Capitolo 4 :: Le miroir tantrique

Pubblicato: 08-07-10 - Ultimo aggiornamento: 08-07-10

Commenti: Tout d'abord merci à Kaoridu86, 1grisou, Tenshi, Saoria, Fankaori, Tennad, Phoenix, Arkot, ainsi qu'à Méga-fan et à Super-groupie. J'espère que ce nouveau chapitre un peu moins axé sur l'humour vous plaira. Il est un peu plus complexe que d'habitude et j'y fais référence à des aspects de hindouisme. J'ai inséré quelques notes afin de rendre l'ensemble plus clair. J'espère que ce ne sera pas trop barbant mais ce chapitre est nécessaire et vous comprendrez vite pourquoi^^. Enfin merci à Toto pour avoir gentiment joué les bêta pour l'occasion. Bisous à toutes...

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Kaori se mordait les lèvres pour contenir la bordée de jurons qui menaçaient de s’en échapper. Cette chose était insupportable ! Elle avait déjà eu toutes les peines du monde à lui faire accepter une tenue à peu près décente. La perversion de cette copie était telle que ce jean et ce tee-shirt, qui étaient sages sur elle, devenaient provocants sur cette vipère lubrique.  

Bon sang elle ne savait pas marcher sans rouler des fesses ! C’était comme si elle mettait dessus un écriteau lumineux avec inscrit : « Prenez-moi ! » Et le pire, c’était qu’il y avait des amateurs ! Les hommes bavaient littéralement sur son passage. On aurait dit que les rues s’étaient remplies de Ryô dans ses pires moments… Elle n’aurait jamais imaginé que son corps pût provoquer de telles manifestations libidineuses. D’habitude elle passait inaperçue. Suffisait-il de tortiller le popotin pour attirer les hommes ? Ils n’étaient décidément que des mâles en rut !  

Un seul paraissait indifférent au chaloupé de Maiko. Les sourcils froncés, les lèvres pincées, Ryô avait l’air de n’éprouver que de la répugnance pour cette créature… Était-ce parce que son corps n’éveillait pas le moindre intérêt chez ce pervers patenté ? se demandait-elle tristement.  

Effectivement, Maiko le dégoûtait. S’il n’avait rien contre les femmes faciles, bien au contraire, cette allumeuse avait le visage de l’innocence… Pendant longtemps, il n’avait jamais rien eu à lui à part son arme. Pas de nom, pas d’identité, encore moins une famille. Puis, une nuit de mars, il avait hérité d’un trésor… un être au cœur si pur qu’il osait à peine l’effleurer. Mille fois, il avait voulu l’éloigner de lui et mille fois, il n’avait pu s’y résoudre. Un tel trésor, on ne pouvait s’en séparer… Alors même si ce n’était qu’une illusion, la vision d’une Kaori pervertie lui était insupportable. Ce succube au visage d’ange était une insulte à ce qu’il avait de plus précieux, de plus sacré.  

Il se tourna vers Kaori. Il avait besoin de la regarder, de s’assurer qu’elle était toujours la même… et son cœur se réchauffa aussitôt. Ses traits étaient tendus à l’extrême, ses joues étaient cramoisies et il pouvait presque voir de la fumée s’échapper de ses narines. Face à son double, elle était semblable à un taureau devant une cape rouge. Elle avait une folle envie de se ruer sur Maiko pour l’exterminer… Elle était si adorable dans sa fureur. Oh bien sûr, elle avait tout d’un démon de l’enfer quand elle s’énervait ! Cependant pour Ryô, ce n’était que l’expression de son tempérament ardent. Elle était entière que se fût dans la colère ou dans l’amour… Dans un sursaut de tendresse, il passa le bras autour de son épaule. Elle releva la tête avec étonnement et quand un sourire tendre se dessina sur ses lèvres, le nettoyeur sentit une bouffée d’amour le submerger.  

Il ne remarqua pas tout de suite l’aura sombre juste à côté d’eux… puis ses yeux noirs se plantèrent dans ceux de Maiko. Il ne la laisserait jamais faire du mal à Kaori.  

A l’instant où ils passèrent la porte de la boutique, le jeune brocanteur blêmit et il s’écria aussitôt :  

- Grand-mère Satya ! Ce sont les clients qui ont cassé le miroir !  

Le nettoyeur poussa un léger soupir de soulagement. Vu la réaction du vendeur, sa grand-mère connaissait les désastreux effets du miroir brisé et peut-être le moyen de les conjurer.  

Une vieille femme sortit de la réserve. Ses traits bien qu’asiatiques n’étaient pas spécifiquement nippons et, en se remémorant son prénom, Ryô se dit qu’elle devait avoir des origines indiennes. Des rides profondes marquaient sa peau brunie, cependant la vitalité de son regard la faisait paraître plus jeune. Mais ce qui le frappa le plus fut la puissance de son aura. Il émanait d’elle une force et une sagesse peu commune.  

- Je suppose que vous avez eu des soucis depuis hier, déclara-t-elle en souriant.  

Après une description des dits « soucis », laborieuse de par les disputes des deux Kaori, la dénommée Satya demeura un long moment silencieuse puis elle alla chercher le miroir brisé.  

- Ce miroir a été forgé il y a deux siècles en Inde par un artisan de Vârânasî. Cet homme était également un maître tantrique (1) et il a gravé sur le pourtour un mantra (2) en sanskrit védique (3). Il prétendait que ce mantra était extrêmement puissant et ne devait être prononcé que lors de l’union mystique de deux êtres complémentaires.  

- Excusez-moi, l’interrompit poliment l’Américain, mais tout ceci est bien obscur et n’explique pas pourquoi ce double inversé est apparu.  

- Ne soyez pas si impatient, jeune Européen ! Cet univers est complexe et il vous faut du temps pour l’appréhender… Comme vous le savez peut-être, la force d’un mantra réside dans sa capacité harmonique. Sa résonance harmonise les différents chakras (4) pour unifier l’être. Il est pour le moins surprenant qu’un mantra montre son pouvoir sans avoir été énoncé… Même si en l’occurrence, ici, il a plutôt fragmenté l’âme de cette demoiselle plutôt que de l’unir.  

- Sauf votre respect, madame, ce miroir ne m’a pas fragmentée ! Cette créature n’a rien à voir avec moi !  

- Mademoiselle, votre contraire fait partie de vous, reprit la vieille métisse. La dualité est la composante intrinsèque de chaque chose en ce monde. Comme le représente bien le yin et le yang chinois, la lumière contient une part d’obscurité et l’obscurité sa part de lumière… et l’un et l’autre sont complémentaires… Or je crois que vous n’avez laissé aucune place dans votre vie pour cette part d’ombre et que c’est pourquoi le miroir l’a en quelque sorte matérialisée.  

- C’est impossible ! s’écria Kaori. Je n’ai rien de commun avec cette chose ! Je ne suis pas une nymphomane sautant sur tous les mâles !  

- Je n’ai jamais rien prétendu de tel. Vous êtes une jeune femme pure et vous possédez un des cœurs des plus intenses qu’il m’ait été donné de rencontrer. Il émane de lui une lumière si puissante qu’elle éclaire les deux hommes qui vous accompagnent… Cependant, je sens aussi qu’il mobilise toute votre énergie vitale, il l’emprisonne même.  

- Depuis quand avoir un cœur d’or est-il un défaut ? répliqua Mick exprimant à haute voix l’indignation de Ryô.  

- L’amour n’est pas qu’une affaire de cœur, mon ami. L’amour fait vibrer le corps tout entier… Dans votre cas mademoiselle, c’est la base de votre corps qui semble être en sommeil. Votre Mālādhāra, le chakra « racine » situé au niveau de votre périnée, et votre Svādhiṣṭhāna, qu’on appelle aussi « Hara » qui est juste en dessous du nombril, irradient à peine… tandis que chez votre double, ils sont hypertrophiés. Ces chakras sont ceux de l’énergie sexuelle et votre lien à vos racines. J’ai l’impression que vous avez manqué de modèles féminins dans votre lignée et cela occasionne chez vous un manque de confiance en votre féminité… Ainsi vous vous imposez un ascétisme qui atrophie votre Hara. Or ces énergies sont indispensables à votre équilibre !  

- Cette leçon est passionnante mais très sincèrement, avant de s’occuper des chakras de Kaori, débarrassez-nous de ce double ! S’il faut dire cette formule tantrique, allons-y ! S’il faut réparer le miroir, faites-le ! Mais qu’on en finisse !  

- Vous êtes aussi nerveux que votre collègue américain, jeune homme ! déclara Satya sans paraître le moins du monde impressionnée par le regard noir du nettoyeur. Quoique dans votre cas, je discerne une pointe de culpabilité… Il ne servirait à rien de réparer le miroir. Le verre n’a en lui-même aucun pouvoir. D’ailleurs il n’était pas sur le miroir à l’origine, il a été rajouté car le métal s’oxydait. C’est le bruit de la brisure qui a occasionné vos problèmes… Quant au mantra, vous pouvez le répéter autant de fois que vous le voulez, tant que votre amie n’aura pas réussi à régénérer son corps, son double continuera d’exister.  

- Attendez, vous voulez dire que tant que je ne me jetterai pas à la tête des hommes, cette chose ne disparaîtra pas ? balbutia une Kaori arborant depuis quelques minutes une jolie teinte coquelicot.  

- Loin de moi l’idée de vous conseiller de courir après tout ce qui porte un pantalon ! Je vous dis juste d’aimer de tout votre corps ! Pour nous autres femmes, l’amour a un mouvement descendant. Il naît dans l’Anāhata, le chakra du cœur, et lors de l’acte sexuel, il descend pour revitaliser les chakras inférieurs, le Maṇipūra, le Svādhiṣṭhāna et le Mūlādhāra… Chez l’homme au contraire, l’amour commence par faire vibrer les chakras inférieurs, le Mūlādhāra et surtout le Svādhiṣṭhāna qui est le siège de l’énergie sexuelle. Quand il trouve son ancrage dans le corps de son amante, son énergie vitale remonte vers le cœur voire même plus haut… L’homme et la femme sont deux êtres complémentaires. Sans l’autre, ils demeurent incomplets. C’est quand leurs corps se mêlent qu’ils parviennent à former le Un, l’être complet… C’est pour cela que pour nous autres, la sexualité est un acte sacré et l’orgasme la voie royale de la transcendance. Un orgasme partagé, dans un acte d’union des âmes comme des corps, harmonise les énergies des amants et régénère leurs âmes.  

- Une religion qui fait l’apologie de l’orgasme, je trouve ça plutôt sympathique, reprit Mick, mais j’ai du mal à saisir ce que ça implique pour Kaori. Concrètement, que doit-elle faire pour que son double disparaisse ?  

- Je pensais que c’était clair, répondit la vieille antiquaire avec un léger sourire. Elle doit faire l’amour avec l’homme que son cœur a choisi.  

(1) Le tantrisme est un courant de l’hindouisme apparu en Inde au Vème siècle, repris également par le bouddhisme. Il perçoit l’extase amoureuse comme un moyen de communion avec l’univers.  

(2) Le mantra est une formule condensée formée d'une série de sons répétés de nombreuses fois suivant un certain rythme, utilisée dans l’hindouisme et dans le bouddhisme.  

(3) Sanskrit védique : Langue des premiers textes de l’hindouisme.  

(4) Selon diverses traditions extrême-orientales, que ce soit l’hindouisme, le bouddhisme (notamment ses écoles au Japon) ainsi que le yoga ou la médecine chinoise, le corps humain est constitué de sept centres d’énergie appelés chakras : le Mūlādhāra ou « chakra de la racine » au niveau du périnée ; le Svādhiṣṭhāna ou Hara, centre d’énergie juste en dessous du nombril ; le Maṇipūra au niveau du Plexus solaire ; le Anāhata ou « chakra du cœur » ; le Viśuddha ou « chakra de la gorge » ; le Ājñā ou « Troisième Œil » entre les deux yeux et enfin le Sahasrāra ou « chakra couronne » au niveau de la fontanelle. 

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