Hojo Fan City

 

 

 

Data File

Rated R - Prosa

 

Autore: Ally Ashes

Beta-reader(s): Tamia62

Status: Completa

Serie: City Hunter

 

Total: 40 capitoli

Pubblicato: 25-06-03

Ultimo aggiornamento: 09-09-05

 

Commenti: 210 reviews

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ActionRomance

 

Riassunto: Ryô doit aider deux soeurs à affronter un lourd secret de famille ... Leurs noms: Sayuri Tachiki et Kaori Makimura...

 

Disclaimer: Les personnages de "Corps à Coeur" sont la propriété exclusive de Tsukasa Hojo (petit veinard). Béta lectrice: Félisoph (je te dois tout...) et Tamia62

 

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   Fanfiction :: Corps à Coeur

 

Capitolo 1 :: La mémoire des femmes

Pubblicato: 25-06-03 - Ultimo aggiornamento: 16-05-05

Commenti: J'ai commencé la publication le 25/06/03. Deux ans après, elle est enfin terminée. Je n'aurais jamais dû commencer à la mettre en ligne, je n'aurai jamais assez de mots pour demander pardon à mes potentiels lecteurs. J'espère que cette histoire, que j'ai voulu la plus conforme possible à l'univers de City Hunter (et que j'ai rédigée avec l'intégrale des volumes sur les genoux!), vous emportera aussi loin que je le désire. Il va sans dire que toutes les critiques sont attendues et bienvenues, tant sur le fond que sur la forme. Bonne lecture, avec une publication chaque week-end !

 


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Deux mois, sept jours, cinq heures et… quarante-deux minutes. Tout ce temps s’était écoulé depuis le jour où il m’avait enfin avoué qu’il m’aimait, après six années à jouer au chat et à la souris, pas mal de quiproquos et de coups du sort. On ne peut rien faire contre le temps ; les horloges mentent rarement.  

Deux mois que rien n’avait changé, ou si peu. Sept jours que je n’en pouvais plus, que la moindre chose me mettait en rogne, que j’avais envie de le transformer en sortie de bain à force de coups de massue dès qu’il ouvrait la bouche pour dire ses habituelles âneries.  

Pourtant, il est exactement le même qu’à notre première rencontre, rien de plus, rien de moins. Il vit, il sort, critique mon caractère, mon physique ou mon absence de vie amoureuse… Rien que de très normal, en somme.  

Rien de plus ou de moins… Voilà peut-être le problème. J’ai pourtant cru que je serais capable d’accepter cette « continuité dans le changement » selon la formule, faire comme si de rien n’était, prendre Ryô comme il est, un nettoyeur sans attaches qui ne peut pas ou ne veut pas avoir une vie « normale », toutes proportions gardées bien sûr. Un homme au passé trouble, qui n’existe pas pour l’état-civil de son pays, avec tout ce que ça implique au quotidien, qui a appris à tuer à l’âge où d’autres jouent aux jeux de construction, et vit comme s’il était en sursis… Et qui par-dessus tout est le plus bordélique, le plus obsédé, le plus fainéant des hommes qu’il m’ait été donné de rencontrer ! Soit, il est plutôt bel homme vu comme ça, dans le style « grand brun athlétique aux yeux gris », mais si jamais une paire de fesses passe à portée de son radar, il se fait « petit vicieux à langue pendante » en moins de temps qu’il ne m’en faut pour lui filer une raclée. Et pourtant je ne peux pas me passer de lui. J’ai appris à l’aimer malgré tout ça, en silence, priant pour qu’un jour il m’ouvre un peu les bras. Et il y a deux mois, alors que nous avions encore une fois risqué la mort, il a enfin dit les mots que j’attendais… Et puis PFIUT, plus rien.  

Pendant deux mois j’ai tenu le coup et le temps a passé assez vite finalement. Entre la convalescence de Miki, les disputes quotidiennes et les affaires courantes, nous n’avons pas vraiment pu nous poser et parler de ce qui s’était passé. Ou plutôt nous n’avons jamais saisi les occasions qui se présentaient à nous. Il y a bien eu des instants où tout semblait s’arrêter, où nos doigts se frôlaient par accident, où nos regards se croisaient… Alors mon cœur battait plus vite, comme s’il sentait que ces quelques secondes avaient une valeur particulière sur l’échelle du temps.  

Mais nos doigts se séparaient, notre attention se portait sur autre chose, et le moment passait. Chacun de nous attendait peut-être que l’autre fasse le premier pas. Non : nous savions l’un et l’autre que c’était impensable. Nous n’avons jamais appris à parler le langage des sentiments, ni l’un ni l’autre. Ah frérot, tu as loupé quelque chose dans mon éducation !  

 

Je dois bien l’avouer, penser que la relation qui a été la nôtre pendant six années puisse changer parait tellement incongru qu’il nous a été impossible de faire le moindre pas ! Chacun a son rôle, bien défini, et le joue du mieux qu’il le peut : moi le garçon manqué qui se met en colère dès qu’une paire de jambes franchit le seuil de l’appartement, lui le dragueur invétéré aux hormones aussi actives que celles d’un troupeau d’adolescents sous amphétamines.  

Et puis je n’avais jamais osé concevoir que Ryô puisse devenir l’homme d’une seule femme, encore moins que cette femme fut moi…Impossible de le visualiser en homme au foyer, casanier comme pas deux, ne cherchant plus à regarder par le trou de la serrure de la salle de bain lorsque de jeunes femmes s’y trouvent, ou restant de marbre devant une mini-jupe. Ce ne serait plus lui, et même si ses sales manies me mettent hors de moi et que je ne pourrai jamais m’empêcher de le corriger à chaque fois qu’il dérape, je ne lui demanderai jamais de devenir un autre. Lorsqu’on aime quelqu’un, on l’aime en entier, défauts y compris. Et Dieu sait s’il en a…  

 

Finalement, à bien y réfléchir, j’ai désiré pendant des années que notre relation change sans aller plus loin, sans penser au lendemain, à la vie de tous les jours. Conséquence sans doute d’une lecture trop intensive de ces maudits contes de fées qui vous racontent comment la princesse fut sauvée, vous laissent en transe avec un premier baiser, et ne vous racontent pas ce qui s’est passé le lendemain. Je n’ai vécu aucune histoire d’amour, traversé aucune tempête sentimentale. Je n’ai pas encore fait mes griffes en la matière.  

J’ai pourtant eu l’exemple de Falcon, puis de Mick, mais cela n’avait rien à voir : l’un et l’autre ne sont plus véritablement en service, même s’ils continuent à se frotter au milieu pour garder la forme.  

Mais Falcon et Miki, c’est une histoire à part, une belle histoire bien loin de la réalité. Celle de Mick et Kazue est elle aussi sans point commun avec la nôtre : bien sûr Ryô et Mick étaient comme deux frères jumeaux, dragueurs invétérés, sans attaches et sans remords ! Mais aujourd’hui Mick est sur le point de devenir un ex-dragueur… Bien sûr, il lui faudra encore pas mal de temps avant de perdre certains réflexes malheureux, mais Kazue n’a pas grand-chose à craindre : quant bien même il attraperait une fille dans ses filets, je ne suis pas sûre qu’il sache quoi en faire. Il est malgré lui accro à Kazue, et je pense qu’il lui sera fidèle.  

Il a beaucoup changé, et pas seulement à cause de leur relation : il a vu sa carrière prendre fin, et il a compris qu’il était temps pour lui de changer de vie. Kazue était prête à accepter son passé, et lui offrir un futur. Le destin les a présentés juste au bon moment. C’était là une chance qui leur était offerte et qu’ils ont saisie. Mais pour Ryô, tout cela n’est pas dans les projets à court terme… J’espère simplement qu’il l’envisagera avant qu’il ne soit trop tard.  

 

J’ignore à quel moment nous avons tacitement décidé de conserver notre relation de partenaires, d’amis, sans aller plus loin, même s’il sait pertinemment que je l’aime plus que de raison, et que de mon côté je sais qu’il tient à moi. Ça s’est fait naturellement, renoncement progressif à une certaine idée du bonheur.  

Mais je n’en peux plus ! A qui ai-je voulu faire croire que je pourrais rester indéfiniment à côté de lui en n’étant qu’une partenaire de travail ? Laisser passer les semaines, les mois, sans que rien ne se passe … Ce genre de chose est difficilement supportable, surtout lorsqu’on côtoie la mort chaque jour. Cela fait 6 ans que je suis amoureuse de lui, même si je m’en suis voulu parfois. Une midinette, voilà ce que je suis, au fond ! Pitoyable ! Mais il faut dire aussi que rester ainsi, à côté d’un homme qui est votre premier amour et dont on sait enfin qu’il tient à vous, j’appelle ça le supplice de Tantale.  

À présent j’ai la désagréable impression que l’occasion ne se représentera plus, que j’ai laissé passer ma chance, que plus rien ne changera. Et ça me donne envie de hurler !  

 

En fait c’est au bout de deux mois de ce petit jeu que j’ai ouvert les yeux. Il aura fallu une simple phrase, une toute petite phrase de rien du tout pour que tout bascule et me renvoie à la médiocrité de ma vie.  

Et c’est Miki qui m’y a aidé.  

Depuis son mariage, elle et moi avions passé beaucoup de temps ensemble, à discuter de ce qui avait changé dans leur couple, dans sa vie de tous les jours, sur ce sentiment nouveau d’être une femme comme les autres. Et tout ça entre deux coups de feu, dans la salle d’entraînement du Cat’s Eye… En fait, elle parlait pendant que je tirais : devenir une partenaire à part entière était devenu essentiel pour moi, parce que je sentais que tant que Ryô ne me considèrerait pas comme une « grande fille », je serais un poids pour lui.  

Miki m’a toujours entraînée, mais avec le mauvais attirail, avec ce revolver que Ryô avait amoureusement trafiqué pour me faire passer pour la dernière des cruches, une psychopathe de l’arme de poing, une catastrophe ambulante capable de faire déclencher le plan O.R.S.E.C. à la moindre apparition. Et puis Mick m’a ouvert les yeux : ce cher Ryô avait dévié la mire pour que je n’atteigne jamais mon but, et j’avais été suffisamment aveugle pour ne me rendre compte de rien. Incommensurablement stupide, en deux mots. Du jour au lendemain, lorsqu’il l’a correctement réglé, j’ai été capable d’atteindre la cible. Depuis je travaille assidûment, à son insu. Il m’a ridiculisée suffisamment de fois pour que j’aie le droit de goûter le petit plaisir de voir sa tête le jour où il se rendra compte que je sais toucher le centre d’une cible. J’ai ma fierté, et je ne lui en parlerai pas avant d’être au point. J’ai même pris l’habitude de me doucher en rentrant et de changer de vêtements pour qu’il ne sente pas l’odeur de poudre sur ma peau. Quant aux ampoules qui se forment parfois sur la paume de ma main, elles sont suffisamment discrètes pour qu’il ne les remarque pas.  

Parfait professeur, Miki m’a pourtant fait comprendre que le tir n’est pas l’essentiel de la vie d’un nettoyeur. Dans son sous-sol, nous avons passé pas mal d’heures à monter de toutes pièces de véritables parcours du combattant et à développer mes réflexes. J’ai béni mes cours d’aérobic de m’avoir donné une musculature et une endurance suffisantes pour tenir à peu près le choc ! Il y a eu pourtant des réveils très difficiles où j’en venais à calculer le nombre minimum de mouvements qu’il me faudrait pour m’habiller. Note personnelle à retenir à l’avenir: la jupe est bien plus pratique à enfiler que le pantalon, attacher un soutien-gorge à l’arrière est une torture, et il faut renoncer aux T-Shirts quand les muscles des épaules ont été sollicités plus que de raison !  

Elle m’a également montré quelques petits « trucs » bien utiles pour une filature efficace. Une fois, nous avons suivi Ryô pendant toute une après-midi sans qu’il nous repère. J’ai découvert pas mal de choses sur lui ce jour-là, comme sa faculté à encaisser les baffes, sa prédilection pour les petites culottes bleu pâle (bon à savoir), son entêtement à essuyer les refus (57 rebuffades en 4 heures), mais aussi l’attention qu’il porte aux gens qui l’entourent, à « sa » ville. En voyant cela, j’ai décidé de m’entraîner encore et encore, pour un jour l’aider à mon tour. Bien sûr, je ne serai jamais au niveau de filles comme Miki ou Saeko, mais au moins si je pouvais lui éviter de se porter systématiquement à mon secours, ce ne serait déjà pas mal.  

 

Au final, le temps est passé assez vite et je ne m’étais pas rendue compte que nous stagnions, jusqu’à une discussion autour d’une tasse de café pour nous remettre de nos efforts… Falcon était parti je ne sais où, et la conversation avait rapidement tourné autour de son passé, de la nouvelle vie qu’il avait commencée, jamais très loin des combats et de la mort, mais qui lui permettait pourtant de se lever le matin sans avoir peur de ne pas voir le soir. Et puis nous avions glissé sur la vie normale de couples normaux, y compris la vieillesse, les enfants…  

« Tu sais Kaori, nous sommes mariés depuis plus d’un mois maintenant, il est grand temps que Falcon et moi parlions d’avenir ! »  

 

Une phrase, et tout s’arrête.  

Inutile de prétendre que pendant cette période je n’avais plus pensé à ce qui s’était passé dans cette clairière, surtout à cette gravité si peu habituelle chez lui. Sur le moment je n’avais pas pu y croire, comme un enfant à qui l’on offre le plus beau des cadeaux et qui n'ose l'ouvrir de peur de le voir disparaître. Et puis il m’avait prise dans ses bras et serrée comme s'il avait peur que je disparaisse. Par ce simple geste, il me faisait comprendre que je lui appartenais. La combinaison de ses mots et de son sourire était une arme plus fatale que son Python.  

C’était toujours dans un coin de ma tête et de mon cœur, m’aidant à me lever le matin, accompagnant mes rêves la nuit. J’avais vécu en pensant être pleinement heureuse (sauf bien sûr lorsqu’il rentrait à trois heures du matin, nimbé d’effluves mêlant sueur, alcool et parfums féminins bon marché… mais dans ces cas-là, je me défoulais un bon coup en lui faisant la « leçon », et la page était tournée).  

 

Je peux encore nous voir, regagnant la voiture en silence en nous tenant par la main, Falcon derrière nous, plus rouge que jamais. Sur le chemin du retour, Ryô avait décidé de prendre le volant et de faire rager Falcon par la même occasion, en lui signifiant qu’il n’aimait pas la façon de conduire des aveugles, trop agressive à son goût. Assise derrière lui, je n'avais pu me décider à perdre le contact de sa peau, et j'avais laissé ma main sur son bras durant tout le trajet. Tout le monde nous avait accueillis en souriant, heureux de nous voir vivants…  

J’avais dû m’endormir dans la voiture : je m’étais réveillée en pleine nuit, blottie sous une couverture chaude… Par réflexe, j’avais regardé sous les draps : seules mes chaussures manquaient… Quelques jours auparavant j’aurais hurlé, vexée qu’il ne me considère pas comme une femme digne d’être regardée, même si cela signifiait subir les assauts d’un obsédé sexuel… Mais ce soir-là peu importait : il tenait à moi, il l’avait dit.  

 

Cette nuit-là, pour la millième fois peut-être j’avais rêvé d’un homme qui me prenait dans ses bras, et me promettait que tout irait bien à présent, que je ne serais jamais seule. Pour la millième fois, cet homme avait les cheveux noirs et des yeux gris, et son parfum était une combinaison d’after shave et de poudre de revolver. Et pour la première fois, je m’étais réveillée sans que mon cœur se serre.  

Si je veux être honnête, j’ai repensé à cet instant de vérité chaque jour, chaque heure, mais un mot n’avait pas franchi mes lèvres pendant ces deux mois : le mot « avenir », et je me suis rendue compte à cet instant précis où Miki a fini sa phrase que j’étais incapable de visualiser notre futur. Tout ça résonnait et résonne encore étrangement à mes oreilles.  

Quelle ironie… Si je devais me présenter aujourd’hui, je pourrais résumer ce que je suis en une simple phrase : « Kaori Makimura, 26 ans, célibataire, sans travail officiel, sans avenir ».  

 

En rentrant du Cat’s Eye, j’avais attendu Ryô pendant deux bonnes heures, recroquevillée sur le canapé, essayant désespérément de réchauffer mes mains et mon âme avec une tasse de thé brûlant. Comment oublier la scène pathétique qui s’est déroulée.  

- « Ryô, il faut qu’on parle »  

- « De quoi ? Je suis crevé, j’ai faim… ça ne peut pas attendre ? »  

- « C’est important. Tu sais, il y a deux mois… »  

- « J’avoue, j’avoue, je t’ai piqué des sous-vêtements, mais c’était par erreur, j’ai cru qu’ils appartenaient à notre cliente, je ne le referai plus je le jure, ne m’accablez pas de votre courroux ô divine déesse »  

Que répondre à un imbécile qui se prosterne à vos pieds avec sur le visage l’expression éveillée d’une bernique en hibernation ? J’ai un instant hésité entre le tuer sur place et lui perforer les tympans à force de hurlements, mais je me suis arrêtée en plein mouvement. Ma massue ne l’a pas démoli. C’est moi qui l’ai été.  

 

Il ne voulait pas en parler. C’est fou comme je peux ne pas voir ce qui est devant mon nez, parfois. Il ne voulait pas qu’il existe de nous, il ne voulait pas que nos vies changent. Jamais.  

Dans dix ans, si je ne suis pas morte d’ici-là, je pourrai resservir le même discours… « Kaori Makimura, 36 ans, célibataire, sans travail officiel… sans avenir… sans enfants. ».  

Sous le choc de l’évidence, j’avais reposé ma massue et monté très calmement les marches qui mènent jusqu’à ma chambre. Trop calmement sans doute : j’avais senti le regard de Ryô sur moi jusqu’au palier. Je pouvais encore le sentir lorsque j’ai refermé la porte et que je me suis assise sur le lit, les genoux sous le menton, les bras autour de mes jambes pour faire disparaître le froid qui me glaçait.  

Je me souviens vaguement avoir regardé la photo qui orne ma table de nuit, celle où j’embête mon frère. Il me manque terriblement dans ces moments-là, lorsqu’on aimerait parler à quelqu’un, pas forcément pour avoir un avis ou un conseil, juste pour être écouté.  

Et puis j’avais pris sur moi, comme toujours. Une heure plus tard j’allais chercher Ryô dans sa chambre en pestant contre son manque de ponctualité, maugréant que le repas n’attendrait pas son bon vouloir avant de refroidir, et que j’apprécierais qu’il descende avant le lendemain. Il m’avait regardé avec un mélange de surprise et de soulagement : je lui avais offert une sortie de secours après tout…  

 

Chacun de nous avait fait un effort pour meubler la conversation, mais nous avions pour ainsi dire mangé en silence… Tout comme les sept jours qui ont suivi… Oh la vie quotidienne ne différait pas beaucoup de l’habitude ! Les visites au tableau des messages, les disputes sans fin lorsque je le tirais jusqu’à la sortie de la gare pour distribuer des prospectus, ses fugues à la moindre occasion, mes coups de massue lorsque je le retrouvais au Cat’s Eye plusieurs heures plus tard, éreinté d’avoir couru derrière la moindre paire de fesses un tantinet ferme, la joue rouge d’avoir reçu des gifles retentissantes… Rien de bien extraordinaire en somme.  

Mais lorsque le soir tombait sur la ville, que nous rentrions chez nous, que seuls les bruits étouffés de la circulation nous parvenaient et renforçaient l'intimité de l'appartement, la tension s'installait immanquablement entre nous.  

Alors nous avions instauré une sorte de rituel pour faire la paix dans une guerre non déclarée : après le repas, il s’installait dans le salon pendant que je préparais le café, et nous partagions le silence en buvant.  

 

Mais là, deux mois, sept jours et quelques heures plus tard, j’en ai eu assez.  

 

Ryô s’était déjà rendu dans le salon tandis que je m’étais volontairement attardée dans la cuisine, nettoyant la moindre tâche qui pouvait subsister sur le plan de travail. Le café passait doucement, embaumant la pièce. J’ai toujours adoré l'odeur du café, son arôme chaud et corsé. Il me réchauffe, me rassure.  

Mon regard s’est posé sur l’horloge murale et c’est alors que j’ai mentalement compté le temps qui s’était écoulé depuis cet instant où il m’avait prise dans ses bras. Pourquoi diable faut-il que les femmes naissent avec une particulière capacité pour retenir les dates avec précision ?  

 

Je ne sais pas ce qui m’a pris… Peut-être est-ce mon reflet aperçu dans la vitre, cette image d’une jeune femme à l’allure androgyne et aux yeux tristes, qui m’a décidé à tenter quelque chose. J’ai ouvert les premiers boutons de mon corsage, remonté ma jupe de quelques centimètres et ôté les chaussons ornés d’une tête de lapin qui me paraissaient soudains totalement stupides. Puis j’ai pris une grande inspiration, et sans vouloir plus y penser j’ai emporté le plateau dans le salon.  

 

Il était accoudé au balcon, fumant une cigarette en prêtant une attention particulière à chaque bouffée. Je connais bien cette manière particulière d'être plongé dans ses réflexions, et j’essaie au maximum de respecter son besoin d'intimité dans ces moments-là. Laissant le plateau sur la table basse, je me suis assise sur le coin du fauteuil en m’efforçant de prendre une pose féminine, sans être provocante. Hors de question de me jeter à son cou ou d’en faire trop, je voulais juste avancer un pion, me tester et le tester en même temps… Je ne pouvais pas détourner les yeux de cette silhouette masculine que je connaissais déjà par cœur. Les muscles de son dos et de ses épaules, qui jouaient sous le t-shirt à chaque fois qu'il portait sa cigarette à sa bouche… Sa façon unique de croiser les jambes, d’être à la fois au repos et aux aguets… Son expression que je devinais un peu mélancolique, ce soir… En le regardant, j’ai ressenti avec force que je l’aimais pour tout ce qu’il était, et même pour ce qu’il n’était pas. Il a fait de moi une femme heureuse et hors du commun, malgré tout.  

 

Il est rare que je puisse ainsi l’observer à la dérobée. Son instinct l’avertit tout de suite, et je ne voulais pas être prise en faute… Où plutôt je n’avais pas voulu jusqu’ici être surprise en train de le dévorer des yeux. En cette minute, peu importait. Je l'aimais, c'est tout, pour le meilleur et pour le pire.  

 

Et puis au bout d’une minute ou d’une éternité, il s’est retourné. Je crois que sa cigarette serait tombée si elle n’avait pas été collée à sa lèvre… Un éclair a traversé son regard, mêlant diverses expressions : surprise c’est certain, incompréhension assurément, peut-être une pointe de désir, ou bien était-ce dans mes rêves ?… Et puis il s’est repris, et j’ai su que j’avais perdu la bataille.  

Enfin pas tout à fait : j’avais entrevu ce qui chez lui est un réflexe anatomique, dans les basses régions de son anatomie. À quoi tient la résistance du meilleur nettoyeur du Japon et peut-être même d’ailleurs ? À trois boutons de chemisier…  

Oui, j’ai perdu la bataille, mais pas la guerre. Il a tenté de se tirer d’affaire par un « Kaori, ton café a l’air presque potable » qui lui a valu une rencontre frontale avec le plateau, tandis que je buvais avec un calme qui m’a moi-même surprise.  

Lorsqu’il est parti dans sa chambre en râlant contre mon mauvais caractère, j’ai souri : un jour il ne pourra plus se défiler comme un enfant. Je le connais mieux qu’il ne le croit. Je sais qu’il va sortir, se saouler jusqu’à ne plus pouvoir rentrer qu’en rampant au petit matin, tout ça pour éviter de me croiser… À défaut, la seule alternative est celle de l’échange de mots plus acides que du vinaigre, et pour finir de la bastonnade.  

 

« Bonne nuit Ryô » sont les derniers mots qui s’échappent de mes lèvres avant un ultime bâillement.  

 

~ ~ oOo ~ ~  

 

 


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