Hojo Fan City

 

 

 

Data File

Rated G - Prose

 

Author: Baby-Face

Status: To be continued

Series: City Hunter

 

Total: 10 chapters

Published: 29-03-04

Last update: 09-07-04

 

Comments: 21 reviews

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GeneralGeneral

 

Summary: Coucou, pas de résumé pour l'instant, en fait ceci est le chapitre 10 d'une histoire depuis longtemps commencée sur le site de Julie "L'univers de City Hunter", si vous ne la connaissez pas ce n'est peut-être pas très intéressant de commencer directement par ce chap ^_~. Je n'ai pas les autres chapitres sous la main, alors excusez-moi si je ne mets que le chap 10 en ligne ici, mes chapitres se baladent un peu où ils veulent, et en tout cas ils ont déserté mon disque dur... sniff ;-))

 

Disclaimer: Les personnages de "Un couple sans histoire" sont la propriété exclusive de Tsukasa Hojo.

 

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   Fanfiction :: Un couple sans histoire

 

Chapter 9 :: Chapitre 9 : Morceau de soirée

Published: 09-07-04 - Last update: 09-07-04

 


Chapter: 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10


 

Kaori sortit de la chambre d’un pas un peu raide, et ferma la porte derrière elle sans bien en avoir conscience. Une fois dans le couloir, elle continua à avancer machinalement. Ses pieds lui donnaient l’impression d’avoir leur volonté propre, et il lui semblait qu’en s’attachant à leur mouvement elle se débarrassait des pensées qui ne cessaient de l’assaillir pour la troubler. Un pas... Un autre... Et puis encore un autre...  

Elle descendit ainsi l’escalier, puis arriva devant la cuisine dont elle avait laissé la porte ouverte. Avisant le riz sauté qui continuait à cuire dans sa casserole – l’autocuiseur avait reçu un malencontreux coup de marteau deux jours plus tôt –, elle s’en approcha par réflexe, dans l’intention d’éteindre la plaque chauffante, quand elle heurta une chose légère qui céda devant son pied. Kaori baissa les yeux, et la pâleur de ses joues ne fut bientôt plus qu’un souvenir devant la vision de ses vêtements posés en vrac sur le sol de la cuisine. Prenant véritablement conscience de son état de semi-nudité à l’instant même, une vague de sentiments divers déferla dans son cerveau, brisant la digue de protection érigée par son inconscient. Ce fut la gêne qui se manifesta en premier, puis la honte, et enfin la colère, qui envahit complètement son esprit. Comment avait-il pu humilier à ce point la femme qui était en elle, et qu’il n’avait jamais voulu voir ? Il était même allé jusqu’à se moquer d’elle, en lui disant de... de repasser ses jeans ? ! Malgré elle, Kaori passa une main sur ses cuisses, avant de l’enlever brusquement. Vraiment, il avait eu une attitude méprisable, qu’elle n’était pas prête de lui pardonner. Et, pour commencer, elle allait lui montrer que ce qui venait de se passer ne l’avait pas affecté exagérément – au cas où cet imbécile aurait cru qu’il comptait tant pour elle que chacun de ses actes pouvait faire la pluie et le beau temps dans son cœeur.  

Kaori se rhabilla en un tournemain, et quitta la cuisine rapidement – sans oublier d’éteindre la plaque de cuisson... lol – pour revenir sur ses pas. Arrivée à la chambre de Ryô, contrairement à ses habitudes, elle tapa sèchement à la porte. N’obtenant pas de réponse, elle réitéra son geste, et entendit enfin un « oui ? ». Elle entrouvrit la porte.  

– Le dîner est prêt, dit-elle de la voix la plus dépourvue de sentiments qu’il lui fut possible de prendre.  

Sans attendre d’acquiescement, elle retira sa tête de l’encadrement de la porte. Elle s’apprêtait à refermer cette dernière quand une idée lui traversa l’esprit. La demande qu’ils avaient eu aujourd’hui... Elle comptait sur leur rendez-vous de demain pour vérifier que la cliente n’était pas une trop jolie femme, mais après tout quelle importance cela avait-il maintenant ? Et elle ne voulait pas avoir affaire à Ryô une nouvelle fois, alors autant se débarrasser de la corvée tout de suite.  

– Au fait, tant que j’y pense, TU as un boulot. La cliente s’appelle Megumi Asatani, je lui ai téléphoné aujourd’hui et tu la rencontres demain matin à 10h. J’espère pour toi que c’est une jolie femme... et qu’elle porte des jeans bien repassés, elle.  

Elle referma la porte, plus sèchement qu’elle ne l’aurait voulu. Zut, elle s’était laissée aller, sur la fin... Elle n’avait pas pu s’empêcher de faire allusion aux jeans...  

Kaori se sentit vaciller légèrement, et elle dut s’appuyer au mur pour ne pas tomber. La colère et sa chaleur l’avaient quittée, à présent, et ne lui restait plus qu’un immense sentiment de vide et de tristesse qui lui étreignait le cœeur. Des larmes apparurent au coin de ses yeux. Ah là là... Elle avait accordé trop d’importance à ce... ce... Ce quoi, au fait ? Ce minable ? Ce sans-cœeur ? Cet handicapé de l’amour ? Il était tout cela oui... Sans doute...  

Les larmes se mirent à ruisseler sur ses joues, tandis qu’elle descendait l’escalier en trébuchant. Elle savait bien, au fond de son cœeur, qu’elle ne pensait pas un mot de tout cela ; sinon, comment expliquer qu’elle aimait encore cet homme après six ans passés ensemble ? Elle essuya ses larmes d’un geste las. Ce qui l’avait le plus blessée était l’indifférence et la nonchalance dont il avait fait preuve. Soit il voulait d’elle, soit il n’en voulait pas, mais qu’il laisse un signe de ses sentiments, au moins... S’il se figurait qu’elle allait se contenter encore longtemps d’une telle attitude, il se trompait lourdement. Et elle allait le lui montrer.  

Kaori gagna sa chambre et se jeta sur son lit. Des sentiments contradictoires continuaient à tourbillonner dans sa tête, et ses pensées étaient floues, écho intérieur de sa vision troublée par le liquide qui continuait à sourdre de sous ses paupières. Sa fierté lui ordonnait de partir – si Ryô tenait vraiment à elle, il aurait à la rattraper –, mais pour aller où ?  

Elle savait que ses amis l’hébergeraient avec plaisir, mais elle ne voulait pas déranger égoïstement leur tranquillité. Il était hors de question qu’elle s’immisce chez Mick et Kazue, la situation entre eux était déjà suffisamment troublée sans qu’elle ait à en rajouter davantage. Miki et Falcon l’accueilleraient à bras ouverts, elle en était sûre, mais cette idée ne lui plaisait qu’à moitié... Aller chez le professeur ?  

Kaori ne put s’empêcher de sourire amèrement. Elle avait passé l’âge des décisions irréfléchies, elle ne voulait plus se conduire comme une petite fille turbulente et impliquer d’autres personnes dans des histoires qui ne regardaient qu’elle. Non, c’était son problème : si elle prenait la décision de partir, elle devait l'assumer. Seule. Ce qui signifiait louer quelque chose de pas trop cher – en plein Tôkyô, c’était synonyme de vivre dans un 15m² minable dans un des quartiers les plus populeux de la capitale. Ce qui signifiait aussi dépenser de l’argent et donc, à plus ou moins long terme, trouver du travail. Plutôt à court terme, d’ailleurs : en tant qu’assistante de Ryô, elle était censée toucher un certain pourcentage sur leurs rémunérations, mais comme déjà il la logeait... Et que c’était elle qui gérait leur argent pour tout ce qui était nourriture, électricité, eau... Si l’on rajoutait le fait qu’en général ils ne roulaient pas sur l’or, et que les fins de mois étaient plutôt serrées, cela expliquait pourquoi ils faisaient compte commun et qu’elle n’avait pas d’économies bien à elle.  

Kaori s’assit sur son lit et s’adossa contre le mur, pressant son visage contre ses genoux. Elle se sentait si fatiguée... A travers un brouillard humide, son regard vagua sur les objets de sa chambre. Si elle partait maintenant, elle ne pourrait emporter que le strict nécessaire... Quelques affaires de rechange... Et surtout... Son regard tomba sur les deux objets posés sur sa table de nuit. La lumière du soir irisait délicatement le verre du cadre et faisait apparaître la vieille photo qu’il protégeait plus brillante qu’elle n’était. A côté du cadre, l’ancien porte-bonheur de Mick luisait doucement dans l’obscurité naissante, et semblait recouvert d’une multitude d’étoiles scintillantes.  

La jeune femme se frotta les yeux, et les étoiles disparurent. Quoi qu’elle fasse, ces deux choses resteraient avec elle.  

Mais était-ce vraiment une si bonne idée que cela, de quitter ces lieux, cette atmosphère qu’elle aimait et qui avaient fait sa vie depuis tant d’années ? Kaori serra les poings. Oui, il avait besoin d’une bonne leçon. Si seulement il ne s’était pas montré aussi distant, aussi détaché... Elle se revoyait, debout, cherchant désespérément quelque lueur dans le regard si beau et pourtant si vide qui la fixait sans ciller. Elle avait fini par partir, non sans se retourner une dernière fois cependant ; mais la chance qu’elle offrait n’avait pas été saisie...  

Kaori tiqua intérieurement. Dans ses souvenirs, un objet lui apparaissait vaguement, auquel elle n’avait pas attaché d’importance sur le coup mais qui avait accroché son regard quand elle s’était détournée pour partir. Que pouvait bien être cette forme torturée, qui traînait à côté du lit ? Un simple papier, que Ryô avait froissé négligemment avant de jeter ? Ou plutôt...  

La jeune femme sentit son cœeur cogner un peu plus fort dans sa poitrine. Si l’objet correspondait bien à ce que son intuition lui avait soufflé, elle donnerait une dernière chance à Ryô et ne partirait pas – pas dans l’immédiat, en tout cas. Dans le cas contraire, il ne resterait plus à cet idiot qu’à la retrouver pour implorer son pardon...  

En soupirant, Kaori s’allongea sur son lit. Quel que fut son désir d’aller vérifier son intuition, elle n’avait aucune envie de se retrouver dans la même pièce que Ryô maintenant... Elle allait donc devoir attendre qu’il quitte sa chambre pour aller manger, en espérant qu’il ne tarderait pas trop et qu’il laisserait l’objet là où il était.  

Des secondes, puis des minutes s’écoulèrent, et elle sentit ses yeux se fermer. En matière de tension nerveuse, la journée avait été épuisante, et elle en subissait le contrecoup. Elle s’abandonnait dans les bras de Morphée, quand des « slap slap » bruyants se firent entendre : Ryô descendait l’escalier, sans se soucier manifestement d’avoir un minimum de discrétion. Kaori plissa amèrement les lèvres. Pour lui, ce qui s’était passé ce soir n’était-il qu’un simple détail ? Avait-il l’intention de se comporter exactement comme d’habitude ?  

Les « slap slap » quittèrent le palier pour le couloir, puis passèrent dans la cuisine. Ils s’arrêtèrent, et Kaori frissonna : s’il l’appelait en criant pour qu’elle lui réchauffe son riz et mette la table, elle partait illico de cet immeuble pour ne plus jamais y revenir. Et elle le giflait au passage.  

Un ange passa, jusqu’à ce qu’elle entende le bruit caractéristique des ustensiles de cuisine qu’on entrechoquait. Elle se détendit, et se prépara à attendre un peu pour être sûre qu’il restait bien dans la cuisine – heureusement, quand Ryô allait dans la cuisine, il n’en sortait pas avant un bout de temps. Au bout d’une ou deux minutes, elle se glissa hors de la chambre.  

Par bonheur, Ryô avait refermé la porte de la cuisine derrière lui, cela lui éviterait de faire tout le tour de l’appartement pour rejoindre le palier. Etouffant au maximum le bruit de ses pas et de sa respiration, Kaori passa sans encombres devant la cuisine, puis atteignit le palier, point de passage obligé pour qui voulait changer d’étage et n’aimait pas passer par les fenêtres. Vérifiant bien qu’elle avait son carnet dans la poche de son jean – si Ryô la découvrait dans sa chambre, elle pourrait toujours dire qu’elle avait voulu lui laisser les informations qu’elle avait recueillies sur la demande XYZ –, elle grimpa l’escalier qui amenait au sixième étage, et se faufila dans la chambre de Ryô. Quelques secondes plus tard, elle en ressortait, et se hâtait de rejoindre sa chambre, déposant au passage son carnet bien en vu sur la table basse du salon – elle ne tenait pas à lui redire les renseignements qu’elle avait obtenus, qu’il se débrouille avec ça.  

Quand elle s’assit à nouveau sur son lit, ses pensées étaient encore confuses, mais ses yeux étaient secs. Elle tenait dans sa main l’un des seuls signes tangible de nervosité qu’ait jamais laissé celui qui semblait ne pas avoir de nerfs : une simple cigarette froissée.  

 

***  

 

Mick refermait à peine la bouche qu’un unique coup de klaxon venait prendre son relais, ajoutant à ses paroles un point d’exclamation aussi brutal que superflu. Dès lors, le temps sembla se figer et s’accélérer pour l’Américain, créant dans l’action une paradoxale sensation que sa trop longue inactivité lui avait fait regretter. Retrouvant avec volupté ses anciens réflexes, il se plaqua au sol, sa main droite remontant sous son veston dégager le semi-automatique de son holster. Un instant auparavant, Falcon s’était jeté en arrière, entraînant Miki avec lui et tournant dans son mouvement de façon à se placer entre les mines et la jeune femme.  

Il n’avait pas encore touché terre quand un léger déclic retentit, précédant de peu une sourde explosion qui fit vibrer à l’unisson le sol et le corps des trois personnes présentes dans le café. Puis vint le tour des vitres, et plusieurs secondes s'écoulèrent avant que leurs vibrations ne s’apaisent ; la déflagration n’avait pas été très forte – Falcon la jugea à peine trois fois supérieure à celle que pouvait produire un magnum 44 – mais elle avait été amplifiée par la salle close qui avait joué le rôle de caisse de résonance.  

Mick finit par relever la tête pour juger de la situation. Au dessus de lui, une épaisse masse grise de fumée diffusait lentement dans l’atmosphère, déroulant ses volutes et circonvolutions au gré des courants d’air que l’explosion avait créés. Mais, ce détail mis à part, le café paraissait totalement intact, ce qui donnait une impression assez troublante d’irréalité compte tenu de l’odeur d’explosif qui empestait toute la pièce. A côté de lui, Falcon et Miki se relevèrent.  

– Tu comptes rester à plat ventre longtemps ? Tu pourrais choisir un autre moment pour faire tes exercices de rééducation !  

– Ha ha ha... Très drôle... Toi, tu ressembles à un poulpe mutant qui aurait abandonné l’usage de l’encre pour se cacher derrière un écran de fumée ! riposta Mick en se remettant vivement sur ses pieds.  

– Et profites-en pour ranger ce que tu tiens à la main, tu n’en auras pas besoin, rajouta Falcon tout en allant ouvrir en grand la porte du café.  

Mick marmonna encore quelques mots sur l’évolution des poulpes après leur sortie des eaux, mais n’en rangea pas moins son pistolet. Il connaissait suffisamment Falcon pour savoir que celui-ci estimait tout danger écarté – sans quoi, il ne se serait pas ainsi exposé à la rue, non plus qu’il n’aurait pas lâché Miki d’une semelle –, et il avait confiance en son jugement. L’explosion des mines pouvait très bien n’être qu’une diversion avant la véritable attaque, mais cela n’avait pas dû échapper à Falcon ; et peut-être ce dernier avait-il une information dont lui ne disposait pas. Notamment sur l’identité du poseur de mines...  

 

***  

 

L’homme considéra une dernière fois l’intéressant spectacle du Cat’s eye, puis abaissa ses jumelles. Il souriait. Tout s’était magnifiquement passé, et le destin lui avait même fait un cadeau en or en la présence de Mick Angel. Bien sûr, il avait un peu guidé le destin en installant son piège – si on pouvait vraiment appeler quelque chose d’aussi dérisoire un piège – à une heure où l’Américain venait régulièrement, mais il n’avait pas compté sur la présence de celui-ci. En matière de stratégie, commencer à inclure la chance dans ses calculs signifiait aussi ne plus maîtriser totalement la situation ; ce qu’il ne s’était jamais permis de faire.  

De toute façon, cela n’avait pas grande importance. Ce qui comptait, c’était que sa petite salutation se soit parfaitement déroulée. La présence de Mick avait juste rajouté du piment à la chose...  

Le sourire de l’homme s’élargit, dévoilant dans une expression un peu cruelle des incisives très légèrement pointues, aussi blanches que celles d’un loup. C’était ce genre de piment qui lui donnait envie de déguster la vie : où est le plaisir de croquer dans quelque chose de fade, de tellement monotone et habituel que nos papilles ne le sentent même plus ?  

Un mouvement dans son rétroviseur alerta l’attention de l’homme au costume blanc installé confortablement au volant de sa Ford. A quinze mètres de lui, un uniforme bleu sombre se détachait nettement de la foule des passants et venait dans sa direction. Sans se départir de son sourire carnassier, l’homme démarra sa voiture, alluma ses phares puis s’immisça dans une circulation encore dense malgré l’heure tardive. Il avait une bonne douzaine d’explications, toutes plus plausibles les unes que les autres, pour justifier le fait que sa voiture était garée aux trois quarts sur le trottoir – profitant d’une sortie de garage qui interrompait la barrière de sécurité – , mais il n’aimait pas discuter avec les policiers. En général, ces derniers révélaient une incapacité profonde à comprendre que le système de valeurs qu’ils défendaient était bon pour la majorité des gens, trop médiocres pour ne pas avoir besoin d’un cadre rigide, incapables qu’ils sont de trouver eux-mêmes leurs limites ; pour les autres, dont lui, autant les laisser libres d’agir à leur guise... D’autant que, de toutes manières, l’homme capable de l’empêcher de faire ce qu’il voulait n’était pas encore né...  

A une quinzaine de mètres devant la Ford grise, un feu tricolore passa soudain à l’orange. La voiture à sa droite accéléra immédiatement, tandis que la Ford freinait en douceur pour finir par s’arrêter docilement au moment même où le feu passait au rouge... et que son conducteur mâtinait l’éclat cruel de son sourire d’une bonne dose d’ironie.  

 

***  

 

L’air frais du soir pénétra dans le café par la porte grande ouverte, faisant frissonner Miki. Bien qu’étant sortie indemne de l’incident, elle n’en avait pas moins été mise en danger, et cela chez elle, alors que Falcon était avec elle. La situation était anormale, elle le savait bien. Elle jeta un regard sur les cinq cônes encore fumants, qui avaient rompu leur alignement parfait en arc de cercle. Les gens capables d’installer des mines sous le nez de son mari ne couraient pas les rues, il s’en fallait de beaucoup. Les questions se pressaient sur les lèvres de la jeune femme, qui finit par ne plus y tenir :  

– Tu connais l’homme qui est responsable de tout ceci, Falcon ? attaqua-t-elle.  

Sans répondre directement, l’homme au physique d’Hercule attira deux chaises à lui et alla s’installer à une table voisine. Les chaises grincèrent quand elles eurent à supporter son poids, mais ce fut le seul son audible dans la pièce. Mick alla s’accouder au bar et croisa les bras, se préparant à attendre longtemps. Apparemment, l’éléph avait quelque chose à dire mais il n’y était pas encore prêt, la meilleure chose à faire dans un cas comme celui-là était de prendre son mal en patience. Mais Miki ne l’entendait pas de cette oreille. S’asseyant en face de son mari, elle insista :  

– Tu as une idée sur l’identité de cet homme, ou tu n’en as pas ? Tu pourrais me répondre, c’est tout de même moi qui ait été attaquée, alors je pense avoir le droit de savoir Falcon !  

Quelques secondes passèrent sans qu’il y ait de réaction visible de sa part, puis Falcon finit par hocher la tête. Une telle docilité épata Mick, qui pour un peu en aurait fait des plaisanteries sur qui portait la culotte dans leur couple, mais il jugea de meilleure politique de s’abstenir – il n’avait aucune idée sur la façon dont des mines avaient pu atterrir dans le café, en la présence du meilleur expert en pièges qu’il connaissait, et il entendait bien être mis au courant. Il se sentait frustré par la façon simplette dont ils avaient échappé au piège, mais il prévoyait que cette situation pouvait déboucher sur des événements beaucoup plus intéressants.  

"Voyant" que Miki lui lançait un regard courroucé – pour elle, un hochement de tête ne constituait pas une réponse digne de ce nom –, Falcon se décida enfin à ouvrir la bouche pour déclarer posément :  

– Je sais qui est cet homme, j’ai mis trop de temps à comprendre qui il était mais maintenant j’en suis sûr. Et je ne suis pas le seul à le connaître ici, Mick aussi le connaît bien…  

L’Américain leva un sourcil, puis acquiesça intérieurement. Voilà qui éclairait la situation sous un nouveau jour, mais qui n’était pas si surprenant, après tout. La personne qui avait joué un tour pareil à Falcon était un véritable spécialiste, il aurait été étonnant que son nom lui soit inconnu, à lui qui avait passé la plus grande partie de sa vie dans le Milieu.  

L’éléphant se pencha sensiblement vers Miki, appuyant ses avants-bras sur la table.  

– Tu n’as rien remarqué en particulier, quand cet homme t’a parlé ?  

La jeune femme réfléchit rapidement  

– Il m’a fait une impression très étrange, mais, à vrai dire, je n’ai pas été si surprise que ça par son comportement… J’avais l’impression d’être avec quelqu’un que je connaissais bien… Mais c’est peut-être ce qui m’a troublé…  

Elle lança un regard en coin à Mick.  

– … Sa ressemblance frappante avec deux dragueurs de ma connaissance…  

Manifestement visé, Mick haussa les épaules.  

– D’une part, je ne vois pas de quels dragueurs tu veux parler, et, d’autre part, nos techniques de drague à Ryô et moi n’ont rien de semblable !  

La jeune femme secoua la tête d’un geste impatient.  

– C’est justement ça qui est étonnant, s’expliqua-t-elle, ce n’était pas un hybride de vous deux, c’était comme si…  

– Et puis surtout, moi, j’ai du succès…  

– C’était comme si, reprit-elle en l’ignorant, je vous avais eu successivement tous les deux en face de moi… Et il est passé de l’un à l’autre avec une rapidité incroyable.  

– Passé de l’un à l’autre ? releva machinalement l’Américain, tandis qu’un nom et la myriade de souvenirs qui allaient avec envahissaient irrésistiblement son esprit.  

Miki acquiesça.  

– Et il a réussi à te draguer alors que l’éléph était là ?  

– Enfin, il a essayé, corrigea la jeune femme. C’est vrai qu’il n’a pas vraiment eu beaucoup de temps pour le faire, Falcon est rapidement intervenu. L’autre s’est alors mis à genoux pour le supplier de le pardonner, et à ce moment-là…  

– Oui, intervint Falcon. A ce moment-là, il parodiait Ryô en train de s’excuser devant Kaori. Ce qu’il a remarquablement bien fait... Un peu trop bien, peut-être : j’ai été à deux doigts de deviner sa véritable identité.  

Une pause, puis il reprit :  

– Mais c’est sans doute ce qu’il voulait… Il aime jouer avec le feu… Il n’aime que cela, d’ailleurs.  

– Mais, qui est-ce finalement ? Un acteur ?  

Falcon se leva pour aller fermer la porte d’entrée du café. L’air était à peu près totalement purifié, à présent, il était inutile de refroidir davantage la salle. Le brouhaha de la rue diminua d’un ton, tandis que les deux chaises sur lesquelles il avait été assis soupirèrent de soulagement quand elles le virent passer derrière le comptoir au lieu de revenir directement se rasseoir. Ce fut Mick qui répondit à la jeune femme :  

– A la base oui, pour ce que j’en sais, c’était un acteur. Et un acteur célèbre en Angleterre, avant que sa femme et lui périssent dans un accident de voiture.  

Il haussa les épaules.  

– Enfin, le terme « périr » est certainement exagéré, puisque lui au moins n’est pas mort dans cet accident. Ce qui ne l’a pas empêché d’être officiellement considéré comme mort et enterré, et il vit dans le monde de la clandestinité depuis. C’est un électron libre, qui fait ce qu’il veut quand il le veut – ses services ne sont pas à louer, comme le sont ceux de Ryô, Falcon, ou moi. Si une affaire lui semble intéressante, il s’en mêle, sans forcément prendre parti pour l’un ou pour l’autre.  

Le bourdonnement du percolateur arriva aux oreilles de l’Américain, ainsi qu’un bruit de porcelaine entrechoquée – deux... non, trois tasses. Il tourna son regard vers le comptoir, et sourit. Comme toujours, la vision de l’éléphant en train de préparer du café suffisait à lui faire perdre son sérieux. Miki tapa du pied, et il sursauta légèrement.  

– Tout ça n’aurait pas grande importance, reprit-il, si c’était un homme d’une intelligence moyenne. Ce n’est pas le cas. Et c’est un esprit pervers, qui jouit de la souffrance des autres quand il en est à l’origine. Il n’a pas l’habileté d’un nettoyeur professionnel, heureusement, mais c’est un expert en pièges de toutes sortes ; en bref, c’est un des hommes les plus dangereux que je connaisse, qui a pour lui deux atouts majeurs : son cerveau, et son aptitude à changer de visage et de personnalité. Dans son ancien monde du théâtre, ses amis le surnommaient Protée, je crois ; maintenant, il est plus connu sous le nom de Machiavel.  

Mick se renversa sur sa chaise et considéra rêveusement le plafond. L’arôme du café était en train de prendre le meilleur sur l’odeur de la poudre, et ce n’était pas pour lui déplaire.  

– Tu as l’air de bien le connaître...  

– Ho, pas plus que Falcon, fit-il en haussant les épaules. Mais il se trouve que Mac a passé une bonne partie des dernières années aux Etats-Unis. Nous nous sommes croisés là-bas une fois ou deux...  

– Et pourtant, il est au Japon en ce moment, pourquoi ?  

Mick leva les yeux vers celui qui venait de parler, et qui apportait trois tasses de café sur un plateau.  

– Je n’en sais rien, dit-il pensivement. Peut-être qu’il s’ennuyait tout seul aux USA, surtout depuis la mort de... Merci...  

Il but avec plaisir une gorgée de la tasse que Falcon venait de poser à côté de lui. Le liquide couleur nuit était délicieusement chaud, et ce n’est qu’en captant le regard d’incompréhension que Miki avait posé sur lui qu’il réalisa qu’il n’avait pas terminé sa phrase.  

– Il faisait partie du cercle très fermé des amis de Kaïbara...  

Miki poussa un léger « Ho ! » de surprise.  

– Je vois, dit-elle lentement. Alors peut-être est-il revenu pour venger sa mort ?  

– Oui, acquiesça Falcon, peut-être... Bien que nous ne devrions pas être les premiers sur sa liste, normalement. Mais je crois qu’il a déjà manifesté sa présence à quelqu’un d’autre que nous...  

Plantant là le café et son décor, les pensées des trois personnes présentes s’envolèrent vers un immeuble distant d’à peine quelques centaines de mètres.  

 

***  

 

Attrapant une petite crevette entre ses baguettes, Ryô l’éleva lentement jusqu’à hauteur d’œeil, et considéra son rose délicat d’un regard morne. Il était seul dans la cuisine.  

Pris de pitié pour le petit bout de chair rosé qu’il tenait dans le prolongement de ses doigts, il se décida à abréger ses souffrances et l’envoya rejoindre une bonne dizaine de ses sœeurs. Ce n’était pas son genre de penser aux souffrances des crevettes qu’il avalait, d’habitude, mais il avait un trop plein de sentimentalisme à digérer, ce soir-là. Et Dieu sait que la digestion s’annonçait difficile, ces fichus sandwiches au thon lui restaient sur l’estomac. L’éléphant ne saurait donc jamais préparer correctement un sandwich au thon digne de ce nom... Se jurant de lui en toucher un mot dès le lendemain – s’il n’était pas mort d’ici là, vu comment la journée s’était déroulée il avait légitiment le droit de se demander s’il survivrait à la nuit – Ryô se leva et entreprit de débarrasser la table. Table qui fut particulièrement rapide à débarrasser, d’ailleurs, étant donné qu’un seul couvert avait servi.  

Il recouvrit d’un papier cellophane la casserole encore à moitié pleine de riz sauté, mit le tout dans la frigo, et entreprit de se préparer un café. La nuit risquait d’être sportive, même s’il priait pour que ce ne soit pas le cas. Déjà, qu’elle ne soit pas partie tout de suite en claquant la porte l’avait énormément soulagé : ce dont il avait le moins besoin en ce moment était une Kaori courant librement les rues, cible parfaite et totalement inconsciente du danger potentiel qui la menaçait.  

Il était essentiel que Kaori reste sous sa protection, à n’importe quel moment et dans n’importe quel lieu : elle restait son plus grand point faible, la seule faille dans la cuirasse de celui qu’on appelait City Hunter. Même si la situation n’était pas aussi noire qu’elle pouvait le paraître : après tout, Kaori avait passé la journée seule, et apparemment rien n’avait été tenté contre elle, même lorsqu’elle avait rendu sa visite quotidienne au tableau des messages.  

Ryô souffla doucement sur la surface de son café, et un petit nuage de vapeur se condensa sur le bord de la tasse. Il savait qu’elle était allée jusqu’à la gare de Shinjuku aujourd’hui, sinon comment aurait-elle pu lui apprendre ce soir qu’ils avaient une demande ? Et d’ailleurs, en parlant de demande... Il était curieux qu'ils en aient eu une justement aujourd'hui...  

Le front du nettoyeur se barra d’un pli soucieux. Cela faisait longtemps qu’il ne croyait plus aux coïncidences, toute une vie passée dans le monde de l’ombre lui avait appris à ne pas cataloguer trop vite les choses sous l’étiquette « hasard ». Que lui avait dit Kaori, au fait ? Qu’il avait rendez-vous le lendemain matin avec une cliente qui s’appelait... s’appelait... Quelque chose comme Asatani... L’heure exacte était dix heures, le lieu...  

Ryô fit la grimace. Il lui manquait un bout de l’information ; soit Kaori avait oublié de lui dire, soit il ne s’en souvenait pas, mais au bout du compte le résultat était le même, il devrait repasser par Kaori pour connaître l’endroit du rendez-vous. Car il n’envisageait pas de faire faux bond à cette demande, peut-être avait-elle un lien – plus ou moins direct – avec les incidents de la journée. Même si l’idée de devoir relancer Kaori pour avoir l’information était plutôt gênante : depuis qu’elle l’avait laissé dans sa chambre, en le prévenant que le dîner était prêt, ils s’étaient soigneusement évités. Il était resté attentif au moindre de ses mouvements, de peur qu’elle ne décide de quitter l’immeuble, et, même s’ils ne s’étaient pas croisés, il se souvenait de tous ses déplacements. Après être sorti de sa chambre, elle était allée directement dans la sienne ; voyant au bout de quelques minutes qu’elle ne se décidait pas à en bouger, il en avait profité pour rallier la cuisine – en théorie, il n’y avait pas de raison pour qu’il modifie son comportement habituel. Il avait fait le plus de bruit possible sur son passage, histoire de bien lui faire comprendre où il allait, et ainsi éviter un éventuel face-à-face accidentel.  

Puis, alors qu’il venait d’entamer son repas, il l’avait entendue – ou sentie – monter au sixième étage retourner dans sa chambre, où elle n’avait fait qu’un passage éclair ; de retour au cinquième, elle s’était arrêtée devant la porte de la cuisine, sans doute pour vérifier qu’il n’avait pas bougé, avait fait un tour dans le salon et était ensuite repartie dans sa chambre. Où elle était encore.  

Ryô posa sa tasse vide dans l’évier. Depuis, il avait passé une bonne partie de son temps à se demander ce qu’elle avait bien pu faire dans sa chambre, et il avait abouti à la conclusion qu’elle avait sans doute laissé un message sur sa table de chevet. Et Ryô devait bien reconnaître que c’était la perspective de lire ce message qui avait sans doute achevé de lui nouer l’estomac. Etait-ce un message d’adieu ? Peut-être mais, en ce cas, pourquoi n’était-elle pas partie directement après l’avoir déposé ? Attendait-elle qu’il en ait pris connaissance ?  

Il ouvrit la porte de la cuisine et avança dans le couloir droit devant lui. Arrivé devant la porte du salon, il s’immobilisa, balançant entre l’idée confuse de faire comme si de rien n’était – c’est à dire se vautrer sur le canapé devant la télé, avec à portée de main le dernier numéro de "Grololos", qui avait en couverture cette jeune playmate slave qui était sans doute au mieux de ses formes – et l’envie nettement plus nette d’aller d’abord faire un tour dans sa chambre. Il ouvrit la porte du salon... puis la referma bruyamment et se glissa sur le palier, piétinant sa fierté au passage mais prenant soin de le faire le plus silencieusement possible. Arrivé dans sa chambre, le cœeur battant un peu plus vite qu’à l’ordinaire, il jeta un regard avide sur sa table de chevet... et leva un sourcil intrigué : il n’y avait rien. Peut-être s’était-il trompé d’endroit ?  

Ryô passa rapidement en revue toutes les surfaces de sa chambre susceptibles d’accueillir un morceau de papier, puis se mit à plat ventre pour regarder sous son lit : peut-être le message avait-il glissé là ?  

Prenant conscience du ridicule de sa position – il n’aurait plus manqué que Kaori le découvre ainsi ! – il se remit souplement sur ses pieds. Apparemment, rien n’avait changé dans sa chambre ; en tout cas, rien n’avait été rajouté... Son esprit tiqua sur cette idée : peut-être au contraire manquait-il quelque chose ? Il chercha quelques instants dans cette direction, puis haussa les épaules. Non, c’était ridicule... Sans doute Kaori s’était-elle ravisée au dernier moment...  

Plus soulagé qu’il ne voulait l’admettre, Ryô sortit de sa chambre à pas de loup et descendit les escaliers encore plus furtivement qu’il ne les avait montés. Sans faire le moindre bruit, il entra dans le salon où Kaori devait déjà le croire présent, et s’installa confortablement sur le canapé. Il se penchait pour prendre la télécommande, posée sur le verre transparent de la table basse, quand son regard tomba sur l’objet qui était à côté d’elle. Une lueur de surprise et d’intérêt apparut dans son œeil. S’il ne se trompait pas, ce carnet était... Il le feuilleta rapidement, s’assurant ainsi que ce qu’il tenait était bien le carnet où Kaori notait ses renseignements sur les demandes qui leur étaient adressées. L’ouvrant à la dernière page, il lut « XYZ Urgent Tel 401 655 0845 », un blanc, puis « Megumi Asatani, mardi matin 10h, café de l’hôtel L’Orangeraie ». Suivait un descriptif succinct¹ de la demande.  

Laissant son corps se détendre, Ryô s’enfonça un peu plus profondément dans le moelleux du canapé. C’était aussi bien qu’il ait trouvé ce carnet, cela lui permettrait de laisser Kaori en paix... D’ailleurs, sans doute le carnet avait-il été déposé là à son intention... Ce qui expliquait pourquoi il n’avait rien trouvé dans sa chambre : elle avait d’abord pris la décision de le laisser sur sa table de chevet, puis elle s’était ravisée et l’avait laissé dans le salon. Bien qu’il ne voyait pas trop pourquoi son premier réflexe avait été de le déposer dans sa chambre ? Et puis, elle n’avait fait qu’entrer et sortir, sans même hésiter...  

Ryô inclina la tête sur le côté et se gratta la nuque. Hum... En ce moment, il avait un peu trop tendance à chercher midi à quatorze heures et à ne pas se satisfaire des explications simples, c’était un défaut qu’il allait devoir surveiller. Surtout qu’il pressentait que ce défaut n’aurait pas à attendre longtemps avant d’avoir l’occasion de ressurgir...  

 

***  

 

¹ En bref, l’auteur n’a pas envie de se prendre la tête pour l’instant avec ledit descriptif ^^ 

 


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