Hojo Fan City

 

 

 

Data File

Rated G - Prose

 

Author: Baby-Face

Status: To be continued

Series: City Hunter

 

Total: 10 chapters

Published: 29-03-04

Last update: 09-07-04

 

Comments: 21 reviews

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Summary: Coucou, pas de résumé pour l'instant, en fait ceci est le chapitre 10 d'une histoire depuis longtemps commencée sur le site de Julie "L'univers de City Hunter", si vous ne la connaissez pas ce n'est peut-être pas très intéressant de commencer directement par ce chap ^_~. Je n'ai pas les autres chapitres sous la main, alors excusez-moi si je ne mets que le chap 10 en ligne ici, mes chapitres se baladent un peu où ils veulent, et en tout cas ils ont déserté mon disque dur... sniff ;-))

 

Disclaimer: Les personnages de "Un couple sans histoire" sont la propriété exclusive de Tsukasa Hojo.

 

Tricks & Tips

Some pieces of advices to authors

 

- Check the grammar and spelling of your stories. - Read your story at least once. - Try to write chapters of at least 2 pages and of a maximum of 6-7 pages. - Try to update you ...

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   Fanfiction :: Un couple sans histoire

 

Chapter 7 :: chapitre7

Published: 09-07-04 - Last update: 09-07-04

 


Chapter: 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10


 

Il referma doucement la porte de sa chambre derrière lui, et fit quelque pas avant de pouvoir s’allonger de tout son long sur son lit. Le matelas se creusa sous son poids, et Ryô ressentit le fugitif bien-être habituel quand le tissu épais du couvre-lit épousa la forme de son dos et de ses épaules. Il croisa les mains sous sa nuque, plia sa jambe gauche de manière à ce que son pied droit puisse venir se caler sur le genou opposé, et ferma les yeux.  

Il se sentait mal ; et ce n’était pas le confort de sa position qui pourrait lui faire oublier l’inconfort de son esprit. Quand il était sorti de chez Mick, le courage de ce dernier l’avait décidé à faire abstraction de la précarité de sa situation pour agir enfin en fonction de ses sentiments. Mais, lorsqu’il avait monté l’escalier qui menait à son appartement, chaque marche gravie avait effrité un peu plus sa résolution. De sorte qu’arrivé au sixième étage, il était rentré furtivement chez lui – comme un voleur –, localisant Kaori dans la cuisine et l’évitant soigneusement jusqu’à ce qu’il atteigne sa chambre, où son instinct lui soufflait qu’elle n’oserait pas le relancer.  

Sur son lit, Ryô changea de position et se mit en chien de fusil, sa tête reposant sur son avant-bras.  

Cette journée lui semblait symbolique de sa relation avec Kaori, et il avait l’impression de refaire à pas de géant toute son histoire avec elle, répétant en quelques heures sa fuite, son indécision, sa lâcheté, toutes choses qu’il avait cumulées vis-à-vis d’elle en six ans. Durant toutes ces années, il s’était rapproché d’elle, suffisamment pour établir entre eux une relation d’étroite complicité, puis s’était dérobé à chaque fois que les choses commençaient à devenir sérieuses.  

Oui, décidément, il se sentait mal. Et il se sentait d’autant plus mal qu’une question s’imposait nettement à lui, avec une intensité telle qu’il ne pouvait l’ignorer : et maintenant ?  

Cette décision de rentrer furtivement en se cachant d’elle était ridicule, et il n’allait pas rester indéfiniment caché dans sa chambre : il s’était contenté de reculer, mais il allait bien devoir se décider à sauter – même en n’y mettant aucun mauvais esprit.  

Ryô s’assit sur le lit, rempli de dégoût pour lui-même. Sortant son paquet de Craven (persiste et signe, vu que je n’ai jamais trouvé une seule référence dans le manga à des Lucky Strike ^^ ! P.S. 3 ans plus tard : d'accord, en fait ce sont bien des Lucky... Gomen Julie ;-) !!) d’une des poches du manteau qu’il n’avait même pas pris la peine d’enlever, il en retira une cigarette – la deuxième de la journée – qu’il fit machinalement rouler entre ses doigts sans l’allumer. La seule solution décente qu’il lui restait était d’aller trouver Kaori, et de partager avec elle le fardeau de ses doutes, de ses incertitudes... et de ses peurs. Mais cette démarche lui coûtait horriblement, n’ayant jamais fait l’expérience de se dévoiler autant à un autre être, cette attitude rompant de beaucoup avec le personnage mi-frivole, mi-sombre, mais toujours mystérieux, qu’il s’était forgé au cours des années.  

Au terme de plusieurs minutes d’un débat intérieur acharné pour savoir ce qu’il allait faire, sa cigarette était devenu un curieux mélange froissé et torsadé de papier et de tabac. Et Ryô venait de décider pour la quatrième fois qu’il allait immédiatement se lever et sortir de sa chambre, quand il sentit que quelque chose ne se passait pas tout à fait comme prévu. Il se raidit, fit valser par terre la chose informe qui avait autrefois été une cigarette, et se remit dans sa position initiale.  

La porte de la chambre s’ouvrit au moment même où il achevait de recroiser ses mains sous sa nuque, adoptant par réflexe une attitude nonchalante et inexpressive – à force de porter un masque, celui-ci finit par faire partie intégrante de vous. Kaori entra dans la pièce, sans avoir frappé à la porte qu’elle referma d’un coup sec du talon.  

Mais qu’elle n’eut pas frappé à la porte, Ryô n’y pensa même pas – après tout, elle était coutumière du fait –, l’esprit obnubilé par la simple présence de Kaori dans sa chambre : il n’avait absolument pas envisagé qu’elle puisse décider d’aller jusqu’à l’y relancer. A cause de sa fierté, de sa timidité, de... en bref, de sa tendance naturelle à ne pas faire le premier pas.  

Alors qu’il pensait cela, Kaori s’avança vers lui, et il fut marqué par deux choses : en premier lieu, par la pâleur extrême de son visage, et, en second lieu et à mesure qu’elle entrait dans son champ de vision, par une image qui lui parût au premier abord tenir plus de l’hallucination que de la réalité. La lumière du crépuscule jouait délicatement sur les jambes de la jeune femme, ciselant dans des jeux d’ombre une matière qui ne pouvait être égalée par aucun tissu : la peau nue. Interrompant inconsciemment sa respiration – il n’avait certes pas attendu ce jour-là pour se rendre compte de la beauté des jambes de sa partenaire, mais il s’était toujours efforcé d’y attacher le moins d’attention possible – Ryô faisait un effort de volonté pour détacher les yeux de ce spectacle, quand ses pupilles se dilatèrent malgré lui : Kaori venait de faire un nouveau pas en avant, se présentant légèrement de biais par rapport à lui, et Ryô ferma un instant les yeux en constatant qu’elle ne portait strictement rien d’autre que ce chemisier blanc s’échancrant sur les hanches. Quand il les rouvrit, son regard était à nouveau dirigé vers le haut, et il s’aperçut avec gêne qu’elle le regardait fixement.  

Ils restèrent quelques secondes ainsi, dans un silence horriblement pesant – tellement pesant et épais que Ryô avait l’impression que même les bruits de la rue ne parvenaient pas à le fissurer –, elle le regardant sans ciller, et lui n’osant détacher les yeux de ce regard à l’intensité quasi-hypnotique.  

Ce fut cette fixité, ainsi que la pâleur de son visage, qui finirent par faire comprendre à Ryô l’état dans lequel se trouvait la jeune femme. Pour trouver le courage de venir le trouver dans sa chambre – à moitié nue ! – Kaori avait dû puiser au fond d’elle-même chaque particule de résolution, mais aussi abdiquer toute pensée et réflexion qui autrement l’auraient paralysée et empêchée d’aller jusqu’au bout de sa volonté. Et c’était pourquoi son regard était si vide et ses joues si blanches : à l’intérieur de son esprit tout devait être blanc, et flou.  

Intimement convaincu qu’elle s’interdisait de penser pour ne pas s’enfuir à toutes jambes, Ryô sentit s’évanouir un peu du désarroi qui l’avait envahi à l’arrivée de Kaori. C’était un réflexe de lâche, il le savait bien, mais pourtant il ne pouvait contrôler l’onde de soulagement qu’il éprouvait à la pensée que, Kaori étant en état second, elle avait probablement perdu toute notion du temps, de sorte qu’il avait plusieurs secondes devant lui pour réfléchir à la situation.  

En faisant irruption dans sa chambre alors qu’il ne s’y était absolument pas préparé, Kaori avait faussé les règles du jeu qu’ils suivaient depuis plus de six ans, et l’avait déstabilisé. Or, il n’y avait rien qu’il ne détestait plus que d’être pris au dépourvu, et d’être plongé dans une situation dont il ne maîtrisait pas les moindres aspects. Être toujours prêt, de façon à pouvoir réagir avant même l’apparition du danger ; c’était une règle que la vie lui avait inculqué dès son plus jeune âge, et une nécessité vitale dans son milieu. Il avait aussi adopté cette règle pour sa vie privée, ne pouvant se permettre d’être troublé par ses sentiments et de ne plus agir rationnellement ; ce qui expliquait pourquoi il avait été si fortement troublé par l’intrusion de Kaori dans sa chambre, au point de ressentir un tel soulagement à l’idée d’avoir un peu de temps pour lui permettre de s’adapter.  

S’adapter... Ryô haussa les épaules intérieurement. Comme s’il pouvait s’adapter à la présence d’une Kaori à moitié nue dans sa chambre ! Et d’ailleurs, pourquoi avait-il si peu prévu qu’elle puisse agir ainsi ?  

Masquant son geste derrière sa nuque, il serra les poings, puis les dents, à mesure que ses ongles s’enfonçaient dans la paume de sa main. Il était trop lucide pour ne pas pouvoir répondre à cette question : en évitant une confrontation avec Kaori, il avait tablé sur le fait qu’elle prendrait mal la chose, mais qu’elle finirait sans doute par l’accepter. Par lassitude, par habitude de ne jamais accéder au bonheur.  

Comment avait-il pu, même inconsciemment, être lâche au point d’espérer une chose pareille ?  

Ryô desserra lentement les poings, désincrustant peu à peu ses ongles de sa chair. Cette douleur physique n’était pas suffisamment forte pour pouvoir lui servir d’absolution et, de toute façon, il avait déjà été puni pour sa lâcheté : chaque seconde qui s’écoulait le rapprochait un peu plus du moment où il devrait trancher entre deux alternatives qui semblaient toutes deux n’avoir aucune issue satisfaisante. Soit il prenait Kaori dans ses bras, soit il la repoussait, mais dans tous les cas il devait mettre un terme à l’indécision qui était la sienne depuis le début de cette soirée néfaste. Kaori lui rendait ce choix d’autant plus difficile en le mettant au pied du mur, mais comment lui en vouloir ? Comment lui montrer qu’elle n’était pas la seule à souffrir ?  

Comme en réponse à ce débat intérieur, Kaori battit des cils, et Ryô eut l’impression que son regard devenait moins fixe, et reprenait peu à peu vie ; il n’avait plus le temps de tergiverser, il lui fallait prendre une décision. Et le plus rapidement possible de préférence, sans quoi il devinait aisément quel serait le dénouement de la scène : Kaori s’enfuirait de la chambre, blessée à mort par son inertie.  

Tout son être le poussait à décroiser ses mains et ouvrir ses bras, mais Ryô répugnait violemment à céder à ses sentiments sans y avoir auparavant mûrement réfléchi. Et là, dans la minute qui avait suivi l’entrée imprévue de Kaori, il n’avait certes pas eu le temps de clarifier ses idées, ayant au contraire eu l’impression de s’enfoncer davantage encore dans les sables mouvants de ses sentiments et de ses désirs.  

Pourtant... La poitrine de Kaori se soulevait au rythme d’une respiration lente, tendant le fin tissu de son chemisier dans son mouvement ; ses lèvres étaient roses et luisaient doucement dans la pénombre, entrouvertes et infiniment désirables. Et s’il l’embrassait, où était le mal ? Ne pouvait-il pas s’arrêter cinq minutes de réfléchir et s’abandonner à ce que lui soufflait de faire son instinct ?  

Ryô sentit son cœur battre plus rapidement. Les paumes de ses mains se couvrirent d’une légère transpiration, et il commença à décroiser légèrement ses doigts. Ces derniers s’étaient presque séparés quand il stoppa net son geste. Une pensée nouvelle venait d’envahir son esprit, et il se maudissait de ne pas y avoir songé plus tôt : Kaori était sa partenaire, et en tant que telle pouvait très bien être visée comme lui l’avait été par deux fois au cours de cette journée – il avait été soulagé de découvrir en rentrant qu’elle était indemne. Ce risque, elle l’avait couru dès le moment où elle était devenue son assistante, et l’avait accepté en pleine connaissance de cause. Lui avait eu plus de mal à accepter que celle qu’il aime soit perpétuellement en danger à cause de lui, mais il s’était finalement fait une raison. Aussi risquée que soit leur vie, ils la vivaient ensemble, et c’était leur plus cher désir à tous deux. Soit. Mais qu’en serait-il si elle apparaissait aux yeux du tireur qui le haïssait tant, non plus comme une simple partenaire de travail, mais comme sa petite amie ?  

La réponse était malheureusement évidente : Kaori serait alors considérée comme le plus sûr moyen pour lui faire du mal, à lui City Hunter, et on essayerait de le faire souffrir à travers elle.  

Les doigts de Ryô se recroisèrent sous sa nuque. De cela, il ne voulait pas. Ce qui signifiait qu’il ne pouvait se permettre de changer de comportement à l’égard de Kaori, non plus qu’il ne pouvait se permettre d’expliquer la situation à cette dernière. Un pli amer se forma sur les lèvres du nettoyeur. Il ressentait cruellement la futilité qu'il y aurait à dire : « Dans l’état actuel des choses, je peux mourir à tout moment, et je ne veux pas que tu sois visée en tant que ma petite amie : plutôt que de commencer notre relation ainsi, je préfère attendre quelques jours. J’espère que cela ne te dérange pas ? ». D’une part, il y avait une bonne probabilité qu’elle ne le croit pas – il n’aurait pas dû lui montrer qu’il pouvait mentir comme un arracheur de dent tout en ayant l’air de quelqu’un à qui on donnerait le bon dieu sans confession ^^ – et, d’autre part et surtout, elle se moquerait bien d’être mise en danger et ferait tout pour partager son sort. Elle pouvait se montrer plus têtue qu’une mule, et le meilleur moyen pour ne pas en arriver là était de ne rien lui dire.  

Cette solution n’en était pas vraiment une, il le savait : de quelque manière qu’il présente la chose, Kaori allait se sentir meurtrie et repoussée. Mais il n’avait plus le temps de réfléchir davantage (comment ça « ouf !! » è_é ?) : devant lui, Kaori perdait peu à peu son immobilité de statue ; une légère couleur nuançait la pâleur de ses joues, en même temps que ses mains se joignaient et commençaient à se triturer nerveusement. Voyant cela, Ryô ferma un instant les yeux, essayant contre tout espoir d’arrêter le temps et de grappiller encore quelques secondes. Il allait blesser celle qu’il aimait, et cette pensée le faisait horriblement souffrir. Mais il n’avait pas le choix, hormis celui de décider par quel moyen il allait la repousser ; et, rattrapé par son personnage, jugeant peut-être aussi plus ou moins consciemment que la situation pouvait encore être dédramatisée, il opta pour l’humour.  

– Kaori...  

Les yeux de la jeune femme se plantèrent dans les siens, et perdirent définitivement leur immobilité vide de vie pour refléter à nouveau les sentiments d’un esprit troublé. Ryô put y lire une interrogation, une attente qu’il ressentit douloureusement jusqu’au plus profond de lui-même. Il se haïssait pour ce qu’il était en train de faire, et quand il reprit la parole, sa voix résonna froidement à ses oreilles :  

– Dis donc, Kaori, attaqua-t-il sur le mode pince-sans-rire, je sais bien que notre boulot t’oblige à porter des tenues qui ne sont pas des modèles de féminité, mais ce n’est pas une raison pour porter des habits négligés !  

Kaori cligna une première fois des yeux, puis une deuxième, avant d’être à nouveau capable de formuler en pensée ce qu’elle ressentait. A ce moment-là, une lueur d’étonnement passa dans ses yeux, rapidement remplacée par un écarquillement témoignant d’une incompréhension totale. En prenant la décision d’aller à la rencontre de Ryô, elle ne savait pas exactement à quoi elle s’était attendu de la part de ce dernier, mais elle s’était plus ou moins persuadée qu’il ne pourrait réagir que de deux manières possibles : soit l’accepter, soit la rejeter. Mais en aucun cas elle ne comprenait ce que venait faire ici cette voix teintée d’insouciance, qui lui paraissait singulièrement déplacée. Pour qui la prenait-il donc ? Ne comprenait-il pas que son amour pour lui était à la mesure des efforts qu’elle avait dû concéder pour venir le relancer dans sa chambre ?  

Incapable de soutenir le regard de Kaori, Ryô détourna les yeux et se mordit les lèvres. Ce qu’il s’apprêtait à dire était vraiment méprisable, et d’un ridicule fini : mais, quoi que cela lui coûtât, il était trop tard pour stopper le mécanisme qu’il avait mis en marche.  

– C’est vrai quoi, Kaori... Tes jeans blancs, tu pourrais les repasser avant de les mettre, tout de même ! Ou au moins les défroisser, c’est le minimum ! termina-t-il d’un ton faussement sévère, en désignant de l’œeil les jambes de sa partenaire.  

Ryô se tut. Chaque mot prononcé lui avait paru résonner comme un glas, élargissant un peu plus à chaque fois la plaie qu’il ouvrait dans le cœeur de la femme qu’il aimait. Pendant une dizaine de secondes rien ne se passa d’autre dans la pièce que le silence puis, lentement, tel un carrousel mort qu’un tour de clef vient ressusciter, les choses s’animèrent de nouveau.  

Kaori vacilla légèrement, et fit un pas en arrière pour assurer son équilibre. Quand elle était rentrée dans la chambre, une paix étrange l’avait envahie, et elle s’était sentie flotter dans une sorte de brouillard confus, à mi-chemin entre le rêve et la réalité. La sensation n’avait pas été désagréable, mais le réveil l’était, lui, et particulièrement. Elle se sentait maintenant glacée, et terriblement lucide. Ce que Ryô venait de dire n’avait aucun sens – elle manquait de confiance en elle, mais savait quand même que ses jambes ne méritaient pas le qualificatif de « froissées » –, hors celui de lui faire comprendre que ce n’était pas aujourd’hui qu’il lui ouvrirait ses bras. Le ferait-il jamais un jour, d’ailleurs ? Mais, sans même s’essayer à comprendre les raisons de ce refus, l’esprit de Kaori butait sur un point : pourquoi, mais pourquoi Ryô lui avait-il dit une chose pareille, et aussi nonchalamment qui plus était ? Pourquoi une telle insouciance, pourquoi faire comme si elle ne représentait rien pour lui, alors que toutes les années qu’elle avait passé à ses côtés lui avaient patiemment prouvé le contraire ? Et elle ne pouvait même pas s’aider de ses expressions pour essayer de sonder son âme, sachant pertinemment que cette dernière ne s’y reflétait que lorsqu’il le voulait bien – et il voulait rarement.  

Kaori se détourna à moitié de l’homme toujours aussi négligemment allongé sur son lit, mais ne put s’empêcher de chercher une dernière fois son regard, comme pour accorder une dernière chance au destin. Dans la semi-obscurité, les yeux de Ryô se détachaient nettement du reste de son visage, mais elle n’y lut aucun sentiment ; ils lui parurent seulement un peu lointains, et elle n’aurait su dire ce que cette expression cachait : de la tristesse, des regrets ? Ou, plus simplement, de l’indifférence ?  

– C’est cela, Ryô ? Tu t’intéresses donc si peu à moi ?  

N’obtenant pas de réponse – et pour cause, elle n’avait pas ouvert la bouche –, Kaori détacha ses yeux de ceux de l’homme qui était tout pour elle, et les abaissa sur le sol. Un éclair s’alluma dans son regard quand elle passa sans s’arrêter sur l’objet qui jonchait le sol à côté du lit, puis elle acheva le mouvement qui lui fit tourner le dos à Ryô. Après quoi elle accomplit avec une facilité qui l’étonna elle-même les quelques pas qui l’amenèrent à la porte, et ouvrit et referma cette dernière sans même s’en apercevoir.  

Quand le silence eut gagné la bataille qui l’opposait au claquement sec de la porte, Ryô se retrouva de nouveau seul. Seul avec des pensées qui insistaient pour lui fournir une compagnie dont il se serait bien passé. La scène n’avait sans doute pas duré plus de trois minutes – trois siècles pour lui –, mais elle lui avait laissé une étrange sensation d’amertume dans la bouche. Il avala à plusieurs reprises, essayant de s’en débarrasser, mais le goût persista. En désespoir de cause, il reprit sa position en chien de fusil, et ferma les yeux. Il se sentait fatigué, mais fatigué... Sans compter qu’une lourde tâche l’attendait : réussir à se persuader qu’il n’éprouvait pas de regrets et que, si l’occasion devait s’en représenter, il n’hésiterait pas à refaire ce qu’il avait fait – même si le fantôme de Makimura risquait fort de venir le tirer par les pieds en représailles de ce qu’il avait fait à sa sœur.  

– C’est sans doute mieux comme ça, marmonna-t-il à plusieurs reprises.  

Il continua ses marmonnements un moment, puis, alors qu’il songeait à explorer plus en profondeur toutes les possibilités de la méthode coué, deux coups secs frappés à sa porte lui rappelèrent instantanément dans quelle situation il s’était mis.  

– Dois-je me préparer à mourir, murmura-t-il entre ses dents, et Dieu pense-t-il que la journée n’a pas été suffisamment catastrophique comme ça et qu’il lui faut en rajouter ?  

– Oui ? reprit-il, plus fort cette fois.  

En réponse Kaori entrebâilla la porte.  

– Le dîner est prêt, dit-elle d’un ton neutre et froid, laissant à Ryô la pénible impression d’être revenu au début de la matinée. Seule différence, Kaori n’avait pas laissé transparaître de tristesse dans sa voix, seulement une froideur distante qui ne valait certes pas mieux.  

La tête de la jeune femme disparut dans la luminosité du couloir, pour finalement réapparaître quelques secondes après :  

– Au fait, tant que j’y pense, tu as un boulot, dit-elle en insistant sur le « tu ». La cliente s’appelle Megumi Asatani, je lui ai téléphoné aujourd’hui et tu la rencontres demain matin à 10h. J’espère pour toi que c’est une jolie femme... et qu’elle porte des jeans bien repassés, elle.  

La porte se referma sur ces paroles définitives et sur la lumière du couloir, laissant Ryô dans le noir à ressasser des idées moroses. Après tout, peut-être qu’il était exagéré de dire que tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles.  

 

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