Capitolo 24 :: 24

Pubblicato: 27-06-03 - Ultimo aggiornamento: 28-06-03

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-« Alors Papi. Vous avez dit qu’il faudrait que je traverses l’océan ? »  

Le vieil homme mit un doigt devant sa bouche, semblant réfléchir intensément, puis s’exclama.  

-« T’as pas faim ? Parce que moi j’ai les… »  

-« Hey !! J’te causes Papi ! J’veux retourner chez moi et … »  

-« Je parles mieux l’estomac plein. Et la cuisine de ma femme est la meilleure de ce pays…enfin faut pas lui dire hein ! »  

L’air goguenard de ce goinfre irrita Ryô au plus haut point et il se mit à s’emporter.  

-« C’est dingue ça ! Je voudrais rentrer chez moi ! RENTRER CHEZ MOI ! »  

Mais le vieux ne se laissa pas démonter, toujours un grand sourire aux lèvres, il prit la couverture et la jeta au loin.  

-« Allez, le jeunot ! Si t’as assez de voix pour gueuler, t’as assez d’énergie pour engloutir les plats de ma femme ! »  

Et le vieux s’en alla, riant de bon cœur, laissant un Ryô dénudé, épaules pendantes, abattu face à un homme aussi « je-m’en-foutiste ». La tête sur sa poitrine, il gémit un « Pire que moi ». Puis attiré quand même par la bonne odeur qui lui parvenait et chatouillait ses narines, il ramassa le kimono que Tseng lui avait déposé sur la chaise de sa chambre et entreprit de se lever.  

La chose fut périlleuse car la plaie à sa cuisse, bien que soigneusement refermée et désinfectée le lançait affreusement. Il fit la grimace et essaya de se tenir debout plus d’une minute. A cloche-pied, il se rattrapa au chambranle de la porte.  

-« Monsieur !! Grand Père m’a chargé de … »  

Ryô se retrouva nez à nez avec une jolie demoiselle, et surpris devant tant d’enthousiasme, il lâcha prise. Malgré de grands moulinets, brassant l’air avec ses bras, il tomba à la renverse. Se frottant le dos avec une expression de douleur, il s’entêta à penser qu’il était tomber dans une maison de fou. Il leva les yeux et changea bien vite d’avis quand il détailla avec plus de précision cette jeune fille. Elle était mignonne comme tout, quoiqu’apparemment un peu jeune pour lui. Comme à son accoutumée, il se présenta de cette manière.  

-« Ryô Saeba, 20 ans ! »  

Et il se remit sur pied en à peine quelques secondes, ce qui déstabilisa Ana. Celle-ci recula de quelques pas, méfiante. L’air un peu trop expressif de cet homme ne la rassurait pas beaucoup mais la ressemblance avec son grand père était tellement frappante qu’elle en explosa de rire.  

Puis elle lui tendit une canne.  

-« Tenez c’est pour vous. Grand Père m’a chargé de vous l’apportez et de vous conduire à la cuisine. »  

En fait, elle la projeta plus ou moins violemment devant elle, de sorte que Ryô la prit directement sur le nez.  

-« Trop gentil » ajouta-t-il, d’une voix nasillarde, se tenant le nez à deux mains, en équilibre sur une jambe.  

-« Je m’appelle Ana Wu, 17 ans, l’imita-t-elle, malicieuse. J’habite chez mes grands parents. Je suis enchantée de vous connaître Monsieur Saeba. Ma grand mère avait raison, vous vous en êtes bien remis de cet accident. Heureusement que Grand Père vous a trouvé parce que sinon… »  

Ryô soupira, elle était effectivement trop jeune, et calma instantanément ses ardeurs. Avec l’aide d’Ana, il prit appui sur le cadeau du vieux Wu. Un bien bel ouvrage à qui voulait y regarder de plus près. Le corps et le pommeau était en bois solide et verni, la partie supérieure semblait assez rudimentaire mais quelques détails ouvragés, des signes chinois et une gravure quasi invisible étaient ses ornements.  

L’œil affûté de Ryô vit très bien ces décorations traditionnelles et quand il sortit de sa chambre et vit la maison, il aurait pu mettre sa main au feu, qu’il se trouvait effectivement très loin de chez lui, un océan le séparant du Japon.  

-« Nous sommes en Chine, non ? »  

-« Effectivement, dans la province du Fujian plus exactement, répondit Ana qui le regarda compatissante. Ainsi, vous ne saviez même pas où vous avez atterri ? Enfin si on peut ça comme ça. »  

-« Mouais… » grommela Ryô.  

Les trois étages, les nombreuses pièces, le jardin central et circulaire l’impressionnèrent et il relégua en second plan, pour l’instant, le fait que la Mer de Chine Orientale serait un obstacle non négligeable pour son retour.  

-« Il va falloir descendre l’escalier pour rejoindre la cuisine. Vous vous en sentez capable ? »  

-« Il faudra bien. J’ai une faim de loup !! »  

Ana sourit et le prit par le bras, l’aidant de son mieux. Elle rajouta, consciente que la douleur devait être à son maximum bien que ce mystérieux invité ne pipait mot :  

-« Grand Mère vous a préparé une infusion qui vous soulagera . Oh ! Ne faites pas cette tête ! C’est juste à base de plantes médicinales qui allégeront les lancements dus à votre blessure ! Rien de sorcier ou de vaudou. »  

-« Ah bah, je vois qu’Ana vous parle de la cuisine de Shan-In !! »  

Tseng Wu passa une tête hors de la cuisine, les ayant entendu arriver, mais une poêle le frappa de plein fouet et il rentra immédiatement en traitant sa femme de folle furieuse. Gênée, Ana se tourna vers Ryô et bredouilla quelques excuses.  

-« Ils sont toujours comme ça, ne faites pas attention. »  

-« Oh, j’ai l’habitude ! »  

Ana ne comprit ni l’allusion ni le regard de Ryô devenu soudainement lointain et nostalgique. Ce dernier, se sentant observé, la regarda et lui sourit.  

-« Je meurs de faim, et si je fais confiance à mon instinct, je peux m’attendre à une cuisine délicieuse. »  

-« Et vous faites bien, Grand Mère est un vrai cordon bleu, malgré ce que peut dire Grand Père. Il ne se lasse pas de la taquiner, et cela fait 40 ans que ça dure !! »  

-« 40 ans ? »  

-« Et oui mon garçon, 40 ans de … » voulut répondre le grand père d’Ana.  

-« Fais attention à ce que tu vas répondre vieux fou ! » le menaça Shan-In avec une cuillère en bois.  

Contre toute attente, Ryô rit de bon cœur et se sentit en confiance dans cette famille hors du commun. Il n’aurait pas pu tomber mieux, sans faire de mauvais jeu de mot…  

Il s’installa et apprécia le mobilier tout comme la décoration de la pièce. Des meubles en bois, pittoresques mais pratiques, tout était rangé avec soin mais quelques bibelots ou pots de fleurs bien garnis traînant ça et là mettaient une pointe de chaleur humaine.  

Le cœur de Ryô se serra. Kaori commençait à lui manquer et elle devait être au supplice de ne pas avoir de nouvelles de lui depuis ces derniers jours. Son regard se porta sur les membres de la famille Wu.  

Shan-In, ses longs cheveux blancs retenus par un chignon classique et habillée dans un kimono, avait du être, et restait, une très belle femme, dont les yeux brillaient d’un vif éclat. Elle ne perdait jamais son sourire, sauf quand son insupportable mari lui en faisait voir de toutes les couleurs. Ana, elle, semblait bien plus réservée, mais la présence des grands parents un peu exubérants devait la stimuler et elle paraissait heureuse de vivre avec eux. Foi de Ryô, elle serait une très belle femme dans quelques années !  

Et le vieux Tseng Wu avait peut être l’air d’être un vieil homme fatigué, mais il n’en était rien. Prompt et vigoureux, on sentait encore qu’il avait de l’énergie à revendre derrière ses quelques cheveux blanchis par les années. Le japonais fut attiré par un détail qui lui parut incongru sur le coup, la pipe du vieil homme était fixée à sa ceinture de la même façon que Ryô mettait parfois son magnum quand il n’avait pas son holster. Un réflexe de professionnel qui aurait échappé à bien des gens, et complètement stupide si on y songeait réellement, mais Ryô mis cette information de côté, au cas où…  

Lorsque Shan-In posa devant lui un bol de riz fumant et parfumé, il sentit son estomac se creuser. Le long bruit qui en suivit fit sourire de plus belle son hôte.  

-« Forcément, après 2 jours ou plus de diète forcée… Allez mange fiston ! »  

Ryô ne se fit pas prier et engloutit à moitié le bol quand il se sentit étrangement pris en défaut. Il leva des yeux interrogateurs sur cette dernière et sa petite fille qui les fixaient, sans voix, lui et le patriarche. Il tourna la tête et vit que celui-ci se tenait exactement comme lui, de nombreux grains de riz sur les joues et le nez, les baguettes figées en l’air sous l’œil inquisiteur des deux femmes. Les deux hommes se jaugèrent pendant un instant puis, de concert, ils haussèrent les épaules et continuèrent à s’empiffrer. Shan-In et Ana se regardèrent, un corbeau passant entre elles, et résignées, elles mangèrent à leur tour.  

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