Hojo Fan City

 

 

 

Data File

Rated R - Prose

 

Auteur: patatra

Status: Complète

Série: City Hunter

 

Total: 9 chapitres

Publiée: 28-03-12

Mise à jour: 27-03-19

 

Commentaires: 58 reviews

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General

 

Résumé: Un homme règne sur Tokyo : Saburo Kyô, dangereux trafiquant de drogue et d’armes. Pour les puissants, cet individu devient gênant, il a accumulé trop de dossiers compromettants contre tout un chacun. Ryô Saeba, de retour au Japon, est recruté pour exécuter le criminel. A ses côtés, Hanako Meini est là pour l’aider. Mais rien ne se passe comme prévu…

 

Disclaimer: Les personnages de "Japanese story" sont la propriété exclusive de Tsukasa Hojo, sauf Hanako et Saburo que j'ai créés.

 

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   Fanfiction :: Japanese story

 

Chapitre 6 :: Avant la tempête

Publiée: 10-04-14 - Mise à jour: 27-08-14

Commentaires: Bonjour, j'ai très envie de terminer Japanese (encore 2 chapitres et c'est fini), je suis donc très motivé. Je n'oublie pas évidemment qu'il me reste d'autres fics à finir, je m'y attelle. C'est un chapitre avec plus d'action et moins d'introspection. je vous souhaite bonne lecture et merci pour vos commentaires.

 


Chapitre: 1 2 3 4 5 6 7 8 9


 

AVANT LA TEMPÊTE
 

 

— On va où ?  

 

Hanako enfile tant bien que mal sa veste que nous venons de récupérer et me suit sans aucun enthousiasme.  

 

— Kyô m’a vanté les beautés de son jardin ; je compte suivre ses conseils et profiter de l’écrin de verdure qui entoure sa maison.  

— Ryô c’est une blague ?  

 

Elle a stoppé sa progression, m’oblige à en faire autant. Il est grand temps de la rassurer un minimum, je sais qu’elle n’adhère pas aux dernières décisions que j’ai prises et n’apprécie pas, non plus, mon humour malvenu.  

 

— Ne t’inquiète pas, je sais très bien ce que je fais. Nous sommes ici pour mener à bien une mission et j’ai pas l’intention d’être mis en échec par ce pitbull déguisé en lévrier afghan. Fais-moi confiance Ako…  

 

Ses yeux sont investis de larmes tandis qu’elle se retrouve dans mes bras et que je la serre comme je peux.  

 

— Il n’arrivera rien de mal ! Fais-moi confiance, lui dis-je en baisant ses cheveux. Nous sortirons bientôt sains et saufs de cette maison ; sains et saufs et victorieux.  

— Pourquoi ai-je la terrible impression que des choses m’échappent, que tu ne me dis pas tout ?  

— C’est normal, je n’ai pas le temps de tout justifier maintenant mais je le ferai dès qu’on sera sorti d’ici… avec le microfilm. Je te demande juste pour le moment d’être patiente et de suivre mes recommandations. T’en sens-tu capable ?  

 

Elle acquiesce, m’adresse un regard amoureux et me suit sans enthousiasme, ne trouve pas la force de résister à ma main qui lui indique le chemin de façon autoritaire. Nous parvenons enfin à l’extérieur de la demeure. Le jardin est remarquablement entretenu, les buissons sont touffus, leurs formes impeccablement taillées ; quelques bosquets brisent la vue et rendent le parc moins grand que ce qu’il n’est réellement. Je me demande où Mick et Umi se sont postés. Ils sont certainement encore au dehors, guettant le moindre signe de bataille, prêts à intervenir. C’est drôle mais je ne doute pas un instant de l’efficacité de mes anciens coéquipiers, ni de leur indéfectible fidélité. Et ce malgré ma fuite, l’abandon dont je me suis rendu coupable, cette reconstruction qui se fissure un peu plus à chaque minute qui passe ; depuis que je t’ai retrouvée. Le ressentiment de mes amis est grand certainement mais je sais pouvoir compter sur eux.  

Je fais virevolter Hanako qui atterrit, toute étonnée, dans mes bras ; je ris sans discrétion et l’enlace amoureusement. Elle se met à rire elle aussi, force un peu le son de sa voix, puis se pend à mon cou. Elle a compris. Elle a cela que j’aime, cette faculté à me lire et à répondre avec justesse à mes attentes ! Là, il ne s’agit que de créer diversion ; les nombreux yakusas disséminés dans le parc, aux aguets du moindre problème, ne doivent nous considérer que comme des amoureux en quête d’un endroit plus intime. Ne pas attirer l’attention en l’attirant exagérément, voilà le choix qui est le mien. Mais les yeux que je rencontre, alors que ma bouche effleure doucement celle d’Hanako, ne se montrent pas le moins du monde gênés par notre impudique comportement. Je grimace et insère une main baladeuse entre nos deux corps serrés.  

 

— Qu’est-ce que tu fais ? demande-t-elle avec timidité.  

— Ne t’inquiète pas, je n’ai pas l’intention de profiter de toi dans cette situation.  

 

Je souris et lui adresse un clin d’œil complice. Elle comprend enfin la manœuvre au contact glacial de mon arme au travers de sa robe ; j’y visse un silencieux, bien à l’abri des regards. Puis repars à la conquête de ses lèvres. Mais notre baiser est factice, je reste concentré sur les trois énergumènes qui nous épient d’un peu trop près à mon goût. Un coup d’œil alentours et le scénario prend forme : je cramponne Hanako solidement et nous entraîne tout deux vers un bosquet tout proche, nous soustrayant ainsi à la curiosité malintentionnée des gardes de Kyô. Ils maugréent en râlant et se rapprochent de nous, bien déterminés à ne pas nous lâcher d’un pouce. L’un d’eux n’hésite pas et pénètre notre périmètre de sécurité. Inconscient !  

Une pichenette dans la nuque et l’empaffé s’affale de tout son poids dans l’herbe. Ako étouffe un cri d’angoisse.  

 

— Chut, lui ordonné-je.  

 

Les deux compères, certainement interpelés par l’absence de réaction du troisième à leurs appels, décident d’investir le bosquet ; ils s’approchent lentement, soucieux de ne pas éveiller nos soupçons, pliant les genoux dans des attitudes de gangsters ridicules. Les idiots ! Ignorant que, bien abrité derrière les feuilles d’un buisson, je les observe et lis chacune de leurs trajectoires, je devine leur intention, celle de nous surprendre. Ma femme est restée derrière moi, elle tremble ; certainement a-t-elle compris qu’il est temps maintenant que ma vieille amie entre en jeu. Jeu d’enfant s’il en est. Simple et monstrueux d’ôter la vie avec une telle facilité. Deux souffles en lieu et place des détonations habituelles… Et rapidement, je dissimule les deux corps à l’endroit même où, quelques secondes auparavant, Hanako et moi goûtions la pulpe de nos lèvres.  

 

— Viens avec moi. Sans faire de bruit.  

 

Tels des ninjas, nous nous faufilons en longeant les murs de la demeure des Kyô. Invisibles et silencieux. Notre destination ? Je ne l’ai que trop en tête. La chambre de la pieuvre ! Je compte sur mon instinct ; il n’a certainement pas prévu que nous accédions à son antre par l’extérieur. L’effet de surprise jouera en notre faveur, il n’y a pas de doute. Mais des pas derrière nous me rappellent à la vigilance. Quelques yakusas à la mine patibulaire patrouillent non loin de nous et gênent notre progression. Qu’à cela ne tienne, nous forçons notre chance ! J’entends la respiration saccadée d’Hanako qui me suit au plus près, la main emprisonnée dans ma poigne, le cœur au bord des larmes. Une telle aventure n’est pas pour elle et, maintenant que les évènements se précipitent, que le combat prend toute sa dimension, elle doit en convenir et maudire ce père qu’elle vénère tant et qui n’a pas hésité, pourtant, à l’exposer de la sorte. Fallait-il que Tosa soit si inconscient du danger que représente Kyô ? Fallait-il qu’il me fasse confiance au-delà du raisonnable ? Quelle cécité l’a touché tout à coup pour qu’il en vienne à risquer la vie de sa fille adorée ?  

D’un brusque coup de rein, je jette l’héritière Meini au sol, soucieux de la protéger d’une éventuelle riposte.  

 

— Ferme les yeux Ako.  

 

Six balles, nouvellement chargées, fusent du canon dans un chuchotement mortel. Six corps s’affalent alors, dans un ultime soupir.  

Nous voilà maintenant à la verticale du balcon de la chambre de Kyô. Je lève les yeux : quelques mètres d’ascension nous attendent.  

 

— Ryô, chuchote celle qui m’accompagne, avec une réticence certaine dans la voix. Je ne pourrai jamais escalader ce mur. Tu as vu mes chaussures ?  

— Hum, dois-je admettre tout en admirant les escarpins. Eh bien chérie, tu vas t’accrocher très fort à mon cou.  

 

Elle hoquète de surprise tandis que je me saisis de son corps.  

 

— Grimpe sur mon dos… Et prends garde à ne pas m’étouffer.  

 

Enfin un sourire sur ses lèvres crispées.  

Ni une, ni deux, la voilà juchée sur mon dos, à la manière d’un bébé singe. Il ne me reste qu’à nous hisser jusqu’à la terrasse. Les lierres ont l’air solide, ils ne cèdent pas lorsque j’en éprouve la résistance. Et c’est parti ! J’escalade le mur avec l’agilité de tarzan passant de liane en liane. Mon fardeau est léger comme une plume, ses cuisses enserrent ma taille, telles deux tenailles puissantes, tant et si bien que nos deux corps ne font plus qu’un, qu’elle fusionne parfaitement avec moi, n’entravant pas le moins du monde mes gestes ni ma progression sur le mur glissant.  

Un dernier effort et nous parvenons sur le balcon. Hanako y pose les pieds prudemment, craignant peut-être que le sol ne se dérobe sous elle.  

 

— C’est si facile ?  

— Il semblerait.  

 

Je hausse les épaules ; il semblerait effectivement que nous soyons en veine. Mais ne vendons pas la peau de l’ours avant de l’avoir tué. Un regard vers les fenêtres, verrouillées de l’intérieur, m’extirpe un rictus de contrariété. Je m’en approche et les sonde. Double vitrage. Derrière elles, de lourds rideaux fleuris empêchent toute indiscrétion et nous ne pouvons savoir ce qui nous y attend. Une pièce vide livrée à notre avidité ? Ou une bande de yakusas armés jusqu’aux dents en guise de comité d’accueil ? Et même s’ils s’imaginent que nous arriverons de l’intérieur, ils auront tôt fait de détecter notre présence. Pris au piège entre le vide et leurs tirs, on aurait trop peu de chance de s’en sortir. Même avec l’intervention de Mick et d’Umi. Non, il nous faut trouver un moyen de pénétrer discrètement dans la pièce, sans attirer l’attention d’éventuels gardes. Je ne peux décemment pas envisager d’utiliser mon arme. Le silencieux couvrira la détonation mais pas le bruit du bris du verre. Hanako m’observe, je sens la curiosité qui est la sienne me brûler le visage. Puis un large sourire s’empare de son minois.  

 

— Tiens, dit-elle fièrement en me tendant ses boucles d’oreille.  

 

Comment ne pas y avoir pensé avant ?  

 

— As-tu oublié que mon père est fan de James Bond ?  

 

Je ris en m’emparant des diamants taillés pour venir à bout de n’importe quel verre pendant qu’Ako mâchonne le chewing-gum qui complètera notre arsenal. Je ne peux qu’être impressionné devant le sang froid recouvré avec tant de panache…  

Le verre craque doucement tandis que je trace le cercle qui me permettra d’accéder à la chambre de Kyô. Je me saisis du chewing-gum qu’elle me tend et le colle sur le disque de verre fragilisé ; il y adhère dans la seconde. Un coup sec et le premier vitrage cède, me tombe silencieusement dans la main. Expiration de soulagement d’Ako. J’attaque le deuxième vitrage qui ne résiste pas plus. Je me relève et déverrouille les portes-fenêtres en passant ma main à l’intérieur. Ma concentration est au paroxysme, mon sixième sens m’enjoint à plus de prudence ; quelque chose cloche. Je suis maintenant convaincu qu’aucun homme n’est dans cette chambre. Elle est vide. Alors quelle est cette alarme intérieure qui s’est soudainement mise en branle lorsque l’air de la pièce a empli mes narines ?  

Les portes-fenêtres coulissent silencieusement et mes tripes se serrent lorsque j’écarte les lourds rideaux aux motifs floraux pour nous frayer un passage. Je sais maintenant ce qui nous attend en pénétrant dans la chambre, et je n’ai que le temps de bâillonner Hanako pour étouffer le cri de terreur qui a pris vie dans sa gorge lorsque ses yeux ont eu accès à l’intérieur de la pièce. Elle s’effondre littéralement dans mes bras.  

 

La pièce est sombre mais les précédents visiteurs ont pris la peine de laisser deux lampes allumées. Il fallait que l’on puisse jouir instantanément du spectacle morbide. Je grimace de dégoût ; sous ma main, la bouche de ma femme est ouverte, elle peine à reprendre souffle, je la maintiens fermement pour lui éviter la chute. Je n’ignore pas que la vision de cauchemar que Kyô a orchestrée à l’avance la traumatisera à vie. Une femme aux cheveux gris, en habit de domestique, git sur le lit, la gorge tranchée si profondément qu’il est à se demander si la tête est encore solidaire du tronc. Les yeux sont ouverts ; écarquillés de stupeur comme si la mort avait frappé par surprise. Le sang a dû gicler en geyser car le couvre-lit et les murs sont maculés du liquide carmin et l’odeur âcre et ronde emplit la pièce pourtant vaste, n’épargnant pas notre odorat. De grandes traînées ont également permis d’inscrire un message juste au-dessus du lit, message qui m’est destiné : « Ca ne sera pas aussi simple Saeba ».  

Cette phrase pénètre mon cerveau, avec les détails aussi inutiles que l’inclinaison de l’écriture, la forme des caractères, les coulures d’hémoglobine qui dessinent des chemins farfelus jusqu’au sol ; il aura fallu plonger les doigts dans la plaie béante encore chaude pour écrire cela, comme la plume va à l’encrier.  

Je devine bien évidemment qu’il s’agit là de l’agent infiltré depuis de nombreuses années, celui qui a dissimulé les armes avant notre arrivée et dont nous ignorions l’identité. Vaine précaution de Tosa pour protéger l’anonymat de notre complice. L’infiltration avait nécessité de nombreux mois de travail, d’approche et, peu à peu, l’agent avait gagné la confiance de Kyo, jusqu’à travailler dans sa sphère intime. Il avait été décidé de ne pas sacrifier ce pion stratégique pour récupérer le microfilm, qu’on devait assurer nos arrières dans le cas où la mission échouerait. Triste carnage que ce stratagème n’aura pas évité ! Hanako gigote doucement, m’incite à relâcher mon étreinte, se libère pour mieux se retourner face à moi et saisit le col de ma veste, l’agrippe avec force.  

 

— Partons d’ici, supplie-t-elle. Il sait tout.  

— Attends… Attends un instant que je réfléchisse.  

 

J’observe la pièce de la désolation, le cadavre abandonné sur le lit mais aussi le capharnaüm alentours. Toutes les céramiques ont en effet été explosées sur le sol ; nous marchons sur des débris de porcelaine chinoise, nos pas font craquer le parquet jonché de tessons.  

 

— Il a récupéré le microfilm.  

— Ne restons pas plus longtemps. Partons Ryô.  

 

Mes yeux sont gagnés d’une humidité étrange. Kaori ! Voilà l’ultime avertissement de celui à qui tu as accordé les faveurs de ton cœur et de ton corps.  

« Reconnaissez votre défaite Saeba ! Voyez ce qu’il advient à ceux qui osent s’aventurer sur mon territoire. »  

Mes poings se serrent, ma mâchoire se crispe. Je refuse ! Evidemment que je refuse de renoncer. Croit-il pouvoir m’impressionner ? Pense-t-il que je suis faible au point de ne vouloir poursuivre le combat ?  

 

— Ryô ! s’impatiente Hanako. Emmène-moi loin d’ici… s’il te plaît.  

 

Les larmes sont dans sa voix. Je la contemple ; ses cheveux sont défaits, son teint est blafard, ses mains sur ma veste tremblantes et implorantes. A-t-elle jamais été plus vulnérable ?  

 

— Viens dans mes bras.  

 

Elle s’écroule contre moi et sanglote en silence, dans le souci de ne pas faire de bruit. De quel droit la contrains-je à demeurer plus longtemps dans cette chambre mortuaire ? Pourquoi suis-je si indécis ? « Dans l’intérêt de la femme que vous aimez Monsieur Sato ». Oui, dans l’intérêt d’Hanako, je devrais renoncer à ma mission, l’éloigner de cette maison maudite, très loin de Kyô et de ses sbires. Sauf que, dorénavant, cette mission est pour moi plus intime que professionnelle ; que le mieux pour ma femme signifie le pire pour moi. Ca signifierait renoncer à toi. T’abandonner à lui. Je ne peux pas ! Je ne peux pas !  

Je sors mon téléphone portable. Pas de réseau évidemment ; je sais que Kyô utilise des brouilleurs. Suis-je con ?  

 

— Ecoute Hanako, m’entends-je prononcer d’une voix assurée alors que je lui ai empaumé le visage et que je pose sur elle mon regard le plus convaincant. Nous allons retourner dans la salle de réception.  

— Non, résiste-t-elle. Non. Par le jardin… Par le jardin Ryô. Quittons cette maison tout de suite. Nous parviendrons à nous échapper ; avec toi, je n’ai aucun doute. Mais pas dans la maison.  

 

Elle est affolée. Les mots se bousculent et elle peine à articuler distinctement. Elle presse mon bras, ses doigts s’enfoncent dans l’étoffe noire de ma veste.  

« Oh, je sais Hanako… Je sais que ta proposition est la plus sage. »  

 

— Je dois retourner là-bas. Kyô a quelque chose que je ne peux pas lui laisser.  

 

Hanako me dévisage.  

 

— De quoi s’agit-il ?  

 

« Quelque chose. » Tu n’es qu’un idiot Saeba ! Kyô n’a pas « quelque chose », il a l’essentiel ! Mon essentiel.  

 

— Suis-moi.  

 

Ma voix n’a été qu’un murmure mais ma position est ferme. La porte de la chambre s’est ouverte à toute volée ; les gardes postés derrière sont surpris, paraissent impressionnés par ma seule présence, la mine que je leur réserve. Je profite de cet effet pour les mettre hors d’état de nuire. Ma vision s’est brouillée, les gestes des assaillants sont ralentis fabuleusement ; seuls mes bras ont la liberté de se mouvoir avec la rapidité et la souplesse d’un jaguar. Je suis maintenant armé de deux revolvers, ils crépitent à tout va autour de moi, il me semble même distinguer les balles fuser des canons pour cribler dans la plus atroce des précisions la chair des yakusas. Ils râlent, s’écroulent, me maudissent et m’admirent dans la même seconde. Hanako s’est blottie dans mon dos, elle s’est courbée pour se protéger de mon corps, de ma stature, le visage rentré dans les épaules, les ongles plantés dans mes omoplates. Je n’entends pas ses doléances, ni ses cris. J’avance. Oui, inéluctablement, je me rapproche de cette salle où je sais que Kyô et toi nous attendez. J’avance et ne crains rien. Cet être que je suis et que j’aimerais anéantir est ma meilleure arme. Cet instinct du combat, cette essence miraculeuse qui coule dans mes veines, cette animalité qui pulse en moi, malgré moi, j’ai voulu en protéger toutes les femmes qui ont croisé ma route. Et toi plus que toute autre.  

J’ai nié cette bestialité trois années durant, l’ai oubliée, comme je t’ai oubliée. Pour autant, cette force ne m’a jamais quitté ; elle est moi et je suis elle. Jamais - il me faut le reconnaître - je ne pourrais la réduire à néant. J’y suis condamné pour l’éternité. Et Tosa ne s’y est guère trompé. L’intérêt qu’il a nourri à mon égard dès notre première rencontre, la vie nouvelle qu’il m’a proposée et dans laquelle j’ai foncé tête baissée, la sale besogne qu’il me confie, oui, tout cela n’est que l’expression de son admirable acuité. Il a percé mon secret, a saisi ma véritable nature, ce dont je suis pétri. Taillé pour le combat. Comme je méprise ce que je suis.  

 

 

Je continue ma progression physique dans la maison de Kyô, décimant ses troupes avec une facilité toute mangaesque. Et je continue mon introspection psychique également…  

Hanako… Avec Hanako, tout se passe bien ? Je me suis découvert attentif à elle, amoureux même. Attachement indéfinissable mais tissé dans le plus délicat des sentiments, douce et soyeuse harmonie que nous avons su créer. Comment analyser ?  

Crétin ! Minable crétin lobotomisé ! Je ne suis pas l’amoureux d’Hanako ; non. Okura Sato l’est. Cet homme que je feins d’être depuis trois ans n’est en fait qu’un triste leurre. Je ne suis pas Okura Sato, ce dernier n’est qu’une invention pathétique, folie de vouloir se couler dans un moule qui correspond aux attentes des autres. Il est si confortable de se glisser dans cette peau-là, de revêtir plus que l’apparence des convenances, s’approprier aussi les sentiments qui vont avec. Est-ce cela la vie ? Et me suis-je muré seulement avec toi dans une forteresse qui n’existe que dans ma tête ? Faiblesse ultime que tu aurais été la seule à subir. Oh Kaori, si tu connaissais les doutes qui me taraudent encore, cette crainte monstrueuse qui m’étreint dès lors qu’il est question de toi et de moi ; alors que je me sais capable de passer outre avec les autres. C’en devient incompréhensible. Non, je ne comprends plus rien de ce que je veux et de ce que je suis. Te voir, il me faut te voir pour que tout redevienne limpide.  

 

Nous arrivons enfin aux portes de la salle de réception. Les cadavres s’amoncellent derrière moi sans que j’en sois vraiment affecté. Les portes sont grandes ouvertes, j’entraperçois la silhouette longiligne de Kyô, là-bas, en ligne de mire. Il se retourne, me reconnait, se contracte, se fige.  

Il réfléchit. J’arrive. Je le vois alors lever la main en signe de cessez-le-feu, imposer autoritairement à ses sous-fifres le choix qui est le sien : pas de bataille rangée pour le moment ! Au fur et à mesure que je me rapproche de la salle, mon champ de vision s’élargit ; suffisamment pour qu’enfin tu y pénètres. Et réciproquement. Immédiatement, la pieuvre fait un geste, s’interpose entre nous, te contraint à ne pas t’éloigner d’elle. Ah je devine ce malaise qui est le sien, la déception de constater l’inefficacité de son orchestration machiavélique. Le talent de Maître Abbado n’est pas aisément égalable Monsieur Kyô, on ne se débarrasse pas de moi en tentant de m’impressionner.  

Blême. Que tu es blême ! Le souci s’est peint sur ton front, ton corps tout entier paraît vibrer de stress. Mais il te parle, t’oblige de la sorte à fuir mon regard pour le porter sur lui, et c’est un arrachement pour moi. Je vois tes lèvres se crisper, des mots y naître, mots que tu lui abandonnes sans animosité. Pourquoi si peu de révolte chez toi ? Nous ne parviendrons à rien avec le discours ou la négociation Sugar, nous ne vaincrons que par les armes. N’écoute pas ses balivernes enrobées de douceur, révolte-toi.  

 

Les gardes nous laissent passer non sans quelques hésitations ; leurs collègues gisent un peu partout et gémissent de douleur, appelant à la vengeance. Mais le chef a ordonné. Et ses ordres ne souffrent aucune désobéissance, c’est pourquoi, tels des toutous bien dressés, ils s’écartent pour faciliter notre progression, nous faisant, bien involontairement, une haie d’honneur.  

Nous marchons dorénavant sous les projecteurs, mes doigts sur les gâchettes sont contractés, mes sens en alerte ; pour autant je me sens plus conquérant que jamais, j’ai foi en ma victoire. Quelques pas encore. Kyô se retourne vers nous, ne fait plus le moindre effort pour paraître aimable ou agréable, ses traits sont tendus, ses yeux perçants et brillants d’une inquiétude toute légitime. Notre seul affrontement – et il le sait – signera la fin de sa relation avec toi ; et ce, quelle qu’en soit l’issue. Pour le moment encore, tu restes postée derrière lui, dans une attitude docile qui ne te ressemble guère.  

 

— Vous n’êtes décidément qu’un imbécile Monsieur Saeba.  

 

Mes yeux s’écarquillent de plaisir. Enfin les masques tombent !  

 

— Vous venez chez moi dans un but malintentionné : celui de me voler, voire même de m’assassiner. Bon prince, je vous octroie le droit de quitter la place avec les honneurs, sans effusion de sang, sans désir de vengeance. Et vous… vous, dans un entêtement on ne peut plus idiot, vous persistez dans la volonté de me nuire. Vous osez revenir ici ?  

 

— Ne soyez pas de mauvaise foi, me permets-je d’un ton sarcastique, vous savez très bien qu’il me manquait quelque chose pour partir d’ici et qu’il me fallait vous retrouver pour le récupérer.  

 

Il s’anime d’un sursaut, d’un petit rire qui prend naissance et qu’il étouffe aussitôt.  

 

— Ne présumez pas de vos forces, déclame-t-il doucement. Je vous trouve bien présomptueux.  

 

— Je pense que c’est vous qui me sous-estimez, vous ne me connaissez pas.  

 

— Détrompez-vous, Ryô Saeba, je vous connais depuis fort longtemps. City Hunter est une légende urbaine, l’avez-vous oublié ? Bien évidemment, vos exploits sont parvenus jusqu’à moi. Je sais votre habileté, votre perspicacité, votre invulnérabilité. Je sais aussi vos démons et vos faiblesses. Sur tout cela je me suis renseigné ; avec une curiosité que vous ne pouvez pas soupçonner. J’aurais aimé en savoir plus encore, hélas, comme tous les héros décalés, mythes et réalité se superposent et il n’est pas simple de démêler la vérité des fantasmes collectifs. Pour autant – il hésita – j’ai commis une erreur, je ne connaissais pas votre visage, je ne pouvais pas vous reconnaître. Et je ne me suis pas méfié une seconde de cet Okura Sato des plus insipides. Croyez-moi, j’avais diligenté une enquête sur vous il y a trois ans de cela, lorsque j’ai appris votre relation avec Hanako. Mais il semblerait qu’il reste quelques incapables parmi les gens qui travaillent pour moi. On ne m’a relaté qu’inepties futiles à votre sujet, certainement nées de l’imaginaire prolifique de Tosa Meini, du moins je le suppose. Vous n’imaginez pas à quel point je m’en veux d’avoir négligé ce point particulier. Nous n’en serions pas là aujourd’hui si je n’avais été entouré que de personnel compétent.  

 

Il stoppe son discours, soucieux de lire l’attention sur mon visage ; puis il se penche en avant, souhaitant entrer en contact visuel avec celle qui reste blottie dans mon dos.  

 

— Hanako, ne restez pas cachée voyons ! N’ayez crainte, je ne vous ferai aucun mal. Ah, je sais que les apparences jouent contre moi et que le spectacle qui vous a été offert dans ma chambre a été traumatisant, mais je n’ai pas l’intention de vous réserver un sort semblable, non ! Soyez sans crainte…  

 

Dans sa voix, je ne peux m’empêcher de déceler des intonations ironiques. Il joue encore, il veut mener l’échange, faire le beau, le grand seigneur.  

Hanako s’est relevée et prend place à mes côtés, s’empare de mon bras. Je sais, car je l’ai compris à la lumière de ce que je connais de tous les protagonistes de cette affaire, que les minutes à venir seront certainement très pénibles pour elle. Mais la vérité est à ce prix. Et je serai là.  

 

— Que cherchiez-vous dans ma chambre ? demande-t-il alors que la réponse lui est évidente.  

— Vous le savez très bien.  

— Oui, mais je veux vous l’entendre dire.  

— Le microfilm, lâche Hanako.  

— Ah ! Et c’est là votre mission ?  

— Entre autres, me paraît-il bon de préciser.  

— Qu’y a-t-il dans ce microfilm ?  

 

Les yeux de Kyô et les miens se rencontrent au moment même où la question fuse de tes lèvres ; nous chérissons visiblement lui et moi le son de ta voix, cela est détectable à la complicité malvenue qui nous étreint, la pieuvre et moi, à cet instant. Complicité qui, très vite, mute en jalousie féroce, en rivalité virile, et le regard échangé prend des allures de duel.  

 

— Toute la lie de l’humanité, avoue-t-il en se tournant vers toi. Je ne suis pas blanc comme neige Kaori et, pour assurer mes arrières, il m’a fallu amasser quelques informations compromettantes sur bon nombre de mes collaborateurs. Ce microfilm, c’est toute ma vie ; y sont compilés les secrets les plus infâmes, les actes les plus abjects et les plus monstrueux de tout un chacun. Peu de personnes peuvent se targuer de ne pas y figurer. Ce microfilm me confère un pouvoir sans limite, m’assure des soutiens dans toutes les strates de la vie du pays.  

 

Je suis sur le cul. Il avoue tout, a vraisemblablement fait le choix de la sincérité, même si sa vérité est très édulcorée et orientée.  

 

— Est-ce que dans ce microfilm figurent aussi tous vos exploits ? m’enquis-je sur un ton ironique. Les réseaux de prostitution, les trafics de drogue, d’armes avec l’Afrique, les délits d’initiés, les crimes de toute sorte sur le sol nippon ? Les noms des innombrables victimes dont vous pouvez vous vanter d’être le bourreau ? Il est un peu réducteur d’incriminer l’humanité toute entière, non ?  

 

Saburo Kyô a fait volte face et tout le mépris que je lui inspire transparait dans le rictus qu’il m’octroie, le silence abyssal qui suit mon intervention.  

 

— Vous avez un talent comparable à celui dont vous m’accusez pour résumer ce que je suis. Bien entendu Kaori, reprend-il à ton égard en s’adressant directement à toi, tout cela nécessitera d’importantes explications que je suis prêt à te donner.  

— Encore faudra-t-il avoir l’occasion de ces explications, ne puis-je m’empêcher d’intervenir.  

 

Tu me regardes avec sévérité, posant sur moi le regard de la désapprobation. Kyô ne prend même pas la peine de me considérer, ni de me répondre, il se contente de voir ta réaction ; il jubile. Merde Kaori, ne peux-tu faire un geste dans ma direction, ne peux-tu afficher plus clairement ton inclination ? Ne peux-tu renoncer à cette obsession de sauver tout le monde ? Oui, j’ai compris ton manège, et il l’a compris aussi, crois-moi. Protéger Hanako, me protéger… et protéger Kyô aussi. Le protéger de moi. Je crois rêver.  

Mais contre toute attente, la pieuvre se retourne vers nous :  

 

— L’avez-vous trouvé ?  

— Quoi ?  

— Le microfilm. L’avez-vous trouvé ?  

 

Il se fout de ma gueule en plus !  

Puis de façon soudaine, Kyô change de mine, l’un de ses sourcils se relève, les coins de ses lèvres se retroussent et il semble lutter pour ne pas éclater de rire.  

 

— Ne me dites pas que, dans ma chambre, vous n’avez pas remarqué qu’un vase de la dynastie des Yuan, daté de 1342, d’environ soixante centimètres de haut, bleu cobalt, n’avait pas été détruit. Ne me dites pas que vous êtes passés à côté de cela ? Non ! Pas vous !  

 

 


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