Hojo Fan City

 

 

 

Data File

Rated PG-13 - Prosa

 

Autore: A. Dust

Beta-reader(s): Nodino

Status: Completa

Serie: City Hunter

 

Total: 1 capitolo

Pubblicato: 07-09-23

Ultimo aggiornamento: 07-09-23

 

Commenti: 8 reviews

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HumourFantasy

 

Riassunto: Alors que Ryo traverse une grande forêt, sa précieuse voiture tombe en panne sèche. En cherchant à rentrer chez lui, il oublie que même lui, n’est pas à l’abri d’une mauvaise rencontre.

 

Disclaimer: Les personnages de "Gourmandise(s)" sont la propriété exclusive de Tsukasa Hojo.

 

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   Fanfiction :: Happy Birthday City Hunter ! Gourmandise(s)

 

Capitolo 1 :: Gourmandise(s)

Pubblicato: 07-09-23 - Ultimo aggiornamento: 07-09-23

Commenti:
C'est mon tour ! J'ai choisi le thème : “Fallait pas goûter”.
Je tiens vraiment à adresser un grand grand merci à Hcity-Nodino pour sa pré-lecture méticuleuse et bienveillante, au pied levé en plus et alors que son emploi du temps ne lui laissait pas vraiment de répit.

Bonne lecture à vous !

 


Capitolo: 1


 

 

 

A travers la grande forêt, la Mini Cooper rouge écarlate filait sur la petite route sinueuse. Au volant, Ryo conduisait sereinement, souriant à l'asphalte, dégustant sa solitude et le calme de cette fin d'après-midi printanière. Il se réjouissait de retrouver bientôt sa ville si animée et si enivrante, Tokyo.  

Mais que faisait Ryo, seul, dans sa voiture, à rouler tranquillement dans les montagnes japonaises ? Et bien... Il s'avère que la dernière mission en date les avait menés, lui et Kaori, dans un orphelinat d'un petit village perdu dans la lointaine périphérie de la capitale. L'enquête terminée, le duo City Hunter avait discuté un peu avec la Directrice de l'établissement et, une chose en entraînant une autre, n'écoutant que son grand cœur, Kaori avait promis d'aider autant que possible au bon fonctionnement de l'établissement.  

 

Malheureusement, leur bourse étant toujours désespérément vide, ils s'étaient donc portés volontaires pour garnir et tenir le stand de cupcakes pour la kermesse annuelle de l'établissement. La Directrice, ravie que quelqu'un se charge de cette pénible tâche, avait accepté avec plaisir.  

Oui, oui, ils s'étaient portés volontaires tous les deux. Ryo était effectivement de la partie. Si, si. Ce genre d'activités ne faisait clairement pas partie de ses hobbies, on est bien d'accord. Ce n’était pas qu'il soit insensible au sort de gentils petits orphelins innocents tout ça, tout ça, mais de là à passer sa journée à vendre des pâtisseries lors d'une kermesse peuplée de petits monstres affamés et de familles en construction, il y avait de la marge.  

Alors... Que faisait-il là, lui ? Attendez, vous allez comprendre...  

 

Je n'ai pas encore précisé que Madame, ou plutôt Mademoiselle la Directrice, bien que d'allure un peu sévère et vieille mode, n'était clairement pas dénuée de charme… surtout quand on parvenait, grâce à un œil particulièrement expert comme celui de Ryo, à discerner les courbes voluptueuses dissimulées sous la longue jupe plissée et le chemisier en flanelle blanche à manches bouffantes, fermé jusqu'au dernier bouton. Alors ? C'est bon, vous avez saisi pourquoi l'Étalon de Shinjuku avait tenu à venir ? Eh oui, que voulez-vous ? On ne le refera pas et c'est désespérant...  

 

Voici pourquoi le duo City Hunter avait débarqué dans la cour de l'orphelinat, un samedi matin, leurs deux voitures bourrées à craquer de cartons et de caisses isothermes, leurs nez chargés d'effluves de pâtisserie : vanille, cannelle, caramel, chocolat, fleur d'oranger, pistache grillée, pâte d'amande... Kaori avait travaillé pendant presque quarante-huit heures pour sortir cinq cents cupcakes, cinq cents petits gâteaux posés dans des caissettes colorées, tous décorés de couleurs éclatantes, de crèmes pâtissières roses, bleues, jaunes, brunes ou vertes, subtils tourbillons surmontés de paillettes et de fleurs en sucre, d'amandes torréfiées, de fraises fraîches écarlates, de cerises au sirop brillantes, de copeaux de chocolat noir et blanc... Bref, le grand jeu.  

Maintenant, il reste à savoir pourquoi Ryo s'était carapaté l'après—midi même, abandonnant Kaori à son triste sort de refourgueuse de gâteaux vanillés, dégoulinants de crème au beurre de toutes les couleurs, n'est—ce pas ? Eh bien, eh bien... j'imagine que, n'étant pas de taille à résister aux différentes tentations : Mademoiselle la Directrice et les gâteaux, il avait été renvoyé par Kaori dans sa voiture et ce, manu militari. Ma main à couper que la violence de sa partenaire l'avait encouragé à fuir de bon cœur... Nous connaissons tous Kaori et sa capacité à se mettre en colère… surtout avec un Ryo bavant et devant ses précieuses pâtisseries et devant Mademoiselle La Directrice…  

 

Ryo sifflotait donc dans sa voiture, fenêtre baissée pour profiter de la brise printanière, le coude posé sur la portière, tenant nonchalamment le volant de sa main libre. Il se voyait déjà faire un tour au tableau des messages : un XYZ bien tourné pourrait peut-être l’amener à se porter au secours d'une demoiselle charmante et évidemment en détresse... Sans sa partenaire pour le stopper dans ses élans, ça pourrait être sympaaa... Et si le tableau était vide, il pourrait toujours finir au Kabuki-Cho... Ah oui, oui, ça allait être une jolie soirée ! Quand soudain...  

Pof pof pof... Le moteur fit une embardée.  

Pof pof pof... une deuxième... Ryo vira sur le bas-côté alors que le troisième pof pof pof le secouait et ce fut la fin.  

 

La Mini-Cooper-Rouge-Écarlate s'arrêta net. Plus rien. C'était la panne, la vraie. Ryo jaillit de la voiture comme un diable de sa boîte et souleva le capot. Après une rapide inspection, il constata que c'était tout bêtement une panne sèche. Mais genre une vraie panne sèche, hein, pas une de celles orchestrées lors d’une balade en charmante compagnie. Là, il ne restait vraiment plus une goutte. Rien de rien. Nada. Que dalle. Il retourna derrière le volant, tourna la clé de contact : la jauge indiquait un réservoir à moitié plein... ou à moitié vide ; ça, ça dépend toujours du point de vue.  

— Nan mais qu'est-ce que c'est qu'ce bordel ? s'énerva-t-il en tapant du poing sur le tableau de bord. Qu’est-ce qui t’arrive, toi ? Pourquoi tu dis qu'il y a encore de l'essence alors qu’y'en a plus ?  

Vous pensez bien que devant cette situation pour le moins incompréhensible, Ryo lâcha ensuite un certain nombre de jurons bien salés. Il accusa d'abord le monde entier en général et ensuite Kaori en particulier de ne pas lui avoir rappelé de faire la révision. Si elle avait été là, ils se seraient sans aucun doute disputés, chacun accusant l'autre de ne pas avoir rempli sa part de travail. Kaori aurait argumenté :  

— Cinq cents queupquaïques, ça ne se fait pas en un coup de cuillère à pot, alors un peu de considération, steu-plaît.  

Lui, il aurait évidemment rétorqué que c’était elle qui avait malmené sa précieuse voiture lors de la dernière mission, alors la moindre des choses, c’était bien de prendre rendez-vous au garage… garage qui aurait, sans aucun doute, détecté la jauge défectueuse. Elle aurait renvoyé que c’était sa voiture à lui, chacun son job, manquerait plus qu’elle se retrouve en plus à devoir assurer les réparations mécaniques. Il l’aurait vannée sur sa féminité douteuse, elle aurait sûrement clos la discussion de la plus violente des façons en l'assommant pour de bon, sans oublier de maugréer sur la mauvaise foi masculine qui était, elle le savait si bien, sans limite...  

 

Bien sûr, cette dispute n'eut pas lieu car Ryo était seul.  

Tout seul.  

Très seul.  

Trop seul.  

 

Et là, le désespoir l'envahit soudain et il se mit à pleurer toutes les larmes de son corps. Mais pourquoi Ryo pleurait-il ? Certainement pas parce qu'il craignait de s'égarer dans cette forêt, après tout, il avait grandi dans la jungle amazonienne et, s'orienter avec la lumière du soleil, ça, il savait faire. Ce n'était pas non plus par peur de croiser le Grand Méchant Loup dans ce bois si sombre, après tout, il savait se défendre... surtout avec son Python 357 Magnum planqué sous sa veste !  

Et pourtant, il pleurait bel et bien.  

Mais oui, il était tellement, mais tellement, triste ! Quelle déveine, franchement ! Pour une fois que le coup de la panne n'était pas une entourloupe mais vraiment une panne. En plus, il se retrouvait paumé en pleine forêt... Et pas âme qui vive dans le coin... Et il n'était même pas en charmante compagnie !  

Là, Ryo était vraiment tout seul... Pas une seule femme en vue... Mais alors... vraiment pas... Mais quel gâchis ! Une si belle panne dans une si belle forêt !  

Pfff ... Encore un fantasme qui s'envolait en fumée...  

D'ailleurs en parlant de fumée...  

— Ça sentirait pas le feu de bois dans le coin ?  

Se fiant à son odorat, Ryo verrouilla soigneusement sa voiture, réajusta sa veste et se mit en route, nez au vent. Qui dit feu de bois, dit présence humaine, qui dit présence humaine dans cette forêt perdue, loin du monde, dit moyen de locomotion et qui dit moyen de locomotion dit très certainement : essence ! Ou du moins la possibilité d'accéder à une station-service dans les environs.  

Et voilà Ryo parti pour crapahuter dans la forêt. Attentif à ne pas glisser sur la mousse humide, il évitait souplement les branches basses des sapins, tout en râlant sur le fait qu’il préférait de loin la ville.  

— Dans City Hunter, il y a City… pas pour rien, nom de nom de … !  

 

 

Au bout d'un moment, il se retrouva dans une clairière baignée de soleil. En son centre, un grand brasier avait été allumé, c'était de là que provenait l'odeur si caractéristique de fumée. En face du feu, se trouvait une estrade assez haute, faite de poutres et de planches de bois. Et là, Ryo n'en crut pas ses yeux...  

Non pas à cause de la construction assez inattendue dans un tel endroit, pas à cause du feu non plus... mais à cause des nombreuses jeunes femmes qui se trouvaient dans la prairie.  

 

Que des jeunes femmes !  

Partout...  

Et joliiiies !  

 

Ah oui, oui, elles étaient sacrément jolies... et toutes très sexy pour ne rien gâcher, avec leurs robes blanches et vaporeuses. Cueillant des fleurs sauvages et ramassant du petit bois, elles se promenaient tranquillement de part en part en riant. Leurs cheveux longs ondulaient gracieusement au gré de la brise printanière. Les rayons du soleil jouaient avec la légère transparence de leurs robes, laissant entrevoir le dessin galbé et harmonieux de leurs cuisses. Une ceinture délicatement dorée fermait le drapé, révélant les courbes voluptueuses de leurs hanches et de leurs divines chutes de reins. Et pas besoin d'avoir un œil averti cette fois pour distinguer que leurs poitrines et leurs tailles étaient libres de toute entrave sous leurs vêtements légers. Elles ne portaient que leurs robes ! Pas de sous-vêtement ! Roooo ! Un ravissement pour les yeux !  

 

Elles devaient être une vingtaine à effleurer de leurs pieds nus l'herbe verte et tendre de la clairière. Elles semblaient tellement irréelles que, quand trois d'entre elles se dirigèrent vers Ryo pour le saluer, il crut rêver et n'osa pas leur répondre, de peur de briser le charme... et aussi parce que, vous vous en doutez, son cerveau frôlait le blackout : elles étaient toutes si belles !  

 

Les jeunes femmes réitèrent leurs salutations, riant doucement en dissimulant leurs lèvres roses et pulpeuses derrière leurs mains graciles.  

— Il n'a pas l'air de nous entendre...  

— Tu penses qu'il ne parle pas notre langue ?  

— C'est dommage... il a du charme, je trouve...  

— Ça n'empêche rien. Il n'a pas besoin de parler pour faire…  

Elle chuchota mais Ryo entendit parfaitement :  

— ...pour faire ce que tu sais...  

 

Les trois jeunes femmes rirent de plus belle, gloussant délicatement, chacune tentant de se dissimuler derrière l'épaule de sa comparse, rougissant fortement. Ce jeu de charme échauffa les veines de Ryo qui faisait tout son possible pour se retenir de sautiller de joie et d'impatience : "Faire ce que vous savez..."  

Vous pensez bien qu'il avait immédiatement compris ce que ces jeunes femmes en fleur rougissantes et faussement effarouchées pouvaient bien désigner par "ce que vous savez, hihihihi...".  

Avant que Ryo n'ait commencé à se liquéfier dans le bonheur absolu, il entendit derrière lui :  

— Retournez à vos tâches, mesdemoiselles.  

 

Les demoiselles en question obtempérèrent immédiatement, sans oublier de se retourner encore une ou deux fois pour lorgner Ryo par-dessus leurs épaules rondes et délicates, à peine couvertes de bretelles blanches, tout en riant gracieusement. La déception de Ryo fut cruelle mais de courte durée. Car, même si la voix dans son dos n'était clairement pas dénuée d'autorité, elle était... féminine et... sexy... un peu grave, chaude, calme, enroulant les sons d'un léger souffle enjôleur. Un délicat et exquis picotement naquit depuis le creux de la nuque de Ryo. Palpitant, ce frisson s'évada le long de sa colonne vertébrale, impatient d'aller mourir plus bas, entre ses reins. Il se retourna vivement, empressé de découvrir à qui appartenait cette voix ensorcelante.  

Et lààà ! Mais quelle vision ! Que dis-je ? Ce fut une révélation divine !  

 

Sous une ombrelle noire d'un autre âge, se tenait une resplendissante femme, portant la même robe que les autres mais en rouge écarlate dont le drapé, léger, était devenu le jouet de la brise. Le souffle d'air se renforça un peu et fit onduler les pans de tissu qui laissèrent entrevoir l'intérieur d'une cuisse ravissante, puis le dissimula pour dévoiler ensuite la totalité de l'autre jambe, tout aussi fascinante. La femme laissait ainsi le vent jouer autour d'elle, parfaitement indifférente à ce qu'il pouvait révéler de son corps. Sa peau était si parfaitement pâle qu'elle semblait capturer la lumière alors que sa longue chevelure noire la renvoyait en myriades étincelantes créées au rythme du vent. Ses yeux, d'un bleu étrangement turquoise, subjuguaient le regard de Ryo et le scellait dans le sien.  

— Venez donc au frais en attendant que la nuit tombe.  

 

Sa voix enveloppa immédiatement Ryo qui, captivé, lui obéit sans poser de question —mais en essayant, autant que faire se peut, de garder un semblant de self-control. Pas question de gâcher ce rêve fabuleux en se précipitant tête baissée ! Ce qui ne l'empêchait évidemment pas de rire comme un imbécile (heureux !)... Mais il rigolait doucement, sans faire trop de bruit. D'ailleurs, sa capacité à se maîtriser l'étonnait lui-même... Certainement parce qu'il écoutait son instinct qui lui soufflait que le spectacle était loin d'être fini...  

Et il n'avait pas tout à fait tort, je dois dire...  

 

 

Ryo suivit donc la grande et belle dame en rouge, prenant grand soin, évidemment, de lui emboîter le pas, savourant ainsi des yeux le galbe parfait de ses fesses qui ondoyaient gracieusement. Maintes fois, il pria pour que le vent joue encore un peu avec le drapé de la robe écarlate (Ah oui, oui, oui ! Souffle, satané vent, souffle !), espérant qu'elle aussi, était nue sous sa robe, mais ses prières restèrent vaines. C'est comme ça, mon pauvre vieux, on ne peut pas tout avoir dans la vie !  

 

La femme en rouge le conduisit ainsi sur quelques dizaines de mètres vers l'autre extrémité de la prairie ensoleillée, jusqu'à une petite hutte faite de branches et de feuilles. Densément entrelacées, ces dernières produisaient une ombre bénéfique et rafraîchissante après cette traversée sous le soleil de cette fin d'après-midi. Il faut dire qu'il faisait sacrément chaud dans cette clairière et Ryo commençait à transpirer sous sa veste. Il n'avait pas remarqué que la température avait tant augmenté en quittant l'orphelinat tout à l'heure. Il faut dire que, jusqu'à présent, il avait été protégé par les grands arbres de la forêt et, avant cela, par sa voiture et la climatisation...  

Tiens, au fait, Ryo, il serait peut-être temps de s'en préoccuper de cette bagnole, non ?  

 

Avant même qu'il ait pu poser la moindre question concernant une éventuelle station essence, il se cogna tellement fort contre une branche placée trop bas qu'il en oublia son souci de carburant. Se retournant sur son grognement de douleur, la femme en rouge l'invita à s'asseoir d'un geste élégant de la main, puis elle referma son ombrelle avec une telle délicatesse que Ryo ne perçut même pas le bruit du fermoir. D'une grâce sans égale, elle donnait l'impression de flotter.  

 

Il s'installa sans plus attendre sur le sol recouvert d'herbes fraîches et de fleurs odorantes, scrutant toujours la femme en rouge afin de ne pas perdre une miette du délicieux spectacle offert par les découpes audacieuses de la robe.  

— Vous devez avoir soif…  

Toujours cette voix chaude et étouffée, subjuguante et envoûtante.  

 

Ryo hocha bêtement la tête, remarquant seulement à cet instant que sa gorge picotait et que sa bouche semblait pâteuse.  

— Oui, un peu d'eau fraîche, ça ferait pas d'mal, tiens, songea-t-il.  

 

Il aurait bien voulu acquiescer mais ses lèvres restèrent soudées. Et pourtant, s'il avait su... il aurait mieux fait de refuser.  

 

Mais il n'en fit rien et il se contenta de hocher naïvement la tête. La femme se retourna et s'agenouilla, puis plongea une grande louche dans une grande vasque de pierre noire. Elle se releva et, sans faire tomber une seule goutte, elle amena l'ustensile de bois devant la bouche de Ryo. Lié à son regard d'un bleu unique, l'homme subjugué aspira délicatement l'eau limpide et fraîche. Le tracé vivifiant du liquide le long de sa gorge prolongea leur connexion, jusqu'à l'intérieur de son corps. Il avait l'impression de flotter, léger, bienheureux et apaisé.  

— Vous êtes épuisé… chuchota-t-elle quand il eut fini jusqu'à la dernière goutte.  

— Je... Je suis tombé en panne et ...  

— Chuuut… l'interrompit-elle en reposant la louche dans la vasque.  

— Mais... je ne sais même pas comment vous vous...  

— Ça n'a aucune importance. Vous êtes arrivé pile à l'heure pour notre rendez-vous.  

 

Surpris, Ryo sursauta :  

— Notre rendez-vous ?  

— Oui, nous vous attendions.  

— Vous devez faire erreur… objecta Ryo tout en regardant à droite et à gauche, craignant quand même de voir débarquer une éventuelle concurrence masculine ; ça serait quand même con de devoir partager.  

 

La femme en rouge fronça les sourcils et s'agenouilla devant lui, révélant ses deux cuisses nues et diaphanes aux yeux avides et gourmands de Ryo :  

— Savez-vous quel jour nous sommes ?  

— Heuuu... Bah... le vingt-et-un Juin. Depuis le temps que Kaori me bassine avec cette date ! D'ailleurs, en revenant de cette foutue kermesse, j'ai laissé ma bagnole sur le bas-côté un peu plus bas et...  

 

Il suspendit ses paroles : une main douce mais ferme s'était posée sur son épaule, l'interrompant alors qu'il se rapprochait involontairement de la bouche brillante et sensuelle de la femme en rouge. Les yeux turquoise plongèrent dans les siens pendant que la voix l'enjôlait à nouveau, ronde et suave :  

— Oui, le jour de geshi (solstice d'été)... La nuit sera courte, la plus courte de l'année... A partir de demain, la nuit grandira à nouveau...  

— Ah, oui, c'est chouette, la nuit ! Moi aussi j'aime... bien... la... nuit... hahahaha ! bredouilla Ryo sans vraiment comprendre pourquoi il prononçait ces mots.  

 

Il tenta de se ressaisir et il ajouta :  

— Mais, j'ai quand même... enfin, y'a un truc... il faut que...  

 

La femme en rouge posa son index sur les lèvres de Ryo pour le faire taire. Pétrifié, le cœur battant dans ses tempes, le sang enflammé de désir retenu, il admira le décolleté qui se rapprochait alors qu'elle se penchait vers lui. Il devait tenir le coup, il devait tenir le coup, il devait tenir le coup, lui rappelait sans cesse son intuition. Ce n'était pourtant pas l'envie qui lui manquait d'attraper cette femme par les épaules pour la basculer sur les herbes fraîches, lui relever sa robe, caresser sa peau diaphane, charmer, conquérir et soumettre au plaisir ce corps voluptueux. Mais il restait là, pantois. Il se sentait curieusement patient, comme comblé par sa simple attente, satisfait...  

 

La femme s'avança encore et plaqua sa joue contre la sienne :  

— Vous êtes invité à notre fête, Bel Étalon.  

 

Accompagnant la voix, un souffle chaud et délicat glissa de l'oreille de Ryo jusqu'à ses lèvres, provoquant un irrépressible frisson. L'ensorcelé ferma les yeux, savourant cet instant enchanté et hors du temps. Cependant, au bout de quelques secondes, il releva :  

— Comment connaissez-vous mon surnom ?  

— Je vous l'ai dit, nous avions rendez-vous..."  

 

La voix féminine s'enroula autour de ses pensées, apaisante, séduisante, fascinante. Il n'entendait plus qu'elle, ne voyait plus qu'elle, ne respirait plus que son parfum envoûtant chargé de jasmin.  

Son esprit commença à tanguer.  

— Allongez-vous. Reposez-vous. Profitez de ce cadeau qui vous est offert.  

 

Chaud partout, le chant des grillons, l'odeur fraîche des herbes coupées, la douceur de l'air, la vue imprenable sur un décolleté affolant, il n'en fallait pas plus pour que l'Étalon perde pied. Mais il trouva, il ne savait trop où, encore un peu de volonté pour prononcer, un sourire béat aux lèvres :  

— Un cadeau ?  

— Oui, oui, un très beau cadeau… murmura-t-elle en soupirant avant de se mordre les lèvres pour les rendre rouges comme sa robe. Mais avant, vous devez vous reposer ... Il vous faudra être en pleine forme cette nuit.  

 

Devant le regard éperdu de Ryo, elle éclata de rire. Ravissant, ce rire était encore plus fascinant que sa voix. Mille et une images voluptueusement impudiques envahirent l'esprit du pauvre homme qui, volontaire et soumis, s'allongea sur le sol d'herbes coupées. Il se sentit soudain épuisé, ses paupières devinrent lourdes et il se laissa sombrer avec délice.  

 

 

 

Quand Ryo ouvrit les yeux, cette sensation de béatitude avait totalement disparu. Tout son corps était douloureux. Sa salive, pâteuse, collait sa langue à son palais. Il ouvrit la bouche et sentit sa lèvre inférieure se fissurer tant elle était sèche. Et surtout sa tête, lourde et brûlante, lui donnait l'impression d'être sur le point d'imploser. Il sentait ses pulsations cardiaques vriller ses tempes et se répercuter contre les parois de son crâne en un rythme toujours plus frénétique... Rien à voir avec la douleur occasionnée par les coups de massue de sa partenaire.  

— D'ailleurs, elle est où, Kaori ?  

 

Tellement essentielle, cette question était devenue, au fil du temps, un réflexe matinal quotidien qui le sortait de son brouillard onirique. D'habitude, un douing de casseroles ou un splash dans la salle de bain, lui indiquaient la bonne réponse. Souvent, c'était un Debout-Espèce-De-Feignasse aussi... Mais là, il en fut tout autrement et il songea :  

— Elle n'est certainement pas ici... et elle va me tuer quand elle va me trouver…  

Réalisant où il était, il se corrigea rapidement :  

— ...si elle me retrouve...  

 

Une nuit noire était tombée sur la clairière mais la lumière du feu suffisait amplement pour distinguer ce qui l'entourait car c'était devenu un vrai brasier. Malgré la bonne distance qui le séparait des flammes, Ryo en percevait nettement la température élevée sur son corps... tout son corps... de la tête aux pieds, en passant par ses joues, mais aussi par son torse, son ventre, ses cuisses... Mais comment pouvait-il sentir un petit souffle chaud à ces endroits-là, lui ? En se penchant pour vérifier ce qui semblait pourtant une évidence, il réalisa que son corps ne lui obéissait pas ; quelque chose de puissant mordait ses bras endoloris et les tirait en arrière.  

Mais qu'est-ce qu'il foutait à poil, attaché les bras en croix ?  

— Bordel de merde !  

 

Il tira sur ses poignets mais des cordes solides entaillèrent sa peau. Il voulut donner un coup de pied et découvrit que ses chevilles étaient elles aussi entravées. Il se débattit mais, malgré sa force, les liens tinrent bon et, pire encore, ils se serrèrent, s’enfonçant douloureusement dans sa chair. Il retint son cri de douleur et tenta de reprendre ses esprits pour analyser la situation.  

 

Face à lui et à l'estrade de bois sur laquelle il se trouvait ligoté, les jeunes femmes en robes blanches s'étaient réunies, formant une ronde tout autour du feu dont l'odeur lui picotait le nez. D'un coup, Ryo les trouva beaucoup moins sexy... Allez savoir pourquoi. Peut-être que cette fois, son instinct ne se trompait plus. Les yeux fermés, les bras levés vers le ciel étoilé, elles chantaient doucement. Grâce à son ouïe développée, il perçut la mélodie sans pour autant comprendre les paroles : jamais il n'avait entendu pareille langue.  

— Et merde, v'là que j'suis tombé sur des hippies maboules... songea-t-il en scrutant la pénombre.  

 

En regardant autour de lui, il ne parvint malheureusement pas à localiser ses vêtements ou son revolver.  

— Putain, manquerait plus qu'elles les aient foutus au feu...  

 

Désarmé et vulnérable, il tira sur ses liens et, à nouveau, la corde se resserra. Ses doigts et ses pieds devenaient froids.  

— Il est temps que je me barre, moi.... Allez, il faut les convaincre de me libérer parce que j'y arriverai pas comme ça.... il faut juste trouver un bon argument. Avec mon charme naturel, ça devrait l'faire... héhéhé...  

 

Il passa sa langue sur ses lèvres sèches, toussa pour s'éclaircir la gorge et s'exclama :  

— Youhouuuu, les fiiiilles ! Désolé mais, moi, le bounding, c'est pas vraiment ma came. On pourrait pas passer tout de suite à quelque chose de plus sympa ?  

 

Brusquement, les jeunes femmes se tournèrent dans sa direction. Tous ces regards braqués sur lui le mirent mal à l'aise. Et ça n'avait rien à voir avec sa nudité. C'était quelque chose dans leurs expressions : elles étaient toutes tellement semblables. D'un même mouvement parfaitement synchrone, elles baissèrent les bras et continuèrent à le regarder, immobiles, imperturbables et plus du tout souriantes et rieuses comme quand il les avait découvertes dans la prairie.  

— Vous vous réveillez pile à temps pour la communion, entendit-il derrière lui.  

 

Cette voix chaude, ronde et douce, enroulée dans un souffle grave, il la reconnut immédiatement. Pourtant, cette fois, elle ne lui procura pas le bonheur et l'excitation qu'il avait ressentis l'après-midi même. Oh, un frisson naquit quand même dans sa nuque, c'était inévitable, mais ce fut une onde glaçante et désagréable qui rampa le long de sa colonne vertébrale, crispant ses épaules et lui flanquant une chair de poule de tous les diables jusqu'à la pointe des orteils.  

— La communion ? interrogea-t-il.  

 

La femme en rouge passa alors devant lui. Avec la lumière du feu dans son dos, sa robe ondulait comme de la lave et sa peau brillait d'une étrange lueur argentée. Toujours aussi magnétique. Ryo sentit son cœur s'affoler. Il cligna des yeux mais ne laissa rien paraître de son trouble. Eh oui, il était quand même passé maître en la matière, depuis le temps.  

— Vous savez, moi, les trucs religieux... Je reste un vilain garçon pas croyant du tout et ...  

— Vous allez communier avec nous et croyez-moi, vous n'avez jamais vécu aucune expérience aussi intense. Jamais. De l'extase pure.  

— De... l'extase... pure... ?  

 

Des images érotiques naquirent à nouveau dans son cerveau viril, il faut dire que c'était un automatisme chez lui, mais elles disparurent aussi vite qu'elles étaient apparues quand la femme ajouta :  

— Toutes celles qui souhaiteront communier avec vous pourront le faire.  

 

Immédiatement, les autres femmes se dirigèrent vers eux, créant une ligne blanche dans le dos de la femme en rouge, telle une armée au garde-à-vous.  

— Toutes ? s'enquit Ryo, le regard suppliant, alors que des souvenirs remontaient à la surface, à la fois érotiquement sensationnels et affreusement pénibles.  

La femme confirma en hochant silencieusement la tête. Paniqué, il s'empressa d'argumenter :  

— C'est pas que ça ne soit pas tentant, hein, vous êtes toutes absolument merveilleuses... mais, si je peux me permettre... vous êtes tellement nombreuses, héhéhéhé ! Parce que, en ce qui concerne l'expérience du harem, j'ai déjà donné [1]. Et c'est beaucoup moins marrant et surtout plus fatiguant qu'on ne le croit. Mon Mokkori a mis des mois à retrouver sa force vitale et ...  

 

La femme en rouge éclata de rire mais il n'y avait ni chaleur ni charme dans ce rire-là. Non, c'était un rire sans joie, froid, cassant et cruel, qui martela le silence de la clairière.  

 

L'estomac de Ryo se recroquevilla aussi sec. Une sueur glacée recouvrit sa peau et sa gorge se serra. Il tira nerveusement sur ses liens mais il ne réussit qu'à s'entailler les poignets ; à tel point qu'il sentit bientôt une caresse douce, chaude et visqueuse sur son avant-bras droit... Pas besoin de regarder pour savoir que les cordes lui avaient tant mordu la peau qu'elles le faisaient saigner.  

 

Le regard de la femme en rouge se posa alors sur lui. A contre-jour et avec la lueur mouvante des flammes, Ryo aurait bien parié que des braises rougeoyantes dansaient dans ses orbites. Elle cessa brusquement de rire :  

— Parce que vous pensez que notre communion se résume à une banale relation sexuelle ? C'est une blague, j'espère !  

 

Sa voix avait soudain changé ; caverneuse et sinistre, elle sembla résonner tout autour d'eux :  

— Vous êtes notre élément déclencheur, Le Catalyseur annoncé par la Prophétie...  

 

Décontenancé, Ryo déglutit avant de s'enquérir :  

— Ok, ok, je serai tout ce que vous voulez... mais dites-moi, si vous n'avez pas l'intention de vous envoyer en l'air avec moi, pourquoi me garder prisonnier ?  

 

Le femme s'avança lentement :  

— Nous allons nous unir de la plus ultime des façons, bel Étalon... Vous nous donnerez la force de tenir jusqu'à ce que la nuit règne sur ce monde.  

 

En la voyant se diriger vers lui, Ryo commença à suffoquer. Son cœur, frénétique, pulsait si fort dans ses veines qu'elles en devenaient douloureuses, son champ de vision se rétrécit à tel point qu'il ne voyait plus que les yeux de la femme en rouge... Ses yeux qui n'étaient plus du tout turquoise mais entièrement noirs. Ryo n'avait même plus la force de tirer sur ses liens pour tenter de se dégager.  

— Putain mais qu'est-ce qui m'arrive ? songea-t-il, consterné par sa soudaine faiblesse.  

 

C'était tout simplement la trouille. La peur. La panique. L'épouvante.  

Oui, ça faisait très longtemps que Saeba Ryo n'avait pas ressenti ça. La peur. La vraie. Celle qui pétrifie, qui glace, qui donne l'impression de tout vivre au ralenti, impuissant. Il ne comprenait pas comment une poignée de femmes pouvait le terroriser autant, lui, l'Étalon de Shinjuku, le Numéro Un des Numéros Un...  

 

La dame en rouge se planta devant lui et lui sourit. Et ce fut pire que tout : son sourire ne lui était pas destiné. Elle regardait avec un désir non dissimulé le sillon rouge qui se dessinait sur le bras de Ryo.  

— Comment résister à une telle tentation ? chuchota-t-elle en se mordillant les lèvres.  

 

Elle se pencha, huma le sang, se délectant comme si elle venait de découvrir le parfum délicat d'une rose.  

— Une telle vitalité...  

 

Ses doigts effleurèrent la peau de Ryo, le faisant frémir.  

— Une telle force...  

 

Elle s'approcha encore un peu, posa ses lèvres sur le liquide rouge et l'aspira dans un baiser délicat mais glacé. Puis Ryo sentit avec horreur une langue froide et rugueuse courir le long de sa peau, récoltant chaque goutte vitale, remontant lentement vers ses poignets. Il détourna les yeux, écœuré. En sentant son passage sur l'épiderme sensible du creux de son coude, il eut un haut-le-cœur et serra davantage les dents. Quand elle se mit sur la pointe des pieds pour atteindre ses poignets, Ryo eut l'impression que cette langue s'allongeait pour nettoyer jusqu'à la dernière molécule de son sang.  

 

Elle s'écarta enfin de lui et il reprit son souffle, réalisant qu'il était resté en apnée pendant toute la durée de l'opération. Il la vit se lécher les babines avant de lui sourire, découvrant des dents maculées de rouge, des petites dents pointues et effilées, parfaitement alignées. Ses deux canines supérieures s'allongèrent lentement, alors qu'elle lui souriait toujours, jusqu'à recouvrir la lèvre inférieure :  

— J'ai les crocs, Bel Étalon... et je ne suis pas la seule à être gourmande...  

 

Derrière sa silhouette écarlate, les femmes en robes blanches s'avancèrent. Elles aussi, souriaient de leurs toutes nouvelles longues dents. Il ne put retenir son hurlement, se déchirant la gorge inutilement. Personne ne pouvait l'entendre.  

 

 

 

Splash !  

La gifle glacée le heurta de plein fouet. Il secoua vivement la tête en s'éveillant, comprenant que la sensation de froid sur sa peau était de l'eau et qu'elle s'insinuait rapidement dans son cou, dégoulinant sur son torse, collant son t-shirt et sa veste à sa peau.  

 

Douing !  

Un objet métallique tomba. En ouvrant les yeux, la première chose que Ryo identifia de manière sûre fut un seau en métal noir qui gisait, renversé, juste devant lui.  

Debout-Espèce-De-Feignasse !  

 

Ah ? Pas besoin de se demander où se trouvait Kaori, cette fois... Il secoua la tête... Sa bouche était pâteuse ; une migraine s'annonçait avec fracas ; son estomac était sans-dessus-dessous et brûlant d'acidité ; sa gorge picotait et grattait, engourdie, comme s'il avait passé des heures à hurler.  

— Mais qu'est-ce que tu fous planqué ici à l'autre bout du parc dans le noir ! Je t'ai cherché partout... Heureusement que les veilleuses de ta bagnole étaient restées allumées, ça a alerté le gardien.  

 

A la fois surpris et soulagé de retrouver sa partenaire, il regarda autour de lui : il reconnut le mur d'enceinte du parc de l'orphelinat, une vieille palissade en bois contre laquelle il était adossé. Une pesanteur familière contre son flanc le rassura : il avait son arme et elle était dans son holster, bien à sa place.  

Derrière Kaori, les lumières de la Mini Cooper étaient allumées et éclairaient un peu la nuit noire. Retrouvant enfin ses esprits, il s'écria d’une voix éraillée :  

— Putain, Kaori ! Mais ça va pas la tête ! J'suis trempé !  

 

Ce brusque réveil de gorge le fit tousser plusieurs fois. Kaori, elle, était folle de rage :  

— Bien fait pour toi ! Tu l'as mérité ! Et puis, fallait pas t'endormir près d'un seau d'eau, tiens. Mais si tu préfères une massue, dis-le, ça peut encore s'arranger !  

 

Elle se rapprocha de lui, menaçante, et une drôle d'odeur lui chatouilla les narines.  

— Tu sens le feu de bois... indiqua-t-il, surpris.  

 

Coupée dans son élan, elle se radoucit un peu mais pas pour très longtemps :  

— Ah bah, ça, c'est parce que je t'ai remplacé au poste barbecue... Pendant que tu pionçais tranquillou ici ! Allez, hop, lève-toi !  

 

Elle lui tendit la main.  

— Ça t'écorcherait la bouche de dire : Pardon, Kaori, excuse-moi, je suis désolé que tu te sois tapé tout le boulot. Crois-moi, t’as intérêt à trouver une excuse valab...  

 

Alors qu'il saisissait la main tendue, elle suspendit ses mots. Les yeux écarquillés, elle tira à elle la main de Ryo dont la manche retroussée à cause de la chaleur de l'après-midi, dévoilait l'avant-bras marqué d'un long sillon rouge.  

— Et... mais c'est quoi ça ?  

 

La jeune femme se pencha et renifla, puis passa son index sur la substance colorée avant de le porter à ses lèvres :  

— Du coulis de griotte ! Comme sur mon délice-amandes-cerise ! J'le savais ! C'est toi qui a volé mes cupcakes !  

 

Prestement, elle passa la main dans la poche de la veste mouillée de Ryo et en sortit un, deux, trois, dix cagettes en papier sulfurisé, vides et froissées,  

anciens écrins éphémères de ses parfaits petits gâteaux.  

— Ryoooo !  

 

L'autre côté de la veste fut inspecté prestement : le même butin de papiers multicolores s'égréna sur les genoux de Ryo, rejoignant les autres. Vingt, trente… Puis, ce furent au tour de la poche intérieure et de celles du jean. Encore une dizaine... et encore... Kaori était tellement fâchée qu'elle n'hésita pas une seconde à retourner Ryo sans ménagement pour examiner les poches arrière de son pantalon. Elle ne rougit même pas de gêne en touchant ses fesses quand elle en sortit des papiers tout aplatis.  

— Preuves accablantes. Qu'est-ce que t'as à dire pour ta défense ?  

— Heuuu...  

— Hey, Ryo, il m'en manque cinquante-deux quand même ! Me dis pas que tu les as tous baffrés !  

— Bahhh... j'avais faim...  

 

Elle se renfrogna, plantant ses mains sur ses hanches, le dominant de toute sa hauteur :  

— Et alors ?  

— J'avais vraiment faim....  

— C'est pas une excuse, ça : j'avais faim ! Le bénéfice de la vente de ces gâteaux était destiné à l'Orphelinat, Ryo ! C'est nul, c'que t'as fait ! s'écria-t-elle en le tirant par l'oreille pour le relever de force.  

 

Ryo commença à répliquer quelque chose mais il fut interrompu :  

— Si je puis me permettre, Mademoiselle Makimura...  

 

Il sursauta. Non seulement il n'avait pas senti de présence à proximité, hormis celle de Kaori, mais la voix, grave et douce, ferme et enrobée par un léger souffle chaud, provoqua instantanément un frisson dans sa nuque. En relevant les yeux, il découvrit la Directrice de l'Orphelinat. Sa grande silhouette se découpait dans la lumière des veilleuses de la Mini Cooper. Vêtue de son chemisier à jabot en dentelle et de sa sombre jupe longue, elle avait cependant passé sur ses épaules un grand foulard écarlate, certainement pour se protéger de la fraîcheur nocturne. Le vent jouait délicatement avec ses longs cheveux noirs qui étaient libérés de leur sévère chignon habituel.  

 

Kaori lâcha enfin l'oreille de Ryo, non sans omettre de tirer une dernière fois dessus mais il ne broncha pas. Il était hypnotisé par la silhouette de la dame en rouge, noir et blanc qui se rapprochait de lui, sans le quitter des yeux.  

— Je comprends entièrement la bêtise de Monsieur Saeba, vous savez.  

— Ah bon ? s'étonna Kaori en la dévisageant. Quand même, à cause de cet idiot, votre établissement a perdu pas mal d'argent.  

 

La Directrice rit. Un rire doux et léger pour qui ne faisait pas attention mais Ryo, lui, faisait attention : la douceur et la légèreté n'étaient qu'un camouflage. Un frisson naquit dans sa nuque et alla refroidir son dos. Imperturbable, la Directrice reprit :  

— Je dois avouer que vos gâteaux étaient particulièrement succulents, Mademoiselle Makimura. Et puis, nous avons eu une belle fête, les sommes récoltées sont largement supérieures à ce que nous avions estimé, alors, ne lui en tenez pas trop rigueur, s'il-vous-plaît.  

 

Kaori rougit, visiblement touchée et ravie du compliment.  

— C'est gentil de votre part, Madame la Directrice, répondit-elle admirative devant tant de magnanimité avant de désigner Ryo d'un index accusateur. Mais je peux vous assurer que ce morfal ne mérite pas votre indulgence.  

— Allez, venez, retournons aux cuisines, vous devez encore récupérer vos boîtes à gâteaux.  

 

Kaori hocha la tête et se dirigea vers la voiture à grandes enjambées décidées.  

— Allez, Ryo ! Hop, grouille ! Oh punaise, j'espère que la batterie a tenu le coup. Ça serait con que ta caisse soit en panne...  

 

Ryo lui emboîta lentement le pas, les yeux toujours rivés sur la silhouette immobile de la Directrice. Quand il passa devant elle, elle lui murmura avant de se mordiller la lèvre inférieure :  

— Vous auriez mieux fait de ne pas y goûter ... mais vous aviez les crocs, Bel Etalon, je le comprends. Voyez-vous, vous n'êtes pas le seul à être gourmand.  

Ryo se figea, sentant son estomac trop plein de sucre se tordre convulsivement. Elle fit un pas vers lui, son regard bleu —ou n'était-il pas en train de s'assombrir ?— toujours accroché au sien :  

— C'est vrai... Comment résister à une telle tentation ?  

 

Derrière lui, il entendit le gémissement de sa chère et tendre voiture adorée : l'allumage tournait dans le vide. Tchtchtchtchiiizgong... Une fois... Deux fois... Trois fois...  

— Et voilà, j'le savais ! La batterie est morte ! annonça Kaori. Je vais aller chercher la Fiat pour brancher les câbles.  

 

Il entendit les pas de sa partenaire s'éloigner sur le chemin de terre. Face à lui, la Directrice s'approcha de deux pas et esquissa le début d'un sourire... Il sentit une fine sueur glacer la peau de sa nuque.  

 

Kaori venait de le laisser seul.  

Tout seul.  

Très seul.  

Trop seul.  

 

Il se détourna prestement, refusant plus que tout de découvrir ce que ces lèvres pourraient révéler en matière de quenottes. Il allongea le pas :  

— Attends-moi, Kaori !  

 

Surprise, elle s'arrêta net. Ryo qui lui demandait de l'attendre, c'était bien une première ça. Interloquée, elle le regarda la dépasser d'un pas plus que pressé. Elle faillit lui demander s'il n'avait pas par hasard le feu aux fesses mais, connaissant l'énergumène, elle préféra ne pas poser ce genre de question trop connotée, et se contenta d'un moqueur :  

— Bah, alors, t'en fais une tête...  

— Hein ? Quelle tête ? J'ai ma tête à moi, comme d'hab, grommela-t-il alors qu'il se frottait nerveusement les poignets comme s'ils étaient douloureux.  

— Ça va ?  

— Oui, oui... répliqua-t-il en posant une main sur son ventre avant d'ajouter en se retournant : C'est juste tes gâteaux qui me restent sur l'estomac. Allez, tu viens ?  

— La blague ! T'en as baffré cinquante, Ryo, c'est normal que t'aies mal au bide.  

— Ouais, mais une fois que j'avais commencé, j'arrivais plus à m'arrêter.  

— Eh bah fallait pas goûter et pis c'est tout !  

 

Et soudain, elle s’exclama, souriante, rayonnante, triomphante :  

— Ohhh ! Allez, avoue... Hein qu'ils étaient réussis mes cupcakes ! Alors, c'est qui le vilain gourmand ? C'est qui qui va devoir faire attention à ses petites poignées d'amour ? Héhéhéhé ...  

 

Ryo allait rétorquer quelque chose —très certainement un compliment pour une fois, car non seulement c'était la vérité mais en plus, ce n'était pas vraiment le moment de perdre sa seule alliée dans cet endroit de fous— quand il entendit derrière lui :  

— Ne soyez pas trop dure, Mademoiselle Makimura, la gourmandise n'est pas un si vilain défaut, vous savez.  

 

Ryo se figea, parcouru d'un frisson glacé. Puis il se précipita en avant et s’adressa ostensiblement à sa partenaire, ignorant la femme dans son dos :  

— Bon, tu te secoues, là ? Dépêchons-nous de rentrer.  

 

Kaori ne put se retenir de rire devant la nervosité inexplicable de Ryo :  

— T'as peur du noir ou quoi ?  

— Pffff... Nan mais on aura tout entendu... J'ai peur de rien, moi, Mademoiselle ! répondit-il, à moitié pour se convaincre lui-même, tout en se retournant quand même pour s'assurer que la Directrice et surtout ses dents, petites ou grandes qu'importe, ne les suivaient pas de trop près.  

 

On n'est jamais trop sûr...  

Au cas où ...  

Juste pour voir ...  

Prudence est mère de sûreté comme on dit ...  

 

 

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[1] Vrai ! Se reporter au tome 5, édition J'ai lu, épisode 21.  

 

 


Capitolo: 1


 

 

 

 

 

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