Hojo Fan City

 

 

 

Data File

Rated G - Prosa

 

Autore: Mercury80

Status: Completa

Serie: City Hunter

 

Total: 111 capitoli

Pubblicato: 21-01-21

Ultimo aggiornamento: 01-06-21

 

Commenti: 44 reviews

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Romance

 

Riassunto: AU : Quand le coeur entre dans le monde des affaires...

 

Disclaimer: Les personnages de "Roi de pique, dame de coeur" sont la propriété exclusive de Tsukasa Hojo.

 

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   Fanfiction :: Roi de pique, dame de coeur

 

Capitolo 76 :: Chapitre 76

Pubblicato: 13-04-21 - Ultimo aggiornamento: 13-04-21

Commenti: Bonjour, voici la suite de l'histoire. Bonne lecture et merci pour vos commentaires^^

 


Capitolo: 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44 45 46 47 48 49 50 51 52 53 54 55 56 57 58 59 60 61 62 63 64 65 66 67 68 69 70 71 72 73 74 75 76 77 78 79 80 81 82 83 84 85 86 87 88 89 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99 100 101 102 103 104 105 106 107 108 109 110 111


 

Chapitre 76  

 

A Tokyo, Ryo travaillait dans son bureau. Il s’y était mis de bonne heure, ayant eu bien du mal à grappiller quelques heures de sommeil en se demandant comment allait Kaori. Il se souvenait très bien de l’avoir tenue le mois précédent pendant des soirées ou des nuits de typhons moins forts alors que des orages éclataient de tout côté. Elle tremblait comme une feuille, sursautant à chaque coup de tonnerre, et rien, même la plus passionnée des étreintes, n’y faisait. L’inquiétude était donc là cette nuit, encore plus que toutes les autres.  

 

Il avait enfin réussi à se plonger dans un rapport quand son téléphone vibra, affichant un numéro inconnu. Il consulta le message et fronça le sourcils : « On vous a vus. Deux semaines de retard. Sois prêt. ». Il ne doutait pas de la provenance du message et se retint de répondre. Il savait que ça ne servirait à rien, que Mick aurait déjà débranché l’appareil.  

 

Il sentit son sang se glacer au « on vous a vus ». Il n’avait pour le moment aucun moyen de leur expliquer ce qui s’était passé, que les choses n’étaient pas ce qu’elles paraissaient. Mick le connaissait depuis longtemps et il devait se douter qu’il ne tenterait rien sur sa compagne mais Kaori qui avait déjà des doutes sur leur relation malgré les sentiments existants, qu’en penserait-elle ? Il savait que Kazue s’inquiétait de savoir Mick et Kaori ensemble. Lui-même se posait parfois des questions malgré la confiance qu’il avait en eux. Il les chassait bien vite mais, parfois, ça durait, surtout quand il se mettait à culpabiliser sur ce qu’il imposait à sa compagne. De leur côté, ils étaient seuls et sans occupation à longueur de journée. Ca laissait beaucoup de temps pour penser et il savait que la solitude poussait parfois à l’erreur.  

 

Revenant au moment présent, il écarta ses doutes et réévalua toute la situation froidement. Ils ne s’étaient embrassés qu’une fois et Kazue était venue s’installer chez eux mais plusieurs personnes pourraient témoigner au besoin qu’elle avait dormi dans la chambre d’amis si leurs paroles ne suffisaient pas. Mick et Kaori les connaissaient bien. Ils hésiteraient peut-être un moment mais ils finiraient par les croire. Tout irait bien sur ce point-là, se persuada-t-il. Il analysa alors le reste du message, « Deux semaines de retard. Sois prêt. ».  

 

- C’est pas vrai…, soupira-t-il, comprenant la portée après avoir cherché un moment à quel retard il faisait allusion.  

- Je pose cela où, Monsieur Ryo ?, lui avait demandé Ayaka le samedi suivant le départ de Kaori, se relevant et débouchant son aspirateur.  

 

Il avait pris l’objet qui l’obstruait de ses mains, s’apercevant que c’était la plaquette de pilules de sa compagne qui était tombée sous le lit. Il l’avait regardée, traçant les lignes vides qui s’arrêtaient au lundi. Pas une manquante, la suivante avait attendue le mardi soir pour être prise mais Kaori n’était pas là. Il avait rangé la plaquette dans son tiroir de chevet, se disant qu’au moins ils ne prendraient aucun risque pendant quelques semaines… Il fallait croire qu’il aurait dû s’intéresser un peu plus à la question.  

 

Kaori était peut-être enceinte… Peut-être ? Il ne savait pourquoi mais il était sûr qu’elle l’était. Il ne pouvait plus reculer. C’était l’heure pour lui de décider de ce qu’il voulait faire du reste de sa vie, de savoir s’il retrouverait sa compagne pour finir leurs jours ensemble ou séparés. Sans le bébé, la réponse était simple : ensemble. La séparation actuelle était beaucoup plus insupportable qu’il ne l’avait imaginée. Kaori lui manquait sur tous les plans.  

 

Il ne se souvenait plus de quand le monde avait arrêté de tourner exclusivement autour de l’entreprise et avait commencé à tourner autour d’elle, d’eux. Avant, ça lui aurait semblé impossible, l’entreprise occupait toute la place, tout son temps, toutes ses soirées voire même ses week-ends. Depuis qu’elle était là, il avait décliné certaines obligations moins utiles, avait décidé de bannir le travail pendant une partie de ses week-ends et rentrait le soir en sachant qu’il ne le passerait pas en lecture de business plans, contrats et rapports. Il ne passait même plus tout son temps lors de ses voyages d’affaires enfermé dans sa chambre quand il n’avait pas d’obligation… Que de changements pour lui…  

 

Avec le bébé… C’était autre chose. La nouvelle le contrariait. Elle venait s’ajouter à tout un tas de problèmes, arrivait à un moment où les choses étaient tangentes entre eux et, très clairement, ça n’avait jamais été dans ses plans. Il ne voulait pas d’enfant. Il ne voulait pas mettre une nouvelle génération dans la même situation que lui. Il savait ce qu’on verrait à travers cet enfant : un héritier, la future génération de Saeba qui prendrait la relève. Il avait grandi entouré mais il savait depuis très longtemps ce qu’on attendait de lui et il s’était plié, d’abord pour plaire, ensuite… parce que c’était sa responsabilité. Cette pression l’avait suivi toute sa vie. Encore maintenant, il la ressentait régulièrement. Il ne voulait pas de cela pour lui, pour ce bébé qu’il aurait.  

 

Il réalisa qu’en fait, avec le bébé, Kaori connaissant sa position, il n’avait pas de question à se poser : la réponse était séparés. Kaori avait été claire : elle ne sacrifierait pas leur enfant pour leur couple. Et si lui devrait vivre toute sa vie sans elle, elle devrait vivre toute sa vie sans lui et avec la culpabilité d’avoir choisi de le laisser derrière elle et de devoir en affronter la preuve vivante chaque jour même si c’était par amour. S’il se sentait déjà mal, il n’osait imaginer comment elle le vivait…  

 

- Ryo ?, l’appela Kazue.  

 

Elle toqua à la porte et entra quand il l’y autorisa.  

 

- Tout va bien ?, s’inquiéta-t-elle, voyant son air sombre.  

- Non. J’ai pas mal de travail à faire., mentit-il.  

- Tu m’as fait peur. Un moment, j’ai cru que tu avais eu des mauvaises nouvelles de Mick., souffla-t-elle.  

- Non, aucune mais je vais devoir rester ici tout le week-end., l’informa-t-il, indiquant le bureau, sachant qu’il aurait besoin d’être seul.  

- Je t’attendrai pour les repas…, proposa-t-elle, lui offrant un sourire rassurant.  

- Non, ce n’est pas la peine. Je ne sais pas quand je pourrai me libérer. Ne m’attends pas et profite de l’appartement comme bon te semble., lui proposa-t-il, tentant de lui sourire.  

- Oh… D’accord. Bon, si tu as besoin… je ne sais pas, de parler, de compagnie ou autre, n’hésite pas., lui répondit-elle avant de s’en aller.  

 

Il regarda la porte se fermer et poussa un soupir, posant la tête sur ses mains et fermant les yeux.  

 

- J’ai besoin d’une réponse mais tu ne pourras pas me la donner., murmura-t-il.  

 

Il se sentait pris entre deux feux, celui de ses désirs et celui de ses responsabilités, et encore il ne savait pas très bien si la frontière était si bien définie. S’il assumait ses responsabilités, il s’asseyait sur le fait qu’il ne voulait pas d’enfant et il l’assumerait comme il se devait. Il serait là, pilier de famille, assurant l’avenir de sa progéniture. Ça lui laissait l’avantage de garder sa compagne à ses côtés et ça atténuerait peut-être les risques de rejet parce qu’il n’était pas vraiment sûr de sa position par rapport à cet enfant. Et que faire vis-à-vis de la société ? L’élever en futur dirigeant ou le laisser vivre sa vie ou encore l’éloigner de tout cela au risque de lui envoyer un nouveau signal négatif du genre « je ne voulais déjà pas de toi dans ma vie et encore moins dans ma société... » ?  

 

S’il assumait ses responsabilités, à quel point les sentiments qu’il éprouvait pour Kaori lui éviteraient de lui en vouloir pour cet enfant qu’il n’avait pas désiré ? Seraient-ils assez forts pour résister et éviter une séparation après des années de frustration et de rancœur qui seraient peut-être tout aussi nocives qu’une séparation franche dès le départ ? Après tout, il pouvait tout aussi bien, si c’était le mieux à faire, subvenir à leurs besoins sans vivre avec eux. Ca aussi, c’était assumer ses responsabilités. Il ne les laissait pas dans le besoin sans leur pourrir la vie. Il pouvait ainsi continuer à vivre avec la conscience tranquille, non ? Il se mit à rire cyniquement.  

 

- J’imagine bien ta tête le jour où je t’annonce cela. Je suis sûr que tu me feras avaler ma carte bleue ou mon stylo si j’ose te signer un chèque pour nourrir notre enfant., pensa-t-il à mi-voix.  

 

Quant à ses désirs, ils étaient multiples… et contradictoires. Il voulait garder la lumière de sa vie à ses côtés mais ne pas avoir l’enfant, lui donner tout ce qu’elle voulait tant que ça n’était pas quelque chose dont il ne voulait pas, l’aimer sans avoir le courage d’être prêt à tout pour elle alors qu’elle l’aimait. Point, rajouta-t-il, elle l’aimait, point, inconditionnellement et entièrement, pas comme lui. Il savait très bien qu’elle n’accepterait pas de se séparer de leur enfant, que, si, pour une quelconque raison, elle le faisait pour rester avec lui, ça la tuerait, la lumière de sa vie s’éteindrait.  

 

Le choix n’était donc pas compliqué même s’il était cornélien : être ou ne pas être père ?  

 

- Monsieur Ryo, je peux entrer ?, demanda Ayaka.  

- Oui, Ayaka., l’invita-t-il, se recomposant une attitude.  

- Il y a deux cartons dans un coin du séjour. Il faut les jeter ?, l’interrogea-t-elle.  

 

Ryo se demanda un moment de quoi elle parlait et se souvint des cartons que Shin avait fait ramener à son insu. Il n’y avait pas touché depuis leur arrivée et n’avait même pas décidé de ce qu’il voulait en faire. Il avait simplement occulté leur présence, portant le regard, partout sauf là. Il ne savait toujours pas quel sort il leur réservait mais il se souvenait de la promesse qu’il avait faite à son père.  

 

- Non, laisse-les là. Je m’en chargerai., lui apprit-il.  

- D’accord. Sinon… J’ai attendu le plus longtemps possible mais je dois faire le bureau., lui dit-elle, un peu gênée.  

 

Il regarda la pièce, se demanda où aller se réfugier avant de la regarder.  

 

- Ca attendra la semaine prochaine, Ayaka. Je ne peux pas arrêter ce que je fais., lui répondit-il posément.  

 

La vérité était qu’il ne voulait pas quitter cet endroit où il se sentait à l’abri et dans un environnement favorable pour réfléchir, loin de la présence de quiconque. Il ne savait combien de temps ça lui prendrait mais il devait démêler ce dilemme au plus vite et si possible avant la fin du week-end même s’il doutait d’y arriver.  

 

- Bien, Monsieur Ryo. Je vais mettre les plats au congélateur alors et j’aurai fini., soupira-t-elle, visiblement contrariée.  

- Ayaka… Merci. Promis le week-end prochain, je te laisserai le champ libre., tenta-t-il de l’amadouer.  

- On verra. Au revoir, Monsieur Ryo., le salua-t-elle.  

- Bon week-end, Ayaka., répondit-il, la voyant refermer la porte avec soulagement.  

 

Est-ce que ce serait ainsi avec Kaori et leur enfant ? Il prétendrait jusqu’à ce que la porte se referme et se murerait ensuite dans sa forteresse jusqu’à la prochaine rencontre ? Il n’imaginait pas un seul instant la culpabiliser pour le choix qu’elle ferait, parce que c’était elle qui avait raison. Il aurait dû être fou de joie à l’idée d’avoir un enfant de la femme qu’il aimait et, quelque part, il l’était. Il sentait ce sentiment gonfler son cœur et sa poitrine et c’était ce qui était peut-être le plus perturbant : devoir faire taire cet espoir insensé, cet amour qu’il n’aurait pas dû ressentir après des années à avoir forgé son opinion sur la question et qui était pourtant bien présent. Pourquoi ?, se demanda-t-il, pourquoi ressentait-il cela alors qu’il était sûr de son choix ? C’était insensé, inimaginable.  

 

Quelle vie pourrait-il offrir à un enfant ? Il avait des horaires de dingue, des appels qui pouvaient arriver à tout moment de la journée voire de la nuit. Il pouvait devoir partir au travail le matin pour une journée « tranquille » et se retrouver à l’autre bout de la Terre le soir même. Il imaginait bien son petit bout attendre excité sur le trottoir que ses parents viennent le chercher à l’école comme tout enfant et voir arriver le garde du corps en lieu et place qui le ramènerait à la maison auprès d’une nurse qu’il finirait par appeler maman… Il y allait un peu fort mais c’était un peu ça. Il se souvenait de toutes les fois où Maya et lui avaient vu débarquer la berline en sortant de l’école mais sans leur père qui leur avait pourtant promis que, cette fois, il serait là. C’était la déception à chaque fois et, avec le temps qui passait, ils avaient été blasés. Etait-il prêt à faire vivre cette vie-là à un enfant ? Il ne savait pas.  

 

Il se leva et alla faire face à la fenêtre, observant la ville. Il pouvait voir son ancien immeuble de là où il était. Il se demanda soudain si l’occupant du cinquante-et-unième étage se serait même posé la question. Est-ce qu’il ne se raccrochait pas à l’image de celui qui était resté là-bas cette nuit de Noël, l’homme qui avait sauvé son avenir en même temps que la femme qu’il aimait, qui avait failli être tué ? Il avait évolué avec Kaori. Elle lui avait accordé sa confiance, son cœur, son corps sans rien lui demander en retour autre que son amour, quelque chose d’inédit pour lui, et il s’était également ouvert à elle. Il se serait peut-être posé la question mais il était presque certain que la réponse aurait été beaucoup plus rapide et tranchée.  

 

Beaucoup de choses avaient changé depuis. Il avait vécu dans le monde de Kaori comme elle avait vécu dans le sien. Il était rentré dans son appartement empli de ces souvenirs familiaux, de ces cadres photos qui avaient figé des sourires heureux, des embrassades chaleureuses, des moments frère-sœur, parent-enfant, de ces objets un peu ringards dont on ne pouvait se séparer à cause de la charge émotionnelle qu’ils transportaient. Tout cela avait été un peu trop pour lui au début mais il avait appris à apprécier cette chaleur familiale. Il n’avait d’ailleurs eu aucune hésitation à accepter la présence des quelques cadres-photos que Kaori avait voulu disposer ici et là dans l’appartement quand ils avaient emménagé.  

 

Il essaya de visualiser les mêmes cadres avec des photos différentes, des photos à deux ou trois, le salon un peu moins ordonné parce que des jouets y seraient disposés, une chaise haute près de l’îlot de la cuisine où, sur le plan de travail, seraient disposés biberons et chauffe-biberons… Il soupira, ne sachant quoi en penser. L’idée ne lui déplaisait pas, ce qui était en totale inadéquation avec ses convictions. Il serra les dents, pas plus avancé sur le sujet.  

 

Il fut sorti de ses pensées par Kazue qui frappa à la porte et s’aperçut que la nuit tombait.  

 

- Entre., l’invita-t-il, ne se sentant pas le droit de la rembarrer alors qu’il l’ignorait depuis le matin.  

- Je sais que tu ne veux pas être dérangé mais je voulais savoir si je pouvais t’aider ou te ramener quelque chose à manger., lui proposa-t-elle, visiblement soucieuse.  

 

Il vit son regard se froncer en balayant son bureau où tous les dossiers étaient fermés.  

 

- Je réfléchis à une nouvelle stratégie sur une ligne de produits., se justifia-t-il, ne souhaitant pas répondre à ses questions.  

- Oh… D’accord. Je ne tombe pas au bon moment alors. Tu veux quelque chose à manger ?, l’interrogea-t-elle.  

- Non, merci. Je n’ai pas faim. Ne t’inquiète pas pour moi., lui dit-il, voyant son air soucieux.  

- Ne pas m’inquiéter ? Tu es drôle. Mick et Kaori sont seuls sans qu’on sache où et on n’a aucune nouvelle…, commença-t-elle.  

- Ce qui est ce qui était convenu, ce qui signifie que tout va bien., la coupa-t-il, légèrement mal à l’aise à l’idée de lui cacher qu’il avait eu des nouvelles.  

 

Après tout, ça ne la concernait pas, les mots transmis par Mick ne lui apporteraient rien et il n’avait pas envie de lui expliquer ses tergiversations.  

 

- Je n’ai pas tes nerfs, Ryo. Cette attente est insupportable., admit-elle.  

- Je sais et c’est loin d’être facile pour moi aussi, tu sais. Je simule peut-être mieux mais Kaori me manque et les blagues vaseuses de mon pote également., lui retourna Ryo.  

- J’ai une société à gérer en même temps qu’un espion à démasquer. Je ne peux pas m’effondrer. Je n’ai pas le droit de le faire, pour toi, pour Kaori, pour Mick et tous nos amis., lui dit-il, s’appuyant sur le bureau, l’air déterminé.  

- Tu dois continuer à me faire confiance, Kazue. Est-ce que tu le peux ?, lui demanda-t-il, plongeant son regard dans le sien.  

 

Elle le regarda, hésita puis soupira.  

 

- Oui. Je sais que tu fais le maximum., admit-elle.  

- Merci., répondit-il, l’observant.  

 

Il n’ajouta pas un mot et patienta. Il ne voulait pas lui demander de partir au risque d’éveiller ses soupçons.  

 

- Je… Je vais te laisser. Bonne soirée, Ryo., murmura-t-elle avant de s’éclipser à son plus grand soulagement.  

 

Minable… Il aurait pu faire mieux pour la rassurer et il essaierait de se rattraper mais, là, il avait quelque chose de plus important à faire. Il devait décider de la vie de deux personnes, trois s’il s’incluait dans le lot, et il était clairement dans le flou le plus total. Il aurait aimé être aussi déterminé qu’il pensait l’être. La question serait déjà réglée même si ça aurait été douloureux.  

 

Reprenant place à son bureau, il sortit un bloc-notes et traça un trait en plein milieu de la page notant en première ligne bébé et sur la deuxième d’un côté pour et de l’autre contre. Il commença à jeter sur le papier quelques mots de chaque côté avant de s’arrêter, le stylo suspendu dans les airs, le regard fixé sur le papier. Tout cela lui semblait vain. Il pouvait jeter autant d’arguments de chaque côté qu’il voudrait, ça ne l’aiderait pas. Il pourrait n’en avoir qu’un du côté pour, ce qui n’était déjà pas le cas, le nom de Kaori étant déjà suivi d’autres lignes même si elles étaient ponctuées de point d’interrogation, et un milliard côté contre, ce serait déjà un de trop, le doute qui resterait. Il reposa le stylo, arracha la page et la froissa avant de la jeter à la poubelle. Ce n’était pas comme cela qu’il réglerait son problème.  

 

Il resta un long moment, la tête entre les mains à réfléchir et tourner en rond le problème. Bébé ? Pas bébé ? Vivre sans Kaori ? Vivre avec elle et leur enfant ? Tenter sa chance ? Rester dans sa zone de confort ? C’était insoluble. Soulagé, il entendit Kazue monter les escaliers, allant certainement se coucher. Il était au moins sûr de ne plus être dérangé jusqu’au lendemain matin. Il se rendit alors compte qu’il avait soif et n’avait rien avalé et à peine bu de la journée. La bouteille d’eau devant lui était vide et il dut sortir de là. Il alla en cuisine et trouva une bouteille pleine. Il aurait pu prendre un en-cas mais il n’avait pas menti : il n’avait pas faim. Ne voulant pas risquer que Kazue le trouve, juste au cas où, il retourna dans le bureau.  

 

La lumière de la pièce éclairait le séjour et son regard s’arrêta sur les deux cartons dans l’entrée, mis en valeur comme si un spot était braqué dessus. Il comprit alors ce qu’il ne voulait pas voir. Sa réponse n’était pas dans le présent mais dans le passé, assez ironique, pensa-t-il, si l’on pensait qu’elle conditionnait son futur. Il retourna à son bureau, y reprenant place, et resta encore longtemps sans bouger.  

 

Finalement, au bout d’un moment, il se laissa aller dans son siège et ouvrit le premier tiroir de son bureau. Le manuscrit tant redouté était toujours là et il lui fallut encore un moment avant de le sortir de là. Peut-être que la réponse était là même s’il ne savait ce qu’il y trouverait.  

 

- Ca tombe bien… Je venais de finir mon premier livre de chevet., ironisa-t-il.  

- Si tu l’as écrit, c’est que ça valait le coup, non ? Si ça avait dû me faire du mal, tu ne me l’aurais même pas donné. Tu m’aimes trop pour me blesser…, chuchota-t-il, le manque d’elle se faisant encore plus intense.  

 

Il essayait de trouver la force de commencer en invoquant la seule âme qui pouvait l’amener à se surpasser. Comme si l’endroit ne suffisait pas, qu’il ne concentrait pas assez d’énergie positive pour le pousser, il embarqua le manuscrit et monta dans leur chambre. Il ferma la porte et s’appuya dessus avant de clore les yeux. Oui, là, il la sentait encore plus proche d’elle. Il se changea même s’il ne pensait pas dormir et se glissa sous les draps avec, pour seul éclairage, la lumière de leurs deux lampes de chevet. Le livre posé à la place de sa compagne, il se tourna vers l’endroit vide et imagina le visage ceint de cheveux roux, le regard noisette, chaud, aimant, rassurant, son corps moulé par la couette…  

 

- Tu me manques, Kaori. J’aurais dû le faire quand tu étais là. Tu aurais su trouver les mots pour m’aider., soupira-t-il avant de ricaner.  

- Ou tu t’en serais pris plein la gueule… Non, il fallait peut-être justement que ça arrive pour je le fasse. C’est le voyage que je dois faire seul pour ne peut-être pas le rester à vie., murmura-t-il.  

 

Il rêva son regard doux, aimant et compréhensif, ses lèvres s’étirer en un sourire rassurant et ferma les yeux comme s’il sentait la caresse de ses doigts sur sa joue. Il s’apaisa à ces sensations imaginaires et se remit sur le dos avant de saisir le manuscrit. C’était le moment de vérité. Pourquoi avait-il si peur de commencer alors qu’il savait à quoi s’attendre ? Ce n’était après tout que l’histoire de deux générations de famille lançant une entreprise pour se la passer d’enfant unique en enfant unique, des héritiers formés pour prendre la direction de génération en génération, des pères et mères dévoués à la cause entrepreneuriale et présents pour en assurer l’avenir et la pérennité. Il en était la preuve vivante.  

 

La colère montant à cette pensée, il tourna brusquement la première page et se mit à lire, la mâchoire serrée. Il ne sut quand il se calma. Peut-être dès les premières lignes en découvrant les quelques mots sur ce grand-père qui avait commencé son activité dans son garage ou un peu plus tard en voyant une photo de ses grands-parents et de son père à la plage. Kaori lui avait dit qu’elle avait trouvé sa documentation dans les archives de l’entreprise et dans ses recherches. Il ne gardait rien de personnel de son passé et certainement pas des photos et, à l’époque, il était plus qu’impensable qu’elle ait été voir Shin qui aurait pu la lui donner. Donc cette photo était dans les archives de la société… Ce n’était certainement qu’un moyen pour ne pas culpabiliser, se dit Ryo, ignorant la petite voix dans sa tête qui le réprimandait de sa mauvaise foi.  

 

Soudain, il s’arrêta et relut la phrase qu’il venait de lire, n’arrivant pas à y croire. Il la relut une troisième fois pour être bien sûr mais ça ne pouvait être plus clair : sa grand-mère avait accouché d’une petite fille alors que son père avait cinq ans. C’était un fait nouveau pour lui. Jamais il n’en avait entendu parler et ça lui causa un choc. Pendant un moment, il resta sans avancer, se demandant ce qu’il s’était passé, où était cette tante qu’il ne connaissait pas. Etait-elle partie ? Avait-elle tourné le dos à sa famille parce que le seul qui comptait était son frère aîné ? Il avait besoin de savoir et se replongea dans la lecture. La réponse ne tarda pas à arriver. Il n’eut qu’à tourner la page suivante pour l’avoir : elle était morte avant ses un an d’une maladie congénitale du cœur.  

 

La première chose à laquelle il pensa fut Kaori et ce qu’elle avait dû ressentir en écrivant ces lignes. Il l’imaginait bien s’essuyant les yeux en pensant à cette petite vie fauchée beaucoup trop tôt, à la douleur de ses parents et ce petit frère qui perdait sa petite sœur. A tous les coups, elle avait dû se demander ce qu’aurait ressenti Hide à sa place. Il était sûr qu’elle avait été touchée par cette histoire, lui-même l’était, et, pourtant, à bien y réfléchir, il n’avait aucune idée du moment où elle avait pu la rédiger. Elle avait vraiment tout fait pour lui faire la surprise.  

 

La seconde chose qui lui vint en tête fut un sentiment d’effroi. Maladie congénitale du cœur… Est-ce que ça voulait dire que c’était héréditaire ? Est-ce que leur bébé pouvait en être atteint ? Lui-même n’avait rien. Est-ce que c’était un bon signe pour leur enfant ? Il poussa un long soupir : il ne voulait même pas imaginer Kaori traversant cette épreuve. Avoir peut-être dû laisser leur couple, avoir un bébé et le perdre… ça la tuerait. Bon sang, il espérait que ce n’était pas héréditaire et, si ça l’était, il fallait que ce soit soignable. Peu importait combien ça coûterait, s’il fallait partir du pays pour trouver le meilleur chirurgien, il serait là… financièrement… peut-être pas seulement, se dit-il.  

 

Il soupira et reprit le manuscrit. Les notes s’espaçaient pendant un moment, étaient plus terre-à-terre, plus… il ne savait dire. Il avait l’impression de sentir de la tristesse dans les quelques mots jetés par-ci par-là. Quelque chose le titillant, il se leva et alla rechercher le manuscrit sur la vie de la société. Il l’ouvrit et regarda la chronologie que Kaori avait dressée à la fin. Il trouva enfin la raison pour laquelle les projets s’étaient ralentis pendant trois ans, l’année avant la naissance du bébé, pendant son existence et l’année qui suivait. Par curiosité, il descendit jusqu’en bas et regarda l’année précédant et suivant sa naissance. Il y avait eu beaucoup d’acquisitions pendant cette période et ça le déprima. Il avait cru voir une percée, quelque chose qui pourrait ébranler ses convictions mais il revenait à la case départ.  

 

Dépité, il referma les deux manuscrits et les posa sur le côté avant de se pencher pour éteindre la lumière de la chevet de Kaori puis la sienne. C’était inutile de continuer. C’était exactement comme il l’avait pensé. Ca ne servait à rien de creuser la piste pour espérer une éclaircie. Il retrouverait Kaori pour la laisser partir. Peut-être que ce serait lui qui partirait même. Il avait largement les moyens de lui laisser l’immeuble et de se trouver un autre pied-à-terre. Ça lui ferait moins de choses douloureuses à affronter, d’aménagements à faire en étant seule. L’arrivée du bébé chamboulerait déjà suffisamment de choses pour elle.  

 

Il ferma les yeux et tenta de trouver le sommeil. Il tourna et retourna dans son lit mais les questions et réflexions ne cessaient de le tarauder, l’empêchant de s’endormir. D’un geste brusque, il écarta la couverture et se mit assis sur le bord de son lit. Il resta ainsi un long moment à fixer le sol avant de se lever et aller prendre une douche. Il avait besoin de se calmer, de se détendre s’il voulait espérer… dormir… Dormir… Il se mit à rire d’un rire sans humour, très noir, avant de sentir des larmes sortir de ses yeux. Il ne voulait pas espérer dormir. Il voulait espérer la revoir pour la garder, il voulait espérer finir sa vie avec elle et avec leur enfant s’il pouvait trouver en lui la force de croire que ça pouvait être autre chose qu’un élevage de dirigeant Saeba. Il voulait espérer qu’être à trois serait encore mieux que ce qu’ils avaient vécu à deux puisqu’ils auraient balayé les problèmes qui avaient émaillé leur relation jusque là. Mais comment faire alors qu’il n’était toujours pas plus avancé, qu’il ne voulait pas plus maintenant qu’avant imposer ça à un enfant ?  

 

Il sortit de là et se sécha rapidement avant de s’immobiliser face au miroir. Il passa les mains sur ses joues, sous ses yeux rougis, incapable de croire qu’il avait vraiment pleuré. Ca remontait à quand la dernière fois ? Ses dix ans peut-être, le soir où Shin lui avait dit qu’il ne voulait plus qu’il l’appelle papa. Non, il n’en était même pas sûr. Ca devait dater d’avant… pour un bobo ou peut-être une dernière crise de larmes liée à l’absence de ses parents. Il ne savait même plus.  

 

- Tu m’auras tout fait vivre, Sugar., murmura-t-il.  

- Ca y est… Je suis au pied du mur. Sois prêt, qu’il disait. Etre prêt à quoi ? Etre prêt à te dire que je vous prends tous les deux au risque de vous le faire payer par la suite ? Etre prêt à te dire que nous deux, c’est fini parce que je ne peux pas faire plus pour toi ? Etre prêt à affronter tes larmes quand tu sauras que tu élèveras notre bébé seule, que nous ne serons plus rien que deux anciens amants ? Comment être prêt pour cela ?, se demanda-t-il.  

- Je ne veux même pas être prêt pour cela. Comment accepter que je pourrais trouver la force de le faire alors que je devrais utiliser cette même force pour lutter contre moi-même pour nous trois ? Je voudrais que tu sois là. Je suis sûr que tu trouverais les bons mots pour me faire avancer mais c’est peut-être le sens de tout cela : cette fois, c’est moi seul qui dois avancer pour nous. Tu as affronté des négociations compliquées, une organisation criminelle, un tueur professionnel et le frère de ta compagne, ton meilleur ami, Saeba. Tu vas te dégonfler face à un bouquin ? Tu dois le finir et, au pire, tu feras ce que tous les enfants font, tu désobéiras à papa maman, si c’est ce dont tu as vraiment envie., se défia-t-il.  

 

Il retira la serviette d’un coup sec et se rhabilla avant de retourner dans le lit. Il finirait ce livre. Ca ne changerait peut-être rien pour lui mais, au moins, il saurait. Partant de là, il ne pourrait plus se cacher derrière cela pour prendre sa décision. Ce serait sa décision, pas un héritage du passé. Peut-être qu’il ne voudrait toujours pas de ce bébé mais, au moins, la décision serait la sienne et il n’aurait jamais de doute sur le sujet. Ça ne chasserait pas pas la culpabilité mais, au moins, il ne douterait pas de son choix. Ce serait déjà ça.  

 

Il reprit la place qu’il avait quittée et la lecture qu’il avait laissée. Les premières lueurs de l’aube apparaissaient quand il posa le manuscrit sur le côté, le cœur battant douloureusement. Il avait besoin d’en savoir plus, beaucoup plus. Il se leva et ouvrit sa porte. Le silence et l’obscurité régnaient encore dans l’appartement et il se faufila comme un voleur jusqu’à l’entrée. Il ramassa les deux cartons et remonta dans sa chambre discrètement. Il resta un long moment face aux deux boîtes fermées avant d’ouvrir le premier. Il en sortit des cadres-photos de ses parents, d’un bébé, certainement lui, d’eux trois, des livres pour enfants, un album-photo plein et un autre à moitié rempli, divers objets, jouets de bébé. Il avait tout étalé sur le lit et contemplé ses trouvailles d’un œil curieux et un peu inquiet.  

 

Sans trop savoir pourquoi, il sortit de sa table de chevet l’autre photo qu’il avait, la posant avec les autres. Il ouvrit le deuxième carton et en sortit également tout son contenu. Il trouva des lettres, d’autres jouets, une boîte en fer qui contenait apparemment des objets et encore un autre album-photo. Il resta un long moment sans rien faire, juste à contempler les regards complices de ses parents, les sourires heureux, le bébé serein et riant qu’ils tenaient. Il ne voyait rien d’autre qu’une famille heureuse, normale. Rien n’indiquait le statut social des parents, les regards étaient aimants et non calculateurs… Il attrapa un des jouets et, même s’il n’y connaissait rien, il lui semblait tout à fait normal. A quoi s’attendait-il d’ailleurs ? A trouver un hochet en or massif, des doudous brillants non de strass mais de vrais diamants ? Il se mit à rire de sa propre bêtise. A vrai dire, il se serait certainement plus attendu à une calculatrice ou une pince à billets mais c’était certainement inadapté pour un enfant de moins de trois ans, tout futur dirigeant qu’il était.  

 

- On dirait qu’ils regardent leur rayon de soleil., murmura-t-il, se rappelant des paroles de Kaori quand il lui avait montré la photo qu’il avait.  

 

Il la prit entre ses doigts avant d’en prendre une autre et encore une autre et d’ouvrir ensuite les albums-photos.  

 

- On dirait qu’ils regardent leur rayon de soleil. Tu as raison, Kaori. J’aurais dû le voir avant., se dit-il, soulagé et tendu.  

 

Ce n’était pas une tension négative mais positive. Il sentait une certaine chaleur le gagner, quelque chose de réconfortant et qui le submergeait un peu également.  

 

- Leur amour est gravé en toi. Je me souviens de ça aussi. C’est quelque chose dont je n’ai jamais douté et, pourtant, c’est comme si je m’en rendais seulement compte maintenant., murmura-t-il, passant une main dans ses cheveux.  

- Ryo ? Ryo, tu es là ?, l’appela Kazue, toquant à la porte.  

 

Il regarda tout ce qui était sur le lit et se retint de lui dire d’entrer. S’il y avait une personne avec qui il voulait partager cela, c’était Kaori et personne d’autre pour le moment. Il se leva et n’ouvrit pas la porte en entier pour sortir de sa chambre en la refermant.  

 

- Tu es déjà réveillée ?, s’étonna-t-il.  

- Déjà ? Il est dix heures, Ryo., lui fit-elle remarquer, l’observant d’un regard inquiet.  

- Dix heures ? Déjà ? Je n’ai pas vu le temps passer., s’excusa-t-il.  

- Ca tombe bien d’ailleurs. Il faut que j’aille au bureau., lui apprit-il.  

- Un dimanche ? Ca ne peut pas attendre demain ?, lui demanda-t-elle.  

- Attendre ? Pourquoi attendre ? Juste le temps de m’habiller alors. Je te dépose au Cat’s ou tu préfères rester ici ?, l’interrogea-t-il, une main sur la poignée de sa porte.  

 

Kazue ne répondit pas de suite, l’observant d’un œil inquiet. Avait-il déraillé ? Il était vraiment bizarre ce week-end… Elle avait comme l’intuition que l’attaquer de front ne servirait à rien et préféra prendre le temps de réfléchir et peut-être demander conseil à leurs amis.  

 

- Je veux bien aller au Cat’s. Je vais envoyer un message à Miki pour voir si ça ne la dérange pas., proposa Kazue.  

- Fais ça. Je me prépare et on y va., répondit-il, se faufilant dans sa chambre.  

 

Il rangea tout ce qu’il avait étalé sur son lit et mit les cartons dans le dressing à l’abri des regards indiscrets avant d’aller se doucher et de s’habiller. Peu après, ils partaient. Il ne descendit pas de voiture pour saluer ses amis, trop tendu pour se montrer patient. La sécurité de la Midtown Tower fut plus que surprise de le voir arriver ce jour-là au siège. Cela faisait bien longtemps qu’il n’avait pas mis les pieds dans les bureaux en plein week-end. Trop nerveux pour attendre, il emprunta les escaliers qu’il monta quatre à quatre jusqu’au troisième étage, se dirigeant vers les archives qui occupaient la moitié de l’étage. S’il savait où elles étaient, il n’y avait jamais mis les pieds et se sentit complètement déboussolé en voyant les rayons de cartons alignés chacun à un mètre de distance. Sans aide, il en avait pour la journée… sauf si une lumière se mettait à briller pour lui indiquer ce qu’il cherchait, ce qui n’arriverait pas. Il était sûr qu’il commencerait à fouiller et trouverait dans le dernier carton… à moins de commencer par le dernier carton et à ce moment-là, ce serait dans le premier… Bref…  

 

- Asami…, pensa-t-il soudain.  

 

Il décrocha son téléphone et, sans même se préoccuper de l’heure ou du jour, téléphona à son ancienne collaboratrice.  

 

- Bonjour Ryo., fit-elle d’une voix circonspecte.  

- Bonjour Asami, je… euh… pardon… Comment vas-tu ?, se reprit-il, se rappelant ses leçons de politesse malgré son envie d’aller droit au but.  

- Mieux que toi, jeune homme. Tu m’expliques pourquoi tu as viré ma stagiaire préférée ?, lui demanda-t-elle, d’un ton peu amène.  

 

Il ne sut quoi lui répondre sur le coup. Il n’avait pas pensé à ce détail et il pouvait aisément imaginer la tête de son ex-assistante.  

 

- Je… C’est une longue histoire que je te raconterai en temps voulu, Asami. J’ai un besoin urgent de tes lumières., lui dit-il, croisant les doigts pour qu’elle ne lui raccroche pas au nez.  

- Il fallait y penser avant. J’avais transmis mes lumières à Kaori. Appelle-la, elle., lui conseilla-t-elle, sa voix s’éloignant.  

 

Ryo sut qu’elle allait raccrocher et il devait la retenir à tout prix.  

 

- Asami, attends. Ca la con… cerne…, finit-il sur une tonalité.  

 

Il soupira et n’eut pas l’audace de rappeler. Il comprenait parfaitement la désillusion et se résigna à passer sa journée, voire sa semaine, en recherches.  

 

- Moi qui voulais te retrouver plus vite, Kaori, c’est compromis. J’ai pas fini de chercher…, murmura-t-il, se dirigeant vers la première allée.  

 

Il observa les cartons et remonta les rayonnages, patiemment un à un, se demandant où il trouverait ce qu’il cherchait. Il y était depuis une bonne demi-heure lorsqu’il entendit quelqu’un arriver et se tourna.  

 

- Ryo Saeba dans les archives de l’entreprise… Tu as perdu quelque chose ?, se moqua Asami.  

- Non, je recherche quelque chose… Des réponses pour être précis., lui répondit-il, approchant et hésitant avant de l’enlacer, soulagé de la voir.  

- Comment tu m’as trouvé ?, l’interrogea-t-il, la relâchant.  

- J’ai encore mes entrées., plaisanta-t-elle.  

- Tu avais l’air fâchée au téléphone. Pourquoi tu es venue ?, lui demanda-t-il, étonné mais aussi touché.  

- Je t’ai vu grandir Ryo. Pour la mère que je suis, tu es un peu comme mon fils alors je me fâche mais ça ne change rien à ce que j’éprouve pour toi., lui répondit-elle.  

- En y réfléchissant, je me suis dit que tu cherchais à réparer une erreur et, si c’est bien pour ça, je veux bien t’aider.  

- Je n’ai pas d’erreur à réparer mais je veux éviter d’en commettre une. Tu comprendras dans quelques temps., lui promit-il en voyant ses sourcils se froncer.  

 

Elle acquiesça et se tourna vers les rayons de boîtes à archives. Retroussant ses manches, elle avança en le suivant.  

 

- Et si tu me disais ce que tu cherchais plutôt que de m’emmener quelque part alors que tu ne sais pas où tu dois aller ?, lui suggéra-t-elle, amusée.  

- Ce n’est pas bête., ricana-t-il, se sentant un peu idiot.  

- Je cherche… en fait, je ne sais pas trop, des choses qui auraient appartenu à mon père et à mon grand-père. Pas des dossiers mais des agendas ou des carnets de notes…, lui apprit-il.  

 

Tellement pris à lire les boîtes, il ne vit pas le regard étonné de la vieille dame.  

 

- C’est… C’est la première fois que tu demandes., murmura-t-elle.  

- C’est la première fois que je suis prêt à affronter mon passé, leur passé, enfin tout ça quoi…, bafouilla-t-il, un peu nerveux.  

- Ce n’est pas ici que tu dois chercher alors., lui apprit-elle, s’arrêtant.  

- Tout est en haut dans notre salle à archives.  

- Dis-moi où je peux le trouver. Je ne veux pas te gâcher ton dimanche., lui proposa-t-il, sentant son cœur battre plus fort, sachant qu’il approchait du but.  

- Je viens avec toi., murmura-t-elle, s’accrochant à son bras, fébrile.  

 

Comme s’il le sentait, il posa la main sur la sienne pour lui donner un peu de force et en même temps puiser dans cette présence chaleureuse qui l’apaisait un peu. Ils se dirigèrent vers l’ascenseur et se laissèrent transporter vers le cinquante-quatrième étage.  

 

- Tu savais que mon père avait eu une sœur ?, lui demanda-t-il soudain, les yeux rivés sur les chiffres qui défilaient.  

- Oui, ton grand-père m’en a parlé une seule fois. C’était un sujet douloureux pour lui comme pour ta grand-mère. Pour ton père, c’était plus flou parce qu’à cinq ans, il se rendait compte de certaines choses mais que c’est encore un âge dont les souvenirs s’estompent., lui répondit-elle d’une petite voix.  

- Ryo ?, l’interpela-t-elle, voyant son regard troublé.  

- Je viens d’apprendre que ma mère était enceinte quand ils… quand ils ont eu leur accident., murmura-t-il d’une voix légèrement éraillée.  

- De trois mois. Tu ne le savais pas ? Mais le manuscrit de Kaori…, répliqua-t-elle, étonnée.  

- Je viens seulement de le lire cette nuit., admit-il.  

 

La sonnerie de l’ascenseur les tira de ce moment et Asami se dirigea vers la salle à archives, s’arrêtant au passage face à son ancien bureau. Elle nota la présence d’objets personnels et grimaça, reconnaissant certaines choses appartenant à Reika.  

 

- Comment ça se passe avec ta nouvelle assistante ?, lui demanda-t-elle.  

- Difficile de trouver quelqu’un qui vous arrive à la cheville., répondit-il, amusé.  

- Mais pourquoi elle ?, l’interrogea Asami.  

 

Il la poussa vers la salle à archives et la suivit, désireux de l’éloigner de micro ou caméra éventuels.  

 

- Je t’aurais bien dit que ça venait de mon étude de l’Art de la Guerre mais, pour une fois, ce sera juste le Parrain., plaisanta-t-il, s’attirant un regard curieux.  

- Garde tes amis près de toi et tes ennemis encore plus près., explicita-t-il à voix basse.  

- Tu penses que…, commença Asami, se taisant lorsqu’il posa un doigt sur ses lèvres.  

- Oui., admit-il.  

- C’est là., dit-elle, sortant deux boîtes d’une étagère.  

 

Il les lui prit des mains et l’emmena à son bureau, les posant sur la table basse. Chacun d’un côté, ils enlevèrent les couvercles et découvrirent le contenu.  

 

- J’ai celle de ton grand-père., l’informa-t-elle alors qu’il avait déjà sorti un agenda de l’autre carton.  

- C’est l’année de leur mort…, lâcha-t-il, ému.  

 

Il tourna les pages et s’arrêta à celle de son anniversaire, noté en grand et en rouge, la soirée barrée après dix-sept heures.  

 

- C’était le même depuis ton premier anniversaire. Ton père voulait passer ce soir-là avec toi et il n’y a pas dérogé une seule fois., lui apprit-elle d’une voix attendrie.  

- Il était fou de toi. Dès qu’il a su que tu étais là, le sourire ne l’a plus quitté. Il a chouchouté ta mère autant qu’il le pouvait, autant qu’elle le laissait faire et, pour une femme indépendante comme elle, ça n’a pas été une mince affaire., se remémora-t-elle.  

- Je me souviens du jour où elle lui a annoncé qu’elle accouchait. Il a bondi de son siège et tout laissé en plan. Il a couru encore plus vite que s’il avait le diable aux trousses., rit-elle.  

 

Ryo l’écoutait en tournant les pages de l’agenda, son cœur battant à tout rompre.  

 

- Il avait assisté aux rendez-vous médicaux ?, s’étonna-t-il, les voyant déjà notés pour le nouveau bébé sur l’agenda.  

- Autant qu’il le pouvait. Il n’en a manqué que deux pour toi et il en était fâché., lui raconta-t-elle, le regardant.  

 

Se sentant un peu dépassé par tout cela, toutes ses convictions volant en éclats, il s’assit dans le divan, refermant l’agenda.  

 

- Ca va, Ryo ?, s’inquiéta Asami.  

- Oui, ça fait juste beaucoup à assimiler., admit-il.  

- J’ai… J’ai toujours cru qu’ils n’avaient eu qu’un enfant par choix, parce qu’ils avaient eu un garçon en premier donc un héritier à qui passer l’entreprise., lui expliqua-t-il sombrement.  

 

Il culpabilisait de s’être laissé emporter par ses préjugés sans avoir cherché à en savoir plus.  

 

- Non. Que ce soit ton père ou ton grand-père, ils ont toujours cherché à protéger leur fils le plus possible, de l’élever comme un enfant normal. Tu illuminais les jours de tes parents et grands-parents, Ryo. Tu étais un enfant plein de vie et toujours joyeux, bien loin de leurs préoccupations quotidiennes. Après la mort de ta tante, tes grands-parents ont réfléchi à avoir un autre enfant mais ils n’arrivaient pas à faire leur deuil., lui affirma-t-elle, posant une main sur la sienne.  

- Merci Asami., répondit-il, touché.  

- J’espère que tu as trouvé une réponse à tes questions., lui retourna-t-elle.  

- Oui., souffla-t-il.  

- Bien. Alors je vais te laisser. Tu m’appelleras quand tu auras le temps de me raconter., lui proposa-t-elle, se levant.  

- Prends soin de toi, Asami., la salua-t-il, l’enlaçant brièvement.  

- Toi aussi.  

 

Elle le laissa seul et, la porte à peine fermée, il se leva et alla à la fenêtre. Il rebalaya tout ce qu’il venait d’apprendre depuis la veille et soupira.  

 

- J’ai toutes les clefs en main, Kaori. Maintenant, c’est à moi de décider et plus question de se cacher derrière le passé pour échapper au futur. C’est ma décision., affirma-t-il, observant la ville pensivement. 

 


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