Hojo Fan City

 

 

 

Data File

Rated R - Prose

 

Auteur: patatra

Status: En cours

Série: City Hunter

 

Total: 23 chapitres

Publiée: 02-03-11

Mise à jour: 19-07-22

 

Commentaires: 159 reviews

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GeneralDrame

 

Résumé: City Hunter n’existe plus. Après avoir accepté une mission, Kaori rencontre un homme qui veut détruire City Hunter et qui y réussit. Qui est cet homme ? Que veut-il à Ryo ? Comment réagit Kaori ? Pourquoi Ryo perd-il son ange ?

 

Disclaimer: Les personnages de "Le vent", excepté celui de Keiji, sont la propriété exclusive de Tsukasa Hojo. Le personnage de Keiji m'appartient exclusivement.

 

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   Fanfiction :: Le vent

 

Chapitre 12 :: Reproches

Publiée: 23-05-11 - Mise à jour: 23-05-11

Commentaires: Bonjour, J'ai tardé à majer ce chapitre car j'avoue ne pas avoir réussi à m'en sortir comme je le voulais. Mais bon, je jette un peu l'éponge car je ne suis pas sûr de réussir à faire mieux^^. Merci encore pour vos reviews du dernier chapitre qui, je dois l'avouer, m'ont fait un peu sourire. Il semblerait qu'il n'ait guère fait l'unanimité... Je suis curieux de voir comment sera pris celui-ci! Allez^^. Bonne lecture à ceux qui me suivent. Pat

 


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Nul doute que Ryô l’avait entendu, nul doute également qu’il se savait observer à ce moment-même, et pourtant, il restait impassible à contempler la ville, le vent jouant dans ses cheveux désordonnés. Les volutes bleues qui s’échappaient de sa bouche disparaissaient en des formes fantasmagoriques et le halo de lumière qui caressait sa silhouette donnait à la vision un caractère irréel, hors du temps.  

Mick apprécia le spectacle quelques instants, il ne pouvait nier le charisme hors du commun de son ami, sa stature imposante et la force brute qui émanait de lui impressionnaient, et pourtant, la douceur de ses traits, cette baby face qui plaisait tant aux filles, ses manières d’enfant mal élevé lui conféraient un charme irrésistible, presque juvénile. Un sourire désespéré envahit le visage de l’américain. Kaori n’avait pas échappé à la règle. Elle avait succombé au regard noir, à l’âme mélancolique, anéantissant par la même occasion les espoirs fous qu’elle avait fait naître en lui. Aimer et être aimé d’elle. Il y avait cru. Un peu. Il avait alors touché du bout des doigts ce bonheur simple, cette merveilleuse plénitude à laquelle il avait aspiré avec une fougue insoupçonnée. La prise de conscience avait été douloureuse. Avant même de le rencontrer, Kaori s’était promise à un autre et était déjà enchevêtrée dans une inextricable situation amoureuse avec son partenaire. Ryô. D’ailleurs, en toute circonstance, ce dernier n’avait jamais été loin d’eux, gardant jalousement un œil sur celle qu’il s’évertuait à repousser méchamment sans daigner toutefois la laisser lui échapper trop longtemps. Le brun n’avait pas été dupe de l’intérêt qu’elle inspirait à son ancien partenaire, il s’en était méfié, et ce, dès le premier regard bleu azur posé sur son trésor, dès le premier sourire qu’il lui avait tendu. Conscient du danger que représentait son ami, il avait tout d’abord fait mine de ne pas s’en soucier, feignant une méprisante indifférence pour la vie amoureuse de sa coéquipière, mais, dans un long et méthodique travail de sape, il avait défait, une à une, toutes les tentatives de séduction de son rival, le ridiculisant à la moindre occasion, l’acculant dans des situations cocasses et peu valorisantes. Mick avait cru rêver, halluciné devant le comportement incompréhensible de Ryô mais, très vite, sa perspicacité avait refait surface et, dans une stupeur tremblante, il avait perçu la terrible réalité : Ryô tenait à cette femme, beaucoup plus que ce qu’il voulait admettre. Quant à Kaori, toutes ses postures, ses inclinaisons, ses sourires, ses regards, sa voix troublée, les rares effleurements que le nettoyeur provoquait ne laissaient pas de place au doute. Elle en était dingue. De tout son être.  

 

L’américain embrassa des yeux la silhouette sombre de son ami. Cela faisait si longtemps qu’ils se connaissaient, ils ne pouvaient avoir de secret l’un pour l’autre, liés qu’ils étaient par cette amitié virile, faite de beuveries dantesques, de dangers inimaginables affrontés ensemble, de respect mutuel et bien sûr de rivalités tues. Tues, certes, mais conscientes. Rivalités professionnelles, tout d’abord, fiertés d’hommes qui placent en la force bestiale et dans la maîtrise absolue de celle-ci toute leur virilité. Rivalités amoureuses aussi, tous deux ayant une faiblesse exagérée pour les belles représentantes de la gent féminine. Il n’avait d’ailleurs pas été rare, durant toute la période de leur partenariat, qu’ils succombent à la même femme, se livrant alors une guerre fratricide mais sans réel enjeu, la récompense du duel important bien moins que le duel en lui-même et la victoire sur l’autre. Parfois, aussi, quelques hardies n’avaient pas rechigné à visiter les bras de l’un puis de l’autre, se délectant des plaisirs sulfureux que chacun d’eux pouvait offrir ; ils forçaient alors leurs talents, connaissant la comparaison dont ils seraient les victimes consentantes, espérant muettement l’emporter sur le frère d’arme. Mais Kaori n’était pas de celles que l’on courtise dans l’espoir d’écraser l’autre prétendant, celle dont les faveurs couronneraient le vainqueur. Non, c’était de cœur qu’il s’agissait. Mick ne voulait pas partager, il n’y avait même jamais songé, ni placer la conquête de cette femme sur le plan d’une concurrente jalousie. Il avait juste désiré l’aimer, de toute son âme. En vain. De son côté, Ryô n’avait eu qu’une volonté, protéger sa partenaire des assauts ravageurs de son ami, éviter l’histoire d’amour. Et il s’y était employé, farouchement, ne pouvant envisager les lèvres de sa partenaire emprisonnées par la bouche du blondinet. Ni les regards enamourés entre ces deux là, ni les caresses saisies furtivement. Oh non ! Il n’aurait jamais supporté.  

 

« Oh, Ryô, tu ne m’as laissé aucune chance », murmura Mick amèrement.  

 

 

L’américain contempla en silence la pâle lumière de la lune happer la fumée dansante de sa cigarette. Il s’adossa à la rambarde et jeta un œil en direction du plus grand nettoyeur du Japon. Il ne reconnaissait plus l’homme rencontré des années plus tôt, celui dont il avait partagé la vie clandestine. Oh oui ! Ryô avait changé, il était apaisé, avait cessé sa quête d’identité. Le cadeau d’Hideyuki avait non seulement ensoleillé sa vie, donné un sens à son existence, mais il lui avait permis de s’accepter tel qu’il était, un homme sans famille, certes, mais pas sans attache, pas sans bonheur. Il avait tombé le masque. Enfin.  

 

« C’est vrai que tu as changé mon ami » murmura l’américain, une lueur dans les yeux. La solitude, douloureuse complice de toujours, n’était plus son refuge, la mort, compagne fidèle comme son ombre, ne deviendrait pas sa délivrance salutaire. Non, il avait dépassé ces moribonds penchants et se consacrait maintenant à la lutte contre le crime, obsession expiatoire, confession muette de crimes anciens inavoués, cauchemars de toutes ses nuits. Il avait endossé son rôle de nettoyeur comme d’autres entrent dans les ordres, orientant sa vie dans l’unique objectif d’exterminer la vermine qui pullule dans les bas-fonds des villes, y consacrant toute son énergie, y sacrifiant son cœur aussi. Parce que Mick le savait bien, la vie choisie par son ami n’était guère compatible avec l’amour ; et les réticences et résistances qu’il continuait de dresser entre lui et Kaori étaient nécessaires à la poursuite de ses activités. Ryô ne cessait de le dire : Kaori était son point faible ! Non pas qu’elle encourût plus de danger en s’affichant comme la femme de Saeba, ces dangers là, elle les affrontait déjà et Ryô passait son temps à la sortir des mauvais pas pour lesquels elle avait une attirance toute particulière. Non, le véritable danger était pour Ryô. S’il cédait aux bras tentateurs de sa partenaire, s’il en venait à aimer, à s’abandonner, il coulerait dans cette douce mollesse qu’est le transport amoureux, son esprit se loverait avec délice dans les nimbes cotonneuses de l’ivresse du cœur. Il ne pouvait pas se permettre ces déconnections du monde réel, de ce monde noir et poisseux dans lequel il évoluait et où la moindre erreur était fatale, où toutes les facultés, les sens ne devaient être orientés que vers le succès d’une mission, la victoire du bien contre le mal. Il appartenait corps et âme à ce métier qu’il avait choisi comme un sacerdoce et qui lui interdisait d’aimer, sous peine d’en payer le prix fort. Ou alors il lui fallait renoncer à son essence primaire : être un justicier. En y repensant Mick se dit que Ryô avait plutôt bien réussi à ménager ces deux aspects de sa vie : il était le roi incontesté de la ville, craint par tout le milieu et il avait Kaori à ses côtés, elle avait accepté de sacrifier sa vie de femme pour lui et l’accompagnait dans sa quête de justice.  

 

 

« Peut-être qu’un jour, un homme parviendra à lui rappeler qu’elle est faite de chair et de sang, Ryô. Même si j’en doute vu comme tu veilles sur elle et que tu ne laisses personne s’en approcher. Mais ce serait bien ta veine, hein mon ami ?... Qu’un autre que moi réussisse ».  

 

Mick sourit en repensant à la mine de son ami lorsqu’il était arrivé au pays du soleil levant. Quelle crainte terrible avait alors ressentie Ryô en voyant débarqué son ancien partenaire ! Le japonais n’ignorait rien du passé sulfureux du beau blond et, passée la surprise de le voir tourner autour de kaori, il avait assisté, médusé, à la métamorphose incroyable de ce soudain intérêt mal intentionné en un sentiment sincère, chaque jour plus intense, échappant à toute maîtrise. Mick n’avait pas vu venir ce cataclysme dans sa vie, la conquête du beau sexe se révélait être un jeu auquel il excellait mais où il n’avait aucune implication affective et qui ne comportait, pour lui, aucun danger. Il ne s’encombrait pas de principes moraux qu’il jugeait dépassés et se roulait dans la luxure avec un plaisir et un bonheur assumés. Cependant, les yeux noisette avaient résisté sous leurs sourcils belliqueux, délicieusement froncés, ils avaient refusé de se soumettre à la profondeur maritime de leurs soupirants américains et, tel un cyclone, avaient tout dévasté sur leur caressant passage. Oh oui, chaque regard qu’elle avait daigné lui offrir avait creusé en lui des sillons si profonds, qu’il ne parviendrait jamais à les combler. Son cœur, peu habitué à ces élans amoureux, s’était déchainé dans sa poitrine à chaque merveilleuse vision de sa tourmente. Sa raison lui avait échappé, il avait renoncé à ses engagements professionnels, unique fidélité qu’il s’imposait, pour ne pas la blesser et, pire que tout, il avait renoncé à elle, abandonnant le rêve insensé de la séduire, de se faire aimer, pour qu’elle puisse s’épanouir, enfin heureuse dans les bras de celui qu’elle avait choisi… L’autre imbécile avait-il réalisé ?... Sa chance ?... Le sacrifice consenti pour lui ?... Non, pas pour lui !... Pour elle ! … Il avait souffert le martyre, enduré le chagrin de la désespérance passionnelle, subi la sourde tempête du dépit, pour elle, uniquement. Puis il avait pansé ses plaies, avec soin, persévérance, application, presque rage afin de gagner la plus grande bataille de sa vie. Guérir de l’amour non partagé. Certes, la douleur n’avait pas complètement disparu, il se devait de le reconnaître. Chaque sourire de Kaori, chaque regard qu’elle lui adressait, chacun de ses déhanchements lui tordaient encore le ventre, rappelant subséquemment le cuisant échec de sa vie amoureuse, la perte irremplaçable de celle que son cœur avait élue. Mais il avait réussi à avancer, à murer avec une volonté intransigeante les sentiments débordants qu’elle lui avait inspirés, étouffant, du mieux qu’il put, les affres de la déception. Et elle, elle lui avait fait ces cadeaux sublimes, cette amitié indéfectible, unique, cette tendre complicité, cette confiance absolue et autant de témoignages d’attachement sincère dont il était le seul à bénéficier. Elle avait réussi, avec une délicatesse discrète, à lui rendre le sourire et à éviter que ses tourments ne le consument entièrement. Ils étaient amis et cela lui suffisait maintenant. Presque. Il ne souhaitait plus qu’une chose : que ce grand dadais brun se décide enfin à faire son bonheur. Mais, force était de constater que cette bataille là était loin d’être gagnée.  

 

- Qu’est-ce que tu veux Mick ? interrogea le nettoyeur qui s’était rapproché silencieusement de l’américain.  

 

- Hum ? Répondit-il en s’arrachant difficilement à ses rêveries. Je suis venu discuter… J’avais besoin de faire le point sur ce qui s’est passé ce soir.  

 

Ryô ne fut pas surpris de cette réponse et devança son ami.  

 

- Tu es venu me dire qu’Umi avait raison sur toute la ligne, c’est ça ?  

 

Mick le regarda avec intérêt. Visiblement, il en était venu aux mêmes conclusions que lui.  

 

- Il semblerait que tête de poulpe soit plus perspicace que nous, dit-il en esquissant un sourire.  

 

- Oui, mais on va éviter de le crier sur les toits, approuva le nettoyeur en lui rendant son sourire.  

 

- Même si on n’a pas réussi à l’avoir, on sait maintenant que cet homme n’est pas un détraqué, ajouta Angel, il n’en a pas l’aura en tout cas.  

 

- Oui, je l’ai ressenti moi aussi. Le stress l’a obligé à nous dévoiler un peu plus sa personnalité.  

 

- C’est assez rassurant, non ?  

 

- Je ne suis pas si optimiste Angel. Ce n’est pas un pervers, non, mais n’empêche qu’à chaque coup de téléphone, ses menaces font penser le contraire.  

 

- Il n’y a qu’une raison possible à ce comportement Ryô, ce mec en veut à City Hunter. Repense au CH sur le mur ! Il est plus que probable que Chizu ne soit qu’un leurre et n’ait rien à voir avec cette histoire.  

 

- Une victime collatérale, hein ?... Je n’en suis pas sûr. Vois comme il pense à tout ! Rien n’est laissé au hasard, même son apparence dans le parc. On n’a pas pu distinguer son visage, Angel… On ne pourrait même pas le reconnaître si on le croisait dans la rue. Quel genre de yakusa agit de la sorte ? Je n’en connais pas.  

 

- Ca n’en est peut-être pas un, tout simplement, répondit Mick pensivement. Es-tu sûr de ne l’avoir jamais vu ?  

 

- Plus que sûr. Je l’aurais reconnu… Même sans voir son visage.  

 

- C’est quelqu’un qui t’en veut... Une ancienne affaire certainement.  

 

- …. J’ai beau retourné dans ma tête toutes celles traitées ces derniers mois, je ne vois rien qui aurait pu nous échapper… Je fais attention, Mick… Toujours.  

 

Il fixait l’américain avec insistance comme pour mieux le convaincre. C’était pourtant inutile, ce dernier savait que son compagnon d’aventures assurait intelligemment les arrières de City Hunter et ne laissait rien au hasard. La maîtrise absolue des missions lui permettait de protéger au mieux Kaori d’éventuelles représailles.  

 

- Peut-être que ça remonte à plus loin, dit Mick. Plus loin que ces derniers mois.  

 

- Ca me paraît impossible vue la colère qu’il ressent contre moi. J’ai du mal à imaginer qu’il ait pu patienter si longtemps avant de mettre son plan à exécution.  

 

- Qu’est-ce qu’il peut bien vous reprocher ? Ca doit être une affaire personnelle, je ne vois pas d’autre raison pour justifier une telle haine, réfléchit Mick à haute voix.  

 

- J’ai du démanteler un de ses trafics ou faire mettre en prison un membre de sa famille… Mais aucun cas particulier ne me vient à l’esprit. Récent ou pas d’ailleurs.  

 

- Ryô…, hésita le blond, après quelques secondes de silence.  

 

- Quoi ?  

 

- T’as pas eu d’histoire dernièrement ?  

 

- D’histoire ?  

 

- Avec une fille.  

 

- Tu délires Angel ! Tu crois que j’ai eu une aventure et qu’on s’en prendrait à Kaori pour ça ?  

 

- J’en sais rien…, j’essaie d’envisager toutes les possibilités.  

 

- Non ! répondit froidement le japonais. Pas d’aventure, pas même une nuit… Depuis des lustres.  

 

La gêne s’installa entre les deux amis. Mick se projeta bien plus loin que dans l’affaire en cours avec ce semi aveu de Ryô. Ainsi, l’étalon de Shinjuku s’imposait l’abstinence. Bien évidemment, lors de leurs soirées de débauche, les deux pervers s’en donnaient à cœur joie et oubliaient les attaches du cœur. Leurs mains s’égaraient sur les gorges appétissantes, offertes à la convoitise des clients généreux, leurs lèvres baveuses se perdaient dans les cous tendus par les rires sonores et vulgaires. Les croupes, chaloupées, charnues et moulées dans d’extraordinaires jupettes en cuir réveillaient chez eux les fantasmes les plus audacieux, les plus interdits. Mais toutes ces soirées d’orgie étaient inconséquentes et aucun d’eux ne dépassait cette fameuse ligne jaune, dans un accord tacite de mutuelle surveillance. Pour autant, Mick était persuadé que, régulièrement, son ami retournait seul dans ces lieux de luxure facile afin d’y assouvir ses instincts les plus élémentaires, le sexe monnayé étant un moyen efficace de lutter contre la frustration intense que le corps de Kaori devait communiquer au sien. Il fut surpris d’apprendre qu’il n’en était rien et prit alors conscience du sacrifice terrible auquel son ami consentait.  

 

- Alors, je ne vois pas…, dit-il enfin, brisant le silence embarrassant… Mais on doit vite sortir Kaori de là. Car, même s’il n’est pas ce qu’il prétend être, il est dangereux !... Et prêt à tout… Il nous l’a prouvé, aujourd’hui encore.  

 

- Oui, je ne m’attendais pas à ça !  

 

- Moi non plus… Il a eu tellement de chance, c’est insensé…  

 

- Non, Angel, c’est autre chose !… Je ne m’attendais pas à voir un mec comme lui, qui maîtrise aussi bien, j’ai rien vu venir…  

 

Il repensa à ces quelques intenses minutes durant lesquelles il avait poursuivi cet homme à la souplesse de reptile ; il revoyait la casquette, insolente et moqueuse, s’agiter devant lui tel le pompon d’un manège, le narguant sans vergogne. Et puis cette bouche ! Elle avait même osé esquisser un sourire lorsqu’il avait fait le grand saut, ignorant pourtant que la chute ne lui serait pas fatale. Il n’avait pas montré sa peur, il l’avait maîtrisée, étouffée. Du grand art ! Le nettoyeur savait, par expérience, que tout homme qui savait que la mort, imminente, allait l’emporter, dégageait cette odeur caractéristique, presque métallique qu’il connaissait si bien. Cette fragrance non désagréable mais ô combien reconnaissable. Même ceux qui ne craignaient pas le trépas, qui y aspiraient désespérément, attendant avec impatience le passage dans les eaux sombres du fleuve Achéron, se laissaient surprendre par ce dernier instinct, ultime sursaut de la vie, suprême trahison du corps sur l’esprit. S’attacher aux derniers instants, au dernier souffle, refus de l’inéluctable, refus de la FIN tout simplement. Et lui ! Il n’avait rien laissé transparaître. Rien. Ryô ne s’était alors pas douté des intentions de cet ennemi, si différent de tous ceux qu’il avait affrontés : tout risquer, plutôt que renoncer… Et cette haine ! Débordante ! Il maîtrisait toutes ses émotions mais pas cette haine… Elle le submergeait, il s’y vautrait avec complaisance, s’y embourbait, se laissait bouffer par l’ire écarlate qui écorchait son cœur. Oui, cet homme haïssait extraordinairement, au-delà de tout.  

 

- Quand je pense que tout pourrait être terminé, murmura-t-il, le visage fermé de culpabilité.  

 

- On a fait de notre mieux, Ryô. C’était imprévisible.  

 

- Non, J’AI merdé ! Et tu le sais… Je le tenais… Si seulement j’avais réussi à cacher ma présence jusqu’au bout…  

 

L’ex-nettoyeur avait compris la raison du trouble qu’avait ressenti le japonais alors qu’il était au téléphone avec le ravisseur, trahissant par la même occasion sa présence dans le parc. L’allusion. L’allusion à sa promesse.  

 

- C’est étrange que tu ne le connaisses pas, lui sait tellement de choses sur toi.  

 

- Oui… et il est même très bien renseigné, répondit Ryô d’un air songeur.  

 

- On est très peu à connaître la promesse que tu as faite à Hideyuki concernant Kaori. Comment peut-il être au courant ?  

 

- Je ne vois pas, répondit le nettoyeur en haussant les épaules et en allumant une autre cigarette.  

 

- Kaori ? Osa l’américain.  

 

- Je ne pense pas qu’elle lui fasse ce genre de confidence, lança Ryô sur le ton acide de la plaisanterie.  

 

Il avait pourtant envisagé l’éventualité puis, très vite, l’avait repoussée. Non, cela ne tenait pas debout !  

 

- T’as raison, dut reconnaitre Mick.  

 

Ils restèrent immobiles et pensifs un long silence, liés par la fumée de cigarette qui s’échappait des lèvres de l’un pour appâter les narines de l’autre, comme de petites mains invisibles invitant au plaisir compulsif de la nicotine ; l’américain dut résister pour ne pas céder à l’envie d’en griller une autre.  

 

- Allez… Rentre chez toi Angel ! Je crois que ta femme t’attend…  

 

- Humm… Oui, j’y vais… On se voit demain, j’imagine que tu retournes au parc.  

 

- Oui, au lever du jour.  

 

Mick tourna les talons et se dirigea vers la sortie. Il ne put s’empêcher malgré tout de lancer à son ami alors qu’il était assez loin pour éviter les foudres qui ne manqueraient pas de lui tomber dessus :  

 

- Réfléchis Ryô ! Te rends-tu compte à quel point tu tiens à elle ? Il est peut-être temps d’envisager de sauter le pas, non ?  

 

- …. Dégage Angel ! C’est pas le moment !  

 

- Avec votre vie, ça n’est jamais le moment ! Mais il faut bien que quelqu’un te l’dise... Arrête de jouer au con et profite du bonheur qui te tend les bras !  

 

- ANGEL !...  

 

- On va la sauver Ryô ! Et après…  

 

- DEGAGE ! Coupa le nettoyeur.  

 

Mick descendit quatre à quatre les escaliers alors que des noms d’oiseau pleuvaient sur lui. Il ne put s’empêcher de sourire devant la crudité de certains. « Comment ose-t-il me dire ça ? »  

 

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La porte s’entrouvrit et il pénétra dans la chambre religieusement, l’impression de violer un sanctuaire vissée au cœur. A pas feutrés, comme s’il ne voulait pas la réveiller, il s’approcha de la table de nuit et y saisit le cadre photo. Il s’assit doucement sur le lit et alluma la lumière. Il se ressaisit, toutes ces précautions pour préserver le sommeil de son ange ne servaient à rien puisqu’elle n’était pas là.  

Il regarda sans visible émotion cette photo qu’il connaissait par cœur. Le visage d’Hideyuki…  

 

« De la haut, tu vois tout ce qui se passe n’est-ce pas ?... Fais-moi un signe, Hide. Dis-moi où elle est ».  

Il attendit quelques instants, les sens en alerte, et fut contraint de se moquer de lui-même.  

 

« Je t’interdis de rire de moi, tu entends ! »  

 

Il regarda avec plaisir la mine radieuse de Hide, sa sœur à ses côtés, puis se remémora quelques épisodes heureux de leur partenariat, ce fameux sixième sens, ces incroyables intuitions qui avaient permis de solutionner bon nombre d’affaires.  

 

« Comprends-tu quelque chose à cette histoire, toi ? »  

 

Seul le silence lui répondit. Il secoua la tête comme atterré de sa propre bêtise. Il parlait à une photo ! Il était ridicule. Il se repencha malgré tout vers elle, comme aimanté par la frimousse de la jeune femme qui se tenait aux côtés de son ex-équipier. Il caressa des doigts les traits délicats qu’il chérissait tant.  

 

« Oh Sugar ! Je donnerais cher pour savoir où tu es à ce moment ».  

 

Il contempla longuement la bouche interdite de son ange, le cou tendre, ses joues douces et repensa au délicieux pli de son bras, cette zone sensible qu’il avait devinée érogène par simple effleurement. Il était loin d’imaginer qu’au même instant des lèvres brûlantes parcouraient goulument cet endroit précis et que la volonté de résistance abandonnait sa belle partenaire. Non, il ne pouvait imaginer…  

 

Là, assis sur le lit défendu, symbole de toute sa frustration, il se perdait dans des pensées contradictoires où se mêlaient désirs refoulés, culpabilité, angoisses de l’avenir, refus catégorique de changement, étouffement des sentiments et ce besoin de la posséder qui le rongeait. Il y avait aussi cette étrange chaleur qui le mettait si mal à l’aise et qu’il réprima avec peine.  

 

« Ce qui est sûr Kaori, c’est que je ne peux pas vivre sans toi ».  

 

Il afficha un sourire alors que les mots venaient de franchir le seuil de sa bouche et surprenaient agréablement ses tympans. Curieusement, il ne s’en voulut pas de les avoir prononcés, non pas parce qu’aucune oreille indiscrète n’avait pu les saisir, non, mais tout simplement parce qu’il acceptait de reconnaître au moins cette vérité là.  

 

« Je vais te sauver mon ange, je te le promets… Et après… on verra ».  

 

 

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Keiji avait fermé les yeux, entièrement concentré sur la dégustation de ce bras dont la saveur intense emplissait sa bouche. Quel était ce goût ?... La subtilité charnue de la fraise ?... Le velouté aromatique de l’abricot ?... La fraîcheur juteuse de la pêche ?... Il ne cessait de goûter et goûter encore, cherchant dans les moindres enivrantes senteurs qu’il découvrait cet arôme fruité qui l’entêtait tant. C’était tout cela et plus encore… Acidulé… Croquant… Désaltérant… Fondant… Délicieux ! … Mais oui, c’était ça !... Oui… Il avait enfin trouvé !… Il sourit. Comment ne pas y avoir pensé plus tôt ?  

 

La pomme… Ce bras avait le goût de la pomme ! Il attaqua à nouveau, avec plus d’ardeur encore, les oreilles comblées par le souffle haletant de sa captive. La langue se mêlait gracieusement à ses lèvres entrouvertes, ses dents aussi, par moments, dans d’insoutenables morsures légères, qui apaisaient les frissons causés par ses lèvres aériennes qui se retroussaient au contact de sa peau, déposant l’humidité honteuse du désir. Ses mains avaient emprisonné le membre consumé et, par d’imperceptibles pressions, le ployait légèrement afin de découvrir ces zones plus sensibles que les autres, qu’elle lui livrait dans des gémissements plus intenses... Le souffle de Kaori… Cette invitation enivrante à poursuivre l’exploration… Sa poitrine se soulevait, péniblement, sous les palpitations d’un cœur dont les battements anarchiques rythmaient les expirations saccadées qu’elle tentait de maîtriser… En vain…  

 

Il aspira légèrement un endroit délicat, là, au creux du coude. L’effet fut terrible dans le ventre de la nettoyeuse et le gémissement érotique qui s’échappa de sa bouche eut l’effet d’une bombe dans sa tête. Les murs gris de la cours lui sautèrent tout à coup aux yeux. Cette cours, minuscule et glauque, odieux symbole de sa détention, et là, telle une vision cauchemardesque : la bouche de Keiji, sur son bras. Et cette chaleur dans son ventre ! Elle eut honte ! Immédiatement ! Terriblement ! … Elle arracha violemment son bras en criant :  

 

- NON !  

 

Le jeune homme garda les yeux fermés, les mains vides de l’objet de sa convoitise. Le cri de sa prisonnière l’avait sauvagement ramené à la réalité, crue et douloureuse.  

 

Diable, qu’avait-il fait ? Pourquoi avoir cédé au désir de la gouter ? Pourquoi ne pas avoir réfléchi ? Avoir agi par instinct ? Victime pathétique d’hormones en ébullition ! Elle avait juste caressé sa joue… Et lorsqu’il avait vu son visage, si doux, ses yeux, sa bouche, il avait fait voler en éclats ses sages résolutions, oublié qui elle était : la sœur de Makimura, la partenaire de Saeba, sa captive, celle qu’il privait de liberté et qu’il allait bientôt sacrifiée, celle qui devait le haïr, l’abhorrer. Alors… Pourquoi ?  

 

« Bravo Keiji, pauvre imbécile ! Tu n’es vraiment qu’un sombre incapable ! Tu n’as qu’un objectif dans la vie, un unique et petit objectif, débarrasser ce monde des personnes qui ont détruit ta vie et celle de ta sœur ! Histoire de racheter un tant soit peu tes terribles erreurs ! Comment as-tu osé mettre en péril le succès de cette mission sacrée ? Pour une femme ?... Pire que ça !... Pour CETTE femme ! »  

 

Malgré tout, il fut bien conscient que sa volonté n’était plus aussi ferme, sa détermination avait faibli sous la chaleur d’un désir inassouvi et couvant encore sous les braises fumantes de l’incendie qu’elle avait éteint avec ce « NON » magistral.  

 

 

Les prunelles dorées réapparurent. Kaori s’était retournée et offrait son dos à la contemplation coupable du geôlier, les épaules abattues, la tête baissée. C’est seulement à cet instant que le monde refit surface dans l’esprit encore nébuleux de Keiji et qu’il prit conscience qu’il n’était pas le seul aux prises avec ses honteux regrets. Face à lui, se trouvait la jeune femme qui s’était abandonnée, consentante, à ses lèvres enflammées, qui lui avait ouvert la porte de ses désirs, qui avait connu, peut-être même pour la première fois, le plaisir partagé. Il imagina bien facilement les multiples troubles qui devaient être les siens. Trouble de l’esprit avant tout, elle devait se couvrir de moult admonestations accusatrices et son inexpérience amoureuse exagérait très certainement le sentiment de trahison qu’elle devait ressentir. Trouble des sens aussi, étonnement nouveau de ces manifestations physiques inhabituelles pour elle, seins tendus, ventre creusé, intimité noyée par l’idée même que la tentation suprême avait suggérée à son esprit égaré. Expressions embarrassantes du désir féminin, quête masculine insatiable. Il s’en voulut terriblement d’imaginer ses mains sur le corps de la nettoyeuse à la recherche de ces précieux signes de concupiscence. Il chassa bien vite ces vils fantasmes de mâle, pliant sous le poids de la faute qui l’avait éloigné de son but originel, l’aspiration supérieure : sa Vengeance… Oui, il avait fauté, quitté le droit chemin clairement tracé jusqu’à la victoire. Pour une main posée sur sa joue, pour des yeux emplis d’empathie, exempts de rancœur. Savait-elle cela ? Savait-elle que le regard qu’elle lui offrait n’était pas celui qu’il s’était attendu à trouver ? Qui voyait-elle en lui ? Qui ?  

 

Il se décida enfin à briser le silence.  

 

- Pardon Kaori… Je n’aurais pas dû… Je ne sais pas ce qu’il m’a pris.  

 

Le ton de sa voix était volontairement neutre. Il lui fallait mettre fin au supplice de la jeune femme et ne pas ajouter de peine supplémentaire à une situation déjà bien compliquée.  

 

Toujours de dos, elle leva la main pour stopper les paroles pénibles qui sortaient de cette bouche détestée. Elle agita mollement son bras pour couper court à la conversation. Au-delà des reproches qu’elle nourrissait autant pour elle que pour son odieux ravisseur, c’était la colère, apocalyptique, la terrible culpabilité, l’horreur indéfinissable que représentaient ses actes, obscènes à ses yeux, qui lui rongeaient les entrailles.  

 

- Kaori, appela-t-il en se rapprochant d’elle. Kaori, regardez-moi. S’il vous plaît. Retournez-vous.  

 

Il posa les mains sur ses épaules afin de l’obliger à se retourner. Elle sursauta lorsque les paumes chaudes appuyèrent légèrement sur ses bras et résista à la pression délicate. Comment osait-il encore la toucher ? Recréer cet abject contact ? Elle sentit son corps trembler de dégout, ses jambes se dérober sous l’ire monumentale qui allait exploser. D’un instant à l’autre…  

 

Elle se retourna alors, dans un ample mouvement, portée par la détresse dont elle se savait en grande partie responsable, croisa le regard de braise qui réagit avec surprise devant l’expression enragée qu’elle affichait. Le bras justicier était levé ; la main vengeresse, dressée comme son honneur bafoué, vint gifler magistralement la joue ensanglantée de l’ennemi. Cette traitre paume, où étaient nés les prémices délicieux du plaisir, était maintenant recouverte du fluide vital vermeil, triste symbole de sa perfidie.  

 

Il avait compris. La douleur qu’il avait lue dans ses prunelles, le désespoir palpable dans l’agitation de ses membres, son front rougi par l’adultère et sa volonté de le punir, LUI. Il aurait pu éviter cette gifle mais n’en avait rien fait. Il avait plié le cou sous la violence du choc et ses chairs avaient craqué, libérant le liquide chaud sur la paume de Kaori.  

 

Un lourd silence s’abattit sur la cours, le temps que chacun reprenne ses esprits.  

 

- Vous vous sentez mieux ?  

 

- …  

 

- Kaori, n’accordons pas trop d’importance à ce qu’il vient de se passer… Vous et moi avons des circonstances atténuantes, vous ne croyez pas ? Tenta-t-il dans l’espoir de désamorcer la complexe situation.  

 

- Je vous déteste, chuchota-t-elle.  

 

- Ca, j’avais compris, lui sourit-il... Je n’ai pas pris l’échange de tout à l’heure pour une quelconque marque d’affection, n’ayez crainte.  

 

- Je ne sais pas ce qui m’a pris de… Elle ne put terminer, bataillant contre l’horreur des visions qui l’assaillaient.  

 

- Kaori, vous vivez recluse depuis quatre jours, j’ai annihilé toute votre liberté, même celle de résister visiblement. Mais ce n’était pas mon intention, croyez-moi. Je sais que, dans certaines conditions, les relations entre geôliers et prisonniers sont ambigües. N’y cherchons rien de plus !... Quant à moi, j’ai failli tout perdre ce soir et … je pense que j’avais besoin de réconfort féminin et je suis désolé mais c’est sur vous que c’est tombé… Je me suis conduit comme le dernier des goujats.  

 

Elle le regardait d’un air suspicieux mais dut reconnaître que ses arguments étaient recevables, elle les accueillit même avec un certain soulagement, y trouvant une échappatoire transitoire acceptable. Elle n’était cependant pas totalement dupe et savait qu’elle serait amenée à affronter ses démons plus tard, à analyser les sentiments perturbants que cet homme, qu’elle ne cernait pas complètement, avait fait naître en elle.  

 

- Keiji, je veux être claire avec vous ! Ne me prenez pas pour la dernière des naïves, ni pour une femme fragile. Je suis une professionnelle avant tout et ce n’est pas quatre jours de détention qui vont me faire perdre la tête. Mais je ne peux nier que les relations que nous entretenons sont… « particulières ».  

 

- Particulières ?  

 

- Je n’ai pas l’habitude de discuter ainsi avec les hommes qui m’enlèvent. Keiji, vous n’êtes pas un monstre. Réveillez-vous ! Arrêtez tout ! Avant qu’il ne soit trop tard…  

 

- Ne dépensez pas votre énergie à me convaincre Kaori ! C’est inutile !  

 

- Vous avez failli tout perdre ce soir… Vous l’avez-vous-même reconnu. C’est Ryô n’est-ce pas ? Qui d’autre ?... Cela signifie qu’il se rapproche de vous, bientôt il sera ici pour nous libérer et je ne donne pas cher de votre peau.  

 

Il éclata d’un rire franc et posa sur elle le regard dur et froid qu’elle connaissait bien maintenant.  

 

- Réfléchissez Kaori ! Oui, Saeba a bien failli m’attraper, j’ai fait une erreur et cela me servira de leçon. Mais je suis là ce soir. Devant vous ! Cela signifie donc aussi que je lui ai échappé… Est-ce que ça lui arrive souvent, dites-moi ? Que l’homme qui a enlevé la femme de sa vie réussisse à lui glisser entre les doigts ?  

 

Elle ne le supportait décidément pas lorsqu’il se montrait aussi sûr de lui ! Cet homme était vraiment insondable! Capable d’être délicat et attentionné afin de lui éviter de coupables états d’âme puis d’asséner des vérités déstabilisantes, blessantes. Elle devinait derrière cette dualité le combat intérieur qui devait le déchirer, la lutte du bien contre le mal.  

 

- Alors êtes-vous vraiment certaine de l’issue d’un duel entre nous ? Lui demanda-t-il d’un air narquois.  

 

- J’ai une confiance absolue en lui, assura-t-elle.  

 

- Oh Kaori ! S’il y a bien une chose que la vie m’a apprise c’est qu’on ne peut vraiment faire confiance à personne… Et certainement pas à Saeba !  

 

- Allez-vous cesser ces insinuations ? Fonça-t-elle.  

 

- Pardon ?  

 

- Oui… Toutes ces insinuations malsaines que vous faites sur mon partenaire depuis que vous m’avez enlevée. Vous n’arrêtez pas de sous-entendre que Ryô est un homme sans cœur, égoïste, qu’on ne peut pas lui accorder sa confiance.  

 

- C’est ce que je pense de lui.  

 

- Expliquez-vous dans ce cas ! Que lui reprochez-vous ? Cela a forcément un lien avec votre sœur, n’est-ce pas ?  

 

Elle le sentit se tendre ; elle comprenait très bien que le sujet d’Hana fut très sensible. Mais il lui fallait comprendre l’animosité qui séparait les deux hommes, quitte à pousser Keiji dans ses retranchements et dans la colère.  

 

- Je n’ai pas envie d’en parler.  

 

- Je ne peux pas accepter votre réponse Keiji ! Vous vous défilez ! Je ne comprends pas votre réticence à m’expliquer les raisons de votre vengeance.  

 

- Je pense que votre sortie de ce soir est terminée, dit-il en la saisissant par le bras et en la poussant sans ménagement vers la porte, mettant brutalement un terme à leur conversation.  

 

- C’est trop facile, dit-elle en se dégageant brusquement. J’en ai marre ! Marre de cette cellule ! Marre de vous ! Marre de ne rien comprendre !...  

 

Elle s’était réfugiée dans un coin de la cours, le défiant du regard, prête à résister s’il s’approchait d’elle.  

 

- Ne m’obligez pas à utiliser la force Kaori. Suivez-moi ! Prévint-il d’un ton calme mais résolu.  

 

- Dites-moi !... Que reprochez-vous à Ryô ?  

 

Il se rapprocha d’elle, l’aura qu’il dégageait était menaçante à cet instant et Kaori ressentit un léger malaise. Pour autant, elle le savait incapable de lui faire du mal. Les raisons de cette certitude étaient obscures ! Mais elle en était convaincue.  

 

- Venez ! Dit-il avec autorité en lui tendant la main. N’insistez pas !  

 

- Hors de question !  

 

Il souffla, exaspéré par son entêtement et par l’assurance qu’elle affichait. S’il lui avait inspiré de la crainte au tout début, il n’en était plus rien ce soir. Cela l’excéda.  

 

- Je veux savoir ! Renchérit-elle.  

 

- Mais pour qui vous prenez-vous ?  

 

- Vous n’êtes qu’un lâche Keiji ! Incapable d’affronter vos démons.  

 

Il resta interdit, la colère remontant par flots dans sa bouche.  

 

- Vous avez raison ! L’invectiva-t-il. Mes démons me hantent. Puisque vous voulez tant savoir, ma sœur est morte en grande partie par ma faute !... Et je devrais vivre avec ce poids sur la conscience jusqu’à ma mort. Mais Saeba a aussi à voir là dedans ! Et, il va le payer ! Oui, tout le monde doit payer un jour ou l’autre pour ses erreurs.  

 

- Voyons c’est impossible Keiji ! Ryô est incapable de faire du mal à une femme, niait-elle avec fermeté, les larmes envahissant peu à peu ses yeux. Nul autre que lui ne sait mieux protéger une femme. C’est un malentendu ! Je vous assure…  

 

- TAISEZ-VOUS ! Hurla-t-il. Arrêtez avec cette histoire de malentendu !  

 

- Mais…  

 

- Ce sont des détails sordides que vous voulez, c’est ça ? S’énerva-t-il. Hana a été kidnappée et pendant des jours a servi de punching-ball à ses ravisseurs, elle a été torturée, abusée, a connu les douleurs les plus horribles qu’une femme puisse connaître… jusqu’à succomber… Votre curiosité est-elle satisfaite, Kaori ?  

 

 

Elle ne répondit pas, assommée par les paroles hachées qu’il lui jetait.  

 

- Ah et j’oubliais ! Continua-t-il en la fixant. Délicatesse ultime de ses ravisseurs : tout le temps qu’a duré son supplice… j’ai su. Oh oui, j’ai tout su ! Dans les moindres détails…  

 

 

Il détailla le visage obstiné qui lui faisait face et distingua facilement les cernes bleus qui s’enroulaient autour des yeux de la nettoyeuse. Il n’avait pas remarqué leur présence au tout début de l’échange. A trop vouloir savoir, analyser, rechercher, avec cette soif de vérité qu’il ne pouvait étancher sous peine de s’y perdre lui aussi, elle abandonnait toutes ses forces, accablée dans la douce folie de sauver son partenaire, son amour. Bien sûr, il lui manquait l’essentiel, les rôles exacts de Saeba et de son frère dans cette tragédie, mais elle reviendrait à la charge. Plus tard. Il en était convaincu. Pour l’heure, elle capitulait sous la pression de cette promenade ô combien éprouvante.  

Elle avait bataillé ferme pour en savoir davantage mais elle était exténuée, psychologiquement abattue. Il s’en voulut d’avoir tant parlé, de l’avoir ébranlée de la sorte, poussé par la colère mais aussi par cet impérieux besoin de partager la douleur atroce qui l’habitait encore. Cette douleur ! Quand cesserait-elle ?... Il refoula. Très vite. Très loin.  

 

Il la regarda à la dérobée, n’ayant plus le courage d’affronter directement les yeux figés de sa captive. Qu’elle lui paraissait fragile à ce moment ! Terriblement fragile ! Pourquoi avait-il dit tout cela ? Le tendre échange partagé quelques minutes plus tôt n’avait-il pas suffi ? Là, son désarroi devait être total !  

 

Elle scrutait la face défaite de Keiji, elle était d’une inquiétante pâleur, contrastant avec le rouge carmin de sa pommette gauche.  

 

Elle s’approcha de lui :  

 

- Je voudrais rentrer maintenant.  

 

Il ne répondit pas mais la suivit lorsqu’elle se dirigea vers la porte. D’un geste, il congédia les deux gardes qui parlaient fort devant la cellule, non sans avoir remarqué le regard perçant que l’un d’eux avait glissé sur la nettoyeuse. Il l’invita à entrer dans sa chambre, elle s’exécuta sans broncher, puis se retourna afin de lui faire face alors qu’il refermait la porte sans même prononcer un mot. Contre toute attente, c’est elle qui brisa le silence :  

 

- Keiji,…  

 

- Oui ?  

 

- Allez soigner votre blessure,…, s’il vous plait.  

 

Il lui sourit et referma la porte.  

 

 

 

 

 


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