Hojo Fan City

 

 

 

Data File

Rated R - Prose

 

Auteur: patatra

Status: Complète

Série: City Hunter

 

Total: 9 chapitres

Publiée: 28-03-12

Mise à jour: 27-03-19

 

Commentaires: 58 reviews

» Ecrire une review

 

General

 

Résumé: Un homme règne sur Tokyo : Saburo Kyô, dangereux trafiquant de drogue et d’armes. Pour les puissants, cet individu devient gênant, il a accumulé trop de dossiers compromettants contre tout un chacun. Ryô Saeba, de retour au Japon, est recruté pour exécuter le criminel. A ses côtés, Hanako Meini est là pour l’aider. Mais rien ne se passe comme prévu…

 

Disclaimer: Les personnages de "Japanese story" sont la propriété exclusive de Tsukasa Hojo, sauf Hanako et Saburo que j'ai créés.

 

Astuces & Conseils

Comment puis-je devenir un Beta Reader?

 

Il suffit de se connecter et de modifier son profil de Beta Reader, en acceptant de devenir un Beta Reader. Vous d ...

Pour en lire plus ...

 

 

   Fanfiction :: Japanese story

 

Chapitre 3 :: Révélations

Publiée: 02-05-12 - Mise à jour: 02-05-12

Commentaires: Bonjour à tous. Voici le troisième chapitre qui, je dois bien l'avouer, ne m'emplit pas de fierté. Je n'aime pas ces moments qui me paraissent pur sentimentalisme. Et là, c'est le cas! Le quatrième chapitre sera de la même trempe, hélas, et je tremble déjà de me lancer dans son écriture. Rassurez-moi et dites-moi que je ne tombe pas dans la mièvrerie. Mais le sujet de ma fic exige de passer par là. Donc, je n'ai que moi à blâmer. Et puis je me dois quand même d'assumer ce que j'écris... Voilà, j'espère que vous prendrez plaisir à lire cette suite et encore un grand merci pour vos commentaires. A bientôt.

 


Chapitre: 1 2 3 4 5 6 7 8 9


 

Quelle étrange sensation ! Tout mon être semble s’être concentré dans ma pupille gauche, la vie déserte le reste de mon corps et rien n’a plus d’importance à cet instant que les cellules photo-réceptrices qui tapissent ma rétine. Dire que je n’ai vécu les dernières heures que dans l’attente de ce moment-là ! Et quand je dis « dernières heures », je suis très loin de la vérité, je me dois de l’avouer. Ai-je donc hiberné durant ces trois années ? Me suis-je tapi au fond d’une caverne froide et humide, figeant volontairement le sang dans mes veines ? Ai-je renoncé à ce qui là, me fouette la face avec tant d’évidence que j’en peine à l’admettre ? Mes membres s’engourdissent et des millions de grillons entament le chant entêtant et insupportable… Là, dans les tréfonds de mon crâne.  

 

Diable mon cerveau ! Vas-tu cesser de me torturer ? Laisse-moi donc apprécier la vision solaire, plier sous le bonheur indescriptible de l’avoir retrouvée.  

 

Mais le trouble est si intense que je ne sais quoi contempler. Je ne fais qu’embrasser du regard la silhouette tant espérée sans parvenir à la détailler, apparition céleste insaisissable. Cette fichue pupille refuse encore pour le moment de m’obéir et de se lancer dans l’inventaire de celle qui me hante depuis toujours, et qui n’est tout au plus qu’à vingt mètres de moi. Je reste donc pantelant de frustration, victime des défaillances de mes sens. Eux qui ne m’ont jamais trahi, jouent ici les effrontés, défient les lois de la nature. Ma nature !  

 

Un rire prend alors vie dans ma gorge et m’oblige à me pencher sur ma coupe, à détourner les yeux de toi, quelques secondes durant. J’ai beau ricaner, me cacher derrière toutes sortes d’arguments plus futiles les uns que les autres, je sais que je ne pourrais rien contre cela, que toute résistance de ma part est vaine. Ca me dépasse ! Echappe à tout contrôle. Que puis-je faire d’autre alors que capituler ? Il me faut accepter la défaite. Je suis cuit. Perdu. Condamné.  

 

« Ce soir… »  

 

Oui, ce soir, je t’arrache à tout. A Kyô. A Eichi. A ta vie. Peu m’importe ce que tu veux, ce que tu aimes, que tu m’aies oublié, ou que tu maudisses les souvenirs qui te lient à moi. Oui Kaori, ce soir tu me reviens…  

 

Je relève les yeux et entame enfin la dégustation de ton image. Tu es si proche et en même temps si lointaine. Dieu que tu es femme maintenant. A couper le souffle. Cette robe fauve, simple et tellement sexy semble avoir été cousue sur toi, souligne chacune de tes courbes. Et c’est presqu’en transe que je déambule sur toi, lançant mes yeux voyeurs, organes que je vénère plus que tout autre ce soir, à l’assaut de ces trésors. Trésors que j’ai toujours raillés, stupide inconscient que j’étais, j’en ai toujours minimisé les attraits alors que j’aurais dû les adorer, en jouir sans honte, te bouffer avec voracité ou te savourer avec langueur. Je ne sais exactement. Non je ne sais pas…  

 

Connerie !  

 

Mais je fais fi de toutes ces considérations, je me régale de toi, de ce que tu m’offres là sans même imaginer que j’en abuse. Avec délectation. Et sans scrupule. Tu ne me vois pas, absorbée comme tous ces autres par le discours obséquieux de Kyô. Et moi je profite ! J’accroche ton épaule nue, je l’imagine douce, satinée, chaude, puis glisse le long de ton bras, swingue sur ta chute de reins, épouse la rondeur de tes fesses. Rondeur qui m’en évoque d’autres et qui me fait immédiatement relever les sourcils vers elles, mes iris suivant le mouvement ascendant avec enthousiasme... Tes seins. Ils m’ont toujours paru trop menus, inintéressants, manquant cruellement de chair, de ce que je me vante d’apprécier par-dessus tout ; je les ai décriés avec tant de fureur ces symboles de féminité que j’ai presque peur là tout de suite de les caresser du regard. Je souris lorsqu’enfin je les effleure. Certes, ce n’est pas l’opulence. J’en ris franchement. Mais le galbe délicieusement ferme et la fierté qui les fait pointer me clouent le ventre, nul besoin de maintien, même si je proposerais volontiers mes paumes…  

 

Tu es… divine.  

 

Pour autant, je ne parviens toujours pas à m’aventurer sur ton visage, cette zone de tous les dangers. Là où je crains de me perdre, ou plutôt est-ce l’angoisse de ne pas te retrouver, ne pas te reconnaître, que tu me sois devenue… étrangère.  

 

Surréaliste appréhension.  

 

Rhaa je mordille ma lèvre inférieure, elle est brûlante, sèche, craque sous la morsure. Se peut-il que je doute de nous ?  

 

Les souvenirs de toi ont tellement fluctué depuis ton départ, que cela a très certainement affecté, même inconsciemment, l’image que je garde de toi, et que je redoute de confronter à la réalité. Oh Kaori, si tu savais quelles montagnes russes j’ai empruntées après qu’Eichi t’eût ravie à moi. Dans quelles affres je me suis enlisé. Putain de désespoir. Qui m’a fait chérir en secret tout ce qui était toi, ce qui me rattachait à toi. Une photo, une simple tasse à café, une écharpe, un ticket de courses, un ancien mot écrit de ta main, une massue. Tout devenait relique. Tout était prétexte à souffrance. Et je ne vivais plus que par cette douleur lancinante. Qu’il est étrange de se complaire dans le vide, dans l’abîme insurmontable de la perte ! Je ne m’en serais jamais cru capable, moi, Ryô Saeba, l’indestructible City Hunter.  

 

Puis ensuite vint le tour de la haine, mordante, agressive, méchante. Je t’ai haïe Kaori. A un point que j’en ai honte. Haïe de m’avoir abandonné. De réveiller par suite mes angoisses de petit garçon, tu sais cette peur ancestrale de perdre ce qui fait référence, ce qui est sécurité affective nécessaire, ce qui hante les cauchemars effroyables de l’enfance : « Maman est morte, Papa est mort, tu es seul au monde ».  

 

Sale dépendance qui me liait à toi ! Et que tu n’as pas considérée…  

 

Je t’ai haïe…  

 

Haïe d’avoir renoncé. D’avoir échoué à l’ultime épreuve : celle de savoir résister à celui qui t’offrait ce que je ne m’autorisais pas. Lamentable échec. Inattendu. Oh je t’en ai voulu ! J’ai maudit ta faiblesse, dénigré ces sentiments que tu avais feints durant toutes ces années et qui là, volaient en éclats aux premiers serments du beau docteur. Bien entendu je me suis détesté aussi… autant que je t’abhorrais. N’étais-je pas seul responsable de ce désastre ? N’avais-je pas moi-même induit le cataclysme qui me dévastait ? Provoqué cette séparation que j’avais fait mine d’espérer ? Pathétique enjolivure de mon impuissance à t’aimer, de ma lâcheté affective. Je me suis alors complu dans ce marasme de l’esprit pendant des semaines, sombrant chaque jour un peu plus dans la haine de toi, de moi, de tout.  

 

Et enfin j’ai connu le renoncement.  

 

Hanako  

 

Mes yeux migrent soudain dans la salle de réception, jusqu’à celle qui sut m’apaiser, me reconstruire, panser mes invisibles plaies. Dans la plus grande inconscience de ce qu’elle faisait pour moi.  

 

Je ne peux m’empêcher de grimacer sous l’acide vérité. Je contemple Ako avec une facilité incroyable. Mon regard coule sur elle, apprécie chacune de ses cambrures, les reconnaît avec un bonheur indéniable, court sur son visage dont le sourire me cueille chaque matin. Oui c’est tellement facile, tellement fluide avec elle. La croquer ne me pose aucun problème. Pourquoi est-ce si compliqué avec toi ?... Pourquoi est-ce devenu si compliqué ? Alors que tu étais ma vie…  

 

Mais je refuse l’échec si près du but. Abandonner ? Abdiquer ? C’est hors de question !  

 

Pris dans ma résolution, je vole vers toi, me tourne et te dévisage enfin.  

 

Tu n’as pas changé !... Ce profil… Diable tu n’as pas changé !  

 

Mes oreilles me lâchent à leur tour, les sons échouant à passer le barrage de mes tympans.  

 

La même fraîcheur, la même candeur, le dessin de ton nez, la virgule de ton menton.  

 

Hé toi dans ma poitrine, vas-tu cesser de danser ainsi ! De cogner aussi fort contre mes côtes !  

 

Il semblerait que le temps ait figé sur ton visage tous les détails dont, malgré moi, jadis, je me repaissais, comme ce plissement reconnaissable, au coin de ta commissure gauche, qui creuse si joliment ta joue lorsque tu es contrariée. Je suis loin de toi et pourtant je crois le distinguer avec netteté. Non, je ne crois pas, j’en suis sûr !  

Tu secoues légèrement la tête, aérant ta chevelure avec sensualité. Mais je sais mieux que quiconque analyser ce geste, il ne s’agit pas de plaire là, même si d’autres pourraient s’y laisser prendre. Non… tu es contrariée. Il n’est pas aisé pour moi de me dépêtrer avec la dégustation de ton minois, le plaisir d’enfin te retrouver et la découverte des sentiments qui affleurent tes expressions, tes gestes. Pour mon plus grand bonheur et désarroi mêlés, j’ai encore ce pouvoir là sur toi : celui de lire en toi, de décrypter chaque haussement de sourcil, chaque torsion de lèvres, chaque sursaut de tes mains. Mais ce que j’entrevois me déplaît fortement.  

 

Pourquoi es-tu contrariée ?  

 

Alors que je voudrais en cet instant succomber simplement à la félicité de nos retrouvailles, oser me précipiter vers toi, hurler ton nom dans la salle, attirer ton attention, ton regard, je me vois obligé d’assister au trouble qui t’unit à lui, que je ne peux nier, non, et qui te maintient à des années lumières de moi. Tu sembles à la fois subjuguée par l’orateur de pacotille qui, là-bas, s’éternise en palabres douteuses, mais aussi soucieuse, tourmentée.  

 

Tes yeux !  

 

Pourquoi ne parviens-je pas à les saisir ? Eux ne sauraient me mentir. Mais ils restent tourner vers Kyô... Et ne voient que lui.  

 

Es-tu amoureuse ?  

 

Quelle horreur ! Est-ce possible ? Dis-moi Kaori, dois-je considérer cette hypothèse ?  

 

Mais vite, très vite, trop vite, mes instincts s’insurgent contre mes faiblesses, me forcent à recouvrer mes esprits, mes moyens, à te noyer dans la masse des autres invités, à élargir mon champ de vision, à y faire entrer les autres protagonistes que, jusque là, je refusais obstinément de prendre en compte.  

 

Mon corps ne m’obéira donc jamais. Pourtant là, il ne fait qu’imposer la loi qui le régit depuis toujours, celle que je lui ai inculquée avec la plus grande sévérité : je suis un professionnel, j’ai une mission. Au final, je ne me suis octroyé que quelques secondes de digressions. C’est si peu, et pourtant si inhabituel. Il me semble sentir la vague froide de la maîtrise regagner peu à peu tout mon corps, reprendre les droits que je pensais inaliénables. Aurais-tu le pouvoir de me faire lâcher prise ? Aujourd’hui plus qu’hier. Le sacrifice de ta perte m’a-t-il à ce point transformé ? Mais l’heure n’est pas aux questions existentielles, il est bien sûr inenvisageable Kaori que tu aies cette emprise-là sur moi. Non, pour le moment, il me faut vaincre l’ennemi… Pour le reste, nous verrons plus tard…  

 

Il est immense ce malabar qui te surveille depuis le début. Sa tignasse noire et ses deux mètres dix ont attiré mon attention dès que je l’ai aperçu. Il a plutôt l’air futé, on dirait que Kyô ne souhaite pas laisser de place au hasard en ce qui te concerne. Ce garde se tient à distance respectable de toi certes, mais la manière dont il dévisage tous ceux qui t’adressent un salut ne permet pas le doute.  

 

« Chasse gardée »  

 

Hanako me rejoint :  

 

- As-tu récupéré les armes ?  

 

- Non pas encore, il y a trois yakusas en poste sur la terrasse, j’attends le moment propice… Pour toi, tout va bien ?  

 

- Oui !  

 

Un sourire illumine son visage. C’est qu’elle se prendrait volontiers au jeu l’inconsciente !  

 

« Oh Ako, garde cette naïveté en ce qui concerne les monstruosités qui nous entourent, s’il te plaît. Jamais plus je ne te mêlerai concrètement à une de nos affaires. Je te promets. »  

 

Saburo a terminé son discours, il a quitté sa place stratégique et se dirige vers toi. Je ne peux que plisser les yeux et suivre de loin vos retrouvailles, abandonnant par la pensée la femme qui m’accompagne et qui tourne le dos à la scène qui requiert toute mon attention. Je crée la diversion :  

 

- Continue de me parler Ako. J’observe.  

 

A peine s’est-il rapproché de toi qu’il pose sur tes hanches une main propriétaire. J’en grimace d’écœurement. Ce tableau a pour moi un goût de déjà vu. Un autre avant lui s’est déjà permis avec toi cette familiarité possessive : Eichi. Je tente d’endiguer, en vain, les souvenirs qui remontent en moi, telle l’eau usée des égouts qui ne peuvent plus avaler les miasmes que nous rejetons.  

 

Et c’est par vagues déferlantes que le scénario de notre rupture assaille mon cerveau. Depuis quand n’y ai-je pas repensé ? Une éternité… Et pourtant, tout est minutieusement gravé en moi :  

 

Doc qui nous demande un service, un confrère dans une situation délicate, aux prises avec des trafiquants d’organes, odieux commerce qu’il entend bien dénoncer, attirant par là même les foudres desdits criminels.  

 

Mon refus catégorique ! Il n’y a pas de jolies infirmières, je ne ferai rien.  

 

Toi qui piques une colère désespérée : qui donc t’a refourgué un partenaire aussi débile ?  

 

Je m’obstine : ben voyons.  

 

Doc qui trouve des arguments, il me promet une soirée avec Miranda sa toute nouvelle associée qui a des yeux de biche. Il ne m’en fallait pas plus. Je fonce tête baissée et prends, encore une fois, un homme comme client.  

 

Première rencontre ! Je vois instantanément que tu lui plais, je vois aussi que lui, et bien, il ne te déplaît pas. Je m’en amuse, te mets en boite, raille ces arguments « que tu n’as pas ».  

 

La mission ? Expédiée. Rapidement. Ni une ni deux. Exemplaire efficience.  

 

Je ne suis pas dupe : un rendez-vous, suivi d’un autre. Ton air absent parfois. Tes crises avec moi. Des exigences que je ne peux satisfaire.  

 

« N’as-tu rien à me dire ? » : question que tu me lances un soir alors que nous sommes exceptionnellement tous les deux à l’appartement. Phrase sortie de nulle part. Apocalypse pour moi.  

 

« Non »  

 

Rien d’autre à ajouter.  

 

Puis vous vous affichez ensemble. Et pour la première fois de ma vie, je crève de jalousie. Oh pas ce pincement superficiel parce qu’un homme t’a reluqué d’un air affamé. Non ! Cela je savais gérer. Mais pour la toute première fois j’ai su que je ne serais pas à la hauteur, mes propres pronostics me donnaient perdant. J’ai envié Eichi. Comme un malade. J’aurais simplement voulu être lui. Pas pour t’avoir à mon bras, non, mais pour pouvoir t’offrir tout ce qu’il resplendissait, tout ce qu’il étalait avec un naturel déconcertant : les manières, la belle gueule, le rayonnement, l’intelligence, l’humour. Ce connard était drôle en plus, spirituel, cultivé. Et même gentil. Il pouvait même se permettre d’être gentil… Tout s’écroulait autour de nous. Comment alors ne pas reconnaître qu’il était celui que j’attendais depuis que Hide était mort ? Celui qui te rendrait heureuse, comme nul autre ne pouvait y prétendre. Et surtout pas moi.  

 

C’est incompréhensible Kaori, que fais-tu là aujourd’hui ?  

 

Je vous regarde Kyô et toi, il ose balader sa main dans le creux de ton dos, audace malvenue ici, et je suis surpris qu’il se permette une telle promiscuité avec toi au milieu de cette assemblée de notables qui n’apprécient aucunement ce genre de rapprochement corporel. Comment dois-je interpréter cela ? Qu’il se fiche du regard des autres ? Je ne pense pas que ça soit le cas. Toi, tu ne lui offres qu’un sourire en demi-teinte, tentes d’échapper à la caresse qui t’indispose, et je sens bien tes réticences. Tu es mal à l’aise. Dois-je y voir un aveu d’indifférence ?  

 

Kyô se raidit, il lui insupporte visiblement que tu lui résistes. Il s’excuse auprès du couple avec lequel vous conversiez du bout des lèvres et t’entraîne à sa suite. Je le vois entamer une rotation, t’agripper le bras et t’imposer la direction qu’il a choisie… Vers moi !  

 

« Pauvre ignorant, profite des minutes qui te restent avec elle. Elles te sont d’ores et déjà comptées »  

 

Je saisis Hanako par la taille, nous fais pivoter tout en nous éloignant de quelques mètres de la porte-fenêtre qui donne sur la terrasse sud. Je devine qu’il souhaite jouir de l’intimité que lui confèrera le balcon. Vous passez non loin de moi, je ressens ton aura, chaude, douce, dans mon dos. Et toi, pourquoi ne me captes-tu pas ? As-tu perdu toutes les aptitudes que je t’ai enseignées et dans lesquelles, à la fin de notre partenariat, tu excellais ?  

 

- Rentrez, laissez-nous seuls !  

 

La voix est abrupte, sèche, intransigeante.  

 

- Ryô, murmure Hanako qui suit avec intérêt le spectacle. Il vient de faire rentrer les trois gardes qui étaient postés sur la terrasse.  

 

Je souris alors qu’elle me regarde en haussant les sourcils, d’un air comploteur, ayant déjà pris conscience de l’occasion qui se présente.  

 

J’avise alors la fenêtre, tout près de nous, qui se situe à deux encablures de la terrasse tant convoitée, elle sera un excellent promontoire pour moi. Ni une, ni deux, je l’enjambe en quelques dixièmes de secondes, sans que quiconque ne remarque quoi que ce soit dans la salle. Je me colle contre le mur froid, les pieds serrés sur le rebord de l’ouverture, me tapis dans l’ombre, bénis ce smoking noir qui sera mon meilleur allié de mimétisme. Ainsi dissimulé dans l’encadrement de la fenêtre, je suis invisible. Et j’entends tout…  

 

- Peux-tu demander à ton cerbère de me décoller un peu ?  

 

Le ton est froid et je reconnais tes intonations délicates. Tu n’as pas changé en cela non plus, rêche comme une poissonnière.  

 

- Je t’ai expliqué qu’ici je crains certaines… convoitises… On pourrait aussi s’en prendre à toi.  

 

- Ne me prends pas pour une idiote s’il te plaît.  

 

Je te distingue contre la rambarde, nerveuse, tu te penches et montres un groupe de yakusas qui patrouillent dans le jardin.  

 

- Et ça, c’est pour quoi ? Saburo, ces hommes ne sont pas des gardes du corps, ce sont des criminels !  

 

- Kaori…, mais le son s’éteint dans sa gorge.  

 

- Croyais-tu que je ne verrais rien ? Que je ne comprendrais pas ? Que je ne poserais pas de question ?  

 

- NON !... Pas un instant…, pas un instant je n’ai imaginé que tu puisses être naïve à ce sujet là…  

 

- Cette maison est la tienne ! Saburo, c’est une forteresse qui pourrait résister à un assaut de la police, les gens qui travaillent pour toi sont des bandits, les personnes que je ne cesse de croiser ici ce soir te font des courbettes et semblent te craindre ou t’idolâtrer. Saburo, qu’est-ce que ça veut dire ?  

 

Tu te retournes et portes les mains à ta bouche, te bâillonnant volontairement.  

 

- M’as-tu trompée depuis le début ?  

 

Je suis étonné de le voir étrangement serein. Je n’ignore pas que cette tirade l’incommode, il a enfoui ses mains dans ses poches, soucieux de cacher l’émoi que lui procure la confrontation. Pourtant, il t’abandonne sciemment à ton malaise, ne tente aucun réconfort.  

 

- J’ai toujours été sincère. Et je savais qu’en t’amenant ici, je m’exposais à cette réaction, qu’il faudrait que je t’explique. Je le ferai après la réception, tu auras toutes les réponses que tu attends.  

 

- Saburo…  

 

- Kaori, dit-il tout en se rapprochant d’elle, je suis certain que nous saurons dépasser ce problème.  

 

- Ce problème ? Saburo, le fait de vivre, de passer mes jours et mes nuits avec un homme que je ne connais pas n’est pas pour moi un simple problème. A Osaka…  

 

- Je suis le même qu’à Osaka ! Interrompt-il. Kaori, je ne t’ai jamais caché être Saburo Kyô, je ne t’ai jamais caché être à la tête d’une immense fortune, d’être courtisé. Je te rappelle également que c’est ça qui a fait que l’on se rencontre...  

 

Mes sourcils se froncent, plissant mon front de contrariété. Que je n’aime pas ces allusions ! Alors que tu restes quelques instants à le contempler, lui, ordure malfaisante, ose lever la main sur toi, caresser ta joue. Abject contact.  

 

- A Osaka, j’ai mis ma vie entre parenthèses, mes affaires aussi, je me suis consacré tout entier à toi. Je dois maintenant revenir vivre sur Tokyo, je ne peux délaisser plus longtemps mon … entreprise... Et JE VEUX que tu viennes vivre ici avec moi. Kaori veux-tu ?  

 

- Quoi ? Mais…  

 

- Je me suis déjà arrangé pour transférer ton bureau ici, à Tokyo. En ce qui concerne tes affaires personnelles, je pense que tu préfèreras t’en charger toi-même.  

 

- Saburo, c’est une plaisanterie ? demandes-tu d’une voix atone.  

 

- Non, répond-il alors que filtre dans son intonation le doute qui l’a assailli et qu’il tente tant bien que mal de dissimuler.  

 

- Crois-tu que tu peux gérer ma vie à ta guise ? Que je vais me ranger aux décisions que tu prends pour moi ?  

 

Tu échappes à son étreinte, toute à la furie naissante. Mais alors que tu fais un pas pour t’éloigner d’elle, la pieuvre réagit, refuse la défaite, te rattrape par le bras, t’oblige à lui faire face sans délicatesse.  

 

- Peut-être suis-je maladroit, mais…  

 

- Saburo, je pense que tu fais fausse route ! Je ne suis pas une des poules de luxe que tu as l’habitude de fréquenter et qui, pour quelques centaines de milliers de yens, s’abandonnent à toutes tes volontés. C’est mal me connaître que de croire que tu fais de moi ce que bon te semble. Tout ce que je sais ce soir, c’est que je n’ai pas face à moi l’homme que j’ai rencontré. Le Saburo Kyô qui m’a séduite est certes fortuné, mais il est délicat et intelligent, bon et généreux. Là… Là, je ne sais plus qui tu es !  

 

J’écoute… J’écoute… M’interdis de penser…  

 

Finalement, il laisse couler sa main le long de ton bras, te libère, comme convaincu par la déclaration. Tu ne rentres pas pour autant dans la maison, te réfugies près de la balustrade. Lui ne te quitte pas des yeux, les prunelles acérées, affutées, et je sens déferler dans ce corps qui se refuse la moindre faiblesse toute sorte de sentiments contenus : la peur tout d’abord, palpable et dérangeante pour lui, celle de te perdre je pense. Mais aussi la colère, sourde et tempétueuse, la résistance ne faisant certainement pas partie de ses habitudes amoureuses.  

 

« Hein Kyô, elle t’en donne du fil à retordre ! » J’en souris même si je ne peux m’empêcher de te trouver bien consentante malgré tout.  

 

Qu’il est déstabilisant de te retrouver ainsi !  

 

A ma grande surprise et aussi à la tienne car tu te retournes vers lui au même moment, c’est un rire métallique qui explose dans sa gorge. Est-ce pour se donner contenance, ou s’apprête-t-il tout simplement à porter l’estocade finale ?  

 

Diable je le hais ! L’exècre ! Et en arrive à imaginer foultitudes de tortures plus jubilatoires pour moi les unes que les autres. Rhââ ! Le faire souffrir ! Lui faire payer d’avoir simplement osé poser ses sales pattes sur toi ! Je n’ignore pas qu’à cet instant c’est un regard de tueur que je pose sur lui, l’envie d’en finir avec ce porc aux manières compassées vissée aux tripes.  

 

- Kaori, je pense que tu devrais être plus honnête avec toi-même, déclame-t-il avec une froideur incroyable. Avec toi, je n’ai jamais fait mine d’être un homme lisse et vertueux. Je ne me suis pas travesti pour te conquérir, je n’ai jamais voulu paraître un autre dans l’espoir de gagner tes faveurs. Chacun d’entre nous a une zone d’ombre en lui, la mienne est peut-être plus sombre que d’autres, plus noire, plus dérangeante. Je ne le nie pas. Mais toi, ne nie pas non plus ne jamais l’avoir détectée ou pressentie. Cesse de te voiler la face et accepte la réalité. Qu’est-ce qui t’a attiré chez moi chérie ? Pas ma fortune, je le sais, tu es désintéressée. Pas le pouvoir non plus, peu t’importe les gens que j’ai sous ma coupe…  

 

Il s’approche de toi, colle son corps au tien, te place sous son influence par sa seule stature qui te domine. Je le hais. Lorsqu’il se penche sur toi, que sa bouche effleure ton cou puis remonte vers l’oreille attentive que tu lui tends pour susurrer je ne sais quel mensonge, mes doigts se referment instinctivement dans mes paumes, mes ongles s’abîmant contre le bêton. Je le hais.  

 

- Pose-toi la question ma douce, dit-il avec langueur en passant une main dans tes cheveux. Qu’est-ce qui te plait en moi, si ce n’est cette part de mystère ? Ce côté sombre et sauvage que tu as cru détecter, à raison d’ailleurs. Et là, tu joues les vierges effarouchées, tu es prête à me bannir de ta vie car tu te découvres soudainement des principes moraux supérieurs auxquels je ne corresponds pas. Ouvre donc les yeux sur la femme que tu es vraiment Kaori, celle qui t’a guidée vers moi ! Qu’attends-tu de l’homme qui partage ta vie ? Tu n’aimes pas les fades, les doux, les ennuyeux… Reconnais-le !  

 

Que les larmes que je vois poindre sur tes cils me font mal ! La flèche qu’il vient de décocher t’a atteint, je le sais, je le sens, je le vois. Et le doute ne cesse de s’insinuer en moi, d’ailleurs n’est-ce qu’un doute ? Ou plutôt la certitude que je suis en partie responsable de cette relation que j’abhorre, et dans laquelle tu risques de te perdre complètement. Oh mon ange ! Jamais je n’ai voulu brouiller tes repères amoureux, ni immiscer en toi le chaos affectif qui semble régner dans ton cœur. Jamais !… Mais Kyô ne me laisse pas accuser le choc de ma culpabilité, il continue de te parler, de te toucher, de me clouer à cette fenêtre.  

 

- J’ai su, dès que je t’ai vue, que tu serais à moi. Mais pour moi non plus ce ne fut pas simple, j’ai dû occulter certains détails de ton passé, faire avec ta nature volcanique, m’exposer. J’ai bêtement cru qu’après t’avoir possédée, je me lasserais, comme je me lasse toujours. Mais il en est autrement… Kaori… Regarde-moi… Entends-moi… S’il te plaît.  

 

Je te vois alors repousser la main qui caresse ton visage. Infâmante ombre sur la blancheur de ta peau.  

 

- Quel genre de criminel es-tu ? Lui demandes-tu alors, d’un ton glaçant et résolu, volontairement sourde à l’argumentaire développé. Quel est ton cheval de bataille ? Drogue, prostitution ? Ou est-ce plus propre ? Abus de biens sociaux, délits d’initiés ?  

 

Il te dévisage avec stupeur, avait-il prévu que tu succombes à sa déclaration pathétique ? Le pauvre idiot !  

 

- Je t’ai dit que ce soir, après la réception, tu aurais toutes les réponses.  

 

- J’espère bien, railles-tu d’un rire sans joie.  

 

Tu t’éloignes enfin et retournes vers l’intérieur. Mais je sais qu’il t’a ébranlée. Je le sais et ne le hais que davantage.  

 

- Kaori ! Te rappelle-t-il. As-tu conscience de ce que tout cela signifie ?  

 

- Oui, lances-tu dans un murmure tout en pénétrant dans la lumière. Et toi ?  

 

Il me faut quelques instants pour digérer cette scène, faire le tri de ce que j’y ai appris, réordonner mes idées, retrouver mes forces et mon sang-froid.  

 

- Tao ! Appelle-t-il soudain. Viens-là !  

 

Le malabar qui ne te quitte pas depuis le début de la soirée rejoint alors Kyô sur le balcon.  

 

- Monsieur ?  

 

- Tu es relevé de ta surveillance pour la soirée. Elle ne risque rien ici… J’espère juste qu’elle recevra le message, ajoute-t-il pour lui-même.  

 

Un autre sbire s’approche, l’air embarrassé ; ses mains ne cessent de se tordre et il hésite visiblement à déranger son patron.  

 

- Rejoins les autres dehors et vérifiez qu’il n’y a aucun souci… Qu’est-ce qu’il y a ?  

 

Il vient de se tourner vers le nouvel arrivant.  

 

- Du nouveau monsieur… Un informateur au téléphone souhaiterait vous parler… Personnellement…  

 

- Ca ne peut pas attendre ? Souffle Kyô d’exaspération.  

 

- Je crains que ça ne soit urgent, Monsieur.  

 

- Très bien. Allons-y.  

 

Un sourire inonde alors mon visage. Non seulement je suis seul sur ce balcon où je vais pouvoir récupérer mes armes mais en plus Kaori se voit débarrassée de son garde et Kyô s’absente de la réception pour un moment. En un saut je me retrouve sur la terrasse désertée et m’approche de la cache choisie par notre complice. Avec un bonheur assumé je m’empare du sac en toile et l’ouvre pour retrouver celle qui ne me quitte jamais. Qu’il est jouissif de promener mes doigts sur le métal froid, de retrouver le prolongement de moi-même, celle sans qui je ne suis rien ! Décidément, je n’aime pas les séparations. Très vite, je me barde de munitions et mon magnum rejoint son holster. Je me sens invincible. Invincible et impatient…  

 

Je prends une longue inspiration et, moi aussi, j’entre dans la lumière.  

 

 


Chapitre: 1 2 3 4 5 6 7 8 9


 

 

 

 

 

   Angelus City © 2001/2005

 

Angelus City || City Hunter || City Hunter Media City || Cat's Eye || Family Compo || Komorebi no moto de