Capitolo 6 :: Pour faire face au désespoir

Pubblicato: 19-04-10 - Ultimo aggiornamento: 19-04-10

Commenti: Deux jours, et me revoilà, comme promit... Et je ne sifflerait plus cette fois (sniff, on aime pas quand je siffle, c'est injuste la vie)... Tout d'abord, je tient une fois de plus à vous remercier pour les reviews. Ensuite, j'aimerais spécifié que les chapitres 5 et 6 font miroir, et donc sont à lire ensemble de préférence, oui, je sais, vous l'avez lu il y a deux jours et tous, mais cela donne plus de perspectives s'ils sont lu ensemble... et euh...ba... BBBYYYEEE !!! (une fois de plus, l'auteur c'est enfuit à toute volée, lançant son chapitre par dessus son épaule pour le laisser derrière elle)

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Derrière le comptoir de son café, cela faisait bien dix minutes qu'elle s'acharnait à vouloir essuyer la même tasse, déjà sèche depuis bien longtemps. Le seul client qu'elle avait eu de toute la matinée, un adolescent brun, un lycéen sûrement, la fixait depuis un bon moment, tentant de comprendre pourquoi elle continuait ainsi, alors qu'elle n'avait rien à faire de plus. Il venait tous les jours, étant tombé sous le charme de la tenancière. Bien sûr, elle ne faisait pas vraiment attention à lui, le considérant plus comme un gamin qu'autre chose, mais plaisantant avec lui, n'hésitant jamais à lui parler. Mais aujourd'hui, elle ne faisait absolument pas attention à lui… Et à voir son regard qui ne fixait rien en réalité, elle devait avoir des soucis et semblait y réfléchir. Alors il n'osait pas lui adresser la parole, malgré l'absence du mari effrayant de celle-ci.  

L'ancienne mercenaire tentait de comprendre, mais tout lui échappait. A aucun moment, sa meilleure amie avait eu un geste qui aurait pu lui indiquer qu'elle comptait disparaître comme elle venait de le faire… Enfin, cela, c'était ce qu'elle pensait avant d'entendre Falcon et Mick discuter. Apparemment, ce dernier avait vu des signes qu' elle, elle n'avait pas su reconnaître. Et une fois de plus, elle se reposait la même question que quelques mois plus tôt quand Kaori se trouvait à l'hôpital, dans le coma par sa faute : "Quelle sorte de meilleure amie était-elle ?".  

Quelle sorte de meilleure amie était-elle si elle n'avait rien senti venir ?… Quelle sorte de meilleure amie était-elle, si d'autres personnes avaient vu arriver les choses mais pas elle ?… Quelle sorte de meilleure amie était-elle, si Kaori n'avait pas osé venir se confier à elle ?… Lui parler, la prévenir… Ou au moins lui dire qu'elle avait des problèmes… Mais cela n'avait pas été le cas, Kaori ne lui avait rien dit… Et Miki n'avait rien vu, rien su… Alors qu'à sa place, Kaori aurait tout compris. Mais elle ne savait rien.  

Et la question continuait de raisonner dans sa tête, pourquoi sa meilleure amie ne lui en avait jamais parlé si elle avait assez de soucis pour choisir de prendre la fuite et de laisser derrière elle l'homme de sa vie ?… Elle devait pourtant savoir qu'en le laissant de cette manière, elle allait anéantir Ryo… Alors comment en était-elle arrivée à faire ce choix ? Pourquoi ?... Mais surtout quand ?… Depuis combien de temps préparait-elle son départ ? Miki était assez bien placée pour savoir que cela devait faire un moment, mais à aucun moment elle n'avait relevé un détail pouvant lui permettre de comprendre ce que la partenaire de City Hunter préparait… Elle connaissait pourtant les signes… Kaori Makimura aurait tout compris dès le début à sa place.  

Est-ce que sa meilleure amie ne lui faisait plus confiance suite à ce qui lui était arrivé par sa faute quelques mois plus tôt ? La barman n'en avait aucune idée… Quand la moitié de City Hunter était sortie du coma, puis de l'hôpital, Ryo Saeba avait fait avancer les choses entre eux et Kaori s'était éloignée d'elle… Peut-être pas consciemment, mais le fait était que la jeune femme ne se confiait plus à elle de la même façon… Et puis, elle la voyait beaucoup moins souvent aussi, son partenaire la gardant jalousement pour lui… Peut-être était-ce pour cela qu'elle n'avait rien senti venir. Malgré ce que son mari semblait croire, cette fois-ci, elle n'en avait réellement aucune idée…  

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Elle aurait dû être à son travail depuis une heure déjà, voir même plus vu qu'elle arrivait toujours en avance et surtout avant tout le monde, mais elle n'arrivait pas à se décider à bouger de l'endroit où elle se trouvait en ce moment. Comme si, si elle bougeait, elle anéantirait le calme qui venait enfin de prendre possession d'elle. Elle devait pourtant partir, des personnes avaient besoin d'elle, de la paperasse l'attendait, son père allait lui hurler dessus, voir même lancer une alerte pour la retrouver si elle ne se décidait pas rapidement à se diriger vers la station de police de Shinjuku… mais même en sachant cela, elle n'arrivait pas à y donner de l'importance… Et elle alors ? Qui se souciait d'elle ?… Personne… comme toujours, elle était une fois de plus seule… Mais elle ne pouvait blâmer qu'elle-même pour ce détail.  

En quittant l'appartement de City Hunter, elle avait décidé de marcher un moment, sans but précis, le temps d'oublier l'état dans lequel elle venait de voir Ryo… Mais elle n'avait pas pu l'oublier, et avant même qu'elle s'en rende compte, ses pas l'avaient conduite au seul endroit où elle pouvait dorénavant trouver la paix de l'esprit, celle du cœur lui étant interdite. Alors elle se trouvait ici maintenant, toujours au même endroit, faisant face à la pierre tombale de la dernière demeure de son amour, tentant de comprendre la sœur de celui-ci, une fois de plus. Tentant de la haïr pour faire souffrir un homme qui ne méritait pas de subir encore plus de douleur, mais elle ne le pouvait pas… Non, elle ne le pouvait pas.  

Pas quand c'était Kaori Makimura… Dieu seul savait ce que son amour penserait d'elle de là où il se trouvait, si elle en venait à haïr sa petite sœur adorée… Mais surtout, elle ne le pouvait pas, car elle savait, elle, que l'état dans lequel se trouvait actuellement Ryo était celui-là même que devait vivre Kaori de son côté… Sauf que la jeune femme, elle, elle se trouvait seule en ce moment-même… Se punissant elle-même de faire souffrir l'homme qu'elle aimait en refusant tout épaule pour confier ses malheurs… De cela, l'inspectrice n'en doutait absolument pas. Elle ne se souvenait que trop bien du regard de l'amante de Ryo quand celle-ci était venue la voir, presque une semaine plus tôt, dans son bureau à la station de police.  

Comment pouvait-elle haïr cette femme, alors que celle-ci la regardait de cette manière, comme si elle venait de tout perdre ?… Comme si elle se préparait à perdre le peu qu'il lui restait… Sur le moment, elle avait cru un instant qu'il était arrivé un malheur à Ryo, mais elle s'était rapidement reprise. Non, ce n'était pas le regard qu'elle aurait eu dans ce cas là… Mais c'était un regard que Saeko ne connaissait que trop bien, pour le voir dans la glace tous les matins, et pourtant, il y avait quelque chose dans celui de Kaori qui lui avait dit qu'elle ne connaissait pas certains détails… Alors elle avait gardé le silence.  

Elle avait gardé le silence, assise derrière son bureau, alors que la jeune femme était restée debout près de la porte, se tordant les mains et mordant ses lèvres, semblant chercher en elle du courage pour lui dire le pourquoi de cette visite impromptue… Elle avait gardé le silence quand la porte de son bureau s'était ouverte à la volée, son père entrant, les yeux fixés sur Kaori. Elle avait gardé le silence, quand celui-ci s'était extasié de voir la petite sœur d'un de ses anciens officiers, ancien partenaire de sa fille aînée, le meilleur… Il avait continué longuement de faire l'éloge d'Hideyuki Makimura, ne se rendant pas compte dans son euphorie qu'il martyrisait ainsi les deux femmes, ne se rendant pas non plus compte de l'atmosphère de la pièce entre elles…  

Elle avait gardé le silence quand son père s'était enfin décidé à partir, Kaori se tournant à nouveau vers elle pour lui expliquer le pourquoi de sa venue… Et elle avait gardé le silence en découvrant l'état de Ryo qui était cette fois plus que simplement enivré… Qu'aurait-elle pu dire après tout ? "Je sais comment la joindre" ? On lui aurait demandé des explications, elle n'en avait aucune… Kaori ne lui avait rien dit sur le pourquoi du départ qu'elle préparait alors. Elle lui avait juste donné un numéro de téléphone, juste un numéro noté sur un morceau de papier, n'expliquant rien. Et Saeko avait compris, sans tout comprendre pourtant. Elle savait que Kaori avait besoin de partir, mais elle ne savait aujourd'hui toujours pas pourquoi.  

En soupirant, elle sourit tristement à la tombe, lui demandant en silence de prendre soin de sa sœur en attendant son retour, lui promettant en silence de prendre soin de Ryo, avant de se diriger vers la sortie d'un pas plus décidé et plus serein que celui avec lequel elle était venue… Car une chose était certaine dans son esprit, Kaori reviendrait, elle ne pourrait pas rester indéfiniment loin de Ryo, pas après l'avoir aimé.  

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Une fois de plus, elle avait un jour de congé, et encore une fois, elle le passait à regarder son amant qui lui regardait l'appartement d'en face. Elle aurait aimé pouvoir entrer dans sa bulle pour le forcer à la voir elle. Elle aurait aimé pouvoir aller vers lui et lui parler. Elle aurait aimé pouvoir le réconforter, mais elle n'était pas Kaori Makimura elle… Elle savait les plaies du corps, mais pas celles du cœur ou de l'âme. Et elle haïssait cette femme pour pouvoir mettre Mick dans cet état, pour pouvoir accaparer encore une fois toute son attention, au point qu'il ne la voyait plus, elle… Mais elle ne pouvait pas la haïr réellement, car si elle n'avait jamais existé, elle n'aurait jamais connu Mick Angel. Soit il aurait tué son meilleur ami avant de disparaître, soit il serait mort de la main de ce meilleur ami, ou encore pire, détruit par la poussière d'ange…  

Sans Kaori Makimura, Mick Angel ne serait pas sien, alors elle ne pouvait pas lui en vouloir de toujours avoir une place à part dans le cœur de celui-ci, elle avait après tout une place à part dans le sien aussi pour tout cela., pour lui avoir permis de gagner l'amour de cet homme… Et puis, tout comme Mick, elle cherchait à comprendre et elle s'inquiétait. Pour Kaori, pour Ryo et pour eux tous, car elle savait pour l'avoir déjà vécu, que sans Kaori Makimura pour servir de ciment, la bande d'amis qu'ils formaient se décomposerait peu à peu… Tout comme Mick, elle s'inquiétait et se demandait comment elle n'avait pas vu venir le départ de la jeune femme. Sauf que son homme lui, l'avait senti arrivé, même s'il n'avait pas su le comprendre. Elle le savait maintenant.  

Si seulement il lui avait dit… Si seulement il lui avait dit que le mauvais pressentiment qu'il traînait derrière lui depuis des semaines concernait le couple que formait City Hunter, peut-être aurait-elle pu, elle, prévoir la disparition volontaire de Kaori… Car contrairement à Mick, elle connaissait quelque chose qui aurait pu pousser la jeune femme à partir… à partir et à s'éloigner de l'homme qu'elle aimait… Mick avait dit en retrouvant Ryo ivre que Kaori avait réussi là où tous leurs ennemis avaient échoué. Sur le moment, elle n'avait pas compris, alors une fois rentrés dans leur appartement à eux, elle lui avait demandé ce qu'il avait voulu dire par-là. Son compagnon l'avait longuement fixée avant de se planter devant dette fenêtre et de lui dire que Kaori venait de réussir à détruire Ryo.  

Elle n'avait rien dit, se contentant de secouer la tête face à son dos tourné avant de se diriger vers la cuisine pour préparer leur repas du soir, comme si de rien était. Mais cela ne l'avait pas empêché d'y repenser en cuisinant. Si seulement il savait… Mais l'infirmière savait qu'elle ne pouvait pas trahir la jeune femme… Bien sûre, elle avait été surprise en trouvant la missive pour Mick. Elle lui avait remise celle-ci une fois Ryo dans sa chambre… Mais la lettre ne disait rien réellement, juste de prendre soin de Ryo, et cette signature dont elle ne connaissait pas la signification mais sur laquelle le regard de Mick c'était arrêté un long moment. Bien sûre, elle avait eu peur en la trouvant. Bien sûre, elle était tout aussi surprise que les autres en constatant l'état de Ryo qui avait même manqué de la tuer, mais aussi surprise par le départ de Kaori … Mais au fond d'elle, une voix lui disait qu'elle aurait dû s'y attendre aussi d'un certain point de vue.  

Mais Mick ne savait pas ce qu'elle, elle savait… Contrairement à lui, elle n'avait rien vu venir, mais contrairement à elle, aucun d'eux ne pouvait comprendre… Aucun d'eux ne pouvait comprendre que jamais la jeune femme n'avait voulu mettre son amant dans cet état, même si elle savait qu'il souffrirait de son départ… Aucun d'eux ne pouvait comprendre que si elle était partie, c'était pour le protéger lui, et non elle, car elle ne voulait pas le faire souffrir encore plus que ce qu'il avait déjà vécu… Mais surtout, aucun d'eux ne pouvait comprendre que si elle était partie aussi, c'était pour ne pas se mettre à haïr l'homme quelle aimait.  

Kazue savait que c'était irrationnel, mais d'un certain point de vue, elle pouvait comprendre pourquoi Kaori avait choisi de partir sans prévenir personne. Et puis, au cours de ses années de médecines, combien de fois avait-elle vu de tels comportements ? … Mais surtout, contrairement aux autres, elle avait les années de médecines derrière elle, et elle était là quand Ryo avait amené Kaori à la clinique suite à son dernier enlèvement. C'est elle-même qui l'avait auscultée ce jour là… Ryo ne voulant pas laisser le vieux pervers approcher de sa femme, sachant qu'elle n'avait rien de grave… Mais il avait fini par le laisser y aller aussi à la fin…  

Alors elle pouvait comprendre, et elle savait que le Doc avait sûrement compris aussi de son côté. Elle aurait voulu le dire à Mick, elle aurait voulu le dire à Ryo aussi, pour l'apaiser, pour lui dire que ce n'était en rien leurs fautes, qu'ils ne pouvaient rien prévoir. Mais elle ne pouvait pas… Elle l'avait promis à Kaori ce jour là à la clinique, et le vieil homme aussi… Alors elle ne pouvait qu'attendre, espérant que Kaori reviendrait quand la douleur aurait disparu, car elle savait que Ryo l'attendrait.  

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Il était à peine huit heures du matin, mais les gens venant de tous pays défilaient déjà en ces lieux. Était-ce jamais silencieux en cet endroit ? Elle en doutait fort, mais en réalité, elle ne faisait pas vraiment attention aux personnes qui l'entouraient et qui marchaient d'un pas pressé autour d'elle, ne faisant pas plus attention à elle, que elle à eux. Elle avait passé les dernières heures à s'occuper l'esprit, pour ne pas penser à ce qu'elle s'apprêtait à faire, mais là, maintenant, assise à une table dans le café du terminal de l'aéroport de Narita, elle n'avait plus rien à faire qu'à attendre…  

Ses billets étaient sur la table à côté de sa tasse de café, les papiers qui lui étaient nécessaires avec. Ses valises avaient été enregistrées. Elle avait été au guichet et il ne lui restait plus avec elle que son sac de voyage qu'elle comptait garder en cabine. Un bon livre, bien volumineux acheter en Duty Free, son baladeur avec de la musique rythmée et les chansons qu'elle préférait, une bouteille d'eau, quelques gâteaux pour le voyage… Elle était parée, et se retrouvait maintenant avec un trop plein de temps libre sur les bras… Alors qu'elle ne voulait justement pas avoir ce temps libre… Elle ne voulait pas penser, elle ne voulait pas se souvenir… Elle ne voulait rien ressentir non plus…  

Elle aurait du attendre plus longtemps avant de venir s'enregistrer pour le voyage, mais elle n'avait pas pu. Elle aurait profité d'une heure ou deux de sommeil en plus, mais elle ne voulait pas dormir. Dormir équivalait à rêver, et elle ne voulait pas, non, elle ne pouvait pas rêver en ce moment. Elle ne voulait pas que son esprit se rappelle à elle et surtout pas qu'il lui rappelle pourquoi exactement elle se trouvait ici en ce moment. Elle ne voulait pas se souvenir de ce qu'il l'avait amenée à se tenir ici en cet instant, prête à dire adieu à la seule vie qu'elle avait connu en temps qu'adulte, la seule vie qui l'avait rendue heureuse jusqu'à maintenant.  

Mais plus que tout, elle ne voulait pas rêver et se souvenir de lui, courant dans la rue après son taxi, une serviette de toilette ceignant et ne cachant absolument rien de son corps… Elle ne voulait pas se souvenir de sa voix, hurlant son prénom alors qu'elle partait, elle ne voulait pas se souvenir de la détresse et de la supplique qu'elle y avait entendu… Non… Pas dans sa voix à lui… Elle ne voulait pas s'en souvenir… Elle aurait voulu ne jamais avoir à l'entendre.  

Mais ce n'était pas la seule raison pour laquelle elle ne pouvait pas se permettre de dormir… Son esprit était si malin… Elle voulait être avec lui, à ses côtés de tout son être, de toute son âme, mais en même temps, elle ne le pouvait pas, alors ses rêves l'envoyaient à elle durant son sommeil… Mais même ces rêves là, ils lui faisaient plus mal dorénavant qu'autre chose. Durant toutes ces années, elle aussi n'avait rêvé que de lui, de cette manière là, et à l'époque, elle accueillait ces rêves à bras ouverts, mais dorénavant, elle avait peur de fermer les yeux et de s'endormir. Peur de le retrouver dans ses songes, sous quelque forme que ce soit.  

La jeune femme sourit narquoisement, regardant son reflet et son regard hagard dans le liquide sombre se trouvant dans sa tasse de café. Elle ne se reconnaissait pas dans cette image, elle se ferait presque pitié à se voir ainsi… Qui était cette femme avec ces cernes sous les yeux ? Cette femme dont le regard ne reflétait aucun sentiment ? Elle était terne, ses yeux semblaient plus morts qu'autre chose… Mais que pouvait-elle y faire ?… Non, la question était : voulait-elle y faire quelque chose ?… Elle s'en moquait. Que les gens la regardent bizarrement, qu'est-ce que cela pouvait bien lui faire ? Elle se moquait bien de ce qu'ils pouvaient tous penser au fond d'eux en lui souriant légèrement… Mais que personne ne regarde l'état dans lequel elle se trouvait avec pitié, cela, elle ne le supporterait pas.  

Qui étaient-ils ces gens pour la regarder ainsi ? Que savaient-ils d'elle ? De sa vie ?… Rien !… Qu'ils la laissent donc dans son coin en silence, et surtout, qu'ils s'abstiennent de la juger sur sa simple apparence ou sur l'éclat de ses yeux… Ce n'est pas comme si elle avait voulu être dans cet état, mais qu'y pouvait-elle ? Elle venait de tirer un trait sur toute sa vie. Elle venait de dire adieu au seul bonheur qu'elle ait jamais désiré. Elle venait de faire résonner la souffrance dans la voix du seul homme qu'elle ait jamais aimé… Qu'on la laisse s'apitoyer sur son sort, ne serait-ce qu'un seul instant, elle avait assez donné dans sa vie pour pouvoir se le permettre.  

"Les passagers pour le vol Tokyo - New York sont appelés à la porte D pour embarquement immédiat"  

La jeune femme releva machinalement la tête pour regarder le panneau d'affichage gigantesque de l'aéroport.  

D - 0830 : Tokyo (NRT - Narita)  

A - 0710 : New York (JFK - John F Kennedy International Air port)  

Enfin, pendant un bref instant, elle allait pouvoir oublier ses pensées… Le temps de monter dans l'avion du moins… Un fois en plein vol, elle ne pourrait rien faire si ce n'est y repenser. Mais elle devait le faire… Elle ne pouvait pas rester à Tokyo, encore moins à Shinjuku… Elle préférait carrément quitter le Japon, mettre le plus de distance possible entre eux… Et puis, si elle restait sur le sol japonais, elle devrait sans cesse avoir à regarder par-dessus son épaule, par peur d'être reconnue par des gens du milieu, ou par des indicateurs à Mick, Ryo ou encore à Falcon… Autant quitter le pays dans ces conditions là.  

Elle aurait le temps du voyage pour trouver quelque chose à dire en explication à sa sœur… Peut-être lui dirait-elle qu'elle savait la vérité concernant leur lien de parenté. Sayuri n'en serait que plus heureuse et ne poserait pas plus de questions. Non, c'était faux… Aussitôt qu'elle poserait ses valises, lui disant qu'elle allait s'installer sur le sol américain et qu'elle comptait trouver un appartement et un travail là-bas, sa sœur la bombarderait de question. Elle n'était pas journaliste pour rien après tout. Mais elle réfléchirait à cela dans l'avion, pendant le vol, cela l'aiderait à ne pas penser à autre chose.  

Mais de cette manière au moins, elle était certaine que son amant ne viendrait pas à sa recherche. Il avait beau l'aimer, il aurait beau vouloir la retrouver, il ne le pourrait physiquement pas. Et elle savait que Ryo saurait aussitôt l'endroit où elle se trouvait. Il la connaissait assez bien, pour savoir qu'elle le connaissait elle-même suffisamment pour utiliser son point faible contre lui. Pour se protéger… Pour les protéger tous les deux. La jeune femme s'installa dans son fauteuil, attendant. Mais l'attente ramena aussitôt son esprit sur ce qu'elle tentait d'oublier… Son départ, mais surtout, la manière dont elle était partie.  

Mais bientôt, son esprit pensa à autre chose, la peur de son premier vol en avion lui occupant ses pensées. Elle avait le souvenir de l'histoire de Ryo en tête, elle ne pouvait qu'avoir peur en sachant ce qui lui était arrivé à lui en avion… Elle ne savait pas si elle aurait la force de revenir un jour… Mais elle espérait qu'il lui laisse un peu de temps… Après tout, elle lui en avait bien laissé à lui  

8 H 22 du matin, le 7 novembre… Le désespoir avait pris possession de sa vie, de son corps. Elle ne savait même pas si un jour, elle remettrait les pieds sur sa terre natale. Si un jour, Ryo Saeba ferait à nouveau partie de sa vie… Elle espérait juste que le temps l'aiderait à oublier un peu, que la douleur s'atténue… Mais elle savait d'avance qu'elle se berçait d'illusions.  

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