Hojo Fan City

 

 

 

Data File

Rated R - Prose

 

Auteur: patatra

Status: En cours

Série: City Hunter

 

Total: 5 chapitres

Publiée: 03-01-19

Mise à jour: 10-12-22

 

Commentaires: 21 reviews

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HumourRomance

 

Résumé: Kaori et Ryo se retrouvent prisonniers d'un rêve commun. La lune ne semble pas encline à les laisser retrouver le monde réel. Qu'attend-elle pour les libérer? Peut-être qu'ils se libèrent eux-mêmes.

 

Disclaimer: Les personnages de "Un rêve pour deux" sont la propriété exclusive de Tsukasa Hojo.

 

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   Fanfiction :: Un rêve pour deux

 

Chapitre 2 :: 2h08

Publiée: 20-02-19 - Mise à jour: 20-02-19

Commentaires: Bon ben j'ai été plutôt rapide pour ce chapitre je trouve. Pourtant je jongle avec plusieurs histoires et pour information, je me suis replongé dans "Le vent"! Donc j'espère que vous prendrez autant de plaisir à lire ce chapitre que j'en ai pris à l'écrire. Certes, il est un peu terre à terre, il est pas très japonisant (clin d'oeil à ma copine sugar qui va s'arracher le chignon en lisant ma partie de scrabble) mais c'est le jeu. J'ai construit ce chapitre en saynètes, ça reste un huis clos, sujet oblige! Après, je me critique: je trouve que mes fics "humour" tournent un peu en rond, je retrouve la patte d'Oscar le lézard ou du sparadrap. Pas simple de se réinventer à chaque fiction. Le prochain chapitre sera plus "citronné", vous vous en doutez bien! Je vais m'y mettre bientôt car je suis relativement motivé pour cette gentille fiction qui ne me pompe pas toute mon énergie. Comment je publierai sur ce site, on verra bien les ratings! Sinon, je maje aussi sur fanfic-fr.net... 8000 mots quand même dans ce chapitre, ça fait de la lecture et j'espère que vous ne vous ennuierez pas! Bonne lecture et merci pour vos commentaires, ça fait toujours plaisir!

 


Chapitre: 1 2 3 4 5


 

2h08
 

 

Depuis combien de temps fixait-elle ce maudit radio réveil ? Qu’est-ce qui clochait donc ? Aucune minute ne daignait s’écouler, l’objet électrique affichait toujours 2 : 08. Deux heures et huit minutes. Putain il lui semblait que ça faisait des lustres qu’il était deux heures huit !  

 

« Ahhhhhh », hurla-t-elle intérieurement, balourdant sa couette sur sa tête. Pourquoi donc ne s’endormait-elle pas ? Elle avait l’impression de pulser d’une énergie débordante et – pour sûr – elle n’avait pas du tout envie de dormir. Pas le moins du monde. Elle fixa étrangement la couette qui lui recouvrait le visage. Elle réfléchissait intensément. Tout d’abord, elle ne trouvait pas bizarre que le temps de son radio réveil ne défile pas. Rien que ça devait l’interpeller, non ? Eh bien non en fait ! Elle pensait que dans un rêve des tas de choses sans sens se produisaient. Et le temps figé, refusant de reprendre son cours pourtant inexorable, pouvait être une de ces manifestions débiles possibles. C’était l’absurdité des rêves ! Et le peu dont elle se souvenait au réveil était souvent incompréhensible. Pourtant, il y avait un autre point à considérer : elle n’arrivait pas à dormir, à trouver le sommeil ! Il est quand même rare de souffrir d’insomnie dans un rêve non ? Tout cela semblait contradictoire. Elle n’y comprenait rien. Elle décida tout de go de se rendre au salon pour vérifier les heures de toutes les horloges de l’appartement et envoya valser sa couette. A pas de sioux, soucieuse de ne pas éveiller Ryo, elle sortit de sa chambre et descendit l’escalier à moitié courbée en prenant bien garde de ne pas faire craquer les marches.  

Arrivée en bas, tandis que son regard pouvait embrasser le volume du salon, elle stoppa net sa progression. Elle venait en effet d’apercevoir son partenaire. Il avait enfilé un t-shirt en plus de son caleçon et, là, de dos, il semblait se perdre dans la contemplation de la ville, n’avait visiblement pas détecté sa présence. Elle ricana intérieurement à la remarque acide qui venait de naître dans son esprit agressif : il perdait vraisemblablement de ses formidables aptitudes lorsqu’il était frappé par le sommeil. Consciente de son avantage de voyeuse, elle prolongea sa pause pour admirer l’allure de celui qui régnait sur son cœur sans partage. Elle aimait le surprendre dans ces positions où elle pouvait le reluquer sans rougir, sans avoir à trouver un prétexte pour justifier le regard amoureux qu’elle coulait sur lui. Et plus que tout, elle aimait ressentir la puissance animale, le charisme magnétique qu’il dégageait lorsqu’il ne se savait pas observé et qu’il ne se métamorphosait pas en obsédé débile. De là où Kaori était postée, elle devinait le reflet masculin dans la fenêtre, Ryo était entièrement absorbé par l’observation du ciel et ses traits étaient magnifiques, réguliers et apaisés. Pourtant, la nettoyeuse devina vite sa contrariété. Le corps du nettoyeur était tendu, ses poings légèrement serrés, la mâchoire contractée. Malgré cela, les lignes de son visage qu’elle parvenait à deviner dans le reflet possédaient le magnétisme qui l’électrisait avec une redoutable efficacité dès qu’elle se trouvait en la présence du nettoyeur et auquel elle ne pouvait résister.  

 

— Quand t’auras fini de me mater, viens me rejoindre, lança-t-il froidement sans se retourner.  

 

Kaori souffla d’exaspération, vexée comme un pou… Il l’énervait mais alors il l’énervait, c’était fou comme il avait le don de l’exaspérer. Quelle crétine ! Elle avait naïvement cru ne pas être détectée. Bien sûr qu’il l’avait entendue venir ! Elle n’était pas plus douée dans le monde des rêves que dans la réalité et cette considération objective la contraria. Elle se concentra un instant mais ne parvint pas à faire apparaître une massue dans ses mains tandis qu’elle souhaitait ardemment passer ses nerfs sur l’objet de ses désirs refoulés. Pourquoi donc la colère – ce penchant naturel qui pulsait en elle chaque seconde de chaque jour – restait-elle sans effet depuis le début de son rêve ? Aucune massue ne trouvait le chemin de ses mains pourtant toujours acharnée à la besogne. « Malédiction ! », grogna-t-elle en pliant la tête de dépit vers l’arrière mais en obtempérant tout de même.  

 

— Qu’est-ce qu’il y a ? demanda-t-elle désabusée en prenant place à ses côtés devant la fenêtre.  

— La lune, répondit-il de manière énigmatique.  

— Ouais c’est la pleine lune, admit-elle en admirant distraitement l’astre blanc de la nuit rond comme une balle de golf.  

 

Il lui lança un regard noir qui la fit déglutir.  

 

— Ca fait longtemps que je l’observe.  

— Si tu n’as rien de mieux à faire, ricana-t-elle en s’éloignant pour aller lire l’heure sur l’horloge du magnétoscope.  

— Deux heures huit Sugar !  

— Je sais, j’ai vu, souffla-t-elle en découvrant l’heure maudite affichée en rouge . Je voulais juste m’en assurer.  

 

Elle revint vers lui et observa attentivement la dame pâle qui les contemplait du ciel.  

 

— Elle ne bouge pas, reprit Ryô les yeux toujours rivés sur la gardienne des rêves.  

— Pourquoi veux-tu qu’elle bouge ?  

— Kaori, souffla-t-il d’exaspération, ça fait un bail que je regarde par la fenêtre, je n’arrive pas à dormir. J’ai vu des voitures passer, des personnes sortir des immeubles. Bref, la vie ne s’arrête pas en dehors de chez nous. Il n’y a que la lune qui ne bouge pas. La lune et le temps qui ne passe pas ici !  

 

La nettoyeuse fixa d’un air grave son coéquipier et l’insistance de son regard obligea le nettoyeur à enfin la considérer. Il plongea tout d’abord ses yeux dans les siens, ce qui eut le don de la déstabiliser légèrement. Il sourit en constatant l’effet qu’il aimait particulièrement avoir sur celle qui le molestait si durement au quotidien et profita de cet instant de flottement pour couler sur elle un regard acéré. Kaori s’était accoutrée d’une autre tenue. Bien lui en avait pris, il dut le reconnaître. Les yeux noirs furent immédiatement aimantés par l’indécent top, exercés qu’ils étaient à dénicher le détail affriolant. Certainement d’ailleurs la rouquine n’avait-elle pas conscience de ce que ce top avait d’aguicheur. Elle portait désormais un ensemble de nuit, un shorty en coton gris et ce fabuleux tee-shirt doté d’un décolleté vertigineux. Oui le V du haut plongeait jusqu’au milieu de ses deux seins. Le tee-shirt n’était pas bien large et on devinait aisément la forme des deux monts qui, au final, bien pesés, n’étaient pas si inconsistants que cela. Non, leur petitesse, indéniable, leur tenue parfaite et arrogante, les deux pointes fièrement dressées effleurées par l’étoffe douce et ainsi donc quelque peu dévoilées, leur conféraient une noblesse délicate, un côté hyper sexy. Ce fut à Ryo de déglutir tandis qu’une chaleur fort désagréable lui picota le bas du dos. Il s’arracha de la poitrine de son cerbère et replongea son regard vers d’autres horizons… la lune.  

 

— Ryo, on est dans un rêve là ! Tu comprends ? Les personnes que tu vois passer dehors, les voitures, les bruits de la ville, la lune qui reste immobile, tout ça, ça fait partie du rêve. Tout ça est normalement anormal. Tu comprends ?  

— Bien sûr que je comprends Sugar mais as-tu l’impression d’être dans un rêve ? Dis-moi, te sens-tu comme dans un rêve ?  

 

Un vague sourire vaincu s’afficha sur les lippes de la nettoyeuse.  

 

— Certes, admit-elle. J’ai le sentiment d’être plus consciente que jamais mais…  

 

Elle s’interrompit devant la mine suspicieuse de Ryo qui, la moue aux lèvres, les yeux plissés, la scrutait pour mieux lire en elle.  

 

— Avoue ! proclama-t-il sous l’éclair d’une illumination. Qu’as-tu pu tramer pour me garder prisonnier de ton rêve ? Tu veux profiter de moi, hein c’est ça ? Allez, avoue !  

— Non mais…, hoqueta la japonaise, j’ai aucune envie de profiter de toi et, crois-moi ou pas, je n’ai aucun pouvoir sur mes rêves. Qu’est-ce que tu vas pas chercher ? C’est plutôt toi le tordu qui nous oblige à nous retrouver dans ton rêve !  

— Ttttt, reprit le brun en caleçon tout en remuant son index devant le nez de sa contradictrice. Personne – et même pas toi – ne peut croire ou imaginer que je voudrais me retrouver prisonnier avec toi dans un rêve. Il y a mille et une beautés époustouflantes qui pourraient me tenir compagnie de manière bien plus agréable que toi !  

 

Il bavait bêtement, encore envahi des souvenirs des moments mokkoris partagés quelques heures auparavant avec Miki et Saeko.  

 

— Non mais, à quoi tu penses sale pervers ? vociféra-t-elle en découvrant l’air excité de son partenaire et en se concentrant à l’extrême pour faire apparaître une massue. Tu mérites une méga correction. Il n’y a qu’avec toi que je suis un dragon. Comment peux-tu ainsi me pousser à bout ?  

 

Cependant la montagne accoucha d’une souris. Les mains de la nettoyeuse restèrent désespérément vides de représailles.  

 

— Pis t’es pas prisonnier gros nigaud, déclama-t-elle faute de massue en se dirigeant vers la porte de leur appartement. Va donc retrouver tes pétasses où bon te semble…  

 

Elle resta coite alors que sa main, sur la poignée de la porte, paraissait totalement incapable de l’actionner. Elle lança un regard désespéré au décérébré qui venait d’abandonner sa danse de l’amour tandis qu’il prenait acte de la situation. Ses bras tombèrent le long de son corps. Il s’approcha, tenta d’ouvrir le sésame. Rien.  

 

— Putain c’est pas vrai ! Quel cauchemar !  

 

Il s’affala sur le sol, se prit le visage dans les mains et pleurnicha grassement. Kaori, insensible au spectacle d’un grand ridicule, retourna vers la fenêtre et invectiva la Lune.  

 

— Non mais qu’est-ce que tu nous veux ?  

 

Bien sûr, l’astre ne répondit pas.  

 

***
 

 

Cela faisait de nombreuses minutes invisibles maintenant qu’ils étaient assis sur le canapé, l’un à côté de l’autre, bras croisés, mines contrariées. Ils n’échangeaient pas mot, tentaient sans succès d’analyser la situation inédite et incompréhensible.  

 

— On fait quoi ? demanda Kaori d’une petite voix. Je m’ennuie.  

 

Ryo obliqua la tête vers elle, sonda un instant les prunelles noisette qu’elle lui tendait et esquissa un sourire.  

 

— Je pense qu’on devrait effectivement trouver une occupation. Le sommeil va bien venir nous rechercher d’un moment à l’autre. Mais en attendant…  

— Et si on faisait un scrabble ? proposa gaiment Kaori.  

— Euh…  

 

Mais il n’eut pas le temps de protester – il n’avait aucune envie de se lancer dans un jeu de société idiot – Kaori s’installait déjà sur le canapé et étalait une multitude de pions retournés sur la table basse.  

Tandis que chacun mélangeait les pions, Ryo s’interrogea tout haut :  

 

— Je me demande bien ce que la Lune attend de nous ?  

 

Il se saisit de sept lettres et les disposa l’une après l’autre sur le présentoir prévu à cet effet… Il blêmit tandis que les pions se dévoilaient :  

 

D-E-S-I-R-E-R
 

 

Ryo osa un regard sur sa partenaire. Regard troublé autant que suspicieux. Avait-elle préparé son coup, ourdi un plan machiavélique ? Etait-il dans son rêve à elle pour que ces lettres s’harmonisent de la sorte ? Les doutes l’assaillaient sur la raison profonde de sa présence dans ce rêve singulier et l’impression de conscience qu’il ressentait depuis l’arrivée tonitruante de sa folle partenaire devenait de plus en plus dérangeante. Quelque chose ne tournait pas rond ! Il posa donc sur Kaori un regard plus qu’appuyé ; mais cette dernière semblait tout aspirée par la découverte de son propre jeu et n’avait visiblement cure de lui.  

 

— Je commence ! lança-t-il.  

 

Et il avança son mot qu’il plaça sur le plateau.  

 

SIDERER
 

 

Elle jeta à peine un œil, lui, compta ses points. La nettoyeuse restait particulièrement grave devant ses lettres et semblait en manque d’inspiration. Du moins, ce fut ce que crut Ryo lorsqu’il se replaça sur le canapé pour la regarder jouer. La réalité était pourtant tout autre. Le mot qui s’était formé lorsqu’elle avait innocemment tiré les pions la troublait.  

 

B-A-I-S-E-R-S
 

 

Elle ne prit pas le risque de regarder son partenaire, il aurait trop facilement lu sur son visage l’étonnement mêlé d’angoisse et d’excitation qu’elle retirait de cet étrange jeu. Elle avança donc nerveusement ses pions pour former le premier mot qui lui passa par la tête :  

 

BRAISES
 

 

Ryo déglutit lorsque Kaori joua et qu’il décomposa et recomposa les lettres pour former un autre mot. Il sut. Oui il sut qu’elle aussi était en bataille contre les insinuations perverses dont ils étaient bombardés. Mais en fait, était-elle victime ou complice de ces insinuations ? La question restait pour le moment sans réponse. Il se décida, avec une pointe de curiosité, à tirer sept nouveaux jetons. La main tremblante, conscient de l’étrangeté de la situation, il découvrit avec appréhension le nouveau message subliminal :  

 

C-A-R-E-S-S-E
 

 

Ses sourcils se froncèrent de contrariété et de désapprobation. C’était quoi cette manipulation mentale dont il était victime ? Il posa les yeux sur celle dont il ne parvenait à savoir si elle orchestrait la machination ou si, comme lui, elle la subissait. Ce tee-shirt indécent qui laissait deviner les pointes merveilleuses était un appel au vice. Jamais sa douce et innocente Kaori ne revêtirait si scandaleux effet dans la vraie vie ! Et jamais, dans la vraie vie, il ne pourrait être troublé par la ridicule petitesse de ces monts de plaisir qu’il affectionnait lourds et charnus, ronds et moelleux.  

 

ECRASES
 

 

Voilà le mot qu’il plaça sur le plateau. Kaori se pencha sur la proposition, la mine circonspecte. Il n’y avait rien de suspect dans ce mot. Elle piocha sept nouvelles lettres et les disposa rapidement :  

 

P-L-A-I-S-I-R
 

 

Elle échangea un rapide regard avec l’autre moitié de City Hunter. Ryo était impassible, indéchiffrable, « une montagne d’indifférence », pensa-t-elle. Lui, visiblement, ne rencontrait pas les mêmes turpitudes qu’elle dans ce jeu, il semblait si serein. Elle devait se résoudre à admettre l’évidence : c’était bien son rêve à elle que Ryo squattait. Il n’y avait qu’elle pour fomenter un tel plan. Ses désirs refoulés faisaient surface avec ce jeu stupide.  

 

SPIRAL
 

 

— J’en ai marre de ce jeu ! déclara-t-elle en plaçant le seul mot qu’elle put trouver, autre que celui suggéré !  

— C’est toi qui as voulu jouer, fit remarquer le nettoyeur japonais avec acidité.  

— Et bien j’arrête ! C’est pas drôle !  

 

Elle se leva d’un bond, excédée, et mêla tous les pions avec furie, ceux qui attendaient sagement d’être piochés et les autres, déjà placés. D’un revers de main, elle les envoya valser un peu partout dans le salon, cédant à l’exaspération. Ryo en fut amusé, elle ne parvenait visiblement pas à maîtriser ses émotions. Ce rêve commençait à sacrément lui plaire.  

 

— Je ne comprends pas ! dit-elle tout haut après s’être calmée et rassise sur le canapé aux côtés de Ryo. Je ne rêve pourtant jamais de toi.  

 

Le nettoyeur comprit que la remarque ne lui était pas destinée. Les commissures de ses lèvres se relevèrent légèrement tandis qu’il prenait conscience de l’état mental, perturbé par la situation, de sa partenaire. Quand gagnerait-elle en sang froid en ce qui le concernait lui ?  

 

— Ah ouais ? entra-t-il goguenard dans le jeu, bien décidé à se jouer d’elle davantage. Tu ne rêves jamais de moi ? A d’autres ma chérie ! Vu comment tu es folle de moi !  

— Quoi ? s’esclaffa-t-elle vermillon. Mais… mais tu rêves…  

— Visiblement c’est toi qui rêves Kaori chérie !  

— Pas du tout ! pas du tout ! répéta-t-elle. Je ne rêve jamais de toi, je te jure.  

 

« Je te jure », putain mais elle tombait bien bas là !  

 

— Je ne me souviens jamais de mes rêves, argua-t-elle avec conviction et sincérité, j’ai le sommeil le plus lourd qui soit… ce n’est pas moi la responsable de ce rêve Ryo, ça ne peut pas être moi.  

 

Un léger sourire flotta sur les lèvres du nettoyeur. Dans son cerveau détraqué, cet aveu ouvrait certaines perspectives charnelles auxquelles il se devait d’échapper fissa s’il voulait éviter que son mokkori hypersensible ne se mette martel en tête ! Ainsi elle ne se souvenait jamais de ses rêves. Jamais…  

 

Kaori avait le feu aux joues, Ryo semblait se perdre dans la contemplation de son visage, il la fixait d’un air rêveur, comme jamais il ne le faisait ; elle le vit même baisser les yeux et regarder sa poitrine avec, crut-elle, appétit. Instinctivement, elle plaça un bras devant le décolleté indécent. Mais qu’est-ce qui se passait ?  

 

— Alors tu ne fais jamais de rêve euh, comment dire, cochon, érotique ? se reprit-il en relevant les yeux.  

— Quoi ? s’offusqua-t-elle plus rouge qu’une écrevisse. Mais ça te regarde pas ! En tout cas, je ne me projette jamais comme je t’ai surpris tout à l’heure, je ne suis pas une obsédée basique moi môssieu ! Il me faut du sophistiqué, de la sensualité, de la douceur…  

— Ouais, tu fais pas de rêve érotique quoi ; c’est certainement ton premier ! la taquina-t-il avec une évidente délectation.  

— J’ai DEJA fait un rêve érotique ! se défendit-elle en criant, debout, les bras tendus le long du corps, les poings serrés de rage. Ne me prends pas pour une nunuche ! Je t’ai dit que je ne rêvais jamais de toi ! que je ne me souvenais jamais de mes rêves ! Sauf un ou deux je me dois de modérer. Et parmi ceux-là, il y avait bien un rêve érotique ! Non mais ! ET JE TE REPETE QUE JE NE SUIS PAS RESPONSABLE DE CE REVE-LA, MERDE !  

 

Le nettoyeur maîtrisa le fou rire qui naissait dans sa gorge. Diable qu’elle était facile à manœuvrer, elle allait bientôt lui avouer avoir déjà rêvé de lui en position érotique. Il fallait juste la pousser un peu plus dans ses retranchements.  

 

— Donc tu admets avoir déjà fait un rêve érotique avec moi, jubila-t-il en admirant la furie qui lui faisait face.  

— T’es bouché mon pauvre Ryo ! Je n’ai jamais rêvé de toi ; je pensais te l’avoir dit et répété !  

 

Elle avait croisé les bras en signe de défi, affichait une moue boudeuse, était sûre de son fait, le toisait avec un air supérieur qui déplut fortement au nettoyeur qui se leva à son tour. Il se posta face à elle.  

Kaori avait la moutarde qui lui montait au nez. Pour autant, elle n’avait pas la conscience complètement tranquille, elle ne disait pas toute la vérité. Elle n’avait jamais rêvé véritablement de son partenaire. Non, jamais rêvé véritablement de lui. Mais chaque soir, chaque matin, alors que son esprit cherchait le sommeil, ou quand celui-ci s’extirpait du monde cotonneux de l’inconscient, c’était bien Ryo qu’elle mettait en scène dans d’extravagants scénarios. Il lui faisait moult déclarations d’amour, la caressait tendrement, la couvrait de baisers doux et merveilleux. Oui, elle laissait son esprit vagabonder sur les sentiers des rêvasseries amoureuses dès lors qu’elle en avait l’occasion. Mais ces rêvasseries-là étaient pleinement conscientes, uniquement fruits de ses désirs, de ses fantasmes, de sa volonté et n’avaient rien à voir avec les rêves du sommeil paradoxal échappant à toute emprise, à tout contrôle.  

 

— Et ton rêve érotique alors ? demanda-t-il piqué de curiosité, légèrement vexé qu’il ne s’agisse pas de lui. C’était avec qui ?  

 

Elle fut quelque peu déstabilisée par la question. Non pas qu’elle ne s’y était pas attendue, il était curieux comme une maguette, mais elle avait toujours beaucoup de mal à mentir avec lui. Il lisait en elle comme dans un livre ouvert. Elle avait souvent l’impression que, sur son front, toutes ses pensées étaient retranscrites à l’encre invisible, uniquement décodable par LUI.  

 

— Tu connais pas, souffla-t-elle avec le nez qui s’allonge ; et ça te regarde pas !  

— Nannnn ! railla le nettoyeur conscient qu’elle mentait. Je le connais. Attends, je réfléchis. De qui peut-il s’agir ?  

 

Il se flattait le menton d’un air songeur, faisant mine d’une intense réflexion. Dans le même temps, il lançait à la rouquine désemparée quelques œillades interrogatives.  

 

— Angel ?! proposa-t-il si rapidement qu’il en fut lui-même surpris.  

 

Le visage de son ancien équipier s’était imposé au japonais sans qu’il n’ait réellement besoin d’envisager d’autres pistes. Et vu la mine défaite de celle qu’il cuisinait, il y avait fort à parier qu’il avait fait mouche. Etrangement, Ryo en retira une farouche jalousie, une morsure profonde et douloureuse, là sous les côtes, à gauche, dans les tréfonds de sa chair ; jalousie qu’il ne sut museler.  

 

— C’est pas vrai Kaori ! Tu as déjà rêvé d’une partie de jambes en l’air avec Mick ?  

 

Ryo était estomaqué. Vexé. Presque assommé.  

 

— Pas d’une partie de jambes en l’air, murmura-t-elle comme un aveu, souhaitant soustraire à son partenaire les images pornographiques qu’il devait déjà imaginer.  

 

Ryo observait Kaori. Son visage affichait une étrange férocité, il pulsait de vexation. Kaori se sentit fautive. Petite fille prise en flagrant délit, le visage maculé du chocolat dérobé contre l’avis de ses parents.  

 

— Pas d’une partie de jambes en l’air ? c’est quoi pour toi un rêve érotique ? Je serais bien curieux de savoir ce que l’amerloque et toi avez partagé dans tes fantasmes les plus fous, ricana-t-il froidement.  

— Parce que tu crois que je vais te raconter ? Mon pauvre Ryo, tu es bien loin d’imaginer ce que sont mes fantasmes. Laisse-moi te rassurer, il ne s’agit pas de ce que tu connais, des pratiques de sauvage, des caresses écœurantes voire répugnantes, ajouta-t-elle d’un air entendu. Non, en ce qui me concerne c’est bien plus beau, bien plus délicat et bien plus subtil.  

— Avec Mick laisse-moi rire ! intervint Ryo quelque peu ébranlé par l’emphase de sa colocataire. Tu es très éloignée semble-t-il de la réalité… enfin ce n’est que ton rêve… mais vas-y, raconte que je prenne des notes Kaori ! Cela pourra peut-être me servir pour être subtil avec mes prochaines conquêtes…  

 

La nettoyeuse sentit une boule grossir au creux de son estomac. Une folle envie de se jeter sur lui et de l’atomiser venait de naître en elle. Elle le haïssait, le détestait, l’abhorrait. « Aaahhhh je veux une massue !!! »  

 

— Plutôt crever ! lança-t-elle en lui tournant le dos.  

— Ah oui, je vois ta subtilité et ta délicatesse ma louloute. Ca laisse rêveur ! Si tu fais preuve d’autant de douceur avec un homme, nul doute que je ne puisse pas comprendre. Allez, raconte ton rêve s’il te plaît, je suis trop curieux !  

 

Le nettoyeur suivit la japonaise, appâté par ce fameux rêve érotique dont il aurait aimé croquer les détails. Le short trop mini qui couvrait à peine sa Kaori chérie commençait à sérieusement l’échauffer, tout comme le T-shirt trop échancré, tout comme leur discussion trop orientée. Il voulait absolument savoir ce que son meilleur ami avait partagé avec sa rouquine préférée – ne serait-ce qu’en rêve. Kaori, quant à elle, ignorant la supplique du dépravé numéro un du Japon, s’était approchée d’une horloge. Celle-ci affichait toujours 2h08. La nettoyeuse soupira de dépit.  

 

— On n’est pas sortis de l’auberge ! bougonna-t-elle en s’affalant inélégamment dans le canapé. J’en ai marre.  

— Tu sais Kaori, je pense que la Lune nous garde prisonniers de ce rêve car nous avons quelque chose à accomplir. Tous les deux ! Ensemble ! Tu comprends ?  

 

La japonaise envisagea son vis-à-vis en plissant les yeux. Qu’est-ce qu’il essayait encore d’inventer ?  

 

— Nan je comprends pas.  

— Quel intérêt sinon ? On doit avoir des choses à échanger, à faire, à s’avouer peut-être. Qui sait ?  

— Bah, comme quoi ?  

— J’en sais rien, moi. Je dis ça comme ça mais ce temps à rallonge qui nous est accordé, ce jeu de scrabble…  

 

Il jouait avec le feu. Le regard de sa partenaire, perdue dans l’incompréhension, braqué sur lui, faisait peser sur ses épaules le poids de l’insinuation. Que voulait-il vraiment ? Qu’elle s’offre à lui comme Miki et Saeko l’avaient fait avant elle dans la soirée ? Non ! Assurément non, c’était impossible ! Impossible d’envisager de profiter de ce rêve pour réaliser ses fantasmes les plus secrets, inavouables : la posséder. La prendre comme une autre, faire sauter les interdits. NON ! NON ! Elle n’avait pas le même statut, ne pouvait subir les mêmes assauts. Elle était son ange.  

 

— Moi non plus je ne rêve jamais de toi, avoua-t-il doucement en la regardant droit dans les yeux.  

 

Cet aveu qu’il avait exprimé d’une toute petite voix eut un effet terrible sur la jeune femme. Elle eut tout le mal du monde à maîtriser l’afflux de larmes qui se bousculèrent aux portes de ses yeux. Elle se retint de respirer, avala difficilement sa salive, contracta son ventre, tenta de soustraire à sa conscience les idées qui l’assaillirent. « Je ne représente donc rien pour toi ? »  

 

— Je sais, lui abandonna-t-elle en dissimulant mal l’abîme qui venait de s’ouvrir en elle.  

 

Ryo se devait d’éloigner de lui toute impure pensée concernant son cerbère adoré. Aussi, la blesser dans son amour propre, la déconsidérer au possible étaient le plus sûr moyen de garder l’équilibre, d’échapper à la menace qui le guettait et dont il avait la plus grande conscience.  

Pourtant, Ryo mentait aussi concernant l’absence de Kaori dans ses songes. En fait, il est vrai qu’elle ne participait jamais à ses orgies sexuelles. Non, jamais il ne la conviait à ses excès de luxure, déviances habituelles de ses échappées nocturnes inconscientes ; cela ne pouvait simplement pas être, il ne pouvait pas la considérer comme une partenaire de parties fines ! Mais il devait le reconnaître, Kaori était de ses nombreux cauchemars : Kaori qui mourait, mortellement blessée par un ennemi, Kaori qui le quittait, excédée par ses multiples frasques, son incapacité à faire évoluer leur relation, les non-dits qui empoisonnaient leur quotidien, Kaori qui s’amourachait d’un autre et qui l’abandonnait à la solitude monstrueuse, celle dont elle l’avait sorti il y a huit ans de cela, Kaori victime d’un accident de la route, lui incapable de la secourir, d’éviter le pire. Oui, dans ces songes monstrueux, Ryo perdait son ange, perdait l’essence même de sa vie. Alors non elle n’était d’aucun de ses rêves érotiques, mais elle était de ses pires cauchemars.  

 

— En fait Kaori, je ne rêve jamais de toi comme je rêve de Saeko, de Miki, de Reika…  

— C’est bon j’ai compris, coupa-t-elle sèchement.  

 

Le nettoyeur sourit et caressa doucement la joue de sa moitié. Kaori sursauta devant ce geste d’une suspicieuse tendresse et cela coupa net sa volonté de l’écharper. Cela ne ressemblait guère à Ryo de se perdre en pareilles démonstrations.  

 

— Mais tu représentes pour moi bien plus qu’elles toutes réunies. Jamais Kaori je ne porterai atteinte à ce que tu es… même pas dans mes rêves.  

 

Sa poitrine se vida d’un coup tandis que la jeune femme réalisait la portée d’un tel aveu. Ryo lui témoignait un respect outrancier, elle avait déjà touché cette opaque réalité, mais qu’il le reconnaisse devant elle, qu’il lui en fasse même la confidence avait une saveur inédite, qu’elle trouva néanmoins désagréable, piquante. Il tenait à elle comme à un objet de grande valeur, une relique madone qu’il fallait adorer, fragile et inestimable. Or le bois dont elle était constituée nécessitait une tout autre attention, des sentiments moins nobles peut-être, plus terrestres.  

 

— Mon rêve avec Mick, entama-t-elle sans repousser la main qui cajolait toujours sa joue, a eu lieu il y a très longtemps. Peu de temps après son arrivée au Japon d’après ce que je me souviens.  

 

Ryo grimaça et ses doigts s’effacèrent du visage adoré. Il scruta avec surprise celle qui souhaitait désormais s’épancher sur ledit rêve qui l’avait contrarié plus que de raison et dont il avait fini par accepter de ne pas connaître les détails. Kaori reprit sa narration, bien décidée à ne rien édulcorer.  

 

— Je me retrouve dans une pièce inconnue, avec un volume immense car je n’en distingue ni les murs, ni le plafond mais j’ai la très nette impression de me trouver dans une pièce et non dans la nature. Je suis vêtue d’une robe de mousseline, ou plutôt ne sont-ce que des voiles. Lorsque je penche la tête en avant, je découvre ma poitrine entièrement visible, à peine dissimulée sous les voiles orangés qui me recouvrent. Ces voiles descendent jusqu’à mes genoux. Je ne porte strictement rien en dessous mais étrangement je ne m’en sens pas paniquée.  

 

Les yeux du nettoyeur se durcirent mais restèrent, pour la jeune femme qui racontait son unique expérience de rêve érotique, indéchiffrables, comme à son habitude. Elle marqua une pause, réfléchit un instant, elle abandonnait aux oreilles attentives de son partenaire ce moment d’intimité dans le seul but de le choquer, de lui indiquer qu’elle n’était pas une vierge intouchable mais une femme avec de vrais désirs, des fantasmes. Elle avait un corps nom de dieu. Qu’il réalise enfin !  

 

— Mick se trouve dans cette pièce aussi, je le vois de dos mais il ne fait aucun doute que c’est bien lui, sa chevelure blonde me le confirme, le charisme qui s’en dégage, le dessin de son dos ; le smoking noir qu’il a revêtu, le piano devant lequel il est assis et dont il joue admirablement bien lui confèrent une classe folle.  

— Mick jouant du piano, ricana Ryo soucieux de briser l’élan emphatique de sa partenaire, c’est une fiction improbable !  

 

Kaori le fusilla du regard mais s’abstint de toute remarque acerbe, soucieuse de reprendre le cours de sa narration, de maintenir la tension tangible entre elle et le grand City Hunter.  

 

— J’ignore quel morceau il joue mais il me parle au cœur et au corps, c’est transcendant tu vois ? J’avance et je suis surprise de sentir de l’eau couler entre mes pieds. Lorsque j’avise le sol, j’y découvre une mare immense, très peu profonde ; au plus, mes chevilles sont à peine recouvertes. Une eau cristalline et tiède entoure Mick et son piano. Pour le rejoindre, car tel est mon souhait le plus cher à cet instant, je dois traverser la mare.  

 

Kaori plongea dans l’onyx des prunelles de l’homme qu’elle aimait plus que tout au monde, le plus charismatique qu’elle ait pu rencontrer, mais aussi le plus insensible à ses maigres charmes. Et pour autant, elle lui racontait les émois érotiques ressentis en la présence d’un autre, durant un rêve. Elle fut légèrement déstabilisée par cette pensée et un frisson naquit dans sa nuque induisant un léger malaise. Il y avait quelque chose d’artificiel dans son dessein mais elle musela ses réticences et poursuivit son récit.  

 

— J’entreprends donc de rejoindre Mick qui n’a visiblement toujours pas détecté ma présence. L’eau est délicieuse, sa tiédeur, son humidité m’enveloppent entièrement. J’arrive derrière Mick, lui caresse l’épaule. Il ne sursaute pas, ne stoppe pas le balai de ses doigts sur le clavier mais se retourne simplement. Il me décoche un sourire et je me sens aux portes de l’évanouissement.  

— Abrège veux-tu ! Je me fiche un peu de toute cette mélopée sirupeuse. Entre nous, y a rien d’érotique là-dedans.  

— Pauvre crétin, s’offusqua-t-elle, levant les yeux au ciel d’exaspération, tu ne comprends décidément rien à la sensibilité féminine…  

 

Malgré cette nouvelle estocade, Ryo restait pendu aux lèvres de la japonaise. Fière de son effet, elle poursuivit :  

 

— Alors que je m’allonge sur le piano, les notes résonnent en moi, c’est étrange comme mon corps vibre à l’instar des cordes invisibles de l’instrument. Mes cuisses me brûlent à ce moment et j’en suis très… excitée. C’est là que je m’aperçois que Mick a quitté sa place. La musique perdure, les effets sur mon corps également mais j’ignore qui a pris le relai au piano. Et ça n’a pas d’importance d’ailleurs.  

 

La nettoyeuse scruta avec intérêt le faciès crispé de son vis-à-vis. Ryo n’appréciait pas. Cela sautait aux yeux et elle en ressentit une grande satisfaction ; un goût fort agréable de victoire envahit sa bouche. Il était touché par ce qu’elle racontait. Qui l’eût cru ? « Oui mon amour, je peux m’émouvoir de sensations physiques ! Vas-tu enfin apercevoir qui je suis réellement, comprendre quelles sont mes attentes ? »  

Kaori faisait pourtant fausse route. Ryo n’était pas idiot au point de la croire insensible aux caresses ou autres attentions charnelles érotiques, il était seulement jaloux qu’elle ait confié, même inconsciemment, à un autre que lui le rôle masculin principal. De celui qui faisait vibrer ses cordes sensuelles. Un relent remonta de son estomac tandis qu’il admirait les traits réguliers de sa partenaire pulser aux souvenirs émoustillants de son rêve.  

 

— Je ferme les yeux, uniquement concentrée sur les mains qui parcourent mon corps. Je me sens inondée et tendue à l’extrême. Je convulse sous les caresses. Je veux que Mick m’arrache les voiles qui me recouvrent. Je veux être nue…  

— STOP ! scanda le nettoyeur en levant une main autoritaire. Merci de m’épargner la fin de ton rêve salace, je risque d’être carrément choqué... Je ne veux pas entrer davantage dans ton intimité, je risque l’indigestion.  

 

Elle leva un sourcil circonspect, mais décida d’accueillir la remarque favorablement.  

Une moue écœurée avait envahi les lippes masculines. Le récit grandiloquent que sa partenaire venait de lui servir rendait le nettoyeur fébrile ; son imagination allait bon train, il l’imaginait bien évidemment perdue au milieu des sensations charnelles provoquées par Mick mais c’était un autre aspect de ce rêve qui le perturbait plus que tout. Le nettoyeur ne put réprimer le sursaut induit par un frisson glacial qui le dévora des pieds à la pointe de ses cheveux. Il courba l’échine, confia son visage à ses paumes tremblantes. Elles tentèrent de le rassénérer par une friction lente et puissante. Il inspira profondément.  

Kaori gloussa de bonheur. Victoire ! Il était touché. « Touché coulé ! » songea-t-elle non sans une certaine fierté.  

Ryo passait et repassait ses mains dans ses cheveux, visiblement en proie à une grande décharge émotionnelle. Son regard échappait à la rouquine assise à ses côtés et qui convulsait du plaisir de l’avoir ainsi ébranlé. Il émit un grognement rauque. Quand ce rêve avait-il eu lieu exactement ? Avait-elle seulement conscience de la signification réelle de ce songe ? Mick l’avait courtisée avec contrition de longues semaines durant, il s’était montré tenace et réellement amoureux, au grand dam de City Hunter. Certainement qu’aujourd’hui son meilleur ami n’avait pas totalement renoncé à celle qui n’avait jamais cédé à ses avances, qui n’y avait même – du moins le croyait-il jusqu’à aujourd’hui – jamais paru sensible. Mais son rêve parlait pour elle. Désormais il savait que son corps s’était troublé à la perspective d’une relation avec Mick, elle avait fantasmé sur lui. Peut-être même avait-elle hésité à le quitter pour répondre aux promesses d’amour de l’amerloque ? Avait-elle été tentée un tant soit peu ? Pour Ryo, le rêve récemment conté était une réponse non équivoque. Oui ! Oui, le charme indéniable du blondinet l’avait un peu séduite ; oui elle avait pu se projeter dans une relation sentimentale et charnelle avec lui.  

Alors, c’était vrai, Kaori était toujours à ses côtés aujourd’hui mais certainement, sans même qu’il n’en ait eu vent, avait-elle envisager de le quitter, l’abandonner pour vivre une histoire avec un homme fou amoureux d’elle, qui lui proposait ce que lui ne pourrait jamais lui offrir. Putain Angel ! Il gémit de nouveau, la tête entre les mains, en proie à un inextinguible désarroi.  

 

— Ryo ? murmura la nettoyeuse réalisant le malaise de son coéquipier. Ca va ? Je t’ai choqué ?  

— Quoi ? renaquit-il de ses cendres.  

 

Il releva la tête pour la regarder et fut surpris de rencontrer la mine inquiète – inquiète et victorieuse néanmoins – de la fougueuse japonaise. Il ne s’était pas rendu compte, il avait baissé la garde, avait étalé son malaise. Lui qui demeurait toujours impassible, il avait perdu son légendaire sang-froid. Kaori avait touché du bout des doigts sa crainte absolue. Qu’elle lui échappe… Qu’elle l’abandonne… Et là, là, elle semblait lire en lui… Non, putain, non !  

 

— Tu te rends compte, entama-t-il en saisissant les mains de sa partenaire comme pour lui faire une confidence.  

 

La jeune femme sentit son cœur battre dans sa poitrine, ses joues s’empourprer. Allait-il lui faire une déclaration ? Les yeux humides que le grand Ryo Saeba lui tendait, les tremblements légers qu’elle percevait dans les mains tant convoitées, étaient autant de signes encourageants. Il l’aimait ! Oui il l’aimait et il réalisait enfin qu’il pouvait l’aimer autrement que comme une relique. Il pouvait l’aimer comme une femme.  

 

— Oui ? encouragea-t-elle avec appréhension.  

 

Ce rêve était merveilleux. La délurée comprenait maintenant à quel point ce rêve allait changer le cours de son existence. La déclaration. Enfin, la déclaration !  

 

— Kaori, tu te rends compte qu’aujourd’hui tu pourrais être avec ce blondinet inconsistant, qu’ainsi Kazue serait libre et moi aussi. Plus de massues, plus de tortures quotidiennes et en lieu et place de ton corps de travelo que tu promènes sous mon nez à tout bout de champ, je pourrais aimer la femme la plus désirable de Tokyo, la plus appétissante qu’il m’ait été donné de rencontrer, faire mokkori avec elle tous les soirs, tous les matins. Et que je serais le plus heureux des hommes !  

 

Il avait prononcé les dernières paroles comme une supplique désespérée et il avait levé les bras au ciel, prenant le dieu Mokkori à témoin. Le sourcil droit de la nettoyeuse se mit à tiquer, des éclairs lui sortaient des yeux, une fumée épaisse s’échappait de ses narines, certainement son intérieur était-il en feu. Ainsi en transe, elle ressemblait au Prince des Enfers. Et tout en hurlant de dépit, folle de rage et humiliée encore une fois, incomprise comme toujours, elle se précipita sur le corps adoré et le frappa de toutes ses forces. Elle avait envie de pleurer, de hurler et elle mit toute sa hargne, son dépit, son chagrin dans ses coups, faute de massue. Ryo ne broncha pas, il accepta la colère bien légitime, elle l’atteignit sérieusement à plusieurs reprises. Il était allé trop loin. Détestable habitude. Il culpabilisa de la mettre dans cet état et, il en était convaincu, le rêve qu’il vivait ensemble n’avait pas pour vocation de la faire souffrir ainsi. Non, la Lune attendait d’eux tout le contraire. Mais c’était compter sans sa résistance ! Il ne pouvait pas craquer, c’était tout bonnement inenvisageable. Il vaincrait la Lune.  

 

***
 

 

Kaori ne lui adressait plus ni mot, ni regard. Elle avait trouvé refuge dans un coin du salon, avait croisé les bras en signe de mur de défense, sa muraille à elle, et fixait l’horloge qui affichait toujours, à son grand regret, 2h08.  

 

— Tu veux boire quelque chose ? proposa-t-il pour tenter de détendre l’atmosphère.  

 

Elle ne répondit pas, se contenta de se renfrogner un peu plus dans son coin.  

 

— Sugar…  

 

Kaori ravala ses sanglots.  

 

— Dis le que je suis un con ! Insulte-moi, maudis-moi, frappe-moi mais s’il te plaît ne reste pas muette comme une carpe et rapproche-toi de moi !  

 

La rouquine ignora les paroles du brun contrit.  

Ryo se maudissait. Il avait poussé le bouchon très loin sur ce coup-là. Tout ça parce qu’il s’était senti acculé, poussé dans ses retranchements. Il n’avait pas trouvé d’autre échappatoire. Lui sauter dessus ou la blesser. Avait-il vraiment eu le choix ?  

 

— Kao, murmura-t-il en réduisant la distance qui le séparait d’elle.  

— T’approche pas de moi ! défendit-elle avec agressivité.  

— Okay, dit-il en stoppant sa progression. Mais si tu veux sortir de ce rêve le plus rapidement possible, nous allons devoir collaborer.  

— Jamais de la vie ! Je préfère crever ici à 2h08 que nous en sortir ensemble. Si je suis prisonnière de ce rêve débile, tu l’es aussi imbécile … Et c’est vrai, tu es le roi des cons !  

 

Elle l’observa à la dérobée, soucieuse de le voir réagir. Il lui adressa un sourire magnifique, ne sembla pas toucher par la tirade. Elle grimaça.  

Diable qu’il l’adorait. Il aimait tout ce qu’elle était, sa colère, son langage de charretier, sa mine échevelée. Cet ensemble gris ne lui ressemblait tellement pas. Il était aguicheur, tout ce qu’elle n’était pas. Ryo devait le reconnaître, ce shorty et ce T-shirt parlaient à sa libido de troublante manière. Les courbes de son ange étaient mises en valeur, ses charmes, dont elle croyait être dépourvue - par sa faute à lui il devait l’avouer - lui sautaient ici aux yeux. Ses cuisses étaient longues et fuselées, interminables, sa taille galbée et ses petits seins, cachés par les bras croisés, des appels à la tétée malgré leur petitesse tant décriée. Il déglutit. Le désir guettait, il se devait d’être vigilant. La Lune et ce rêve ourdissaient un plan dont il ne doutait pas. Il fallait être bien naïf pour ne pas deviner, derrière chaque détail de leur soirée, les indices qui menaient à la tentation. Tentation à laquelle il échapperait. Foi d’étalon !  

 

— Sugar, si je n’aimais pas ma vie auprès de toi, cela ferait belle lurette que notre duo n’existerait plus.  

 

Cette dernière phrase, si sincère mais si pénible à prononcer tant elle était pour lui lourde de sens, il la lui devait. C’était sa façon de lui demander pardon ; à demi-mot, reconnaître qu’il ne pensait rien de sa minable déclaration. Le regard de la nettoyeuse, dans la seconde, s’éclaircit nettement. Un timide sourire envahit ses lèvres et un soupir de soulagement s’en échappa. Ryo vit les bras de sa partenaire choir sur ses cuisses, renoncer à lui barrer tout chemin vers elle et la japonaise se précipita dans ses bras. Il reçut le paquet avec un petit hoquet de surprise, le choc fut rude ; elle sanglota contre son torse, baragouina quelques mots d’oiseau inintelligibles, se lova comme elle put, s’écrasant violemment contre lui, frottant son nez et ses joues contre son T-shirt, comme une enfant l’aurait fait. Ryo referma son accolade, un sourire aux lèvres, la pressa doucement contre lui, s’octroyant à tous les deux un moment de douceur et de complicité rare.  

Elle se détacha à regret et plongea son regard dans le sien.  

 

— Tu es con mais très confortable, rit-elle avec inélégance.  

 

Il pouffa devant autant de rusticité. Elle était vraiment incroyable, d’une susceptibilité à fleur de peau mais incapable de rancune. Il s’en tirait à bon compte sur ce coup-là ! Il fallait veiller à ne pas éveiller une nouvelle fois le dragon qui sommeillait en elle. Bref, prendre un peu soin d’elle.  

 

— Bon ! lança Kaori en s’installant derrière la fenêtre et en invectivant la Lune. T’as fini de nous faire mariner ? On veut aller se coucher nous ! T’attends quoi au juste ?  

 

Elle regarda son coéquipier et haussa les épaules.  

 

— T’y comprends quelque chose toi ?  

 

Il répondit par la négative.  

Kaori plissa le front, signe de grande réflexion, et replongea dans la contemplation de l’astre de la nuit. Depuis le début de la soirée, si elle faisait preuve d’un minimum de jugeotte, il était quand même question de ses relations à Ryo.  

 

— Hé, c’est quoi cette petite lumière à côté de la Lune, là-bas ? interrogea-t-elle en pointant un autre astre.  

 

Ryo avisa ce que Kaori désignait.  

 

— Vénus, répondit-il avec assurance.  

 

Sa partenaire le considéra avec une lueur dans les yeux. Ceux-ci s’arrondirent tandis qu’une idée la traversait, sa bouche mima un « O » parfait et Ryo sut qu’elle aussi en était arrivée à la même conclusion que lui. Il fut effrayé.  

 

— Tu vas m’embrasser ! s’exclama-t-elle.  

— Qu… Quoi ?  

— Oui, c’est ça qu’elle veut ! expliqua une Kaori sous le coup de son éblouissement. Réfléchis voyons, homme des cavernes, t’es pas fûté pour deux sous. Nous allons la bluffer. La Lune, Vénus, symboles de féminité, de sensibilité, de désir. Rappelle-toi notre partie de scrabble : les messages ! Tu comprends ?  

— Ouais je comprends mais j’ai pas envie de t’embrasser moi ! protesta le nettoyeur, apeuré par la perspective avancé par son dragon en short gris.  

 

Elle se renfrogna.  

 

— Tu crois que j’en ai envie moi ?... Allez, vas-y !  

 

Elle avait clos ses paupières et froncé sa bouche en mimant un baiser ; elle attendait maintenant qu’il s’exécutât. Ryo détesta cette attitude, il fit la grimace à la perspective de profiter d’elle ainsi. Et puis c’était vrai ! Aucune envie d’un baiser dans ces conditions euh… comment dire… artificielles.  

Kaori sentit l’hésitation de son partenaire. Elle rouvrit légèrement les yeux, les posa sur lui à la va-vite et chuchota pour le rassurer :  

 

— Pas un vrai hein… T’inquiète pas…  

 

V’là qu’elle essayait de l’encourager ! N’était-ce pas elle qui devait être transie d’appréhension ? Il avança vers elle, hésitant. Se pencha doucement et ferma les yeux. Il appréhenda le contact de leurs muqueuses, maîtrisa un frisson dans le bas de son dos. Mais… Mais, en lieu et place du baiser attendu, peut-être même un peu désiré, ce fut une poigne ferme et autoritaire qui lui pressa les joues et coupa son élan. Il ouvrit les yeux, la surprise était désagréable !  

 

— Est-ce que tu t’es lavé les dents ? s’enquit-elle avec des éclairs de colère dans les prunelles.  

— Hein ?  

 

Ni une, ni deux, elle le mena par les joues dans la salle de bain.  

 

— Je préfère pas savoir où tu as mis tes lèvres et ta langue tout à l’heure, expliqua-t-elle avec dégout. Hors de question que tu m’embrasses avec je ne sais quels restes de… fluides !  

— T’es vraiment tarée, j’ai pris ma douche avant de descendre. Et j’ai pas l’intention d’enfoncer ma langue dans ta bouche si ça peut te rassurer !  

— Ouvre la bouche, ordonna-t-elle alors qu’elle faisait vrombir la brosse à dents électrique. Je m’occupe du nettoyage de cette cavité surexploitée !  

 

Il pleura amèrement mais obtempéra. Elle lui lava très soigneusement les ratiches, lui brossa la langue à la lui râper. Ses jérémiades ne servirent à rien, elle ne fit preuve d’aucune compassion. Elle le contraignit à prendre plusieurs bains de bouche, désinfectant, antibactérien, spécial haleine fraîche et, quand elle fut bien certaine qu’aucune trace de ses précédents forfaits ne subsistait, elle le mena, toujours par les joues endolories, devant la fenêtre du salon.  

Kaori le positionna devant elle.  

 

— Regarde bien la Lune, conseilla-t-elle.  

 

Il lui lança un regard d’incompréhension. C’était ainsi qu’elle voulait organiser leur premier baiser ? C’était à n’y rien comprendre. Indélicatement, elle encadra de ses mains chacune des joues du nettoyeur rougies par ses maltraitances.  

 

— Regarde la Lune, répéta-t-elle.  

 

Il scruta en coin l’astre céleste alors que les mains féminines guidaient son visage vers les lippes dont il crut comprendre qu’il n’avait pas le droit de les regarder.  

Elle claqua un smack sec et sévère sur les lèvres insensibles, puis s’échappa instantanément.  

 

Chacun d’eux resta stupéfait : la Lune venait de bondir dans le ciel !  

 

— Tu as vu ? s’enquit-elle, emplie de joie.  

— Oui, convint-il.  

 

Ils se précipitèrent vers une horloge.  

 

2h09
 

 

— On est sauvé ! entonnèrent-ils en chœur.  

 

Ils se serrèrent dans les bras, entamèrent une farandole, firent des cabrioles, lancèrent des confettis, entonnèrent quelques chansons paillardes puis revinrent vers l’horloge, essoufflés et heureux d’être enfin libérés.  

 

2h09
 

 

Ils échangèrent un regard inquiet, il devait bien y avoir quinze minutes qu’ils fêtaient leur libération. Chacun d’eux avait peur de comprendre. La Lune ne se laissait pas si facilement berner.  

Le nettoyeur n’en fut pas surpris, contrairement à sa partenaire. Depuis le début de la soirée, entre elle et lui, il ne s’agissait que de faux-semblants, de façades, d’échanges bravaches mais pas d’un rapprochement réel, ils ne baissaient les armes ni l’un ni l’autre.  

Ils tentèrent bien maladroitement de se bécoter devant la fenêtre de nombreuses fois encore mais la Lune demeura immobile au firmament. Vexée, cette dernière jura qu’on ne l’y reprendrait plus à se méprendre sur ces deux-là !  

Le rêve ne faisait en fait que commencer.  

 

 

 

 


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