Chapter 2 :: 2. Animaux de guerre

Published: 18-12-20 - Last update: 18-12-20

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"Shin !!"  

Les adolescents coururent pour vérifier l'état de Shin Kaibara. Il avait maintenant plus de cinquante ans, il était toujours intelligent et rusé, mais faible de cœur.  

Ils entrèrent dans la maison et entendirent quelques mots venant de la chambre de Shin. Ils s’approchèrent et ouvrirent la porte.  

"Shin ... "  

"Salut les enfants. Kaori, mon Dieu, comme tu es mignonne!" dit joyeusement Doc.  

Doc était le médecin des guérilleros. Il avait à peu près l'âge de Kaibara, mais il était plus petit et avait déjà tous les cheveux blancs. Il portait une paire de lunettes et il était très gaillard.  

Kaori réalisa qu'elle ne portait que la chemise et rougit.  

"Qu'est-ce qui se passe, Doc?" demanda Ryo avec inquiétude. Shin dormait.  

"Ne t'inquiète pas Ryo. Il était agité parce qu'il savait que vous vous battiez, mais je crois qu'il a entendu vos voix. Maintenant il va bien"  

Les trois descendirent. Kaori souhaitait se laver à nouveau et mettre quelque chose de plus confortable, alors Doc et Ryo se retrouvèrent seuls.  

"Mon père ... il est malade, n'est-ce pas?"  

Doc étudia le visage du garçon. Il s'assit, penché en avant, les mains jointes et le visage tiré.  

"Son cœur est faible et il est sujet aux crises cardiaques, Ryo. Je lui ai donné des pilules, mais tu sais comme il est. Il déteste les médicaments. Tu dois insister, il doit en prendre un par jour "  

Ryo hocha la tête. Kaori apparut dix minutes plus tard, avec un sweat-shirt et un pantalon de couleur crème.  

"Comment ça va, Doc?" demanda la jeune fille en s’asseyant sur les genoux de Ryo. Il entoura sa taille avec un bras.  

"Du sang, des membres gangrenés à amputer, des cris ... tout est normal. Heurseusement, nous nous ont eu peu de dégâts aujourd’hui, de toute façon."  

Il y eut un silence pendant quelques minutes. Kaori ne bougea pas, et Doc non plus, tandis que Ryo respirait lentement avec sa bouche pressée contre le sweat de la jeune femme.  

"Est-ce que ce sera comme ça pour toujours?" dit Ryo, presque sans s'en rendre compte.  

"Je ne sais pas, Ryo"  

Le silence s’éternisa.  

"... Je vais faire quelque chose à manger. Doc, vous restez avec nous? " demanda Kaori en se levant et en commençant à nettoyer une casserole.  

"Volontiers. Merci petite"  

Kaori lui sourit.  

Septembre 1983  

Ils couraient sans relâche, voulant se fondre avec les troncs et les feuilles.  

Ils avaient dix-huit ans.  

Il y avait des opposants de tous côtés, silencieux et préparés.  

Kaori et Ryo tiraient en continu, tournant dans toutes les directions, chargeant leurs armes à la vitesse de la lumière. Kaori était mince et rapide, elle se cachait bien, mais les soldats avaient un nez expert et connaissaient son odeur.  

Ryo courut chercher le bazooka. Il tira quelques coups de feu. Un rugissement, une lumière aveuglante.  

"Génial!"  

Ryo pouvait entendre le compliment de sa collègue en short et t-shirt noirs.  

Elle portait une paire de chaussures à lacets bleus et un double étui en cuir sur ses épaules, où elle pouvait ranger les deux pistolets dans les gaines sous ses aisselles.  

Ryo semblait satisfait. Tout était silencieux, il ne ressentait plus d'auras menaçantes.  

Kaori le rejoignit.  

"Putain..." dit-elle en essuyant un peu de sueur sur son front.  

"Ça va Kaori?"  

"Oui ... mes pieds sont en feu ..." dit-elle.  

"Eh bien ... rentrons"  

Elle acquiesça.  

Puis, soudain, tout se passa en quelques instants.  

"RYO!!" sa voix résonna alors qu’elle écarquillait les yeux et la bouche. Elle saisit son arme et appuya sur la détente. Ryo se retourna.  

Il y avait un soldat, avec un sourire sombre. Kaori l’avait manqué. Elle avait été frappée.  

"KAORI!!"  

L'homme commença à s’éloigner mais une balle du Python de Ryo transperça son crâne.  

Ryo se pencha sur Kaori, qui dégoulinait de sueur et saignait.  

"Ryo… ah… merde…" La voix de la fille était à peine dissimulée par la douleur.  

Elle était blessée au côté gauche.  

Ryo se sentit presque mourir de peur. Il essaya de retrouver son sang-froid, la prit dans ses bras et la ramena chez eux.  

"Professeur!!"  

Le refuge était un champ de de guerre. Il y avait du sang et des cadavres partout, des hommes encore vivants mais gémissants et très pâles. Kaori était également pâle, accrochée à Ryo, haletant contre son cou.  

"Doc!!!"  

Doc courut de l'étage. "Emmène-la dans sa chambre! Procure-toi des serviettes, remplis un bassin d'eau et fais-la bouillir!"  

Ryo obéit. Il prit une douzaine de lingettes et se dépêcha de chauffer l'eau, puis l'apporta à Doc.  

Kaori était épuisée, sale de boue et de sang.  

"Je dois sortir la balle tout de suite. Ryo, aide-moi à la retenir. Ce sera très douloureux et je n'ai rien pour la calmer"  

Ryo attrapa Kaori et la souleva, découvrant son côté ensanglanté.  

Doc prit la pince stérilisée. Il tamponna la plaie avec la lingette humide. Kaori gémit.  

"Pardonne-moi, petite"  

Il arracha la balle.  

Kaori poussa un cri qui fit serrer le cœur de Ryo alors qu'il la soutenait et sentait ses ongles pénétrer ses bras.  

Ryo l'embrassa sur le front moite pendant que Doc nettoyait la plaie et se préparait à la panser.  

"Tranquille, petite... c'est fini," dit doucement Doc.  

"Elle dort, non?"  

"Oui, inutile de dire qu’elle était épuisée"  

Silence.  

"Est-ce que ce sera comme ça pour toujours?"  

Doc le regarda. C'était la même question qu'il avait posé trois ans auparavant.  

"Ici c’est ainsi, Ryo. Cette guerre dure depuis avant que Shin ne vous trouve toi et Kaori"  

"Peux-tu m'expliquer le sens de cette bataille continue et inutile?"  

Ils entendirent tous les deux Kaori tousser.  

"La guerre semble toujours survenir pour des raisons valables, mais l'odeur de la mort les efface et les fait oublier. Un jour, Shin m'a dit que l'homme était un animal de guerre. Il adore se battre, exterminer ses semblables depuis son apparition sur Terre. Les moyens changent, mais pas la substance. Le Python que tu utilises aujourd'hui est l'arbalète utilisée au Moyen-Âge"  

Ryo ne répondit pas.  

À ce moment, Shin entra dans la pièce.  

"Kaori…" murmura-t-il.  

"Elle se repose, Shin"  

Shin acquiesça et se tourna vers Ryo.  

"Pourquoi tu ne t'endors pas aussi ? Tu es pâle"  

Ryo se leva. "Non. Je t’aide avec les autres blessés"  

AprèS quelques heures fatigantes passées à aider Doc, qui s'occupait des situations les plus graves, tandis que Ryo et d'autres volontaires soignaient des blessures mineures et qui au fil des années avaient appris à se désinfecter et ò se soigner, Ryo décida d’aller s’entraîner un peu, trop secoué et agité pour se détendre ou dormir.  

Il se dirigea vers le stand de tir, construit spécialement pour que les soldats puissent toujours s'entraîner avec des armes.  

Doc était un homme d'affaires habile, chaque mois il réussissait à se procurer de nouvelles armes.  

"Salut Ryo!" le saluèrent des soldats qui avait eu la même idée que lui. C’était la manière de chacun de relâcher une certaine tension. Les gens normaux lisaient, se promenaient, peignaient (et certains le faisaient, il y avait même ceux qui plantaient des fleurs), tandis qu’ils tiraient sur des formes en carton. C'étaient les mêmes hommes qui l'avaient vu la première fois, quand il avait cinq ans.  

Ryo répliqua à peine, sortant son Magnum et tirant sans relâche.  

Il chargea et tira, encore et encore.  

Personne n’osa le déranger. Ryo était visiblement furieux.  

Avec le monde entier, car il n'était pas possible de continuer à vivre dans cet enfer.  

Il n'était pas possible de dormir en attendant, veillant à ce que personne ne vienne avec des intentions meurtrières.  

Treize ans s'étaient écoulés et rien n'avait changé. Il était furieux contre lui-même. Il n'avait pas remarqué l'homme derrière lui et Kaori en avait payé les conséquences.  

Il avait presque envie de rire. Dans des circonstances similaires, il avait également eu le temps de tomber amoureux.  

Non pas qu'il connaissait l'amour, mais un être humain sait quand il tombe amoureux, pas besoin de le lire dans les manuels. L'immense peur qu'il avait ressentie quand Kaori était tombée sur lui, puis la douleur atroce causée par ses cris ... il ne s'était pas seulement inquiété du sort d'un compagnon.  

Il avait grandi avec Kaori, ils s'étaient toujours entraidés. Ils vivaient en symbiose, chacun donnant et recevant quelque chose de l'autre.  

Ryo passa trois ou quatre heures à tirer. Finalement, il remit l'arme dans l'étui à l'intérieur de sa veste et s'éloigna aussi silencieusement qu'il était venu, toujours avec un visage en tête. 

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