Hojo Fan City

 

 

 

Data File

Rated R - Prose

 

Auteurs: Lifetree , Tamia62

Beta-reader(s): Mopsime, Tamia62, Lifetree

Status: Complète

Série: City Hunter

 

Total: 22 chapitres

Publiée: 13-10-06

Mise à jour: 16-03-07

 

Commentaires: 279 reviews

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RomanceHumour

 

Résumé: Un nouveau contrat pour le moins surprenant amène Ryô au Baiser du Dragon, le club de striptease le plus en vogue de la ville...

 

Disclaimer: Les personnages de "Séduis-moi" sont la propriété exclusive de Tsukasa Hojo. Les quelques chansons qui apparaitront appartiennent également à leurs auteurs

 

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   Fanfiction :: Séduis-moi

 

Chapitre 18 :: Tout est contre moi mais...

Publiée: 16-02-07 - Mise à jour: 16-02-07

Commentaires: Zut ! Je dois recommencer ! Ca a buggé alors que je postais la maj ! Bon, désolée mais je suis trop fatiguée pour refaire mon commentaire. Alors pour résumer, merci pour toutes vos reviews pour le chap 17. Ce chap 18 sera peut être moins palpitant mais il est nécessaire. Alors n'hésitez pas à laisser vos remarques. Bonne lecture kiss

 


Chapitre: 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22


 

Auteur : tamia  

 

La porte de la loge se referma sur Vlad. Ce dernier ne comprenait pas tout mais savait qu’il aurait tôt ou tard les explications. Il vit alors Igor apparaître et se diriger vers lui.  

« _Tiens, tu es là ? Bagheera est disponible ? Je lui apporte son nouveau costume mais je crains d’avoir des retouches à faire ! Il faudrait qu’il l’essaie ! »  

Et sans attendre la réponse de Vlad, il posa la main sur la poignée de porte. Au moment où il allait la tourner, il sentit une autre main chaude se poser sur la sienne. Un frisson parcourut son dos. Il leva la tête pour regarder Vlad qui posait des yeux chaleureux sur lui.  

« _Tu vas devoir attendre un peu mon chou. Bagheera est occupé ce soir. »  

Igor soupira, déçu, mais les mots qui suivirent lui redonnèrent le moral.  

« _Mais moi je suis libre ! On va prendre un verre quelque part, rien que toi et moi, susurra Vlad. »  

Igor le regarda surpris pendant une seconde avant qu’un grand sourire n’éclaira son visage et qu’il hocha la tête de plaisir.  

 

Ryô se força à planter son regard dans celui de Kaori mais avait la crainte de lire dans ses yeux. Ces derniers mois n’avaient été que mensonges, il l’avait faite souffrir plus que de raison et en avait parfaitement conscience. Et ce qui venait de se passer avait dû complètement l’anéantir. Et puis, il se demandait ce que Vlad avait bien pu lui raconter pour parvenir à la retenir ! Avec lui, tout était possible, le meilleur comme le pire ! Aussi, fut-il plus que surpris de constater que le visage de sa partenaire avait regagné un peu en sérénité. Certes, elle n’était pas en cet instant un modèle de joie de vivre mais ses traits n’étaient plus aussi défaits. Mais le problème restait entier : que devait-il faire ou dire ? Comment aborder le sujet ? Sa réaction allait être horrible quelle que soit la façon dont il s’y prendrait. Une chose était sûr en tout cas, c’était à lui de faire le premier pas et de tout expliquer. Il lui devait bien ça. Si seulement il savait comment s’y prendre…  

 

De son côté, Kaori avait encore un peu de mal à assimiler tout ce que lui avait dit Vlad. Ou plutôt elle avait peur d’avoir compris de travers. Le doute subsistait. Mais comment pouvait-il en être autrement ? Elle se tenait debout devant un Ryô en peignoir. Non, pas Ryô, Bagheera en peignoir... Ou Ryô… Elle ne savait plus trop. Qui était-il vraiment ? Que s’était-il passé ? Comment en était-il arrivé à faire du strip-tease ? Et pourquoi ne lui en avait-il pas parlé ? Pourquoi lui avoir caché la vérité ? N’avait-il donc pas confiance en elle ? N’était-elle pas sa partenaire ?! Le cœur de Kaori se serra à nouveau de douleur face à ce manque de confiance, une douleur de plus parmi tant d’autres que cette soirée lui procurait. Et ce n’était pas fini… Qu’allait-elle encore apprendre des aveux de Ryô ? Allait-il seulement tout lui avouer, tout lui raconter ? Il n’avait encore rien dit. Il l’observait. Très attentivement. Son regard perçant la mettait mal à l’aise. Elle y avait vu une lueur de soulagement au moment où il était rentré, mais elle avait immédiatement disparu pour être remplacée par l’incertitude. Elle eut du mal à déglutir. Comment allait-il réagir ? Maintenant qu’elle savait qu’il était Bagheera, elle n’était plus sûre de rien. Qui était-il réellement ? Nettoyeur ? Strip-teaseur ? Elle avait cru connaître Ryô, mais maintenant… Elle se sentait tellement perdue depuis quelques minutes ! Son cerveau s’était déconnecté suite à toutes les informations qu’il avait reçues, quant à son cœur… Lui non plus ne savait plus ce qu’il devait ressentir. Douleur, colère, tristesse, humiliation, trahison, elle ne savait plus où une émotion se terminait et où une autre prenait le relais. C’était le chaos total !  

 

Ryô inspira profondément et se racla doucement la gorge. Kaori tressaillit et fit involontairement un pas en arrière. Ryô réalisa que quoiqu’ils aient à se dire, ils ne pouvaient pas le faire dans sa loge. Ils seraient mieux, enfin façon de parler, chez eux.  

« _Kaori, je… je conçois que… tu doives te poser beaucoup de questions mais… Enfin, nous ne pouvons pas parler ici. Je… Je vais prendre une douche et nous rentrerons. Enfin, si tu le veux bien, fit-il en bafouillant, craignant qu’elle ne l’envoie balader. »  

Kaori eut du mal à reconnaître le son de sa voix tant il hésitait. Ca la rassura un peu sur son état d’esprit : il était aussi mal à l’aise qu’elle. Elle toussota un peu pour se redonner un minimum de contenance.  

« _Euh, d’accord.  

_Bien. »  

Il attrapa des vêtements au hasard dans son armoire et s’engouffra à toute vitesse dans la petite salle d’eau. Les effluves de son parfum assaillirent Kaori qui chancela sous l’effet des flash-back de « Bagheera » qui lui revinrent en mémoire.  

 

Totalement épuisée, elle se laissa tomber sur la chaise. Cela faisait trop d’émotions d’un coup. Elle essaya de faire le vide dans son esprit et de ne plus penser à rien, surtout pas à Bagheera ! Faire abstraction de tout. Mais sans succès. Elle était trop énervée, trop tendue, trop inquiète, trop « trop » pour être zen. Les paroles de Vlad ne faisaient que passer et repasser dans son esprit, accompagnées de flash provenant de toutes les fois où elle avait vu Bagheera, ou Ryô, sur scène. Pouvait-elle vraiment y croire ? Sa femme… Ryô pensait-il vraiment à elle en ces termes ? Tout lui laissait penser que oui. N’avait-il pas eu mille occasions de se laisser tomber dans les bras de mille femmes différentes pendant tous ces mois ? Pourtant Vlad maintenait qu’il n’avait pas une seule fois été intéressé par le sexe opposé qui lui avait pourtant aussi fait d’innombrables avances ! Mais… Il lui avait menti… Et pendant des mois. Des mois de mensonges et de souffrances… Et maintenant ? Qu’allait-il faire ? Elle redoutait la conversation qui allait venir tout en l’espérant. Elle entendit soudainement le bruit de l’eau dans la douche et avant qu’elle puisse se retenir, elle s’imagina l’évolution des gouttes d’eau sur les larges épaules de l’homme, ruisselantes alternativement doucement et rapidement sur les pectoraux puis sur les abdominaux avant de glisser le long de ses jambes et de ses cuisses musclées… Elle pouvait encore sentir la peau sous ses doigts… Elle s’empourpra violemment à ce souvenir ! Mais pourquoi donc avait-il agit ainsi ce soir-là !? Pourquoi ?! Pourquoi ne pas lui avoir dit à ce moment-là que c’était lui !? Mais dans les brumes de ses pensées, elle comprenait à présent la raison pour laquelle Bagheera l’obsédait tant. « Obséder » était d’ailleurs un mot bien faible pour l’état de folie dans lequel elle s’était retrouvée depuis qu’elle s’était entretenue en tête à tête, littéralement, avec lui pendant sa séance privée. Et son rêve ! Elle se rappelait encore du choc qu’elle avait éprouvé quand elle avait rêvé que Ryô et Bagheera ne faisaient qu’un. Tout avait été tellement réel dans son fantasme… Mais était-ce bien le fruit de son imagination ? Maintenant qu’elle savait la vérité, ne se pourrait-il pas que ce soit un de ses rares rêves prémonitoires que tout le monde fait quelques fois dans sa vie ? Un frisson parcourut le dos de Kaori mais elle ne savait mettre le doigt sur les émotions qui l’accompagnaient. Anticipation ? Peur ? Désir ? Méfiance ? Elle ne savait plus. Elle avait l’impression d’être l’aiguille dans la meule de foin.  

 

Elle en était là dans ces réflexions quand Ryô réapparut. Elle se tourna vers lui et constata qu’il était habillé, plus ou moins correctement, mais que l’eau perlait sur ses cheveux et commençait à goutter sur ses épaules. Comme il était séduisant en cet instant. Peut-être même trop. Il était plus qu’évident qu’il s’était hâté. Une colère froide s’empara de Kaori, colère mêlée à de l’inquiétude. Les yeux de la jeune femme se posèrent alors sur une serviette qui se trouvait sur la coiffeuse où reposaient toutes sortes de petits pots. Sans doute du maquillage de scène, se dit-elle machinalement. Elle s’en empara et la lui lança brusquement. Il la réceptionna, surpris, et la regarda bêtement.  

« _Prend donc le temps de t’essuyer correctement. A moins que tu n’espères attraper une pneumonie pour échapper à ton châtiment. C’est peine perdue. Je ne te laisserais pas t’échapper à si bon compte, s’entendit-elle lui dire étonnée elle-même par ces mots prononcés si calmement malgré toutes les émotions qui se bousculaient dans son cœur et son cerveau. Et habille-toi correctement ! On dirait presque Mick au moment où Kazue l’a mis à la porte ! »  

Ryô pâlit, grimaça face à l’humeur de sa partenaire, mais obtempéra et termina de se sécher les cheveux. Il reposa la serviette sur un dossier de chaise et mit sa chemise dans son pantalon avant d’enfiler un pull. Devait-il avoir peur ou au contraire être rassuré que Kaori contrôle ses émotions, elle qui normalement était plutôt explosive quand ça le concernait ?  

 

Il s’était mis dans une situation pas possible, persuadé qu’elle n’en saurait jamais rien. Mais il se rendait compte à présent à quel point ça aurait été difficile pour lui de tout lui avouer si elle n’avait pas découvert sa double vie. Il se connaissait malheureusement trop bien. Une fois le contrat achevé, il était plus que probable qu’il se serait défilé, comme à son habitude, et aurait rajouté un mensonge par-dessus tout le reste. En fin de compte, peut-être qu’il valait mieux que tout se termine comme ça se déroulait en ce moment. Dos au mur, il ne pouvait plus reculer, et plus important, il ne pouvait plus lui sortir la première connerie qui lui passerait par la tête, comme cette fichue fiancée ! Maintenant qu’elle savait où il traînait depuis le début de cette affaire, il lui serait facile de confirmer ses dires en vérifiant avec le personnel du Baiser. L’heure des aveux avait sonné comme on dit. Mais pas ici. Il y avait trop d’oreilles indiscrètes qui pouvaient les surprendre, et une autre qui ne se gênerait pas de les interrompre si elle savait qu’il y avait une femme dans la loge de Bagheera ! (NDL : tiens ? est-ce qu’il parlerait de Zaza ? Elle n’oserait JAMAIS faire ça cette brave petite…)  

 

« _Rentrons Kaori. Ah, euh… Juste une chose s’il te plaît : ne dis pas un mot tant que nous ne serons pas sortis du cabaret.  

_Pourquoi, s’entendit-elle demander un peu sèchement. »  

Il ne répondit pas mais se contenta de remettre son masque sous les yeux ahuris de la jeune femme. Il se retourna vers elle et elle sentit son cœur se soulever : sa conscience venait d’assimiler violemment l’information face à cette image : Ryô était bel et bien Bagheera. Il n’y avait plus de doute. Comme venue de loin, la voix de l’homme résonna :  

« _Personne ici ne sait qui est réellement Bagheera à part le patron et Vlad. Et il ne faut pas que cela change. Etre harcelé par toutes les femmes dans la rue est le dernier de mes souhaits. »  

Il se dirigea vers elle et constata qu’elle se tenait inerte, comme paralysée. Avait-elle bien entendu ce qu’il venait de dire ?! Est-ce que RYO, le fameux « Etalon du Shinjuku », venait de lui dire CA ?!? Il plaça timidement une main dans son dos afin de la guider vers la porte de la loge et ainsi quitter les lieux. Elle se laissa faire sans broncher, incapable de penser, et c’est ainsi qu’il sortirent du Baiser du Dragon en devant supporter les regards du personnel : qui était donc cette femme ? Personne ne l’avait jamais vue. Dans un coin, Zaza observa la scène avec colère, les poings serrés et en tapant du pied. Cette Saeko de malheur et maintenant celle-la ! Alors pourquoi ne parvenait-elle à rien avec lui ?… Ils passèrent devant l’agent de sécurité qui salua Bagheera avec respect tout en regardant Kaori d’un drôle d’air. Qui était-elle ? Il ne se souvenait pas l’avoir faite entrer ? Mais comme Bagheera semblait la connaître, il ne se posa pas davantage de questions et les laissa passer sans commentaires.  

 

Ryô entraîna la jeune femme quelques rues plus loin puis ôta son masque en soupirant de soulagement. Il le plia et le mit dans sa poche, heureux quelque part que toute cette mascarade soit finie. Kaori était étrangement silencieuse et se contentait de marcher à ses côtés, les yeux rivés à ses chaussures. Il n’en menait pas plus large. Ils étaient tous les deux plongés dans leurs pensées et ne semblaient pas en trouver le bout. C’est ainsi qu’ils arrivèrent à l’appartement, presque trop rapidement au goût de Ryô car il ne savait toujours pas comment procéder. Leurs pas dans l’escalier semblaient résonner dans sa tête comme les coups de marteaux du juge à la cour de justice, annonçant sa proche condamnation. Une légère sueur froide se propagea sur son front et dans son dos. Kaori ne se sentait pas mieux. Son estomac était tout retourné au point qu’elle en avait des hauts le cœur. Elle avait l’impression qu’elle allait vomir à chaque marche qu’elle gravissait. Ils arrivèrent finalement à leur étage. La porte de l’appartement fut alors poussée et refermée lentement par la jeune femme. Aucun d’eux n’avait pris la peine d’allumer la lumière. Il faisait noir dans le salon et le silence était plus que pesant. Ne faisant plus confiance à ses jambes, Ryô s’affala dans le canapé tandis qu’il posa sa tête sur ses bras eux-mêmes posés sur ses genoux. Kaori s’installa dans le fauteuil en face de lui, ses mains crispées sur le tissu de son pantalon trahissaient sa grande nervosité. Finalement Ryô releva son regard et la fixa de ses yeux désespérés. Ils se faisaient face sans dire un mot. Tout était si calme que l’on pouvait percevoir le souffle de leur respiration. Aucun son ne leur parvenait. Même de l’extérieur. Tokyo qui était normalement si agitée semblait ce soir en pleine hibernation comme si toute la ville savait que leur avenir se jouerait ce soir. C’était tellement palpable que Ryô fut saisi d’une irrépressible envie de fuir loin d’ici ! Loin de sa connerie mondialement connue. Mais il ne bougea pas. Son anxiété était à son comble. Que devait-il lui dire Bon Dieu ?! Comment justifierait-il ce qu’il avait fait lors de cette séance privée ? Les caresses plus qu’indécentes, le baiser passionné, sa fuite… Et ce n’est pas tant la voix de Kaori qui le ramena brutalement sur terre, mais plutôt ses mots…  

 

Elle était là, face à lui. Ils se dévisageaient sans rien dire. Elle se sentait tellement embrouillée… Etait-ce une bonne idée de parler de tout cela maintenant ? A chaud ? A presque 2h du matin alors qu’il était tous les deux épuisés et éreintés émotionnellement ? Elle ne savait plus. Mais en même temps, elle savait qu’elle serait incapable de trouver le sommeil et d’attendre le petit matin pour avoir cette discussion. Mais elle avait besoin de quelques instants de solitude pour tenter de remettre un peu d’ordre dans sa tête. Elle lui dit la première chose qui lui vint à l’esprit pour gagner un peu de temps.  

 

« _Tu as dû avoir une longue journée. Je vais préparer quelques sandwiches et un peu de thé. Je reviens tout de suite, annonça-t-elle en se levant et en se dirigeant vers la cuisine. »  

 

Ryô en serait presque tombé par terre s’il n’était déjà pas assis ! Réalisait-elle ce qu’elle venait de dire ? Elle venait d’apprendre, assez durement qui plus est, qu’il s’était moqué d’elle et tout ce qu’elle trouvait à faire c’était de vouloir lui préparer à manger ? Et du thé ? Et pourquoi pas lui proposer un massage pour le remercier ! Il se rendait bien compte que c’était une manœuvre pour repousser le moment où elle apprendrait toute la vérité. Il savait que s’il la laissait faire, ils ne discuteraient jamais de ce qui s’était passé durant ses neufs mois. Ils avaient tous les deux peur de cette conversation et ils voulaient tous les deux l’éviter, mais s’ils faisaient ça, la situation ne ferait que s’aggraver et plus jamais il n’aurait la possibilité de tout remettre en ordre. Il n’aurait jamais une seconde chance pour lui avouer à quel point il tenait à elle. Il n’aurait jamais une seconde chance de la rendre heureuse. Non. S’ils ne parlaient pas maintenant de ce qu’ils avaient sur le cœur, ils s’éloigneraient définitivement l’un de l’autre. Et ce n’était pas lui, le lâche éternel, ni Kaori avec sa timidité maladive, qui crèveraient l’abcès. Quant à leurs amis… Aussi bien Kaori que lui leur avait fait comprendre de c’était leurs affaires à eux et qu’ils ne devaient pas s’en mêler. Ils n’interviendraient pas. Il ne restait donc plus que lui pour empêcher cette catastrophe de se produire ! Il sauta du canapé et attrapa la jeune femme par son poignet.  

 

« _Kaori ! Ce n’est pas le moment d’avoir des pensées d’ordre culinaire ! Nous avons autre chose à faire de bien plus important, dit-il plus abruptement qu’il ne l’aurait voulu. Nous devons parler. »  

 

Son cœur s’était mis furieusement à battre en sentant la chaleur de sa paume contre son poignet. Il avait raison, elle le savait. Mais il y avait tellement d’émotions qui grondaient en elle qu’elle ne savait pas ce qu’elle ressentait : peur, amertume, amour, colère. Désir ?… Oui, aussi. Son corps se mit à trembler. L’homme le sentit et la relâcha. Ils restèrent ainsi quelques instants. Ryô se passa alors nerveusement les mains dans les cheveux. Diable ! C’était à lui de faire quelque chose. Il avait sans doute tout gâché, le manque de réactions de sa partenaire semblait le lui confirmer. Mais il devait tenter une manœuvre pour au moins lancer la discussion si pénible serait-elle. Et à ses yeux une colère ou même une bataille valait mieux que cet abominable silence. Il ôta son imperméable et le posa sur le dossier du sofa. Il s’approcha du bar, se servit un verre qu’il but cul sec devant le regard quasi vide de Kaori qui tentait de faire le tri dans ses émotions et de définir laquelle devait prendre le dessus sur les autres. Ryô se resservit un verre ainsi qu’un second qu’il donna à Kaori qui le prit machinalement mais tenta de le poser l’instant d’après. Il l’en empêcha et l’encouragea d’une petite poussée d’en boire un peu. Kaori y trempa les lèvres et en avala une petite gorgée. Le feu de l’alcool qui coula dans sa gorge la ranima un peu et sembla lui donner plus de force. Satisfait de voir plus de couleur sur les joues de Kaori, il se posta face à la fenêtre, le regard se perdant dans les lumières de la ville comme il avait l’habitude de le faire. Il s’appuya contre le mur et chercha le courage de commencer en prenant une nouvelle petite gorgée. Il avait besoin d’un soutien aussi bien physique que moral car, il en était persuadé, le pire allait arriver…  

 

Kaori le voyait agir à travers ses yeux nimbés de coton bien que son esprit était un peu plus clair avec l’alcool qu’elle avait ingurgité. La lune éclairait son partenaire d’un halo argenté qui lui donnait une apparence d’outre monde. Il était tellement séduisant qu’elle sentait son cœur battre de plus en plus fort. Et puis, soudainement, la colère saisit son sœur. Tous ces mois… Elle avait souffert tous ces longs mois, le croyant gay à tort, perdu à jamais pour les bras d’un homme alors que tout n’était que mensonge ! Mensonges ! Toute cette souffrance qui avait marqué sa chair au fer rouge ! Les paroles de Vlad lui revinrent brutalement en mémoire. Si tout ce qu’il lui avait dit était vrai, alors c’était encore plus inacceptable ! Car cela voudrait dire que, bien que la considérant comme sa femme, il n’avait eu aucune considération à proprement dite pour elle car il l’avait menée en bateau, la faisant délibérément souffrir alors qu’il aurait été si simple de dire la vérité ! Ne lui avait-elle pas pardonné toutes ses conneries depuis dix ans ?! Et il en avait fait des conneries en dix ans !! Mais elle les lui avait pardonnées. Toutes… C’est alors qu’un doute s’insinua dans ses pensées. Elle était persuadée que Vlad lui avait raconté la vérité… Mais était-ce bien le cas ? N’avait-il pas prononcé ces mots juste pour la retenir le temps du show ? Non ! Il n’avait aucune raison de lui mentir lui… Et puis il n’était pas comédien pour cacher ses sentiments, il avait vraiment été choqué quand elle lui avait dit que Ryô était fiancé. Et pourtant… Il n’y avait pas trente six manières de le savoir. Elle devait écouter ce que Ryô avait à dire. Ensuite elle déciderait comment réagir. Mais lui, lui dirait-il seulement la vérité après avoir tellement menti ? Elle allait vite le savoir, enfin l’espérait-elle. Son partenaire ne savait pas qu’elle était déjà au courant, du moins d’une version des faits. Si les deux hommes étaient en accords, alors tant mieux, dans le cas contraire… Elle ne savait pas ce qu’elle ferait, mais elle aurait tendance en ce moment à croire Vlad plutôt que son partenaire. Jusqu’à maintenant il était le seul à avoir été honnête avec elle. La voix chaude mais hésitante de Ryô brisa alors son tumulte intérieur et elle se concentra sur ses paroles.  

 

« _Je… Je ne sais pas du tout par où commencer Kaori. Mais je crois que… que la première chose que je dois… faire, c’est te… te demander pardon. Mille fois pardon. Je sais que ça ne changera sans doute rien, mais je suis sincèrement désolé. Je me doute bien que tu… que tu n’es pas d’humeur clémente, mais j’espère qu’un jour tu seras capable de me pardonner de t’avoir ainsi mentie. Effrontément. Et de t’avoir faite souffrir. »  

 

Les épaules de Ryo s’était effondrées alors que sa tête pendait contre son torse. Sa voix s’était étranglée au moment où il avait prononcé ces derniers mots. Il n’avait pas réussi à empêcher les souvenirs de refaire surface, et il revoyait à nouveau Kaori devant lui. « Zombie » était le terme le plus charitable auquel il pouvait penser pour la décrire à cette époque-là. Les yeux creusés, les cheveux ternes et en bataille, ses vêtements flottant sur son corps… Un frisson de révulsion lui parcourut le dos, non pas pour elle, mais pour lui qui l’avait poussée à se négliger ainsi !! Il se secoua et se reprit aussi bien que mal.  

 

« Je le voyais bien tu sais, que tu allais mal. J’aurais dû tout te dire depuis le début, je le sais. Les choses ne seraient pas ce qu’elles sont ce soir. Mais quand tout a commencé, je me sentais incapable de t’avouer cette chose ! J’avais honte… Moi ! Dans une situation pareille ! Dans laquelle je m’étais fourré moi-même en plus ! Quel bel idiot j’ai pu être ! J’avais beaucoup trop honte. Pardon. »  

 

Kaori n’en revenait pas de ce qu’elle venait d’entendre. Il ne lui avait jamais demandé pardon de sa vie. Du moins jamais aussi ouvertement ! Et jamais elle ne l’avait entendu dire qu’il avait honte de ses agissements. Et il semblait si sincère en cet instant. Et le hic était là. Il « semblait » sincère, mais avec Ryô il était difficile d’être sûr. Surtout maintenant qu’elle venait d’apprendre qu’il lui avait mentie pendant neuf mois avec une facilité déconcertante ! Comment encore lui faire confiance alors qu’il l’avait volontairement et consciemment faite souffrir pendant tout ce temps ? Même maintenant il arrivait encore à la faire souffrir en la faisant douter de tout ! Pourquoi ne lui avait-il pas tout simplement dit la vérité !? Une larme coula silencieusement le long de sa joue.  

 

Le silence de la jeune femme le mit très mal à l’aise. Il n’osait pas se retourner pour la regarder. Pas même par-dessus son épaule ou en biais. Il avait trop peur de ce qu’il verrait. Il aurait voulu à cet instant qu’elle crie, qu’elle l’insulte, qu’elle le cogne. Mais rien, aucune réaction, elle était aussi silencieuse qu’une statue. Elle attendait vraisemblablement la suite. Bien. Il n’avait plus le choix. Il se devait de tout lui dire. Il aurait préféré être très loin d’ici mais il n’avait plus le choix. Elle avait le droit d’entendre la vérité et de tout savoir. Absolument tout. Y compris ce qui l’avait motivé ce soir-là… Il redoutait évidemment le moment où il devrait aborder cette séance privée qui avait failli le conduire à sa perte mais elle devait comprendre que lui, Ryô, et non Bagheera, tenait à elle ! Que s’était pour cette raison qu’il… qu’il s’était enfui cette nuit là. Qu’il s’était forcé à fuir ! Que se serait-il passé s’il lui avait fait l’amour, et si elle avait découvert par la suite qu’il s’agissait de lui ?… Comment lui aurait-il expliqué qu’il ne s’était pas moqué d’elle ? Ni qu’il avait profité pour abuser d’elle ? Comment aurait-il pu la persuader que ses sentiments avaient été et étaient toujours sincères ?! Ca aurait été impossible, et il s’en était rendu compte pendant un flash de lucidité. Et il avait prit la fuite. La blessant encore un peu plus dans son amour propre… Un tortionnaire n’aurait probablement pas fait mieux que moi remarqua-t-il en grinçant des dents à s’en faire mal à la mâchoire.  

 

Inquiet de ne toujours rien percevoir de son côté, il se résigna à lentement se retourner pour la regarder. Elle n’avait pas bougé de sa place à côté de la porte de la cuisine. Malheureusement il faisait sombre et il ne la voyait que très mal. Il ne distinguait que la forme de sa silhouette et ne savait donc pas ce qu’elle ressentait. Il reprit sa position face à la fenêtre. Il ferma les yeux, inspira, les rouvrit et continua son explication.  

 

« _Tu te souviens de notre dernière affaire ? Le gang des dragons noirs qui avait enlevé la fille de ce sénateur américain en visite au Japon ? Ce politicien nous a payé une fortune pour la récupérer. Tu as failli… te faire… tuer dans cette affaire, à cause d’une seconde d’inattention de ma part. Quand nous sommes rentrés, j’ai attendu que tu te sois endormie pour sortir. J’avais besoin de faire le vide. Car… »  

 

Ryô hésita un instant. Devait-il lui dire ? Enfin lui avouer qu’il avait peur pour elle ? Cela changerait-il quelque chose ? Sans doute que oui, du moins l’espérait-il. Pour avoir une chance de se faire pardonner, il se devait d’être honnête. Mais le croirait-elle ? Après tous les mensonges des derniers mois ? Il grimaça, sachant très bien comment lui réagirait si les rôles avaient été inversés. Il devait au moins essayer et lutter avec les armes qu’il avait. Il inspira pour se donner courage et reprit sa phrase.  

 

« _Car… j’ai eu peur de te perdre cette nuit-là. Ce n’était pas passé loin. Encore aujourd’hui je me demande comment j’ai fait pour nous en sortir. J’ai ressenti le besoin de sortir et de boire. Penser que j’avais presque dû passer ma vie sans toi… Ca m’était intenable. Plus j’y pensais et plus je devenais fou. Je devais me changer les idées… Pour oublier ne serait-ce que quelques heures ce qui avait failli se produire. Et j’ai plutôt bien réussi mon coup. Pour avoir tout oublié, j’ai vraiment TOUT oublié. »  

 

Il se tut, le menton contre son torse, la tête rentrée dans les épaules. Ses bras pendaient raides le long de son corps, ses poings crispés sur eux-mêmes. Il rageait d’avoir été piégé aussi facilement par Sung, mais il était encore plus furieux contre lui-même d’avoir été aussi faible d’accepter sa proposition. On disait qu’il était un des hommes les plus courageux vu qu’il osait s’en prendre à la pègre sans hésiter, mais en réalité il était le plus lâche des hommes que la terre n’ait jamais porté. Seul un lâche faisait souffrir la personne qu’il aimait… Et ce pendant presque neuf mois !! Prenant une profonde inspiration il essaya de se calmer car pour l’instant le plus important c’était Kaori, le fouet des pénitences viendrait plus tard. Relevant un peu la tête, il jeta un coup d’oeil par-dessus son épaule pour voir la réaction de Kaori face ses aveux.  

 

Kaori était plus immobile qu’une statue. Elle était sous le choc. Avait-elle bien entendu ? Elle n’avait pas rêvé ?! Ryô qui s’excusait !? Non seulement ça, mais en plus il disait avoir honte de ses actions ! Lui ?!? Lui qui dansait nu sur une table de cabaret dès qu’il y avait de l’alcool et de la musique ?! Elle n’en revenait pas !! Mais la cerise sur le gâteau qui la cloua sur place… Osait-elle y croire ? Ses oreilles ne lui avaient-elles pas jouée une mauvaise blague quand il dit tenir à elle ? Mais alors… Vlad lui avait donc bien dit la vérité ! Elle sentit ses jambes se dérober sous elle. Elle fit un pas hésitant en avant, un second, et finalement se laissa tomber de travers sur le fauteuil le plus proche de la cuisine. Quelque part elle s’y était attendue, mais l’entendre le dire aussi ouvertement, sans s’esquiver, sans prendre la fuite… Son cœur se réchauffa en réalisant tout ce que ça impliquait, mais après un instant cette température escalada dangereusement pour redevenir la colère. Comment avait-il osé lui infliger toutes ces souffrances s’il tenait tant à elle !? Il prétendait vouloir la protéger ? Il avait peur de la perdre ? Une colère noire s’empara d’elle mais elle se contrôla tant bien que mal. Si elle commençait à crier maintenant, elle ne connaîtrait jamais la suite de l’histoire. Grinçant des dents, les mains crispées sur les accoudoirs, elle se fit force de rester de marbre.  

 

Ryô se sentait faible. Il avait vu Kaori chanceler vers le fauteuil mais il n’avait pas réussi à faire bouger ses jambes pour l’aider. Comment aurait-elle réagi s’il s’était précipité pour l’aider ? Comment l’aurait-elle interprété ? Le temps que ces questions fusent dans son esprit, elle était déjà assise et à présent elle était de nouveau aussi immobile qu’auparavant. Pourquoi donc ne disait-elle rien ? Pas le moindre son ne lui parvenait de son côté de la pièce et l’atmosphère en devenait pesante. Il avait l’impression que si ses jambes le lâchaient il s’enfoncerait jusqu’au sous-sol tellement l’air était lourd. Mieux valait en finir au plus vite dans ce cas. Il se secoua un peu pour reprendre ses esprits et continua.  

 

« _Ce soir-là je suis allé « Au Baiser du Dragon » et me suis laissé enivrer par les serveuses. Je me suis réveillé sur une des tables avec une gueule de bois du tonnerre comme je n’en avais encore jamais eu. A un tel point que je ne me souvenais même pas de ce que j’avais bien pu faire durant cette soirée. Le trou noir total. Mais ce qui m’a encore le plus surpris c’est de ne pas avoir été viré du cabaret. Sung n’hésite pas à me balancer dehors quand je suis trop ivre. Mais là, j’étais toujours dans la boite. Et ça m’a intrigué. D’autant plus quand il est venu s’asseoir près de moi avec le sourire et le cigare dans le bec en me disant qu’il ferait un malheur grâce à moi. J’ai rien compris mais son sourire béat m’a illico fait craindre le pire. Et j’avais raison de m’inquiéter. »  

 

Ce mauvais tour que le patron du Baiser lui avait joué. A lui ! Le protecteur du quartier sans qui son cabaret n’aurait jamais pu survivre à Shinjuku ! A lui qui le protégeait de toute la racaille qui aurait voulu détourner son établissement pour des fins peu légales ! Décidément, de nos jours, on ne pouvait plus faire confiance à personne…  

 

« _Je me suis bien fait avoir sur ce coup-là Kaori. Crois-moi. Je n’avais rien prémédité. Le grand City Hunter s’est fait baiser la gueule par un patron de cabaret ! Et en beauté en plus ! Quelle ironie ! Piégé là où je viens me divertir. Je me croyais en sécurité dans ce genre de lieux. Et comme je connais Sung depuis assez longtemps, j’étais plutôt en confiance. Et ce rat s’est bien foutu de moi. Mais à cause de ma propre bêtise, comme toujours. Rien n’arrive sans raison. C’est le revers de la médaille. »  

 

Kaori ne broncha pas. Que son partenaire avec le chic pour se mettre dans des situations pas possible, ça elle le savait ! Il était loin d’être l’enfant sage comme une image après tout ! Elle ne comptait plus toutes les fois où il s’était fait piéger de lui-même en y entrant les yeux et les bras grands ouverts. Mais ça n’expliquait toujours pas pourquoi il n’était pas venu la voir. Elle aurait peut-être pu l’aider ! Et si elle n’avait vraiment rien pu faire, au moins elle ne se serait pas inquiétée et faite du sang d’encre pendant qu’il était parti ! Non, quoi que Sung lui ait fait, c’était impardonnable de sa part de lui avoir tout caché et menti par-dessus le marché !  

 

Un nouveau silence. Ryô se sentait oppressé comme jamais. Son estomac était si noué qu’il lui faisait mal. Il était persuadé de se confesser pour rien. Jamais elle ne lui pardonnerait ! Combien de temps s’était écoulé depuis le début de cette mascarade ? 9 mois s’il comptait bien. Comment pardonner 9 mois de mensonges ? De souffrance ? De larmes ? Il s’en voulait tellement. Et elle devait savoir à quel point il regrettait. Quand il reprit son récit, sa voix était rauque de honte et de regrets.  

 

« _Cette nuit-là, j’ai fait une énorme dette. Mais vraiment énorme. Les filles ont bien fait leur travail. Et comme j’étais ivre mort, je ne me suis rendu compte de rien. C’est pathétique, je sais, mais c’est ainsi. Au petit matin, comme je te l’ai dit, je ne me souvenais de rien. C’est alors que Sung m’a présenté un contrat qui portait ma signature. Un contrat qui m’obligeait à recouvrir ma dette d’une manière particulière. Je pense que tu as compris de quoi il était question dans ce contrat. »  

 

Bien sûr qu’elle le savait, du moins maintenant qu’elle savait que Ryô et Bagheera était la même et unique personne, elle se rendait compte comment il s’était fourré dans ce pétrin. Même si elle avait beaucoup de mal à croire que son partenaire ait accepté de faire ce métier là ! Elle le connaissait bien après tout. Si on lui avait dit que Ryo avait été piégé pour l’obliger à signer un contrat de ce genre, elle se serait plutôt attendu à retrouver la personne qui avait fait le coup morte. Si elle avait appris une chose pendant toutes ses années, c’est qu’on ne l’obligeait pas à faire quelque chose qu’il n’aimait pas. Même elle avec ses massues n’arrivait pas à le faire changer d’avis quand il s’entêtait. Mais apparemment Sung avait réussi là où elle et pas mal d’autres personnes avaient échoué. Elle devait reconnaître que le patron du Baiser avait beaucoup de courage pour avoir oser lui faire un coup pareil et rien que pour ça elle l’admirait. Mais en quoi ça expliquait ses mensonges ?  

 

« _Je sais à quoi tu penses, soupira-t-il lisant un peu dans ses pensées. Tu te demandes en quoi ça explique tous les mensonges de ces derniers mois. J’y viens… »  

 

Il bougea alors un peu, quittant le mur qui le soutenait depuis le début et se plaça plus au centre de la fenêtre. Laissant son regard planer dans le vide, il se remémora ce qui s’était passé dans le bureau de Sung. Car il avait fini par se rappeler de tout. Il lui avait fallu plusieurs semaines pour reconstituer le puzzle mais il y était parvenu. Et avait dû admettre que « son patron » ne lui avait pas menti : c’était bien lui qui l’avait supplié de trouver une solution.  

 

« _Vois-tu, ma dette avoisinait bien la somme que le sénateur nous avait donnés. »  

 

Il entendit Kaori happer violemment l’air de surprise. Enfin elle réagissait, et il y avait de quoi. Avec une somme pareille, ils auraient pu vivre aisément pendant plusieurs mois sans avoir à chercher un autre travail, et ce en comptant les dépenses qu’il faisait d’habitude la nuit ! Des mois sans aucun souci financier ! Il savait que pour Kaori s’était un véritable rêve quasi utopique que de vivre dans le luxe d’une vie normale avec des repas réguliers et des achats frivoles de temps en temps. Et là il venait de lui annoncer qu’il avait dépensé l’équivalent de tous ces mois en une seule soirée. Il était d’ailleurs surpris qu’il ne se retrouve pas encore sous une massue… Mais ça ne présageait rien de bon qu’il soit encore debout. Il entendit alors un son qui lui glaça le sang : l’accoudoir qui venait de se fracturer sous la pression de la main de Kaori. Il était heureux à ce moment là de ne pas avoir d’à côté de la fenêtre, ça aurait pu être les vertèbres de son cou autrement… Avant que Kaori puisse s’attaquer à lui, il continua son histoire, espérant que la suite la calmerait.  

 

« _Et comme Sung savait que nous avions eu un gros contrat, il était persuadé que je paierais ma dette sans broncher. Mais voilà, moi, je savais que ce n’était pas possible. Il m’a fallu du temps pour me souvenir entièrement de cette soirée de cauchemar où tout a commencé, et ainsi découvrir que Sung ne m’avait pas, disons entièrement menti sur le pourquoi de la signature de ce contrat. Par contre, la nature du contrat, ça, c’était un guet-apens. Quand il m’a indiqué le montant de ma dette, j’ai failli avoir une attaque cardiaque et cérébrale. Je ne pouvais pas me présenter devant toi avec ma note en te demandant de me donner la somme. Tu as failli perdre la vie pour ce contrat. Je ne t’aurais jamais demandé de payer mes dettes avec le prix de ta vie. Alors Sung m’a menacé de faire appel à la justice pour revoir son argent. Et là je me suis imaginé ce qui se passerait si tu voyais débarquer un huissier de justice à la maison avec une injonction de payer le cabaret ! Je sentais déjà tes mains autours de mon cou, dit-il doucement. Je connais tes colères notamment quand ça concerne mes dettes. Et je ne me sentais pas la force d’endurer cela. Pas après la peur que j’avais eu de te perdre. Et tu es plutôt effrayante dans tes colères Kaori. »  

 

La colère de Kaori retomba aussi soudainement qu’elle était montée en elle. Qu’est-ce qu’il venait de dire ? Sa voix n’avait plus été qu’un murmure aussi n’était-elle pas certaine de ses paroles. Mais s’il avait bien dit ce qu’elle avait cru comprendre… Son cœur se serra un peu alors que ses mains devinrent aussi froides que la glace. Il aurait donc fait tout ça… parce que… à cause de… Non. Non, quand même pas ! Ryô ne s’était pas arrêté dans son explication aussi reporta-t-elle son attention sur lui pour ne pas perdre une autre miette de l’histoire.  

 

« _Je l’ai alors supplié de trouver une autre solution. Ce qu’il a fait : il m’a proposé de travailler pour lui pour payer ma dette. Ce que j’ai accepté. Mais tout à ma panique de ta réaction, j’ai signé sans rien lire, confiant. Pour découvrir le lendemain que ce contrat n’était pas ce que je croyais qu’il serait. Il m’a bien eu sur ce coup ce manipulateur de Sung. Il savait que je ferais tout pour éviter que tu sois au courant de ce dérapage plus qu’incontrôlé de ma part. Il m’avait bel et bien piégé. Je ne pouvais pas refuser, ni me venger de lui. City Hunter qui s’en prend à un patron de cabaret ? Voilà qui aurait fait le tour du quartier encore plus rapidement que le virus de la grippe ! Il n’aurait pas fallu plus de deux minutes pour que l’on sache toute la vérité sur ce qui s’était passé. Je n’avais donc pas le choix : j’ai accepté à mon plus grand regret ce maudit contrat… Et j’en ai des regrets, tu sais. Pas seulement de ce que j’ai fait cette soirée-là, mais aussi pour tout ce qui s’est passé par la suite. Et tout ça parce que je voulais oublier… »  

 

Il se laissa tomber doucement contre la fenêtre, le front contre la vitre. Il était tellement fatigué, physiquement, moralement. Il n’en pouvait plus de vivre chaque jour avec le poids de ses mensonges, mais maintenant qu’il était en train de tout avouer il ne s’en sentait pas mieux. Au contraire, il se rendait compte à quel point il avait été une fripouille de la pire espèce. On omet de dire quelque chose tout au début, puis on ment un peu. Après tout ce n’est qu’un tout petit mensonge. Mais on n’en reste pas là malheureusement et on continue à mentir pour se protéger, jusqu’au jour où on n’ose plus se regarder dans un miroir… Et au lieu de devoir payer le prix de la faute d’origine, on découvre que ce prix a été multiplié par cent ou mille fois sa valeur. Personne n’accepterait de pardonner quelqu’un comme ça… Non, personne. Il ne se pardonnait pas lui-même d’ailleurs. La seule chose qu’il pouvait faire à présent, c’était de raconter ses fautes et d’essayer de réparer le mieux qu’il pouvait la situation.  

 

« _Je ne pourrais plus jamais oublié cet épisode de ma vie, ni les raisons qui m’ont poussé à en arriver là. Si seulement j’avais eu le courage de tout te raconter, ou au moins de te raconter un morceau de toute l’histoire… Mais non. J’avais trop honte d’avoir été un idiot, et en me taisant je suis devenu un triple idiot encore plus imbécile qu’avant. Je ne pouvais pas imaginer ce que ma vie serait si on découvrait que je devais devenir strip-teaseur à cause d’une dette dans un cabaret. Qu’aurais-tu pensé de moi si je t’en avais parlé ? Qu’auraient pensé nos amis ? Même Falcon se serait moqué de moi et je sais que jamais on ne m’aurait permis d’oublier ce morceau de ma vie. L’humiliation imminente était trop grande pour mon ego alors je me suis tu. J’espérais pouvoir me débrouiller le temps que je rembourse tout et ensuite reprendre ma vie comme avant. Tu n’en aurais jamais rien su et l’argent de notre contrat était sauf. J’avais même réussi à faire ajouter une clause à mon contrat laissant mon identité secrète. De plus, vu qu’on avait de l’argent, tu ne m’harcèlerais pas avec du boulot, donc je pouvais m’éclipser sans risque que tu me demandes où j’allais. A ce moment, mon plan me semblait parfait. Mes espoirs s’effondrèrent quand je fis la rencontre de Vlad… »  

 

Le cœur de Kaori se serra douloureusement, n’entendant vraisemblablement pas la rancœur et le dégoût qui coloraient la voix de Ryô. Elle appréhendait ce qu’elle allait apprendre sur la relation entre les deux hommes. Elle allait enfin entendre des lèvres de Ryô si tout ce que Vlad lui avait raconté était vrai. Si effectivement il n’y avait jamais eu… Un frisson secoua tout son dos. Elle ne devait pas se faire de films, dans un sens comme dans l’autre. Elle déglutit difficilement et écouta la suite.  

 

« _Sung avait prévu des cours de danse. Qui, aujourd’hui je l’admets, étaient nécessaires. Mais voilà, ces cours me prenaient énormément de temps. Vlad est un prof exigeant, il n’acceptait de me laisser partir que quand j’avais la leçon bien ancrée dans ma mémoire. La première leçon s’est éternisée, il était déjà tard quand je suis sorti de l’Opéra, mais malheureusement je ne pouvais pas rentrer immédiatement bien qu’il était l’heure de passer à table. Je devais aller faire des achats dans un magasin spécialisé : collants et chaussons. Je ne m’étais pas inquiété plus que ça, mais c’était sans compter sur le pointillisme du vendeur qui a refusé de me vendre la première paire qui m’allait bien. J’ai été obligé d’essayer une vingtaine de paire de collant et de chaussons, jusqu’à ce que ce fichu vendeur trouve que la combinaison de couleurs et de tissu me convenait. J’aurais pu l’abattre dix fois pendant les essayages si j’avais eu mon flingue. Finalement il fut satisfait et je pus quitter le magasin. Mais la poisse était vraiment au rendez-vous car le moteur de ma voiture refusa de démarrer. J’ai dû appeler un dépanneur et une fois tout réglé il était déjà minuit passé. Quand je suis rentré à l’appart il était presque une heure, et pendant tout le chemin je me demandais ce que je pourrais te raconter pour expliquer mon absence de toute la journée mais surtout mon retour aussi tardif. J’avais bien trop honte pour t’avouer que je suivais des cours de danse en collant moulant avec un prof gay ! Gay de la pointe de ses cheveux aux ongles de ses orteils ! J’ai d’ailleurs presque eu une apoplexie quand je l’ai vu pour la première fois ce matin-là ! J’ai failli me sauver en courant ! Je vivais un vrai cauchemar éveillé qui ne s’est malheureusement pas amélioré au fil du temps... »  

 

Kaori ferma alors les yeux et, sans même en avoir conscience, posa les mains sur sa bouche pour réprimer un sanglot. Ces paroles venaient de détruire la cruelle vérité qu’elle s’était imaginée. Bien que Vlad lui avait déjà dit, elle n’avait osé le croire. Mais à présent il n’y avait plus de doute. La tension accumulée dans son estomac et entre ses omoplates retomba et elle se sentit défaillir. Il n’était pas gay. Ryô, son Ryô n’était pas homosexuel… Des larmes de soulagement coulèrent le long de ses joues.  

 

Ryô, tournant toujours le dos à Kaori, ne se rendit pas compte du soulagement qu’il avait provoqué chez sa partenaire. Bien qu’elle se sentait mieux, c’était loin d’être le cas pour lui. Il arrivait au moment où ses mensonges étaient devenus plus gros que lui et que tous les ennuis avaient réellement commencé. Il posa les mains sur l’appui de fenêtre et transféra tout son poids dessus. Il avait besoin d’un support supplémentaire pour rester debout. Ses jambes tremblaient déjà et une sueur froide perlait sur son front. Comment allait-il annoncer qu’il n’avait jamais eu de fiancée ? Qu’il lui avait balancé la première chose qui lui était venu à l’esprit ? De tous les mensonges qu’il lui avait raconté, celui là était bien le plus douloureux qui existait, pour elle comme pour lui. Comment le prendrait-elle ? Il n’y avait qu’une manière de le savoir… Il considéra un instant ouvrir la fenêtre et se défenestrer, mais il se ravisa. Il n’avait plus le droit de fuir, et mettre fin à ses jours n’était certainement pas la bonne solution ! Il devait vraiment être fou pour ne serait-ce qu’y penser ! Non. Pas fou. Désespéré… Il était vraiment plus que temps de mettre fin à son récit !  

 

« _Pour en revenir à mon retour tardif, te rappelles-tu de l’accueil que tu m’as réservé cette nuit-là ? Je n’ai pas eu le temps de parler que tu m’avais déjà assommé. Si j’avais encore des doutes sur la conduite à tenir, je n’en ai plus eu. Je ne pouvais pas te dire la vérité. C’était trop dur, trop honteux. Trop humiliant. Alors… Alors j’ai dit la première connerie qui me passait par la tête. C’est ainsi que « ma fiancée » est née. Et je n’ai cessé de m’en vouloir depuis cette nuit. Comment ai-je pu être aussi cruel et te raconter une telle ignominie ? Quand j’ai vu cette souffrance se peindre sur ton si beau visage, je me suis maudit. Mais je ne pouvais pas te dire la vérité, c’était au-dessus de mes forces. Je devais déjà prendre sur moi pour accepter cette mascarade de contrat que Sung m’avait imposé malgré moi, mais que j’avais tout de même signé, mais devoir en plus endurer ta colère et sans doute, peut-être, des moqueries. Je ne pouvais pas… »  

 

La colère de Kaori disparut complètement pour ne laisser en elle qu’un sentiment de désolation profonde car elle venait de comprendre une chose effroyable : c’était de sa faute à elle. Elle avait donc bien compris tout à l’heure ce que Ryô avait murmuré. C’était à cause de sa violence naturelle qu’il n’avait rien dit. Sa gorge se serra douloureusement. Elle était fautive. Elle était responsable de toute cette situation… Si elle n’avait pas cette mauvaise habitude de sortir ses massues dès qu’il faisait une connerie, il se serait confié à elle. Tous ces mensonges n’auraient jamais eu lieu d’être. Mais voilà… Ce soir-là elle l’avait frappé sans même attendre son explication, et sans le savoir elle avait elle-même provoqué l’éboulement qui allait les séparer pendant des mois. Pourquoi avait-elle une nature si violente ?! Pourquoi ne pouvait-elle pas se contrôler dès qu’il s’agissait de Ryô ? Pourquoi ne pouvait-elle pas être une partenaire plus compréhensive ? Plus douce ? Plus attentive à ses besoins… Si elle avait été tout ça, si elle avait été une bonne partenaire, il aurait pu avoir confiance en elle, il serait venu se confier à elle et ils auraient trouvé une solution ensemble  

 

« _Je n’ai pas tenté d’éclaircir la situation. Je t’ai fais délibérément croire qu’il y avait quelqu’un d’autre dans ma vie. J’aurais pu tout te raconter quand tu t’es mise à me suivre, mais je ne l’ai pas fait. J’en ai encore eu l’occasion quand tu m’as soigné, mais au lieu de corriger mon mensonge, j’y ai ajouté une couche supplémentaire. Tout ça par lâcheté. Et à cause de moi je te voyais chaque jour perdre un peu plus le goût de vivre. Quand tu t’es penchée sur moi, ce jour où je me suis réveillé et que j’étais trop faible pour me relever, j’ai été choqué jusqu’au plus profond de moi de voir ce que tu étais devenue. Je me suis mis à me haïr. C’est alors que je me suis fait la promesse de prendre soin de toi comme une princesse et que j’ai fait de mon mieux pour être présent autant que possible sans trahir le secret de ma fiancée. Ironique, non ? J’étais mort d’inquiétude pour toi mais au lieu de tout te raconter je m’enfonçais plus profondément dans les ennuis en coupant court à mes répétitions et à mes heures de sommeil. Je suis vraiment pathétique… Finalement arriva le jour que j’avais tant espéré : le jour où j’avais terminé de payer mes dettes. Le jour où je m’étais promis de tout te raconter. Mais c’est là que je me suis rendu compte que simplement te dire la vérité ne suffisait pas. Je ne cherchais pas à me faire pardonner… euh, enfin, si, quand même… Mais je savais que se faire pardonner les mains vides n’était pas avisé. Je voulais tout te raconter et t’offrir un cadeau pour te mettre de meilleure humeur envers moi. J’ai donc continué à travailler pour Sung mais en étant payé. Il me restait des rendez-vous privé à honorer… »  

 

Des rendez-vous dont le sien avait fait partie… Devait-il en parler ? Bien sur que oui, mais comment aborder le sujet ? Comment parler de ce qui s’était passé entre eux ? Ou plutôt entre elle et Bagheera ? Comment pouvait-il justifier ce dérapage de conduite ? Il ne le pouvait pas, car ce soir-là il avait tout simplement laissé parler dangereusement son cœur et son corps. Que se serait-il passé s’il n’avait pas pris la fuite ? C’était déjà tellement difficile de tout raconter maintenant, alors si en plus elle avait couché avec Bagheera… Mais expliquer cette soirée là… Il n’y arriverait pas à moins qu’il soit sûr qu’il y ait encore de l’espoir pour eux. Rassemblant tout le courage qui lui restait, il se tourna lentement vers Kaori. Il devait la voir. Il devait savoir ce qu’elle pensait à présent qu’elle connaissait l’histoire.  

 

Elle était toujours immobile dans son fauteuil. La tête baissée. Un peu recroquevillé sur elle-même. Des soubresauts secouaient régulièrement son corps. Des sanglots… Le cœur de Ryô se serra tellement douloureusement qu’une larme se forma au coin de son œil. Elle pleurait. Elle pleurait, encore et toujours à cause de lui… Pourquoi était-ce la seule chose qu’il savait faire ? La faire pleurer… Pourquoi ne pouvait-il pas être comme tous les autres hommes ? Pourquoi n’arrivait-il à la faire rire ? Sourire ? Pourquoi n’arrivait-il pas à la rendre heureuse tout simplement… Mû par une force qu’il ne pouvait contrôler, il avança d’un pas, puis d’un second, et se trouva devant elle. Lentement il tomba à genoux et chercha à croiser son regard. Elle avait les yeux fermés mais elle l’avait senti s’approcher et se cacha dans ses mains…  

 

 


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