Hojo Fan City

 

 

 

Data File

Rated R - Prose

 

Author: patatra

Status: Completed

Series: City Hunter

 

Total: 5 chapters

Published: 30-06-20

Last update: 04-01-22

 

Comments: 9 reviews

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Drame

 

Summary: Aux racines des amours plurielles, des attractions passionnées et voluptueuses, des déchirements douloureux… Personnages légèrement OOC. Pour un public averti.

 

Disclaimer: Les personnages de "Demain, dès l'aube" sont la propriété exclusive de Tsukasa Hojo.

 

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   Fanfiction :: Demain, dès l'aube

 

Chapter 4 :: Chapitre 4

Published: 24-12-20 - Last update: 24-12-20

Comments: Bonjour à tous, Voilà le dernier chapitre de cette fiction atypique. La fin est elle aussi peut-être atypique... ATTENTION: lemon explicite. Comme pour les chapitres précédents, j'ai fait appel à des extraits de chansons (n'hésitez pas à aller les écouter), je cite: - La symphonie pastorale de la grande Brigitte Fontaine - Je déteste ma vie de Pierre Lapointe (j'adore cet artiste) - Love on the beat de Gainsbourg (son chef d'oeuvre absolu pour moi!) - Mad about you d'Hooverphonic (juste une phrase) Bon, je ne m'étale pas sur les turpitudes d'un auteur qui livre le fruit de son travail... Je vous souhaite juste une bonne lecture!!! Et de belles fêtes de fin d'année! A bientôt et merci pour vos commentaires. Pat

 


Chapter: 1 2 3 4 5


 

CHAPITRE 4
 

 

C’est drôle comme je n’ai aucune appréhension lorsque j’active la poignée de ta porte. Il est à peine six heures et une légère clarté a déjà envahi le ciel, instille une douce luminosité dans tout notre appartement, y pénétrant par les fenêtres sans rideaux.  

La porte cède silencieusement et, tandis qu’elle s’efface devant moi, lentement, le spectacle de ta chambre se dévoile à mes yeux voyeurs. Immédiatement, je devine une forme sombre et massive dans le lit, sur le côté droit, juste en face de moi, à quelques pas à peine. Ma respiration se trouble un instant. Suis-je impressionnée de te découvrir ainsi ? Ce matin… après la folie de notre soirée…  

 

Je pressens que le sommeil n’est pas ce qui alourdit ton corps, gisant sous la couette tel un cheval mort. Bien d’autres charges t’accablent. Culpabilité, regrets, colère peut-être ; je ne sais exactement.  

Je fais un pas dans ta direction. Un pas minuscule et timide. Bien sûr, tu as anticipé mon arrivée en ce lieu sacré et, j’en suis persuadée, tu scrutes avec attention ma silhouette fragile que découpe la lumière diffuse dans l’encadrement de la porte.  

 

Soudain, tu te soulèves, prends appui sur ton coude droit. Tu me fais face, de nouveau immobile et incolore.  

 

Nous ne sommes vraisemblablement que des ombres l’un pour l’autre ce matin. Tes traits, en contrejour, ne m’apparaissent pas clairement, tes pensées me sont donc insondables. Mais peu m’importent tes états d’âme aujourd’hui Ryô, je suis venue te dire… simplement te dire. Le reste ne m’appartient pas. Le reste m’échappe. J’inspire une grande goulée d’air. J’ai pris de l’assurance depuis quelques heures, je me suis affranchie de cet émoi que tu provoquais systématiquement, ce besoin de lire dans ton regard, dans ton attitude, la permission que je quémandais, pour m’épancher, pour ne pas risquer de te heurter, te plaire toujours. Au quotidien, une crainte m’habitait, celle de ne pas être en adéquation avec ce que tu attendais de moi. Cette crainte m’amenait à me couler dans le moule que je croyais être celui que tu me destinais ; je me déguisais, je me censurais. Aujourd’hui, je vais te dire sincèrement ce qui me traverse, mes souhaits, mes désirs, mes sentiments. Bien sûr j’ai des attentes, des appréhensions. Mais je les assume.  

 

Quatre douches ont lavé mes parjures. Mon corps ne recèle plus aucune des traces que tu lui as apposées. Mon âme, quant à elle, n’est pas plus sereine que lorsqu’elle s’accrochait à tes lèvres et paroles insensées. Mais cela ne représente plus à mes yeux une faiblesse, il semblerait que j’ai intégré ce fait indéniable, tu es et resteras mon éternel tourment ; et cette condamnation est sans appel. J’ai réfléchi toute la petite nuit que je me suis octroyée. Oui Ryô, chaque seconde depuis nous fut consacrée au sondage de mon cœur, à l’écoute de mes aspirations profondes et intimes. J’ai visité mon amour pour Mick, l’attachement qui en est né, les moments de joie uniques dont il me comble. Sa nécessité pulsatile qui, au fond de ma poitrine, impose la vérité absolue : je suis vivante. Évidemment, j’ai également investi, avec tout le recul dont je suis capable aujourd’hui, les émotions que tu as provoquées en moi, l’incendie que tu as allumé sciemment et qui me consume, l’addiction mortifère que tu m’inspires. Encore et toujours. Plus que jamais. J’abandonne pourtant le cheminement de mes pensées pour replonger dans le moment présent.  

 

J’admire malgré moi ta sibylline posture, l’immobilité nébuleuse qui a figé chacun de tes muscles. Ainsi étendu devant moi, nimbé d’obscurité, tu ressembles au sphinx de Gizeh. Monumental et inaltérable. Pourtant, je sais que cette impression est mensongère, c’est que je connais désormais ta faiblesse ; je suis ta faiblesse ! Et là, tout de suite, tu es en attente. D’un mot, d’un geste, d’une invitation. D’un instant à l’autre, tu pourrais te lever, fondre sur moi, briser mes résistances, revendiquer tes droits. Je déglutis, tremble un peu peut-être. Devant toi, je me sens incroyablement forte et vulnérable, je ne suis en fait que contradictions.  

 

Les secondes s’égrènent dangereusement, la passion s’insinue dans notre mutisme, s’illustre dans notre incapacité à communiquer autrement que par le langage de nos corps paralysés.  

 

« Je suis venue te dire que j’aime Mick. »  

 

Les mots que je viens de prononcer sonnent ridiculement à mes oreilles, comme si je m’en débarrassais, comme si je les érigeais en remparts de papier, défense illusoire contre ce qui me mène vers toi ce matin. Ils sont pourtant sincères. Ils traduisent un sentiment qui est bien réel mais qui, balancé ainsi, perd de son intensité, n’étale pas sa superbe. Tes doigts se crispent sur les draps, tes ongles les font crisser. Je ne peux déchiffrer l’expression de ton visage mais un léger grognement m’indique que tu accuses le choc.  

 

Courageusement, je m’approche plus près et mes yeux distinguent de mieux en mieux tes contours ; le dessin de tes épaules, le désordre de tes cheveux, la virilité de ta mâchoire, toutes ces nuances graphites que délinée la pénombre. Même pétrifié devant moi, envahi d’une étrange catalepsie, tu n’en restes pas moins un fleuve de testostérone. Et je hais comme mon ventre se tord sous l’effet des effluves secrètes que ton corps a communiquées à l’environnement de ta chambre. Il est des étranges réactions bien plus significatives que les mots les plus forts.  

 

Mais… tu bouges… Bon sang, tu bouges...  

 

Tu t’es assis sur le rebord de ton lit et tu me dévisages avec attention. Peut-être ai-je frémi, instinctivement me suis-je écartée de toi d’une distance infinitésimale ? Je ne veux pas te paraître sensible à tout ce qui est toi, je ne veux pas que tu aies l’impression d’être en mesure de me bouleverser, d’influencer mes décisions, ma détermination.  

 

« Mais je t’aime aussi ! » je lance pourtant avec tout autant d’empressement.  

 

Inutile de ménager le suspense, d’entretenir ta douleur. Celle-ci a été palpable et c’est tout ce que je voulais voir. Monstrueuse je suis devenue, il me faut m’y faire ! Il te faut t’y faire…  

 

Un souffle de soulagement s’échappe de tes lèvres, ta poitrine se creuse dans le même temps, puis se soulève, et c’est toute une vie qui t’investit. Je suis sûre que si la clarté gagnait davantage ici, je pourrais contempler les couleurs sur tes joues. M’en extasier ; oui, m’en extasier car c’est un nouveau pouvoir qui m’échoit.  

 

« Je pensais chaque mot que je t’ai dit, articules-tu de ta voix grave.  

 

— Je les ai entendus. Crois-moi, je les ai entendus. »  

 

Mais déjà ta main s’est tendue. Vers moi. Réclamant un contact. L’implorant presque. J’hésite un instant, puis te confie ma dextre. Lentement, je la coule dans ta poigne ferme et chaude. Lentement, tes doigts se referment sur moi. Et mes yeux accompagnent le mouvement pour mieux apprécier la sensation réconfortante qui m’étreint. Celle-ci ne dure hélas qu’une fraction de seconde. Tu te montres inquisiteur, exigeant, une pression m’oblige à avancer davantage vers ta couche. Déjà, tu éprouves ma résistance, me veut auprès de toi, que nos corps se retrouvent. Un sursaut dans mon poignet indique comme je refuse de capituler. Non, Ryô, je ne te rejoindrai pas dans ton lit. Un simple enlacement n’est pas plus envisageable, je ne bougerai pas d’un iota. Bien sûr, tu perçois mes réticences et un soupir vaincu annonce que tu ne me contraindras pas, à regret certainement. Ma main échappe à l’étau qui l’avait capturée et cette séparation m’est tout autant salutaire qu’éprouvante.  

 

Tu allumes ta lampe de chevet et une lumière artificielle, désagréable pour mes yeux, chasse l’obscurité ambiante qui couvait nos retrouvailles. Nos prunelles se rencontrent et je ne peux nier le plaisir que je retire de l’échange visuel. Il n’y a rien de sauvage dans le regard que tu me tends. De la tendresse, de la douceur, un peu de tristesse aussi. Mais je ne peux douter de la sincérité des sentiments que tu m’as confiés tantôt. C’est étrange, je m’attendais à batailler ce matin encore, notre échange d’hier soir était si brutal, tu t’es montré si dévorant, que la délicatesse avec laquelle tu m’accueilles ce matin, ta presque docilité, en sont déroutantes. Un contraste étonnant que je n’avais pas envisagé.  

 

Un sourire mi-comblé, mi-désenchanté, étire l’ourlet de tes lèvres. Mes iris ne quittent pas l’enivrant spectacle et je mesure comme il me sera dorénavant compliqué d’échapper à ton magnétisme, comme tu seras mon maître, moi qui veux, qui vais, prétendre le contraire. Je me sais faible devant toi, mon corps hurle qu’il se veut contre le tien, qu’il va se soumettre, s’offrir. Pourtant, il me faut combattre ses irraisonnables doléances, les dompter, à corps défendant. Ce matin, c’est mon autre amour qui jouira de ma présence.  

 

« Tu vas le rejoindre ? » pressens-tu.  

 

Ta voix s’est teintée de désolation malgré l’effort fourni pour ne pas l’exposer à mes tympans.  

 

« Oui. »  

 

Un autre soupir lourd de sens s’échappe de tes lèvres. Tes épaules se sont affaissées, ta nuque a ployé et ton front s’est coulé dans tes paumes. Un sentiment de culpabilité me saisit tandis que tu ne travestis pas la douleur qui te traverse. Très vite pourtant, tu reprends la maîtrise de tes émotions, tes orbes obsidiennes se reposent sur moi et tentent d’analyser mon trouble, l’expression de mon visage. Je pose ma main droite sur ma joue, cherche quelque réconfort à mon propre contact. Me donner du courage. Que je paraisse solide…  

Mais tu te lèves. Tu es géant. À moitié nu. Tu t’approches. Je ne cille pas. Diable, je ne cillerai pas, ne vacillerai pas. Planté devant moi, ta main a rattrapé la mienne au vol - elle désertait, la félonne ! - et la replace sur ma joue. Une chaleur malvenue l’envahit. Pourvu que je ne rougisse pas !  

Quelque peu impressionnée, j’autorise mes yeux à venir à la rencontre des tiens.  

 

« Tu m’aimes aussi ? t’enquières-tu, incrédule, soucieux que je réitère ma déclaration.  

 

— Oui, acquiescé-je tout en opinant de la tête. »  

 

Mais ce que je redoutais plus que tout arrive, tes yeux se sont obombrés, tes paupières se sont closes à moitié, ton visage oblique et tu t’apprêtes à m’embrasser. Dans un salutaire sursaut, mes doigts s’interposent, empêchent la rencontre de nos bouches.  

 

« Je ne veux pas que tu m’embrasses Ryô, osé-je expliquer. Je ne veux pas que tu me touches ce matin. Je vais voir Mick, tu comprends ? »  

 

Ton expression se renfrogne immédiatement, une grimace déforme tes traits et il ne faut pas être devin pour discerner ta contrariété sous le masque du mécontentement.  

 

« C’est ce que tu veux ?  

 

— Ce que je veux ? Ryô, c’est si compliqué ce que je veux, soufflé-je difficilement, c’est si honteux de le reconnaître. Être avec toi, être avec lui. Ce que je veux me semble impossible. Pourtant, hier… j’ai cru… Tu m’as bien proposé… Peut-être ai-je mal compris ? »  

 

Shame on me ! Ma gorge se noue d’appréhension, mes yeux peinent à soutenir ton regard accusateur.  

 

« Mal compris ? répètes-tu avec sarcasme. Non, c’est bien ce que j’ai proposé, être numéro deux. »  

 

Ton aura est plus sombre que jamais et je frissonne tandis que l’intonation que tu as empruntée résonne en moi lugubrement. Tu t’éloignes de quelques pas.  

 

« Tu peux changer d’avis. Évidemment ! avancé-je tremblante. J’imagine que dans le feu de l’action…  

 

— Kaori, réagis-tu avec une légère exaspération, je ferai ce que tu veux. Je ne changerai pas d’avis... Je… t’aime… »  

 

Une décharge d’électricité déchire l’espace entre nous. Je me sens défaillir, le sang déserte mon crâne et ma tête se met à tourner, mes jambes se dérobent.  

 

« Ça va ? t’inquiètes-tu tandis que ta main soutient mon bras.  

 

— Oui… oui, ça va… C’est juste que t’entendre prononcer ces paroles n’est pas vraiment quelque chose d’habituel. J’ai un peu de mal à réaliser. »  

 

Tu expires bruyamment et tes sourcils se froncent. Tu sembles bien conscient de la réalité que je viens d’évoquer, ces années de comédie qui ont été un vrai travail de sape me concernant.  

 

« J’ai envie de te prendre dans mes bras, réclames-tu sans me lâcher, te rassurer, te caresser. Est-ce que je peux ?  

 

— Non… s’il te plaît. »  

 

Ma voix n’est guère franche et je souffre de te repousser. Peut-être autant que tu souffres d’être repoussé. Ta main quitte mon bras et un faible gémissement s’échappe de tes lèvres tandis que tu t’éloignes à nouveau.  

 

« Qu’allez-vous faire ? demandes-tu dans un souffle sans même me considérer. Il est à peine six heures. »  

 

Que puis-je répondre à cela ? Comment dire l’innommable ?  

 

« Sais-tu comme notre soirée m’a bouleversée ? » entamé-je, hésitante, m’éloignant sciemment du sujet qui te préoccupe.  

 

Tu t’es retourné vers moi, m’offres la superbe de ta gueule d’amour en contemplation, l’animalité de ton regard.  

 

« Je ne voulais pas te brutaliser comme ça… Crois-moi Kaori, ce n’est pas ainsi que je rêvais notre rapprochement.  

 

— Il n’y a pas à rêver Ryô. Il n’y a qu’à vivre, qu’à oser, t’éclairé-je. Il n’y a rien de ce que nous avons partagé hier qui m’a heurtée. J’ai voulu la même chose que toi. Je me suis engouffrée dans la même folie que toi ; et ce matin je ne regrette rien. Absolument rien. »  

 

Tu déglutis et savoures mes paroles, suspendu à mes lèvres. Ce que nous avons partagé était sublime, n’en doute pas mon amour, sublime et dévorant. Ce matin encore, j’en suis pétrie ; à un point que je ne peux te confier - à peine puis-je le considérer - car il te serait effrayant de constater comme je suis femme désormais, comme le Diable règne sur mon cœur, comme il m’a soufflé d’irraisonnables pensées, d’odieuses doléances et comme j’ai fini par me ranger à son avis. La réalité que je m’apprête à te dire est honteuse Ryô et je me méprise des décisions qui sont les fruits de mes réflexions nocturnes. Jamais je n’aurais imaginé telle volonté en moi, telle monstruosité. Là tout de suite, je devrais hurler comme je t’aime, comme j’ai été touchée par l’ardeur de ta passion, l’insoupçonnable sacrifice que tu as osé proposer. Toute la splendeur de ta démesure m’est apparue. Ta démesure Ryô… tant physique que sentimentale. De l’inattendu, de l’inespéré, du miraculeux. Tu t’es dévoilé plus noble et plus amoureux que je ne l’aurais jamais cru et, en retour, moi… moi, je ne serai qu’ignominie.  

 

« Il me faut pourtant t’avouer les heures passées cette nuit à tenter de renoncer à toi, comme j’ai bataillé pour t’arracher de mon cœur. » poursuis-je.  

 

Tes lèvres restent scellées et tu ne perds pas une miette des mots que je prononce.  

 

« Je ne peux pas renoncer à toi. Rien ni personne ne saurait me séparer de toi, est-ce que tu me comprends ? »  

 

Tu opines à peine du chef pendant cette seconde qui s’interpose, mais ne desserres pas les dents, certainement conscient de là où nous mène mon discours.  

 

« C’est un cauchemar. Un cauchemar parce que je ne peux pas renoncer à lui non plus. Ryô, je n’ai même pas essayé d’envisager de me séparer de Mick. Il m’est maintenant aussi indispensable que tu ne l’es. Je vous veux tous les deux. En fait, je vous veux tous les deux. »  

 

Je perçois le durcissement de tes traits, ta colère qui pointe. C’est qu’il y a un fossé monstrueux entre l’idée que tu évoquais hier, me partager, rester dans l’ombre, et sa concrétisation dans les faits, ce que je te demande aujourd’hui.  

 

« Je ne suis pas stupide, j’ai bien compris tout ça. Ta première phrase ce matin était pour lui.  

 

— Je sais que tu as compris Ryô… mais je veux que les choses soient claires entre nous.  

 

— Et les choses seront-elles claires avec Mick ? demandes-tu, le regard mauvais. Vas-tu lui dire que tu m’aimes aussi ? »  

 

Tu t’es rapproché de moi, tu m’as saisie par les épaules et tes doigts pénètrent ma chair. Mais c’est bien la morsure de tes pupilles dilatées qui est la plus douloureuse. Je ne réponds pas. Évidemment que je ne réponds pas. Pourtant ta question est cruciale et je l’ai retournée dans tous les sens possibles cette nuit. Comment dire à Mick ce qu’il en est dorénavant ? Ma faiblesse de la soirée, mon amour partagé, mon envie d’être avec toi tout aussi irrésistible que celle d’être avec lui.  

 

« Et tu vas te faire baiser par nous deux ? ne décolères-tu pas, souhaitant m’atteindre encore davantage. Ou bien aura-t-il un traitement de faveur et moi je n’aurais au final pas le droit de te toucher. Oui Kaori, as-tu déjà tranché ce point ? »  

 

Mes yeux s’écarquillent et se voilent de buée. Comment ne pas réaliser que mon indécision, mon incapacité à choisir, nous mènent droit dans le mur ? Qu’on va se déchirer, souffrir, mais qu’il m’est insupportable de renoncer à l’un de vous deux. Sale égoïsme, exigence monstrueuse de mon cœur hésitant. Hésitant et aveugle - oserais-je dire indifférent - au désastre qui s’annonce. Ma vilénie me dégoûte, j’en suis parfaitement consciente. Pourtant je l’accepte et m’obstine dans cette voie que je devine sans retour. Tes poignes se sont effacées de mes épaules, ne m’entravent plus et tu t’es éloigné de quelques mètres. Comme assommé par l’abjection de ta propre tirade.  

 

« Je ne te considère pas comme numéro deux Ryô. Et je ne considère pas Mick comme numéro deux non plus. Vous aurez tous les deux les mêmes droits sur moi. » j’énonce d’une voix peu assurée.  

 

Tu t’es immobilisé à quelques pas de moi, t’es soudainement retourné, me regardes plein de stupeur. Tu ne me reconnais pas, n’est-ce pas ? Non, la femme qui se tient devant toi n’a plus rien de la fragile, la pudique, la loyale Kaori. Elle n’est qu’un concentré d’infâmies. Se pourrait-il que tu en viennes à m’abhorrer, que je ne t’inspire plus que répugnance en lieu et place de cet amour tant convoité et qui m’échoit aujourd’hui ? Ma chance passera-t-elle, serai-je déchue, abandonnée par ces deux amours qu’au final je ne pourrais que décevoir ? La perspective de ma déliquescence annoncée me glace et pourtant je persiste dans l’ignoble schéma que j’impose unilatéralement.  

 

« Quand tu seras à moi, clarifies-tu en t’avançant lentement, l’onyx de tes iris planté dans mes noisettes impressionnées, je ne veux aucune trace de lui sur toi.  

 

— Bien sûr, soufflé-je, rassurée par ton implicite consentement.  

 

— Je ne parle pas seulement des traces sur ton corps, mais aussi et surtout de celles dans ton cœur, dans tes yeux, sur ta bouche. Me comprends-tu Kaori ? énumèrent tes lèvres en simultanéité de tes doigts qui désignent chaque partie concernée, les effleurant.  

 

— Oui, je comprends. Mick aura les mêmes exigences.  

 

— Je me fiche de ce que voudra Mick ! assènes-tu les dents serrées. Il n’existera plus. Quand tu seras avec moi, tu le seras à 100%. Il n’existera plus.  

 

— Je n’imagine pas qu’il en soit autrement.  

 

— Je pense que tu ne réalises pas ce qui t’attend Kaori. Pour lui et moi, ce sera une horreur absolue. Mais pour toi, ce sera pire encore. »  

 

Tu as raison Ryô. Certainement n’ai-je pas encore conscience de ce dans quoi je m’engage.  

 

« Rentres-tu ce soir ? persévères-tu dans notre échange.  

 

— Bien sûr que je rentre ce soir. »  

 

Crains-tu que je disparaisse ? Jamais ! Je te promets, jamais !  

 

« Sois à moi cette nuit ! » revendiques-tu alors, posant sur moi des yeux propriétaires.  

 

Mon souffle s’affole brusquement alors qu’une certaine gourmandise allume ton sourire désormais désenchanté. Mes yeux déambulent sur tes lèvres. C’est que je connais maintenant la saveur de tes baisers, je les ai goûtés. Diable, je les ai goûtés ! Plus exquis que le plus suave des breuvages, et plus brûlants que les feux de l’enfer.  

 

« Est-ce que tu seras à moi cette nuit ? », répètes-tu d’une voix caverneuse.  

 

Dans tout mon être résonne la demande équivalente, que Mick a tant de fois réitérée et à laquelle je n’ai toujours opposé que refus. Une nuit avec moi.  

 

« Oui Ryô, m’entends-je te répondre, presque hallucinée, je serai avec toi cette nuit. »  

 

Sur les traits sauvages de ton visage se dessinent les lumières de la victoire et, pour rehausser le tout, tu m’offres la blancheur éclatante de ton sourire carnassier. De moi tu ne feras qu’une bouchée, le doute n’est pas permis. Tu savoures mon accord, ne tentes rien pour dissimuler le plaisir qu’il te procure ; un premier succès, certainement annonciateur d’autres. Et moi je frissonne à la perspective charnelle que tu affiches sans vergogne, quelques fourmillements parcourent ma nuque jusqu’à mon menton, mes mains se contractent sur ma jupe. Probablement prends-tu conscience à cet instant du pouvoir que tu as toujours sur moi, du poison que tu instilles dans mes veines en projetant simplement nos futurs ébats ; poison qui, espères-tu, fera son œuvre toute la journée. N’est-ce pas que tu l’espères ?  

 

Tu affiches désormais une petite moue à mi-chemin entre la satisfaction et la frustration puis, après quelques secondes d’intense réflexion, tu reviens vers moi. Pas après pas, la distance qui nous sépare fond inexorablement. J’admire ton allure, cette infinie puissance que tu dégages, ce sex-appeal qui te caractérise et qui affole les sens de toutes les femmes qui croisent ta route. Me voilà contre le mur de ta chambre, délectable habitude, impressionnée, les yeux hameçonnés par les tiens. Mais alors que tes mains se posent de chaque côté de ma tête et que je m’apprête à protester, tu devances mon intervention.  

 

« Ne crains rien, je ne te toucherai pas. »  

 

Tu te positionnes face à moi sans lâcher notre contact visuel. Ta stature m’oblige à lever le menton, tu es si proche ; un souffle ne saurait s’interposer.  

 

« Ferme les yeux. » m’intimes-tu tendrement.  

 

Il n’est pas envisageable que je ne me soumette pas. Inutile de me rebeller ou d’intellectualiser, je te fais confiance.  

Mes paupières déposent un voile opaque sur mes cristallins et me voilà servile.  

 

Merveilleusement – il n’y a pas d’autre mot – tu déambules à quelques microns de moi. Je devine l’envie qui t’engloutit : m’embrasser ; cette envie m’envahit aussi mais j’y résiste. Nous ne faillirons pas. Je me contente donc de m’abandonner au souffle que tu promènes dans mon cou, cette tornade miniature qui rebondit sur chaque obstacle que la nature a sculpté sur moi, de ma mâchoire à la clavicule. Des frissons érigent partout où tu t’aventures une chair de poule qui trahit l’émoi physique dont je suis le siège. C'est l'extase langoureuse. C'est la fatigue amoureuse, c'est tous les frissons des bois, parmi l'étreinte des brises.  

 

Ô mon corps, ô scélérat, cesse de hurler ainsi, ce n’est qu’un souffle, qu’une brise légère, remets-toi ! Mais quel délice, Diable quel délice ! Les pointes de mes seins se dressent, mes reins se creusent pour induire un contact entre nous. Un vrai, un âpre, un bien moins vaporeux, un bien plus concret. Mais par je ne sais quel audacieux stratagème tu échappes à ma tentative. Tu détectes très bien quel effet a ta manœuvre sur moi, tu t’en enorgueillis certainement. Je ne doute pas comme tu m’observes en ce moment, comme tu te repais du spectacle sensuel que je t’offre, les sourcils crispés, le souffle affolé, le corps tendu comme un arc.  

 

Honte ! Comment puis-je ainsi glisser dans un moment charnel avec toi alors que je ne désirais qu’une mise au point, une évocation claire et précise de notre nouvelle relation pour ensuite courir vers Mick ? Avais-je oublié avoir affaire au plus dangereux séducteur du monde, au plus sulfureux certainement aussi ?  

 

Mais tu as stoppé ta douce torture et mes paupières libèrent mon regard. Qui se pose sur toi. Mon cœur tape contre mes côtes tandis que je contemple ton impassibilité. Difficile de croire que tu as retiré ne serait-ce qu’un trouble de ce qui vient de se passer. Désagréablement, en moi, s’insinue le doute d’être en capacité de t’émouvoir. Hier soir, cette nuit, était-ce seulement réel ? Ce désir qui semblait te terrasser était-il de mon fait ? Es-tu déjà rassasié de ce que je ne peux t’offrir que partiellement ?  

 

« Cesse de te poser des questions, me lances-tu comme si tu lisais en moi avec une odieuse facilité. Ne doute pas que je t’aime Kaori ; ni de tout ce qui va avec. Il faut juste que je parvienne à me maîtriser, à ne pas te heurter malgré moi. Et laisser libre champ à mon désir, ce serait te heurter. »  

 

J’acquiesce sans vraiment être sûre de tout comprendre.  

 

« Vas-tu lui dire aujourd’hui ? t’inquiètes-tu.  

 

— Non, m’empressé-je de répondre. Non, pas aujourd’hui Ryô. Je ne m’en sens pas la force. »  

 

Lâche ! Je sais, je suis lâche, et le regard désabusé, peut-être déçu, que tu poses sur moi me balance à la gueule cette réalité à laquelle j’ai toujours cru échapper.  

Tu ne peux pas comprendre. Non, ce qui m’unit à ton meilleur ami ne t’est pas accessible. Il n’y a pas moins de folie entre lui et moi qu’il n’y en a entre nous ; ne pense pas avoir le monopole du trouble de mon cœur, du trouble de mon corps. Mon blond sait tout aussi intensément attiser mon désir, le satisfaire, le tourmenter. Avec lui, je suis moins docile, moins farouche, plus tempêtueuse qu’avec toi, c’est sûr, mais je ne suis pas moins amoureuse. Et avec moi, Mick n’est ni fade, ni mesuré, il est toujours passionné et excessif. Notre relation est tumultueuse, voire orageuse ; mais de cet orage chaud et tropical ; luxuriant. Loin des pluies diluviennes et érosives qui nous caractérisent ; ces pluies qui glacent jusqu’à l’os, qui détrempent ; ces giboulées qui ont déversé sur mon cœur autant de grêles que de désespoir. Oh je te contemple Ryô et une détresse m’envahit. Qu’il est dur de renaître avec toi, il m’est impossible d’échapper à ce constat… Oui, si dur de renaître avec toi tandis qu’auprès de lui je suis née. Me révéler à moi-même n’était pas une besogne simple, Mick s’y est appliqué, sans acharnement mais avec constance. Alors certes, la créature lui a échappé, mais son but n’était pas de me mettre en cage, il voulait juste que je me découvre, que je me dessine, que je m’affranchisse de ces multiples jougs dont je n’avais même pas conscience. Il est question du poids des convenances, des traditions, de la morale ; mais aussi des chaînes dont je m’étais moi-même recouverte, emmurant ma personnalité, reniant ma quintessence, refoulant mes désirs. Désirs qui ont explosé avec toi hier soir et qui, aujourd’hui, m’amènent à te proposer l’impensable. Être aimée par vous deux. M’abandonner à vous deux.  

 

Nos regards restent enchevêtrés tandis que je visite mon évolution des derniers mois ; évolution qui prend sa source dans l’amour inconditionnel que me porte mon ancien meilleur ami, dans la découverte incroyable des plaisirs érotiques, dans l’éveil de mon côté obscur. Non Ryô, tu n’as pas accès à tout ce que Mick représente pour moi, à tout ce que j’ai appris à ses côtés. Je n’y renoncerai pas, je n’y renoncerai jamais !  

 

« Je donnerai cher pour savoir à quoi tu penses, lances-tu avec un air suspicieux.  

 

— Je me trouve bien différente de la partenaire qui œuvre à tes côtés depuis toutes ces années.  

 

— Tu l’es, assènes-tu sans hésitation, avant de te raviser tout aussi vite. Tu l’es sans l’être. Ne crois pas que tu es devenue une autre femme parce que tu es confrontée à l’amour, que tu es prête à toutes les démesures pour le satisfaire, quitte à bafouer les principes que tu croyais inaltérables. Tu ne peux renier celle que tu as été jusqu’ici. Elle reste là, cachée dans ton cœur Kaori. »  

 

Tu as posé ta main sur ma poitrine.  

 

« Je ne crois pas » t’interromps-je d’une voix mal assurée tout en chassant ta poigne propriétaire.  

 

Tu me souris avec bienveillance et je déteste ton air présomptueux.  

 

« Manipulatrice, exigeante, orgueilleuse, tu l’as toujours été il me semble, persévères-tu.  

 

— Égoïste, immorale, débauchée ? »  

 

Voilà tes sourcils qui se relèvent exquisément.  

 

« Je n’ai pas dit que tu n’avais pas changé, mais je ne dois pas interpréter ces changements de la même manière que toi. Tous tes repères ont explosé Kaori. Par ma faute certainement… et Mick… »  

 

Une fois encore, je te vois ébranlé par la simple évocation de ton ami, ton rival, tu peines à poursuivre.  

 

« Mick a lui aussi bouleversé tes schémas. J’ignore comment est votre relation amoureuse, prononces-tu avec beaucoup de difficulté, mais je ne suis pas certain qu’il ait fait attention.  

 

— Parce que, toi, tu as fait attention hier soir ? persifflé-je. »  

 

Ton regard dur et noir comme l’onyx me cogne la figure. Je sais comme je suis mauvaise à ce moment avec toi mais ne rends pas Mick responsable de quoi que ce soit. Toi et Moi, Ryô, toi et moi sommes les seuls à blâmer dans l’histoire.  

 

« Je voulais dire que Mick n’avait certainement pas tout pris en considération.  

 

— De quoi tu parles ?  

 

— Je parle de moi ! scandes-tu avec véhémence. Je parle de ce que tu ressens pour moi, de ce que je ressens pour toi et qu’il n’ignorait pas.  

 

— Qu’est-ce que ça a à voir avec lui et moi ?  

 

— Mick est un homme Kaori ! Il a de l’expérience, il te connaît, il savait qu’il ne devait pas… Pas comme ça. »  

 

Les larmes me montent aux yeux et je hoquète de colère. Et toi tu me contemples, abasourdi par ta propre mesquinerie.  

 

« Putain, je deviens dingue ! craches-tu en t’éloignant de moi à nouveau, te prenant la tête entre les mains. Je suis jaloux comme c’est pas possible, bordel !  

 

— C’est moi qui suis à l’origine de tout, m’entends-je t’expliquer alors que je me rapproche de toi dans une volonté d’apaisement. Mick ne voulait pas et j’ai tout précipité. »  

 

Tu m’observes avec incrédulité. Je jure pourtant que c’est la vérité !  

 

« Oui tu as changé Kaori, reprends-tu lentement. Tu es désormais incroyablement… femme. Mais dans tes yeux, dans ton sourire, jusque dans les soupirs de plaisir que tu m’as abandonnés hier soir, je te vois telle que tu as toujours été. Merveilleuse, lumineuse, oserais-je dire pure ? »  

 

Je lève les yeux au ciel.  

 

« Tu crois certainement que tu es monstrueuse » poursuis-tu en posant une main sur ma joue.  

 

Je suis prête à riposter dans l’instant.  

 

« Je sais, je te touche mais j’en ai rien à foutre ! » opposes-tu avant même qu’un mot ne trouve le chemin de mon larynx.  

 

Ma main s’est juste posée sur la tienne mais renonce à te repousser, certainement impressionnée.  

 

« Monstrueuse parce que tu t’es engouffrée dans la proposition que je t’ai faite hier soir, parce que tu ne vois pas comment faire autrement. Et que tu trouves ça inconvenant, immoral, honteux ? Parce que tu m’as laissé te faire l’amour alors que tu te crois engagée par ailleurs.  

 

— Mais c’est ce que je suis… c’est ce que j’ai fait…  

 

— Kaori, tu m’aimes ; ce que tu as fait, ce que tu vas faire, c’est juste par amour. Il n’y a pas de plus noble raison.  

 

— J’aime Mick.  

 

— Je sais, maugrées-tu en grimaçant et en retirant ta main de ma joue, je l’intègre bien évidemment à tout ça, n’en doute pas. Comment pourrais-je faire autrement ? »  

 

La contrariété s’allume sur ton front, comme à chaque fois que Mick fait irruption entre nous. Pourtant celle-ci s’évanouit très vite, c’est que tu parviens toujours avec une maîtrise admirable à dompter tes émotions. Mes yeux courent, gourmands, sur l’ovale de ton visage. Tu es si proche de moi… il me faut subir le magnétisme animal que tu dégages et dont il est à se demander si tu en as conscience. C’est à la fois rassurant et affolant. Étrange cocktail dont j’ai pourtant l’habitude de m’enivrer. Mais, plus que tout, ce sont tes mots qui s’entrechoquent dans mon crâne et qui m’étourdissent.  

 

« Aussi, lorsque tu vas réaliser tout ce que ta proposition implique, quand tu quitteras un lit pour en rejoindre un autre, quand il te faudra te perdre dans des bras différents, susurrer des prénoms différents, donner ton cœur, ton corps, culpabiliser de la douleur qui sera nôtre et dont tu seras responsable, et quand celle que tu es et que tu ne peux cesser d’être - ne crois pas le contraire - se réveillera… bon sang Kaori, tu n’imagines pas comme tu vas en baver !  

 

— Ryô, murmuré-je lentement, je crois que tu ne me vois pas telle que je suis… Je refuse de choisir ; ou plutôt je choisis l’obscurité, je choisis le pire, le plus douloureux pour vous deux ! Oui, peu m’importe de vous faire mal tant que je suis satisfaite, tant que je peux vous aimer, tant que vous continuez de m’aimer. N’est-ce pas abject ? »  

 

Je vois que ma tirade te surprend, tu restes coi. Est-ce l’acidité de ma langue qui étrécit ainsi tes yeux ? Est-il si inenvisageable pour toi d’apercevoir ma nouvelle essence ?  

 

« Mick doit vite savoir pour nous deux, poursuis-tu, sourd à mon intervention. Lui et moi devons veiller à ne pas trop te faire mal, à te préserver autant que possible.  

 

— Me faire mal ? répété-je à demi excédée. Voyons Ryô ! Qui va avoir mal ? Comment crois-tu que Mick va prendre la nouvelle ?  

 

— Il n’aura pas le choix.  

 

— Comment lui dire ?... Mick… J’aime Ryô, j’ai couché avec lui hier soir, j’ai décidé d’entamer une liaison avec lui mais ne t’inquiète pas, je t’aime aussi et… »  

 

Ma voix déraille, mon esprit déraille.  

 

« Il sera anéanti…  

 

— Certainement, abondes-tu avec une ironie grinçante.  

 

— Il pourrait me quitter.  

 

— Il pourrait, oui, mais il ne le fera pas. »  

 

Je t’observe avec attention, tentant de lire sur ton visage les raisons qui te rendent si sûr de toi. Comme à ton habitude, rien ne transparaît et c’est bredouille que j’en viens à te questionner.  

 

« Qu’est-ce que tu en sais ?  

 

— Je le connais. Il sera triste, il sera feu et colère, il me haïra… Mais il n’abandonnera pas. »  

 

Il est étrange de t’entendre énoncer cette prédiction avec la certitude chevillée au corps. Oui, ce n’est qu’une prédiction et, de tout mon cœur, j’espère que tu as raison. Le perdre me serait fatal. Je mesure aujourd’hui comme cet amour m’est nécessaire. Comme vous m’êtes tous deux nécessaires.  

 

« Je ne veux pas que vous vous haïssiez, rebondis-je.  

 

— Contre cela hélas, tu ne pourras pas grand-chose. »  

 

Je souffle bruyamment, incapable d’avancer le moindre argument contre ce que je devine inéluctable. Dire que je serai l’unique responsable de la mort de votre amitié, quelle triste ironie du sort ! Moi qui n’ai jamais rien voulu d’autre que faire de notre groupe une famille unie, qui n’ai jamais vu en vous que deux frères faits du même bois, habités par la même flamme.  

Nos corps immobiles se font face, nous nous observons sans sourire, sans un haussement de sourcil, sans l’ébauche d’une émotion lisible. Pourtant le Diable sait comme je suis traversée en ce moment par moult flots d’aspirations contradictoires. Hurler, m’enfuir, te sauter dessus !  

 

« Comment cela finira-t-il ? m’enquiers-je courageusement, résistant aux doléances de mon cœur.  

 

— Il te faudra choisir.  

 

— Alors je choisirai Mick ! annoncé-je avec toute la malignité dont je suis capable. »  

 

Si peu d’expression accueille mon indigne répartie, à peine un rictus au coin de tes lèvres.  

 

« Tu as visiblement besoin de t’en convaincre » oses-tu énoncer avec calme, dardant toujours sur moi tes prunelles incendiaires.  

 

Est-il possible que je te haïsse autant que je t’aime ? Hier soir tu rendais les armes devant moi, tu te mettais à nu, prenais place sur la table du sacrifice. Un vaincu magnifique. Aujourd’hui, je retrouve Ryô Saeba, je retrouve City Hunter, le guerrier flamboyant, le héros orgueilleux et fier.  

 

Mais l’heure avance et je dois m’arracher de toi, je vais le rejoindre. Déjà mon corps annonce mon départ, j’entame une rotation, mes pas m’éloignent de toi, mes doigts agrippent la poignée de ta porte ; chaque geste me semble insurmontable et lourd, comme si chaque atome me constituant pesait plusieurs tonnes. J’ose un dernier regard vers toi, toi que je trouve désolé au milieu de ta chambre, les bras le long de ton buste, les poings serrés, assistant impuissant à ma fuite. Je devine ton envie de me retenir, l’hésitation qui est tienne, la violence contenue. La tension a envahi tes muscles et te paralyse. J’ai mal de te faire mal Ryô, j’ai mal oui, mais rien ne saurait entraver ma décision, je vais rejoindre Mick. J’en ai un besoin viscéral irrépressible, comme une faim irrassasiable, une soif inextinguible. Qu’il m’imprègne à nouveau, m’habite et me rassure. Qu’il me sécurise. Ce fut toi des années durant. Oui Ryô, tu fus mon repaire ; à ton contact mon cœur s’apaisait, mes peurs s’envolaient. Aujourd’hui, c’est lui qui a ce pouvoir. Il l’a conquis sans que je ne puisse m’y opposer. Toi, au contraire, tu es la concaténation de mes angoisses les plus profondes, mon instabilité et, dans le même temps, ce qui me fait le plus envie, mon désir le plus violent. Tant d’extrémisme Ryô dans ce que tu m’inspires… Mais le rôle de gardien de mon âme ne t’est plus dévolu.  

Je tourne les talons et m’apprête à quitter ta chambre.  

 

« Je vais me battre Kaori… Pour toi je serai prêt à tout. »  

 

Je me suis immobilisée dans l’encadrement de la porte. J’hésite, réfléchis. Puis je me tourne vers toi, j’ai besoin de m’arracher Ryô, comprends-moi, pardonne-moi, j’ai besoin de m’arracher.  

 

« Tu perdras. » ne puis-je que murmurer, abasourdie par l’horreur de mes paroles, mais convaincue de leur valeur prédictive. Il ne pourrait en être autrement.  

 

Un sourire éblouissant accueille mes odieux propos… Bon sang, comment oses-tu sourire ainsi ?  

 

« M’as-tu seulement jamais vu perdre ? »  

 

C’est sur cet échange que je referme la porte derrière moi. Le souffle m’a quitté, je suis terrassée d’angoisse. Malgré mon besoin de fuir ton antre, de m’échapper pour mieux le retrouver, me retrouver, je m’accorde quelques secondes, le front collé contre la cloison, les yeux fermés.  

 

J'ai volé dans le ciel, les mains pleines de rêves  

Poussé par la chaleur du soleil et des vents doux  

J'ai laissé les distractions se tuer entre elles  

Et j'ai volé au loin, oh, bien trop loin de toi  

 

J'ai parcouru du regard nos liens de l'est à l'ouest  

Pour finir par laisser tous nos bonheurs en reste  

J'ai tenu mes envies de revenir en laisse  

Et j'ai pleuré au loin, oh, bien trop loin de toi  

 

Je déteste ma vie, c'est long, ma vie, sans toi  

Je sais trop que ma place est dans tes bras  

 

 

À peine ai-je ouvert la porte de notre entrée que mes yeux plongent dans le regard écarlate du succube qui semblait m’attendre. Un frisson dans mon échine gèle mon élan, je me fige, effrayée par la mine diabolique de celui qui me tient dorénavant souvent compagnie. Un sourire éclatant élargie soudain sa bouche dédaigneuse tandis qu’il me tend une main complice, m’invitant à le suivre. Mes sourcils se froncent ; pourtant, je comprends très bien l’implicite de la situation, je sais que le démon n’est que le fruit de mon imagination, que notre collaboration est symbolique. Pourtant je jure que, lorsque ma main droite s’abandonne dans la sienne, en signe d’acceptation, je sens très concrètement ses doigts se refermer sur les miens, puissants et brûlants. Il porte ma main à sa bouche et dépose sur son dos un baiser indécent. Je le contemple, fascinée et effrayée, apposer sur ma dextre le sceau de ma propre obscénité. Une marque rouge est effectivement née au contact de ses lèvres et orne désormais ma main. Un cercle rouge, un O, non, un Oméga… Un oméga, là où tout finit…  

 

Je dévale les escaliers à sa suite, à toute vitesse ; je cours ; je vole ; je ne touche plus terre. Une hâte douloureuse comprime ma poitrine, celle d’être dans les bras de Mick et, en simultanéité, la culpabilité d’abandonner cet autre que j’aime aussi. Je cours vers l’immeuble d’en face, je meurs de froid. Le jour se lève. La raison me quitte durant le court trajet. Mes pieds battent le sol et un lien invisible se tisse entre mes jambes aux foulées régulières, un lien entre ces deux chez-moi, entre ces deux hommes que je vais faire souffrir. Ma lâcheté me colle à la peau, poisseuse et honteuse, je sais que je ne serai pas courageuse aujourd’hui, je n’avouerai rien à Mick, je profiterai une journée encore de ses caresses, de sa douceur, de sa confiance. Je me roulerai dans ses mots doux, je le couvrirai de toute la tendresse dont je suis capable. Je serai lâche et faible. Oui, aujourd’hui. Aujourd’hui encore !  

 

Pourtant, il me faut m’engager, j’ai bien conscience de l’urgence. Demain, dès l’aube, je lui dirai. Oui, oui, je le promets. Demain, dès l’aube, je lui dirai…  

 

 

Je suis la Liaison Dangereuse Entre deux astres vénéneux ; aspirée par les nébuleuses, J'ai le Diable au Corps ou c'est Dieu !  

Errant entre les murs de feu, D'un antre Au Dessous du Volcan, Crachant la limonade bleue, Je fuis les Hauts de Hurlevent.  

Où se cacher dans ce pays ? Que règlent le Rouge et le Noir ? Pas une porte de sortie De l'Autre côté du Miroir.  

 

J'aspire aux matins en enfance Où se calment les Possédés, Les matins transparents Qui dansent, Balayés d'un vent d'Odyssée.  

Je rêve d'une sieste jaune, Dans le Gai Savoir de l'été, Loin de l'autel pervers où trônent Les Fleurs du Mal carbonisées.  

 

Et je m'en vais sur d'autres ailes Laissant sans vice ni vertu Aux Petites Filles Modèles La Recherche du Temps Perdu.  

Je suis le Lys dans la Vallée, Évanouie sous les baisers. Je suis la voiture d'Orphée, Parlant le langage des fées.  

Je conduirai Les Misérables Aux palais des rois trépassés. Nous ferons des statues de sable Aux Chemins de la Liberté.  

 

La tête me tourne lorsque je frappe à ta porte et que tu tardes à m’ouvrir, une certaine appréhension fait trembler mes jambes et je prie pour que tu ne t’en aperçoives pas, pour que ma trahison ne transparaisse pas sur mes joues aussi clairement qu’elle déchire mon cœur. Trahi. Je t’ai trahi. Rien à ajouter, rien à objecter. Une trahison nette et indéniable. Mais la porte s’entrouvre et, comme un enchantement, tu apparais dans son entrebâillement. Étrangement, dans l’immédiat, je ne vois pas ta carrure imposante, ton torse nu et parfait, je ne prends pas conscience que le seul tissu qui te recouvre est un simple boxer noir. Non, dans l’immédiat, je suis happée par l’acier de ton regard qui dévale sur moi pour apprécier ma personne, me jauger ; je suis tétanisée. Mes membres ont comme par magie cesser de trembler, un sourire avenant se peint sur mes lèvres. Vilaine mascarade. Rapidement, tes yeux voguent par-dessus mes fragiles épaules, puis chutent à mes pieds. Je sais – car j’en ai l’habitude – que tu veux vérifier si, par on ne sait quel miracle, je ne suis pas venue avec mes valises… m’installer chez toi. Tu me tends très vite tes prunelles désenchantées, un mini-sourire.  

 

« Tu te rappelles que tu as une clé ? Pourquoi ne l’utilises-tu pas ?  

 

— J’ose pas, baragouiné-je couardement. »  

 

Tu hausses les épaules et t’effaces pour mieux me laisser entrer.  

 

« Je t’ai réveillé ?... Je suis désolée, dis-je en passant devant toi.  

 

— Ne t’excuse pas. Tu vas finir la nuit avec moi, c’est mieux que rien, me murmures-tu en m’attrapant par derrière et en faisant glisser mon blouson de cuir.  

 

— Je suis frigorifiée, me plains-je en cherchant tes bras que tu m’offres généreusement après m’avoir délestée. »  

 

J’aime comme tu frissonnes quand je te communique la glace qui m’a agressée durant les quelques minutes de mon voyage entre nos immeubles. Je te saute au cou, enserre tes hanches de mes cuisses et plante mes iris nippons dans le cérulé de ton regard occidental. Enfin un vrai sourire sur tes lèvres ! Je le contemple, ébahie par tant de beauté et de sincérité. Je baise religieusement ce sourire précieux tout en appréciant la chaleur de ton corps, celle de tes mains qui facilitent ma lévitation, positionnées sous mes fesses. Soudain, nous tourbillonnons tels deux papillons enlacés et nous rions de la danse maladroite que tu imposes en virevoltant. Ma tension s’évapore extraordinairement. Déjà ! Si vite ! Je ris !  

 

« Je vais te donner la permission de coller tes pieds glacés sur mes jambes. » me susurres-tu tendrement en me déposant précautionneusement dans ton lit.  

 

Je me pelotonne rapidement sous la couette, t’attends avec impatience. Tu chouines et râles lorsque, à peine tu as rejoint ta couche, je me colle à toi, cherchant l’enclave de tes bras, déposant mes orteils gelés contre tes mollets. Mais ta chaleur est impressionnante, quel est donc le combustible secret dont tu disposes pour aussi facilement réchauffer mon corps et mon cœur ? Le menton sur ton épaule, je me sens lentement envahie par un bien-être cotonneux et délassant, ton bras autour de ma taille est rassurant, je contemple, fascinée, le ballet de mes doigts sur la soie de ta poitrine. J’enroule nos jambes dans une attitude amoureuse qui est désormais notre habitude ; c’est que j’aime lorsque nous sommes étroitement enlacés, quasi-enchevêtrés. Tu ronronnes de plaisir, tes lèvres s’étirent béatement et je devine le bonheur simple que tu éprouves à juste serrer la femme que tu aimes dans tes bras. La femme que tu aimes. Moi. Je retiens mon souffle, soucieuse de ne pas troubler la douce félicité de l’instant. Le destin prend la pose. C’est juste irréel ce moment que nous partageons Mick, j’aimerais qu’il s’éternise, que jamais je ne quitte le cocon de tes bras ; que jamais je ne te brise le cœur ; que jamais tu ne me détestes.  

 

Ton bras libre vient s’enrouler autour de mes épaules et ta main caresse distraitement mes cheveux. Je glousse doucement et réaffermis ma prise sur ton muscle pectoral.  

 

« On se donne encore une heure ? t’enquiers-tu la voix ensommeillée.  

 

— Pour dormir ? »  

 

Voilà que tu éclates d’un petit rire épuisé.  

 

« Oui, pour dormir, je suis encore fatigué.  

 

— Hum, grommelé-je en me relevant légèrement pour croiser tes prunelles amusées, tu t’es couché à quelle heure et tu as fait quoi pour être aussi las ce matin ? »  

 

La mesquinerie de mon propos ne m’échappe pas ; bien au contraire, elle me heurte de plein fouet, mais j’assume sans ciller l’abjection qui est mienne dorénavant ; presque je la revendique car ma question est véritablement intéressée. Si j’accepte ma propre tromperie, la tienne me serait insupportable Mick. Quelle femme méprisable je suis devenue, je sais !  

 

« Je te demande moi ce que tu as fait hier soir et avec qui tu as passé la soirée ? » rebondis-tu avec la rosserie qui caractérise certains de nos échanges.  

 

Je déglutis, incapable de la moindre répartie.  

 

« Tu étais avec Kazue ? » finis-je par parvenir à demander.  

 

Ton regard croise le mien, je crois y déceler une part de surprise. Certainement pensais-tu que nous escrimions par divertissement.  

 

« Non, je n’étais pas avec Kazue. » décides-tu de m’apaiser.  

 

Je grimace mais repose délicatement ma joue sur ton épaule ; ta main reprend du service dans mes cheveux.  

 

« Je ne m’attendais pas à ce que tu jalouses autant mon passé.  

 

— Peut-être parce que je ne suis pas certaine que ce soit du passé, avoué-je sans calcul.  

 

— N’importe quoi ! réponds-tu avec légèreté, l’intonation ensoleillée. »  

 

Je prends une grande inspiration puis te questionne sur le sujet qui me préoccupe…  

 

« Tu l’as vue dernièrement ?  

 

— Hum… pas depuis la semaine dernière, confies-tu honnêtement.  

 

— Oh, m’offusqué-je en roulant des yeux comme des soucoupes. Et vous avez fait l’amour ? »  

 

J’adore te provoquer ; au moins tout autant que tu me provoques. Tu éclates de rire et me laisses prendre place complètement sur toi. Je positionne mon corps exactement au-dessus du tien, pèse de tout mon poids sur lui. Oh Mick, si tu savais comme je suis odieuse sur le sujet que j’aborde, comme je te reproche ce dont je me suis rendue moi-même honteusement coupable. Étrange jeu que je ne m’explique pas. Étrange jalousie aussi à l’encontre de celle qui partagea ta vie et qui fut prête à tout t’offrir. Quand tu ouvriras les yeux sur ma trahison, quand tu constateras comme je suis loin d’égaler les capacités amoureuses de ton ancien amour, comme je te refuserai la fidélité, n’auras-tu pas tout intérêt à me fuir et à la retrouver ? Elle t’accueillera contre son sein, j’en suis certaine. Elle te consolera et tu te blâmeras d’avoir déserté si parfaite harmonie sentimentale pour si sordide comédie.  

 

« Comme des débauchés, susurres-tu langoureusement.  

 

— Ahhh, m’esclaffé-je, légèrement déstabilisée par le jeu dans lequel tu persévères. J’ai d’ailleurs cru entendre qu’elle s’en sortait pas mal au lit.  

 

— On t’a bien renseignée dis-donc, persistes-tu.  

 

— Oui, Ryô m’a dit, soufflé-je le rouge aux joues. »  

 

Ton sourire s’évanouit dans l’instant et le bleu de ton regard vire au gris orage. D’un coup de rein brutal, tu renverses notre position pour te retrouver au-dessus de moi. Tes mains encadrent mon scélérat visage et je devine ta contrariété. Te serait-il si insupportable de savoir ton ex petite-amie dans les bras de Ryô Saeba ?  

 

« Arrêtons de jouer Kaori, ça va mal finir, t’exaspères-tu.  

 

— Ça veut dire quoi « faire l’amour comme des débauchés » ? m’obstiné-je malgré ton avertissement. Y a-t-il des choses qu’elle fait et que je ne fais pas ?  

 

— J’ai dit stop ! »  

 

Tu ébauches un mouvement de recul mais mes mains te retiennent.  

 

« Pardon, imploré-je. Pardon Mick ! Reste-là ! »  

 

Évidemment, tu repousses toute idée d’escalade dans notre querelle et ta fuite se borne à t’asseoir dans ton lit à mes côtés et à éviter mon regard.  

 

« Si tu es si inquiète pour Kazue laisse-moi lui dire pour nous deux. De toute façon, il faudra bien qu’elle sache un jour.  

 

— Je ne suis pas inquiète Mick, mais je me pose des questions, c’est tout.  

 

— Quelles questions ? m’interroges-tu en te tournant vers moi.  

 

— Si elle rencontrait quelqu’un d’autre, ce serait compliqué pour toi ?  

 

— Pfff, souffles-tu en secouant la tête. Je serais ravi pour elle. Vraiment !...  

 

— Alors pourquoi cette réaction tout à l’heure ? Quand j’ai fait allusion à Ryô.  

 

— Kazue mérite d’être aimée et qu’on prenne soin d’elle, c’est tout.  

 

— Et tu crois Ryô incapable d’aimer une femme ? »  

 

Tu ne me rétorques rien et te contentes, en guise de réponse, de déposer sur ma personne le regard le plus indéchiffrable du monde ; celui dont tu me couvres si souvent.  

 

« Comment tu m’aimes Mick ? M’aimes-tu plus fort que tu n’as aimé Kazue ? osé-je demander le rouge au front.  

 

— Kaori, murmures-tu en t’allongeant à mes côtés et en caressant tendrement l’arête de mon nez, as-tu seulement des doutes à ce sujet ?  

 

— Jusqu’où es-tu prêt à aller par amour pour moi ?  

 

— Jusqu’où veux-tu que j’aille ?  

 

— Jusqu’en enfer ? »  

 

Ma voix s’éteint dans un marmonnement à peine audible. Je ne suis pas fière d’ainsi t’éprouver, mais la crainte folle de te perdre lorsque tu auras conscience de l’ignominieuse femme que je suis est ingérable et elle me ravage le cerveau. Me rassurer sur la force de ton amour, me garantir que tu n’abandonneras pas, que tu accepteras l’horrible proposition que je te ferai très bientôt. Voilà ce qui me pousse à t’interroger ainsi.  

 

Tu te penches délicatement vers moi, plonges tes prunelles cyan dans mon regard et tes lèvres frôlent les miennes.  

 

« Même s’il ne me fallait prendre qu’un aller simple. Pour toi, je le ferais ! »  

 

Les larmes affluent dans mes paupières et mes cils peinent à les refouler, je souris et pleure dans le même instant. Heureuse ? Soulagée ? Sorcière, me voilà apaisée parce qu’un homme que j’aime éperdument est prêt à endurer supplices et souffrances par amour pour moi. Faut-il être d’un égoïsme sans nom ?  

 

Mais déjà nos lèvres se sont rejointes et tu me combles de ces baisers merveilleux dont tu as le secret. Ma bouche t’est acquise, elle s’abandonne et je savoure le plaisir de te retrouver intimement, de regoûter tes saveurs, de reconnaître tes talents. Tu n’es pas le dernier à avoir ému mon corps, un autre depuis toi s’est imposé de toutes les manières possibles. Et l’urgence maintenant est de t’appartenir à nouveau.  

 

Mais nous retrouvons vite notre position initiale, sous la couette : toi allongé et moi la tête sur ton épaule, calée dans tes bras protecteurs. Tu ne sembles pas plus conscient que sensible aux attouchements de mes doigts sur ta poitrine. C’est à la fois amusant, vexant, frustrant ! Mais Diable que tout me paraît plus léger depuis quelques minutes !  

 

« Tu bandes ? questionné-je sans circonlocution.  

 

— Quoi ? t’esclaffes-tu, soufflé par la crudité de mon propos. Euh… non, je ne bande pas. »  

 

Nos regards se connectent tandis que je me redresse légèrement pour te dominer.  

 

« Je vais vérifier ! » j’annonce avec impudence, joignant le geste à la parole.  

 

Ma main glisse le long de ton corps sous ton regard amusé et accoste bientôt ton membre viril au travers du tissu du boxer. Mes joues s’échauffent aux souvenirs indécents de mon corps-à-corps de la veille qui remontent par salves. J’endigue avec force. Oui, je mure ces réminiscences indécentes dans la forteresse de ma conscience. Il m’est plus facile aujourd’hui de cloisonner, force est de le constater, comme si mon esprit avait acté la chose : j’appartiens à deux hommes différents, je saurai gérer.  

 

« Ce n’est pas ce que j’appelle ne pas bander, poursuis-je sur le même ton.  

 

— Ce n’est pas ce que j’appelle bander, clarifies-tu avec un étrange sourire. »  

 

Mais sous ma main flatteuse, ton sexe semble animé d’une vie propre. Secoué de mini spasmes il se développe à une vitesse impressionnante. Je hausse les sourcils d’admiration et soutiens ton regard qui tend à s’embrumer de plus en plus.  

 

« Comment fais-tu ? C’est si rapide, ne puis-je que constater.  

 

— Je suis juste doté d’un cerveau basique de mec. Il te suffit de me demander si je bande pour que de terribles envies prennent forme dans mon esprit, énonces-tu simplement.  

 

— Ah oui ? murmuré-je quelque peu épatée par le désir masculin que je cerne mal. »  

 

Très facilement tu me fais rouler sur le côté et me surplombes. Ton corps est lourd sur le mien, j’aime comme il me coupe le souffle, comme tout en toi est imposant.  

 

« Ne pourrons-nous jamais nous retrouver dans un lit sans faire l’amour ? t’interroges-tu à haute voix.  

 

— Oh, tu as l’air d’en être dépité ? répliqué-je avec une intonation sulfureuse, exposant ma modeste poitrine. »  

 

Tu ris merveilleusement tout en me contemplant.  

 

« Tu es une véritable petite cochonne Kaori !... Et j’adore ça ! »  

 

Il n’y a rien à répondre ou à contester. Tes baisers me cueillent. Tantôt sur les lèvres, sur les joues, dans mon cou, avec douceur, expertise, raffinement. Tes mains voyagent par-dessus ma robe, caressent mes contours, se réapproprient mes courbes. J’exulte déjà, j’halète presque. Dans mes doigts, sur ma paume, j’ai encore la sensation brûlante de ton sexe qui gonfle, puissant et vainqueur. Et tandis que tu affermis tes prises sur moi, je retourne au cœur de mon obsession, ma main se réintroduit dans ton boxer et découvre, émerveillée, les effets dévastateurs de l’excitation. Dur comme l’acier, chaud comme les braises d’un feu de joie, ton sexe pulse sous l’ébranlement métronomique que mes doigts lui infligent. Oui, je coulisse le long de ton chibre avec application et je sens comme tout ton être tremble sous mes caresses, ta respiration se trouble et tes reins se contractent. Il ne faut pas plus qu’une présence étrangère dans ton caleçon pour qu’une énergie animale soit libérée. Tes mains s’égarent sous ma jupe, accrochent ma culotte et tentent maladroitement de m’en défaire.  

 

J’adore te sentir fébrile, je ne m’en sens que plus maîtresse de ce qui nous unit. Pourtant, je sais que mon impression n’est pas réelle. Nos multiples ébats m’ont montré comme c’est toi qui maîtrises, toi qui instigues, toi qui mènes sur les sentiers du plaisir que je visite avec l’enthousiasme d’un profane. Peut-être est-ce une question d’expérience ? Peut-être est-ce la place de notre genre dans l’histoire de la sexualité ? Quoi qu’il en soit, je m’abandonne sans véritable réticence aux délices que tu me proposes, à tes initiatives, puissent-elles être, de prime abord, déroutantes pour mon ancienne pudeur. Pourtant, croire maintenant que c’est toi qui subis mes désirs, me plaît et m’excite terriblement.  

 

« Retire-moi ça ! » imposes-tu en tirant mon top noir par-dessus mes épaules.  

 

Tu es à genoux devant moi, sur ton lit, la couette a glissé à nos pieds et nous sommes à découvert. Dans le même mouvement, tu dégrafes mon soutien-gorge et mes seins s’affichent fièrement. Tu grondes tout en fondant sur eux comme un ours sur du miel. Mais j’ai été plus prompte et mes doigts ont crocheté ton boxer, je te repousse doucement, t’interdisant l’accès que tu convoitais. Puis je fais descendre le tissu sur tes cuisses, dévoilant lentement ton sexe dressé. Je ralentis volontairement mon geste afin que ma bouche puisse accompagner ta mise à nu. D’abord ton ventre. Ferme. Émotif lorsque je papillonne sur lui. Tu rugis presque tandis que ton opulence pénètre mes lèvres. Je suce amoureusement l’extrémité, le temps s’étire et seuls mes bruits de bouche envahissent l’univers sonore. Délicatement, ma langue taquine les moindres détails de ton anatomie. Mes yeux relevés vers toi avec une expression concupiscente assumée instaurent une complicité à la limite des convenances. Ai-je l’air d’une catin ainsi ? Est-ce que je t’excite fort ? Est-ce cette image de luxure absolue qui creuse ton ventre, fait briller tes yeux, rauquer ta gorge ?  

 

Ta main se pose sur ma joue, encourageante. Tu souris de toutes tes dents, respires bruyamment, et ne lâches pas du regard la licencieuse pratique dans laquelle j’ai cru comprendre que j’excellais. Je salive abondamment, noyant maintenant ton pénis qui pénètre ma bouche tout entière. Je te branle en cadence, caresse tes testicules, les masse, les pétris, je sais que tu adores. J’accélère, j’amplifie, je te condamne. Tu mugis mais me laisses œuvrer sans réserve. Toujours à genoux, tu t’abandonnes à moi, ondulant simplement des hanches.  

 

Mais mon désir commence à s’enflammer. La bouche pleine de toi, le feu naît dans mon entrejambe et je m’excite à simplement être ta suceuse. Oui Mick, je suis ta suceuse. Je te pousse soudain en arrière et tu échoues dos sur le lit. Rapidement, je me déleste de ma jupe et de ma culotte. Tu continues de m’observer sans tenter de me toucher, un bras croisé dans la nuque, l’autre errant sur ton ventre.  

 

« Encore ? proposé-je.  

 

— Autant que tu veux Kaori. Je suis insatiable.  

 

— Hum, quelle gourmandise ! m’enjoué-je avec bonheur.  

 

— Lequel de nous deux est le plus gourmand ? renchéris-tu en plissant ton front de manière équivoque. Dépêche-toi de me sucer, j’en peux plus de t’attendre ! »  

 

Tu confies alors ton opulence à ta poigne qui entame une savante masturbation devant mes yeux incrédules, attisant ma faim de toi. Ainsi, il y a véritablement urgence ! Je glousse de bonheur, débarrasse ton sexe de ta main malvenue et me glisse entre tes cuisses ouvertes.  

 

Le jeu reprend. Plus fort, plus brutal aussi. Mes lèvres ne sont plus taquines, elles sont voraces. Tu as placé ta main dans ma chevelure, presqu’empoignée, et tu accompagnes mes profonds engouffrements. J’adore entendre tes expirations erratiques, tes feulements ; j’adore sentir ma gorge heurtée par tes immixtions. Je suis le maître ! Oui, là tout de suite, je suis le maître !  

 

« Retourne-toi et viens t’asseoir sur ma bouche. Que je te lèche ! » proposes-tu bientôt, soucieux de m’offrir davantage.  

 

D'abord je veux avec ma langue  

Natale deviner tes pensées  

Mais toi déjà, déjà, tu tangues  

Aux flux et reflux des marées  

 

Il n’y a pas à réfléchir, je fais un demi-tour contrôlé pour positionner mon entrejambe près de ton visage. Je me souviens de ces premières fois où il me semblait toucher l’ultime vulnérabilité en m’offrant ainsi. Aujourd’hui, ma nudité, la tienne, nos pratiques érotiques, rien ne me choque plus, rien ne m’embarrasse plus.  

Il ne faut pas une seconde pour que tes bras s’enroulent autour de ma taille et que ta langue s’immisce dans mon intimité. Visiteuse appliquée et précise, friponne, habile.  

 

Je pense à toi en tant que cible  

Ma belle enfant écartelée  

Là j'ai touché le point sensible  

Attends je vais m'y attarder  

 

Mais nulle possibilité de pousser davantage mes réflexions sur ta pratique du cunnilingus, je suis happée par une foultitude d’émotions et de sensations qui prennent vie sous l’effronterie de tes embrassades. Je perds pied. Rapidement. Comme à chaque fois, je perds pied. Sans réticence aucune, je m’abandonne à ton audace, à ton talent, à tes fantaisies. J’ignore exactement ce que tu fais de ta langue, de tes doigts, de tes lèvres. C’est juste extraordinaire ! J’en oublie, hélas pour toi, ce que j’étais en train de te faire. Ton érection s’est nichée dans ma main qui s’active à peine. Certainement en tires-tu d’ailleurs une petite insatisfaction… Mes cuisses sont ouvertes au maximum, mon sexe accolé à ta bouche, mon clitoris excité par tes soins irradie de plaisir mon corps tout entier. Tes mains sont chaudes et caressantes et m’entraînent dans un monde merveilleux que je n’ai visité qu’avec toi.  

 

À un moment, tu renonces ; me voilà replacée précautionneusement sur le dos, le cerveau embrumé par le terrible plaisir que tu as induit mais avec une frustration monstrueuse dans le ventre suite à ton abandon. Ton sourire vient embrasser mon sourire :  

 

« Laisse-moi m’occuper complètement de toi ; je veux être aux premières loges pour te voir jouir ! »  

 

À demi consciente, je ne parviens qu’à balbutier quelque ineptie du genre « Merci » ou « Bonne idée ! », j’en sais rien. Mais tes lèvres qui s’écrasent sur mes seins, qui aspirent mes tétons, puis qui goûtent chaque parcelle de ma peau en descendant inéluctablement vers mon sexe détrempé sont à mes yeux les plus précieux de tes trésors. Mes cuisses sont écartées vivement, mes genoux remontés pour que je m’expose complètement à ton appétit. Je relève les bras très haut au-dessus de ma tête, je me cambre sous ton soudain assaut ; puis je me laisse ensevelir. Oui je glisse dans le monde mouvant qu’est le plaisir sexuel à l’état brut. Des ombres se dessinent devant mes yeux, tout devient chaud et humide, magnifique et fragile. Il est des montées vertigineuses, des descentes effroyables. Mes boyaux se tordent, mes muscles se raidissent. J’ignore s’il est question de secondes ou de minutes, où tes doigts me pénètrent, ni même s’ils me pénètrent ; j’ignore si le Diable est à mes côtés et s’il m’observe perdre pied sous tes lèvres, s’il jubile de voir toujours ma faiblesse. Non, je l’ignore et je m’en fiche éperdument. Je t’aime Mick. Et la lumière qui va bientôt me happer, éblouissante, prodigieuse, vers laquelle je me précipite avec aveuglement ; oui cette lumière elle est tienne, tu es sa source et elle va me terrasser. M’ensevelir.  

 

C’est un cri ! Sauvage ! Qui couronne l’acmé de ma félicité… Je suis tremblante et rugissante, à peine consciente. L’orgasme dure et je rends gloire à Satan de ce bonheur dont il se dit qu’il est avilissant. Pauvre morale !  

Instinctivement, mes cuisses veulent se refermer ; mais tu t’obstines à creuser davantage, à me refuser l’absolution ; et je défaille. Encore et encore. Les spasmes de mon corps sont plus brutaux la seconde fois, mes râles plus gutturaux. Tu me lèches sans répit, violent et furieux, et l’extase explose mes sens, me laisse exsangue et affaiblie, entièrement soumise à tes désirs.  

 

C’est ton sourire au goût de ma cyprine que tu colles contre ma bouche. Nos langues s’enroulent, se dégustent, s’enivrent des saveurs musquées de nos sexes. Mes doigts ravagent le blé de tes cheveux et je constate, amusée, comme ton excitation est toujours prégnante, là où la mienne s’est quelque peu étiolée. Ton corps est dur et électrique.  

 

Je suis retournée sans grande douceur sur l’oreiller que tu as placé sous mon ventre.  

 

« J’adore ton petit cul, susurres-tu équivoquement en caressant les rondeurs de mon séant.  

 

— Dans tes rêves Angel !  

 

— Ne jamais dire Fontaine, renchéris-tu en riant. »  

 

J’ai à peine le temps de répondre par un soupir dépité que déjà je suis à toi. Ton corps s’est couché sur le mien, de tout son long, et m’a investi profondément. Un gémissement éloquent accompagne ta prime immixtion. Ta main gauche sur ma joue m’impose de savoureux baisers en maintenant mon visage tourné vers le tien ; quant à ton autre main, elle s’est glissée sous ma gorge et englobe mon sein droit. Tes oscillations régulières, ta poitrine qui claque contre mes omoplates, chassent l’air de mes poumons et donnent à mes expirations des tonalités de râles qui viennent mourir dans ta bouche. Oui mon amour, notre respiration s’harmonise à tes coups de rein, enchanteresse sensation de complétude et d’unité. Nous nous mêlons si intimement. Il y a tes baisers, tes caresses, les mouvements de nos corps imbriqués. Les minutes sont merveilleuses et complices, avant que d’être extatiques. Je sais que tu nous aimes amoureusement enlacés. La communion, le sacré, bien au-delà du sexe que nous partageons.  

 

Mais je sais aussi que le tonnerre bientôt va gronder, que la bête féroce qui t’habite va se réveiller, se déchaîner. Et je chéris ce moment-clé, que je guette, où de romantisme et de caresse il ne sera plus question, mais où tu seras en quête de ton propre orgasme, que tu répondras aux injonctions de ta propre excitation. Déjà notre position évolue, tu suces le lobe de mon oreille avec sauvagerie, tes jambes encerclent les miennes, les maintiennent prisonnières, tes pénétrations sont plus rapides et plus amples. Tes mots doux deviennent crus, honteusement choquants. Et je m’en délecte.  

J’enfouis mon visage dans les draps alors que tu te relèves et t’assois sur mes fesses.  

 

Tu mets une ardeur et une euphorie folles à me chevaucher, tes mains flattant mon échine, m’incitant à me cambrer pour rejoindre ta brutalité. J’exulte et ne déguise pas les cris qui explosent dans ma gorge lorsque tu atteints mes plus grandes profondeurs. Cette position m’expose au plus haut point et parfois je crains une trop grande amplitude, d’avoir mal, mais le désir est tel que cette démesure est encensée plutôt que redoutée.  

 

Plus tu cries plus profond j'irai  

Dans tes sables émouvants, sables  

Où m'enlisant je te dirai  

Les mots les plus abominables  

 

Puis tu empaumes chacune de mes fesses, les écartes délicatement avant que tes doigts ne viennent flatter l’orifice sensible. J’entends des bruits de salive se mêler à tes râles d’excitation. Ne rien voir enflamme mon imagination et ma sensibilité s’exacerbe. Je m’abandonne à tes extravagances, y prends un plaisir extrême.  

 

Les picotements, les engourdissements, les élancements annonciateurs d’un nouvel orgasme imposent de nouvelles éructations. Je vocalise... Tu renchéris... J’ondule… Tu approfondis… C’était donc possible ? Je suis en quête ! Quête de ce moment si fragile qui précède l’Extase, qui va me précipiter directement dans les flammes de l’enfer. M’évanouir. Oui, cet instant si ténu et si beau, presque plus que l’orgasme lui-même. Mes doigts se crispent sur le drap, j’entre en apnée, les veines de mon cou gonflent exagérément. Tu me pilonnes avec rage et exemplaire résistance tout en poussant plus loin les divagations de tes doigts. Je me contracte autour de toi, j’implose littéralement et te livre sans artifice l’une de mes plus sonores jouissances.  

 

Il me faut quelques instants pour refaire surface, je suis sur le dos, les membres toujours secoués de tremblements éloquents. J’ouvre les yeux et rencontre le cérulé de tes expressives prunelles. De fines gouttelettes de sueur recouvrent ton front, je ne t’ai guère aidé sur ce coup-là, j’ai délicieusement subi la frénésie de tes reins sans véritablement m’investir physiquement. Tu lances un bras sur ta table de chevet pour te saisir d’un préservatif.  

 

Mes joues immédiatement se couvrent de feu. Hier soir, hier soir, les mêmes gestes, la pochette d’aluminium qui se déchire, le souffle dans le condom, le déroulé sur le sexe brandi. Sous mes yeux, le même ballet prend vie et m’indispose. Me rappelant ma monstruosité. Ryô vient d’entrer symboliquement dans la chambre avec le rituel du préservatif. Le succube me fait face maintenant, étrangement impassible, lui qui est si facilement proie d’hilarité. Mes jambes sont écartées devant lui, mon sexe ouvert certainement, offert à sa curiosité. Mais je n’en retire aucun émoi, pas plus que le Diable n’y prête attention. C’est que nous savons tous deux qu’il n’existe pas.  

 

Tu te repositionnes face à moi, places mes genoux sur tes épaules. Je sourcille, impressionnée par les retrouvailles de nos corps ; le mien a déjà connu les sommets du plaisir, plusieurs fois, le tien est plus tendu que jamais. C’est sans fermer les yeux que tu viens me voler un baiser. Échange visuel qui me met étrangement mal à l’aise.  

 

« Can someone tell me if it's wrong to be so mad about you ? »  

 

 

oOo
 

 

 

Endormi. Oui, tu t’es endormi sur ma poitrine que tu enserres malgré le sommeil. À croire que tu me protèges de vilains voleurs qui pourraient en avoir après mes modestes attributs. Quelle idée, ils sont tiens mes seins !  

 

Et ils sont siens aussi.  

 

La simple évocation de l’invraisemblable réalité provoque chez moi un douloureux spasme abdominal. Je résiste à l’envie de me tordre, tente d’accueillir l’affolement qui accompagne la contraction avec le plus de maîtrise possible ; et surtout je ne veux pas t’éveiller.  

 

Comment te dire ? Comment te dire Mick ? Sans te braquer, sans ruiner mes chances de te garder, sans que tu en viennes à m’exécrer, sans que tu ne te détournes de moi ? Je grimace de dégout, l’énumération de mes craintes est révoltante. Je devrais me concentrer sur ce que tu ressentiras, sur ton monde qui s’écroule ; mais pas sur la crainte de voir le mien ébranlé. Vouloir vous garder tous deux à n’importe quel prix est pourtant ma plus vibrante doléance. Le sacrifice de votre amour propre, la négation de votre dignité, voilà le prix que je réclame. Tu refuseras. Je suis sûre que tu refuseras. Ryô a beau croire que tu seras prêt à tous les renoncements pour moi, je sais comment tu interprèteras la nouvelle. Tu y verras l’aboutissement de ma quête amoureuse, la possibilité d’être heureuse auprès de celui que j’aime depuis toujours, que j’ai toujours convoité. Quel bonheur merveilleux pour moi alors ! Certainement ne liras-tu, dans ma proposition, que la volonté de ne pas te faire mal par une rupture propre et nette, peut-être même que tu penseras que j’ai pitié de toi. Alors tu disparaîtras de nos vies, tu t’évaporeras et m’abandonneras à un bonheur que tu crois parfait, refuseras un combat que tu pressentiras perdu d’avance. Tu me quitteras et j’en crèverai !  

 

J'ai crié comme j'ai pu que j'avais ma place  

Sur la Terre comme au ciel, voulu laisser ma trace  

J'ai joué mes bonheurs faciles à pile ou face  

Et j'ai perdu au loin, oh, bien trop loin de toi  

 

Et depuis les éclairs me rappellent à la guerre  

Comme si, au combat, mes convictions redevenaient fières  

J'ai embrassé trois fois la main de Lucifer  

Et j'ai brûlé au loin, oh bien trop loin de toi  

 

Je déteste ma vie, c'est long, ma vie, sans toi  

Je sais trop que ma place est dans tes bras  

 

 

Quoi te dire pour éviter cela ? La vérité, simplement ! Que Ryô est ma folie, qu’il est ma nécessité, mais que tu es mon oxygène, ma sérénité. Il est mes nuits, l’obscurité la plus fascinante qui soit, tu es mes jours, l’astre de lumière qui me rend vivante. Il est ma faiblesse, tu es ma force ! Est-il si incroyable que je ne veuille renoncer à aucun de vous deux ?  

 

Dans mon cerveau, s’enchevêtrent les différents scenarii possibles. Du plus probable : ta fuite, au plus désiré : ton adhésion. Mais entre ces deux extrêmes, une foultitude de réactions envisageables, des nuances quasi-métaphysiques. La colère, le désespoir, la sidération, la révolte… Mais il faut vite que je te dise, tu dois savoir.  

 

Demain, dès l’aube, je te dirai.  

 

Tu seras curieux et voudras connaître les détails : depuis quand dure ce ménage à trois, ai-je été fidèle ? Tu m’interrogeras. C’est pourquoi il est urgent que je sois honnête avec toi. Honnête ? Cet adjectif peut-il encore me qualifier ? Oh Mick, je suis désespérée. Tu n’avais pas le monopole de mon cœur, tu le savais, comment prendras-tu le fait de ne plus avoir celui de mon corps ? Quelles conséquences pour notre intimité ? Tu soupçonneras certainement plus d’ignominie encore qu’il n’y en a réellement.  

 

Demain, dès l’aube, je te dirai.  

 

Je te ferai souffrir, je te crucifierai, je serai une abomination.  

 

Soudain, tu bouges sur moi, tu te repositionnes certainement plus confortablement, tu niches ton nez dans mon cou.  

 

« Tu veux faire quoi aujourd’hui ? » me demandes-tu, visiblement à des années-lumière des turpitudes de ma conscience.  

 

Un sourire étire alors mes lèvres, mon cœur s’ébat joyeusement dans ma poitrine délestée.  

 

Aujourd’hui est à toi !  

 

Demain est un autre jour…  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


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