Chapitre 15 :: 15

Publiée: 28-05-04 - Mise à jour: 28-05-04

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Lorsque Ryô revint quelques heures plus tard, force était pour lui de constater que Kaori avait accompli un travail impressionnant. Un tas de bois jonchait le sol, et un léger crépitement lui indiquait qu’elle avait réussi à allumer un feu. L’installation se trouvait près du canot transformé, à l’occasion, en refuge de dernière minute.  

La couverture du bateau était tendue grâce aux rames et aux lambeaux de sa robe transformés en cordelettes. Quelques noix de coco trônaient sur une grande feuille de palmier. Un gigantesque coquillage lui servait de plat, et deux grands bâtons, de couverts. Sidéré par tant de débrouillardises, Ryô s’installa près du campement et adressa un sourire sincère à la jeune femme. Stupéfaite, celle-ci se sentit rougir jusqu’à la pointe des cheveux. Dieu qu’il était beau quand il souriait ainsi…  

Cachant son malaise, elle s’activa à préparer le repas. Elle s’agenouilla et se mit à cuisiner. Ryô avait ramené de bonnes choses à déguster.  

Surprise de se sentir de bonne humeur malgré les circonstances, elle s’octroya néanmoins cet instant de paix et de sérénité. Un sourire à damner tous les saints illuminait son visage. Ryô n’était certes pas un saint, loin de là, mais ce sourire l’envoûtait plus que de raisons… Profitant que Kaori avait la tête baissée, Ryô prit ses aises. Assis en tailleur, le dos contre le bateau, à l’ombre, il prit tout le loisir de la contempler. Innocemment bien entendu !  

Rarement il se prenait à rêvasser, ou s’il s’aventurait à réfléchir sur ses sentiments, ils les noyaient sous des litres de rhum ! Cependant, cette jeune femme l’intriguait. Il se dégageait une aura apaisante et piquante tout à la fois. Et au-delà de ses convictions de loup solitaire, il prendrait soin d’elle, loyal à la promesse faite à Makimura.  

Kaori, avait, pendant ce temps, décidé de profiter du nectar des noix de coco. Prenant l’une d’elles, qu’elle maintint en place sur une vieille souche d’arbre, elle ramassa un énorme caillou, de sa main valide.  

Un craquement se fit entendre et Kaori s’exclama de joie. Elle avait réussi.  

TAK !  

-« Kaori ! »  

Le ton de la voix fut net et cassant ! La jeune femme, innocemment, tourna la tête vers Ryô. Elle s’empressa de suite de ravaler ses éclats de rire, en plaquant sa main contre sa bouche.  

Une moitié de la noix s’était figé à quelques millimètres de Ryô, à quelques millimètres de son bien le plus précieux. Pour couronner le tout, le lait de coco dégoulinait de l’entrejambe de son pantalon.  

Kaori haussa les épaules et afficha un sourire ensorcelant.  

-« Désolée ! »  

Ryô fut incapable de lui en vouloir plus que ça. Deviendrait-il sensible ? Lui ? Impossible. D’un geste de la main, il balaya la discussion et détourna la tête fièrement.  

-« Désolée, Tssssss ! Crétine ! Les centaines de filles qui me connaissent, elles, elles auraient été désolées ! » Persifla-t-il faiblement.  

-« Je vous demande pardon ? »  

-« Non, non rien ! On mange quand ? »  

-« Encore un peu de patience. »  

Ryô fut sidéré de voir à quel point Kaori pouvait être charmante et attentionnée. Il se renfrogna. Devenait-il gâteux à force de côtoyer cette bonne femme ?!  

Prenant la noix de coco, il l’observa avec un intérêt soudain. Il s’aperçut, ravi, que quelques gouttes du lait s’y trouvait encore. Il prit sa bouteille de rhum et en versa une bonne lichée. Puis, tout en faisant tournoyer le mélange, il laissa son regard traîner vers l’objet de son trouble intérieur.  

Que faisait-elle là ? Avait-elle été au mauvais endroit au mauvais moment, tout simplement ? Ou se pourrait-il que son passé soit tout aussi tragique que le sien ? Makimura, sa sœur… Sugar Boy ! La charmante petite gamine qu’il avait surpris une fois en train de farfouiller dans les affaires de son frère ! L’attachante jeune fille qui lui avait confié ses peines et qui aurait tout donné pour son frère de cœur. Orpheline recueillie par la famille Makimura... Elle n’avait pas beaucoup changé depuis ce temps, toujours cette lueur d’innocence dans ses yeux.  

-« On peut manger maintenant. »  

Kaori n’obtint pas de réponse. Ryô continuait, au fil de ses pensées, de se poser quelques questions. Si Kaori était orpheline, pourquoi Hideyuki lui avait demandé, à lui, de prendre soin d’elle ?  

-« Ryô ? »  

Que devait-il faire ? La garder près de lui ? L’emporter dans son monde cruel et sans pitié ? En avait-il le droit ?  

De dépit, il prit une bonne rasade de rhum. Déjà un peu éméché, il ne s’aperçut pas que Kaori le hélait pour la énième fois.  

-« Ryô… »  

Surpris, celui-ci leva la tête et croisa le regard inquiet et curieux de la jeune femme, laquelle se trouvait à deux doigts de lui.  

Son sourire était une véritable bouffée d’oxygène, le parfum de sa peau l’enivrait, sa présence contrariait tous ses principes.  

Tentant de faire diversion, et surtout d’arracher toutes ces inepties de son esprit, il lui adressa un sourire bien plus niais qu’il n’aurait voulu. Se grattant la tête, il ricana bêtement. Sa main tenait le flacon; les vagues de rhum ondulaient au rythme de ses mouvements.  

Kaori s’écarta un peu, soupçonneuse.  

-« On peut savoir d’où vient cette bouteille ? » demanda-t-elle d’une voix faussement détachée.  

Ryô se figea. Il sentit émaner de cette dernière, une sourde colère. Une ombre menaçante masqua le Soleil, Kaori semblait occuper tout l’espace.  

-« Quelle bouteille ? » osa-t-il formuler fébrilement, cachant le dit objet derrière son dos.  

Avalant une grande goulée d’air pour calmer ses bouffées de colère, Kaori crispa ses mains le long de son corps.  

D’une force herculéenne, elle extirpa le bras de Ryô et attrapa la cause de leur fâcherie. Ryô tenta par désespoir, de feindre l’ignorance la plus totale.  

Ouvrant de grands yeux hébétés, il désigna la bouteille en remuant frénétiquement ses doigts.  

-« Qu’est-ce que… ? Diablerie ! … Qui donc a pu mettre cette bouteille dans mes mains ? ... Que … ? »  

-« ON SE TAIT ! » Ordonna Kaori d’un ton sans appel, le regard obscur.  

Ryô obtempéra de suite. Maintenant totalement dégrisé, la vérité était évidente. Ses épaules s’affaissèrent, vaincu. Il reconnut en son bourreau, la personnification de la sentence qu’il lui était attribué : la punition de ses nombreux péchés envers la gente féminine. Il avait trouvé son Dieu…ou plutôt sa déesse...  

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