Hojo Fan City

 

 

 

Data File

Rated R - Prosa

 

Autore: tennad

Beta-reader(s): Cristinampm

Status: In corso

Serie: City Hunter

 

Total: 20 capitoli

Pubblicato: 23-01-11

Ultimo aggiornamento: 29-10-12

 

Commenti: 125 reviews

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GeneralDrame

 

Riassunto: Jusqu’où iriez-vous pour protéger ceux que vous aimez ?

 

Disclaimer: Les personnages de "La Guerre des Anges" sont la propriété exclusive de Tsukasa Hojo.

 

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   Fanfiction :: La Guerre des Anges

 

Capitolo 19 :: A cœurs perdus

Pubblicato: 31-07-12 - Ultimo aggiornamento: 31-07-12

Commenti: Bonjour, Bonjour ! J'espère que vous allez bien et que où que vous soyez un beau et superbe soleil vous accompagne hihihi Voici un chapitre pour souhaiter de bonnes vacances ou beaucoup de courage si celles-ci sont déjà passées ou se font désirer. Merci à tous et toutes de nous suivre dans cette aventure, bonne lecture et à très vite (^_^) Biiisouuuss

 


Capitolo: 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20


 

 

Attendre.  

C’était son lot quotidien depuis plusieurs années déjà. Elle avait perdu le compte de toutes ces soirées longues et solitaires. Alors que Ryô s’absentait, souvent pour ses soirées de débauches et de beuveries sous le charme étudié de ces femmes expertes dans l’art de la séduction à outrance, ce qui avait le don d’agacer ostensiblement sa partenaire, et parfois pour relever un quelconque défi qui la faisait alors trembler d’inquiétude seule dans le salon par une nuit sans lune. A chaque fois Kaori n’avait d’autre choix que d’attendre avec toujours cette même impuissance. Mais ce soir cette attente devenait plus insoutenable au fil des minutes et des heures qui s’égrainaient avec une lenteur exagérée.  

 

Croire.  

Elle n’appréciait pas ces moments-là où ses sentiments et ses pensées allaient d’un extrême à l’autre, où elle imaginait le pire pour redouter le meilleur. Elle les tolérait seulement et les subissait tant bien que mal. Ce soir encore, Kaori n’échappait pas à ce quotidien, un rappel à l’ordre pour un ordinaire dont elle se serait bien passée. Au moins elle n’était pas seule à vivre cette attente qui la tiraillait mais ce n’était pas pour autant qu’elle partageait ses angoisses et son impatience.  

 

Après le départ de Ryô et Falcon, chacun avait comblé le silence gênant qui s’était installé. Miki donnait le change en écoutant Erika débattre sur les hommes et leurs mystères. Quand à Mick, il évitait toujours soigneusement de rentrer en contact visuel avec Kaori et semblait trouver en Shun un intérêt soudain. Ils échangeaient bruyamment sur leurs expériences, se narrant leurs anecdotes futiles en cet instant.  

 

Assise à la fenêtre, les yeux perdus dans cette nuit qui s’installait vêtue d’un voile de brouillard, Kaori les observait de temps en temps d’un œil distrait. Elle restait là, seule dans son coin. Même si elle ne participait pas, pour la première fois depuis son retour elle n’avait pas voulu fuir. Alors elle les écoutait donc, mais sans vraiment les entendre, laissant ses pensées errer au gré de ses émotions.  

Elle se voulait volontairement distante vis-à-vis de ce qui se passait et du lieu où cela pouvait se passer. Omettre sciemment l’endroit et le contexte où se rendait Ryô, était essentiel pour elle. Mais Kaori ne pouvait s’empêcher de penser que le destin était cruel et ironique de l’envoyer là-bas pour son bien.  

 

Douter.  

Kaori n’était pourtant pas rassurée, ni pour Ryô ni sur l’endroit où il se rendait. Que devait-elle comprendre de ses sous-entendus et de son comportement envers elle avant son départ ? Etait-ce encore des paroles futiles pour détourner la situation ? Il y avait aussi la nuit dernière qu’il avait passé à la veiller, cela n’était pas anodin mais avec Ryô les apparences n’étaient jamais ou rarement ce qu’il semblait être. Tout comme son absence de ce soir et avec ce déguisement, comment discerner le vrai du faux, la réalité et le jeu de rôle ? Que comptait-il réellement découvrir en se mêlant à ces femmes qui avaient pour objectif de révéler la nature cachée des hommes ? Connaissant la nature de Ryô et son obsession démesurée des femmes, ces entraineuses n’auraient aucun mal à le mener à leur cause. Tout cela avait-il vraiment un sens ? Pourquoi ne s’était-elle pas opposée à cette idée plus farfelue que d’ordinaire ?  

Kaori s’en voulait encore d’avoir laissé les choses prendre une tournure insaisissable.  

Elle s’était faite une raison à ce que plus rien n’aille comme elle l’aurait voulu. Elle avait compris que les choses avaient changé, qu’elle-même avait changé… que plus rien ne serait jamais pareil. Elle était à la fois l’instigatrice inconsciente et la spectatrice impuissante de ce raz de marée qui les submergeait tous.  

 

Elle était en colère aussi. Contre elle-même bien sûr mais aussi contre l’homme qui l’obligeait à se montrer aussi froide. A quoi bon lui servait-il de se protéger de tous si elle en souffrait d’avantage seule ?  

Elle était aussi en colère contre Ryô qui, malgré elle ou pour la soulager de sa culpabilité et de ses fautes, avait pris les choses en main pour se jeter dans ce combat qui n’était pas le sien. C’était elle qui avait accepté cette affaire, seule. Sans le vouloir ou sans le reconnaître, Kaori lui avait laissé prendre toutes ses responsabilités à sa charge. Cela ne la soulageait nullement… les raisons qui le motivaient lui restaient étrangères et floues et lui-même n’était pas infaillible malgré ce qu’elle avait toujours cru. Elle aurait du lui en être reconnaissante mais ce qu’elle éprouvait était tout autre. Cette affaire déjà la menait sur des sentiers qu’elle aurait préféré n’avoir jamais à suivre. Se sentir piégée, dominée et traquée la poussait à se replier sous une carapace d’indifférence mais à l’intérieur, tous ces sentiments bons ou mauvais faisaient rage et lui meurtrissaient le cœur.  

 

Repliant ses jambes contre sa poitrine, Kaori resserra ses mains autour d’elle. Elle tentait de faire le vide dans son esprit et dans son cœur. Peu importait ce qu’il se passait autour d’elle et ailleurs… elle ne devait pas se laisser submergée encore une fois. Elle voulait contenir ce sentiment qui d’habitude se manifestait par une colère inexpliquée avant de se dissiper avec fracas lorsqu’elle se servait de ses précieuses massues. Quoiqu’elle fasse et quelques soient ses pensées, toujours des images troublantes s’imposaient à son esprit, de plus en plus fortes et perceptibles. Kaori voulait le silence et la paix mais ses pires craintes se manifestaient, ne lui laissant aucuns répits. Jusqu’où Ryô était-il prêt à aller pour obtenir ce qu’il cherchait ? Elle-même n’avait pas hésité à aller jusqu’en prison pour protéger « son secret » alors lui… il avait aussi le sens du sacrifice.  

 

Dans le reflet de la fenêtre, elle ne voyait que lui, l’homme aux plaisirs charnels inassouvis, entouré de toutes ces femmes qui ne demandaient qu’à combler ce manque. Ryô, qui pour obtenir gain de cause, n’hésiterait pas à faire don de lui-même… les femmes étant sa plus grande faiblesse, comment pourrait-il refuser de lier l’utile à l’agréable ? Malgré ses tentatives pour repousser ces images insoutenables de Ryô avec d’autres femmes, plus entreprenantes, plus désirables les unes que les autres, la jalousie s’insinuait, vicieuse et fade.  

 

Kaori prenait douloureusement conscience qu’elle avait peut-être mené Ryô jusqu’à la limite du supportable… pour elle.  

Plus elle tentait de se persuader que tout cela n’était rien, que cela ne la regardait pas, ne la concernait pas… et plus son cœur se fissurait. Quel droit avait-elle pour espérer que Ryô ne succombe pas à ses tentatrices ? Après tout chacun était maître de ses actes et de ses choix… à chacun sa vie. En vain elle se mentait pour mieux supporter l’insupportable.  

Elle ressentait comme une violente rage d’être passée à côté de certaines choses, d’avoir voulu trop en faire ou pas assez. Et maintenant, avec ce qu’il allait découvrir, ressentir et à n’en pas douter ce qui allait exacerber sa nature frivole, comment continuer à croire que tout était encore possible ? Avec ce qui s’était passé, tout ce qui n’était pas encore dit, ce qui pourrait se passer, Kaori n’était plus la même. Elle n’était plus aussi naïve et pleine d’espoir et lui serait-il encore le même ? Leurs différences pouvaient-elles encore les réunir ?  

 

Espérer.  

Elle en était là de ses réflexions et de sa frustration à rester en retrait, cloitrer dans cet appartement qui maintenant l’oppressait autant que la cellule qu’elle avait connue. Son cœur tambourinait dans sa poitrine alors que ses mains se faisaient moites. La fièvre la gagnait et ses hallucinations la narguaient. Autour d’elle, les conversations animées de « ses amis » lui parvenaient comme des milliers d’éclats de rire et de moquerie face à sa solitude et à son désarroi grandissants. Comment pouvaient-ils être aussi cruels et indifférents sur ce qui se tramait au loin ou même devant eux ?  

 

Kaori tourna la tête, avant de se lever d’un bond, pour poser un regard vide et froid sur ceux qui, à quelques pas d’elle, ne se souciaient ni d’elle ni de la situation. Elle sentit ses poings se contracter avec force sur ses hanches, cherchant encore à contenir la violence qui faisait rage en elle. Un à un, elle les observa sans les reconnaître, accentuant son mal être qui ne demandait qu’à s’exprimer d’une manière ou d’une autre.  

 

Avait-il lui aussi senti le vent tourné car au même instant leurs regards se croisèrent et leurs maux se mêlèrent.  

 

Mick ressentait cette solitude et cette colère teintée de peur, d’ailleurs tous ici les percevaient mais qui pouvaient-ils ? Chacun avait pris sa part et prenait son mal en patience. Rien de ce qu’ils diraient ou feraient n’atténuerait cet état. Cette douleur lancinante les gagnait tous pour différentes raisons mais Kaori devenait une énigme pour eux et surtout pour lui. Mick ne voulait pas risquer un geste ou un mot vers elle sous peine de trop en dire ou pas assez, ce qui ne ferait que les mener au pire. Il la voyait souffrir sans pouvoir y remédier sans risque pour elle et lui. Maintenant il était trop tard. Dans ses yeux bleus fuyants, elle avait vu ses émois. Un simple regard, lourd de sens. Ses pupilles s’étaient contractées sous l’impact, elle avait compris, elle savait. La vérité s’était imposée en silence avant les cris. Pourtant il avait espéré du fond du cœur qu’il en soit autrement, qu’il ait encore du temps.  

 

- Vous n’en avez pas assez d’être là à faire semblant que tout est normal ?! Combien de temps encore à se cacher ainsi ?! Demanda Kaori agacée sans se soucier que chacun taisait ses propres appréhensions. C’est bien ce que l’on fait, tous on se cache… on se terre… pourtant ça ne nous ressemble pas d’être aussi passif, argumenta-t-elle en captant leur attention.  

 

- Nous sommes tous inquiets Ka…, entreprit de la rassurer Miki en ne voulant pas attiser cette hostilité.  

 

- « Inquiets » ? Je ne suis pas inquiète, Ryô est un grand garçon ! Il fera ce qu’il estimera utile de faire comme à son habitude. Je parle de vous, qui restez là sagement à discuter de tout et rien alors que vous devriez être en colère et tout faire pour défendre ce qui vous appartient ! S’énerva-t-elle, fixant son regard froid sur la mercenaire.  

 

- Se battre ne signifie pas toujours passer à l’attaque Kaori, surtout sans réfléchir ! S’opposa Miki. Ce n’est pas n’importe qui, qui en a après nous ! On ne peut pas foncer tête baissée et advienne que pourra ! Pour le moment Ryô est le seul à avoir les idées à peu près claires sur cette situation alors autant ne pas lui compliquer la tâche et se tenir prêt à agir même si cela signifie rester « sagement à attendre » ! N’oublie pas que mon mari est avec lui, lui aussi prend des risques et tous nous en prenons ! Se redressa à son tour Miki qui s’en le vouloir accusait son amie.  

 

- Par ma faute… vas-y dis-le Miki ! C’est par moi que tout cela arrive ! Parce que je n’ai pas su être à la hauteur de vos capacités ! Quelle ironie ! C’est par la moins expérimentée, la plus novice en matière « de guerre » que le mal arrive et que vous perdez tout !  

 

- Kaori tout va s’arranger… il faut juste être patient…, osa Mick en attirant sciemment la hargne de Kaori sur lui.  

 

- Ca te va bien de dire ça mais crois-tu seulement en ce que tu dis ?! Non seulement on se cache mais on se ment à nous-mêmes ! Que sait-on de ce qu’il manigance encore ?! Rien ! Pourtant on reste là et quoi ?! On attend la suite ?! Un entracte avant que le spectacle reprenne ?! Peut-être s’en prendra-t-il encore à Kazue ?! Fit-elle à l’encontre de Mick.  

 

- C’était moi qui étais vissé par « cet accident » ! Rappela l’américain.  

 

- Parce qu’il ne peut pas m’atteindre moi directement ! Pourtant ça ne te gène pas d’être là et de la laisser seule… qu’a-t-elle fait pour devenir une cible facile sans que tu ne t’en soucies d’avantage ?! Harcela-t-elle alors que son inconscient lui dévoilait ce que plus tôt on s’évertuait à lui cacher : le comportement suspect de Ryô et Mick, la tentative désespérée de ce dernier pour ne pas parler de Kazue… et Mick s’enfonçait encore.  

 

- Elle ne risque rien ! Elle n’est pas une menace pour lui ! Elle… elle n’est pas comme nous…  

 

- C’est parce que tu veux le croire et ça t’arrange ! Au vu de ce qui lui est arrivé, elle a son avis à donner autant que n’importe lequel d’entre nous ! Pourquoi tu n’en tiens pas compte ?! Elle a échappé à la mort et comme si de rien n’était tu es là alors que ta place est auprès d’elle ! Aucune femme ne peut être aussi forte et généreuse en de telles circonstances s’en en souffrir ! Affirma Kaori en s’en prenant ouvertement à Mick comme si en bête assoiffé de violence elle avait reconnu en lui la proie la plus faible à attaquer.  

 

- Arrêtes Kaori ! Intervint Shun. Où veux-tu en venir ?! Ca ne te suffit pas de savoir que tous ont fait le choix d’être à tes côtés malgré tout ?! Que cherches-tu à leur faire avouer ?!, tentait-il de comprendre.  

 

Il ne la reconnaissait plus. Il savait ses tourments et naïvement il avait cru qu’avec le temps elle s’ouvrirait aux autres avant de redevenir la jeune femme qu’il connaissait, l’amie qu’il respectait et admirait pour sa générosité, sa force et sa fragilité. Shun s’était de toute évidence leurré. Il avait sous-estimé le mal qui l’habitait. Même s’il était parmi ce groupe depuis peu, il voyait combien ils pouvaient faire bloc tous ensemble. Il avait observé leur dynamique, leur façon d’être et de faire. C’était impressionnant et effrayant de les voir évoluer, chaque personne différente des autres et pourtant tous égaux et prêts à faire don de soi pour chacun d’eux. Kaori refusait cette aide, reniait cette famille mais pourquoi ? Par culpabilité ou peur… ou par amour ? Il ne pouvait pas la laisser tout détruire.  

 

- Kaori reprend-toi ! Fit-il en se plaçant juste entre elle et Mick. Qui cherches-tu à blâmer dans cette histoire ? S’il te faut un coupable à qui t’en prendre, tu le connais déjà. Ils n’ont pas demandé ce qui leur arrive tout comme toi… mais ce qui est fait est fait alors cesses cette chasse aux sorcières qui n’a pas lieu d’être avec eux !  

 

- Ne t’en mêle pas Shun ! Le toisa-t-elle d’un regard intense et menaçant qui déstabilisa son interlocuteur. Nous savons pourquoi et pour qui nous en sommes là ! Je sais qui je protège encore mais lui qui protège-t-il ?! Répondit-elle sévèrement en pointant du doigt Mick alors que tous les regards se tournaient vers lui.  

 

- Laisse Shun, se leva à son tour Mick, on en a tous gros sur le cœur et Kaori plus que quiconque ici… si nous dire nos quatre vérités peut nous aider à relâcher cette pression alors que grand bien nous fasse, tenta de calmer Mick qui cherchait encore à éviter le conflit dans lequel Kaori voulait l’entraîner.  

 

- Oh trop généreux à toi de jouer le preux chevalier plein de compassion et de compréhension, se moqua la jeune femme avant d’attaquer de plus belle. Tu n’es qu’un égoïste ! Toi le premier à fuir cette triste réalité ! Dis-leur ce que fais-tu ici alors que ta place est aux côtés de Kazue ? Elle aussi a son mot à dire dans cette histoire…  

 

- Laisse Kazue en dehors de ça ! Riposta Mick entre menace et supplique.  

 

- Trop tard ! Que tu le veuilles ou non elle fait partie de l’équation ! Tu te leurres si tu crois qu’elle passera au-dessus de ça ! A sa place je remettrai beaucoup de choses en question à commencer par ton véritable attachement à elle au moment où elle a le plus besoin de toi !! Cria-t-elle alors que dans ses yeux dansaient les flammes de la colère et de la déception.  

 

- Mick… ? Que sous-entend-t-elle ? Qu’est-ce qui ne va pas ? S’inquiéta Miki.  

 

- Oui Mick, explique-nous pourquoi quand on a le plus besoin d’une personne on finit par se rendre compte qu’on est seul malgré tout…, Kaori figea son regard dans celui perdu de Mick pour voir avec amertume le mal qu’elle lui faisait.  

 

Par la suite les accusations avaient fusé, « Menteur », « Lâche », sans que Mick ne daigne riposter. Comment le pouvait-il ?, il n’avait aucune excuse à sa charge. Il encaissait les coups et par ses attaques, la vérité prenait vie devant tous. Aux regards entendus et peinés de Miki et Shun, Mick comprit qu’ils savaient eux aussi le dilemme qui s’était imposé à lui. Seule Erika semblait perdue dans ce procès non équitable.  

 

Kaori avait besoin de déverser sa peine et sa frustration et lui, qu’elle lui fasse reconnaître ses propres torts mais pas ainsi, de façon aussi brutale et violente, en public. Leur amitié valait plus que ça, du moins il l’avait cru. Il avait honte. Il avait mal. Mais il se refusait à la combattre. En l’accablant ainsi c’était elle qu’elle fustigeait de la sorte. Elle se détruisait sciemment petit à petit et là encore il ne savait comment faire face. Il avait perdu son amante et il perdait son amie.  

 

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Il ne se souvenait plus de comment il était arrivé jusque là. Une pièce plus sombre qu’un éclairage pâle rendait hostile. Un silence lourd et oppressant. Des mouvements lents à sa droite attirèrent son attention. Sans même se soucier de sa présence, une jeune femme s’affairait dans un coin. Il ne la voyait que de dos. Ses cheveux courts ondulant au gré de ses mouvements. Sa peau claire qui luisait dans cette semi-obscurité. Et ce tatouage qu’il discernait mieux maintenant.  

 

Doucement le brouillard qui aveuglait son esprit se dissipait. Il se rappelait peu à peu comment il était arrivé là en suivant cette femme tel un automate. Il se souvenait de sa rencontre avec Ayano, la gérante des lieux. Du choix qu’elle lui avait présenté pour lui prouver qu’elle connaissait son métier, son art.  

 

« Trois femmes non quatre », se reprit Ryô alors que le trouble de ces rencontres était encore présent en lui. Chacune représentant un vice. Chacune le mettant face à lui-même, à sa nature, à ses envies. Peu à peu il s’était senti partir, se déconnecter pour sombrer dans son inconscient. C’était dans cet état second que les choses s’étaient précipitées et qu’il s’était laissé guidé par son instinct ou par ce sentiment qui avait pris possession de lui : La Colère.  

 

Il croyait se rappeler qu’elle lui avait fait signe de se lever et de le suivre. Ce qu’il avait apparemment fait sans rechigner sous le regard amusé et fier de la patronne alors que les autres femmes présentes affichaient une moue boudeuse. Ils avaient quitté le bureau par la porte menant aux ascenseurs. Mécaniquement, Ryô avait répondu à « son garde du corps » de l’attendre dans la voiture lorsque celui-ci s’était approché de lui. Sans se soucier d’avantage de ce qu’il pensait ou s’imaginait, Ryô avait continué à suivre cette muse enchanteresse qui pourtant l’ignorait. Son inconscient avait retenu pour lui les détails qui l’avait mené en ce lieu de perdition. L’étage, les couloirs empruntés et les portes franchies. Les yeux fermés, Ryô pourrait sortir de ce cabaret. Pourtant il n’en avait pas fini, il le savait et la voix grésillant dans son oreille lui hurlait de se réveiller de sa nouvelle léthargie.  

 

- Qu’est-ce qu’on attend pour rentrer dans le vif du sujet ? Fit Ryô autant pour interpeler la femme qui ne s’intéressait guère à lui que pour signifier à Falcon qu’il était à nouveau dans la partie.  

 

- Que je le décide ! Siffla la voix autoritaire de la dominatrice qui se tournait vers lui. Tu m’as peut-être choisie mais c’est moi qui dit où, quand et comment.  

 

« Choisie », Ryô avait délibérément opté pour ce vice mais il ne le reconnaissait que maintenant. Ce n’était pas elle qu’il avait choisie mais le signe qu’elle portait sur elle. C’était cela qui l’avait guidé, l’espérait-il, sur la bonne voix.  

 

- On devrait peut-être faire connaissance avant…, reprit calmement Ryô en étudiant cette chambre avec une attention particulière.  

 

Le sol était recouvert d’un carrelage à damier. Des chaînes aux murs gris, un lit avec des cordes à chaque pied. Derrière la femme, une large table avec divers accessoires de « torture ». Sur le côté une chaise, qui s’apparentait presqu’à une chaise électrique, était vissée au sol. L’endroit n’était pas des plus accueillants. Comment trouver du plaisir dans une ambiance pareille ?  

 

- Il n’y a ni caméras cachées ni micros si c’est que qui t’inquiète. Juste toi et moi. Tout ce qui se passe ici reste ici, l’informa-t-elle sûr d’elle. Tu n’es pas là pour me compter fleurette et tu m’as déjà acquise à ta cause en finalisant avec Maitresse Ayano alors je n’ai besoin de savoir qu’une chose : quel est ton mot de sureté ? Fit-elle en s’approchant langoureusement de lui jusqu’à être face à face, les yeux dans les yeux.  

 

- Un mot de sureté ? répéta-t-il sans trop comprendre où elle voulait en venir.  

 

- Oui… pour que je sache quand j’aurai atteint ton seuil de tolérance aux supplices que tu consens à endurer en étant l’esclave de mes désirs…, lui souffla-t-elle chaudement à l’oreille.  

 

Une bouffée de chaleur l’envahissait pourtant la gêne que Ryô ressentait n’était pas la sienne. Même éloignés, Falcon à l’extérieur dans la voiture et lui ici dans cette chambre, Ryô percevait le profond malaise de son ami. Un silence lourd et suffocant s’était installé au travers de l’oreillette qui reliait les deux hommes. Même s’ils se connaissaient bien, Ryô n’avait pas envie qu’au travers de cette séance, Falcon entre dans son intimité quelle qu’elle soit. Au moins sa présence invisible l’aiderait à ne pas oublier qu’il n’était pas là pour le plaisir.  

 

- Restons concentrés veux-tu, reprit-il plus pour lui que pour la maitresse, en esquivant ce regard qui le dévisageait sans retenue et en réprimant le frisson qu’elle faisait naitre en lui alors qu’elle se plaquait contre lui et que sa main hardie se glissait contre son entrejambe.  

 

- C’est juste au cas où les choses iraient trop loin pour toi… pour que je sache quand m’arrêter, fit-elle en faisant claquer ses talons sur le carrelage alors qu’elle le tirait doucement vers le lit. Tu n’as rien à craindre, je ne ferai rien que tu ne veuilles. Tu n’as pas besoin de me séduire ni même à me persuader que tu es quelqu’un de bien ou alors tu t’es trompé d’adresse, continua-t-elle en l’installant sur l’épais matelas. Et si tu cherches à être câliné, tu as choisi la mauvaise personne. Par contre si tu es venu chercher des sensations fortes je ne te décevrai pas, sourit-elle en se rapprochant doucement pour faire jouer ses doigts agiles sur le torse de son client.  

 

- Tu aimes ce que tu fais ? Lui demanda-t-il en la regardant faire.  

 

- T’es psy ? Se moqua-t-elle. Cela te rassurerait de savoir que je fais ce métier sous la contrainte ou par nécessité plus que par choix ?  

 

- Non juste curieux et j’aime connaître celle avec qui je suis sensé coucher.  

 

- Oh parce que tu crois que c’est ainsi que tu arriveras à cette fin ? Ambitieux, mais avant d’en arriver là il va falloir te donner plus de peine… et si c’est un défi que tu me lances de te contraindre à te plier à mes règles, saches que plus d’un y à laisser ses plumes et en redemande encore, annonça-t-elle dignement en prenant place sur lui et en relevant le visage masculin d’une main douce et ferme. Il te serait plus simple de me dire quel est ton fantasme qu’enfin on commence à s’amuser, lui souffla-telle alors que son autre main se glissait sous l’échancrure de sa chemise.  

 

- Je ne suis pas là pour « m’amuser », l’interrompit Ryô en emprisonnant cette main baladeuse. Et je ne te veux aucun mal non plus…  

 

- Avec moi il n’y pas de mal à se faire du bien et là où il y a de la gêne il n’y à pas de plaisir… alors laisse-toi aller et ne t’inquiète pas je suis une grande fille qui sait se défendre, lui dit-elle en savourant cette pression sur son poignet.  

 

Depuis le temps qu’elle exerçait ce métier, Mia en avait vu des hommes passés. Tous plus ou moins identiques, certains plus surprenant que d’autres. Leurs premières fois étaient toujours difficiles pour eux même s’ils se refusaient à le reconnaître. Ils ne savaient pas quel comportement adopté, tantôt dociles et hésitants ou durs et dominants, alors d’office elle prenait les choses en main, fixant les règles et les limites en fonction de leur capacité à assumer leurs besoins. La plupart du temps c’était de la routine. Les hommes se laissaient guidés, obéissants. Dans son espace de travail, elle régissait leurs mouvements et leurs envies. Elle était La maîtresse des lieux et eux ses faire-valoir. Rare étaient ceux qui inversaient les rôles mais seulement avec son accord et sans que pour autant elle ne renie ses principes. Au premier coup d’œil, elle savait à quel genre d’hommes elle avait à faire mais ce nouveau client avait quelque chose de troublant et d’insaisissable. Il ne semblait pas être de ceux qui hésitaient et qui attendaient. Il savait déjà ce qu’il voulait, elle le sentait. Il y avait une force en lui qui électrisait quiconque l’approchait. Comme un barrage pour cacher sa propre nature, pour que personne ne l’atteigne. Il avait un contrôle absolu sur ses émotions alors que plus tôt dans le bureau, Mia avait senti une faille chez cet homme. Un bref instant il avait laissé ses émotions prendre le dessus, ce qui expliquait qu’il était maintenant là avec elle. Elle devait donc le pousser à nouveau à se dévoiler de la sorte et elle su comment lorsqu’il lui demanda son prénom :  

 

- Je vais te faire le privilège de porter le nom qui t’obsède, sourit-elle en faisant basculer l’homme entièrement sur le lit. Appelles-moi Maîtresse… Kaori, lâcha-t-elle fier de son effet.  

 

- Comment connais-tu ce nom ?! Se raidit Ryô en empoignant plus fortement les bras fins de son assaillante.  

 

- Tu as soufflé son nom lorsque tu as touché mon épaule pour signifier que c’était avec moi que tu voulais être. Aurais-tu des choses à régler avec elle ? Les jeux de rôles peuvent être très divertissants aussi… rien que l’évocation de son nom te met dans tous tes états… j’imagine sans mal tout ce qui peut se passer entre nous si tu veux que je sois « elle », le nargua-t-elle d’une voix sensuelle alors qu’elle se redressait et faisait pression de son corps sur l’entrejambe de son client. Alors comment est-elle ? L’interrogea-t-elle.  

 

Lentement Ryô se redressa à son tour sans pour autant relâcher ses mains qui s’étaient contractées sur cette peau étrangère et occultant cette voix qui le questionnait. Il fixait cette inconnue qui en effet avait des traits similaires à sa partenaire : ses cheveux courts et indisciplinés, cette bouche fine et rieuse, ses yeux marrons clairs. Pouvait-il réellement l’avoir choisie de manière inconsciente parce qu’elle lui rappelait Kaori ? Il s’était alors volontairement mis en danger juste pour une illusion, un rêve qu’il ne pourrait jamais réaliser.  

 

- Soumise ou autoritaire ? Continua la jeune femme inconsciente du trouble qu’elle produisait à son insu.  

 

Contrastant avec son regard froid qu’il lui portait, Ryô descendit d’une caresse chaude ses mains jusqu’aux poignets de ce sosie. Se collant à elle, il lui passa les bras derrière le dos et les emprisonna d’une main alors que de l’autre il caressait ce visage et ce cou graciles. Surprise mais non insensible à cet élan de tendresse, Mia se cambra en arrière pour laisser à son partenaire du moment cet instant de grâce tout en poursuivant son questionnement d’une voix de plus en plus faible pour le mener à la confidence :  

 

- Est-elle une amie, une collègue… célibataire ou mariée ?  

 

D’un geste rapide qui la fit émettre un cri de surprise, elle se sentit soulever avant d’être ramenée d’un mouvement lourd sur le lit. Il avait inversé les rôles et maintenant il la dominait de son corps et de son regard vert et fiévreux. Elle se délectait de cette position qui lui prouvait qu’elle savait toujours comment mener les hommes à exprimer leurs rêves les plus inavouables. Elle aimait cette sensation d’avoir cet ascendant sur cet étranger. Même soumise physiquement, ce n’était pas lui qui contrôlait les choses, bien au contraire.  

 

- Mariée donc… inaccessible… je vois ce que tu attends de moi, ria-t-elle en commençant à onduler pour se défaire de l’emprise de l’homme.  

 

Ces attaques vicieuses le poussaient à bout. Il devait la faire taire, la détromper. Pourtant Kaori était ce qu’elle affirmait : inaccessible.  

Pris d’une envie subite et incontrôlable d’effacer ces mots de cette bouche aguicheuse, Ryô se rua sur ces lèvres moqueuses.  

Elle n’était pas Kaori mais il pourrait s’en contenter. Elle saurait faire illusion. Son baiser n’avait rien de tendre et de magique. Il était violent et manquait d’âme. Pourtant « sa victime » semblait l’apprécier. Elle répondait à cet appel en lui cédant plus de terrain, en le laissant agir à sa guise. Il la mordillait, la savourait sans y prendre goût. Renforçant son emprise sur elle, les lèvres de Ryô migrèrent sur cette peau inconnue de ce cou délicat. Les yeux clos, c’était une autre qu’il sentait frémir sous ses assauts. Mais l’imaginaire ne faisait pas tout. Le parfum, aussi enivrant soit-il, que portait cette étrangère, n’avait rien d’euphorique et d’aphrodisiaque. Ce n’était pas cet arôme qui l’envoûtait, qui le rassurait et qu’il pouvait reconnaître entre mille. Ce n’était pas Kaori.  

Se prenant en faute de sa propre erreur de jugement, Ryô cessa tout mouvement, paumé et abasourdi d’avoir cédé si facilement.  

 

- Pourquoi tu t’arrêtes ? S’inquiéta la femme délaissée. Tu n’as pas à culpabiliser… elle n’en saura rien. Je te l’ai dit, tout ce qui se passe ici reste ici, réaffirma-t-elle en cherchant à nouveau à retrouver les faveurs de l’homme.  

 

« Pardon », murmura-t-il trop bas pour qu’elle l’entende en reculant précipitamment du corps du crime. Hagard et honteux, il dévia le regard pour porter au plus loin ses yeux et ses pensées de celle qui ne chercherait qu’à l’accabler de nouveau. Son regard trouva un écho à sa culpabilité dans son reflet que lui renvoyait une psyché perdue dans un coin de la chambre. Ce visage n’était pas le sien. Cette attitude ne lui ressemblait pas. Mais sa faute était bien réelle.  

 

- Ne te laisse pas abattre… cela arrive à beaucoup d’hommes la première fois, reprit la maitresse des lieux en le rejoignant devant le miroir. Ils doutent, ils culpabilisent et ils pensent trop. Laisse-moi te montrer qu’ici seules les envies sont à prendre en compte…, fit-elle en glissant de nouveau ses mains sur son corps brûlant de colère. Cette femme à laquelle tu penses, tu ne lui doit rien… tu ne peux pas l’avoir alors que moi si…  

 

- Comment peux-tu prétendre la connaître ! Vous n’avez rien en commun ! S’emporta Ryô devant l’arrogance de cette femme en la repoussant sauvagement.  

 

Ryô était intrigué et agacé par ces femmes qui ici semblaient tout savoir de lui d’un seul mot ou d’un seul geste de sa part. Il devait ramener le sujet à ce que lui voulait et non ce que cette femme croyait avoir deviné.  

 

- Ou peut-être plus que tu ne veux le croire. Tu n’as aucun pouvoir ni contrôle sur elle et si je le décide, tu peux en avoir sur moi. Je sais quel genre d’hommes tu es, dans ton monde tu es Le Tout Puissant celui qui décide et les autres obéissent. Tu as tous les droits et tous les privilèges. Le Pouvoir sur tout et tous mais tu découvres amèrement qu’il y a toujours une ombre au tableau et tu as besoin de moi pour continuer à croire que tu es invincible, que tout est sous contrôle, se moqua-t-elle. Un chef d’entreprise, un rentier ou un Ministre… peu importe ton titre car ici tout ça n’a plus d’importance ! Tu as renoncé à tout cela en venant à moi par orgueil, par culpabilité ou par besoin… alors arrête de jouer au chat et à la souris et passons aux choses sérieuses veux-tu ? Fit-elle en le fixant d’un regard sans crainte ni appréhension.  

 

Elle ne ressentait aucune peur, cette situation lui était quotidienne. Ryô était abasourdi par tant de maitrise, pour elle tout cela n’était qu’un jeu sans conséquences alors que lui misait gros.  

 

- Pas comme ça.  

 

- De quoi tu parles ? Les hommes qui ne savent pas ce qu’ils veulent ça m’agace ! Alors soit je mène la danse soit c’est toi mais je doute que tu en sois capable à tout le temps changer d’avis ! Le nargua-t-elle en se rapprochant de nouveau alors qu’il se déplaçait encore pour laisser de la distance entre eux. Tu continues à fuir. Il ne se passera rien si un mètre nous sépare !  

 

- Je ne suis pas là pour ça !! Annonça-t-il avec conviction.  

 

- Et voilà, fallait que ça tombe sur moi ! Se lamenta-t-elle. Si tu voulais juste observer, fallait choisir les jumelles… pour ma part je ne me donne pas en spectacle en solo et je ne suis pas vraiment d’humeur pour une partenaire… à moins que tu saches me convaincre, reprit-elle plus féline.  

 

- Sans façon, fit-il en gesticulant les mains devant lui.  

 

- Alors maintenant je te fais horreur ? Se vexa-t-elle. Qu’est-ce qu’il y a ? Oserais-tu dire non à tout ça ? Fit-elle en se désignant elle-même, fière de ses atouts. Tu veux « discuter », je peux parfaitement écouter et te soulager de tout ce stress en même temps… les bavards je connais. Où alors, en fait tu n’aimes pas les femmes et tu voulais t’en assurer ? Un psy t’aurait coûté moins cher, railla-t-elle en allant s’asseoir sur la seule chaise présente dans la pièce après avoir pris une lime à ongles sur « son bureau ».  

 

- Qu’est-ce que tu fais ? Lui demanda Ryô sur cette facilité à abandonner.  

 

- Je n’ai pas pour principe de forcer qui que ce soit à faire quoi que ce soit. Il faut qu’un minimum le cœur y soit… j’étais prête à te laisser faire, ce baiser était prometteur mais Monsieur a des états d’âmes alors je vais attendre que tu te décides. Et pas la peine de chercher à quitter cette pièce, je l’ai verrouillée à notre arrivée et si tu veux la clef, il te faudra venir la chercher… d’une manière ou d’une autre tu viendras à moi, fit-elle d’un sourire énigmatique.  

 

C’était un comble. Voilà qu’il se retrouvait piégé avec une femme qui n’attendait que ses faveurs quelles qu’elles soient, deux adultes consentants et libres et il n’était pas du tout intéressé.  

 

« Hum hum… je ne voudrais pas te presser non plus mais je suis d’accord avec cette femme, il serait temps de te décider à agir… », trouva opportun d’intervenir Falcon.  

 

Pour lui la situation était dérangeante au point qu’il avait failli partir juste pour ne pas être le témoin indiscret des révélations de son ami. Falcon savait depuis longtemps la véritable nature des sentiments de Ryô à l’égard de Kaori. Même s’il ne comprenait pas toujours sa façon d’agir envers elle, il comprenait aisément que Ryô ait trouvé ce seul moyen peu orthodoxe pour les protéger tous les deux. Secrètement Falcon espérait qu’un jour Ryô se lasse de ses faux semblants avant qu’il ne perde définitivement celle qui préservait son humanité. Il ne pouvait que les observer en silence et les laisser faire leurs propres erreurs, lui-même s’était longtemps refusé à admettre ses sentiments pour Miki et il préférait ne pas se demander où il en serait et qui il serait sans elle. Mais pour Ryô c’était différent, il avait l’art de se compliquer la vie trop facilement parfois.  

 

« Et qu’est-ce que tu me conseilles ?! », lui souffla Ryô en se retournant pour tenter de communiquer discrètement avec sa voix intérieure. « De lui sauter dessus et de lui faire sa fête pour avoir des confidences sur l’oreiller ! »  

« Non mais ça va pas !! », s’étouffa Falcon en imaginant cette scène inconcevable pour lui.  

« Peut-être que le grand tombeur que tu es a des idées sur le sujet… », prit le temps de se moquer Ryô.  

« Vas-y rigole mais ne compte pas sur moi pour passer la nuit à t’attendre et écouter tes ébats stériles ! J’ai mieux à faire alors si tu comptes cogiter encore longtemps, je rentre et je dirai à qui tu sais que comme à ton habitude tu maîtrises la situation, qu’aucune femme ne te résiste et ton honneur sera sauf ! », menaça le géant en sachant pertinemment que faire allusion à Kaori et à ce qu’elle pourrait penser et croire suffirait à faire réagir Ryô.  

 

- C’est pas bientôt fini ces messes basses ! Intervint Mia lasse d’espérer que son client « se réveille » et soucieuse de le voir marmonner seul dans son coin. Ecoute mon mignon, je ne te demande rien d’impossible, toi et moi il va bien falloir que l’on trouve un terrain d’entente… alors laisse ton égo de côté !  

 

Ryô se retourna et regarda la jeune femme avancer vers lui jusqu’à l’acculer contre le mur. Son opulente poitrine s’écrasa contre son torse alors que ses mains se posèrent sauvagement sur lui. Sa tenue de cuir grinça contre son costume hors de prix.  

S’il la repoussait encore, elle n’hésiterait plus à le jeter dehors pour repartir en quête d’un autre client plus conciliant. Ryô devait se faire violence et jouer le rôle qu’il s’était imposé. Il l’encercla de ses bras pour faire glisser ses larges mains sous les fesses fermes de la femme. D’une pression il la souleva alors qu’elle emprisonnait sa taille de ses jambes musclées.  

 

- Dernière chance de mener à bien cette expérience, l’avertit-elle en gloussant de plaisir.  

 

Ryô préférait ne pas répondre pour se concentrer sur ce qu’il faisait. Ses gestes étaient mécaniques, froids et sans ardeur. Il chercha un endroit où déposer ce corps plus expressif que le sien et seul le lit l’inspira. L’allongeant de tout son long, il ne lui laissa aucune chance de manœuvre en prenant position au-dessus d’elle. Elle continuait à lui parler, l’encourageant à laisser parler ses envies les plus folles sans voir qu’il ne l’écoutait même pas. Fermement il remonta les bras nus de sa captive détournant son attention par de subtiles caresses et des baisers éphémères qui ne faisaient que survoler cette peau brûlante. Et avant qu’elle n’ait compris ce qu’il lui faisait, Ryô attrapait chaque corde au pied de la tête de lit pour les encercler autour des poignets féminins.  

 

- Voilà qui devient intéressant… tu me veux à ta merci pourtant je n’ai pas encore été vilaine pour être « punie » de la sorte, ria-t-elle.  

 

Sans un mot Ryô se redressa et bloqua les jambes de la jeune femme entre ses cuisses. S’autorisant à regarder sa victime, il se rassura mentalement. Elle n’avait strictement rien à voir avec Kaori. Il ne pouvait plus y avoir de doute dans son esprit. Il était là pour le boulot et il comptait bien obtenir gain de cause.  

 

- Voilà le deal, annonça-t-il d’une voix claire et sèche. Comme tu l’as dit rien ne sert de tourner autour du pot, tu donnes beaucoup de mal et de plaisir pour obtenir ce que tu veux des hommes… mais ce que je cherche risque de te surprendre.  

 

- Dis toujours je suis très ouverte d’esprit.  

 

- Je recherche un homme…  

 

- Tu es gay, se lamenta-t-elle en laissant sa tête lourdement retombée contre l’oreiller.  

 

- Mais non !! Qu’est-ce qui te fait penser une chose pareille ? Lui demanda-t-il alors qu’elle portait sur lui un regard entendu. « Ce visage doit être plus ambigu que je ne le croyais. » Pensa pour lui-même Ryô avant de reprendre : celui que je cherche est un habitué des lieux et de tes services en particulier…  

 

- Ce qui se passe avec les autres clients ne te regarde pas ! T’es flic ou quoi ? S’enquit-elle en analysant d’un nouvel œil l’homme sur elle. Si tu souhaites me faire parler, il va te falloir employer les grands moyens ! Le nargua-t-elle avec assurance en revenant à son objectif premier.  

 

Ryô sentit la femme se raidir avant de tenter de le repousser brutalement. La sentir onduler sous lui n’était pas désagréable. Elle se débattait farouchement sans cesser de sourire. Le corps à corps ne lui faisait pas peur mais Ryô ne voulait pas perdre d’avantage de temps avec ce genre « d’enfantillage ». Il devait l’atteindre elle et non pas le personnage sordide qu’elle jouait d’ordinaire. Il le sentait au plus profond de lui qu’il était avec la bonne personne qui lui permettrait de découvrir ce qu’il cherchait. Mais il devait l’aborder autrement. Alors qu’il y réfléchissait, ses yeux glissèrent sur cette chevelure, ce visage et ces épaules…  

 

- J’ai remarqué que tu avais un tatouage… une rose noire… je ne peux pas croire qu’une femme avec une telle image, soit dénuée de sentiments plus profonds et plus nobles que ce qu’elle affirme…, fit-il en se remémorant ce dessin gravé dans la peau sur cette épaule gauche ; cherchant à l’atteindre du bout des doigts comme pour en apprivoiser le sens.  

 

Il sentit la femme sous son corps se contracter et frémir à cet « attouchement » et avant qu’il ne comprenne, elle le repoussa sauvagement d’un coup de rein en se défaisant de ses liens.  

 

- Tu ne me croyais pas capable de déjouer les pièges que j’ai moi-même posés ? Répondit-elle à sa surprise avant de glisser une de ses mains libres entre le matelas et le contour de lit.  

 

- Inutile d’en arriver à de telles extrémités, indiqua Ryô en levant les mains en signe d’acceptation.  

 

- Tu es trop curieux et je n’aime pas perdre mon temps ! Qui es-tu et que veux-tu ? Demanda-t-elle en toisant sévèrement l’homme qui se tenait maintenant debout au pied du lit et en le menaçant de son couteau dont la lame brillait sans faillir.  

 

Pour ce qui était de la mettre en confiance et de la mener en douceur à lui dire ce qu’elle savait, c’était foutu. Presqu’une heure avec elle pour en arriver là, à se regarder avec méfiance. Au moindre geste suspect, elle n’hésiterait pas à se défendre. C’étaient des préliminaires auxquels il ne s’attendait pas.  

 

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Tard dans la nuit, deux ombres se glissèrent en silence dans l’appartement endormi.  

Déjà le retour en voiture avait été lourd de sens. Ryô avait mentalement remercié Falcon de ne faire aucune allusion sur ce qu’il avait entendu ce soir. Car pour obtenir certaines faveurs, Ryô lui-même avait dû se confier quelque peu. Mais il savait qu’il pouvait compter sur la discrétion de son ami et surtout sur sa timidité pour garder pour lui les révélations de ce soir. Pour des raisons différentes, ils étaient aussi las l’un que l’autre. Cette sortie n’avait pas été aussi simple qu’ils l’escomptaient. Ryô surtout en revenait plus perturbé qu’il ne le laissait paraître mais son corps et son attitude trahissaient ses pensées.  

 

Falcon menait la marche qui les menait lentement vers leur lieu d’habitation. Il n’aimait pas ce qu’il ressentait. Cette lassitude et ce désarroi n’avaient rien à voir avec les combats que d’ordinaire ils menaient. Ryô avait dû livrer une bataille farouche cette nuit mais pas à coups de magnum ou de poings serrés… c’était à cœur ouvert qu’il avait dû se résigner à lutter. Son adversaire ne lui avait pas laissé le choix, c’était donnant-donnant sinon rien. Ouvrir son cœur, faire preuve de sincérité, se montrer sous son vrai jour, étaient inhabituels pour Ryô surtout face à une femme. Mais à trop vouloir faire illusion son ami avait consenti à dévoiler son âme à une étrangère. Un lourd tribut pour la mettre en confiance car parler ainsi n’avait jamais été son fort. Et surtout Mia n’avait pas été la seule à l’écoute de ce cœur éperdu.  

 

- Un pas après l’autre…, encouragea maladroitement Falcon alors que derrière lui Ryô gravissait avec peine les marches de son immeuble.  

 

Il tenta un maigre sourire qui ne rassura pas le géant. Celui-ci savait pertinemment que Ryô venait de subir un examen blanc de ce qui l’attendait réellement avec Kaori. Mais il doutait qu’il est encore la force d’affronter la jeune femme surtout après tout ce qu’il s’était enfin avoué. Mettre des mots sur ses maux l’avait mis en danger et Falcon reconnaissait à sa juste valeur la bravoure dont avait fait preuve Ryô. Ils ne revenaient pas sans rien. Tout cela n’avait pas été peine perdue mais le plus dur restait à venir.  

 

Ce fut donc en silence que les deux hommes se quittèrent dans le salon. Falcon était pressé de retrouver sa moitié alors que Ryô avait encore besoin de faire le point. Ce dernier se servit un verre de whisky qu’il but lentement. En s’asseyant sur le canapé, il s’étonna de ne rencontrer aucun obstacle. Pourtant Mick était sensé y avoir élu domicile au moins pour cette nuit. Ryô ne ressentait sa présence nulle part dans l’appartement ni même dans l’immeuble. Sûrement que son ami était revenu sur ses projets et qu’il était soit chez lui pour mieux réfléchir à son dilemme, soit auprès de Kazue pour réparer ce qui était encore réparable.  

Ryô reprit donc le cours de ses pensées sans s’inquiéter d’avantage. Mécaniquement, il chercha à allumer une cigarette avant de se rappeler qu’il ne pouvait fumer à l’intérieur. Il alla donc au balcon avec son verre et sa cigarette, espérant gagner du temps pour comprendre ce qu’il vivait en cet instant.  

 

Il ne savait quels sentiments ressentir face à ce genre d’excès. Il connaissait les dérives des hommes. Lui-même avait des fantasmes, réalisables ou pas, mais de là à se laisser aller à ce genre de débordement qui s’apparentait plus à de la folie qu’à un simple acte charnel, le dépassait. Même si pour lui l’acte sexuel était à l’origine un besoin naturel, il ne se voyait pas dépasser certaines limites par égard pour la femme qui partagerait ses fantasmes et cela même si elle était consentante. Certaines choses devaient rester irréalisables pour que le désir perdure. La violence et l’amour n’allaient pas de paire lorsqu’on avait assez confiance en soi et en l’autre pour se donner sans retenue. Mais ce qui était alors advenu lui laissait un goût étrange. Bien des femmes faisaient ce métier, à différents niveaux : entraineuses dans les cabarets, fille de joie dans les maisons closes ou à même la rue, dominatrices ; chacune consciente de se donner en connaissance de cause avec ou sans plaisir mais toutes conscientes de la nature humaine faite de désillusion.  

L’agressivité et la domination de la jeune femme qu’il avait rencontrée ce soir n’était qu’une façade. En lui livrant les raisons de sa présence avec sincérité et sans arrières pensées, il était parvenu à ce qu’elle lui concède une certaine confiance fragile. Ils avaient alors partagé une trêve, un moment de confidence pour elle comme pour lui. Il en découvrait bien plus qu’il ne l’espérait même s’il ne mesurait pas encore toute l’étendue de leurs aveux respectifs.  

Au fil du temps qui semblait s’éterniser, Mia avait reconnu avoir Akamatsu comme client. Elle connaissait très bien l’homme qu’il cherchait.  

 

« Les responsabilités, les obligations, les devoirs, faisaient qu’un homme devait se montrer plus fort. L’ambition le poussait d’avantage à en vouloir encore plus. Le pouvoir le gagnait et le portait mais il restait conscient que tout pouvait s’arrêter aussi vite que tout lui était offert. Le pouvoir attisait sa rage, sa frustration, sa peur de perdre le contrôle. Garder le contrôle de tout et en toutes circonstances est une pression très lourde à porter, avait-elle expliqué. Pourtant il lui fallait exulter cette lourde peine qui va de pair avec le pouvoir qui vous isole de tout et de tous car personne ne peut comprendre ce poids qu’il alimente aisément sans se rendre compte de ce que cela vous coûte vraiment. »  

 

Akamatsu était ce genre d’hommes. Toujours en quête de pouvoir et de domination même s’il savait depuis longtemps que cela le perdrait tôt ou tard. Alors pour oublier ce fardeau auquel il s’était lui-même lié, il avait trouvé un moyen pour oublier et se libérer de l’image qu’il s’était créé. En pleine lumière, il était un homme fier et droit, irréprochable mais dans l’ombre, il était aux abois jusqu’à en appeler à des forces qu’il ne maitrisait pas.  

 

Le tableau que Mia avait dépeint de cet homme n’était pas très glorieux et Ryô avait de quoi le faire chuter de son piédestal. Restait à savoir quand et comment le déchoir de son trône et de ses privilèges. Surtout que la jeune femme avait bien signifié que jamais elle ne témoignerait de ses faits et gestes. Elle n’avait consenti à lui en parler que pour une seule et bonne raison : son devoir envers celle qui portait la même marque qu’elle.  

 

Ryô avait cru bon de parler de ce tatouage, cette rose noire qui paraissait ordinaire, cachait quelque chose de plus profond qui restait invisible aux non connaisseurs. Et c’était tout naturellement qu’il en était venu à Kaori. Il n’avait pas dit grand-chose et Mia n’avait pas semblé étonnée que cet homme s’en prenne à d’autres femmes. Elle savait déjà qu’il était marié, qu’il était puissant et qu’il détestait qu’on lui résiste. Comme elle lui avait dit, elle ne pouvait rien pour son amie car ainsi étaient certains hommes et ainsi était la vie. Elle avait depuis longtemps accepté cet état de chose et prenait ce dont elle avait besoin sans se poser de questions. Avec le temps, elle avait acquis une certaine insensibilité qui lui permettait de se protéger. Cette rose noire était là pour lui rappeler qu’elle était vivante, qu’elle était forte et qu’elle s’en sortirait quoiqu’il arrive. C’était tout ce que Mia avait pu lui apprendre sur ce sujet, estimant que le reste n’appartenait qu’à l’histoire de celle qui la portait.  

 

Ryô était soucieux de cet état d’esprit. Faire semblant d’aimer la vie, d’aimer ce que l’on est et ce que l’on fait pour mieux cacher ses doutes et ses peurs et au bout du compte s’isoler. Mia ne faisait pas partie d’un gang et n’avait jamais connu la prison pourtant aussi différentes que soient les deux femmes, elles se ressemblaient.  

Il avait besoin de retrouver cette innocence qu’elles avaient perdue pour croire encore en l’humanité, dans les hommes comme dans les femmes. Il croyait tout connaître des vices et des travers de l’homme pourtant une femme lui avait déjà prouvé qu’il pouvait encore espérer mais y croyait-elle elle-même toujours ?  

Il devait s’en assurer. Que pouvait-il espérer encore ? Comment oserait-il l’affronter si lui-même détournait le regard sur ce qu’il avait fait ? Son reflet dans la vitre de la fenêtre le fit douter. D’un geste rageur il se défit de ce regard vert qui en fin de compte ne faisait que lui voiler la véritable nature des choses. Une après l’autre les lentilles de couleur furent enlevées avant d’être abandonnées dans la poubelle de la cuisine.  

Déposant son verre vide sur la table basse, Ryô gravit lentement les escaliers, son cœur prit dans la tourmente de découvrir une âme brisée à jamais. Ses pas le menèrent jusqu’à cette porte close mais, prit par le doute et les remords, sa main suspendue près de cette poignée qui le narguait, Ryô décida de renoncer.  

 

Ce fut ainsi que Kaori le trouva dans la pénombre du couloir, au seuil de sa chambre : le dos voûté et la tête baissée. Il semblait épuisé et confus. C’était la première fois qu’elle le voyait ainsi. Elle avait perçu sa présence et elle avait répondu à sa curiosité. Elle voulait savoir mais l’homme qu’elle découvrait la peinait d’avantage.  

 

Ryô ne s’attendait pas à ce qu’elle lui ouvre sa porte ni même à ce qu’elle vienne à lui. Pourtant elle avait guetté son retour, comme avant, se plut-il à croire. Mais il sentait son regard inquisiteur sur lui. Il ne pouvait la regarder sans honte et culpabilité. Il la décevait encore une fois.  

 

Comprenant qu’il n’était plus le même et qu’il avait franchi les limites qu’elle lui avait interdites sans jamais le lui le dire, Kaori entreprit de refermer cette porte sur cette vie qu’elle ne voulait plus. La colère et la déception l’aveuglant.  

 

Une pression empêcha ce geste définitif. La paume contre la cloison de bois, Ryô refusait cette sentence. Il releva la tête pour chercher des yeux ces prunelles qui se fondaient dans l’obscurité de la chambre. Il devait s’excuser de ce geste déplacé qu’il avait eu avec une autre. Il devait avouer sa faute et reconnaître sa faiblesse. Il espérait encore que tout ce qu’il avait donné ce soir puisse encore être sauvé. Mais aucun mot ne pu franchir la barrière de ses lèvres. Il était tétanisé à l’idée qu’elle le repousse, le rejette. Qu’il ne soit trop tard tout simplement.  

 

Kaori le regardait comme si elle le voyait pour la première fois. Il y avait quelque chose de différent en lui. Ses yeux. Ce noir profond n’était plus teinté d’une couleur illusoire. D’ordinaire, elle n’aurait pas su quoi interpréter dans ce regard si familier. Mais ce soir elle y voyait clair. La peur, le remord… la culpabilité. Sa crainte était fondée. Ryô avait de toute évidence donné « le meilleur de lui ». Qu’avait-elle de plus à dire à cela ou même à lui offrir ?  

Elle aurait du en rester là. Insister et refermer cette porte sur cet homme qui la décevait encore. A quoi bon faire semblant de croire ou d’espérer ? Comme elle l’avait elle-même dit à Mick, à quoi bon servait-il encore de se mentir ? Ryô était tel qu’elle le connaissait avec ou sans nouveau visage. Des reproches, encore des reproches, ils avaient dépassé ce stade il y a bien longtemps. Qui était-elle pour lui jeter la pierre aussi dur et cruel était cet aveu muet ?  

Sans fléchir, Kaori soutint ce regard perdu et méconnaissable, il ne lui devait rien et elle n’avait rien à lui pardonner. Leurs tourments en seraient peut-être moins pénibles ainsi. Mais lui ne voulait pas en rester là. Ces yeux noirs n’avaient pas fini de parler. A sa manière Ryô lui communiquait tout son mal de ne pas être à la hauteur de ce qu’elle était en droit d’espérer. Il regrettait vraiment ce qui avait pu se passer. Il ne jouait pas à l’amadouer ou à minimiser cette situation.  

 

Alors sans réfléchir et sans le quitter des yeux, elle ouvrit sa porte pour lui accorder son refuge. Sa raison ne commandait plus ni même ses sentiments indissociables les uns des autres. Juste un besoin inexplicable et irraisonné de lui faire confiance, une dernière fois. Ryô entra dans l’obscurité et apposant sa main sur celle de Kaori, ensemble ils s’isolèrent du monde en refermant cette porte.  

 

Il avait besoin d’un instant d’innocence pour croire encore en leur différence face à ce monde insensé qui se perdait avec complaisance. Il voulait retrouver celle qui croyait en lui et en ce monde meilleur qu’elle voyait pour eux avant ce déluge. Il voulait son pardon et sa compréhension.  

Elle n’attendait rien de lui sauf peut-être qu’il lui prouve encore une dernière fois qu’il ne lui en voulait plus d’avoir voulu faire sans lui.  

 

Un même frisson les parcourut alors que leurs yeux ne se lâchaient plus de peur de ne plus se retrouver. Elle appréhendait ce moment mais il ne lui voulait aucun mal. Elle seule pouvait encore soulager ses maux.  

Adossée contre la porte, Kaori attira l’homme à elle. Elle le dévisagea de plus près, cherchant à reconnaître l’homme qu’elle connaissait. Libérant sa main de celle de Ryô, elle porta fébrilement ses deux mains à ce visage qui lui était encore en partie caché, stoppant son geste sur cette légère cicatrice présente sur la tempe mi grisonnante. Doucement, elle libéra celui qui était emprisonné derrière ce masque, décomposant par gestes tendres cette illusion qui ne lui sciait guère. Elle devait retrouver l’homme marqué par la vie et le monde afin de l’accepter lui tel qu’il était. Un geste d’amour pur et innocent.  

 

Comprenant l’importance de cet effeuillage, Ryô se laissa faire. Savourant cette plénitude, il se rapprocha encore d’elle lorsqu’elle eut accompli sa tâche. Sans peur, il l’encercla de ses bras sachant que cette fois-ci elle ne le repousserait pas. Il caressa chaque ligne de son visage, ses doigts s’arrêtant sur ces lèvres entre-ouvertes. Le souffle qui en sortait s’insufflait en lui, le réchauffait, le lavait de leurs trahisons. Ses yeux noisettes si luisants exprimaient tant de choses, l’appelaient, l’attiraient sans détour. Il ne pouvait que répondre à ce cri alors que tout son corps se consumait pour elle. Ryô n’avait plus qu’une envie à ce moment : unir ses lèvres aux siennes, sentir leurs corps vibrer à l’unisson. Pourtant un goût amer était encore encré à sa bouche. Il ne pouvait pas lui faire cet affront. Pas maintenant, pas ainsi. Mais il devait encore lui dire combien il s’en voulait, à quel point il se détestait d’avoir faillit.  

 

Ryô n’eut pas le temps de formuler sa requête que Kaori posait un doigt sur sa bouche, stoppant net des mots inutiles. Elle avança son visage jusqu’au sien, laissant son regard se perdre dans ces pupilles obscures. Se hissant sur la pointe des pieds, elle posta son regard droit dans celui de Ryô avant de clore ses paupières alors que son front se posait délicatement contre celui de son partenaire. Ryô imita ce geste et sereinement laissa ce contact réchauffer son âme.  

Puis à son tour, Kaori le prit dans ses bras et cala son visage contre son torse alors qu’il enfouissait le sien contre sa chevelure. Le pardon ne se formulait pas, il se prouvait. Respirant cette odeur qui lui était familière, il se berça de ce cœur apaisé. Ils s’étaient manqués bien plus qu’ils ne l’auraient cru. Ils avaient besoin l’un de l’autre et ils avaient mis trop de temps à le comprendre.  

Tous les deux savaient maintenant ce que c’était que d’être livré à un monde qui ne leur ressemblait pas. Ils savaient qu’ils avaient encore beaucoup de choses à apprendre l’un de l’autre mais cela attendrait. Demain n’était plus très loin, avec son lot d’obstacles et de choix, mais pour l’heure plus rien n’avait d’importance.  

 

 


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