Hojo Fan City

 

 

 

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Rated G - Prosa

 

Autore: A. Dust

Beta-reader(s): Cristinampm

Status: Completa

Serie: City Hunter

 

Total: 1 capitolo

Pubblicato: 04-03-22

Ultimo aggiornamento: 04-03-22

 

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Songfic

 

Riassunto: "Dream On ... ": ôde à Ma Fille.

 

Disclaimer: Les personnages de "Continue de rêver" sont la propriété exclusive de Tsukasa Hojo. Les paroles de la chanson "Dream on" appartiennent à Steven Tyler

 

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   Fanfiction :: "Continue de rêver"

 

Capitolo 1 :: "Dream On ... ": ôde à Ma Fille.

Pubblicato: 04-03-22 - Ultimo aggiornamento: 04-03-22

Commenti: Bonjour tout le monde !
Je vous propose un peu de douceur dans ce monde qui devient fou ... et de vous laissez bercer par cette l'une des plus belles balades des années 70 ... Ouais, je vous ai encore pêché une chanson de vieux ^^ : Dream On d'Aerosmith. (https://www.youtube.com/watch?v=89dGC8de0CA) à mettre à fond les ballons.
Cette fic est un petit clin d'œil à Romane (merci pour l'idée) et à Elane (merci de m'avoir jeté le sort des song-fic ^^), et bien sûr, merci à Cristina pour ses remarques pertinentes.

Bonne lecture et à bientôt pour les rendez-vous du vendredi ;-)

 


Capitolo: 1


 

Il est à peine huit heures. La cérémonie aura lieu dans deux bonnes heures et pourtant, je suis déjà prêt. Je me suis inspecté à maintes reprises dans le miroir de la salle de bain à la maison avant de partir. Je sais que mon rasage est impeccable. Ma coupe de cheveux aussi. Tout comme mon uniforme.  

 

Et maintenant que la voiture officielle m'a déposé pour la dernière fois au travail, c'est dans le miroir de mon bureau, celui qui est accroché derrière la porte de mon petit cabinet de toilette attenant, que je fais encore une inspection. Je sais que ça ne sera pas la dernière. Après tout, il me reste plus de deux heures entières à tuer.  

 

Every time that I look in the mirror.  

Chaque fois que je me regarde dans la glace.  

All these lines on my face getting clearer.  

Tous ces traits de mon visage deviennent plus marqués.  

 

Je souris à mon reflet en songeant que toi aussi, tu dois être en train de subir le même rituel. Peut-être même que tes sœurs et ta mère sont déjà arrivées pour t'aider. Peut-être bien que ta cravate bleue est aussi impeccable que la mienne, repassée trois fois par ta mère, de même que ta chemise blanche. Je te souhaite du fond du cœur que ton col n'est pas aussi amidonné que le mien. Moi, j'ai l'impression qu'il va me trancher la gorge.  

 

Je suppose que ta veste bleu foncé, tout aussi officielle et militaire que la mienne, ne porte ni un brin de poussière ni un cheveu et encore moins de pli. Je parierais ma voiture que tes boutons en laiton ont été polis trois fois par les jumelles, de même que les cinq étoiles qui parent chacune de mes épaules. Et bientôt les tiennes puisque je les accrocherai tout à l'heure à ta veste impeccable. Presque toute la famille s'est mobilisée pour me déguiser en habits d'apparat. Je souris en songeant que, pour une fois, je ne suis pas le seul à subir ce sort.  

 

Oui, déguisé, j'ai vraiment l'impression d'être déguisé aujourd'hui. Moi qui avais pris l'habitude de venir travailler en simple costume de ville depuis des années maintenant, me voilà engoncé dans cet uniforme militaire qui me gratte de partout. Mais ce n'est que pour aujourd'hui. Oui, encore juste aujourd'hui. Et ensuite, ça sera fini tout ça. Les costumes, militaires ou pas, les cravates, bleues, noires, ou rouges, les chemises immaculées, les cols amidonnés, les chaussures bien cirées ...  

 

La retraite.  

 

Oui, aujourd'hui, Monsieur le Préfet de Police de la Ville de Tokyo prend très officiellement sa retraite. Tellement officiellement que même le Ministre de la Justice fera le déplacement.  

- "Grands Dieux ... Le Ministre en personne." Murmuré-je, sentant déjà ma gorge s'assécher.  

 

J'ai beau avoir de la bouteille, je sais que ces politiques sont parfois imprévisibles. Et je suis aussi de la vieille école : les titres ronflants de la hiérarchie m'ont toujours inspiré crainte et respect. J'ai été élevé ainsi. On ne se refait pas. Je me sens à la fois infiniment honoré que cet homme se présente à ma passation de pouvoirs, de l'autre, j'ai bien envie de lui avouer que "Non, non, Monsieur le Ministre, ne vous dérangez pas pour moi, vous savez, ce n'est pas si important que ça."  

 

A vrai dire, j'ai presque hâte que tout ce tralala se termine.  

 

Je me dirige vers mon bureau.  

Vide. Rangé. Impeccable.  

 

J'ai mis toutes mes affaires dans un petit carton que je prendrai tout à l'heure pour rentrer à la maison. Après tout, je n'aurai besoin de rien aujourd'hui. Je me suis juste permis de laisser mon stylo préféré. Ce n'est pas grand chose mais j'avais envie de te laisser un petit souvenir. Pour que tu penses de temps à autre à ton vieux grincheux de père. Je le prends entre mes doigts et le fais rouler. J'en ai signé des rapports et des ordres, des notes de services et des nominations, des promotions et des suspensions, des cartes de bons vœux pour mariages, naissances ... et malheureusement beaucoup de cartes de condoléances.  

 

Oui, j'en ai fait des choses, assis à ce bureau. Le temps a passé.  

 

Je m'assieds dans mon fauteuil en cuir et me laisse aller contre le dossier. Ca me fait tout bizarre, ce calme. Je suis arrivé depuis presque une demi-heure et personne n'a cherché à me joindre, je n'ai pas de rappel pour m'inviter à consulter mes mails ... Rien. Et ce n'est pas aujourd'hui qu'on viendra me présenter une affaire épineuse, une candidature ou un rapport légiste. Non. C'est fini tout ça. Bel et bien fini. Le temps a passé. J'entends encore ta mère me lancer l'autre soir :  

- "Que veux-tu, vieux briscard ? Tu as fait ton temps !"  

 

Je souris amèrement. J'ai fait mon temps. Ou plutôt mon devoir. Parce que faire son temps, j'ai l'impression que c'est pour une vieille bagnole qui aurait trop de kilomètres au compteur. Je ne suis pas prêt pour la casse, quand même ! Enfin, j'ose espérer que non ...  

 

J'étends mes jambes sur mon bureau et soupire. Je me demande si tu auras de temps en temps besoin de moi, de mon expérience et des mes conseils. Oui, de temps en temps. Juste pour me faire croire que je ne suis pas fini. Je me répète une nouvelle fois que c'est dans l'ordre des choses, que la roue tourne et que c'est bien ainsi, que "j'ai fait mon temps", que j'ai bel et bien accompli mon devoir. Mon coeur se serre à cette pensée.  

 

The past is gone.  

Le passé a disparu.  

It went by, like dusk to dawn.  

Il a filé aussi vite que l'espace du soir au matin.  

Isn't that the way ?  

N'est ce pas ainsi ?  

 

Mais si mon cœur se serre, il me sourit en même temps. Si je sais pertinemment que les jours à venir seront d'un ennui mortel -oh, ça oui !- je reste cependant persuadé que cette fin n'en est pas vraiment une : je ne pouvais pas sortir d'une si belle façon ni confier mon bureau à une personne plus digne.  

 

Si tu m'entendais, je sais que tu sourirais de ce petit sourire en coin qui te fait tellement ressembler à ta mère et tu me dirais :  

- "Digne ? Je suis donc digne de ta confiance, Papa ?"  

 

Je hausserais les épaules en soupirant pour t'avouer :  

- "Evidemment."  

- "Tu sais pourtant que je n'ai pas les mêmes ... méthodes ... ni les mêmes façons de voir."  

 

Certes. Et je me retrouverais forcé de t'avouer que j'ai compris bien des choses au cours de ma carrière, moi qui, pétri d'idéalisme impérial, moi qui souhaitais vivre dans une société libérée de la gangrène des clans, une société qui avancerait vers la modernité, moi qui imaginais tout celà, avec, d'un côté, les méchants yakuzas, les dealers sans âme, les ignobles trafiquants et les vilains criminels tout en noir, et de l'autre, les victimes que nous, les membres des forces de l'ordre nous nous devions de protéger à tout prix ...  

 

C'est ce que j'ai tenté de faire tout au long de ma carrière au risque de souvent paraître trop dur, trop intransigeant, trop "militaire", trop vieux jeu, trop exigeant, trop ... tous les adjectifs que Yuka peut aligner sont sans doute pertinents.  

 

Mais, à la place que j'occupe, je ne suis pas autorisé à faire preuve de clémence ou de souplesse. Ça aurait été perçu comme une faiblesse. Et Monsieur le Préfet de Police de la Ville de Tokyo ne peut pas avoir de faiblesses. J'ai donc toujours fait preuve d'intransigeance.  

 

Si cela m'a très certainement éloigné de toi et surtout de Reïka, cette ligne de conduite m'a aussi permis de rester honnête et droit dans un métier qui peut vite nous entraîner vers des chemins de traverse qui sont malheureusement sans retour. J'en ai vu des agents céder à l'appel de l'argent facile, j'en ai suspendu des inspecteurs qui ne voyaient pas le mal de négocier avec des criminels pour obtenir des informations et qui se sont retrouvés ensuite à accepter de petites enveloppes pour dissimuler une preuve par-ci, perdre un dossier par là, tourner le dos pour ne feindre de ne pas voir ... pour finalement toucher le fond.  

 

Oh, oui, j'en ai vu. Je t'imagine lever un sourcil interrogateur ou souffler sur ta mèche rebelle pour dissimuler ton agacement. Je te répondrais :  

- "Ne sois pas si blasée, ma fille. Toi aussi tu verras de bons flics se perdre. Et c'est à chaque fois une indescriptible déception. L'argent, le pouvoir, la renommée ... autant de choses si difficiles à obtenir et auxquelles on peut vite devenir totalement accro si on n'y prend pas garde. Chaque flic est passé par là au moins une fois dans sa carrière. Tu n'échapperas pas à cette règle. Toi aussi, tu seras tentée ... Si n'est pas encore déjà arrivé. Résister n'est pas toujours simple."  

 

J'ai moi-même failli m'égarer de nombreuses fois. Compter le Chef de la Police parmi ses alliés est un trophée attrayant pour chaque Oyabun et chaque organisation criminelle. J'ai résisté. Je n'ai jamais cédé à une quelconque tentation. Je n'ai jamais franchi la ligne.  

 

Sauf une fois. Une fois, j'ai bien cru que j'allais me perdre.  

 

Tout avait commencé quand j'ai compris que toi et ton partenaire Makimura, vous aviez vos petites méthodes bien à vous. On n'apprend pas à un vieux singe à faire des grimaces, vois-tu. Je gardais un œil ouvert et, même si je ne décelais rien qui aurait nécessité une remise dans le droit chemin, je n'ai pû m'empêcher de réagir en Père et non en Préfet ...  

 

Nous avons eu une petite conversation discrète, cet Hideyuki Makimura et moi. Je ne sais pas s'il t'en a parlé. Je ne pense pas, sinon, tu serais venue exploser de colère et d'indignation dans mon bureau ou dans la salle à manger familiale.  

 

Il faut une grandeur d'âme hors du commun pour faire un flic intègre et c'est ce que j'ai vu en lui. Malgré son allure nonchalante qui avait eu le don de me mettre les nerfs en pelote, malgré son imperméable froissé que j'ai eu envie d'envoyer au pressing quinze fois, malgré son avarice en mots, je dois dire que j'ai découvert cette grandeur d'âme chez lui ainsi qu'un un sens de la justice inébranlable. Comme chez son défunt père avec qui j'ai eu la chance de travailler pendant quelques mois.  

 

Le lieutenant Hideyuki Makimura était ensuite sorti de mon bureau en assurant au Préfet qu'il respecterait consciencieusement les procédures tout en promettant au père que je suis de veiller à ta réputation. Point de relation privée entre partenaires. En plus d'être éthiquement discutable, cela peut s'avérer éminemment dangereux. On perd son jugement, les sentiments s'emmêlent et peuvent faire prendre de mauvaises décisions. Coéquipiers et amants sont deux choses différentes qui doivent rester définitivement séparées. J'ai été parfaitement clair avec lui ce jour-là.  

 

Je t'en demande humblement pardon, ma Fille, je n'ai pas pu m'en empêcher. Je n'ai d'ailleurs jamais réussi à savoir s'il y avait effectivement quelque chose entre vous. Si cela a été le cas, personne au poste de police n'en a jamais rien su et je ne peux qu'être reconnaissant envers Makimura.  

 

J'ai été fort surpris quand, à peine dix mois plus tard, il a franchi la porte de mon bureau pour la dernière fois. Il venait me présenter sa démission. J'ai essayé de le convaincre de rester, il faut dire que vous formiez une équipe si efficace ! Mais il était déterminé et j'ai finalement accepté sa démission, présumant que c'était pour rendre votre relation officielle.  

 

Ce ne fut pas le cas.  

 

J'ai attendu cette annonce pendant des mois. Je l'ai espéré même s'il n'avait pas tout à fait le profil du gendre idéal. Ta mère aurait très certainement préféré un beau jeune homme bien né, le fils d'un Ministre ou d'un Directeur de Banque ... d'un type qui t'aurait assuré une jolie vie tranquille et sans soucis en quelque sorte. Ce qu'Hideyuki Makimura ne t'aurait pas apporté, c'est certain ! Mais je ne pense pas qu'une vie tranquille et sans souci t'aurait rendue heureuse, je me trompe ?  

 

J'ai espéré en vain que tu franchisses un jour la porte de mon bureau, un peu hésitante, gênée ou au contraire parfaitement sûre de toi et provocante, pour venir m'annoncer que tu allais enfin te marier avec l'homme que tu aimais ...  

 

J'ai attendu ...  

 

J'ai attendu jusqu'à ce premier avril 1985.  

 

J'ai attendu jusqu'à ce jour où la nouvelle est arrivée entre mes mains de bon matin. Il était très exactement 5h52 quand un agent de service est venu toquer à ma porte pour me remettre un dossier sans dire un mot. Oui, sans dire un mot. Mais son regard m'avait signifié sans le moindre doute qu'il s'agissait d'une mauvaise nouvelle. Il était sorti rapidement, me laissant découvrir le rapport initial de l'enquête : le cadavre de l'ex-lieutenant de police Hideyuki Makimura avait été retrouvé dans le quartier de Shinjuku, criblé de balles.  

 

Je me souviendrais toute ma vie de ce qui a suivi. J'en ai eu le cœur brisé quand je t'ai convoquée ici pour te le dire tout de suite à ton arrivée. Il était 6h00 tapantes quand tu as passé le seuil de ce bureau. Je ne voulais pas que tu l'apprennes par quelqu'un d'autre. Je voulais être là pour toi ...  

 

Mais je n'ai rien trouvé à dire. Je t'ai simplement remis le dossier, sans un mot. Je t'ai regardée comme un idiot serrer les poings et les mâchoires. J'ai vu ton beau regard myosotis se voiler. Tu as baissé la tête pour me dissimuler ton émotion, droite, stoïque et digne malgré ta peine qui résonnait en écho dans ma poitrine. Je me suis approché de toi et je me souviens que tu t'es raidie de surprise quand je t'ai serrée contre moi.  

 

J'ai oublié d'être Monsieur Le Préfet de la Police de Ville de Tokyo à cet instant. J'étais redevenu ton Papa pendant les quelques minutes où tu avais eu besoin de moi. Pour la première fois depuis longtemps, je m'étais rendu compte combien ce rôle m'avait manqué.  

 

J'ai caressé quelques minutes tes cheveux et ta nuque, comme ce jour où tu avais décidé d'escalader le vieux cerisier du jardin de mon père, ce vieux cerisier étouffé par de longues ronces emplies de mûres toutes noires et juteuses qui te faisaient tant envie, tellement envie que tu étais allée trop haut et que tu n'arrivais plus à redescendre.  

 

Je me rappelle des larmes que tu avais ravalées si noblement pendant que tu suivais mes indications :  

- "Un pied sur cette branche à droite, lâche doucement ... oui, voilà ... je suis là, Saeko, ne panique pas, je suis là ..."  

 

Et quand je t'avais enfin attrapée, tu avais collé ton petit visage contre mon épaule et tu avais enfin pleuré.  

- "Mes couettes sont défaites et ma salopette est toute saaale !" Avais-tu articulé entre deux sanglots et je t'avais serrée encore plus fort contre moi.  

 

Comme ce matin du premier avril 1985 à 6h02.  

 

You got to lose to know how to win.  

Tu dois d'abord perdre pour apprendre comment gagner.  

 

Quel épouvantable gâchis, cette histoire ... J'ai été tellement en colère. Plus tard, quand tu es sortie de mon bureau après avoir essuyé tes larmes, lissé tes cheveux et ta jupe, réajusté ta veste impeccable, la tête haute, digne et fière malgré ta peine, que je me suis juré de te venger, de te rendre justice. J'ai alors ressenti une rage immense, que je ne connaissais pas.  

 

Mes pas m'ont rapidement conduit dans la rue que j'avais quittée depuis si longtemps et qui n'avait jamais été mon domaine de prédilection. J'étais devenu un spécialiste du droit et des procédures. Je n'étais plus un homme de terrain et pourtant ... J'ai interrogé les bonnes personnes, joué de mon influence et renoué avec d’anciennes connaissances.  

 

Half my life's in books' written pages.  

La moitié de ma vie passée dans les pages des livres.  

 

Et le soir même, alors que je sortais d'un bar où j'avais attendu en vain un de mes informateurs, j'ai été abordé par un homme étrange.  

- "Préfet Nogami, si je ne m'abuse ?"  

 

Je m'étais retourné mais je n'avais perçu qu'une silhouette massive et sombre vers le milieu d'une ruelle.  

- "A qui ai-je l'honneur ?" Avais-je répliqué en portant la main à mon arme.  

- "Personne. Je ne suis personne." Avait-il répondu. "Je tenais juste à vous dire que les coupables seront châtiés."  

 

Je m'étais presque senti mal. Ma main avait quitté mon holster de ceinture pour se porter à ma cravate pour la desserrer. J'avais soudain eu besoin d'air.  

- "Quels coupables ? Je ne sais pas de quoi vous parlez !"  

- "Bien sûr que si ... Je les connais et je ne les laisserai pas s'en tirer."  

- "Ce n'est pas de la justice, c'est de la vengeance." Avais-je répliqué, plus par habitude que par réelle conviction cette fois-ci.  

 

La perspective de savoir que les responsables de ton chagrin seraient punis sévèrement me remplissait d'une joie étrangement amère et ne pas avoir leur sang sur mes mains était une perspective alléchante. Je m'étais senti glisser vers une certaine folie.  

- "Appelez ça comme vous voulez. Mais ça sera plus efficace." Avait répliqué l'homme en tirant sur sa cigarette.  

 

J'avais entraperçu rapidement ses traits mais j'avais détourné les yeux. Mieux valait ne pas trop en voir, ni trop en savoir.  

- "Ils n'ont laissé aucune preuve. Vous ne pourrez rien faire." M'avait-il assuré alors que je restais muet. "Ne vous mêlez pas de ça. Retournez dans votre bureau. Il risquerait encore de vous arriver un truc."  

 

Il m'avait tourné le dos et j'avais enfin trouvé quelque chose à dire :  

- "Pourquoi ?"  

 

Il s'était arrêté et m'avait lancé sans se tourner vers moi, la tête basse, les mains enfoncées dans les poches de son pardessus :  

- "Tout comme vous, je déteste voir une femme pleurer. Et je déteste encore plus quand c'est votre fille qui pleure."  

 

Et il s'était volatilisé.  

 

Fou, j'avais eu l'impression que j'étais devenu fou. Je n'étais même pas sûr que j'avais vraiment parlé à cet homme. Etait-il seulement réel ? ou simplement la matérialisation de ma haine, de mon impuissance et d'un abus certain de saké, de whisky et autres alcools forts que j'avais mélangés durant toute la soirée ? S'il existait vraiment, je venais de commanditer un meurtre alors que j'étais sensé faire appliquer les lois, les réglements, toutes ces normes et cette discipline qui faisaient de nous des êtres évolués et auxquels j'étais profondément attaché.  

 

Cette discussion allait à l'encontre de toutes mes convictions les plus profondes et j'en avais été plus qu'ébranlé. Je ne suis pas rentré à la maison pendant plusieurs jours. Je n'avais pas le courage d'affronter le regard de ta mère et tes sœurs réunies. Moi qui me vantais d'être un homme discipliné, moi qui m'enorgueillissais de briller par mon instruction, j'avais la sensation d'être complice d'un crime horrible.  

 

Quelques jours plus tard, après avoir examiné longuement son dossier, j'avais vite remarqué qu'effectivement, nous n'avions aucune preuve tangible pour élucider le meurtre de Makimura. Et peu à peu, certaines affaires avaient atterri sur mon bureau. La plupart concernaient des attaques contre une même organisation : l'Union Teope, des salops que je cherchais à coincer depuis quelques années. J'ai réfléchi longtemps, tellement longtemps que je suis resté toute la nuit assis à mon bureau sans bouger.  

 

J'avais compris. Ça n'avait rien d'un hasard. L'homme de la ruelle existait bien et je savais ce que j'avais à faire.  

 

Je l'ai fait. J'ai classé les dossiers. Tous les dossiers. Sur chacun, un tampon : "Confidentiel. Sans suite."  

 

Et d'un coup, ma culpabilité avait disparu. Un homme s'était chargé du sale boulot et je n'allais pas poursuivre cet homme.  

 

Était-ce pure folie ?  

Peut-être ...  

Peut-être pas.  

 

Peut-être avait-il eu raison. J'aurais certainement été impuissant. Mes armes auraient été inutiles face à eux. Ils se seraient offert les meilleurs avocats du pays, s'en seraient tirés en faisant porter le chapeau à un sous-fifre et les grands dirigeants auraient continué leur petite vie dorée. Là, ils avaient payé. Et pas qu'un peu. L'organisation était démantelée pour un bon moment et ce n'était pas vraiment pour me déplaire.  

 

Oui, j'ai laissé l'Homme de l'Ombre en paix, d'abord parce qu'il a été efficace là où j'aurais très certainement failli, et ensuite parce que j'avais bien compris que cet homme te connaissait. Et qu'il connaissait Makimura. Quelque chose dans sa voix m'avait fait réaliser qu'il souffrait lui aussi.  

 

Ce jour-là, dans la pénombre de mon bureau, alors que je venais de tamponner les dossiers concernés, j'ai compris que ma droiture n'était pas infaillible et que les procédures, les textes de lois ne faisaient pas tout.  

 

Cette affaire et cette rencontre dans cette ruelle avec l'Homme de l'Ombre, comme je l'appelle, sont restées gravées en moi. J'ai appris entre-temps qu'il se fait appeler City Hunter mais, personnellement, je préfère continuer à l'appeler comme ça, l'Homme de l'Ombre. Je trouve que ça lui va beaucoup mieux ...  

 

Live and learn from fools and from sages.  

Vis et apprends auprès des fous et des sages.  

You know it's true.  

Tu sais que c'est vrai.  

 

Par la suite, si j'ai accepté de couvrir de menus larcins, ça a toujours été en échange de quelque chose de plus ... grand.  

 

J'ai réalisé qu'il faut d'abord faire tomber les têtes pensantes et, ensuite, éventuellement, le menu fretin, les petits dealers, les prostituées, les voleurs ... qui finalement, ne font que survivre comme ils peuvent dans cet Océan qu'est notre capitale. J'en ai laissé quelques-uns s'en sortir, en échange d'informations essentielles et la promesse de changer de vie. Ces cas sont restés confidentiels et assez rares, je dois dire. Et, même si j'ai accepté l'efficacité de cette méthode dans certaines circonstances particulières, ce n'est pas ce dont je suis le plus fier. On ne se refait pas, ma Grande, on ne se refait pas.  

 

Mais, au cours de ces quelques années de carrière, j'ai compris une chose essentielle grâce à toi : légal, moral et équitable ne sont pas nécessairement synonymes. Il faut sans cesse négocier entre ce qui est avouable et ce qui ne l'est pas mais sans jamais perdre de vue son objectif initial : accomplir son devoir en faisant respecter la loi.  

 

All the things come back to you,  

Chacun de tes actes te revient  

 

Je sais que tu travailles souvent avec cet Homme de l'Ombre. Êtes-vous proches ? Très proches ? J'avoue que cette perspective m'a profondément inquiété, fut un temps. C'est pour ça que j'ai tenté, en vain, de te trouver un mari que tu estimerais autant que tu estimais Makimura.  

 

J'ai été d'une maladresse monumentale, en te présentant des C.V. de policiers, mais j'ai puisé dans les seules ressources dont je disposais. C'était ça ou ta mère t'inscrivait auprès d'une conseillère matrimoniale très réputée, indécemment hors de prix et ... très snob. Tu serais entrée dans une colère noire. Le Père que je suis a opté pour le moindre mal.  

 

Je suis navré que le policier qui tenait plus que tout à mettre l'Homme de l'Ombre hors circuit ressemblait tant à ton irremplaçable partenaire. J'ai fait comme si de rien n'était car il fallait que tu en fasses autant. Il fallait que ce soit toi qui te charges de cette affaire ... Sans toi, je crains que ce lieutenant Kitao aurait bien été capable de réussir. Toi seule pouvais protéger l'homme de l'Ombre. Nous lui devions bien ça. Je lui devais bien ça. Je t'ai un peu manipulée sur cette affaire, je t'en demanderais pardon un jour si d'aventure nous venons à en parler ... mais j'aurais dû t'avouer certaines choses trop inavouables à ce moment-là.  

 

Moi aussi, j'ai bien essayé de découvrir la véritable identité de cet Homme de l'Ombre mais j'ai abandonné cette idée quand j'ai peu à peu remarqué que tu résolvais tes affaires avec toujours autant de brio. J'ai noté aussi que ses crimes devenaient de plus en plus mesurés, que sa rage avait diminué. Je ne retrouvais plus des cadavres mais des blessés, ce qui, à mon sens, change énormément de choses, non ? Peut-être es-tu parvenue à l'influencer dans le sens de la justice ?  

 

Je sursaute. On vient de toquer à ma porte.  

- "Entrez !"  

 

C'est du passé tout ça. Je ne regrette plus. Je sais aujourd'hui que j'ai bien fait de couvrir les actes de cet homme. J'ai bien compris qu'il faisait partie de tes techniques, de tes petits secrets de fonctionnement made in Nogami. Je ne saurais t'en tenir rigueur. J'ai moi même mes petits arrangements personnels. Je sais que tu es bien plus forte que moi et que ton sens de l'intégrité te guidera quoique tu fasses. Tu ne perdras pas ton objectif de vue. Tu es une bonne policière, une des meilleures. J'en suis convaincu.  

 

La porte s'ouvre lentement. Une tête coiffée d'un képi officiel et deux yeux interrogateurs passent par l'embrasure de la porte. C'est Akiko, ma secrétaire.  

- "Monsieur le Préfet Nogami, c'est l'heure."  

- "Déjà !" Je me lève d'un bond.  

 

Je vérifie ma montre. Effectivement, il ne me reste plus que deux minutes ... j'ai complètement perdu la notion du temps. Je tire nerveusement sur ma veste, ajuste ma cravate et demande à mon reflet si je suis prêt. Une dernière fois, oui, cette fois, c'est bien la dernière.  

 

Pendant ce temps, Akiko est entrée discrètement et quand je me retourne, elle me tend mon képi et je vois ses yeux briller.  

- "Non, Mademoiselle Masako, ne faites pas cela, s'il vous-plaît."  

 

Elle essuie une larme qui a quand même réussi à couler :  

- "Ça a été un honneur, Monsieur le Préfet Nogami."  

- "Ça a été un honneur, Mademoiselle Masako."  

 

Je saisis ma casquette, la plante sur mon crâne et m'en vais d'un pas assuré. Tout a été répété, je sais où je vais et ce que je dois faire. Dans les couloirs, les hommes et les femmes qui ont travaillé avec moi sont en uniforme d'apparat, au garde-à-vous, silencieux alors que je passe à côté d'eux. Je les connais tous. Je connais leurs noms, leurs grades, leurs carrières. Ce silence me donne la chair de poule. Mon estomac se recroqueville. Ma gorge se serre mais je dois tenir mon rang et ne rien laisser paraître.  

 

Quand j'arrive sur le parvis de la Préfecture, j'ai presque le vertige. Les brigades sont toutes là, regroupées, alignées. Toutes les forces de police de la Ville sont là. Une pensée traverse soudain mon esprit :  

- "J'ai donc dirigé tant d'hommes ? Incroyable ..."  

 

Tout s'enchaîne ensuite comme prévu. Je reste immobile sur mon parvis pendant que le Ministre vient me rejoindre en haut des marches suivi de près par le Représentant de la Commission Métropolitaine de la Sécurité Publique. Puis arrivent un Général de l'Armée de Terre et quelques colonels avec qui j'ai travaillé sur la lutte anti-terroriste et deux ou trois autres dignitaires dont je ne connais que le nom. Après des salutations très protocolaires et militaires, ils se placent juste derrière moi. Nous sommes prêts à t'accueillir.  

 

Ta voiture arrive, s'arrête en bas des marches. La portière s'ouvre et tu en sors. Uniforme bleu foncé impeccable, cravate repassée trois fois, boutons éblouissants et col ... très amidonné. Je songe, ne pouvant retenir un petit sourire :  

- "Je ne suis donc pas le seul Nogami à être littéralement étranglé."  

 

Le temps suspend son vol quand tu montes l'escalier central, droite comme un i, inflexible, la tête haute, le regard porté loin devant toi. Qui pourrait être plus digne que toi, Ma Grande ?  

 

Le protocole suit son cours. Je m'approche de mon pupitre et de mon micro. Je lis mon discours. Heureusement que je l'ai écrit et répété des dizaines et des dizaines de fois, car je ne fais pas réellement attention aux mots que je prononce. Mes yeux observent tous les visages, j'essaie de me souvenir de chaque regard, je sens le tien alors que tu restes à ma droite, stoïque, droite, forte et professionnelle.  

 

Mon discours se termine enfin et tous mes hommes me saluent une dernière fois. Je savoure cet instant, cet hommage qui n'arrive qu'une seule fois dans une carrière puis je me tourne vers toi.  

 

Tu t'avances de deux pas et j'ouvre la petite boîte qui a été placée sur mon pupitre, cet écrin rouge qui contient tes nouvelles étoiles. Cinq étoiles en or que j'épingle sur tes épaules. Droite puis gauche.  

 

Je fais un pas en arrière et te salue en premier. Tu attends deux secondes et me salues en retour. Puis nous terminons notre salut en même temps. Parfait. La cérémonie est presque terminée.  

 

Je te souris car je vois tes yeux briller un peu plus qu'à l'accoutumée. Tu serres les mâchoires, je fais de même. Rassure-toi, de loin on n'y voit que du feu. Et tu te tournes vers l'assemblée. D'un coup, les hommes te présentent leurs armes puis te saluent dans un ensemble parfaitement synchronisé.  

 

Mes hommes sont les tiens maintenant.  

Mes ambitions, mes projets, mes responsabilités.  

Tout est maintenant à toi.  

J'ai passé le flambeau.  

 

Sing with me, sing for the years.  

Chante avec moi, chante pour des années.  

Sing for the laughter and sing for the tears.  

Chante pour le rire et chante pour les larmes.  

Sing with me, if it's just for today.  

Chante avec moi, même si ce n'est que pour aujourd'hui.  

Maybe tomorrow the good Lord will take you away.  

Peut-être que demain le Bon Dieu t'emportera.  

 

Tu es allée à l'encontre des préjugés contre toi. Nombreux sont ceux qui ne voyaient en toi que la trop jolie fille du Préfet Nogami. ils se sont lourdement trompés et tu as fait doublement tes preuves. Te voilà maintenant arrivée au plus haut poste ! Les journaux ne parlent que de toi : la première femme Préfet de Police, une révolution ... Et tu l'as gagné au mérite, cette promotion, tu peux en être fière.  

 

Tu as démontré que tu étais une policière efficace et compétente. Je me suis bien défendu d'intervenir dans tes dossiers, il convenait que tu te débrouilles seule. J'ai même certainement été plus dur avec toi qu'avec les autres, je le reconnais.  

 

Tu as su faire ta place dans ce milieu violent, masculin et misogyne tout en restant infiniment féminine, intègre et attentive aux autres -quoique tu en dises.  

 

Je sais que tu veux la même chose que moi pour cette ville et pour ce pays et je sais que tu y arriveras. J'ai confiance. Je sais que tu n'abandonneras pas tes objectifs.  

 

Je l'ai dit dans mon discours :  

- "Je me suis toujours demandé s'il fallait faire preuve de sagesse pour occuper un tel poste ou bien être complètement fou. Je n'ai pas réussi à répondre à cette question. Je ne sais pas si j'ai été plus l'un ou l'autre. Qu'importe. Je rêvais d'une ville plus sûre, une ville plus juste, une ville plus paisible. Je sais que vous partagez tous ce rêve. Je ne peux que vous conseiller de le poursuivre, ce rêve, quoiqu'il advienne, même s'il parait fou aux plus sages ou trop sage aux plus fous."  

 

Dream on  

Continue de rêver  

Dream yourself a dream come true.  

Rêve pour toi un rêve accompli.  

Dream on  

Continue de rêver  

And dream until your dream comes true.  

Et rêve jusqu'à ce que ton rêve se réalise.  

 

Les discours s'enchaînent, la cérémonie se termine. Après avoir tourné les talons, t'entraînant dans mon sillage, nous retournons dans la Préfecture, dépassant les hommes toujours au garde-à-vous. Nous arrivons enfin à mon bureau où je suis censé te remettre des codes de sécurité, des clés d'archives confidentielles, ce genre de choses mais quand je referme la porte derrière moi et que je me tourne vers toi, tu viens te serrer brusquement contre moi. Je sens tes épaules se relâcher alors qu'un soupir nerveux vient réchauffer le tissu de ma veste.  

 

Dream on  

Continue de rêver  

 

Je passe ma main dans ton dos et le caresse un peu. Comme quand tu étais petite. Comme ce jour où tu es montée sur le cerisier du jardin de mon père. Tu n'as peut-être plus huit ans, Ma Grande, mais pour moi, tu auras toujours des couettes. Et quand elles seront défaites ou que ta salopette sera toute tâchée par le jus de mûres, je serai là. Je serai toujours là.  

 

Dream on  

Continue de rêver  

 

Tu t'éloignes de moi et retires ton képi avant d'ouvrir vivement ta cravate pour dégrafer ton col de chemise :  

- "Raaaa, mais qu'est-ce qu'elle met là-dessus pour que ça soit si rigide !!! Elle veut nous tuer ou quoi !"  

 

Je ris de bon cœur en libérant enfin ma gorge, moi aussi. Je sursaute quand tu effleures mon cou de ta main encore gantée de blanc :  

- "Punaise, elle t'a pas loupé non plus !"  

 

Je te reprends gentiment :  

- "Tsss, tsss, tsss, ne parle pas comme ça de ta mère, Ma Grande ..."  

 

Tu éclates de rire :  

- "Ma Grande ? J'ai plus huit ans !" Puis tu me demandes avec ton petit sourire en coin habituel : "On attaque, Monsi... Ca te dérange si je te dis Papa ? On est entre nous ..."  

 

J'acquiesce et te rends ton sourire :  

- "Comme tu veux, Madame Le Préfet de Police Nogami."  

 

Dream on  

Continue de rêver  

 

 

 


Capitolo: 1


 

 

 

 

 

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