Hojo Fan City

 

 

 

Data File

Rated R - Prose

 

Auteur: patatra

Status: En cours

Série: City Hunter

 

Total: 23 chapitres

Publiée: 02-03-11

Mise à jour: 19-07-22

 

Commentaires: 159 reviews

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GeneralDrame

 

Résumé: City Hunter n’existe plus. Après avoir accepté une mission, Kaori rencontre un homme qui veut détruire City Hunter et qui y réussit. Qui est cet homme ? Que veut-il à Ryo ? Comment réagit Kaori ? Pourquoi Ryo perd-il son ange ?

 

Disclaimer: Les personnages de "Le vent", excepté celui de Keiji, sont la propriété exclusive de Tsukasa Hojo. Le personnage de Keiji m'appartient exclusivement.

 

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   Fanfiction :: Le vent

 

Chapitre 18 :: Ce que femme veut

Publiée: 27-07-12 - Mise à jour: 27-07-12

Commentaires: Bonjour, tout vient à point à qui sait attendre… Voilà le chapitre 18 du vent, il est principalement axé sur la psychologie des personnages : Kaori et la dénégation, Ryô et l’acceptation. Le prochain sera le dernier avant « le clash ». Je précise ici que j’ai réécrit le premier chapitre, en fait je me suis mis en tête de réécrire les premiers chapitres qui me déplaisent fortement en ce qui concerne le niveau d’écriture. Pour dire, j’ai plus que doubler le nombre de mots. Plus de détails, moins de faute et mon souhait de proposer une fic homogène dans son niveau d’écriture. Evidemment, aucune obligation de relecture pour vous, je ne compte pas ajouter des informations ou changer quoi que ce soit à la trame. Qu’on se rassure ! Bien sûr, si le cœur vous en dit, replongez dedans… Je vais ensuite m’atteler au second chap, pour moi le pire de tous^^. Voilà, voilà les amis, je vous remercie bien évidemment pour les messages que je lis toujours avec beaucoup d’intérêt et qui me comblent, certaines d’entre vous font preuve d’un grand discernement. Idem pour ma fic « japanese story » sur laquelle je planche maintenant et qui sera la prochaine à être majée. Pour info Dona, je te donne le lien de la seule fic autre que celles publiées ici, c’est un lemon, je t’avertis : http://www.fanfic-fr.net/fanfics/Fics-Originales/R/Romance/Brasero/48931.html Bonne lecture et à bientôt

 


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Chapitre 18 : Ce que femme veut
 

 

 

Le cliquetis reconnaissable de la poignée avait immédiatement titillé son oreille et un timide rictus, imperceptible, s’accrocha conséquemment à ses lèvres. La nuit n’avait pas été aussi sereine qu’il l’aurait voulue, Kaori n’avait pratiquement pas fermé l’œil, s’était levée à maintes reprises, avait dû s’abreuver de toutes les boissons non alcoolisées qu’elle avait trouvées dans l’appartement. Elle avait été discrète, certes, mais son stress était si palpable que même Mick, de l’autre côté de la rue, avait dû le ressentir. Ryô n’avait pas quitté sa couche, abandonnant sciemment sa partenaire à ses terreurs nocturnes ; cela n’était guère son genre d’agir ainsi mais la pénombre avait amené son cortège de doutes, et il s’y était embourbé avec horreur, son esprit vagabondant dans des contrées obscures, là où son ange n’en était plus un, où l’ennemi prenait visage, riant tel un fou, une femme pendue à son cou. Une femme ? NON ! SA femme !... Kaori !  

 

Cauchemar…  

 

Elle pénétra telle une chatte dans sa chambre et, à pas feutrés, vint se positionner devant le lit. Elle sourit malgré elle de la vision étrangement paisible qu’il lui offrit. Inconscient. Le drap le recouvrant jusqu’à la taille, laissant apparaître les muscles ronds de son torse, la puissance animale de son cou. Il était tourné vers elle, sa tête reposant sur son bras replié. Elle observa avec gourmandise le minois qu’à cet instant il ne pouvait défigurer, le sommeil ne lui permettant pas de travestir sa vraie nature par une quelconque pitrerie.  

 

« Tu ne peux pas toujours m’échapper », murmura-t-elle avec une certaine fierté.  

 

Elle le dévisagea,…, refoula la tentation luciférienne. Oui, elle aurait souhaité effleurer les lèvres, apprécier la moelleuse texture, suivre de ses doigts l’ourlet délicat de la bouche.  

 

Bouche dont il ne calculait pas le pouvoir érotique.  

 

« Non, tu ne sais pas », abandonna-t-elle dans un souffle.  

 

Puis elle s’agenouilla.  

 

A son chevet.  

 

Précautionneusement.  

 

Et détailla de près le visage. Le corps. D’une beauté à couper le souffle.  

 

Longuement, elle admira…  

 

Ses yeux errant sur lui sans pudeur.  

 

Accrochant les monts, les creux,  

 

Sculptés par la nature.  

 

Sa nature d’homme.  

 

Il devait être époustouflant  

 

De laisser divaguer ses doigts…  

 

Allait-elle oser ?  

 

Elle se mordit les lèvres… Non.  

 

Evidemment que non.  

 

Elle reprit alors sa passive contemplation.  

 

Oui, longtemps, elle contempla…  

 

Longtemps.  

 

Et coula son regard jusqu’au drap,  

 

Souhaitant par la seule force de son esprit  

 

Abaisser le rempart de tissu.  

 

Juste pour apprécier dans son entièreté,  

 

Ce corps qu’il ne lui avait jamais caché,  

 

Exhibé, même, avec fierté.  

 

Mais pouvoir en abuser avec les yeux  

 

Sans qu’il en soit conscient  

 

Serait une victoire des plus jouissives.  

 

Fantasme idiot.  

 

Pouvait-elle oser ?...  

 

Non, cette curiosité-là n’avait pas sa place. Ce serait… indécent.  

 

Alors elle se tourna de nouveau vers son visage.  

 

Une mèche de cheveux s’égarait sur son front.  

 

Insolente,  

 

Aimantant ses doigts,  

 

Décuplant l’envie de relever le défi.  

 

Juste effleurer, à peine frôler, ça ne serait même pas toucher.  

 

Ca oui, elle pouvait. Quand même !  

 

Alors elle osa.  

 

Au tout début, ses doigts s’embarrassèrent de quelques scrupules, mais ces derniers disparurent presqu’instantanément, cédant la place à l’euphorie de la découverte, au vertige du contact interdit.  

 

Après avoir replacé la mèche rebelle, ils partirent très vite à la conquête du relief accidenté : le nez, les yeux, les sourcils. Merveilleux sourcils. Doux et soyeux. Arcades délicates. La joue. Oui la pommette. Saillante. Agressive. Elle coula sa paume contre elle, tentant de l’épouser au mieux, souhaitant ne faire qu’un avec la peau ferme et chaude.  

 

Il sursauta.  

 

Etait-il éveillé ? Rêvait-il ?  

 

La réaction inattendue l’arracha à sa rêverie fantasmagorique et elle eut l’impression que l’épiderme abusé lui brûlât la main. Elle gela alors tout mouvement et se statufia instantanément, sa main toujours posée sur la joue de…  

 

La trachée de Kaori se contracta sous le choc. Avec effroi, elle constata que les traits qu’elle caressait s’étaient métamorphosés, que la bouche adorée avait ce pli si particulier sous la lèvre inférieure, fossette merveilleuse dont le seul souvenir lui donnait la fièvre.  

 

Elle plissa très fort son front et retira sa main sans délicatesse, maîtrisant difficilement les bouffées de sanglots qui remontaient dans sa gorge, puis elle s’enfuit précipitamment de la chambre, refermant la porte derrière elle.  

 

A peine avait-elle quitté la pièce que les paupières se levèrent, laissant apparaître des billes sombres, brillantes et fâchées. Les pleurs lui parvenaient étouffés du couloir. Ryô s’assit sur son lit, considéra le mur quelques instants, puis se leva, enfila un caleçon et s’approcha de la porte ; il ne savait quoi mettre exactement sur cette douleur dont l’intensité était troublante : tristesse, souvenirs difficiles, rancœur vis-à-vis de lui… ou était-ce autre chose ?... L’autre ?  

 

Il grimaça. Et posa la main sur la poignée.  

 

Elle s’était effondrée dès sa sortie. Ne prenant pas la peine d’aller jusqu’à sa chambre pour laisser libre cours à son chagrin. Pourquoi était-ce si irrépressible ? Impossible à enrayer… Le manque ? Déjà ?  

 

Avait-il coulé dans son sang un poison invisible qui faisait qu’elle était liée à lui malgré elle ? Incrusté dans ses chairs le besoin viscéral de lui ? Pour que même aux côtés de Ryô, même lorsqu’elle touchait Ryô, c’était son image à lui qui l’envahissait, c’était de sa bouche à lui dont elle se languissait, et le grain de sa peau à lui que la pulpe de ses doigts désirait.  

 

Horreur et damnation !  

 

« Je te hais ».  

 

Il l’avait utilisée, manipulée, trompée, abusée. Comme personne avant lui. Comme personne n’oserait jamais. Et elle, pauvre folle, ne parvenait pas à s’arracher à son emprise, comme si la captivité mentale perdurait… Elle afficha un rictus de démente, accablée par la révélation :  

 

- C’est juste lui que je veux, murmura-t-elle avec désespoir.  

 

Elle éclata d’un rire satanique, sans joie. Inquiétant et dérangé. Elle secoua la tête, violemment, planta ses ongles dans son cuir chevelu, proche de l’hystérie. C’était Ryô qu’elle aimait. Depuis toujours. Pour toujours.  

 

« Et pourquoi toi, tu ne m’aimes pas ? », éructa-t-elle avec rancœur.  

 

Aucun son n’était sorti de sa bouche mais la question ne cessait de résonner dans son crâne.  

 

Il ne l’aimait pas ! Ne l’aimerait jamais ! A ses yeux, elle ne représentait que l’antithèse de l’amour, l’antithèse du désir. Seulement maintenant, elle avait touché de près l’état de grâce, connaissait la brûlure de l’émoi amoureux, la capitulation des sens. L’étourdissement érotique n’était plus fantasme inaccessible, il avait pris vie dans son corps, avait délié ses tentacules délicieuses dans tout son être et, assurément, le poison était sans antidote.  

 

Elle avait lutté de toutes ses forces contre ça. Résisté autant qu’il fut possible. Et avait échoué. S’était faite bernée. Certes. En beauté ! Cet homme avait eu un tel pouvoir sur elle que même sa libération n’avait pas permis de le dissoudre. Keiji était devenu pour elle nécessité.  

 

C’était atroce ! Horrible d’en arriver à se perdre dans l’adoration d’un monstre.  

 

S’y perdrait-elle ?  

 

Elle sanglota.  

 

L’amour avait toujours été un fantasme pour Kaori, elle avait longtemps rêvé au prince charmant et, très vite, Ryô avait naturellement incarné son idéal masculin, même si, elle devait l’avouer, il ne collait pas parfaitement à l’enveloppe romantique du fameux prince tant attendu. Mais qu’importe ! Elle s’était entièrement consacrée à cet amour non réciproque, se convaincant que son partenaire finirait bien, lui aussi, par reconnaître les sentiments qu’il éprouvait à son égard.  

 

« Pauvre ignorance des choses du cœur ! »  

 

Elle avait maintenant ouvert les yeux ! Et enfin pris conscience que nul ne pouvait souffler le vent de la passion dans le cœur de l’autre. L’amour ne se commandait pas, échappait à la raison, à la maîtrise. Il s’était déchaîné en vain en elle pendant des années, il avait fait table rase de toutes ses illusions, piétiné son cœur, ses espoirs. Et elle avait tout misé dans ce combat perdu d’avance. Pathétique. Malgré son égoïsme inégalable, Ryô n’avait rien à se reprocher, jamais il ne lui avait laissé espérer quoi que ce soit, bien au contraire, il avait toujours été franc et sincère : elle ne lui inspirait rien d’autre que de l’amitié. Elle devait s’enorgueillir d’ailleurs de ce statut unique auprès de lui, nulle autre n’avait cette place dans le cœur du nettoyeur. Lui, le solitaire, s’était annexé à vie un boulet qu’il traînait, certes avec une réticence apparente, mais aussi avec des moments de bonheur indéniables, et qu’il ne s’autorisait qu’avec elle.  

 

Quant au choix qu’il avait fait dans l’entrepôt, elle se refusait catégoriquement à l’analyser. C’était trop douloureux, trop insupportable de considérer cet acte loin d’être insensé, loin d’être désespéré, et d’une froideur qui n’était qu’un faux-semblant. Ryô était tout ce qu’on voulait, tout, sauf inconséquence.  

 

Kaori se figea tout à coup.  

 

Il était debout devant elle, l’observait. Il posa un genou au sol afin de se mettre à sa hauteur et la dévisagea avec inquiétude.  

 

- Dis-moi ce qui ne va pas sugar.  

 

Elle ne répondit pas et détourna la tête pour la cacher dans le creux de son bras.  

 

Il refusa cette fuite, saisit délicatement son menton et l’obligea à le regarder :  

 

- Tu sais que tu peux tout me dire Kaori. Je suis prêt à tout entendre, vraiment tout, mais je ne peux rien si tu ne consens à parler.  

 

Elle se mordit la lèvre inférieure, celle-ci blanchit sous la pression des dents. Il passa alors ses doigts sur la bouche torturée, l’obligea à relâcher sa morsure. Il s’assit ensuite face à elle sur le sol, passa un bras de l’autre côté des jambes qui jouxtaient les siennes, et se rapprocha de son ange, l’emprisonnant contre le mur.  

 

La chaleur de leurs corps, les murmures de Ryô tels une brise légère, la pénombre ambiante, les sanglots de Kaori, étranglés dans sa gorge, les spasmes qui secouaient son ventre, son menton tremblotant, tout cela aurait dû les mettre mal à l’aise, insuffler à l’échange une dimension érotique.  

 

Mais il n’en fut rien.  

 

- Dis-moi…  

 

- Il n’y a rien à dire Ryô, lança-t-elle le regard noyé. Je me sens… je me sens juste indigne.  

 

Il fronça les sourcils d’incompréhension.  

 

- Indigne d’être ta partenaire... Ryô…  

 

- Chut, coupa-t-il, arrête ces sottises. Tu ne pouvais…  

 

- J’aime ma vie ! Je veux que tu saches. J’aime ma vie à tes côtés, nos aventures, le danger, j’aime l’idée que je participe à faire de ce monde un monde meilleur. J’aime t’aider, vivre avec toi, j’aime…  

 

- Je sais tout ça Kaori, intervint-il.  

 

Elle avait enfoncé ses ongles dans la chair de son bras, se penchait vers lui comme pour mieux le convaincre.  

 

- Non Ryô ! Tu ne sais pas… Je t’assure. Tu ne sais pas à quel point j’AIME ma vie avec toi. Plus que tout au monde.  

 

- Ca tombe bien, la rassura-t-il sur le ton de la plaisanterie, je n’ai pas l’intention de changer de partenaire.  

 

Ils échangèrent un sourire complice.  

 

Devait-il se réjouir d’avoir abrégé l’échange avec cette remarque légère ? Ou se flageller d’avoir endigué le flot des confessions qu’elle semblait enfin consentir à lui faire. C’est que Ryô craignait la teneur de ce qu’elle avait à lui apprendre, il voulait savoir, bien sûr, mais avait aussi l’insoutenable pressentiment que cela sèmerait désastre et désolation. L’aveu de Kaori était délicieux, certes, mais il sonnait tout de même comme une reconnaissance de culpabilité. Il était indiscutable qu’elle n’avait pas été très professionnelle, avait subi, et ce durant tout le temps de sa captivité, cependant l’ennemi s’était révélé redoutable. Et lui-même, le grand Ryô Saeba, avait frôlé la défaite. Insensé. Il regarda avec tendresse le visage tourmenté, s’attarda sur les prunelles noisette. Elle semblait si sincère. Elle aimait sa vie avec lui ? Et lui alors, que devait-il dire ? Elle avait coulé un bonheur inespéré sur sa chienne d’existence, l’avait rendu humain, tout simplement, lui permettant de toucher du bout des doigts des sentiments qu’il avait longtemps cru réservés aux autres. Oui aux autres, aux délicats, aux faibles. Quelle stupidité ! Cependant, ces sentiments incommodants se révélaient aussi son tendon d’Achille, cette dernière affaire en était l’amère illustration : lui seul était la cible de ce cinglé, et nul autre que lui ne devait être blâmé de la tournure des évènements. Cela aurait dû renforcer sa suprême résolution : l’éloigner de lui, la protéger de lui, pourtant ses résistances faiblissaient, il en venait même à reconsidérer sa relation à la sœur de Hide. Bien évidemment, il n’était pas prêt à envisager quelque chose d’intime avec Kaori mais il avait maintenant pleinement conscience de l’attachement indéniable qui le liait à elle.  

 

« Je suis enchaîné à toi ».  

 

Il sourit d’embarras, réalisant seulement l’ambigüité de leur position : l’un et l’autre se faisaient face, distants d’à peine quelques centimètres, les cuisses nues de son ange collaient son bras, sa peau était chaude et des senteurs d’agrumes, reliques de sa récente douche, titillaient ses narines.  

 

Diable que ce corps lui avait manqué !  

 

« Ton corps Kaori, peux-tu imaginer ne serait-ce qu’un instant à quel point… »  

 

Il l’observa avec ce regard insondable qu’elle détestait plus que tout au monde. Elle ne s’y trompa pas : il réfléchissait… Intensément qui plus est.  

 

- Quoi ? Lança-t-elle avec sa coutumière indélicatesse lorsqu’il entrouvrit la bouche pour lui parler et qu’il se ravisa presqu’immédiatement.  

 

- Rien.  

 

- Est-il possible qu’un jour tu ne me répondes pas : rien ? Se fâcha-t-elle. Que tu ne fasses pas machine arrière ?  

 

- Montre-moi l’exemple, la défia-t-il, il me semble que tu ne dis pas tout. C’est trop facile de reprocher aux autres ses propres défaillances.  

 

Elle se troubla et il perçut son désarroi.  

 

Sa faute à lui. Sa faute à lui.  

 

Il s’en voulut de son incapacité à verbaliser son mal-être, de cette impossibilité de traduire les affres inconnues qui le consumaient, cette douleur dont il ne devinait pas la source, cette violence qui l’emplissait parfois tout entier et qu’il aurait aimé déverser sur elle. Lui faire mal.  

 

Il ne pouvait pas.  

 

Se sortir de là. Se retrouver. Comme avant. Une pirouette. Une diversion. Une grimace. Une attaque acide. Un jeu. Oui, un jeu.  

 

- T’es une coquine tu sais…, reprit-il énigmatique.  

 

- Pardon ?  

 

- JE suis le chat. As-tu oublié ? TU es la souris !  

 

- Qu’est-ce que tu racontes ? Le suivit-elle un sourire dans la voix, déroutée par le changement de ton.  

 

Affichant une intense jubilation, Ryô leva alors une main et la posa doucement sur la joue rosée qui s’affola du contact.  

 

« C’était quoi encore cette ruse grossière ?... Et ce plissement des yeux comme il en sortait à tout bout de champ aux biches enamourées… Croyait-il qu’elle allait tomber dans le panneau ? »  

 

Elle se para d’un air soupçonneux alors que sur le visage de son vis-à-vis, un sourire manipulateur et calculé apparaissait. La main de celui-ci œuvrait sans honte sur ses pommettes, reproduisant avec application les arabesques qu’elle s’était autorisée quelques minutes auparavant, alors qu’elle avait cru le sommeil complice de ses exactions, lui conférant ainsi l’immunité.  

 

- Tu as bien profité de moi tout à l’heure ma coquine, la taquina-t-il.  

 

Elle rougit instantanément et balbutia :  

 

- Mais… Tu ne dormais pas ?  

 

- Non.  

 

- Comment as-tu osé ? Demanda-t-elle, désapprouvant la félonie.  

 

- Ttt, ttt, ttt, c’est moi qui devrais être fâché, très chère, je voulais juste voir jusqu’où tu étais capable d’aller.  

 

Elle interrompit avec brusquerie le mouvement chaloupé et aérien de la main qui violait son intime territoire puis la chassa de sa joue. Il s’étrangla de contrariété. Mais, alors qu’il cherchait comment la mettre à mort avec férocité, vexé d’être ainsi repoussé, elle coupa court à l’élan belliqueux. Oui, elle musela le pit-bull enragé en déposant ses doigts graciles sur sa gueule d’ange, hautement trompeuse pour tous ceux qui la contemplaient.  

 

« Tu es un démon Ryô Saeba ! »  

 

Elle se concentra sur les lignes imaginaires qu’elle traçait avec évanescence, insupportables de légèreté. Il crut défaillir de l’audace. Mais abdiqua dans la seconde, conscient que toute résistance serait vaine, conquis par l’atmosphère étrangement moite qui régnait dans le couloir.  

 

Risque inconsidéré.  

 

Les caresses le firent tressaillir plusieurs fois, en fait dès que les doigts effleurèrent sa bouche et que ses lèvres se laissèrent entrouvrir par la pression délicate mais plus appuyée qu’elle mettait dans ses étreintes lorsqu’elle balayait cet endroit précis. Cependant il accepta ses faiblesses, accepta l’intérêt curieux qu’elle transparaissait à chacun de ses sursauts, accepta même que ces attouchements, naïfs et innocents, éveillassent en lui autre chose qu’un plaisir superficiel, que son pubis commençât à se contracter, annonciation d’une impériosité imminente : la posséder.  

 

 

Que se passait-il ?  

 

Elle assumait. Oui, elle assumait les gestes accomplis plus tôt dans la nuit. Elle assumait le besoin de le toucher. Elle n’en avait pas honte. Plus honte. Etrangement… Devait-elle y lire le signe d’un tardif affranchissement de la dépendance qui la liait à lui ? Cette sujétion naturelle, cette dévotion admirative dont elle avait longtemps crue qu’elles étaient inaltérables ?  

 

Ô grisante sensation de délivrance ! Exaltante euphorie de la victoire sur soi-même !  

 

Pourtant, le plaisir qu’elle retira de ces caresses, à sentir sous le sillage invisible de ses frôlements la peau fondre, la complicité des regards, la parfaite synchronisation de leurs souffles, auraient dû extraordinairement nuancer ce qu’elle prit pour une certitude : le désamour.  

 

La réalité n’était pas encore palpable pour Kaori. Et la crainte d’être démasquée, d’être mise à nue, accusée, que ses crimes soient connus de tous, avait engendré chez elle un mécanisme de défense des plus surprenants : la dénégation. Et si son esprit refusait d’analyser tous les actes, que ce soient les siens propres, comme ceux de Ryô, ou de Keiji, son cœur, lui, ne parvenait pas à faire le tri des sentiments qui la submergeaient. Elle emprunta donc le chemin qui lui parut le plus sécurisant affectivement :  

 

Keiji était un monstre. Il avait abusé d’elle. Elle avait trahi Ryô. Ryô qui ne l’aimait pas, et qu’elle n’aimait plus.  

 

- N’y a-t-il que mon visage qui t’intéresse ? Prononça-t-il d’une voix éraillée par le désir, accablé par les doléances de son ventre. J’avais cru comprendre tout à l’heure que ton appétit ne se limitait pas à ça ?  

 

Là, il jouait avec le feu. Mais Diable que c’était bon de risquer ainsi que les choses dérapent, que le jeu s’envenime, que la tentation les titille ! Cet épisode sombre l’avait-il changé à ce point ? Il sourit de son audace suicidaire mais frôla l’étourdissement lorsque la main tortionnaire quitta son visage pour s’approprier sa nuque.  

 

Ah elle devait cesser ce manège ridicule !... Mais n’en trouva pas la force. Bien au contraire, sa main lui désobéit avec une coupable irrévérence. Elle coula sur le cou et enroba la rondeur du muscle de l’épaule, y découvrant avec délectation douceur et fermeté, confort et puissance. Dieu qu’il était beau !  

 

« Dieu que t’es beau », pensa-t-elle tout en poussant sa conquête jusqu’à la poitrine imberbe.  

 

- J’ai cru devenir dingue sans toi pendant plus d’une semaine mon ange, lui susurra-t-il à l’oreille, fermant la distance entre leurs bustes.  

 

Elle écarquilla les yeux ! Réalisant ce que cette révélation signifiait... Il avait souffert… Et elle ?... Pendant tout ce temps…  

 

Elle gémit de douleur et le repoussa violemment :  

 

- C’est pas ça que je veux !  

 

- Quoi ? S’éberlua-t-il.  

 

Elle se leva et se précipita vers sa chambre, le renversant au passage. Lui, n’avait pas prévu cette fuite, se retrouva en fâcheuse posture. Déséquilibré, il s’effondra, ahuri.  

 

- Kaori ! Appela-t-il en se relevant et en tentant de la suivre.  

 

Mais il était trop tard, il se heurta à la porte fermée et verrouillée.  

 

- Qu’est-ce que tu veux alors ? Demanda-t-il.  

 

Elle ne répondit pas.  

 

************************************
 

 

Ses jambes ne cessaient de trembler, la portaient à peine dans les cent pas qu’elle avait entrepris dans l’exigüité de sa chambre. Tout se bousculait dans sa tête, ses synapses atteignaient le point critique, ses neurones allaient griller si elle ne parvenait pas à recouvrer un peu de sérénité. Ryô, Keiji, et ce putain d’indic. Elle avait cherché en vain le sommeil, espérant y trouver un semblant d’oubli, un peu de répit. Mais non, ce coup de téléphone ne cessait de résonner dans son crâne, la voix alcoolisée, le ton ricaneur s’étaient incrustés dans ses tympans : « Elle s’éclate ta partenaire Saeba… »  

 

« Elle s’éclate ».  

 

En tremblant, Kaori s’agenouilla devant son lit et sortit le portable de Ryô de dessous son matelas. Elle le contempla un instant, en claqua des dents, en perdit le souffle.  

 

Qu’allait-elle faire ?  

 

L’angoisse…  

 

Cette histoire d’indic la rendait dingue ! Il était inévitable que tout cela la rattrape. Aujourd’hui. Demain. Inévitable. Que pouvait-elle faire ? Que devait-elle faire ?  

 

Tout avouer ?  

 

NON ! Impossible ! Ryô la fustigerait…  

 

Et il aurait raison.  

 

Il ne comprendrait pas. La répudierait. La chasserait même… peut-être. Il n’était guère du genre à tergiverser.  

 

Elle en mourrait s’il l’apprenait. Elle en mourrait. Elle n’assumerait pas. Elle en mourrait.  

 

Elle s’assit sur le bord de son lit, se prit la tête entre les mains et tenta de réfléchir.  

 

A cette heure, tout le milieu savait certainement que la partenaire de City Hunter était rentrée au bercail, que le nettoyeur avait, une fois de plus, vaincu l’ennemi. Que ce dernier s’était minablement enfui. Oui, ça c’était sûr. Et l’indic devait également le savoir, c’était de son ressort ça, ça faisait partie de ses aptitudes de base : laisser traîner ses oreilles, ses yeux. Tout voir, tout entendre. Mais, à l’écoute du message qu’il avait laissé à Ryô, il ignorait qui était l’homme avec lequel elle s’était abandonnée, il l’avait bien précisé : « inconnu ».  

 

Elle se mordit les doigts.  

 

Allait-il répandre la rumeur ? Comme quoi elle s’était comportée comme la dernière des trainées ? Qu’elle avait trahi Ryô ?  

 

L’angoisse…  

 

Elle se contraignit à rassembler ses idées, à réfléchir avec objectivité, à prendre du recul.  

 

Cet homme était quand même un indic de Ryô et il connaissait certainement très bien son partenaire. Bien sûr, pensa-t-elle en haussant les épaules comme pour mieux se convaincre, il devait le craindre, redouter une de ses colères, comme tous ses informateurs, comme tout le monde d’ailleurs. Elle avait souvent lu la peur dans leurs yeux, aucun ne risquerait d’attirer sur lui les foudres du nettoyeur. Non, évidemment que non ! Et celui-là ne devait pas échapper à la règle. Il saurait se taire. Sûr ! Il saurait se taire. Et puis elle allait vite le retrouver, lui sortirait quelque histoire abracadabrante qui l’endormirait, se proposerait d’acheter son silence. Mais il fallait qu’elle agisse intelligemment, avec finesse. Et vite !  

 

Oui, elle y arriverait… Avait-elle le choix ?  

 

Kaori ne cessait de se blâmer, enfonçait ses doigts dans la chair de ses épaules, les bras croisés sur sa poitrine, elle aurait souhaité s’arracher des lambeaux de peau en guise de pénitence. Mais cela représentait un châtiment bien insuffisant en comparaison de sa Faute.  

 

Toute à ses terreurs, elle était loin de se douter que, pour le moment, il n’y avait aucune crainte à avoir du côté de l’indic. Ce dernier, surnommé « Vladimir » en raison de ses origines slaves, avait su, comme tous les informateurs de la capitale, que la partenaire de City Hunter s’était faite enlever, que le grand Ryô Saeba était dans une fureur rare, inhabituelle, qu’il était prêt à tout pour retrouver le kidnappeur. Par contre, comme tout un chacun, il n’avait eu que très peu de détails sur la libération de Kaori. Mais visiblement tout était rentré dans l’ordre, et, peut-être même que la veille, alors qu’il avait surpris le couple amoureux, la partenaire de City Hunter avait déjà recouvré la liberté. C’était même plus que vraisemblable car elle n’avait pas semblé prisonnière et encore moins contrainte au rapprochement sulfureux. Hum, tout cela n’était pas clair, il lui manquait des informations, assurément, mais avec ce dingue de Saeba, il valait mieux la boucler ; celui-ci verrait d’un très mauvais œil la moindre indiscrétion sur sa partenaire. Et puis il avait fait son boulot, il l’avait averti… Quoi qu’il en soit, Vladimir rangea dans une case de sa mémoire tous les détails de la scène amoureuse qu’il avait interrompue. Ceux-là s’avèreraient certainement très utiles dans d’autres circonstances… mais pour le moment, il n’avait aucun intérêt à ébruiter l’affaire. Non, aucun intérêt.  

 

 

************************************
 

 

Le petit déjeuner se passa comme à l’ordinaire. C’était délicieux. Il critiqua. Elle s’occupa de tout. Il paressa sur le canapé. Elle vérifia les comptes, appela la banque. Il lut un magazine de charme.  

 

A Tokyo. Rien de nouveau !  

 

- Où vas-tu ? Demanda-t-il lorsqu’il la vit sur le point de sortir.  

 

- Je…, hésita-t-elle. Je vais au cimetière.  

 

- Je t’accompagne, asséna-t-il d’une voix qui ne tolérait aucune objection.  

 

Elle parut contrariée. Il le devina.  

 

- Ca t’embête ?  

 

- Non, pas du tout, mentit-elle.  

 

 

Le soleil ne faiblissait pas en ce début juin, et la canicule inhabituelle échauffait certains esprits, en endormait d’autres. Kaori souffla, accablée par la chaleur ; les perles de sueur qui naissaient dans son dos et sous ses aisselles l’insupportaient, ses lèvres sèches, la soif qui ne la quittait pas, la lourdeur de ses cheveux, représentaient autant de tourments insurmontables ; quant à la luminosité aveuglante, nulles lunettes ne parvenaient à l’affaiblir et la nettoyeuse plissait les yeux derrière le rideau noir de ses verres solaires. Pauvre Kaori ! Elle souffrait le martyre… Et la présence muette de Ryô à ses côtés, sa haute stature, sa mâchoire contractée n’arrangeaient rien à son indisposition, tout lui paraissait impressionnant et intimidant, elle regardait donc son coéquipier par moment, à la dérobée, espérant trouver quelque réconfort dans un regard, un sourire, une attitude. Mais il ne lui offrit rien de cela, préoccupé par quelques tracas secrets.  

 

Etrange malaise.  

 

Les deux nettoyeurs se dirigeaient côte à côte vers le cimetière, en silence ; ils avaient abandonné la voiture plus loin, souhaitant profiter de l’allée ombragée. Ils pénétrèrent bientôt dans le sanctuaire, et si Ryô apprécia la quiétude et la sérénité des lieux, Kaori, elle, sentit sa fébrilité décupler.  

 

- Ça va ?  

 

- Oui, je suis un peu tendue, c’est tout.  

 

Il la considéra d’un air suspicieux.  

 

- Et puis il fait chaud, non ? Argua-t-elle bêtement dans un demi-sourire.  

 

Malgré elle, elle se détourna aussitôt afin de jeter un rapide coup d’œil à l’endroit où elle avait chu, là où, pour la première fois, elle avait croisé le regard mordoré, glissé sa main dans celle de Keiji, senti le trouble indéfinissable l’envahir. Cette rencontre. Il lui semblait que c’était hier. Elle déglutit.  

 

- Etouffant.  

 

- … Quoi ? Demanda-t-elle en se retournant vers Ryô, réalisant seulement son absence métaphysique de quelques secondes.  

 

- On étouffe, non ?  

 

Elle acquiesça mécaniquement et sa tête sembla rentrer dans ses épaules.  

 

Ils étaient enfin arrivés... Soucieux de lui octroyer l’intimité nécessaire, Ryô l’abandonna à quelques mètres de la sépulture.  

 

Fidèle au rituel qui s’était imposé à elle à la mort de Hide et qui la rassurait extraordinairement, Kaori s’agenouilla devant la pierre tombale de son frère, caressa la stèle de la main, silencieuse invitation à la rejoindre là. Puis elle patienta quelques instants, dans une volonté de ne pas brusquer l’esprit capricieux qui ne répondait pas toujours à ses sollicitations. Mais contre toute attente, une brise légère fit bientôt voleter ses cheveux et une force invisible comprima sa poitrine.  

 

Il était là !  

 

Vertigineuse sensation. Etourdissante certitude de la survivance de l’âme.  

 

Kaori ne céda pas au plaisir du vent caressant son visage ni à l’étouffante accolade qui fit plier son buste. Non, elle ne venait chercher ici aucun réconfort, pas même un conseil, et encore moins une absolution pour ses fautes. Elle voulait des explications ! En effet, le sentiment qui dominait en elle en ce jour était l’incompréhension. Incompréhension et presque colère, une pointe de rage aussi. Plus elle sondait son cœur, moins elle y trouvait de réponses, l’abîme qui l’habitait était sans fond, ses certitudes ébranlées, son avenir indéterminé. Elle avait été d’une sincérité absolue le matin-même lorsqu’elle avait confié à Ryô aimer sa vie avec lui plus que tout au monde, c’était bien là la seule évidence qui s’imposait à elle : elle voulait vivre auprès de lui. Pour le reste, c’était le flou total !  

 

Que s’était-il donc passé entre Keiji et Hideyuki ? Quel lien les unissait-il ? Que représentait Hana pour Hide ? Et Ryô ? Quel rôle avait-il joué dans le drame ? Les questions se bousculaient en elle et elle les jetait en vrac dans son monologue intérieur, s’attendant à tout instant à entendre dans son crâne la voix grave et posée de son frère concédant enfin à lui fournir les réponses exigées. A aucun moment elle ne remit en cause la véracité du drame évoqué par Keiji, et même si ce dernier s’était odieusement comporté avec elle, l’avait manipulée dans un sordide dessein, piétinant ainsi la confiance qu’elle lui avait accordée malgré elle, elle avait l’intime conviction que les atrocités décrites avaient été bien réelles, il n’avait pas menti sur ce point, sa douleur n’était pas feinte. Assurément.  

 

A plusieurs reprises, ses lèvres avaient mimé les mots qu’elle ne parvenait pas à garder en elle. Trop douloureux. Trop forts. Trop violents. Oh oui, elle questionna âprement son frère, se fâcha contre lui, supplia, attendit des réponses. Qui ne vinrent pas. Evidemment.  

 

Elle en fut désemparée. Sentit l’impuissance inonder son corps. Non, Hide ne lui serait d’aucun secours.  

 

Hide était mort !  

 

Durant quelques instants, elle accusa le choc. Qu’avait-elle espéré ? Que son frère s’épanche avec elle ? Mais on touchait au délire là… Hideyuki Makimura était décédé, tout échange avec lui était désormais impossible ; il lui fallait vraiment beaucoup de naïveté, ou alors était-ce de la détresse, pour déceler une présence invisible dans la moindre bourrasque, un message dans le balancement d’une branche ou dans le murmure d’un feuillage, un baiser dans un silence soudain, comme si oiseaux et promeneurs s’entendaient pour se taire et laisser à l’insaisissable fantôme le loisir d’embrasser celle qu’il avait aimé plus que tout au monde.  

 

Idiotie !  

 

Stupide croyance !  

 

Hide était mort ! Emportant dans la tombe tous les secrets qui avaient jalonné sa vie…  

 

Secret.  

 

Oui, son frère était l’homme le plus secret au monde, tout un chacun ne pouvait qu’en convenir.  

 

Et Kaori plus que quiconque connaissait la nature véritable de son frère. Il s’était efforcé, des années durant, de cloisonner sa vie. Tout d’abord, il y avait eu sa carrière de policier. Jamais, à aucun moment, n’avait filtré dans leur intimité à tous les deux, la moindre allusion à son travail, Hide souhaitant avant toute chose protéger sa sœur du monde rance, répugnant et sordide dans lequel il évoluait au quotidien, la tenant à l’écart des réalités poisseuses et nauséabondes des bas-fonds nippons. Écœurants à en vomir. Dangereux. Viles et sales. Et jamais elle n’avait eu conscience du désespoir de Hide alors qu’il se heurtait à l’incapacité de la police à faire régner la justice. Désespoir qui l’avait amené à quitter son job pour entrer dans le monde de l’ombre, se lier avec un mercenaire qui allait bientôt devenir son meilleur ami. Son frère d’arme et d’idéal. Et avec qui ils formeraient le duo le plus craint du pays : city hunter. Oui, de cela aussi, il avait voulu la protéger, de cette étrange capitulation qui fut la sienne : devenir hors-la-loi pour faire régner la loi.  

 

Contradiction qui interpelle.  

 

Et même son histoire d’amour avec Saeko, il la lui avait dissimulée. Est-ce que Kaori ne devait avoir accès à rien de ce qu’il était hors d’elle ? Sa volonté farouche de la maintenir dans un monde acidulé, dénué de danger et de perversion de l’âme était troublante. Et la tournure des évènements l’était plus encore. Qu’est-ce qui l’avait amené à reconsidérer ses choix ? Pourquoi avoir décidé, tout à coup, sous le prétexte fallacieux d’une disparition, de mêler Ryô à leur famille ? Il l’avait sciemment jetée dans la gueule du loup ! Très facilement, Hide aurait pu se charger de cette affaire de disparition de jeunes filles qui avait vu l’éclosion de sa relation avec Ryô. Au lieu de cela, il n’avait pas participé aux recherches, avait abandonné à son acolyte le soin de retrouver sa sœur chérie. Cela n’avait aucun sens. Il n’avait fallu que quelques heures au nettoyeur pour la dénicher.  

 

Kaori se mordit les lèvres.  

 

 

Non, il ne pouvait ignorer qu’en agissant de la sorte, il la faisait entrer de plein pied dans son monde sanglant et obscur, il ne pouvait ignorer qu’elle tomberait sous le charme de Ryô, comme il ne pouvait ignorer que ce dernier se sentirait alors investi d’une suprême mission : la protéger, envers et contre tout.  

 

« Quel échec ! Oh mon frère, quel échec !... Toi qui n’as jamais voulu que mon bonheur, quelle drôle d’idée de m’avoir mise dans les pattes de cet homme là, de cet handicapé du sentiment. Tu m’as plongée volontairement dans tout ce qui n’était pour toi que répugnance. Je ne comprends pas. Pourquoi ? Pourquoi m’avoir embarquée dans ton univers ? Celui-là même dont tu m’avais tenue à l’écart durant toutes ces années... Je ne comprends pas Hide »  

 

 

Elle secoua la tête, souhaitant échapper à une vérité qui se dessinait dans son esprit. Une sale vérité.  

 

Craignait-il de ne pas suffire à sa protection ? Craignait-il qu’on s’en prenne à elle ?  

 

Lorsque son frère était passé de vie à trépas, il avait supplié son ami de la protéger. N’aurait-il pas dû l’implorer de la mettre à l’abri, loin du milieu mafieux dans lequel il évoluait ? Ryô aurait alors obéi à la supplique de Hide, Kaori le savait, il aurait vengé son frère, anéantit l’organisation, l’Union Teope, puis aurait disparu, comme il l’avait si souvent fait déjà. Alors pourquoi lui avoir demandé de veiller sur elle toujours ?  

 

Keiji ?  

 

« Oh Hide ! Pensais-tu que Keiji me rechercherait un jour pour se venger de ce que vous aviez fait subir à sa sœur ? »  

 

« Pensais-tu que seul Ryô pouvait me sauver de cet homme ? »  

 

- Dis-moi ! Murmura-t-elle. Savais-tu qu’il viendrait ?  

 

 

Elle courba le dos, n’ignorant pas que son partenaire suivait avec attention le spectacle qu’elle offrait.  

 

Ryô s’était quelque peu éloigné. Cependant, il comprit vite le manège. Il la voyait éructer, se fâcher, pâlir, s’inquiéter. Kaori était agitée et il devina des tourments terribles pour celle qui lui était maintenant indispensable. Il scruta avec attention le visage dont il croyait connaître toutes les expressions et s’étonna d’en découvrir de nouvelles. Il plissa le front et l’admira de son poste d’observation. Malgré toutes les acerbes critiques dont il l’avait toujours couverte, il ne pouvait nier qu’elle était absolument divine, de cette étrange beauté qui touchait au cœur, de ce charme désuet et naturel que seules rares personnes possédaient et qui séduisait au premier regard ; et maintenant, il lui semblait même distinguer en elle une sensualité nouvelle, une assurance récente dans ses mouvements, dans ses manières. Oui, elle avait changé... Il se prit au jeu du matage, détailla la silhouette de son œil connaisseur, haussa les sourcils lorsqu’il découvrit la dentelle blanche dans l’échancrure de l’épaule, puis suivit avec curiosité le creux de la taille pour atterrir sur le galbe de ses fesses.  

 

« Sacrée paire de fesses », ne put-il s’empêcher de penser.  

 

Il ricana.  

 

« C’est con, c’est pas le moment ».  

 

Kaori se retourna et lui lança un regard furibond. Elle reconnaissait cette aura de pervers à des lieues, aussi son œil avisé embrassa-t-il tout le cimetière à la recherche de celle qui avait éveillé le mokkori hypersensible. Elle ne vit rien qu’une gentille octogénaire encombrée de ses fleurs. Une moue suspicieuse se peignit sur ses lèvres et elle reconsidéra son partenaire en tentant de deviner.  

 

Ryô souriait niaisement.  

 

« Comme d’habitude ».  

 

Waouh que ce regard lui avait fait du bien ! Il eut l’impression qu’on venait de le mettre sous oxygène et emplit ses poumons comme si c’était là la première inspiration de sa vie. Depuis quand ne respirait-il plus ?  

 

Depuis quand ?  

 

 

 

 

 


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