’aie une arme, tu sais très bien que j’aurais pu atteindre quelqu’un un jour, même par accident ! »  

- « C’est justement pour cette raison que j’avais trafiqué ton arme, et que j’ai toujours été là pour t’empêcher de l’utiliser au maximum ! »  

- « Je peux tirer pour faire peur, pour blesser, crétin ! J’apprends les armes dans ce seul et unique but, pas pour tuer ! »  

 

- « Parce que tu crois qu’il est plus facile de vivre avec l’idée qu’on a infligé la souffrance ? Qu’on a blessé quelqu’un à vie ? Qu’on l’a marqué à vie, comme Falcon ? Tu crois pouvoir vivre avec ça ? Moi j’ai appris à surmonter la honte et le dégoût de soi, j’ai mis des années pour ça, tu penses pouvoir le faire ? Je ne veux pas d’une nettoyeuse ! J’aurais pu demander à Mary, à Sonia, à n’importe quelle femme rompue à l’usage des armes de vivre avec moi ! Mais je ne veux pas d’une tueuse, je te veux toi ! »  

 

Les derniers mots de Ryô résonnaient dans la pièce. Kaori tentait d’intégrer tout ce qu’il avait dit : la peur, la honte, l’amour. Un cocktail qui courait à chaque seconde dans les veines de l’homme qu’elle aimait, sans qu’il le montre. Elle s’était souvent demandée comment Ryô supportait au jour le jour le fait de côtoyer la violence. Elle avait la réponse à présent : il ne vivait pas avec ça, il vivait malgré ça.  

 

Ils étaient encore tendus, prêts à riposter à la moindre attaque, les oreilles bourdonnantes et la gorge irritée d’avoir trop crié. La lutte les avait fatigués nerveusement, mais surtout les avait laissés nus l’un en face de l’autre, sans armure, le cœur à vif. Une voix, presque un murmure, brisa le silence :  

 

- « Ce n’est pas ce que je voulais. Je… »  

 

Kaori avait pris son courage à deux mains pour lui expliquer, pour entamer le dialogue après la guerre, mais elle s’était arrêtée : qu’avait-elle voulu au juste ? Devenir son alter ego ? L’autre moitié de City Hunter ? Elle l’était pourtant déjà, il le lui avait dit à plusieurs reprises… Faire ses preuves ? Oui, sans doute. Prouver qu’elle pouvait être aussi forte que les femmes qui avaient croisé sa vie.  

 

- « Je voulais seulement que tu me regardes comme une femme digne de toi » finit-elle en baissant la tête.  

 

Elle déglutit péniblement, essayant d’oublier la boule qui se formait dans sa gorge. Elle n’avait qu’une envie : se rouler en boule sous un duvet, pleurer, et oublier. Les marques que les mains de Ryô avaient laissées sur sa peau lui faisaient mal, elle avait peut-être ruiné pour toujours sa relation avec cet homme… Elle lui adressa une prière muette : « Je t’en prie, parle-moi… »  

 

- « Mais tu l’as toujours été… »  

 

Les mots de Ryô l’avaient touchée, mais il restait une ombre à écarter définitivement. Prenant son courage à deux mains, elle décida de passer un autre cap.  

 

- « Je ne veux plus n’être que la petite sœur de Makimura. »  

 

C’était au tour de Ryô de lutter pour avaler sa salive. L’allusion était claire, mais suffisamment voilée pour qu’il puisse décider de s’en jouer d’une pirouette.  

 

Kaori avait porté sa main à son poignet pour le masser. Des marques rosées avaient fait leur apparition. Elle croisa son regard et eut un sourire : « Ce n’est rien, c’est bien que tu te sois souvenu que je ne suis pas en porcelaine, tu sais ».  

 

Il ne disait plus un mot. Il restait là, adossé à la vitre, les bras le long du corps, fixant le poignet de la jeune femme comme s’il pouvait effacer les traces. Kaori sentait instinctivement que pour une des rares fois de son existence, il baissait les bras et refusait d’agir. Une lucidité toute nouvelle s’empara d’elle, comme si tout lui apparaissait avec plus de clarté, jusqu’à la lumière artificielle qui paraissait plus vive, les sons qui lui parvenaient avec une parfaite netteté.  

 

Elle lisait dans ses attitudes, dans son cœur : il avait peur d’un monde qu’il connaissait si mal.  

 

Elle sut à cet instant que c’était à elle de prendre la décision dont dépendrait leur avenir. Le temps sembla s’attarder un peu afin que chaque geste soit parfait. Lorsque Ryô releva la tête, inquiet de son silence, leurs yeux se rencontrèrent et ne se quittèrent plus. Le cœur battant à tout rompre, elle fit enfin un premier pas vers lui, comme on se jette à l’eau. L’inquiétude se mua en surprise dans les yeux gris de Ryô.  

 

Un autre pas, deux, et elle s’arrêta. Il ne restait plus que deux mètres à faire pour être dans ses bras, mais Kaori tenait à ce que lui aussi brûle ses vaisseaux. Elle avait pour une fois la maîtrise de la situation et n’aurait gâché ce petit plaisir pour rien au monde.  

 

Moins de cinq secondes s’écoulèrent avant qu’il se décide à faire un pas à son tour. Il prit la main de Kaori dans la sienne et l’attira doucement. Ils regardèrent un long moment leurs doigts entremêlés, ne sachant trop comment passer au prochain stade. Ils avaient tous deux pensé ce moment des dizaines, des centaines de fois, mais à présent tout semblait si difficile. Comme deux enfants maladroits, ils se cherchèrent des yeux et se sourirent, mal à l’aise. Et puis l’instinct prit le pas sur leurs hésitations. Ryô caressa la joue de Kaori, son pouce suivant le contour de sa bouche. Sa douceur lui parut une invitation. Centimètre après centimètre, ils parcoururent l’espace jusqu’à ce que leurs lèvres se frôlent.  

 

Ce premier contact les surprit tous les deux. Ils hésitèrent un peu, pour mieux se rapprocher l’instant suivant. Soudain Ryô la repoussa gentiment mais fermement. Elle ouvrit la bouche pour protester, mais fut interrompue par l’arrivée de Saeko, qui entra dans la pièce en coup de vent, sans frapper et sans saluer.  

 

- « Comment va Sayuri ? Vous n’avez pas eu de problèmes depuis votre arrivée ? »  

 

Avant de répondre, Ryô adressa un clin d’œil discret à Kaori, qui en fut rassurée. Non, ce geste n’avait pas pour but de lui signifier qu’il faisait encore une fois marche arrière et qu’ils ne seraient jamais que des amis, mais simplement de sauvegarder ce petit secret de la curiosité légendaire de Saeko Nogami.  

 

- « Aucun problème. Sayuri se repose, et aux dires du Doc elle va se remettre rapidement. Il lui faudra juste être très entourée, mais je pense que ça ne devrait pas être trop difficile. » ajouta-t-il avec un air mystérieux.  

- « Attention, toi ! Ne touche pas à ma sœur ! »  

 

Kaori avait déjà brandi une massue gravée de la même maxime. Ryô leva les mains et tenta de la persuader qu’elle avait mal compris.  

 

- « Suffit ! On a peut-être une complication à gérer : Daichi Gunda a disparu. »  

- « Quoi ? Mais ce n’est pas possible, on vous a laissé avec ces trois salopards ficelés comme des saucissons, attendant sagement que tes collègues viennent les cueillir ! »  

- « Je sais. J’ai fait venir trois voitures, pour qu’ils ne puissent pas communiquer. A l’arrivée il n’y en avait plus que deux : celle de Daichi a fait un tour dans le port. Je viens de recevoir un appel : on a retrouvé la voiture, mais il n’y avait que deux corps, ceux des policiers. »  

- « Ah bravo ! On ne peut vraiment rien confier à la flicaille ! »  

- « Ryô, tu pourrais avoir un peu de respect pour ces deux hommes qui se sont fait égorger. C’était une vraie boucherie, ils n’ont même pas eu le temps de prévenir par radio. »  

 

Saeko était manifestement bouleversée et totalement inapte à goûter les plaisanteries de son ami. Celui-ci reprit son sérieux, peu habitué à un tel manque d’humour de sa part.  

 

- « Quelque chose te chagrine ? Je veux dire en dehors de cette disparition fort déplaisante ? » demanda-t-il.  

- « Non, rien d’important. Compte tenu de ce qui s’est passé, autant prendre vos précautions : il est peut-être mort, mais tant qu’on n’aura pas retrouvé son cadavre, mieux vaut rester prudents. »  

- « Promis… Si tu veux je peux te protéger ! Je suis le meilleur garde du corps de tout Tokyo ! Je te ferai un prix ! Vingt coups ! » susurra l’étalon de Shinjuku tandis que ses doigts étaient irrésistiblement attirés par la jupe fendue de la jeune femme. Malheureusement pour lui, un talon aiguille jaillit dans son champ visuel et l’arrêta net dans sa progression.  

- « Merci de ton aide, mais je suis une grande fille. Veillez bien sur Sayuri… J’ai demandé à quelques hommes de surveiller les alentours, alors ne t’inquiète pas si tu vois des voitures suspectes. Je vous laisse, j’étais sur la route du commissariat et j’y retourne pour interroger les deux Gunda qui nous restent. Je vous tiendrai au courant. »  

 

Sur un dernier signe de la main, Saeko fit volte face. Son passage éclair laissa une impression bizarre à Ryô : il la connaissait suffisamment pour savoir qu’elle leur cachait quelque chose. Restait à espérer qu’il n’y ait rien de grave. A force de vouloir faire ses preuves, elle avait parfois tendance à agir un peu trop en solitaire, ce qui risquait un beau jour de lui jouer un mauvais tour. Il se promit d’en discuter avec elle un peu plus tard, mais pour le moment, il avait mieux à faire.  

 

Il se tourna vers Kaori, qui venait de s’affaler dans un des fauteuils. La nouvelle l’avait cueillie au pire moment, alors qu’elle avait baissé sa garde tant professionnellement qu’émotionnellement. Elle se massait les tempes, les yeux dans le vide, songeuse. Ryô en fut surpris : elle se montrait étonnamment calme, presque résignée. Il s’approcha et s’accroupit devant elle, la forçant à le regarder.  

 

- « Ça va ? »  

- « Demande-moi ça demain. Pour le moment, j’ai un peu de mal à tout assimiler. J’ai l’impression que ce n’est pas fini et que le pire reste à venir, quoique je ne voie pas très bien ce qui pourrait l’être ! Que je sois vraiment la sœur de ce malade, peut-être ? »  

 

Ryô se prit à sourire malgré lui, ce qui fut instantanément mal interprété.  

 

- « Quoi, qu’est-ce qui te fait rire ? Ça n’a rien de particulièrement drôle, que je sache ! »  

- « Excuse-moi, c’est juste que tout à coup, j’ai revu Sayuri en train de me tenir sensiblement le même discours il y a seulement quelques heures ! »  

- « Il faut croire qu’on a des points communs, finalement. D’après toi ? »  

- « Quoi ? »  

- « Est-ce qu’on se ressemble, est-ce qu’on a des traits de famille ? J’ai du mal à m’y faire et à prendre suffisamment de recul pour me forger ma propre idée. Ces derniers temps tu as été assez souvent avec elle… Et je comprends à présent pourquoi ! Tu as dû déjà te poser la question, non ? Alors ? »  

 

Il la regarda un instant avec un sérieux qu’elle interpréta comme la manifestation d’une intense réflexion. Si elle avait su qu’en réalité il était en train de se demander ce que sa partenaire pouvait bien vouloir entendre, et quel type de réponse pouvait lui éviter un coup de massue, elle en aurait été quitte pour une descente au trente-sixième dessous de la déception. S’attendait-elle à ce qu’il lui dise qu’elles étaient incontestablement différentes, auquel cas elle risquait de comprendre « Sayuri est féminine, toi non », ou bien qu’elles avaient indubitablement des points communs (son crâne s’en souvenait encore), ce qui risquait de le mettre en difficulté dès qu’elle commencerait à en savoir plus. Adroitement, il opta pour une solution intermédiaire et botta en touche.  

 

- « Je crois que vous avez des ressemblances, mais qu’il vous reste encore du chemin à faire pour apprendre à être deux sœurs. Vous êtes deux femmes à part, avec votre passé, vos expériences, vos vies, qui sont aux antipodes l’une de l’autre. Donne-toi le temps de la découvrir. »  

 

La jeune femme pencha la tête et pesa ses mots. Lorsqu’elle acquiesça, il soupira de soulagement. Rassurée, elle bailla et s’enfonça un peu plus profondément dans le fauteuil, les yeux papillonnants. Elle tendit une main timide à son partenaire : elle avait besoin d’être rassurée, d’être certaine que ce qui s’était passé dans cette pièce n’était pas un rêve, mais elle était paralysée à l’idée d’en parler. Seules des phrases banales lui venaient à l’esprit, qui ne correspondait en rien à l’idée qu’elle se faisait d’un rapprochement un tant soit peu romantique. L’interruption de Saeko l’avait laissée dépitée et inquiète : encore une fois le sort s’échinait à lui mener la vie dure et à lui reprendre Ryô dès qu’il faisait preuve de tendresse à son égard. Allait-il se défiler ? Se renfermer une nouvelle fois ? Elle espérait de tout cœur qu’il n’en serait rien : elle ignorait si elle aurait la force de le supporter une nouvelle fois.  

 

Elle resta ainsi, la paume offerte en signe de paix, en signe d’attente, le temps d’une éternité. Et puis il se décida, et captura ses doigts entre ses deux mains jointes. Il posa ses lèvres au creux de son poignet, là où la peau est si douce, et sentit le sang courir de plus en plus vite.  

 

Kaori n’en demandait pas plus. Ni paroles, ni embrassades qui auraient gâché la fragilité de cet instant. Tout cela était nouveau pour elle, et elle avait envie de prendre le temps de goûter chaque seconde. Elle voulait simplement être sûre que demain, en se réveillant, elle n’aurait pas à se demander s’il s’agissait uniquement d’un rêve. Alors enfin elle s’autorisa à fermer les yeux.  

 

Il s’apprêta à la laisser s’endormir tranquillement, mais il avait lui aussi une question à poser, qui le tourmenterait tant qu’il n’aurait pas d’explication.  

 

- « Kaori ? Ne m’en veux pas de ramener ça sur le tapis, mais j’ai besoin de savoir… Dans le hangar, quand tu étais entre les mains de Daichi, il t’a murmuré quelque chose. Tu peux ne pas me répondre si tu ne le souhaites pas, mais… Que t’a-t-il dit ? »  

 

Elle le fixa, les paupières un peu lourdes, et durant quelques secondes il crut pouvoir lire ses pensées, suivre leur cheminement. Finalement, d’une voix si basse qu’il dut se pencher pour l’entendre, elle le lui avoua.  

 

- « Il m’a parlé de ma mère et de son père, en des termes que je ne préfère pas te répéter… Il a ajouté qu’ils avaient été amants pendant des mois avant qu’elle change d’avis et veuille rompre pour regagner la confiance de son époux. Que Tatsuro Gunda avait un temps pensé que j’étais sa fille, et que lors de mon enlèvement, il avait fait faire une prise de sang pour en être sûr. »  

- « Et ? »  

- « Ce n’est pas le sang d’un assassin qui coule dans mes veines. »  

 

Ryô fut frappé par l’expression de son regard comme elle prononçait ces mots : en quelques heures elle avait gagné une profondeur et une gravité qu’il ne lui avait jamais connues. Et puis un sourire éclaira son visage et elle redevint elle-même, pétillante. Elle ne put retenir un bâillement et se recroquevilla comme un chat. Avec tendresse, Ryô lui murmura « Dors, à présent. »  

 

Elle ferma les yeux et bientôt sa respiration se fit calme et régulière. Lorsqu’il fut certain qu’elle était profondément endormie, Ryô lui caressa les cheveux et effleura sa joue d’une caresse. Lui aussi sentait la fatigue le gagner. Il s’étira et sortit de la pièce à pas de loup pour aller dérober une ou deux couvertures, et faire un tour de guet, juste au cas ou.  

 

Cette nuit, il avait une famille à défendre, et il ne laisserait personne approcher.  

 

 


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