Chapter 5 :: partie 5

Published: 12-06-07 - Last update: 12-06-07

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Partie 5  

Elle courrait dans les rues de Shinjuku comme si le diable la poursuivait. Elle devait rentrer au plus vite, laver son regard de ces images qui s’étaient incrustées sur celle de cet homme. Ces épaules larges sur lesquelles des mèches noires dansaient sous la brise. Ces muscles saillants qui apparaissaient sous les manches repliées du tricot. Ses cuisses si malmenées par des heures d’exercices qui consistaient principalement à courir derrière les filles et à éviter sa massue. Le corps au bord de l’étouffement, Kaori ouvrit la porte de l’appartement ; elle était enfin en sécurité, enfin en paix.  

Elle tendit l’oreille et constata avec un visible soulagement que Ryô n’était pas dans les parages, sans doute devait-il traîner en compagnie de jeunes femmes bien en chair avec lesquelles il avait bu toute la soirée et dont il aurait encore les effluves le lendemain à son réveil. « Il y en aura au moins un qui se sera amusé ce soir » dit-elle avec nostalgie en sortant une bouteille de vin du frigidaire dont elle se versa un demi verre. « Bon anniversaire, Kaori » trinqua-t-elle, seule. Il était encore relativement tôt mais la jeune femme jugea que la soirée prendrait fin pour elle à cet instant. Elle monta dans sa chambre, attrapa un short et un débardeur qui feraient office de pyjama et se glissa dans la salle de bain pour s’y changer.  

.........  

La nuit était à présent bien avancée quand Kaori regarda pour la millième fois la lumière de son réveil indiquant deux heures trente sept. Bientôt trois heures qu'elle s'était allongée dans son lit, et presque autant qu'elle comptait les grains de poussière invisibles qui recouvraient le plafond de sa chambre à coucher. Elle avait espéré que le verre de vin aurait suffi à endormir son corps mais c'était sans compter sur cette soirée toute aussi éprouvante que révélatrice. Le cadeau offert par Saeko, Miki et Reika s'était insinué en elle comme un poison malin. Elle ne pouvait plus fermer les yeux sans que son imagination n'imprime dans son esprit des clichés virils formés de torse, cuisses, épaules, bassin... Allait-elle sombrer dans la folie, dans une obscénité aussi déraisonnée que son partenaire? Comment pourrait-elle continuer à travailler aux côtés de Ryô si elle ne pouvait plus cacher son amour pour lui à cause de son corps qui pouvait la trahir à sa simple évocation?  

Résignée, la jeune femme se força à se lever. Elle devait trouver le moyen d'oublier cet anniversaire qui lui avait finalement fait plus de mal que de bien; d'oublier cet irrémédiable attachement qu'elle avait pour ce tueur et qui, au bout du compte, avait fait sa place dans son coeur orphelin de Hideyuki. Le corps lourd de ce fardeau qui lui semblait tout à coup bien difficile à porter, Kaori descendit les quelques marches qui menaient à l'étage inférieur.  

Sans prendre la peine d'allumer la lumière, elle laissa ses yeux habitués à la pénombre par ses heures d'insomnie, la guider jusqu'à la cuisine. Alors qu'elle approchait pieds nus, elle remarqua une présence; Ryô était rentré. Elle vit la porte du réfrigérateur ouverte, dispersant un large cône de lumière sur le visage de son partenaire et sur les meubles de cuisine. Après quelques instants plongé dans le froid habitacle, il posa une brique de jus de fruits sur le dessus de l'appareil avant de trouver la bouteille de vin dont la jeune femme avait savouré le nectar en soirée.  

« Tu es déjà rentré? » s'étonna-t-elle.  

Il leva le visage sur elle. Depuis quand était-elle descendue? Il était tellement absorbé à trouver de quoi étancher sa soif qu’il avait laissé ses sens s'endormir. Si elle avait été un ennemi, il serait déjà mort. Il venait à peine de rentrer. La veste de Kaori posée sur le dossier d'un fauteuil avait suffi à lui signifier le retour de la jeune femme. Il avait quitté ses escarpins féminins qui commençaient à lui meurtrir les orteils et jeté sur un banc le gilet de coton qu'il avait porté sur son chemisier. Heureusement que la porte du frigidaire était suffisamment haute sinon Kaori aurait eu le choc d'admirer son corps dans cet accoutrement ridicule qu'il avait porté toute la soirée pour l'espionner dans le club de strip-tease. Il devait lui mentir, quel autre choix avait-il?  

«Oui... je cherche à boire, j'ai soif » commença-t-il en feignant un début d'ébriété.  

« Quoi? »  

Ca fonctionnait. Ryô vit les prunelles de la jeune femme prendre les nuances qui étaient les prémices aux premiers éclairs tempétueux. Le seul moyen qu'il avait de l'écarter de lui était qu'elle le haïsse pour son comportement détestable. C'était son seul but depuis ces dernières années: protéger coûte que coûte son « Sugar Boy ».  

« Je n'avais plus un sou, ils voulaient plus me faire crédit... et tu sais que si je ne peux pas boire... » S’enfonça-t-il davantage encore.  

Il était soudain loin le temps de la fête, le temps de son anniversaire. Les habitudes étaient malheureusement revenues. Kaori s'était avancée jusqu'à son partenaire, avait finalement fait face au réfrigérateur tandis que la colère envahissait de plus en plus son corps. Le choc. Elle vit cet obsédé remuer débilement ses fesses pour faire danser sa longue jupe, ses mains repliées sous son menton pour la narguer.  

« Je suis joli comme ça, pas vrai? »  

C'était le bouquet! Non seulement il avait passé sa soirée à boire dans le cabaret des travestis mais en plus, et là il avait atteint le summum du désespoir de Kaori, il avait finalement enfilé une de leurs tenues.  

« Tu n'es vraiment qu'un idiot! » conclut-elle en faisant quelques pas supplémentaires pour attraper le jus de fruits qui trônait sur le meuble. « Pourquoi agis-tu ainsi Ryô ? » aurait-elle voulu lui demander. Mais à quoi bon? Il ne la verrait toujours que comme la petite soeur de Hideyuki, comme son petit frère comme il se plaisait à la traiter.  

Mais l'idiot se fait toujours piéger quand il en fait trop et Ryô n'échappa pas à la règle. A force de se dandiner, à force de simuler son imbécillité chronique, un petit bout de dentelle rose s'échappa de la poche de sa jupe. L'oeil expert d'une Kaori au bord de l'exaspération fut aussi prompt que celui d'un aigle sur une souris malheureuse. D'un geste précis, elle tira sur le tissu qui se dégagea de la poche en une superbe guirlande colorée de rose, vert, blanc et bleu pastel, petites culottes que la jeune femme n'eut aucun mal à reconnaître comme étant les siennes!  

« Tu es vraiment un cas désespéré. On devrait t'enfermer! » Les narines fumantes tel le dragon ancestral, ses mains attrapèrent les pans du chemisier de Ryô qu'elle déchira d'un coup sec. « Je suppose que je vais trouver un de mes soutien-gorge là dessous! »  

Mais au lieu de trouver le coordonné d'un de ses slips, la jeune femme découvrit la poitrine de Ryô enfermée dans un soutien gorge couleur chair, aux bonnets impressionnants dans lesquels deux sacs de liquide simulaient les seins. Heureusement que le ridicule ne tue pas !  

« Je sais que ce n'est pas très sexy, mais ça a fait son effet ; et puis dans tes tiroirs je n'ai rien trouvé qui m'aille, tu es tellement plate que... » Mentit-il.  

La magie s'opéra.  

Sortie de nulle part, une gigantesque massue apparut dans les mains de Kaori. Même si le corps féminin paraissait frêle, la force nécessaire pour utiliser l'arme était quasi herculéenne quand elle frappa de plein fouet la porte du réfrigérateur, prenant en sandwich l'homme dans son entier.  

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