Hojo Fan City

 

 

 

Data File

Rated R - Prose

 

Auteur: patatra

Status: Complète

Série: City Hunter

 

Total: 9 chapitres

Publiée: 28-03-12

Mise à jour: 27-03-19

 

Commentaires: 58 reviews

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General

 

Résumé: Un homme règne sur Tokyo : Saburo Kyô, dangereux trafiquant de drogue et d’armes. Pour les puissants, cet individu devient gênant, il a accumulé trop de dossiers compromettants contre tout un chacun. Ryô Saeba, de retour au Japon, est recruté pour exécuter le criminel. A ses côtés, Hanako Meini est là pour l’aider. Mais rien ne se passe comme prévu…

 

Disclaimer: Les personnages de "Japanese story" sont la propriété exclusive de Tsukasa Hojo, sauf Hanako et Saburo que j'ai créés.

 

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   Fanfiction :: Japanese story

 

Chapitre 8 :: Echanges

Publiée: 08-12-18 - Mise à jour: 08-12-18

Commentaires: Bon ça fait un bail... plus de 4 ans que je n'avais rien écrit sur cette histoire et quelques mois que la moitié de ce chapitre attendait d'être terminée. Ca y est! Je peux dire que je suis de nouveau un peu inspiré. En fait, j'ai surtout envie de terminer cette histoire. J'ignore s'il reste des lecteurs de mes histoires sur ce site, ça fait si longtemps mais, pour moi, il est primordial de finir le travail commencé. Concernant ce chapitre, ben j'ai fait de mon mieux. Je sais qu'il y aura un malaise concernant les actions ou réactions des protagonistes. Enfin je développe ma trame. Il y aura quelques explications au dernier chapitre. J'espère juste que je ne mettrai pas 4 ans à l'écrire. Ca motive quand même d'être si près du but. A bientôt. Ah j'oubliais, il y a une petite incohérence, que je ne dévoile pas. Il me faudra faire une minuscule mise à jour du chapitre 2.

 


Chapitre: 1 2 3 4 5 6 7 8 9


 

ECHANGES  

 

 

 

Le saut est vertigineux. Nous atterrissons tous trois avec souplesse sur le sol du jardin ; un simple gémissement en guise d’amortissement du choc. J’ai la main d’Ako dans la mienne, mais il n’est pas nécessaire de lui imposer la course. Instinctivement, son corps suit la cadence qui est la nôtre ; à toi et à moi. Je la lâche donc, rassuré sur les moyens psychiques et physiques qu’elle a su rassembler pour assurer auprès de nous.  

A peine nous sommes-nous éloignés d’une cinquantaine de mètres que l’ordre de l’assaut est donné par Kyô. Sa voix résonne jusqu’à nous : « Rattrapez-les ! Je n’attends pas qu’ils soient vivants ! Mais épargnez Kaori ! »  

Je me retourne. Mes talons frappent le sol. Sans ralentir ma course, je mets en joue les premiers poursuivants et, en quelques détonations, nous débarrasse de quelques-uns. A la grande surprise des yakusas, nous sommes plus vifs que l’éclair et, en moins de temps qu’il n’en faut pour soulever la jupe d’une fille, nous passons un pont qui enjambe un ru, traversons bruyères et rocailles pour nous retrouver en hauteur, sur une butte, dans un bosquet d’érables du Japon. Ainsi, notre position sera des plus stratégiques pour nous défendre et les affronter.  

 

Ako respire bruyamment, semble avoir perdu son souffle dans la course effrénée. Elle s’est effondrée contre un tronc, me regarde mais ne semble pas me voir.  

 

— Ca va ?  

 

Elle secoue la tête négativement, mais ne peut prononcer un mot.  

Je n’ai hélas pas le temps de la rassurer. Abrité derrière un érable centenaire, j’arrose nos assaillants. Il sont dix, vingt, cent. Des bêtes sauvages attirées par une mise à mort qui leur semble facile, ignorants de mes capacités. Et la fierté m’emplit tandis que je sais ma victoire imminente, que je devine les stratégies qui me mèneront au succès. Eblouissement incroyable qu’est la lecture instinctive de cette bataille mal organisée par eux. Ils se jettent inconscients dans la lutte sans penser leurs attaques, se mettent à découvert, mitraillent maladroitement. J’en souris et le goût métallique que je connais si bien s’invite dans ma bouche.  

 

« VICTOIRE ! »  

 

Je te lance un regard, rencontre tes yeux et je hurle à ton intention :  

 

— Allez City Hunter, entre en jeu !  

 

Je te lance une arme que tu saisis promptement. Tu la contemples un instant… incrédule… Smith et Wesson ; tu tournes la tête vers moi et nous nous accordons cette seconde de complicité au travers du regard que nous échangeons… tu souris.  

 

— Il est chargé et vise maintenant on ne peut plus précisément.  

— Merci Ryô…  

 

Je tire de nouveau et prends ce merci à peine audible en plein cœur.  

Nous tirons maintenant de concert, rechargeant, tirant à nouveau, Hanako bien à l’abri derrière nous. Les assaillants sont désorganisés mais aveuglément valeureux ; ils ne sont visiblement pas préparés à ce genre de bataille. Les cris étouffés des camarades abattus n’entament pourtant pas leur détermination. Rien ne semble les détourner de l’ordre solennel : attaquer et encore attaquer. Nous exterminer.  

Pour le moment, nous résistons mais leur nombre est préoccupant malgré tout : cinq sont abattus, dix se relèvent. Je souffle le temps de recharger. Nous échangeons toi et moi un regard inquiet mais pas une seconde à perdre, un escadron nous prend en tenaille, embryon de plan, et je me vois obligé d’assurer sur les deux fronts.  

 

— Kaori ! Ils ne doivent pas gagner de terrain.  

 

Les muscles de mon avant-bras sont tendus ; chaque balle fait mouche ; mes yeux balaient la scène et ce qui me sert de cerveau calcule. Qui doit être tenu à bonne distance ; dans quel ordre mettre l’ennemi hors d’état de nuire ; qui sont ceux qui semblent avoir de l’autorité sur les autres. Les supprimer d’abord. Combien de temps tiendra-t-on ?.. toute la nuit s’il le faut, même si je sais que le bruit des balles va vite alerter mes anciens amis et la police. Renfort, il nous faut du renfort ! Nos munitions diminuent dangereusement.  

 

Une explosion, réponse attendue à ma requête intérieure, semble désorienter tous les protagonistes : les yakusas, mais aussi Kaori et Hanako qui hoquètent de surprise, avant d’afficher un sourire en réponse à celui que je leur tends.  

 

— Putain ! C’est quoi ça ? s’esclaffe un empafé.  

— Ca ? demandé-je enjoué. Ca, c’est votre fin qui est toute proche !  

 

Umi et Mick viennent certainement de faire exploser au bazooka le mur sud de la propriété, créant un second foyer d’affrontement, déstabilisant l’équilibre précaire des troupes de Kyô. Celles qui nous font face hésitent effectivement à foncer vers leurs nouveaux adversaires. Privées de chef, elles ne savent pas comment réagir face au rebondissement inattendu. J’attends la débandade… qui ne tarde pas.  

Un important déplacement des troupes se produit, l’étau est moins serré sur nous. Les bruits d’explosifs plus ou moins lointains, les cris des yakuzas atterrés forcent mon sourire. A eux deux, Mick et Umi vont leur mettre une belle raclée ! Je n’imagine pas mon vieux pote géant autrement que surarmé…  

Pour nous trois, le répit est bienvenu. Notre confiance est presque palpable, nous sommes en effet bien conscients que la donne vient de changer, l’avantage va bientôt tourner en notre faveur. Il semble ne rester que quelques irréductibles contre nous et j’imagine vraiment bien la pieuvre toute à la rage de se voir arracher les tentacules. Un à un. A chaque homme abattu, c’est un morceau de son empire qui s’écroule. Un sourire s’invite sur mes lèvres.  

Les secondes passent et toi et moi Kaori sommes d’une rare efficacité. Je t’observe à la dérobée. Tu es concentrée, tu ne cilles pas, tu tires. Tu blesses plus que tu ne tues, et je savoure cette répugnance que tu conserves envers et contre tout : tu n’es pas une tueuse ! L’ennemi se raréfie, une grisante et euphorique impression nous prend. Tu me lances un sourire qui semble répondre au mien. La déroute Kyô, la déroute !  

 

Mais…  

 

Un moment de flottement… tout à coup… Je ne le ressens que trop bien… le temps suspend son vol… un silence étrange et dérangeant… les bruits au loin ne me parviennent plus… je m’agenouille sans comprendre, les tempes battant contre mon crâne… je regarde Ako qui s’effondre devant moi… Quant à toi, tu sembles désorientée et tu laisses tomber ton arme… je veux parler mais ne parviens qu’à balbutier… mes oreilles vrillent… mes mains ne m’obéissent plus… Toi, tu grimaces, tu te tiens la tête comme pour éviter qu’elle n’explose et je te devine en proie à la même douleur que moi, sourde et violente, nichée dans ton cortex, une chaleur insupportable… mes yeux ne voient plus, mes oreilles n’entendent plus… une grenade aveuglante ? assourdissante ? Mon cerveau explose et une vague de lave lourde et épaisse inonde la moindre parcelle de mon corps, m’oppresse la poitrine à m’interdire tout souffle ; chacun de mes muscles semble contracté. Douleur !  

 

Les secondes semblent s’éterniser, moi toujours en apnée, muré dans un crane qui ne cesse de rapetisser, enserrant mon cerveau jusqu’à le compresser insupportablement. Douleur !  

 

« Ah ! »  

Me voilà projeté à terre… je peine à réfléchir, il me semble qu’un uppercut magistral m’a broyé. Sonné. Oui, je suis sonné mais la douleur dans ma tête s’est éloignée, tend à disparaître, le brouillard se dissipe dans la même incompréhension que son arrivée. Que s’est-il passé ? J’ai perdu le contrôle de mon corps, de mes pensées.  

Je suis à quatre pattes, comme un chien, le souffle court, hébété comme je n’ai jamais été. Je lutte pour recouvrer une certaine clairvoyance. Mon arme ? Putain !!!! Elle est où ?  

 

Le danger me semble guetter, je le sens sans réellement parvenir à le cerner, je lève la tête pour mieux percevoir la scène qui se joue devant moi et que je ne comprends pas. Hanako est toujours effondrée, de dos, elle semble avoir perdu connaissance.  

 

— Ako ? m’entends-je sans reconnaître le son de ma propre voix.  

 

Elle ne répond pas. La masse inerte de son corps sur le sol me file la nausée. Je tremble. Je tourne un peu la tête et ce sont tes yeux que je croise. Tu es à genoux, les bras le long de ton buste, les mains reposant sur tes cuisses, dans une attitude d’extrême faiblesse. Aussi hagarde que moi. Les yeux embrumés.  

 

— Hanako ! supplié-je en revenant à l’objet principal de mon tourment. Fais-moi signe !  

 

Je te supplie du regard, tu observes Hanako étendue tout près de toi, puis relève les yeux vers moi. Ton air triste et désolé, le signe négatif que tu m’adresses jettent un trouble inédit dans mon cœur. Un vent glacial m’envahit tandis que le corps que je chéris plus que tout depuis trois ans conserve une immobilité morbide.  

 

Puis tu te figes soudainement, attirant de nouveau le peu d’attention que je peine à mobiliser, et tes yeux semblent se perdre par-dessus moi.  

 

— Ne tire pas, murmures-tu à l’intention de celui qui me menace.  

 

Je sens immédiatement mon échine se raidir. Je baisse la tête pour recouvrer un peu mes esprits et sens le sang goutter de mon nez. Le coup de poing ? J’avais oublié le coup de poing...  

 

Je n’ai pas terminé mon embryon de réflexion que le son distinctif d’un chien qu’on arme se fait entendre dans ma nuque.  

 

— Voyez Saeba les conséquences de votre entêtement ! intervient Kyô. Je vous avais averti…  

— Que nous est-il arrivé ? t’enquiers-tu.  

 

Tu sembles dans le même état que moi, incapable de réagir, toujours à genou, les mains molles et abandonnées sur tes cuisses, le regard vague. Je réalise pour la première fois que nous sommes tous deux désarmés. Où sont nos armes ? Merde, qu’est-ce qu’il nous a fait pour nous mettre si facilement hors d’état de nuire ? Qu’a-t-il fait à Hanako ?  

 

— Vous ne m’avez pas laissé le choix, confie-t-il d’une voix neutre.  

— Qu’as-tu fait ?  

— Je viens d’utiliser une nouvelle technique, pas totalement aboutie, une arme que mes équipes développent, consent-il à t’informer. Un prototype que je viens de sacrifier pour vous neutraliser… M’avez-vous laissé le choix ?  

 

Je l’entends, son intonation laisse deviner une certaine résignation, mais je ne comprends rien à ce qu’il explique. Et je m’en fous royalement !  

 

— Hanako ?  

 

Pourquoi mes sens refusent-ils de m’aider à ressentir le fluide vital de ma femme ? Est-elle… ?  

 

— Peu m’importe l’issue de cette bataille, assène la pieuvre, insensible à mes appels. Mes hommes sont décimés, vous m’avez tout pris Saeba ! Pensiez-vous que je n’étais pas prêt à tout ? Je n’avais pas le choix. Vous ne m’avez pas laissé le choix. Vous avez été bombardés de micro-ondes, autant que j’étais en pouvoir de vous en balancer sur la gueule !  

 

La rage déforme jusqu’à son souffle, lui fait perdre sa légendaire contenance. Son discours me parvient hachuré, lointain, comme si mes oreilles refusaient de fonctionner à nouveau.  

 

— Vous avez été ma cible privilégiée Saeba ; et toi, ma chérie, j’ai tenté de t’épargner comme je pouvais, tente-t-il encore de se justifier.  

 

Il fait une petite pause et j’imagine qu’il te regarde.  

 

— Tu es un monstre, murmures-tu comme frappée par une incroyable clairvoyance.  

— Ne crois pas ça Kaori… J’étais en mesure de tous vous tuer, je ne l’ai pas voulu.  

 

Je voudrais voir sa face de chien mais ma tentative pour bouger se solde par un cuisant échec, mon corps s’obstinant dans sa désobéissance inédite. Un rire sonore se fait entendre tandis qu’il remarque ma paralysie.  

 

— Vous avez dû horriblement souffrir, se délecte-t-il, et vous n’êtes maintenant qu’une pauvre merde sans défense. Vous allez crever Saeba. Je vais certainement mourir moi aussi lorsque je combattrais je ne sais qui de vos amis, là-bas, mais j’aurais au moins la satisfaction de vous avoir fait crever avant moi. La satisfaction que vous ne serez jamais avec elle.  

 

« Avec elle » ?  

 

— Ako ? ne parviens-je qu’à prononcer. Réponds-moi.  

 

Mais la pieuvre ignore ma supplique, ce supplice infernal qu’est la vision du corps d’Hanako sans souffle. A aucun moment il ne semble préoccupé par le sort de la fille de Takako.  

 

— Et c’est avec votre propre arme que vous serez abattu. Quel joli pied de nez à votre légende, Saeba…  

— Saburo, interviens-tu d’une voix d’outre-tombe. Je t’en supplie.  

— Chérie, désolé… je ne voulais pas te blesser. J’aurais tout osé pour toi. Je t’aime, ne doute pas de ça.  

— Il n’est pas trop tard, tentes-tu avec désespoir.  

 

Je rassemble le peu d’énergie qui me reste pour te regarder. La fêlure de ta voix se lit sur ton visage. Je te vois courbée vers l’avant, dans une position de soumission.  

« Tais-toi Kaori ! » hurlé-je à l’intérieur de moi. Je veux mourir avec la certitude que jusqu’au bout tu seras fidèle à ce que tu es. La mort m’est étrangement familière et je ne la crains pas le moins du monde. J’aurais juste peut-être rêvé plus flamboyant. Mais toi mon ange, n’abdique pas face à lui. Je t’en conjure. N’abdique pas.  

 

— Kyô, vous avez décidément des manières de rat ! ne puis-je m’empêcher de cracher à l’homme que je sais derrière moi et qui me met en joue avec mon arme.  

 

Ce sursaut verbal est signe pour moi que je retrouve un peu mes esprits. Pour ce qui est de mes capacités physiques, c’est loin d’être gagné, mes bras ne cessent de trembler, je suis chancelant, incapable toujours de changer de position et reste à quatre pattes, à la merci de la pieuvre.  

Je n’ai pas peur mais je maudis ce corps qui m’abandonne, qui ne me permet pas le panache final. Putain, je vais pas finir comme ça ! Allez mec, REAGIS !  

 

— Dis-lui adieu, murmure Kyô à ton intention.  

 

Mais dans la simultanéité parfaite de ces paroles, alors que je m’attends à recevoir une balle dans la tête et que c’est à toi que j’adresse mon dernier regard, c’est le sursaut dans le corps d’Hanako qui attire mon attention. Ce geste si rapide entre vous deux, le smith et wesson qu’elle t’envoie, que tu réceptionnes et que tu armes dans l’instant, pointant dans la direction de la pieuvre. Cette action inespérée galvanise mon cœur, me communique une force inattendue et je roule sur le côté sous le choc de l’adrénaline et, tout en me retournant, je découvre Kyô debout face à moi, prêt à me mettre à mort.  

 

Une détonation.  

 

Un cri de douleur.  

 

Mes yeux s’écarquillent alors que le sang jaillit de la main qui tenait mon python et que celui-ci échappe à l’ordure qui avait osé le subtiliser. Kyô reste interdit, contemplant sa main blessée, ainsi désarmée, puis se tourne vers toi, dans l’incompréhension de l’aptitude que tu viens de mettre en œuvre pour l’empêcher de m’exploser. Une rage folle m’envahit, se mêle au bonheur de savoir Hanako vivante, à la reconnaissance de ce que toutes deux êtes parvenues à faire pour me sauver et c’est une énergie nouvelle qui me propulse vers mon ennemi. Un uppercut vengeur le terrasse ; je m’effondre sur lui. Je sens son corps sous moi, pèse de tout mon poids et frappe dans une frénésie délivrante. Une joie nouvelle comprime ma poitrine tandis que je laboure la pieuvre de mes poings. Jouissif ! Cette ordure, avec une aisance incroyable, parvient à se protéger de la plupart de mes frappes encore maladroites, mais il est dans l’incapacité de me renverser et la position que je tiens, assis sur lui, m’assure la maîtrise de notre affrontement. Il est fait ! Je vais le tuer, lui briser les os, lui défoncer la gueule !  

 

— C’est fini mon coco, prononce une voix que je n’avais pas entendue depuis fort longtemps et dont le tintement a le mérite de m’arracher à la hargne mortifère qui gronde en moi.  

 

Un revolver automatique est pointé sur la tête de Kyô mais il me faut encore quelques coups de poings rageux pour calmer l’ébullition de mon sang. Encore un peu…  

 

— Ryô, interjettes-tu doucement.  

 

Je suffoque. J’aurais pu le tuer de mes propres mains sans l’intervention de Saeko et la tienne. Je me retrouve sans souffle, encore hagard, le sang battant contre mes tempes, l’envie de tuer vissée aux tripes. Kyô est entre mes jambes, quasi inerte ; il a subi sans possibilité de réponse mais, malgré l’énergie déployée, je ne peux que constater que sa gueule n’est pas cassée comme je le souhaiterais. Il conserve une certaine superbe… il me dégoûte…  

Je me détourne de lui, me relève avec difficulté, mes membres restent incertains, engourdis. Je relève la tête et me perds dans le sourire que m’envoie l’aînée des Nogami.  

 

— Je garde toujours une paire de menottes de mon ancienne vie d’inspectrice, explique-t-elle. Je crois que ce sera parfait pour vous Monsieur Kyô.  

 

Elle joint le geste à la parole, fait rouler la pieuvre sur le côté et le menotte comme un simple bandit, sans qu’il ne puisse interjeter quoi que ce soit. Je sais qu’il est humilié à l’extrême là et pourtant sa langue de vipère reste bien cachée au fond de sa bouche. Et je ne peux que louer cette décence qu’il a de la fermer !  

De manière rugueuse, il est assis de force contre un tronc par Saeko. Son corps coopère mais j’imagine le chaos dans la caboche de celui à qui personne n’a jamais intimé d’ordre. Je prends une grande inspiration et je l’observe ; lui qui a failli gagner, m’anéantir. Est-ce vraiment fini ? La pieuvre ne me quitte pas des yeux elle non plus, elle semble résignée, accepter son statut : vaincu ; mais subsiste dans les prunelles orgueilleuses une résistance qui ne prendra fin qu’avec la mort. Kyô et moi ne le pressentons que trop bien. Je ne sais pourtant comment interpréter l’humidité qui naît dans les yeux qu’il conserve braqués sur moi.  

Kaori… oui, en fait, entre lui et moi, là, il n’est question que de toi !  

 

Mais alors que la pieuvre et moi échangeons ce moment surréaliste, une jeune femme en sanglots atterrit dans mes bras.  

 

— Ako, m’entends-je murmurer tandis qu’enfin je la regarde, que mes doigts pénètrent son épaisse chevelure et que je l’oblige à m’offrir son minois en contemplation.  

 

De mon autre main, je chasse une larme bien intrépide qui n’a plus sa place sur sa joue.  

 

— J’ai eu si peur, ne puis-je qu’ajouter. Si peur de te perdre.  

— Et moi… répond-elle simplement. Et moi ?  

 

D’un habile élan, elle noue ses bras autour de mon cou et m’embrasse tendrement, de ce baiser doux et léger exprimant le bonheur d’être simplement vivants.  

Un raclement de gorge nous ramène à la réalité. J’ouvre les yeux tout en quittant les lèvres d’Hanako et retrouve les protagonistes qui assistent presque gênés à notre tendre échange. Et c’est toi que je vois tout d’abord, le petit sourire crispé que tu as peint sur ton visage alors que tu observais notre étreinte. Je fronce les sourcils, ne te méprends pas Kaori !  

 

— Ils sont tous hors d’état de nuire ! glisse Umibozu que je considère enfin.  

 

Mick et lui nous ont rejoints après que Kyô ait été maîtrisé. Mon cœur s’accélère de bonheur alors que pour la première fois depuis trois ans et demi, leurs têtes d’abrutis me font face à nouveau. Mes amis… mes amis…  

 

— Hé ! Mon nounours adoré, quel plaisir de te voir, taquiné-je le géant tout en l’enlaçant de force et en feignant de vouloir lui voler un baiser.  

— C’est bon, c’est bon, me repousse-t-il avec indélicatesse.  

 

Je me tourne vers le blondinet, il devine ma volonté de rapprochement ; d’un geste calculé, il freine mon élan vers lui et pose sur Hanako un regard interrogateur, faisant mine de ne pas comprendre. Je n’oublie pas les moments de tension entre Mick et moi alors que tu t’étais déjà envolée avec Eichi. Il ne sera pas simple de renouer avec mon ancien complice américain.  

 

— Hanako, dis-je en la prenant par la taille, jouant volontairement le jeu de celui qui m’en veut toujours d’avoir pris la fuite il y a trois ans de cela maintenant, je te présente mes vieux potes : Umibozu, Mick… Et voici Saeko.  

— Bonsoir, ose-t-elle doucement. Merci d’être venus à notre secours.  

 

Tous lui adressent un signe de tête, esquissent un sourire.  

 

— Qu’en est-il d’ailleurs ? m’enquis-je avec la certitude du travail bien fait mais dans le souci de vérifier que tout va pour le mieux.  

— On les a tous éradiqués ! gloussent-ils en chœur. Ils n’ont pas fait un pli !  

 

Que c’est grisant de tous se retrouver ainsi ! Une seconde, je m’octroie le bonheur de les contempler tous trois. Pour peu, j’en oublierais les situations extrêmes traversées, leur présence réconfortante m’apaise incroyablement. Au moins pour un temps. Je vois en effet que Mick est fébrile, il se détourne de nous et s’approche de toi, je ne peux m’empêcher de le suivre des yeux car je sais à quel point tu lui étais chère. Un reste de jalousie, peut-être, m’habite toujours ; bien qu’il soit avec Saeko, bien que tu te sois amouraché de l’autre monstre, bien que j’aie toujours eu ta préférence.  

Ta préférence ? Quel sens cela a-t-il encore aujourd’hui ?  

 

Tu t’es éloignée du groupe il y a un moment déjà, fuyant les retrouvailles, nos retrouvailles en fait, et te tiens debout face à Kyô, à environ trois mètres de lui, droite, immobile. Vous vous observez en chiens de faïence. Lui assis contre le tronc d’arbre, toi, debout et forte. La robe fauve qui te drape toujours donne à la scène un faux air de légèreté. Mick te pose une main sur l’épaule, il semble presque hésiter à te déranger. Tu tournes un visage triste vers lui, un regard bouleversant. Je sais qu’à cet instant, tout son être s’ébranle ; sa main s’égare sur ta joue et, avec une infinie douceur, il te dépose un baiser sur le front ; puis s’éloigne de toi, t’abandonne à Kyô. Décidément Mick me surprendra toujours.  

 

— J’ai un autre service à te demander Umi, dis-je à voix suffisamment haute pour que chacun puisse entendre. Va détruire la chambre de Kyô. C’est la dernière à l’étage, dans l’aile ouest. Ca ne devrait pas poser de problème à un bazooka comme le tien.  

 

Le géant ne comprend bien évidemment pas ma requête mais, fidèle à son éternelle discrétion, n’en fait pas état, ne pose pas de question.  

 

— J’y vais.  

 

Kyô me regarde, incline imperceptiblement la tête, puis se retourne vers toi.  

 

Je suis éloigné, nous sommes tous éloignés de vous ; Mick, Saeko, Hanako et moi assistons à la scène, spectateurs impuissants mais ô combien captivés. L’heure est grave et nous comprenons tous que cet échange est capital pour toi. Pour la pieuvre aussi, j’en conviens, mais lui je ne veux pas le considérer.  

 

Tu t’avances légèrement et tombes à genou devant lui, te mettant à sa hauteur. Pour autant, il semble que parler soit au-delà de tes forces. Qui t’en blâmerait ? Renonce Sugar, renonce à ce face à face !  

Contre toute attente, c’est lui qui ose t’adresser la parole :  

 

— Je dois te remercier, prononce-t-il tout bas.  

— De quoi ?  

 

Je te vois interdite, les yeux toujours plongés dans les siens. Que j’aimerais t’arracher à cela !  

 

— De ne pas m’avoir tué…  

 

Tu ne réponds pas.  

 

— Tu as pris le risque de ne pas me tuer, de manquer de me toucher alors que je menaçais Saeba… Il aurait été tellement plus simple de viser le cœur. Kaori, si tu savais ce que cela signifie pour moi !  

 

Il ose l’ordure. Il ose…  

 

— Je n’ai pas réfléchi, confesses-tu. Saburo, je ne veux pas ta mort... Ne crois jamais que je n’ai pas été sincère avec toi…  

 

Les mots que tu viens de prononcer avec tant de douceur écorchent mes tympans. Il ne mérite pas Sugar que tu le réconfortes ainsi. Il ne mérite pas que tu t’épanches sur ces anciens sentiments que tu as cru éprouver pour lui et dont je te montrerai qu’ils ne sont rien en comparaison du véritable amour ; et il ne mérite pas cette main que tu viens de poser sur son genou, cette caresse imperceptible qui, pourtant, me saute à la gueule, m’arrache les yeux. Non Sugar, mes yeux ne peuvent se détacher de ta main cajoleuse posée sur le genou de l’ordure qui voulait m’abattre il y a quelques minutes à peine.  

Lui, se perd dans ta contemplation, dans le bonheur de ce que tu lui offres, se ragaillardit dans la tendresse que tu concèdes et à laquelle il ne s’était certainement pas attendu. Faut-il que tu sois aveugle à ce qu’il est vraiment ? Encore !  

 

— Je sais, te répond-il concentré à l’extrême. Tout comme tu dois savoir que je n’ai jamais été dissimulateur. Je t’ai aimé dès le premier instant et je t’aime toujours.  

 

Je te vois vacillante. Sa déclaration peut-il t’émouvoir ?  

 

— Non Saburo, le contraries-tu sans éclat. Aimer ce n’est pas ça ! Ce n’est pas faire mal comme tu m’as fait mal.  

— Pardonne-moi…  

— Crois-tu cela possible ?  

 

« Ben non ! » ne puis-je m’empêcher de répondre à sa place. Ta main quitte malgré tout son genou pour venir réconforter sa joue, comme s’il t’était nécessaire de le rassurer plus encore. Je hais ta main Kaori ! Cette douceur que tu témoignes à cette ordure malfaisante me renverse l’estomac, je sens une boule d’angoisse naître dans ma gorge. Je ne comprends rien ! Pourquoi ne manifestes-tu pas plus d’animosité ? Cette histoire qui vous lie m’échappe complètement, j’en suis parfaitement conscient ; tout comme je prends conscience de la distance qui nous sépare aujourd’hui. Toi et moi Kaori… Que reste-t-il de toi et moi ?  

Mais pour le moment j’assiste impuissant à cet échange surréaliste, je vois Kyô profiter de l’intimité que tu lui autorises, il abandonne son visage contre ta caresse et poursuit :  

 

— Je sais bien que non, admet-il. Je ne peux rien avancer pour justifier ce qui s’est passé, en tout cas rien qui ne puisse trouver grâce à tes yeux. Je t’aime Kaori, voilà la seule chose qui m’importe, la seule chose que j’ai envie de te répéter.  

 

L’émotion déforme le timbre de sa voix.  

 

— Oh Saburo, que veux-tu que je réponde à cela ? Je n’ai rien à dire, marmonnes-tu. Je contemple juste les ruines de ce que nous avons été.  

 

Trop d’émotions saturent mon crane.  

 

— J’ai beaucoup de mal à comprendre cet immense carnage. Ce que tu as fait de moi, de nous, de toi.  

 

Il hésite, je le vois. Mais il se lance quand même.  

 

— Si tu savais comme je suis devenu fou quand j’ai appris pour Saeba.  

 

Mes dents se serrent alors qu’il est question de moi. Hanako attrape ma main, la serre dans la sienne.  

 

— Quand on m’a dit qu’il était à la soirée. Kaori, j’ai toujours su qui tu étais. Je savais pour City Hunter, je savais que tu avais été la partenaire de Saeba. Imagines-tu la rage et l’angoisse absolues quand je vous ai imaginés ensemble, que je ne te trouvais pas dans la salle de réception. Alors oui, il était avec la fille Meini, il était là pour moi mais…  

 

Un instant tu tournes ton visage vers moi. Un bref instant seulement. Lui, ignore ce mouvement involontaire.  

 

— J’aurais crevé la terre entière plutôt que t’abandonner à lui. Ca m’a rendu dingue Kaori. Imaginer vos retrouvailles, qu’il t’arrache à moi d’une façon ou d’une autre. C’était douloureux à en mourir.  

— Saburo, tu te trompes tant sur ce qu’il y a entre lui et moi.  

 

Lui… Lui ! Alors pour toi, je suis LUI ?  

 

— Douter de toi…  

— Chut !  

 

Tu as posé tes doigts sur sa bouche.  

 

— Il n’y a rien entre Ryô et moi. Et là tout de suite Saburo, je ne te parle que de toi et de moi ! Tu ne peux pas justifier les actes ignobles dont tu t’es rendu coupable ce soir par une jalousie qui n’a pas lieu d’être. Là encore tu te fourvoies !  

 

La poitrine de Kyô se vide mais son visage, tendu vers toi, ne laisse rien paraître de son trouble.  

 

— Je me suis perdue avec toi mais… je ne regrette rien, confesses-tu. Rien de notre rencontre et des semaines merveilleuses à Osaka. Je ne vais pas te blâmer de m’avoir trompée car, quelque part tu as raison, j’ai adhéré à notre relation. J’ai pressenti qui tu étais et je n’ai pas cherché à échapper à notre histoire… jusqu’à ce soir…  

 

Il déglutit et je souffre de vous voir tous les deux dans la bulle que tu as créée ; ta main ne montre aucune intention de déserter la joue où elle a, à nouveau, trouvé refuge. La joue de Kyô. Quant à moi, tu ne me considères pas le moins du monde, je ne suis pas ta priorité là tout de suite. Oh égoïstement Sugar je voudrais qu’il n’y ait que moi là pour toi. Que moi !  

 

— Ce soir, reprends-tu gravement, il me semble te découvrir complètement. Tu t’es révélé monstre abject et tu as massacré tous les sentiments que j’ai pu nourrir pour toi. Je me sens plus vide que jamais.  

— S’il te plaît, tente-t-il de t’interrompre. Je sais tout cela.  

 

Mais tu poursuis.  

 

— Laisse-moi finir Saburo ! J’en ai besoin.  

 

Il ne répond pas, acquiesce de la tête et se mure dans le silence, dans l’attente de ta sentence. Enfin, ta main abandonne sa joue. Enfin !  

 

— Tu as tout piétiné. Tu t’es montré d’une violence inouïe ! Sans même l’ombre d’une hésitation, tu as anéanti ce soir le cœur d’une femme innocente. Et… - tu hésites - tu as voulu abattre l’homme auquel je tiens le plus au monde devant mes yeux. Réalises-tu ? Et tout ça au nom de l’amour que tu me portes ?  

 

La main d’Hanako se pétrifie dans ma poigne, mon souffle quitte ma poitrine, Kyô grimace alors que tu lui craches au visage toute sa monstruosité !  

 

— Non, assènes-tu plus belle que jamais. Non ! Je refuse d’être le prétexte à cette dévastation. Toi seul es responsable !  

 

Un silence glaçant fige la scène quelques secondes. Nul n’ose un geste, un mot, mais tous, nous sommes pendus à tes lèvres.  

 

— Crois-tu vraiment qu’Hanako et Saeba sont si innocents que cela ? objecte-t-il, acerbe, un sursaut d’orgueil dans la poitrine.  

 

Il se reprend pourtant immédiatement, ne souhaitant pas te laisser le temps de la protestation :  

 

— Mais cela n’a plus vraiment d’importance maintenant...  

— Non… cela n’en a plus.  

— M’autorises-tu quand même, s’obstine-t-il, à te confier certaines choses qui me tiennent à cœur ou ne souhaites-tu plus entendre le son de ma voix ?  

— S’il s’agit de cette histoire que tu as entamée tout à l’heure, il vaut mieux que tu t’abstiennes…  

— Oh Kaori, ne t’en fais pas, dit-il un sourire dans la voix, cette histoire est presque terminée maintenant et je ne suis pas celui qui écrira le mot FIN.  

 

Tu l’observes avec un trouble immense. Je vois la douleur qui te chavire Sugar et je devine l’attachement que tu as développé pour cette ordure. Bien malgré toi, il t’est difficile de tourner la page. La pieuvre n’attend pas ton consentement et reprend le fil de son discours.  

 

— Tu dois savoir, malgré les apparences qui jouent contre moi, que j’ai cru grandir à tes côtés. Kaori, j’ai cru vivre un miracle, comme une naissance. Enfin, de ces moments dont …  

 

Mais il se tait brusquement et émet un petit rire désabusé.  

 

— Mais que le sort est injuste ! Oh Kaori, qu’est-ce que j’ai été aveugle ! Oui aveugle ou idiot car rien ni personne ne pourra jamais m’extraire de la nature qui est la mienne. Même pas toi !... Ne t’en déplaise, ne m’en déplaise, mais même pas toi !  

 

Le crépitement du feu qui dévore la chambre de Kyô envahit l’univers sonore.  

 

— Je fais le mal… C’est presque malgré moi. Le mal guide mes pas. Il en a toujours été ainsi, il en sera toujours ainsi.  

 

L’intonation de la pieuvre vient de changer, elle est devenue plus sèche, plus rugueuse, sans espoir. Je ne sais ce qui m’empêche d’intervenir. Enfin si, je le sais, je suis convaincu que, jusqu’au terme de l’échange, c’est à toi seule d’être confrontée à celui à qui tu as tant donné. Tu l’as aimé. Putain, je ne veux pas !  

Tu es si absorbée par ce qu’il te confie. Si ancrée dans le regard que vous échangez.  

 

— Je n’ose imaginer ce que tu penses lorsque tes yeux se posent sur moi…  

— C’est la tempête, lui confesses-tu.  

— Il ne faut pas, murmure-t-il. Je ne veux pas que tu sois triste, ou en colère, ou que tu culpabilises d’une quelconque façon.  

 

Dans ta tête, c’est la tempête comme tu dis, je le sais, et je vois que Kyô te connait suffisamment bien pour deviner les tourments qui, déjà, t’assaillent.  

 

— Kaori, j’ai une dernière requête.  

 

Une grimace gagne ma face. Pour qui se prend-il ?  

L’infime tressaillement de tes épaules m’indique qu’il capte pourtant toute ton attention.  

 

— Que veux-tu ? l’interroges-tu, sur tes gardes.  

— L’oubli, abandonne-t-il dans un murmure.  

— L’oubli ?  

 

Mes sourcils se froncent. Je suis aussi surpris que toi.  

 

— Oui. Oublie les menaces, la violence, mon incapacité à être à la hauteur de ce que tu es. Ne te méprends pas Kaori, je ne parle pas de pardon mais juste d’oubli, d’amnésie, d’effacement de ta mémoire en ce qui me concerne.  

— Saburo…  

— Kaori, si je peux te demander ne serait-ce qu’une chose, c’est celle-ci. Voilà peut-être le peu de conscience que j’ai, se met-il à rire.  

 

Tu secoues légèrement la tête. Il te sourit et je devine le désarroi qui est le sien d’avoir les mains entravées. Pour ma part, je loue son incapacité à te toucher.  

 

— C’est idiot Saburo, interjettes-tu. Demande-moi de te haïr ; rien ne me serait plus facile. Mais oublier…  

— J’ai certainement gagné une petite part d’humanité dans tout ce marasme, reprend-il en feignant l’amusement. Je sais que j’ai réussi à montrer que j’étais digne de rien et tu as toutes les raisons du monde de me détester. Mais même me haïr serait me faire trop d’honneur, Kaori, ça nécessiterait que tu penses à moi. Je ne veux pas prétendre à cela. J’exige que tu m’oublies.  

 

Un frisson me traverse, le scénario prend forme dans mon crane. Et enfin j’entrevois le vrai objectif de Kyô. Etrangement, un élan d’empathie m’amène à le plaindre.  

 

— Je veux que nos souvenirs deviennent du vent pour toi, que ton cœur soit sec pour moi. Tes yeux ne doivent plus me voir. Ils ne doivent pas pleurer par ma faute. Je ne le veux pas.  

 

La vision de toi légèrement titubante me donne la nausée.  

 

— Ta bouche…  

 

Il fait une nouvelle pause et j’imagine ses yeux se perdre sur les pétales de tes lèvres.  

 

— Embrasse-moi une dernière fois, murmure-t-il comme une ultime supplique. Un dernier baiser et ta bouche, ensuite, pourra oublier tous les plaisirs qu’on a partagés.  

 

La requête est irréaliste. Et pourtant, je le sais, tu hésites à le satisfaire, à lui donner encore un peu de toi. Ne t-a-t-il pas pris déjà trop ?  

Ton buste qui s’avance doucement vers lui, moi qui lutte contre moi-même pour ne pas t’arracher à cette nouvelle mascarade, la tension dans le corps de Kyô dont les mains menottées dans le dos lui interdisent toute caresse sont autant de détails monstrueux qui se gravent en moi. Je palpite de haine et de jalousie, je dois en convenir, mais il me faut t’abandonner à lui. C’est ainsi que tu dois avancer ; seule. Et je crois mourir complètement lorsqu’un de tes bras enlace son cou, que je vois ton visage obliquer, tes lèvres s’entrouvrir pour aller cueillir toi-même le baiser d’adieu.  

Je vais défaillir. Combien de temps cela dure-t-il ? Un baiser collé, véritable, les yeux clos, le corps engagé.  

Peut-être d’ailleurs le même malaise t’a étreinte tout à l’heure alors que c’était moi qui m’adonnais à la même activité dans les bras d’Hanako ! Dans l’inconscience du mal que je te faisais.  

Sugar, toi et moi nous sommes-nous tant éloignés qu’un retour l’un vers l’autre est inenvisageable ?  

Vos bouches se séparent enfin, mais il est écrit qu’il te faut me faire mal à nouveau. N’en aurai-je jamais fini ? Tu reposes contre son torse et lui offres la possibilité de te parler doucement. Je vois les lèvres détestées se mouvoir alors qu’il s’épanche… trembler un peu… il te parle si doucement que je ne peux surprendre ses paroles. Une caresse de ta main dans ses cheveux. Tu repositionnes le catogan et lui chuchotes à ton tour quelques mots à l’oreille. Je te hais. Que lui dis-tu ? Sugar ! Regarde-moi !.. Que lui dis-tu ?  

Il ne mérite pas cet adieu-là ! Comment peux-tu te méprendre ainsi ?  

Mais alors que tu quittes le repaire de ses bras entravés, incapables de te retenir, et que tu t’éloignes de lui, c’est un autre danger qui attire mon attention. Je me retourne alors afin d’accueillir les trois visiteurs dont je me doutais bien qu’ils allaient surgir d’un instant à l’autre.  

 

— Monsieur Sato, m’interpelle poliment Tosa Meini.  

 

Ses sbires se positionnent derrière lui, dans une attitude indiquant clairement que leur rôle se borne à protéger l’homme éminent qu’ils accompagnent.  

 

— Hanako chérie, fait-il en apercevant sa fille à mes côtés.  

 

Il se précipite. Ma femme accepte sans broncher l’accolade paternelle ; la protestation, la révolte, que je devine virulentes en elle sont pour le moment muselées et demeurent intérieures. Elle ne rend pas l’embrassade à Tosa, ne se montre pas heureuse des retrouvailles comme certainement il devait s’y attendre. C’est qu’Hanako est toujours enthousiaste quand il s’agit de son géniteur et que, là, elle reste prostrée et continue de l’ignorer. Il est pourtant sincèrement soulagé de constater qu’elle est saine et sauve et encadre le beau visage entre ses mains.  

 

— J’ai eu si peur quand je ne t’ai pas vu revenir à l’hôtel, concède-t-il, aveugle au manque de réactivité d’Ako. J’ai fait aussi vite que j’ai pu.  

 

La face inexpressive de celle qu’il chérit tant l’interpelle enfin. Il fait un pas en arrière, se tourne un instant vers moi et embrasse la scène des yeux, réalise pour la première fois que le sol est jonché de cadavres.  

 

— C’est un véritable charnier. Est-ce que tout s’est bien passé ?  

 

C’est une blague cette question ?  

Mais alors que Meini entame un demi-tour afin de mesurer l’ampleur des dégâts, il s’arrête net. Je distingue très distinctement son corps sursauter, se raidir, ses poings se serrent tout à coup et je devine la blancheur de ses jointures. Il sourde de colère. C’est que Kyô vient à l’instant d’entrer dans son champ de vision. Il se tourne brusquement vers moi, le regard noir, la mâchoire contractée et fait quelques pas pour venir se poster juste face à moi. Il me toise et affiche un air à mi-chemin entre l’explosion et le mépris. Je sais quelle était ma mission : le microfilm et la vie de Kyô. Je sais qu’elle n’est pas menée à bien. Je soutiens le regard animal de mon vis-à-vis, lui et moi nous comprenons sans que la parole ne soit nécessaire.  

 

— Où est le microfilm ? articule-t-il lentement sur un ton d’intimidation que je ne lui connaissais pas.  

— Il est détruit.  

— Comment ça… détruit ?  

— Nous ne l’avons pas trouvé dans la chambre de Kyô, intervient Hanako. Les choses n’ont pas été aussi simples que prévu, nous avons dû affronter de nombreux dangers.  

— Vous n’êtes pas en possession du microfilm ?  

Sa voix est empreinte d’une certaine exaspération.  

— Le microfilm est resté dans la chambre de Kyô et la chambre a été détruite au bazooka, ajouté-je.  

— Un bazooka ? grimace mon cher beau-père en dévisageant mes amis qui sont restés en retrait depuis le début et qui ont toujours leurs armes à portée de main. Qui sont ces gens ?  

— Des amis de Ryô qui nous ont secourus. Sans eux, nous serions peut-être morts à l’heure qu’il est.  

 

Tosa Meini regarde sa fille et prend maintenant conscience des événements traversés.  

 

— Chérie, prononce-t-il tendrement en esquissant un nouveau geste de tendresse.  

 

Mais il se heurte aussitôt à l’attitude défensive de sa fille. Hanako a en effet levé les deux bras en guise de protestation et secoue la tête avec force.  

 

— Stop ! Je ne veux pas que tu me touches. Je ne veux plus que tu me touches !  

— Quoi ? balbutie l’un des hommes les plus influents du Japon.  

 

Il me jette un regard noir.  

 

— C’est quoi cette mascarade ? s’enquiert-il.  

— Je ne suis plus ta fille, assène violemment Hanako. Ou plutôt, tu n’es plus mon père.  

 

Le voile qui a recouvert la voix de l’héritière Meini indique quelle importance revêt sa déclaration. Elle et son père s’observent avec gravité. Immobile tel une statue, pétrifié, Tosa semble avoir cessé de respirer mais, pourtant, il reprend très vite contenance. Il a compris. Evidemment qu’il a compris !  

Il se tourne un bref instant vers l’homme qu’il hait le plus au monde. Kyô lui décoche un sourire dévastateur. Mais l’éminent ne s’en émeut pas ; tout du moins aucune émotion ne transparait en réaction à la provocation de la pieuvre.  

 

— Hanako, je crois qu’une discussion s’impose avant toute réaction épidermique, avant toute décision hâtive.  

— Non, assène-t-elle. Je ne te pardonnerai jamais. Je ne veux plus jamais avoir affaire à toi !  

— Tu ne sais rien de ce qui est vraiment arrivé. Tu ne peux pas comprendre… C’est une histoire d’adultes ma chérie. Une histoire d’amour dont tu ne peux pas comprendre qu’elle a été plus destructrice que tout ce que tu peux imaginer.  

— Crois-tu que je ne sais pas ce que c’est qu’aimer ? Crois-tu que moi non plus je n’ai pas peur chaque jour que cet amour m’échappe ? Je sais ce que c’est que cette fragilité liée à l’amour, je peux imaginer toute la détresse que tu as pu éprouver, la déception, le chagrin, la fureur. Mais je ne peux pas comprendre le geste. Je ne peux pas. Je ne te pardonnerai jamais !  

 

Le père et la fille. Face à face. Le géant accuse le choc avec superbe. Il contemple son enfant dans la haine de lui. Je ne peux m’empêcher d’être encore un peu dans l’admiration de cet homme hors norme. Le charisme naturel, le calme qui le caractérise, le feu sous la glace. Cette personnalité qui a su me séduire et me convaincre.  

 

— Très bien, consent-il rapidement. Comme tu voudras…  

 

Hanako accroche mon regard, désemparée par l’abandon que son père lui accorde aussi facilement. Sans bataille. Je lui fais signe négativement de la tête et m’approche d’elle dans le souci de la réconforter. Son père vient de détourner les talons pour s’approcher de Kyô.  

 

— Sois forte, on va vite partir de là !  

 

Ca y est ! J’ai pris ma décision, je veux la soustraire à tout ce marasme. L’extirper de cette fange nauséabonde qu’elle ne mérite pas le moins du monde.  

Je te lance un regard, tu me souris, je te souris.  

Mais tu te retournes vers le père Meini qui s’adresse à Kyô.  

 

— A nous deux ! lance-t-il d’une voix neutre. Il est grand temps que vous rejoigniez la cellule où vous allez pourrir jusqu’à la fin de vos jours.  

— Que cette perspective est réjouissante ! réponds avec joie la pieuvre relevée sans égard de sa position assise. Quel plaisir de vous retrouver Monsieur Meini !  

 

Mais l’homme de l’ombre du gouvernement ne fait que peu d’état de la fanfaronnade et s’adresse à ses deux sbires.  

 

— Trouvez-moi une trace de ce microfilm ! Appelez tous les hommes disponibles. Je veux la preuve qu’il est bien détruit !  

 

Dans la foulée, il nous considère tous :  

 

— La clé des menottes ?  

 

Saeko se détache du groupe et, silencieusement, confie la clé à Tosa. Après un bref regard sur l’ancienne inspectrice, mon beau-père pousse Kyô sans délicatesse devant lui et le dirige vers la sortie de la propriété. Dans mon champ de vision, tu es en arrière- plan et pourtant je ne vois que toi ! Tu sembles hésiter à suivre la pieuvre, à te mettre à découvert aux yeux de Meini. Je lance une œillade à Mick qui, stratégiquement, s’est placé derrière toi. Il enroule immédiatement un bras autour de ta taille, étouffant dans l’œuf ta volonté d’assister celui à qui tu as déjà trop donné.  

Arrivé à notre niveau, Kyô s’arrête, nous considère avec intérêt, Hanako et moi. Meini ne tente pas de le brusquer davantage pour gagner plus rapidement la sortie.  

 

— Puis-je vous la confier ? me demande-t-il tout bas, de sorte que seuls Hanako et moi entendions.  

 

Je perçois que ma femme s’effondre à ces paroles, elle tremble. Kyô lui jette un regard. Peut-être compatissant, peut-être indifférent, je ne sais.  

 

— Elle n’a besoin de personne, d’aucun protecteur. Elle est bien plus forte que vous ne le pensez !  

 

Ses mots que je prononce solennellement me semblent d’une telle clairvoyance. Enfin !  

Bien sûr que non, tu n’as pas besoin d’un protecteur. J’ai tenu ce rôle trop longtemps et voyons où tout cela nous a menés ! Tout d’abord interpellé par ma réponse, Kyô reste stupéfait un bref instant, puis m’adresse un sourire. Il a compris. Il se tourne de nouveau vers Hanako et d’une voix délibérément forte déclare :  

 

— Chère Hanako, il y a dans ce pays une justice. Quelle belle invention humaine, n’est-ce pas ?  

 

Tandis que la pieuvre s’adresse à sa fille, Tosa m’accorde un regard. Que je soutiens. Sans même que nos lèvres aient besoin de se mouvoir, lui et moi nous nous comprenons. Je ne peux retenir une petite grimace. Est-ce que j’ai un moment d’hésitation ?  

 

— Oui Hanako, et cette justice peut se desservir elle-même. Quelle ironie, non ? J’ai à mes services les plus fameux avocats internationaux, le bras très long et il faudra être très très fort pour réussir à recueillir ne serait-ce qu’une ébauche de preuve contre moi. Dès lundi, je vous en fais la promesse, je serai dehors et libre.  

 

Ma femme ne cille pas, elle n’offre qu’un visage calme et serein à celui qui tente, une fois de plus, de la déstabiliser.  

 

— J’espère au moins que cet état de fait, dont vous ne pouvez douter, vous permettra de mieux accepter ce qui va arriver dans quelques instants, souffle Kyô toujours à l’intention d’Hanako.  

 

La pieuvre a alors un mouvement de recul, se retourne pour faire face à Tosa Meini. Ce dernier ne tente pas de l’en empêcher et accuse les paroles venimeuses :  

 

— C’est quand même incroyable Meini. Qui pouvait croire qu’après l’amour de Takako, je serais parvenu à vous subtiliser celui de votre propre fille ? Je m’épate moi-même ! lance-t-il dans un grand éclat de rire.  

 

Il fait un tour sur lui-même avec le rire vissé à la gorge. Au passage, il te voit mais ne change pas d’attitude et persiste dans le rire sonore, si éloigné de sa nature délicate et guindée. Là encore, je devine la supercherie derrière la crânerie ostentatoire.  

Tosa ne bronche pas, il se saisit fermement du bras de Kyô. Celui-ci cesse enfin de rire et obtempère, précédant l’homme dont il a gâché la vie, homme qui ne perd pas un instant son sang-froid malgré les provocations de son ennemi intime.  

Nous suivons ce couple étrange du regard quelques instants, jusqu’à ce qu’il échappe entièrement à notre champ de vision. Je perçois nettement la tension baisser dans les corps qui m’entourent, comme un soupir général, une prise de conscience que la victoire est enfin acquise. Chez moi pourtant, aucune accalmie, mes muscles restent bandés à leur maximum.  

Hanako me fait face, me tend son sublime sourire, je t’envisage un instant, ton visage reste fermé. Te doutes-tu ? Tu me regardes comme frappée par une révélation. Et c’est la détonation que j’attendais qui met fin tragiquement aux quelques instants de calme que nous venons de traverser…  

 

Un cri dans ta gorge. Que dis-je un cri ? Un hurlement. Ton corps qui échappe à Mick. Et te voilà courant comme on vole vers l’entrée de la propriété, endroit d’où provenait la déflagration. Hurlant toujours.  

 

— Ryô ? me retient Ako en posant sa main sur mon bras alors que je m’apprêtais moi aussi à courir derrière toi.  

 

Elle a les larmes au bord des cils mais je renonce à la réconforter. Tu es mon urgence là maintenant.  

Cet échange a duré une petite seconde mais ne m’a pas retardé, je suis le plus prompt à t’emboîter le pas parmi tous les protagonistes. Et le plus rapide. Le sang bat contre mes tempes alors que j’arrive en trombe pour te retrouver, debout et immobile, devant le corps sans vie de la pieuvre. Nos amis m’ont suivi, Hanako arrive aussi, tremblante.  

Alors que nous nous approchons lentement, on découvre Saburo Kyô étendu, sans vie, la nuque explosée par le coup à bout portant qu’il a reçu. Il est tombé face en avant, son visage est enfoui dans le gazon impeccable du jardin.  

 

— Assassin ! hurles-tu à Meini en te précipitant vers lui et en lui labourant la poitrine de tes poings. Vous l’avez tué. Vous n’aviez pas le droit !  

 

Les sirènes de la police et des secours approchant hurlent de concert avec toi mais ne parviennent pas à couvrir ta voix et accentuent encore le côté dramatique de la scène qui se joue devant nos yeux.  

Le père d’Ako tente tant bien que mal de se défaire de ta rage, parvient à maîtriser tes bras. Mais c’est moi qui te retiens par la taille, t’éloignes de l’éminence japonaise.  

 

— Kaori, calme-toi !  

— Vous l’avez assassiné, vous allez payer ! Comment avez-vous osé ? t’obstines-tu dans les hurlements, crachant, feulant ta colère et tentant de m’échapper afin de te ruer à nouveau sur lui.  

— Qui est-elle ? demande alors Tosa, s’adressant à tous et à personne.  

— C’est l’ancienne partenaire de Ryô, répond Hanako, soucieuse de te couvrir.  

 

Silencieusement mais avec détermination, Saeko, Mick et Umi se sont positionnés derrière nous, signifiant par la même que nous sommes une équipe. Tous les cinq, nous sommes unis ! Tosa nous observe avec attention, je n’ignore pas le minutieux inventaire qui est fait de nous mais je n’ignore pas non plus combien ensemble nous sommes impressionnants. L’homme à qui je dois mon identité d’Okura Sato est fin et intelligent, il comprend très bien le message que nous lui envoyons.  

 

— Il avait une arme sur lui et a tenté de m’abattre, énonce-t-il d’une voix neutre.  

— Menteur ! t’époumones-tu presque en larmes, regardez ! Il a encore des menottes.  

 

Tosa se baisse et ôte les menottes du cadavre.  

 

— Ce sera donc votre parole contre la mienne.  

— Vous l’avez tué comme un lâche, comme vous avez tué…  

 

J’ai resserré si fort mon étreinte, que ton souffle en est coupé. Pardon mon ange. Je te force à engager un demi-tour, à me faire face, à me regarder. Tes yeux sont noyés de rage et de chagrin. J’ai presque l’impression que tu ne me vois pas. Mais je dois faire en sorte que tu m’entendes. D’une main, j’enserre ton visage convulsé, lui impose l’immobilité. Je m’accroche à ton regard.  

 

— Réfléchis Kaori, réfléchis. Ca ne pouvait pas se terminer autrement !  

 

Dans mes bras, tu gesticules de manière désordonnée, tu souhaites t’échapper ; pourtant, je sens tes défenses tomber les unes après les autres. Vas-tu abdiquer ?  

 

— Tu savais ?  

 

Ta voix est si légère, et en même temps si grave. Est-ce une question ou juste une énonciation de la vérité ?  

 

— Ca ne pouvait pas se terminer autrement.  

 

Je ne trouve pas d’autres mots à prononcer. Kyô était une ordure malfaisante dont tu n’as pas cerné tous les contours. Il fallait le mettre hors d’état de nuire et seule la mort en avait les moyens.  

Mes doigts s’effacent de ton visage.  

 

— Je ne voulais pas, te contentes-tu de dire.  

— Je sais.  

 

Les sirènes approchent dangereusement. Tu te détournes de moi, approches le corps de Kyô et t’agenouilles à ses côtés. Meini t’observe étrangement. Je devine qu’il se méfie de toi au plus haut point, tu l’indisposes. Tu lances une main dans les cheveux de celui qui a, malgré tout, réussi à conquérir ton cœur et replaces son catogan ; une nouvelle fois. Cela ne dure qu’un instant. Puis tu te relèves et reviens vers nous.  

 

— Allons-nous-en.  

 

Nous sortons rapidement. J’ai dans ma main la main d’Hanako. Il ne peut en être autrement.  

 

— Je rentre à l’hôtel avec Hanako, annoncé-je. De votre côté, allez tous au Cat’s, je vous rejoins dès que possible.  

 

Personne ne bronche. Tous les yeux sont braqués sur moi, attendant peut-être que je complète mon intervention. Mais il n’y a rien à ajouter. Saeko t’enlace et t’entraîne rapidement loin de l’entrée de la propriété. Tu ne m’as même pas octroyé un regard.  

Umi me dit discrètement :  

 

— Elle a besoin de toi là, tu crois pas ?  

— Oui, tu as raison. Mais Hanako plus encore ! Mick, fais-je en envisageant le blondinet étrangement muet, fais en sorte que Kaori reste bien au Cat’s jusqu’à mon arrivée. Qu’elle ne se carapate pas ! J’espère arriver avant le lever du jour. Mais là tout de suite, …, je ne peux pas. Il y a des priorités.  

 

Je tourne vite les talons, sans attendre le moindre mot de mes amis retrouvés. La mine de Mick était suffisamment éloquente !  

 

Nous regagnons Ako et moi l’intérieur feutré de notre berline. Elle souffle. Notre départ précipité de la propriété, la froideur de Tosa l’ont grandement ébranlée. Je le sais, le perçois. Elle n’ose croiser mon regard tandis que moi j’embrasse sans honte son si charmant profil.  

 

— Tu m’as sauvé ! dis-je simplement.  

— Kaori aussi, me répond-elle en tournant vers moi un visage anxieux. Je n’ai fait que lui passer l’arme.  

— Kaori est une professionnelle. Toi, tu as été la femme la plus courageuse du monde. Et c’est la deuxième fois que tu me sauves !  

— La deuxième fois ?  

— Oui, la première c’était le jour où je t’ai rencontrée !  

 

Je me penche vers elle et lui caresse le visage. Mes doigts me brûlent, j’échappe donc vite à l’étreinte et mets en route la voiture.  

 

 

 

 

 

 


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