Une semaine plus tard, alors que Kaori avait envoyé son article définitivement rédigé, et que celui-ci était paru deux jours plus tôt dans le New-York Times créant un scandale jusque dans les médias japonais, elle était en conversation vidéo avec son rédacteur en chef. Ce dernier heureux du succès de son édition, n’avait de cesse de faire l’éloge du travail de la jeune femme.  

- Vraiment Kaori, c’était sensationnel ! termina-t-il en la complimentant une énième fois.  

- Merci Monsieur Smith, rougit Kaori.  

- Mais au fait, reprit ce dernier. Ne devriez-vous pas être sur le chemin du retour ? J’ai pas mal de propositions à vous faire ! Il y a notamment des rumeurs sur…  

- C’est que… commença Kaori en coupant son son supérieur dans son élan, sentant le moment de se lancer. Voilà, je voulais vous présenter ma démission.  

L’espace de quelques secondes, son rédacteur en chef resta sans voix alors que les pensées de Kaori s’envolèrent une semaine plus tôt.  

Appuyant sur le bouton d’envoi, elle poussa un soupir de soulagement en s’adossant à la chaise sur laquelle elle était assise. Son premier grand article venait d’être envoyé à son journal, et sans vouloir jouer la fausse modestie, elle se sentait heureuse de ce travail accompli. Heureuse d’être allée jusqu’au bout. Heureuse d’avoir réussi tout simplement.  

Ryo vint se placer derrière elle, et l’entourant de ses bras, déposa un petit baiser dans son cou, comme elle aimait qu’il le fasse dans ces moments si importants.  

- Alors ? demanda-t-il. Que vas-tu faire maintenant ?  

La question n’était pas anodine. Et Kaori avait passé des heures à y réfléchir ces derniers jours. La vie qu’elle s’était créée aux Etats-Unis, avait été un tremplin pour trouver la force d’avancer. Elle avait été nécessaire pour vaincre sa peur du VIH. Mais c’était ici qu’elle était pleinement heureuse. Ici avec Ryo tout simplement.  

Se tournant vers son homme, elle observa chaque contour de son visage. Chaque nouvelles petites rides qui étaient apparues depuis ces deux dernières années. Posant sa main sur sa joue, elle répondit.  

- Tu m’as dit que tu voulais une place dans ma vie… Alors, cette vie, je te la confie… Moi non plus je ne peux pas vivre sans toi. Si tu veux que je reste, alors je resterai.  

- Comment peux-tu seulement me poser la question, déclara Ryo ses lèvres tout contre celles de Kaori. Il y a deux ans déjà, je voulais plus que tout que tu restes près de moi. Alors aujourd’hui, plus que tout…  

Il scella ce nouveau chapitre de leur vie par un baiser non pas où brûlait cette passion qui d’ordinaire les dévorer, mais un baiser remplit d’amour. Cet amour qui les avait toujours liés l’un à l’autre…  

- Que dites-vous là ? répliqua John ramenant la jeune femme au présent. Pourquoi démissionner alors qu’au contraire votre carrière est en train de décoller. Kaori vous rendez-vous compte du raz de marée que vous avez créé. Vous allez devenir une journaliste qui compte ! Si c’est une augmentation de salaire que vous souhaitez, elle est accordée !  

- Désolée mais… J’ai le mal du pays. C’est ici qu’est ma place. Et je vous serais toujours infiniment reconnaissante de m’avoir donné ma chance. Mais aujourd’hui je sais enfin où je vais.  

- Bah, pour ça il faut surtout remercier Sayuri. Elle n’a eu de cesse de me menacer d’aller travailler à la concurrence si je ne vous prenais pas dans mon équipe, fit-il en balayant les remerciements de Kaori d’un geste de la main. Il n’y a vraiment rien que je puisse faire pour tenter de vous faire changer d’avis alors ? insista-t-il une dernière fois.  

- Rien, hélas…  

- J’aurais dû écouter Sayuri, elle me l’avait laissé entendre, mais je pensais qu’avec le succès de votre article…  

- Merci pour tout Monsieur Smith, fit Kaori sentant une boule se former au fond de la gorge.  

- Appelez-moi John !  

- Merci pour tout John.  

- Si vous souhaitez travailler au Japon, et que vous avez besoin d’une lettre de recommandation, n’hésitez pas. Je me ferai une joie de la rédiger. Bonne chance à vous Kaori…  

- Merci… Merci pour tout… termina Kaori les larmes aux yeux avant que la communication ne s’arrête.  

- Tout va bien ? demanda Ryo s’approchant d’elle.  

- Oui… le rassura-t-elle. Je tourne juste la page de deux ans de ma vie…  

- Kaori, fit Ryo en se plaçant en face d’elle, prenant ses mains dans les siennes. Tu devrais continuer ton métier. Ce John à raison. Tu es douée. La presse japonaise serait ravie de t’avoir dans leur équipe. Alors vas-y !  

- Ryo…  

- Kaori, je te veux dans ma vie, et je veux être dans la tienne. Mais pas dans ce monde… Je ne veux plus que tu y mettes les pieds. En te regardant travailler, le visage serein, une étincelle de passion dans le regard, j’ai compris que c’était peut-être ça ta vie. Je ne veux plus te plonger dans les ténèbres. Je veux que tu restes dans la lumière.  

- Mais toi ?...  

- City Hunter est, et restera… Mais le travail en solo ne me gêne pas. Et puis je suis sûr que Reika ne dirait pas non à reprendre du service. Dans le style garde-fou elle n’était pas si mal ! Enfin si tu es d’accord ?  

- Oui, oui, pleura Kaori en se serrant contre le corps de Ryo.  

Cette vie qu’il lui offrait, s’ouvrait à elle comme un cadeau du ciel. Embrassant la jeune femme, il laissa ses mains glisser le long de son corps. Nouant ses bras autour de sa nuque, elle répondait avec la même ferveur aux avances du nettoyeur. Attrapant les fesses de Kaori, il la fit glisser au bord de la chaise, pour qu’elle enroule ses jambes autour de ses hanches. Puis se redressant, il l’allongea sur la table sur laquelle trainait encore son ordinateur. Relevant le t-shirt qu’elle portait, il enfouit son visage sur son ventre plat pour y déposer une pluie de baiser la consumant de l’intérieur, et faisant monter encore et encore son désir.  

- Ryo… le supplia-t-elle en plaquant ses hanches contre la virilité puissante de son partenaire.  

Comprenant la demande implicite de la jeune femme, il l’emporta sans plus attendre dans ses bras. Et la déposant sur leur lit, il entreprit de lui faire la démonstration des sentiments qui l’animaient et qu’il ressentait pour celle qui était désormais sa femme contre vents et marées.  

En fin de journée, ils décidèrent enfin de sortir de leur cocoon de bonheur pour aller annoncer la bonne nouvelle à Miki.  

A leur arrivée, Mick était présent dans le café avec Kazue. L’américain avait décidé d’emmener sa belle infirmière à l’opéra pour une petite soirée romantique.  

- Ah vous voilà enfin ! s’écria Miki. J’avais peur que vous ne passeriez pas aujourd’hui. Alors Kaori félicitations pour ton article !  

- Merci Miki, répondit-elle en s’installant aux côtés de Kazue, qui lui fit un petit sourire de connivence.  

Déposant un café devant son amie, Miki lança la question qui lui brûlait les lèvres depuis quelques temps mais qu’elle n’avait pas eu le courage de poser ;  

- Dis Kaori ? Maintenant que ton travail ici est terminé qu’est-ce que tu vas faire ? Je veux dire, vas-tu repartir aux Etats-Unis ?  

Après un bref silence de l’intéressée qui lança un petit regard à Ryo, elle répondit ;  

- En fait, j’ai démissionné ce matin du journal. Je… J’ai pris la décision de rester ici au Japon.  

- Tu veux dire ? fit Miki qui n’osait y croire.  

- Oui, intervint Ryo, Kaori ne repart pas, elle reste vivre avec moi.  

Et pour donner tout le sens à ces paroles, Ryo fit lever sa partenaire, et posant sa main sur sa joue, il lui adressa un tendre sourire avant de l’embrasser devant leurs nouveaux témoins, laissant Miki, Falcon et Mick sans voix. Seule Kazue esquissa un sourire emplit d’affection.  

- A… Attendez là ! reprit Mick en rompant le silence et en pointant le couple du doigt. C’est quoi cette histoire ?! Depuis quand vous deux ?...  

- C’est vrai ça ? intervint Miki encore toute retournée. Kaori tu as osé me cacher un truc pareil ?!  

- Désolée, répondit-elle. C’est juste que j’avais besoin de savoir où cette histoire allait aboutir pour moi, pour Ryo. Mais oui, ce n’est plus un partenariat que nous formons, mais un couple.  

Prenant son amie dans ses bras, Miki, lui chuchota à l’oreille ;  

- Je veux bien te pardonner ton petit secret, si tu me promets de me raconter certains détails !  

- Miki ! rougit Kaori devant l’éclat de rire de celle-ci.  

- Et toi Ryo, reprit Mick, que vas-tu faire ?  

- Kaori ira postuler en tant que journaliste à Tokyo. Pour ma part, si Reika est d’accord je veux bien la garder comme assistante.  

- Tu parles qu’elle sera d’accord, encore récemment elle se lamentait de ses journées trop tranquilles, fit Mick en allant à l’encontre de Ryo. Bienvenue dans le club très fermé des mecs rangés, mon vieux, lui tapa-t-il dans le dos. Fini les soirées arrosées au cabaret !  

- T’inquiète pas pour moi, mes soirées sont bien occupées…, reprit Ryo un petit sourire pervers aux lèvres faisant écho à la mine lubrique de Mick.  

- Non mais ça va pas vous deux ?! les réprimanda Kaori faussement énervée.  

- Puisqu’on en est aux révélations, fit Miki se plaçant à côté de son mari. Nous aussi nous avons une petite annonce à faire.  

Les deux couples se tournèrent alors vers la barmaid attendant ladite révélation.  

Posant sa main sur son ventre, Miki reprit ;  

- Nous allons avoir un bébé !  

- Miki, crièrent Kazue et Kaori en chœur.  

- Je suis si contente pour toi ! fit Kaori la prenant dans ses bras.  

- Pour quand est le terme ? demanda Kazue, la déformation professionnelle n’étant jamais bien loin.  

- Cet automne normalement. Mais j’en saurais bientôt plus lors de la première échographie.  

- J’espère que tu nous laisseras acheter son premier pyjama ! rit Kaori euphorique à l’idée de pouponner.  

- Et les premiers chaussons ! renchérit Kazue.  

- Tout ce que vous voulez les filles à condition de ne pas faire de cet enfant un bébé complètement pourri gâté ! rit Miki devant l’enthousiasme de ses amies.  

Ce soir-là, alors qu’ils marchaient enlacés dans les rues de Shinjuku, Kaori réalisa qu’elle n’avait rien à regretter. Elle venait définitivement de prendre la bonne décision en restant auprès de sa famille, même si Sayuri allait beaucoup lui manquer.  

- A quoi penses-tu ? demanda Ryo constatant le sourire sur les lèvres de Kaori.  

- Je me disais que la vie valait quand même la peine d’être vécue…  

Les arbres commençaient à perdre doucement leurs feuilles en ce début d’automne, lorsque Ryo et Kaori entrèrent ce matin-là à l’hôpital les bras chargés de ballons et un paquet cadeau sous le bras.  

Se dirigeant vers le service de la maternité, ils entrèrent enfin dans la chambre de Miki où le petit berceau transparent était placé à côté de son lit. Le visage encore fatigué de l’effort qu’elle avait fourni durant la veille, elle les accueillit avec le sourire d’une femme comblée par le cadeau de la vie.  

- Comment va la nouvelle maman ? demanda Kaori en déposant son présent sur le lit de Miki.  

- Fatiguée, mais tellement heureuse.  

- Qu’il est beau ! s’extasia la jeune femme en se penchant sur le berceau pour admirer le nouveau-né.  

- Yuuki, voici tatie Kaori, fit Miki en prenant son fils dans les bras, puis en tendant le bébé à la jeune femme.  

Avec d’infinies précautions, Kaori cala ce petit être au creux de son bras, alors que Ryo vint se placer à ses côtés pour admirer l’enfant. Il était aussi ému que Kaori, et n’eut même pas l’envie de faire une blague à Falcon.  

Miki déballa son paquet et découvrit un kit pour immortaliser l’empreinte du petit pied de son fils.  

- Merci à vous deux.  

- C’est Kaori qui en a eu l’idée, compléta Ryo. Elle a d’ailleurs dû se faire violence pour ne pas acheter tout le magasin.  

- Ryoooo, le rabroua Kaori, faussement vexée qu’il ait osé dévoiler ce penchant.  

Rendant l’enfant à sa mère un quart d’heure plus tard, Kaori et Ryo quittèrent les heureux parents. Avant de sortir, Ryo adressa à Falcon ;  

- Je dois reconnaître que vous avez fait du beau boulot tous les deux ! Et dieu sait qu’avec ta tête de poulpe ce n’était pas gagné !! plaisanta-t-il avant de quitter la chambre.  

Falcon grinça des dents pour la forme, mais apprécia le compliment sincère de son ami. Observant la porte close sur le couple qui venait de la franchir, il savait que depuis que Kaori était réapparue dans la vie du nettoyeur, lui aussi goûtait enfin à ce bonheur qu’il s’était longtemps interdit.  

A suivre... 

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