Chapitre 10 :: "Mais qu'est-ce qu'il m'arrive ?"

Publiée: 08-10-20 - Mise à jour: 08-10-20

Commentaires: Et le petit deuxième ....

Chapitre: 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20

Quelques instants plus tôt ...  

Mais qu'est-ce qu'il m'arrive ? Se demanda encore une fois Kaori ...  

Tout c'était passé si vite ...  

En effet, elle se trouvait, depuis une dizaine de minutes, sous les mains habiles de ses deux habilleuses qui jacassaient, visiblement excitées par ce qu'elles venaient de voir quelques instants auparavant dans le couloir.  

- "Tu as une de ces chances, Sayuri !"  

Sayuri était, comme toujours, le premier prénom qui lui venait à l'esprit quand elle devait trouver une identité. Et là, d'instinct, elle s'était dit que Kaori Makimura ne pourrait pas monter sur des arbres devant les caméras pour s'accrocher dans les bras de Tarzan. Non. Ca devrait être une autre qu'elle. En plus, Kaori Makimura était officiellement l'assistante de Monsieur Norishigue Sugimoto et sa présence sur un plateau de tournage serait difficile à justifier si on venait à poser des questions.  

Mais qu'est-ce qu'il m'arrive ?  

Elle se sentait à la fois nerveuse et impatiente.  

Nerveuse car elle allait devoir faire quelque chose qu'elle n'avait jamais fait : des cascades pour le cinéma, s'accrocher dans les bras d'un homme, le tenir contre elle, se balancer au bout d'une corde, plonger dans l'eau. Le tout dans cette robe ridiculement minuscule. Elle n'avait vraiment pas l'habitude de montrer autant son corps et elle était mal à l'aise.  

Impatiente car elle allait bientôt faire une chose incroyable et elle ne pouvait se retenir de sourire de jubilation. Elle allait jouer le rôle de Jane Porter ! Ca, ça n'arrivait pas tous les jours ! C'était certainement même la seule et unique occasion de toute sa vie et elle n'aurait jamais cru ça possible !  

Mais qu'est-ce qu'il m'arrive ?  

Son cœur s'emballait et ses mains devenaient moites.  

Même pas une heure auparavant, elle avait assommé ce gars aux mains baladeuses. Ca avait surtout été un moyen de décharger sa colère. Cet exutoire lui manquait, finalement. Pour calmer sa frustration. Frustration de rester enfermée dans cet atelier surchauffé et surtout, éloigné du plateau de tournage.  

En effet, depuis qu'elle était arrivée, elle n'avait pas pu prendre de pause. Elle avait passé la journée de la veille à retoucher les costumes de celui qui jouait le chef des prospecteurs. L'acteur avait eut la bonne idée de prendre quelques kilos depuis que ses mesures avaient été prises et elle avait été chargée de reprendre toutes les coutures. Et bien sûr, le travail devait être terminé pour hier ...  

Pour couronner le tout, ses deux collègues, Kimiko et Yoko étaient tout le temps collées à elle, ne lui laissant aucun répit. La veille au soir, elles étaient même venues toquer à la porte de sa chambre d'hôtel, réquisitionné pour l'équipe de tournage, les "petites mains", les stars étant logées dans de luxueuses caravanes à l'intérieur même du Studio.  

Elle avait donc été embarquée pour boire un verre au bar de l'établissement. Loin de son objectif. Puis, deux, puis trois cocktails plus tard, puis quatre, puis cinq ... Aucune de ses excuses ne lui avait permis d'échapper à ses deux pipelettes qui avaient à cœur de protéger et de ne pas laisser seule une "petite nouvelle".  

Elle avait été sure d'une chose, ce n'était pas avec tous ses mojitos ingurgités qu'elle allait être apte à jouer les Arsène Lupin féminins. Dépitée, elle s'était écroulée tout habillée, faisant lamentablement grincer les ressorts fatigués de son lit. Et bien sûr, le réveil s'était accompagné d'un insidieux mal de crâne induit par une trop grande consommation de cocktails.  

Alors, oui, quand ce binoclard lui avait pincé les fesses, elle avait vu rouge. Et la massue avait fait son apparition sans même qu'elle s'en rende compte. Quand elle avait réalisé ce qu'il venait de se passer, elle avait paniqué pendant quelques minutes, surtout quand l'assistant du réalisateur était venu pour régler le différent, se disant, que cette fois, elle allait être définitivement virée, s'éloignant ainsi de son objectif principal.  

Et puis, tout avait basculé quand le réalisateur était entré dans l'atelier. Après être resté silencieux un instant, il s'était écrié :  

- "Ne vous demandez ce que vous allez faire de votre vie, princesse ! Je ferai de vous une cascadeuse célèbre !"  

Il s'était ensuite tourné vers son assistant : "Comme je dis toujours : les grands artistes de demain se cachent dans les coins ! Avec la doublure d'Itsuo, ils feront un couple parfait ! Maquillez-la et habillez-la ! On tourne dans trente minutes."  

Elle n'avait pas pu refusé.  

Non, elle n'avait pas voulu refuser.  

Elle n'en avait même carrément pas envie !  

Surtout qu'il s'agissait aussi d'un moyen parfait pour s'approcher de son objectif ... Se rapprocher du plateau, repérer les lieux, profiter d'une absence d'Aïna pour aller récupérer le collier.  

Mais qu'est-ce qu'il m'arrive ?  

Elle se sentait de plus en plus nerveuse et impatiente et elle entendait son coeur pulser dans ses oreilles. Elle fut tirée de ses pensées par les petits rires suraigus de ses deux collègues qui terminaient les dernières retouches de sa robe minuscule.  

Kaori les interrompit pour demander d'une petite voix tendue :  

- "Vous êtes sûres qu'il est mieux qu'Itsuo ? Parce que, j'aurais bien aimé ... Enfin, vous voyez quoi ?"  

Quelques instants auparavant, une catastrophe avait eut lieu : le bel Istuo Sato avait glissé et s'était foulé la cheville. Une entorse sérieuse, avait-on dit dans les couloirs. Le réalisateur était devenu fou, hurlant sur tous ceux qui se trouvaient sur son passage. Kimiko et Yoko l'avaient alors délicatement poussée à l'intérieur de l'atelier, refermant la porte discrètement en affirmant : "Quand il est comme ça, crois-en notre expérience, il vaut mieux se planquer ..."  

Apparemment, il avait jeté son dévolu sur un assistant d'Aïna, ou un garde du corps ou son attaché de presse, personne ne savait vraiment qui il était et aucune de ses collègue n'avait vraiment retenu son prénom mais, par contre, elles avaient retenu qu'il était encore plus beau qu'Itsuo.  

- "C'est clair !" piailla l'une. "Je croyais pas ça possible mais, il est ...."  

- "... encore plus sexy qu'Itsuo ! Hiiiiii !" poursuivit sa collègue.  

- "Exact ! Et pourtant, la barre est haute ! Hihihihi !"  

- "Ha aaaaaaa !"  

- "Il est ... ah, je te jure Sayuri, il donne chaud, très très chaud !"  

- "Itsuo est beau, y'a pas à dire mais luiiiii ! Il dégage un de ces trucs !"  

- "Ouais ... Magnétique, le type."  

- "Bon il doit avoir une bonne dizaine d'année de plus qu'Itsuo ..."  

Kaori s'éclaircit la gorge :  

- "Ah, super, je vais me retrouver avec un vieux beau ! Vous ne vendez pas du rêve, là, les filles !"  

- "Oh, mais non ! Itsuo est magnifique, mais c'est un gamin ! Lui, c'est un homme. Un vrai. Un homme qui sait comment est faite une femme, lui au moins ! On sent, on voit qu'il a l'expérience, l'assurance, la prestance ... Ohhh là là là ! Il faut que je me calme, moi ! Je commence à faire n'importe quoi avec ta robe, ma chérie !"  

Oh là là là ! Encore plus beau qu'Itsuo !  

Kaori sentit ses jambes flageoler. Il était encore temps de faire demi-tour ... Mais, la tentation était grande et, après tout, personne n'en saurait quoi que ce soit, alors ...  

Pourquoi ne pas en profiter ?  

Les deux habilleuses firent une courte pause et reprirent :  

- "Ohhh ! Et quand il est sorti de sa loge, juste vêtu de son pagne ! Oh là là ! C'est le plus beau Tarzan de tous les temps !"  

- "Un de ces culs, ma chérie ! A croquer !"  

- "Kimiko !"  

- "Quoiiii ! Ose me dire que tu n'as pas pensé à ça quand tu l'as vu !" avait ajouté Kimiko en riant de sa collègue.  

- "Moi, je me rappelle surtout de ses tablettes de chocolaaaaat ! Moi, à choisir, c'est ses tablettes que je croquerais ... avec de la chantilly tout plein partout !"  

- "Oh, et ce petit triangle, juste en dessous de ses tablettes, ce petit triangle qui s'enfuit sous le pagne ... Hooooooo ! J'en mourrais ..." ajouta Kimiko, alors que ses yeux disparaissaient derrière ses lunettes embuées.  

- "Ahhhh, arrête, j'ai faim !"  

Et elles éclatèrent de rire, poussant vers le plateau de tournage une Kaori pantoise et stressée à l'idée qu'elle allait se retrouver avec le plus beau Tarzan de tous les temps.  

Et c'était peu dire.  

Son cœur et son corps se figèrent et, d'un coup, elle ne parvint plus à bouger.  

Mais qu'est-ce qu'il m'arrive ?  

Elle ne parvenait pas à détacher ses yeux des deux silhouettes masculines qui lui tournaient le dos, plus loin, sur leur l'estrade des maquilleuses. Un des deux hommes était assis. Très certainement Itsuo.  

Et sa doublure se tenait debout, juste à côté de lui.  

Et elle reconnaîtrait cette silhouette entre mille.  

Kimiko la poussa du coude :  

- "Tu vois ??? Je te l'avais bien dit !!!"  

Et oui, quand elle l'avait vu de dos, elle avait eu le souffle coupé.  

Et oui, quand il se retourna, elle sentit ses jambes flancher pour de bon.  

Et oui, quand leurs regards se croisèrent, elle se liquéfia.  

Elle avait envie de faire demi-tour. Pendant un dixième de seconde, elle y songea sérieusement. Mais, sa raison fut à nouveau battue à plate couture par son instinct, par son envie de s'approcher de lui.  

Mais qu'est-ce qu'il m'arrive ?  

Magnétisée. Elle se sentait magnétisée à cet instant précis.  

Pour une fois, elle allait se laisser aller, parce que cette fois, elle avait une excuse, un prétexte derrière lequel se réfugier : elle avait été engagée pour faire le job, elle avait été remarquée par le réalisateur et elle avait bien l'intention d'en profiter un peu.  

Essayant de masquer son trouble et sa nervosité, elle s'avança vers lui. Arrivée à sa hauteur, elle lui demanda, tentant de paraître détachée :  

- "Mais qu'est-ce que tu fous là, Ryo ?"  

- "Bah, c'est plutôt à moi de te poser cette question !" lui répondit-il froidement. "T'es pas sensée bosser pour ton vieux débris ?"  

Elle accusa le coup mais trouva rapidement la parade.  

- "J'ai pris un extra. Confidentiel." répondit-elle tentant de paraître aussi froide que lui avant de lui redemander : "Et toi ? qu'est-ce que tu fous là, Ryo ?"  

- "XYZ en cours, si tu veux tout savoir. Pour Mademoiselle Aïna Kaneda."  

Elle faillit s'étrangler.  

Merde. Manquait plus que ça.  

Il fallait vraiment que son partenaire travaille pour la femme qu'elle s'apprêtait à voler ?  

Merde.  

Elle fit taire sa contrariété, sa jalousie. Alors pendant qu'elle travaillait d'arrache pied tous les jours pour s'offrir (leur offrir) des vacances bien méritées, lui, il en profitait pour accepter les missions des Miss Mokkori ?  

Maîtrisant le petit pincement que cette pensée fit naître dans son cœur, elle lui demanda :  

- "Et qu'est-ce qui lui arrive, à cette pimbêche ?"  

Elle devait essayer de savoir ce qu'il savait et surtout, pourquoi il était là.  

- "Oh, tu sais ... La routine. Un peu d'harcèlement de la famille de son ex-fiancé. Une affaire tranquille et bien payée. J'en profite pour parfaire mes techniques de drague."  

Elle baissa la tête, pinça les lèvres et serra les poings. Alors, à peine elle avait le dos tourné, il trouvait déjà une Miss Mokkori ! Elle eut beaucoup de difficulté à maîtriser sa colère et lui répondit sur le même ton, amère et sarcastique :  

- "Ah bien ... J'espère que le paiement sera à la hauteur du sacrifice ..."  

Elle soupira en pensant : Eh bien ! Bravo, Monsieur Norishigue Sugimoto ! Vous en avez tellement fait que, maintenant, la demoiselle a la trouille et prend un garde du corps ... Et pas n'importe lequel en plus !  

En même temps ... Jouer à Tarzan et Jane dans les bras de Ryo, c'était plutôt tentant. Elle eut à nouveau envie de faire demi-tour. La Kaori habituelle l'aurait fait. Sauf que ...  

Mais qu'est-ce qu'il m'arrive ?  

Il m'arrive que je meurs d'envie de faire ça.  

Voilà ce qu'il est en train de m'arriver.  

Oui, elle ne laisserait pas passer cette occasion.  

Tant pis si elle allait pleurer toutes les larmes de son corps après ça, parce qu'il se sera comporté comme un mufle ou aura lâché une de ses remarques blessantes. Tant pis. Elle pleurerait. Pas grave. Mais elle ne laisserait pas passer ça.  

Oh, non. C'était trop beau. Trop réjouissant. Trop tentant. Trop excitant.  

Elle allait être Jane Porter. Pour quelques instants dans sa vie, elle allait être l'héroïne qu'elle avait toujours enviée depuis son adolescence. En plus, elle allait être Jane Porter dans les bras de Ryo.  

Son Ryo.  

Son Tarzan.  

Le plus beau Tarzan de tous les temps ...  

L'essentiel était là.  

Il semblait nerveux lui aussi, certainement contrarié de ne pas jouer cette scène avec une vraie Miss Mokkori, du genre d'Aïna Kaneda. Agressive, elle lui demanda :  

- "Et, sinon, ça va comme tu veux, Ryo ?"  

- "Super !" répliqua-t-il joyeusement. "Tu vois, j'ai mon fan club ! Que demander de plus ?"  

- "Ah, ça ..."  

- "Et toi ? Tu ne bosses plus pour Sugimoto ?" demanda Ryo.  

- "Oh, moi ... "  

Elle n'arrivait plus à parler ni même à penser de manière cohérente. Elle décida alors de se laisser aller ... Quand soudain, elle entendit une voix puissante derrière elle :  

- "Préparez-vous, on tourne dans quinze minutes ..."  

Le réalisateur leur rappela le déroulement de la scène qui allait être tournée. Il leur montra les petites astuces cachées qui leur permettraient de réaliser les cascades en toute sécurité. Enfin, sécurité, tout était relatif et ils n'avaient pas intérêt à se planter, se disait Kaori. Mais elle faisait confiance à Ryo pour ne pas les mettre inconsidérément en danger et surtout, elle avait très envie de jouer ce petit jeu, appréciant plus qu'elle ne l'aurait imaginé de se retrouver avec son partenaire en minuscule pagne en peau de bête. En y songeant à nouveau, elle ne put retenir un sourire nerveux, se mordant la lèvre pour tenter de calmer les petits papillons qui malmenaient son estomac et la chaleur qu'elle sentait entre ses cuisses. Ca allait être un peu compliqué de se maîtriser mais elle ne pouvait dissimuler son impatience de se tenir contre Ryo, se disant que ça serait peut-être l'une des seules occasions de sa vie de profiter du corps tant convoité dans une tenue aussi ...  

- "En place tout le monde. Sayuri, Ryo, c'est là-haut que ça se passe. On tourne dans deux minutes !"  

Elle sursauta. Bien sûr, Ryo ne manqua de remarquer qu'elle n'avait pas donné son véritable nom.  

- "Sayuri ? Ah tiens ... Sayuri ? Comme toujours, quoi... Et pourquoi utiliser une fausse identité?" lui demanda-t-il à voix basse.  

Elle resta un moment silencieuse, ne sachant trop quoi lui répondre. Était-ce possible de lui avouer que, non seulement elle avait du mal à assumer ce qu'elle était en train de faire, mais en plus, que l'assistante de Monsieur Norishigue Sugimoto ne pouvait pas être impliquée ? Pas vraiment. Elle cherchait désespérément une excuse valable quand soudain :  

- "Tu imagines la réaction des filles si elles voient nos noms au générique ? Que va dire Mick s'il apprend ? Tu veux répondre aux questions de Miki ? Tu veux subir les remarques d'Eriko ? Alors, il vaut mieux que tout ça reste entre nous, tu vois ... Et si j'étais toi, je donnerais aussi un faux nom à la production, tu sais ... " Elle eut un petit rire forcé et se détourna vivement en direction du décor.  

Oufff, il était moins une.  

Il n'y avait plus qu'à espérer qu'il ne chercherait pas plus loin ...  

Une chose était sûre, elle allait devoir trouver un moyen de l'éloigner suffisamment d'elle et d'Aïna Kaneda pour accomplir sa mission.  

Il a son XYZ, très bien. Qu'il s'occupe donc de sa miss Mokkori. Moi j'ai mon XYZ. Je vais lui montrer que je suis à la hauteur. Et que je peux y arriver sans lui. Et même le battre ... Je peux être tout aussi forte que lui. Et que je peux aussi être plus mokkori que sa Mademoiselle Aïna Kaneda. Tu vas voir, Ryo Saeba. Tu vas voir, Tarzan ...  

Et c'était le cœur plein d'esprit de revanche et de conquête qu'elle entreprit de grimper sur la petite échelle de corde qui menait à la première plateforme depuis laquelle ils devraient s'élancer ensemble, alors qu'elle serait suspendue à lui ... A cette idée, elle se sentait rougir fortement et c'est pour ça qu'elle s'était dépêchée pour monter la première.  

Arrivée en haut, elle se pencha pour regarder son partenaire. Comme elle l'avait imaginé, il essayait de faire demi-tour, certainement déçu de ne pas tourner cette scène avec une vraie Miss Mokkori du genre d’Aïna Kaneda, mais le réalisateur était en train de le pousser vers l'échelle et Ryo commença son ascension à contre-cœur.  

Elle soupira.  

Chapitre: 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20