Hojo Fan City

 

 

 

Data File

Rated R - Prose

 

Auteur: patatra

Status: Complète

Série: City Hunter

 

Total: 9 chapitres

Publiée: 28-03-12

Mise à jour: 27-03-19

 

Commentaires: 58 reviews

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General

 

Résumé: Un homme règne sur Tokyo : Saburo Kyô, dangereux trafiquant de drogue et d’armes. Pour les puissants, cet individu devient gênant, il a accumulé trop de dossiers compromettants contre tout un chacun. Ryô Saeba, de retour au Japon, est recruté pour exécuter le criminel. A ses côtés, Hanako Meini est là pour l’aider. Mais rien ne se passe comme prévu…

 

Disclaimer: Les personnages de "Japanese story" sont la propriété exclusive de Tsukasa Hojo, sauf Hanako et Saburo que j'ai créés.

 

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   Fanfiction :: Japanese story

 

Chapitre 9 :: L'évidence

Publiée: 27-03-19 - Mise à jour: 27-03-19

Commentaires: Bonjour à tous, eh bien voilà je termine ENFIN cette histoire. J'avoue que cela fait bizarre de mettre le point final, comme si maintenant cette fiction ne m'appartenait plus. C'est un peu vrai je pense. Je vous la confie. J'ai pris plaisir à écrire ce dernier chapitre et j'espère que vous prendrez plaisir à le découvrir. Bonne lecture! remarque: il est possible qu'un jour je publie un OS "suite" de cette histoire.

 


Chapitre: 1 2 3 4 5 6 7 8 9


 

L’EVIDENCE
 

 

 

 

Les rues de Tokyo.  

Alors que je roule à vive allure, ces rues si souvent arpentées, ces autoroutes interminables, ces façades gigantesques vomissant leurs couleurs criardes m’accompagnent dans ma folle traversée. Une ville que j’ai tant aimée ; je m’y sens aujourd’hui étranger. Ma trace s’est effacée, City Hunter est un lointain souvenir et la pègre a de nouveaux ennemis. Il me semble que Tokyo, qui a couvé mes aventures avec tant de bienveillance, a fait peau neuve, elle affiche maintenant un visage plus dur, plus hostile envers moi ; d’autres justiciers ont pris la place que je leur ai abandonnée. Je ne reconnais pas ma ville. Non je ne reconnais plus celle loin de laquelle je ne pouvais envisager de vivre.  

Un rapide regard sur le tableau de bord, il est six heures et quart. Déjà !  

Dors-tu ?  

Non, je suis sûr que tu ne dors pas, tu m’attends. Oui, tu m’attends.  

Le Cat’s n’est plus très loin. Ma tête est vide. J’ai juste hâte de te voir, de te dire... Quoi exactement ? Aussi dingue que cela paraisse, j’en sais rien. Enfin je n’ai pas les détails. Enfin on verra. Je veux pas prévoir.  

J’inspire un grand coup alors que j’appuie sur l’accélérateur, je ne suis plus qu’à une rue de toi !  

 

Ma babine se retrousse alors que je me gare. Mick est dehors, adossé au mur du café. Il fume. Pourquoi cela me semble-t-il de mauvais augure ?  

 

— Cette voiture ne te ressemble pas, me dit-il d’un air las tandis que j’arrive à sa hauteur.  

— Elle n’est pas à moi.  

 

Mon pas ne faiblit pas alors que je passe devant lui et que je me rapproche de la devanture illuminée de l’intérieur. Je n’ai franchement pas envie d’entamer une discussion avec Mick, je ne suis pas d’humeur belliqueuse et tu restes ma priorité absolue. Mais je me gèle tout de même à un mètre de la porte d’entrée et me retourne vers l’empoté qui a deviné ma contrariété.  

 

— Où est-elle ?  

— Partie ! répond-il avec un haussement d’épaule, accentuant encore mon mécontentement.  

— Putain Mick, je t’ai juste demandé de faire en sorte qu’elle soit encore là quand j’arrive !  

— C’était il y a plus de quatre heures Ryô ! Et est-ce que tu connais quelqu’un capable de l’empêcher de n’en faire qu’à à sa tête ? demande-t-il avec une évidente mauvaise foi.  

— Tu fais chier !  

 

Je fais demi-tour et ne lui adresse même pas un regard, mes poings se serrent dans mes poches alors que je constate que tu essaies déjà de m’échapper et que je ne peux compter sur personne d’autre que moi dans cette entreprise qui semble impossible aujourd’hui : avoir de l’intimité avec toi, avoir une… explication.  

 

— Réfléchis Ryo, ose celui qui n’a toujours pas digéré mon départ qu’il a pris pour une désertion. Où peut-elle s’être réfugiée ?  

— Je sais où elle est ! réponds-je sans même me retourner.  

 

Je repars sur les chapeaux de roue, les pneus crissent de rage… de ma rage ! Qu’est-ce que tu veux Kaori, pourquoi cette évaporation ? Souhaites-tu me tester ? Me fuir ? Me montrer que je ne décide pas pour toi où et quand nous nous retrouvons ? Le message est reçu cinq sur cinq Sugar. Maintenant j’arrive. Attends-moi !  

 

J’abandonne la voiture au bas de l’immeuble ; non sans appréhension. Mon cœur palpite de me retrouver ici, les premières lueurs de l’aube caressent timidement les briques rouges, leur donnant vie comme par magie, elles semblent crépiter d’un feu nouveau malgré le froid ambiant. Mes pieds gravissent les marches de l’escalier, je les ai déjà tant foulées qu’il me serait possible de les monter les yeux fermés ; encore aujourd’hui. Des détritus jonchent le sol, une odeur désagréable agresse mes narines. La vie semble avoir déserté les murs qui ont abrité notre quotidien pendant huit années Kaori. Et pourtant, une joie étrange me gagne et je l’identifie sans effort. Il s’agit bien de ces sensations oubliées que je retrouve avec bonheur, cette douce euphorie de me retrouver chez moi, cette impression réconfortante d’être en sécurité. Ah, je me rappelle tous les recoins ! Je me surprends même à reconnaître certains stigmates, gravés là sur le mur, ce bout de marche qui a sauté, ce fil électrique qui pend, ce dessin de gosse, cette vieille affiche… Ah, si ma ville m’a oublié, ces bons vieux murs suintent toujours le bonheur qui s’y est joué entre toi et moi. C’est gravé dans les coups de massue qui les ont abîmés et qui les lézardent toujours, dans nos cris de joie et de fureur qui résonnent encore, certes muettement, mais mes tympans les distinguent dans le silence assourdissant.  

 

J’arrive sur le seuil de notre appartement, je n’y ai plus jamais mis les pieds après mon départ. Non, jamais. Je sais que tu ne t’y trouves pas et, pourtant, je prends le temps de pousser la porte et de m’aventurer dans notre ancienne tanière. Je ne peux réprimer un soupir de tristesse lorsque le carnage s’offre à mes yeux. Tout est saccagé. Eventré le canapé. Explosées sur le sol les bouteilles qui ont tenté de me consoler après que tu m’as abandonné. La table est retournée, les chaises ont perdu leurs pieds, les objets de décoration, pour le peu que je puisse reconnaître, sont brisés. Les murs sont tagués et recouverts d’insultes qui me sont destinées. Ici et là des restes de vaisselle, quelques fripes…  

Quel spectacle de désolation ! Voilà donc ce qu’il reste de nous ? Des miettes éparses sans âme, un amas de riens… Si j’étais superstitieux, je ne lirais que des mauvais présages dans ces obstacles plus ou moins visibles qui encombrent le chemin qui mène à toi ! Je détourne vite les talons et me dirige vers le toit. Là où je sais que tu m’attends.  

 

A peine suis-je parvenu à l’endroit qui a vu tous nos succès, protégé mes démesures et consolé mes chagrins secrets que tu apparais comme un enchantement. Je me pose un instant et encaisse ce nouveau choc. Ma respiration se fait folle, encore une fois…  

Comme dans la maison de Kyô, je ne fais que subir l’émotion sans parvenir à la circonscrire, comme si un incendie dévorant m’embrasait le corps tout entier. Un sourire se peint sur mes lèvres tandis que je plie sous l’impact de la balle invisible qui me déchire ; il en est donc ainsi à chacune de tes apparitions, cela semble inéluctable. Quelle terrible sensation mon ange que de ne rien pouvoir maîtriser ! Ton absence, le manque de toi m’ont-ils rendu si sensible à ta présence ? Ou sont-ce nos retrouvailles qui me bouleversent d’une manière que je ne parviens pas encore à analyser ? Je décide de m’octroyer le temps nécessaire pour reprendre complètement possession de moi-même et en profite pour t’observer. De dos, tu ignores tout de mon arrivée et me laisse le loisir de minutieusement inventorier ta personne. Tu t’es changée. Un jean bleu denim, un blouson noir ample et une paire de baskets blanches t’habillent désormais. Oubliée la robe fauve indécente. C’est cette simplicité qui me chavirait autrefois que tu as choisie pour nos retrouvailles. Je reprends le contrôle de moi. Tes cheveux me semblent plus courts que tout à l’heure, c’est ridicule comme réflexion, je sais. Ils sont indisciplinés et avec cette tenue presque masculine, tu pourrais passer pour un garçon. Je me fais acerbe et n’ignore pas comment ma remarque serait accueillie si j’avais le malheur de te railler à ce sujet. J’avance doucement vers toi. Toujours hypnotisée, tu contemples la ville, droite comme un i, les mains sur la balustrade. Mais très vite je saisis le mouvement involontaire de tes épaules. Ça y est Sugar chérie, tu m’as calculé… Je persévère dans mon approche… Enfin ton profil… Tu m’offres rapidement ton visage, sans tenter de théâtraliser notre premier regard. J’en suis peut-être un peu déçu mais je cours sans hésitation sur ces traits chéris que tu me tends. J’y lis de l’amertume, un fond de tristesse, de l’appréhension peut-être ; la fatigue intense a enroulé des nuages sombres autour de tes yeux. Tes sourcils restent contractés, à l’image de tes lèvres, serrées, presque cadenassées ; en tout cas aucune ombre de sourire ne les fait frissonner. Je ne peux que couler un regard sur ton cou, toujours orné de cet œil de tigre. Un rictus barre ma face au souvenir de ce cadeau de Kyo. Tu as bien évidemment surpris mes pensées, je ne cherche pas à les dissimuler. Tout en me considérant d’un air suspect, tu me jettes un regard vertical afin d’apprécier celui qui se présente devant toi.  

Et oui mon ange, moi aussi je me suis changé ! Je te vois impressionnée alors que, face à toi, c’est l’ancien City Hunter qui est de retour.  

 

— L’appartement est dans un état désastreux, entamé-je.  

— Oui, je sais…  

 

Tu sembles réfléchir.  

 

— Depuis quand es-tu de retour au Japon ?  

— Quelques jours, réponds-je volontairement flou.  

— Et tu n’as pas remis les pieds ici avant aujourd’hui ?  

 

Je reste muet quelques instants.  

 

— Non.  

 

Nos regards se croisent et je sens la distance qui nous sépare croître extraordinairement malgré le sourire sans joie qui étire tes pâles lèvres. Je devine à ton silence que tu es revenue chez nous. Peut-être à plusieurs reprises. Que puis-je dire pour intercéder en ma faveur ?  

 

— Comment va Hanako ? t’inquiètes-tu sincèrement, brisant par la même occasion le silence embarrassant.  

 

J’ignore comment envisager la réponse. Mentir ? Dire simplement la vérité ?  

 

— Ça va… consens-je à t’abandonner.  

 

S’imposent à moi les récents échanges avec celle qui a souffert plus que tout un chacun ce soir. Je secoue ma caboche ravagée, je ne veux pas, je refuse que tout se télescope, m’éloigner de toi d’une quelconque façon.  

 

— A-t-elle vu son père ?  

— Non… je crois qu’il lui faudra beaucoup de temps avant qu’elle ne puisse échanger avec lui.  

— Je n’aime pas cet homme, confies-tu, directe. Il est froid et lâche… et dangereux.  

— Tu ne connais qu’une certaine facette de Tosa. Ne crois pas qu’il puisse être résumé à ce que tu as appris de lui ce soir. C’est un homme qui a beaucoup plus de qualités qu’il n’y parait.  

 

Je déglutis. Tu viens de poser sur moi des yeux si durs mon ange, si froids, si accusateurs peut-être même.  

 

— Tu savais, me reproches-tu directement.  

 

Je me mure dans le silence et tu reprends :  

 

— Tu savais ce que Meini prévoyait de faire à Saburo ! Qu’il allait le tuer dès qu’il en avait l’occasion.  

— Kaori, ne puis-je que murmurer en tentant un geste de réconfort, ma main qui se tend vers toi.  

 

Et toi qui la repousses.  

 

— Il l’a abattu comme un chien. Quoi de plus lâche Ryô ? Comment peux-tu cautionner ça ?... Ah oui, ce n’est qu’une facette ?... Est-ce une plaisanterie ?  

— Je pense qu’il n’y avait pas d’autre moyen de maîtriser Kyo, de l’empêcher de nuire. La justice aurait été impuissante face à lui, crois-moi.  

— Ryô ! tonnes-tu. Tu es en train de parler de la vie d’un homme.  

— Oui, convins-je. D’un homme qui, lui, a écrasé des centaines, des milliers, des dizaines de milliers de vies sans jamais en recueillir le moindre remords. Un homme dont tu n’imagines peut-être même pas à quel point il était pourri jusqu’à l’os… Un homme dont tu étais amoureuse. Certes.  

 

Le fiel emplit ma bouche. Je hais cette idée Sugar ! Cette idée que tu as pu donner ton cœur à cette ordure malfaisante. Comment as-tu pu à ce point te fourvoyer ?  

 

— Comment as-tu pu à ce point te tromper Kaori ?  

 

Les larmes abordent tes yeux. Tu fuies mon regard, tu te retournes et replonges dans la contemplation de la ville. Tu m’échappes une fois encore.  

 

— Tu ne peux pas comprendre, lâches-tu avec facilité.  

 

Ben voyons !  

Tu as courbé l’échine et te cramponne à la balustrade. Ces minutes sont douloureuses et je devine la blessure de la perte de Kyô plus vive que je ne l’aurais cru. J’en suis jaloux, atrocement jaloux. Je dois avouer t’avoir rêvée plus investie dans nos retrouvailles, plus troublée par mon retour dans ta vie que ce que tu affiches maintenant. Déçu ? En fait, rien ne se passe comme j’avais pu le prévoir lorsque tu m’es apparue dans cette salle de concert. Tout me semblait alors si limpide, si simple, si naturel. Nos retrouvailles, nos sentiments, l’évidence… Oui l’évidence. En réalité, rien n’est évident ; rien n’est plus évident. Je m’assois sur la balustrade, à quelque deux mètres de toi, renonçant à pénétrer plus avant ta sphère d’intimité, cette distance de sécurité que tu m’imposes en toute conscience.  

Tu te relèves doucement et m’envisages avec un regard désolé mais frondeur.  

 

— Tu as raison Ryô. Je n’ai jamais vraiment su choisir les hommes dont je suis tombée amoureuse. Il y en a eu peu mais avec chacun d’eux ça a été un fiasco total !  

 

Nos yeux se croisent. Les non-dits implicites s’étalent dans nos regards. Toi et moi nous savons. Oui, je lis dans tes prunelles et tu lis certainement dans les miennes. Et je te hais. Oui je te hais Kaori d’ainsi me mêler à ces autres qui t’ont aimée et que tu as aimés : Eichi, Kyo. Tu n’as pas le droit. Comment peux-tu ainsi dénigrer ce que nous avons partagé ? Je reste personnellement persuadé que notre amour était unique, inégalable, malgré ce que tu viens de me lancer à la gueule. Inégalable et incomparable. Suis-je le seul ici ce matin à me souvenir de ces années de bonheur ? Nous retrouvons-nous sur ce toit, notre toit, dans l’unique but de nous faire mal ? Car là, tout de suite, j’ai mal à en crever.  

 

— La place de Tosa Meini, persévères-tu dans le conflit, est dans une prison. D’après ce que j’ai compris, il a assassiné sa femme. Et cette nuit, il a abattu de sang froid un homme incapable de se défendre. Nul ne peut se substituer à la justice Ryô.  

— N’est-ce pas ce que l’on a toujours fait ?  

— Je ne pense pas… mon frère avait un autre idéal. Nous deux – tu hésites – nous deux nous épaulions la police, nous agissions selon un code moral profondément juste. Je te retrouve aujourd’hui avec des valeurs bien différentes de celles que nous défendions.  

— Kyo était une ordure, comme nous en avons peu connues.  

— Meini en est une aussi !  

— Je ne partage pas ton avis.  

— Bien sûr, ricanes-tu, c’est le père de ta femme !  

 

Je me tais. Je me sais de mauvaise foi sur ce dossier-là. Hanako ne supporterait pas que le nom de son père soit traîné dans la boue, qu’on remonte à la surface ces histoires nauséabondes, que sa mère soit jetée en pâture aux vautours, ces anciens corrompus de Kyo qui, la liberté recouvrée, se découvrent une âme de juge de moralité. Non, je ne laisserais personne pourrir le nom des Meini.  

 

— Hanako en a suffisamment bavé. Nous ne lui infligerons aucune autre épreuve, je ne le permettrai pas. Tosa devra vivre le restant de ses jours avec le regard de sa fille, peut-être même avec sa haine ou son absence ; quoi qu’il en soit Ako ne lui pardonnera pas. Et je pense que cette croix est déjà suffisamment lourde à porter pour lui.  

— Saburo n’est pas quantité négligeable, je ne le veux pas, ajoutes-tu avec émotion.  

— J’ai un avis différent. Mais je veux bien croire que l’amour rend aveugle.  

— Je te retourne le compliment.  

 

Encore une fois, la tension entre nous est grande. J’assiste, médusé, à cette joute verbale, nous sommes tous deux sur la défensive mais en même temps si prompts à passer à l’attaque. Quoi que j’en pense, je participe avec hargne à ce pseudo affrontement, c’est plus fort que moi. Pourquoi est-ce toujours si compliqué entre nous ? Ne pouvons-nous nous tomber dans les bras et simplement savourer le bonheur de nous retrouver ? T’étreindre, je voudrais t’étreindre. Laisse m’en la possibilité Kaori. S’il te plaît, dépose les armes !  

 

— Je ne suis pas insensible au sort d’Hanako, consens-tu enfin à abandonner dans mon sens. Je ne lui souhaite que le meilleur.  

 

Tes yeux me sondent et je comprends qu’il est question de moi.  

 

— Elle va avoir besoin de soutien, persévères-tu. Du tien particulièrement.  

— Je sais… je serai présent évidemment.  

— Cette nuit, elle a été épatante malgré le ciel qui lui tombait sur la tête. Elle t’a sauvé Ryô.  

— Je lui dois beaucoup. Et à toi aussi.  

— Il faut croire que j’ai encore quelques aptitudes.  

— J’aurais préféré que tu vises le cœur ou la tête, ne puis-je m’empêcher de remarquer au souvenir de la main blessée de mon ennemi.  

— Ryô, j’ai agi par instinct, sans réfléchir. Hanako, elle, a fait preuve d’un courage exemplaire. L’amour donne des ailes et j’ai été impressionnée par ce qu’elle a enduré et surpasser avec panache.  

— Je sais.  

 

Ma voix s’est faite murmure alors que je reconnais devant toi l’amour dévorant que me porte celle que j’ai élue il y a trois ans de cela. Amour qui t’a sauté aux yeux et qui, je le devine, reste pour toi un sujet d’incompréhension. « Je ne pensais pas te revoir mon ange, cela a été un réflexe de survie. Hanako. »  

 

— Mais son père, lui, ne m’inspire aucune confiance.  

— Je crois que la réciproque est vraie Kaori. Il n’a pas du tout apprécié la façon dont tu es intervenue.  

 

C’est vrai. Une sirène s’est mise en alerte en moi cette nuit tandis que les yeux de celui qui m’a sorti de la clandestinité se posaient sur toi. Je connais Tosa. Je n’ignore pas les aptitudes hors pair de cet homme d’exception. Dire que je le crains serait mensonge mais mon admiration pour lui, dont je ne cerne pas les exactes limites, mêlée à cette étrange reconnaissance m’enjoignent au qui-vive, à la plus grande prudence. Quelle que soit l’issue entre nous Sugar, hors de question que tu échappes à ma protection.  

 

— J’ai aussi ressenti sa hargne envers moi mais je saurai me mettre à l’abri, je ne m’inquiète pas.  

 

Je souris tandis que renaît en toi cette petite assurance, cette posture que tu viens de prendre sans même en avoir conscience. Oui, tu viens de faire demi-tour contre la balustrade, repose contre elle, les mains de chaque côté de tes cuisses, tu poses sur moi un regard fier et sûr. J’aime. Oui, j’aime lorsque je retrouve mon ancienne partenaire.  

 

— Que vas-tu faire du microfilm ?  

 

Ma question te surprend. Tes yeux écarquillés et tes lèvres qui s’entrouvrent indiquent ton grand étonnement.  

 

— Comment sais-tu ?  

— Hum… As-tu oublié que je suis le grand Ryô Saeba ? m’enquis-je fièrement en bombant le torse.  

 

Tes lèvres s’étirent dans un sourire que je trouve merveilleux, bien que peu démonstratif. Tu me couves d’un regard indéchiffrable.  

 

— J’ai repensé à ce que Kyô m’avait dit. Je ne pouvais pas passer à côté d’un quelconque détail dans sa chambre. Le microfilm n’y était plus ! Ensuite, à plusieurs reprises, il a dit que j’avais désormais tout ce qu’il avait de plus précieux. J’en ai déduit que je t’avais toi et le microfilm.  

— Tu n’as rien Ryô.  

 

Je fronce les sourcils. Tu veux encore tendre notre échange. Baisseras-tu la garde durablement ? Je vais en tout cas m’efforcer de t’y contraindre.  

 

— Et en réfléchissant, j’ai pensé à ce cadeau.  

 

Je m’approche avec prudence, me positionne devant toi, te domine de toute ma hauteur. Que j’aime les yeux impressionnés que tu lèves vers moi. Tu ne parviens pas à les habiller complètement de fâcherie ou de froideur. Non, ils ne sont maintenant que le reflet du trouble que je t’inspire. Encore un peu. J’accuse le choc dans mon ventre. Je lève lentement la main et effleure ton cou précautionneusement. J’appréhende ta réaction. Ta peau est si douce mon ange. Elle se couvre à mon contact de frissons et je croule sous le bonheur de cette acceptation que tu m’offres. Le droit de te toucher. Au moins un peu. Car je ne peux que reconnaître que depuis nos retrouvailles, les occasions de contact physique ne se sont pas beaucoup présentées alors que je les convoite tant. Il n’y a eu que ce cajibi de merde !  

Je caresse ton cou, pénètre tes iris du regard et enfin parviens au collier œil de tigre que tu as gardé précieusement. Collier dans lequel est caché le mystérieux microfilm.  

 

— Il me l’a dit à la toute fin, confesses-tu doucement.  

— Que comptes-tu en faire ?  

— Pour le moment, je vais le mettre en lieu sûr. Il sera je pense mon meilleur allié pour me prémunir de Meini. Je ne le mènerai pas à la police si c’est le sens de ta question. Je ne ferai rien qui puisse blesser Hanako, je te promets.  

 

Tu te lèves et m’échappes à nouveau, me soustrais ton regard, délaisses ma main. Tes pas t’éloignent de moi. Deux mètres, trois, quatre…  

 

— Kaori, laissé-je échapper dans un soupir d’exaspération en me retournant vers toi.  

— Je compte rentrer à Osaka le plus rapidement possible. Reprendre le cours de ma vie.  

 

Tu as fait volte-face, tu m’observes. Je reste impassible, mes traits se durcissent légèrement, je ne parviens pas à tout maîtriser parfaitement comme à mon habitude. Tes yeux s’obscurcissent aussi et se teintent d’agressivité. Encore !  

 

— Est-ce vraiment si urgent ?  

— Tokyo ne m’a offert que des désillusions.  

 

Ma bouche s’assèche et je déteste la distance qui nous sépare et qui m’interdit de lire dans tes yeux avec plus de facilité. Une sourde colère commence à me gagner, gronde dans ma poitrine. Pourquoi es-tu si différente de ce que j’ai connu ? Je ne te reconnais pas Kaori. Tu ne me laisses aucune possibilité de t’atteindre et tu t’acharnes à refermer toutes les portes que je parviens à entrouvrir. Me fuir. Est-ce là le seul objectif qui t’anime ?  

 

— Moi je vais rester.  

— Ah bon ? demandes-tu, interloquée.  

— J’ai une ville et des amis à reconquérir.  

 

Tu lèves des sourcils approbateurs, ces délicieuses arabesques fantasques capturent mon attention. Les baiser, suivre leur contour du doigt.  

 

— Très bonne idée, abondes-tu. Tu as du pain sur la planche avec Mick.  

— Je crois qu’il n’a pas digéré mon départ du Japon.  

— Je pense pour ma part qu’il n’a pas digéré que tu ne l’en informes pas avant, que tu ne donnes pas de nouvelles ni de signe de vie, que tu te volatilises. Tout le monde par contre peut comprendre que tu aies voulu vivre ton histoire d’amour et que cela t’ait amené à quitter le pays.  

 

Tu assènes les mots avec distanciation, sans verser dans l’émotion, sans bienveillance. Tu es si éloignée de la femme qui veillait sur moi avec tant de frénésie, mon amie intime, mon âme sœur. Y a-t-il quelque chose de moi qui te touche encore ou ne ressens-tu plus qu’indifférence à mon endroit ? Les heures traversées dans la maison de Kyô ne m’avaient pas fait toucher cette réalité qui me saute aux yeux ce matin. Je suis désorienté à vrai dire. Et toi, tu décides de ne pas creuser davantage les raisons obscures de mon départ ; il est trop simple Kaori de ne pas envisager ce côté-là de ma fuite en avant.  

 

— Je ne te reconnais pas, me décidé-je à parler plus clairement. Où est la jeune femme qui a partagé ma vie et en a été le soleil pendant huit années ?  

 

Tu t’es statufiée, je te vois chanceler. Cet aveu que je t’abandonne est difficile à accueillir pour toi. Evidemment, tu nies depuis mon arrivée tout sentiment entre nous, au nom de ce que j’ai pu construire loin de toi.  

 

— Cette Kaori là n’est plus, te rebelles-tu avec grandiloquence. Il est tellement moins douloureux de ne plus être celle que j’étais Ryô. J’en ai bavé quand je suis rentrée d’Angleterre… Et j’en ai bavé aussi cette nuit…  

— Je sais.  

— Te revoir…  

 

Tu t’es rapprochée de moi, magnétique, nos regards restent enchevêtrés, le souffle s’est figé dans ma poitrine, mes yeux s’écarquillent et la colère s’évanouit. La lumière enfin. Je te devine enfin derrière ces airs froids et insensibles que tu m’opposes. C’est une timide victoire mais elle insuffle l’espoir en moi.  

 

— C’était un réflexe de survie que de me blinder, me protéger. Devenir forte.  

— Tu n’as jamais été faible.  

— Mais tellement affaiblie. Tu n’imagines pas, confies-tu dans un murmure. Tu n’étais pas là.  

 

C’est un reproche, je le sais. Tu poursuis.  

 

— Aussi te revoir…  

 

Tu as gelé ton rapprochement à une distance où je ne peux t’atteindre physiquement. Hors de portée. Toujours. Une grimace déforme ma face alors que j’assiste à ton nouveau renoncement.  

 

— Toi aussi tu as changé Ryô, me lances-tu avec un sourire amer. Mais tu as changé d’une toute autre façon que moi. Tu as merveilleusement changé en fait.  

 

Je n’aime pas le ton résolu que tu viens d’employer. J’ai changé, oui. Mais comment interprètes-tu ce changement ?  

 

— Tu as merveilleusement choisi la femme qui t’accompagne dans la vie.  

 

Je souris et réplique, acerbe :  

 

— Permets-moi de ne pas te retourner le compliment.  

— Jamais je n’ai eu accès à cette facette-là de toi, je ne l’avais pas devinée, poursuis-tu, sourde à ma détestable remarque. En fait Ryô, je me suis rendue compte cette nuit que je ne te connaissais pas.  

— Arrête de dire des conneries, personne ne me connaît mieux que toi !  

— Non, assènes-tu en ébouriffant ta chevelure, je t’assure que non, et j’en suis consciente. Jamais je n’aurais pu t’envisager amoureux comme tu l’es aujourd’hui, aussi prévenant et tendre, si impliqué, si peu obsédé.  

— Je suis toujours obsédé !  

— Tant mieux pour elle alors, abandonnes-tu avec un sourire sans joie qui me cloue de douleur. Hanako a beaucoup de chance d’être aimée ainsi, aussi totalement, aussi… facilement. Votre amour saute aux yeux Ryô et il est simplement beau ! Cette nuit vous avez été deux amoureux veillant l’un sur l’autre avec tant de bienveillance et d’abnégation. Je suis réellement heureuse d’avoir pu assister à cela.  

 

Que puis-je répondre ?  

 

— Les choses ne sont pas si simples Kaori, objecté-je avec force. Tu ne peux pas tout résumer comme ça, d’après ce que tu as vu sur quelques heures. Je pense ne pas être aussi lisible que tu le prétends !  

— Détrompe-toi, te précipites-tu, tu ne peux pas nier l’évidence. C’est ce qu’il y a de plus beau dans l’amour, l’évidence ! Tu es tout sauf lisible Ryô, c’est vrai. Mais votre amour est d’une telle évidence que c’en est bouleversant. Surtout pour moi qui t’ai connu… avant.  

— Tu exagères.  

— Tu es apaisé. L’amour t’a rendu serein et apaisé. Tout ce que j’ai toujours souhaité pour toi… et que tu n’étais pas lorsque j’étais à tes côtés.  

 

Tes mots m’assaillent et insinuent le doute dans mon esprit. Merde ! Mon évidence à moi c’était toi ! c’est toi !  

 

— Cela me fait infiniment plaisir de t’avoir retrouvé en si bonne compagnie, poursuis-tu. Je suis maintenant rassurée sur ce que tu vis… ton bonheur.  

 

Je me retourne et préfère te fuir un instant. Tu restes immobile dans mon dos. Mes mains passent dans mes cheveux, tentent un réconfort que rien ne semble pouvoir me procurer. Des doutes affreux me taraudent. Me viennent là maintenant en gerbes dorées dans le crane les pleurs d’Hanako, ses larmes silencieuses, si douloureuses, juste avant que je ne m’arrache à elle pour te rejoindre. A l’hôtel. Ses suppliques pour que je ne parte pas cette nuit. Sa dignité exemplaire. Encore une fois. Moi qui ne rêve que de toi, insensible à son besoin de moi, à sa douleur incommensurable due aux multiples blessures reçues durant cette nuit cauchemardesque. Moi auprès d’elle, voilà sa seule doléance. Et moi j’y suis sourd, dégoulinant d’égoïsme, entièrement préoccupé par nos retrouvailles, presqu’indifférent à son chagrin car tu m’habites entièrement. Alors c’est vrai, j’ai promis. Oui j’ai beaucoup promis à Hanako cette nuit mais je ne lui ai rien caché de ce que tu représentes pour moi, de l’orientation que je veux donner à ma vie. Te retrouver Sugar ! Voilà la seule certitude qui m’étreint. Alors pourquoi ces doutes ? A cause de cette facilité que tu évoques ? Oui tu as raison Kaori, avec Hanako tout est simple. Et avec toi, c’est si difficile !  

 

— Je vais rentrer, je suis fatiguée, abandonnes-tu dans mon dos.  

 

Un petit gémissement trouve le chemin de mon larynx, bien malgré moi. Tu dois en être surprise. Je me retourne et te dévisage à nouveau, te fais front. « Vas-y, fuis-moi ! » Tu te mords les lèvres, ta joue tressaute légèrement. Je ne te faciliterai pas la tâche ! Fais-moi donc tes adieux en face Sugar. Regarde-moi dans les yeux et fais vraiment tout ce que tu peux pour t’éloigner à des années-lumière de moi ! J’ai bien compris que c’était là ton dessein depuis qu’on s’est retrouvé sur ce toit. M’abandonner à un bonheur que tu crois total. Mais je ne te faciliterai pas la tâche. Regarde-moi dans les yeux, assume ton choix et fais-moi tes adieux !  

Tu déglutis.  

 

— Tiens.  

 

Tu viens de sortir d’une de tes poches le smith et wesson qui était ton arme lorsque nous œuvrions tous deux en tant que City Hunter et avec laquelle tu as combattu à mes côtés cette nuit. Le choc est rude pour moi. Encore ! Ton ultime bassesse ; coup de maître. Tu me tends ce revolver.  

 

— Il est à toi, je n’en veux pas. Il pourra te servir à Osaka. Te protéger.  

— Comme tu veux…  

 

Tu le remets dans la poche de ce détestable blouson noir. Je crois percevoir un instant d’hésitation dans ta posture, un regret peut-être. Si tu savais comme je te hais à cet instant. Je me hais tout autant Sugar, je te rassure. Je suis dans la même incapacité que toi d’inverser le cours des événements, de t’empêcher de briser définitivement ce que nous étions. La décision t’appartient, tu t’y appliques magistralement, gelant toutes mes tentatives de rapprochement.  

 

— Sois heureux !  

 

Ton sourire bienveillant est plus piquant qu’une gifle. J’ouvre les bras, peins un sourire de façade sur mes lèvres désolées.  

 

— Tu m’embrasses quand même ?  

 

Un instant tu hésites. Voilà donc le moment tant redouté, hein Sugar. Mais tu ne cilles pas et te fonds dans mes bras. Mon cœur s’est arrêté car c’est une vraie accolade que tu daignes m’octroyer, je n’en demandais pas tant, j’imaginais au contraire un semblant de baiser. Je respire tes cheveux tandis que je referme les bras sur toi, cette douce odeur qui était mon quotidien m’emplit les narines et me ravit ; mais ce ravissement a une saveur bien aigre. Mes paupières glissent un voile noir sur mes iris. Privé du sens de la vue, me voilà entièrement concentré sur les autres sensations que je retire de ta présence, j’apprécie la chaleur de ton corps, m’octroie le droit de te caresser le dos avec mon pouce, si légèrement qu’il est à se demander si tu perçois l’infime mouvement. Je te berce doucement. Te respire encore et encore. Et dépose un tendre baiser sur ton front. Presqu’à regret, je le ressens, tu t’arraches à mon étreinte. Tu n’as rien communiqué de ton émoi, rien consenti à me donner mais je crois, enfin je me permets d’espérer, que tu as pris tout ce que moi j’ai tenté de te donner.  

 

— Sois heureux Ryô, répètes-tu d’une voix qui ne trahit rien de ce que tu ressens.  

— Promis.  

 

Je caresse ta joue, mes doigts s’enflamment.  

 

— Sois heureuse, prononcé-je avec difficulté.  

 

Tu souris et acquiesce en silence. L’arrachement à mon regard est une déchirure insupportable. Tu t’éloignes.  

Putain Kaori, tu t’éloignes ! Je reste là, con comme une buse, à te regarder te diriger vers la porte de sortie. Retoune-toi ! Retourne-toi !  

 

— Retourne-toi…  

 

J’ai parlé si bas. Aucune hésitation dans l’allure que tu as adoptée. Déjà tu parviens à la porte et l’ouvre sans l’ombre d’un regard pour moi.  

 

— Retourne-toi !  

 

Tu as quitté le toit terrasse. Une douleur monumentale désagrège mon corps tout entier dans la simultanéité de ton évaporation, je souffre à en crever, je plie sous la douloureuse déflagration là dans ma poitrine. Ça fait si mal. Mes yeux se noient, c’est une sensation si étrange. Te perdre une fois encore. Comment renoncer ?  

Te dire… au moins te dire…  

Sans réfléchir, je me lance à ta poursuite. La porte s’ouvre à la volée, je dévale les escaliers. Tu n’es pas encore parvenue au bas de l’immeuble et, alors que je crie ton prénom pour que tu m’attendes, je t’aperçois enfin. Pétrifiée, la main sur la rampe, les yeux effrayés levés vers le fou qui te poursuis. J’arrive à ta hauteur et, sans me donner le temps de la réflexion, ni pour toi celui de la protestation, je cède à mon envie première. Te serrer. Je t’enlace donc de force, noue mes mains dans le bas de ton dos, enfouis mon visage dans ton cou ; brutalement je te colle à moi et nous nous effondrons ensemble contre le mur.  

 

— Kaori, laisse-moi te dire.  

 

Tu es si surprise, j’ai usé de ma force et le choc de mon corps contre le tien t’a coupé la respiration, tu peines à recouvrer ton souffle et tes esprits.  

 

— J’ai besoin que tu saches et j’ai besoin de savoir.  

— Ryô, s’il te plaît non, implores-tu.  

 

Je me décolle légèrement mais maintiens mon emprise. Hors de question que je ne m’épanche pas, que je te donne la satisfaction de rester dans l’ignorance de mes sentiments. Tu dois savoir ! Tu as emboîté les pièces du puzzle en forçant pour qu’elles s’encastrent les unes dans les autres, peu importe la cohérence du résultat. Il ne représente pas la réalité Sugar, tu as tout déformé !  

Nos yeux se rencontrent, les tiens sont affolés et ont perdu de leur assurance. J’emprisonne ta bouille dans ma main droite, te contrains à subir mon discours au plus près de ma bouche, te coupe toute possibilité de retraite. Ne tente pas de t’échapper, je suis plus fort que toi.  

 

— Qu’as-tu ressenti Kaori ? Quand tu m’as revu chez Kyô, qu’as-tu ressenti ?  

— Rien. Lâche-moi !  

— Je ne te crois pas. Qu’as-tu ressenti lorsque tu m’as retrouvé ?  

— J’étais contente évidemment, consens-tu à m’abandonner, mauvaise.  

 

Comment oses-tu utiliser ce mot ? Contente ? Je devine à ton regard apeuré que tu vas tout tenter pour me désamorcer.  

 

— Moi je t’ai revue pour la première fois dans la salle de concert Kaori. Je n’étais pas content, ni heureux seulement, je mourais de bonheur, je crevais de te retrouver. Un tsunami aurait provoqué moins de dégât, tu comprends ?  

— Tais-toi Ryô s’il te plaît. Je ne veux pas.  

— Ecoute-moi !  

 

Je force un peu plus sur ta mâchoire, approche davantage mon visage, que j’imagine crispé, je lis dans ton regard l’effarement de l’affrontement que je t’impose. Mais je m’en fous royalement. Comme je me fiche de la pression que ta main refermée sur mon bras tente d’y apposer. Je poursuis, sourd à tes jérémiades.  

 

— Te revoir me fait autant de mal que de bien Sugar. Bien sûr, il y avait à tes côtés la pire immondice qui soit, celle à qui tu as donné des droits sur ton corps, sur ton cœur. Cela me donne une nausée que tu ne peux pas imaginer. Mais Kaori, dès que je t’ai vue, j’ai sombré dans une folie sans nom, dans l’euphorie que tu me reviennes, dans la douleur de ces sentiments qui entre nous ne peuvent pas être tièdes.  

— C’est un euphémisme ça ! grondes-tu, soucieuse de souffler le froid une fois encore.  

 

Tes prunelles s’obscurcissent et communiquent leur désaccord à mon discours, je suis si proche de toi que je découvre avec ravissement les nuances de l’orage qui s’installe dans tes yeux furieux.  

 

— Toi et moi c’était glacial, relèves-tu avec un plaisir non feint.  

— Tu es de mauvaise foi !  

— Rien à voir avec ce que tu vis aujourd’hui.  

— Non rien à voir, admets-je avec un petit sourire.  

 

Tu détestes visiblement l’assurance que j’emprunte, tes sourcils sont contractés et surlignent l’orage de tes yeux.  

 

— Cela n’a plus d’importance maintenant.  

— Comment oses-tu dire ça ? interrogé-je quelque peu désarçonné par cette froideur dont tu ne te dépares pas.  

— Nos chemins se sont séparés lors de mon départ pour l’Angleterre.  

 

Je reste coi un instant tandis que ta réflexion ouvre une nouvelle piste.  

 

— M’en veux-tu à ce point de ne pas t’avoir retenue ?  

 

Tu ne réponds pas et te contentes de darder tes prunelles sombres sur moi.  

 

— Pardonne-moi Kaori, reprends-je légèrement échauffé. Pardonne-moi d’avoir cru qu’Eichi était l’homme parfait pour toi ! D’avoir tout sacrifié pour le bonheur que je devinais avec celui à qui tu avais si facilement cédé. La fameuse évidence dont tu parlais.  

— C’est trop facile.  

— Tu crois que crever de jalousie c’est trop facile ? Laisse-moi rire !  

— Je suis revenue. Tu n’étais pas là.  

— Excuse-moi d’avoir voulu survivre aussi.  

— Eh bien Hanako est vraiment douée pour assurer ta survie on dirait !  

— Tu vois bien que c’est insupportable de crever de jalousie Kaori !  

— Lâche-moi ! protestes-tu en te débattant.  

 

Peine perdue.  

 

— Jamais de la vie !  

 

Tes yeux s’embuent de larmes. Je m’en veux de te faire si mal.  

 

— Kaori s’il te plaît fais un pas vers moi. Je suis là à te supplier de faire un pas vers moi et toi tu repousses chacune de mes tentatives. Si tu ne m’aimes plus, dis-le-moi tout simplement.  

 

Un froid intense s’empare de tout mon corps alors que je me sens plus en danger que contre n’importe quel ennemi combattu. Mon cœur est entre tes mains Sugar. Je te vois blêmir également, mal à l’aise.  

 

— Je n’ai jamais dit que je t’aimais.  

 

Tu tentes une pirouette.  

 

— Les mots sont-ils toujours nécessaires ?  

— On ne peut pas toujours tout deviner.  

— Je connais mes torts Kaori, réponds-je conscient de mes manquements d’autrefois.  

— Tu es toujours aussi présomptueux.  

— Oui je suis présomptueux, je te l’accorde ! Je suis Ryô Saeba de City Hunter. Ma partenaire est Kaori Makimura. Je veux reprendre du service avec toi, je veux reprendre ma vie auprès de toi.  

— Crois-tu que c’est aussi simple ?  

— Oui je le crois, je le veux. Et toi le veux-tu ?  

— Tout a changé, argues-tu avec, toutefois, un ton et une attitude moins réfractaires.  

— Je sais. Ne pense pas que je veuille un retour aveugle à notre ancienne vie. Il nous faudra tout reconstruire. Différemment.  

— Ça n’est pas possible ça, résistes-tu encore un peu mais je te sens réceptive à la caresse que je m’autorise sur ta joue.  

— Tout est possible si on le veut ! Je n’ai aucune certitude Kaori. Je ne sais pas où, quand, comment. Les règles sont à redéfinir. Je sais juste que je suis fracassé sans toi… et un peu fracassé avec toi aussi.  

 

Tu sembles bouleversée. Tes pommettes se couvrent de rose, enfin, et ta main désapprobatrice s’est effacée de mon bras. A ma dernière remarque, tu me tends un petit sourire. Il ne s’agit pas que de tes massues mon ange.  

 

— Je ne veux pas qu’on s’aime comme ça, continué-je avec, malgré tout, la certitude que notre relation sera toujours houleuse et passionnelle. Je veux qu’on arrête de se faire mal.  

 

Je desserre mon étreinte sur ton visage et sonde tes yeux épuisés. C’est alors que le miracle se produit.  

Tu me retiens en posant tes mains sur mes avant-bras, tu les replaces sur tes hanches dans une lente et molle cérémonie. Mes doigts effleurent le tee-shirt sous le blouson, retrouvent ta chaleur. A ce moment, tu enchevêtres nos regards, j’aimerais tant avoir accès à tes pensées là maintenant tout de suite. Savoir quelles sont tes craintes, je les devine dans ces ombres sur ton visage. Appréhender tes doutes et soulager les hésitations qui ternissent l’éclat de tes prunelles. Museler les objections qui persistent encore sur ta langue. Je te sais dorénavant acquise à ma cause. Tu n’as pas besoin de parler pour que je comprenne que mes sentiments trouvent écho dans ton cœur mais tu es si blessée mon ange. Si blessée et si dure que chez moi aussi des doutes naissent sur notre capacité à surmonter tous les obstacles qui ne manqueront pas de se dresser sur le chemin de notre reconstruction.  

L’obstacle principal est et restera Hanako. Je le sais et je repousse loin de nous la présence invisible de celle que je n’ai pas totalement repoussée.  

Tu noues tes bras dans mon cou, je t’attire contre moi, je veux être plus près de toi encore. Je veux être en toi.  

Tu te hausses sur la pointe des pieds et tu t’approches de mon oreille pour y glisser des mots qui m’affolent déjà.  

 

— Je t’aime Ryô, je n’ai jamais aimé que toi, je n’ai jamais cessé de t’aimer.  

 

Mes dents malmènent ma lèvre inférieure tandis que mes mains se rejoignent dans ton dos pour t’enlacer totalement. Mes yeux se sont scellés et je ressens une joie indicible, là, le visage caché dans le confort de ton cou. Mon antre sera ton cou désormais. Pour toujours et à jamais.  

 

— Je suis épuisée Ryô. Emmène-moi s’il te plaît.  

 

 

***
 

 

La chambre de l’hôtel que j’ai choisi pour y confier notre sommeil est confortable malgré sa simplicité. Il est passé neuf heures du matin, notre fatigue est grande car les émotions n’ont pas manqué durant les vingt-quatre heures qui nous séparent de notre précédent lever. La tournure que prennent nos vies donnent le tournis et il est incroyablement déconcertant de réaliser comme tout peut être révolutionné en l’espace d’une rotation terrestre.  

Nous retrouver dans une chambre d’hôtel tous les deux, face à ce lit immense, est quelque peu troublant. Nous sommes étonnamment silencieux, presque gênés de partager cette intimité qui avant était pourtant notre quotidien. On s’observe avec un sourire, quelques idées saugrenues forcément m’assaillent mais je musèle en moi toute idée de rapprochement. Toi et moi sommes encore pétris de l’amour que l’on faisait à ces autres, fantômes qui nous accompagnent plus ou moins ici dans nos retrouvailles physiques.  

Tu ôtes ton blouson, le déposes précautionneusement sur le porte-manteau prévu à cet effet à l’entrée de la chambre. D’un regard, tu m’invites à quitter mes vêtements également. Je m’exécute. Tu m’observes franchement. Je pose mon python sur la table de nuit, crosse vers le lit – habitude – me défais de mon holster. Tes yeux ne ratent rien du spectacle dont, nécessairement, tu dois te souvenir. Ces gestes, je les ai faits devant toi des centaines de fois. Je te vois pourtant impressionnée. Ton jean glisse le long de tes jambes et échoue sur le sol. Le mien prend le même chemin. Je retire mon T-shirt, tu gardes le tien. Evidemment. Puis nous pénétrons chacun notre côté du lit pour nous retrouver sous la couette. Mon cœur bat la chamade dans ma poitrine. C’est con comme on prend conscience à certains moments de ce manège entêtant inconscient : notre cœur bat sans arrêt.  

Nous nous faisons face, mutiques. Seules nos têtes dépassent de l’épaisse couette. On se sourit ; tes yeux me mettent tellement en confiance, ils ont cette teinte d’admiration que je reconnais, celle dont ils se teignaient chaque fois que ton amour pour moi me sautait à la gueule. Je me sens tellement vivant. J’inspire et expire profondément alors que mes paupières se ferment et je m’abandonne sciemment à ta contemplation dans un plaisir égoïste revigorant.  

Tes doigts sur mon front, légers et habiles, viennent de se poser. Ils parcourent avec grâce l’ensemble de mes traits. Je me doute du plaisir que tu prends à les revisiter ainsi et toi, imagines-tu le bonheur qui m’enserre alors que tes dextres courent sur moi avec l’appétit que je devine ? Tu caresses désormais mes lèvres, hésitante. Je t’offre un sourire, les yeux toujours fermés, pour t’encourager à poursuivre ta quête, à reconnaître pleinement ton territoire. Je hume ton parfum et ressens le timide rapprochement de ton corps, tes jambes effleurent les miennes. Je force leur contact, les capture. Ta main vient de coller ma joue et une étrange appréhension me gagne. Appréhension concrétisée presqu’immédiatement par tes lèvres rejoignant les miennes. Ne me demande pas de ne pas réagir, effrontée Sugar ! Ton baiser est chaste mais il est réel ! J’y réponds avec douceur mais j’emprisonne ta joue dans ma main libérée car la peur que tu ne t’évapores reste vissée à mon ventre.  

Ton souffle mon amour a le goût du soleil, tes lèvres la texture douce et souple de la soie la plus rare. J’entrouvre légèrement mes lippes afin d’y capturer l’une des tiennes. Ainsi captive, elle ne tentera pas de se dérober, sera mienne, pour toujours.  

Nous nous octroyons donc un baiser merveilleux, la passion couve mais nous la cadenassons, le désir guette mais nous le censurons. Un autre jour, ailleurs, nous laisserons nos corps s’aimer si tel est ton désir. Aujourd’hui, savourons seulement le bonheur d’être ensemble. Nous quittons notre baiser avec un peu de regret, tu te retournes et tu te cales dans mes bras, offrant les fragrances fruitées de tes cheveux à mes narines plus que sensibles à tout ce qui émane de toi. Nos corps s’emmêlent et s’épousent merveilleusement, je referme les bras sur toi, te retiens au plus près de moi tout contre moi, ton dos plaqué contre ma poitrine. Le sommeil arrive, ton souffle est déjà apaisé, régulier, tes doigts reposent dans mes mains, je les enferme précieusement, perds mon nez dans la flamboyance de tes cheveux et me laisse happer à mon tour par le sommeil réparateur. Je souris. Heureux. Vivant, à nouveau.  

 

 


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