Hojo Fan City

 

 

 

Data File

Rated R - Prosa

 

Autore: Ally Ashes

Beta-reader(s): Tamia62

Status: Completa

Serie: City Hunter

 

Total: 40 capitoli

Pubblicato: 25-06-03

Ultimo aggiornamento: 09-09-05

 

Commenti: 210 reviews

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ActionRomance

 

Riassunto: Ryô doit aider deux soeurs à affronter un lourd secret de famille ... Leurs noms: Sayuri Tachiki et Kaori Makimura...

 

Disclaimer: Les personnages de "Corps à Coeur" sont la propriété exclusive de Tsukasa Hojo (petit veinard). Béta lectrice: Félisoph (je te dois tout...) et Tamia62

 

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   Fanfiction :: Corps à Coeur

 

Capitolo 38 :: Chapitre 23: L'union des solitudes

Pubblicato: 01-09-05 - Ultimo aggiornamento: 01-09-05

Commenti: Warning, warning: ça y est, on arrive au bout. Courage, encore un chapitre et cette longue histoire sera terminée. Je me donne encore quelques jours avant de le publier, non pas par sadisme, mais parce que finir cette aventure me laisse un goût doux-amer, un peu comme laisser partir un enfant. J'espère combler vos attentes... Bonne lecture !

 


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Le moteur ronronnait doucement, berçant Sayuri malgré elle. Pour ne pas s’endormir et risquer d’être happée par un cauchemar, elle regarda la ville défiler derrière la vitre de la voiture. Une mère qui grondait son enfant, un couple d’amoureux, des dizaines de personnes qui passaient sans sourire, les yeux fixés sur Dieu-sait-quoi, une femme appyée à un balcon… Toutes ces personnes pouvaient voir la mini rouge passer, et personne ne s’en souciait. Les êtres vivaient ensemble et séparément, leurs vies ne se croisant jamais, comme autant de fils tirés dans un espace infini. Sayuri aimait l’impression de vertige qu’elle ressentait immanquablement dans ces moments-là, lorsqu’elle se rendait compte qu’elle n’était qu’une petite poussière dans le temps et l’espace. Cela lui rappelait qu’elle n’était pas le centre du monde et l’aidait à relativiser.  

 

Sur le chemin qui les ramenait à l’appartement, ils s’étaient arrêtés dans une échoppe acheter un repas tout fait, Kaori n’ayant aucune envie de s’atteler à la cuisine après tout ce qui s’était passé. Sayuri s’était rapidement rendu compte que tenir des baguettes lui était impossible, et elle avait dû se rabattre sur une soupe, qu’elle avait mangée à même le bol en se servant uniquement de ses paumes, avec le maximum de discrétion pour ne pas trop attirer l’attention. Elle s’était sentie extrêmement mal à l’aise et avait eu l’impression tout au long du repas que les regards étaient tournés vers elle. Elle avait du mal à attirer la pitié, fut-ce celle de sa sœur. Le Doc avait estimé sa récupération physique à une bonne semaine…  

 

« Sept jours, soit quatorze repas de soupe, et un café le matin ? Eh bien moi qui comptais faire un régime ! ».  

 

Tandis que ses pensées vagabondaient, les silhouettes défilaient, anonymes, devant ses yeux. Soudain un homme aux cheveux longs qui marchait le long du trottoir, dos à elle, attira son attention et elle se raidit.  

 

« Daichi ? »  

 

Un vent de panique la saisit et son corps se mit à trembler. La voiture dépassa l’homme et Sayri se tordit sur son siège pour voir son visage. Une vingtaine d’années, lunettes, dents proéminentes… rien à voir avec son bourreau.  

 

Elle expira lentement pour essayer de faire disparaître la boule qui s’était formée et qui l’empêchait de respirer, et se redressa sur son siège. Elle croisa le regard interrogatif de Kaori et s’excusa avec un petit sourire.  

- « J’ai cru voir une personne que je connaissais. »  

 

Kaori accepta l’explication sans broncher. Elle n’eut d’ailleurs pas le temps de se poser davantage de questions, Ryô s’étant mis à jurer comme un charetier : un camion de déménagement était stationné devant l’entrée de leur garage. Il attendit quelques instants, bien décidé à les faire déguerpir, mais personne ne se montra. Ils devaient être dans les étages. N’ayant aucune envie d’attendre trop longtemps, il se résolut à se garer dans la rue, pestant contre le manque de civisme de ses concitoyens.  

 

Sayui les laissa discuter sans réagir, et garda la tête baissée jusqu’à ce que la voiture s’arrête, afin de ne pas avoir encore un nouveau coup au cœur en croyant reconnaître un fantôme. Elle s’efforça de penser à autre chose, de faire la liste de ce qu’elle aurait à faire en rentrant à New-York, de dresser la liste des commissions… Mais lorsqu’elle voulut par réflexe ouvrir la portière et que ses doigts touchèrent la poignée, une vive douleur la ramena encore une fois cruellement à la réalité.  

 

Bien que peu visibles, les tortures de Daichi avaient été redoutablement efficaces. Elle ne pouvait rien faire de ses mains, dont les extrémités brûlées étaient horriblement sensibles.  

 

Kaori fit rapidement le tour et ouvrit la portière pour elle, attentive au moindre besoin de sa sœur. Celle-ci l’en remercia d’un sourire contrit : elle ne supportait pas d’être dépendante et de devoir demander de l’aide en permanence. Cela avait toujours été ainsi : elle ne voulait pas gêner, par fierté ou par timidité, quitte parfois de se mettre dans des situations impossibles.  

 

Elle s’extirpa tant bien que mal du véhicule en serrant les dents, blême : elle parvenait à oublier la souffrance grâce aux médicaments, mais au moindre contact elle revenait, lancinante, pendant plusieurs interminables minutes. Elle commençait à haïr cette douleur qui la ramenait sans cesse dans ce hangar. A chaque fois, tout lui revenait dans un flash : le visage de ses bourreaux, leurs paroles, toutes ces sensations emmagasinées pendant les quelques heures qu’avait duré son calvaire. Daichi était là, quelque part, il les surveillait peut-être.  

 

S’arrêtant net à cette pensée, elle regarda tout autour d’elle, s’attendant presque à le voir. Elle sentait sa présence, son souffle, son odeur. Et pourtant il n’y avait personne. Le Doc l’avait prévenue : elle risquait d’avoir ce genre de réactions pendant quelques temps, que ce soit dans la rue ou chez elle, de jour comme de nuit. Elle aurait sans doute tendance à vérifier des dizaines de fois la fermeture des portes et des fenêtres, elle ne supporterait sans doute plus de voir des scènes violentes à la télévision, et aurait à jamais le cœur qui bat à pleine vitesse lorsque quelqu’un la surprendrait par derrière. Il lui faudrait s’y habituer et réapprendre à vivre. Cela commençait aujourd’hui.  

 

Elle se força à reprendre le contrôle de ses nerfs et se dirigea, bien droite, vers la porte d’entrée. Kaori l’y précéda à nouveau, s’effaçant pour la laisser passer. Après être resté un instant immobile, appuyé contre la voiture, Ryô ferma la marche, le sac sur l’épaule, pestant qu’on ne l’y reprendrait plus à vouloir être gentil. Kaori l’invita à passer avec une petite révérence comique, et en profita pour le railler encore une fois.  

 

- « Que veux-tu mon cher Ryô, un bienfait reste rarement impuni. Et puis, je te signale que si, effectivement, c’était adorable de ta part de penser à nous ramener des vêtements, tu n’étais pas obligé de dévaliser les tiroirs de Sayuri ! Alors ne t’en prends qu’à toi ! »  

- « Mégère ! »  

 

En rémunération de ce piètre qualificatif, Kaori passa devant lui et lui aurait claqué la porte au nez si ledit appendice n’avait empêché l’huis de se refermer ! Elle ne fit pas attention au cri de douleur de son partenaire et rattrapa Sayuri dans l’escalier. Ryô accourut à leur suite avec la ferme intention de ne pas perdre cette bataille, mais ce fut une toute autre perspective qui s’offrit à lui : les deux jeunes femmes montaient tranquillement l’escalier devant lui, et il se rendit compte qu’il savait pertinemment ce qu’elles portaient… dessous compris. Comme s’il était doté d’une vision aux rayons X, leurs vêtements s’effacèrent, et il les vit évoluer en sous-vêtements sous ses yeux. Son chromosome de la perversion tenta une seconde de faire surface, mais il se reprit immédiatement, du mieux qu’il le pouvait.  

 

- « Elles sont de la famille, bon sang, c’est pas la peine de pointer la tête ! » maugréa-t-il.  

- « Tu disais ? »  

- « Rien ! Rien du tout ! »  

 

« Kaori est ta partenaire, un garçon manqué, sans formes, sans attrait, aucun intérêt… Et Sayuri est de la famille… De SA famille ! » se corrigea-t-il. « Un et un : deux, deux et deux : quatre, quatre jolies jambes… RAH ! »  

 

Il n’y avait rien à faire. Il avait beau penser à autre chose ou se mordre la joue au sang, ses pensées revenaient invariablement vers le même thème. C’était comme se retrouver dans le harem d’un Sultan avec un cimeterre au-dessus d’une certaine partie de son anatomie. Ce n’était pas la première fois qu’il devait subir une telle crise : il gardait un souvenir ému de cette petite séance d’entraînement au mannequinat avec Kaori et Eriko, son amie créatrice de mode, toutes deux en maillot de bain échancré au beau milieu du salon. Ça avait été pour lui un grand moment de solitude !  

 

Et pendant ce temps, elles ne se doutaient de rien et roulaient des hanches avec candeur en prenant leur temps. Une interminable montée vers les Enfers.  

 

« Vous, là-haut, qui que vous soyez, arrêtez de jouer avec mes nerfs, par pitié ! »  

 

 

**********************
 

 

Dehors, un homme regarda la porte se refermer en silence. Elle était toujours aussi belle, malgré ses cernes, malgré cette nouvelle expression grave dans son regard. Elle avait bien grandi depuis leur dernière rencontre. C’était à présent un petit chat sauvage, qui l’avait griffé lorsqu’il avait baissé sa garde… Il ne lui en voulait pas, au contraire : il ne l’en aimait que plus. L’apprivoiser serait long, mais il y parviendrait. Après l’avoir punie, bien sûr.  

 

Daichi avait eu le temps de réfléchir pendant la nuit. Sa première intention avait été de les supprimer, tous, puis il s’était ravisé : sans elle sur Terre, sa vie serait trop vide. Et puis tuer comme ça, sous le coup de la colère, ça ne lui convenait pas. Kaori méritait mieux que ça. Il l’avait cru morte, et à présent qu’elle lui était revenue, il n’allait plus lui permettre de s’enfuir.  

 

Il allait d’abord les surveiller, jouer un peu au chat et à la souris… La traque était toujours le meilleur moment. Ensuite, quand leurs nerfs seraient à vifs, il les pousserait à faire une erreur. Surtout lui. Il le tuerait en premier, sous ses yeux, pour qu’elle comprenne à qui elle appartenait. Et puis après, il s’occuperait d’elle. Tendrement, fermement.  

 

- « Vole, petit papillon, vole. Profites-en. Bientôt tu seras à moi. J’épinglerai tes ailes pour que tu ne puisses plus t’enfuir… »  

 

Un sourire aux lèvres, il traversa la rue. Il caressa la poignée de la portière, là où il avait vu Kaori poser la main. Il pouvait presque sentir sa chaleur…  

 

Il ne fallait pas trop tarder, il y avait encore tant à faire. Il huma une dernière fois l’air, à la recherche de son parfum, puis disparut dans la ville.  

 

La seule trace de son passage était une allumette calcinée, déposée au pied de l’immeuble, juste devant la porte.  

 

**********************
 

 

Le pauvre Ryô dut se résoudre à gravir les derniers étages les yeux rivés sur les marches, et n’osa même pas relever la tête ni poser son sac, seule protection qu’il avait pu trouver, dans les premières secondes de leur arrivée.  

 

Retrouver leur appartement en désordre, tel qu’il avait été laissé par les ravisseurs de Sayuri, fut un brutal retour à la réalité pour tous les trois. Sayuri ne put tenir bien longtemps et détourna le regard, au bord des larmes. Kaori endossa à nouveau le rôle de la grande sœur, et la poussa vers l’étage avec une bonne humeur qui sonnait faux.  

 

- « Allez hop, toi tu montes, tu prends un bon bain, et tu fais une sieste. Je vais t’aider. »  

 

- « Merci, là-haut » souffla Ryô lorsqu’elles eurent disparu.  

 

Il lâcha le sac, et fit un tour rapide afin de vérifier que le troupeau de mammouths qui était passé par là n’en avait pas profité pour laisser un ou deux micros, ce qu’il n’avait pas pris le temps de contrôler jusque là. Rien à signaler : ils s’étaient contentés de kidnapper Sayuri, pensant sans doute que personne ne sortirait vivant de la bataille.  

 

Il commença à ramasser les objets disséminés alentour en maudissant les auteurs à haute voix :  

- « Non mais on n’a pas idée ! L’amour du métier se perd. De mon temps, on apprenait à faire les choses proprement, sans faire trop de dégâts ! »  

- « Tu oublies qu’ils étaient là pour enlever ma sœur, et qu’elle ne s’est pas laissée faire. »  

 

Ryô se mordit la lèvre et se retourna vivement : non seulement il ne l’avait pas entendue arriver (ce qui devenait une mauvaise habitude) mais elle avait légitimement le droit d’être furieuse contre lui après ce genre de réflexion.  

- « Pardon. Je… »  

- « Tu ne le pensais pas, je le sais bien. Excuse-moi, revoir tout ça m’a un peu mis les nerfs à fleur de peau moi aussi. Ça m’a replongé vingt-quatre heures en arrière. »  

 

Vingt-quatre heures ? Où étaient-ils à ce moment là ? Il jeta un coup d’œil à l’horloge murale : il était bientôt quinze heures. Hier, ils étaient réunis dans cette même pièce, les filles faisaient une partie de go… Kazue allait appeler…  

 

Kaori avait suivi ses pensées : il s’était tourné vers le damier, dont les pions jonchaient le sol, puis vers le téléphone. Elle aussi avait fait le même cheminement, mais en se focalisant sur le fait qu’il s’agissait là du dernier moment de paix qu’ils avaient partagé, avant le plus violent échange verbal et physique de leurs six années de collaboration.  

Et puis il y avait eu ce baiser…  

 

Elle sentit la chaleur gagner ses joues et se détourna bien vite pour ramasser les pions, avant de se maudire intérieurement : elle ne parvenait pas à se départir de ces réactions de midinette qui la conduisaient à fuir ses sentiments, à nouveau. A vrai dire, ils étaient en train d’en faire autant tous les deux, se dit-elle en voyant Ryô se plonger dans le rangement de la pièce au lieu de s’avachir dans le canapé comme à son habitude. Tout sonnait faux en cet instant. Las du silence pesant, Ryô s’était mis à siffloter un air à la mode, mais changea brusquement de mélodie en se rendant compte qu’il s’agissait d’une chanson parlant un peu trop de sentiments pour être judicieuse. Il avait jeté un coup d’œil inquiet vers sa partenaire, mais celle-ci n’y avait manifestement pas prêté attention.  

 

Leur gêne était manifeste au point d’en devenir grotesque. Ils évitaient les regards directs et les contacts physiques, vaquant à des occupations qui auraient largement pu attendre. Le ridicule de leur comportement finit par les frapper tous deux. Il fallait parler ou partir pour se sortir de cette impasse.  

 

Kaori soupira bruyamment, s’arrêta de retaper les coussins, et resta debout, appuyée au dos du canapé, les yeux fixés sur ses chaussons. La sentant immobile, Ryô arrêta lui aussi la comédie, et s’assit sur la table, située à une distance plus que respectueuse.  

Il chercha une phrase passe-partout, un sujet de conversation susceptible de détendre un peu l’atmosphère, mais ne parvint qu’à prononcer un pénible et pitoyable « ça fait longtemps qu’on n’a pas eu de pause café ». Il grimaça et, devant la pauvreté de sa tentative, s’attendit à subir les foudres de sa partenaire.  

 

Kaori quant à elle repensait au courage de sa sœur, qui avait su affronter les tortures et la peur pour reprendre sa vie en main, et se sentait minable de ne pas en faire autant. Elle essaya d’oublier sa panique à l’idée d’être rejetée par cet homme qui était à la fois son meilleur ami, son partenaire, et son protecteur, et prononça les mots qui la taraudaient.  

 

- « Et maintenant ? »  

 

Ryô avala péniblement sa salive. Voilà le moment qu’il redoutait le plus, celui sur lequel il n’avait aucune prise, faute de l’avoir déjà vécu. Commencer une relation, il savait le faire. Partir comme un voleur, pareil. Mais affronter la réalité, voilà qui était beaucoup plus nouveau et infiniment plus effrayant.  

 

- « Et maintenant ? » répéta Kaori. « On fait quoi ? On fait comment ? Tu veux quoi ? J’ai l’impression que tu regrettes ce qui s’est passé chez le Doc. »  

- « Non ! Pas du tout ! »  

 

Les mots avaient précédé sa pensée. Pourtant il avait l’occasion rêvée de lui expliquer qu’il se voyait mal entamer une petite vie de couple tranquille, qu’il valait peut-être mieux en rester là… Mettre encore ça sous le coup du stress, de l’instinct de survie, ou de n’importe quoi d’autre. Continuer sur ce status quo d’une lâcheté infinie.  

 

- « Alors quoi ? On va rester comme ça, ne pas oser se regarder pendant quelques jours, puis faire comme si rien ne s’était passé ? Comme la dernière fois ? Dis-le-moi si c’est ça, parce que dans ce cas, je préfère partir tout de suite. »  

 

Partir ? De la pièce ou de sa vie ? Envisageait-elle vraiment, après ces six années, de revenir à la vie normale ? C’était ce pourquoi il avait milité depuis le premier jour… Alors pourquoi se sentait-il si malheureux, tout d’un coup ?  

 

- « Ryô, parle, je t’en supplie ! Je sais très bien que tu n’es pas indifférent. Je n’ai pas envie d’être la seule qui se jette à l’eau et pourtant j’ai la désagréable impression d’être la seule à prendre des risques, depuis un moment. »  

 

Il ne pouvait pas lui donner tort : elle avait pris l’initiative de façon systématique ces derniers temps, et il l’avait laissé faire, en partie par lâcheté, et en partie par plaisir égoïste. Quel homme aurait refusé de voir une femme lui faire la cour ? Pourtant il était temps d’arrêter ce petit jeu dangereux, qui les amènerait nécessairement à leur perte.  

 

- « Ecoute, je veux tout mettre à plat maintenant, parce que je sais que si on laisse passer ne serait-ce qu’une journée, je ne trouverai plus le courage de parler comme je le fait. Et puis après avoir laissé les autres décider de ma vie pendant tant de temps, j’ai vraiment envie… non, j’ai besoin de tenir les rênes, pour une fois. Dis-moi oui ou non, mais réponds. S’il te plaît. »  

 

Ryô aquiesça en silence et changea un peu de position, s’attendant à une longue conversation. Bien droit, calme, il la regarda dans les yeux et essaya de mettre le maximum de conviction dans ses termes.  

 

- « Je suis la seule personne qui te rattache à ce milieu, il est temps que tu… »  

- « Ah non ! Pas encore ce vieux discours éculé, je croyais qu’on en avait fait le tour ! Ce milieu, comme tu dis, c’est aussi le mien. J’y ai mes amis, ma vie, et mes habitudes. Et puis c’est le seul travail que je sache faire. Tu me vois me recycler dans la vie active ? Ah il va être beau mon C.V. : « Expériences : combattre un cartel, défendre la veuve et l’orphelin, endiguer la libido d’un partenaire quasi-priapique ». « Qualités : Bonne maîtrise des pièges de tout type, pratique courante du tir. Désamorçage de bombe : niveau scolaire ». On va remettre ça sur le tapis encore une fois ? ».  

 

Ryô leva les mains au ciel, étonné par tant de virulence.  

 

- « D’accord, d’accord, tu as gagné. Mais c’est pas possible d’être aussi soupe au lait ! Comment veux-tu qu’un… »  

- « Et ne viens pas me faire le coup du garçon manqué dont personne ne voudra jamais. Ça aussi, j’en ai soupé ! J’y ai même cru ! Mais sans vouloir te vexer j’ai un scoop pour toi : on a largement dépassé ce stade ! »  

 

Il avala sa salive : il avait brusquement l’impression que les rôles avaient été inversés. Elle tenait les rênes de leur relation, et lui devait suivre ou partir. Quand diable Kaori était-elle devenue cette femme maîtresse d’elle-même ? Où était la jeune fille innocente qui paniquait au moindre regard un peu appuyé ?  

 

- « Parle, s’il te plaît ! »  

 

C’était tout ce qu’il avait fallu. En quelques mots ses grandes résolutions s’étaient effondrées. Tout comme si, soudain, quelqu’un se trouvait à côté de lui et le poussait en avant en lui soufflant de faire confiance à son instinct en oubliant tout le reste. En une fraction de seconde, le cœur prit le pas sur les doutes et les craintes, et il brûla ses vaisseaux, se lançant dans une des batailles les plus importantes de sa vie.  

 

- « Kaori, crois-moi, il n’y a rien au monde que j’aimerais plus que de pouvoir vivre tranquillement et de commencer à construire quelque chose avec toi. Mais je sais que c’est le commencement de la fin. »  

- « Alors on va devoir renoncer à quelque chose de beau simplement parce que tu as peur d’une relation et de son cortège de doutes ? Tu préfères qu’on reste dans ce rapport ambigu ? »  

- « Je ne pensais pas aux affres de l’amour communes à tous les couples. Je te parle du fait de devenir une cible simplement parce qu’on est heureux et qu’on veut vivre comme tout le monde, partager un coucher de soleil comme tout le monde, se promener dans la rue comme tout le monde. J’ai déjà baissé ma garde plusieurs fois quand tu étais en danger, parce que tu étais plus qu’une simple partenaire dont je pouvais risquer la vie sans remords. On a eu de la chance, mais si on va plus loin… »  

- « Comme tu viens très justement de l’observer, le danger est notre quotidien. La grande différence aujourd’hui, c’est que je fais mon maximum pour ne plus être un poids mort. J’ai bien conscience que ce n’est pas encore tout à fait ça, mais donne–moi le temps de faire mes preuves. A deux on est plus fort, Ryô. »  

 

Elle ne lâcherait donc jamais ? Il avait l’impression de discuter avec un mur en béton. Il était incapable de l’ébranler. Il fallait pourtant qu’elle comprenne qu’elle ne pourrait jamais être « sa femme » au sens conventionnel.  

 

- « Je parie que tu songes à l’exemple de Miki et Falcon. On est différents, Kaori. »  

- « Alors on trouvera une autre façon de gérer le quotidien. »  

 

« Bon sang, comment te le faire comprendre ? » Ryô, acculé, foudroya la jeune femme du regard. Il était furieux, sans savoir bien si cette rage était tournée contre elle, contre lui, ou tout simplement contre le monde entier. Il la vit un instant pâlir et hésiter, sans doute effrayée par la violence qu’il ne prenait même pas la peine de cacher, puis elle se reprit et accepta l’affrontement.  

 

- « Pas la peine de me regarder comme ça : je ne suis pas un ennemi, bien au contraire. »  

- « Tu n’y comprends rien. Tu ne le peux pas. »  

- « Oh ça va, je n’ai plus douze ans ! J’en ai assez que tu me maintiennes à distance histoire de pouvoir profiter de ta petite vie de célibataire. Annonce clairement ce que tu veux, c’est tout ce que je te demande : dis-moi si je dois rester ou partir, voilà tout ! »  

- « Ce n’est pas si simple. »  

- « Tu crois que ça l’est pour moi ? Je suis en train de te livrer ce que je ressens, et tu n’imagines même pas à quel point ça me coûte ! Tu pourrais avoir au moins l’honnêteté de me dire ce que tu penses vraiment ! »  

 

Il ne répondit pas. Il n’aurait pu que répéter encore et encore qu’il ne pouvait pas, que rien n’était simple dans sa vie… Devant son inertie, Kaori fronça les sourcils, entre incrédulité et dégoût, et se détourna. Par réflexe, Ryô parla, pour la retenir, pour ne plus voir cette expression sur son visage. Il entendit sa propre voix prononcer des mots nés du plus profond de son âme.  

 

- « J’ai peur de te perdre. »  

 

 


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