Chapter 6 :: Chapitre 6

Published: 29-07-06 - Last update: 29-07-06

Comments: Salut tout le monde ! Oh quelle surprise, une suite à l'infinissable ! Ce chapitre vous éclairera peut être un peu... ou vous embrouillera de plus belle ! En tout cas, bonne lecture ^____^

Chapter: 1 2 3 4 5 6

Assis sur le banc et adossé contre le mur, cela faisait bien une demi-heure maintenant que Ryô observait Kaori. Elle poursuivait son entraînement avec une sorte d'obstination, se contraignant à encore et toujours davantage. Il baissa lentement les yeux. Aux pieds de la jeune femme s’étalait un nombre infini de douilles vidées de leur poudre.  

Un sourire se dessina sur ses lèvres lorsqu’il releva les yeux vers le visage de la jeune femme. Ce qu’elle pouvait être belle lorsque la passion brillait dans son regard… La même passion que lui, pensa-t-il. Comme lui, elle aimait son arme et les sensations qu’elle leur procurait. Ce n’était pas tellement de mitrailler sur tout et n’importe quoi… Non… C’était une vie tout simplement. Leurs vies à eux deux désormais.  

Ryô pencha la tête en arrière et son regard se fit lointain. Il avait toujours classé les professionnels selon trois catégories. Les imbéciles dont il ne se préoccupait pas vraiment. C’était, malheureusement ceux-là même qui le défiaient le plus souvent. Ensuite, venait les vrais pros. Les duels suivaient alors des règles précises dont personne ne connaissait l’origine mais que tous respectaient.  

Et enfin, les génies.  

Ryô jeta un coup d’œil à Kaori qui rechargeait son arme avec adresse. Le regard de l’homme s’assombrit. Il n’aimait pas se rappeler de son passé. Pourtant, il ne chercha pas à le refouler lorsqu’il refit surface.  

Un nouveau combat sanglant... Un massacre dont il avait rapidement arrêté de compter les morts. La nuit même, alors qu’un semblant de calme résonnait dans la forêt amazonienne, l’éternelle question qui le torturait depuis qu’il avait appris à ôter la vie, l’avait empêché d’imiter ses compagnons de guerre. Ils dormaient plus ou moins autour d’un immense feu alors que lui restait assis, son arme coincée entre ses jambes fourbues, à se poser la maudite question : Pourquoi vivait-il ?  

Cette nuit-là, un homme avait répondu à sa question. Lorsque son supérieur s’était assis à ses cotés, les yeux étincelants de fierté parce qu’à lui seul, et à seulement 16 ans, il avait tué plus d’hommes que le reste de la troupe, il avait compris. Il continuait simplement parce qu’il n’était pas seul.  

C’était vrai… Il n’aimait pas la guerre, il n’aimait pas la mort et il n’aimait pas prendre la vie… Mais, il aimait contempler son regard brillant d’orgueil posé sur lui. Il aimait le son de sa voix lorsqu’il lui disait : « Mon fils ! Tu es un génie de la mort ! ». Il aimait son supérieur comme un père. Il l’avait, lui. Kaibara. Un homme qui avait pourtant succombé à la folie jusqu’à ce que lui, son fils adoptif, ne le délivre enfin en lui offrant la mort.  

Chassant les sombres souvenirs de son esprit, Ryô se redressa. Kaori actionnait la commande pour faire revenir les cibles à elle. Il n’avait pas besoin de vérifier, il connaissait parfaitement sa partenaire et cela jusqu’aux moindres gestes, mouvements et positions qu’elle pouvait pendre lorsqu’elle tenait une arme entre les mains.  

Un génie, songea Ryô.  

Une bourrasque souleva un nuage de poussière qui tourbillonna autour de la jeune femme et de l’homme. Ils étaient séparés par une distance de quelques mètres  

Des spectateurs à quelques pas les contemplaient presque avec effarement. Depuis que Ryô les avait avisés de ce duel, ils ressentaient une impression d’irréalisme. Un duel avec Kaori ! Il y a quelques mois, tout le monde aurait certainement pensé à la plus grande farce du monde !  

Kaori restait silencieuse mais Ryô, en l’observant, imaginait sans peine ce qui devait, à cet instant, traverser l’esprit de la jeune femme. Cependant, depuis l’émoi des premières minutes devant ce défi qu’on lui lançait, elle restait impassible. Il était impressionné par le calme que la jeune femme affichait.  

Il admettait que Kaori était sans aucun doute la meilleure pro qu’il lui avait été donné de rencontrer, il avait tout fait pour cela.  

Il y avait Mick, bien sûr, celui qui avait guidé le premier la jeune femme. Il n’y avait pas si longtemps, son ancien partenaire américain avait pu prétendre lui donner quelques sueurs froides. Néanmoins il n’avait jamais douté de sa victoire. De plus, Mick n’était plus capable de tirer correctement.  

Il y avait l’Eléphant aussi, un guerrier dans l’âme. Jusqu’ici, il l’avait toujours considéré comme « l’adversaire » mais la vie en avait décidé autrement. Il avait beau rester un des meilleurs du métier, avec son handicap, l’Eléphant n’était désormais plus à la hauteur.  

Pour la première fois, il réalisait qu’il allait devoir affronter son plus grand adversaire. Le plus dangereux. Aujourd’hui, il avait devant lui son plus grand défi ! C’était lui contre Kaori. Sans que celle-ci en ait encore conscience, elle-même ne rencontrerait jamais meilleur adversaire que lui.  

Le combat aurait pu paraître inégal aux yeux d’un débutant... Et après réflexion, auprès de la plupart des pros du métier. C’était vrai quelque part, il lui était supérieur en expérience. Cependant, même s’il la connaissait par coeur, elle le connaissait de la même manière.  

Kaori sortit enfin son arme et y glissa la balle que son partenaire lui avait donnée.  

Ryô hocha lentement la tête avant de sortit une pièce de sa poche.  

- Lorsque la pièce touchera le sol… ?  

Kaori acquiesça, remit son arme à sa place, coincée dans la ceinture de son pantalon et attendit que l’homme lance la pièce.  

L’un deux allait mourir.  

Le cœur.  

Il avait imposé à la jeune femme de viser uniquement le cœur.  

Il ne s’agissait pas de blesser mais bel et bien de tuer.  

Une seule balle dans le barillet de chacune des armes.  

Une unique balle.  

Une seule chance.  

Les deux détonations se confondirent et résonnèrent longuement dans la cour de la vieille usine désaffectée. Le vent s’était apaisé et le silence régnait.  

Kaori se tenait devant l’homme, les doigts crispés sur son arme encore fumante. Elle ne le regardait pas vraiment, ses yeux étaient fixés sur la tâche écarlate qui s’étalait inexorablement sur la poitrine de Ryô.  

Elle n’avait pas raté sa cible.  

En plein cœur.  

- Tu es mort, dit-elle d’un ton monocorde.  

Ryô baissa les yeux vers la jeune femme et acquiesça lentement. Il ouvrit sa veste et rangea tranquillement son python avant de passer un doigt sur la peinture rouge dégoulinante et esquissa un sourire.  

- Je paierai le nettoyage, lâcha-t-il désinvolte.  

- Ah te voilà enfin ! s’exclama Mina. Je t’ai connu plus rapide !  

Shade s’immobilisa sur le seuil, ses sourcils se soulevèrent lentement. Mais déjà son regard fut attiré vers son lit. Immédiatement elle referma la porte pour s’avancer vers l’homme inconscient. Mina l’observa tandis que Shade le contemplait, une étrange lueur dansant au fond de ses prunelles. Mina esquissa un léger sourire.  

- Tu sais, ma chérie, ironisa-t-elle, tu n’as pas besoin de tirer sur un homme pour le mettre dans ton lit.  

Shade fronça les sourcils avant de hausser les épaules avec désinvolture. Elle se détourna et s’installa tranquillement pour sortir son arme afin de le nettoyer. Mina, un sourire au coin de la bouche, se pencha sur le blessé et, apparemment satisfaite de son examen, se redressa en s’étirant avec délice.  

- Une bonne douche ne serait pas de refus, annonça-t-elle en bondissant sur ses pieds.  

Elle disparut dans la salle de bain pour en ressortir immédiatement.  

- Euh… Tu sais qu’il y a deux hommes de ligotés dans la salle de bain ? Demanda-t-elle, un brin exaspéré.  

- Hum hum… Ce sont mes transporteurs, répondit Shade en vérifiant minutieusement le barillet de son revolver.  

- May !  

- Je ne suis qu’une faible femme, railla Shade en levant les yeux vers Mina. Ils m’ont aidé à le transporter jusqu’ici, ajouta-t-elle, en désignant du menton le blessé.  

Mina cligna des paupières avant d’éclater de rire. Eh bien voilà ! Elle avait sa réponse ! Evidemment, Shade, aussi forte soit-elle, n’aurait pu, seule, transporter un homme blessé sur plusieurs étages !  

Une faible femme, pensa-t-elle en regardant pensivement Shade qui rechargeait son arme. Elle connaissait l’histoire de cette femme bien étrange. Elle avait même contribué à son retour à la vie. Mina avait toujours été convaincue que cette vie que lui avait offert son patron lui avait permis de survivre. Maintenant, elle n’en était plus si sûre…  

Oubliant sa douche, Mina s’installa auprès de Shade. Celle-ci reposa calmement son arme propre et chargée. Elle comprit immédiatement, en levant les yeux vers Mina, que bientôt, des questions allaient lui tomber dessus. Elle soupira intérieurement mais accorda son attention à la jeune femme. Celle-ci demeura un instant songeuse.  

- Parle-moi de ces rêves…  

- …Depuis que j’ai arrêté mon traitement, commença lentement Shade après un long silence… Des images se bousculent dans ma tête… Des sensations aussi… Et, dernièrement, je vois des scènes entières de la vie d’une jeune femme…  

- Toi ?  

Shade émit un léger rire en haussant les épaules.  

- Je pensais devenir folle… J’étais souvent à deux doigts de reprendre mon traitement… Et puis… je l’ai vu, murmura-t-elle en se tournant vers Ryô. Il est dans tous mes rêves…  

- Mmmm, et qui est-il ?  

- Mon partenaire… Celui qui m’a tout appris, déclara sobrement Shade. Celui que j’aime…  

- Que tu aimes ?! Répéta Mina avec stupéfaction. Mais… mais… mais…  

Shade se leva brusquement.  

- Nous ne pouvons pas rester ici, déclara-t-elle. Fais ce qu’il faut pour le remettre sur pied.  

Mina ouvrit la bouche pour protester mais renonça aussitôt devant le visage fermé de Shade. Il lui fallut un instant pour réagir alors qu’elle regardait la jeune femme rassembler ses affaires. Elle finit cependant par obéir.  

Quelques instant plus tard, une seringue à la main, elle se tourna vers Shade qui s’était approchée du lit.  

Allongé sur le coté, Ryô s’appuya sur un coude et contempla le dos de Kaori. Elle l’ignorait royalement depuis leur duel. Mais, au moins, n’avait-elle pas décidé de faire chambre à part, pensa-t-il dans une grimace.  

- Tu es bien trop énervée pour pouvoir dormir, ma belle, dit-il d'un air moqueur. Quand tu dors, tu ne respires ni aussi profondément ni aussi lentement…  

La jeune femme dédaigna répondre mais ne put s’empêcher de pousser un grognement exaspéré. Dans un mouvement de colère, elle ramena ses genoux contre sa poitrine et les serra entre ses bras.  

Un instant plus tard, Ryô agrippa sa nuque et la tourna brusquement vers lui. Surprise, elle ouvrit de grands yeux.  

- Si tu cherches la bagarre, allons-y, déclara-t-il doucement. Mais ce mur de silence, je ne le supporterai pas.  

Kaori se dégagea sans qu’il ne la retienne. Très bien, pensa-t-elle avec irritation, il veut que l’on s’explique, expliquons-nous !  

- Tu es fier de toi, je suppose ! Attaqua-t-elle en se redressant.  

Ryô l’imita avec un sourire au coin des lèvres. Il observa les yeux de la jeune femme, rendus brillants par la colère.  

- Pourquoi es-tu en colère ? Demanda-t-il tranquillement.  

- Je t’ai tué, Ryô !! s’exclama Kaori en tapant ses genoux de ses poings. Tu m’as laissée te tirer dessus sans faire le moindre geste ! Je croyais que tu me prenais au sérieux, termina-t-elle la voix soudainement basse.  

- J’étais très sérieux, crois-moi. Si je n’ai pas tiré, c’est que je n’ai pas pu. C’est aussi simple que ça.  

Une lueur septique au fond de ses prunelles, Kaori tourna enfin son regard vers Ryô. Elle le scruta longuement. Il était sincère, elle pouvait le lire dans ses yeux.  

- Mon Dieu ! Souffla-t-elle, le regard tourmenté. Pourquoi ?  

- Est-il vraiment nécessaire de savoir pourquoi ?  

- Ryô !  

- Pfff… Peinture ou pas, je ne peux pas te tirer en plein cœur, c’est tout !  

- Mais si…, commença-t-elle hésitante,… si… cela n’avait pas été moi… Une autre femme… ?  

Ryô soupira en se laissant aller en arrière. Une autre femme, songea-t-il en contemplant le plafond.  

- Je n’ai jamais tiré sur une femme, répondit-il finalement.  

- Parce que rien ne t’y contraignait… mais…  

- Je ne suis pas un ange, Kaori ! Coupa Ryô dans un grognement.  

- Alors ? Insista la jeune femme en se penchant sur l’homme.  

Ryô sentit le regard de Kaori se plonger au plus profond de son âme mais il ne détourna pas les yeux lorsqu’il répondit :  

- J’aurais tiré…  

Kaori renifla doucement en refoulant ses larmes et se glissa auprès de Ryô pour l’enlacer. Il répondit à son étreinte tandis qu’elle blottissait son visage dans le cou de l’homme.  

- Je n’ai plus rien à t’apprendre, Kaori, annonça-t-il en caressant doucement ses cheveux.  

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