Hojo Fan City

 

 

 

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Rated G - Prose

 

Auteur: Mercury80

Status: Complète

Série: City Hunter

 

Total: 55 chapitres

Publiée: 11-04-21

Mise à jour: 24-08-21

 

Commentaires: 36 reviews

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DrameRomance

 

Résumé: "Je survivrai par n'importe quel moyen pour celle que j'aime." Survivras-tu pour moi ?

 

Disclaimer: Les personnages de "Toi et moi sans toi" sont la propriété exclusive de Tsukasa Hojo.

 

Astuces & Conseils

Comment faire un jeu dont vous êtes le héros?

 

Il y a un lien tutorial qui peut vous aider. Tutorial

 

 

   Fanfiction :: Toi et moi sans toi

 

Chapitre 33 :: Chapitre 33

Publiée: 24-07-21 - Mise à jour: 24-07-21

Commentaires: Bonjour, voici la suite de l'histoire. MErci pour vos commentaires qui font toujours aussi plaisir. Bonne lecture et bon samedi.

 


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Chapitre 33  

 

Je prends mon courage à deux mains et baisse la couverture jusqu’à tes hanches avant de relever ta blouse pour découvrir ton ventre arrondi. C’est un geste que j’ai déjà accompli tant de fois que ça ne devrait plus rien me faire mais ce que j’appréhende, c’est ce que je vais faire car, pour une fois, il ne s’agit pas de te laver ou d’étaler de la crème hydratante… quoique ça peut peut-être m’aider, me dis-je. Je prends une dose de produit, la fais chauffer entre mes paumes pendant quelques secondes puis pose les mains sur ton abdomen.  

 

- Le produit de Kazue semble faire encore plus effet sur toi que sur moi. Peut-être parce que les cicatrices sont plus récentes…  

 

Je sais que je ne fais que gagner du temps mais il me faut ça avant d’entrer en matière. Mes mains glissent sur l’arrondi, d’abord à la base avant de remonter jusqu’au sommet. C’est étrange de penser qu’avant, il était complètement plat. Ca me fait un peu peur, j’avoue, surtout avec la cicatrice sur ton abdomen. Je fais confiance à mes amis pour prendre soin de toi mais ça n’a pas empêché un ou deux cauchemars où j’imaginais que ta peau se déchirait sur toute la longueur.  

 

Je chasse ces pensées importunes et me concentre sur mon objectif. Je sais que, ce matin, nous ne serons pas dérangés. Sayuri est au bureau et Mick a un rendez-vous. J’ai donc quelques heures devant moi pour me lancer mais plus vite ce sera fait, mieux ce sera, je le sais. Par quoi commencer ? Que dire ?  

 

- Bonjour… toi. Je ne sais pas si tu es un bonhomme ou une demoiselle. Il faudra que je décide aussi de cela, savoir ou ne pas savoir. Savoir, je pense, non ? Tu en as peut-être assez qu’on te dise lui ou bébé. Je dois avoir l’air d’un imbécile à te parler ainsi. Je te pose des questions auxquelles tu ne me répondras pas mais je ne sais pas quoi te dire en fait.  

 

Je me sens frustré. Je ne me sens pas à la hauteur. Tout cela me semble forcé et terriblement maladroit alors que, toi, tu aurais certainement fait mieux. Je suis sûr que ce serait naturel pour toi. Qu’est-ce que tu ferais, Kaori ? Qu’est-ce que tu lui dirais ? Ma main droite toujours posée sur ton ventre, je prends la tienne de l’autre comme en soutien muet.  

 

- Tu veux peut-être savoir à qui tu as à faire ? Je peux peut-être te parler un peu de moi, juste un peu, la version grand public parce qu’il y a des choses de moi qu’il ne sert à rien que tu saches, comme ta mère d’ailleurs. Elle en soupçonne peut-être l’horreur mais elle ne la comprendra certainement jamais entièrement et c’est mieux ainsi. Toi, je ne veux même pas que tu le saches, pas avant très longtemps. J’ai envie que tu te dises que ce monde est beau et que tu puisses rêver comme un enfant pendant très longtemps même si je doute que ce soit jamais longtemps assez à mon goût. Il sera toujours trop tôt pour que tu découvres la laideur et la bassesse, la violence, la guerre…  

 

Je m’arrête dans mon élan, me sentant coupable. Je doute que ce soit ce genre de choses que l’on raconte à un bébé à naître. Il n’a pas besoin de mes regrets, de mon amertume. Il a besoin d’espoir, de joie, d’amour. Je regarde ton visage endormi avec un pincement au cœur. Il a besoin de toi.  

 

- Pardon, je n’aurais pas dû te parler de cela. Je voulais juste te dire que je protégerai tes rêves autant que je le pourrai. Je serai là pour t’épauler, te secourir, te tendre la main pour t’aider à te relever quand tu seras tombé. Tu apprendras que je suis bien meilleur dans les actes que dans les mots. J’espère que je serai capable de m’occuper de toi et de te donner la confiance en toi dont tu auras besoin. J’espère… j’espère que tu te sentiras aimé. Quoiqu’il arrive, tout ce que je veux, c’est une belle vie pour toi.  

 

Je garde le silence un moment, une boule semblant obstruer ma trachée. Je ne vais pas m’enfuir à toutes jambes mais j’ai encore plus peur de l’accepter dans ma vie que je ne l’ai eu avec toi. Sachant comme ça a déjà été compliqué pour nous, c’est dire les pensées qui me trottent dans la tête. Avec toi, on peut se parler quand quelque chose ne tourne pas rond, on s’ajuste, on fait des compromis mais avec un bébé, je sais que ce ne sera pas pareil. Je sais que j’ai mes limites, j’en suis conscient désormais, mais il n’y aura pas d’échappatoire possible. Hors de question de fuir pendant quinze jours pour réfléchir ou sombrer et revenir la fleur au fusil en demandant pardon.  

 

- Tu ne l’as peut-être pas voulu mais ne l’as-tu jamais désiré ?, m’as demandé le Professeur il y a quelques semaines.  

 

Je n’ai jamais voulu réfléchir à cette question mais il serait peut-être temps.  

 

- Tu n’as jamais été dans mes projets. Pour moi, avoir un enfant était exclus. Je sais que j’ai vendu quelque part mon point de vue à ta mère. Elle l’avait accepté malgré son amour de la famille. Je ne pouvais pas avoir d’enfant avec la vie qu’on mène. Mais tu apprendras que le vieux schnock voit souvent juste en ce qui me concerne. Je t’ai rêvé quelques fois depuis que j’ai laissé ta mère entrer dans ma vie. Pour moi, c’était le plus que je pouvais avoir, des rêves, une utopie, une chimère, quelque chose qui fait du bien et qui fait mal aussi. On ne t’a pas voulu mais je ne pense pas me tromper en disant qu’on t’a tous les deux désiré même si on n’en a jamais parlé.  

 

Voilà, c’est dit, à voix haute en plus. Ma famille qui ne pouvait comporter que deux personnes et était normalement complète peut désormais en contenir trois. Ce bébé, je le voyais au début comme un accident de parcours mais c’est en fait un miracle comme l’a été ton arrivée dans ma vie. Difficile de croire que de quelque chose de mauvais, d’autres meilleures peuvent en naître. J’aurais préféré que Maki ne meure pas ce jour-là et qu’il nous présente tout simplement tout comme j’aurais préféré que tu n’aies pas d’accident le jour où il a été conçu et qu’on ait décidé de l’avoir mais, si pour le premier, ce serait peut-être arrivé, les chances étaient grandes que nous ne parlions jamais de ce bébé qu’on aurait continué de désirer chacun de notre côté mais tu pour ne pas prendre de risque supplémentaire de souffrir en ce qui me concerne, de me faire souffrir en ce qui te concerne.  

 

- Ta mère, comme tu le verras, est quelqu’un de bien, de formidable même. C’est une battante et elle a le cœur sur la main même si elle a aussi ses travers. Par pitié, qu’elle ne t’ait pas transmis le gêne des massues… Je suis mal barré si vous êtes deux à vous y mettre., dis-je en plaisantant.  

- Non, tu auras de la chance de l’avoir. Elle rattrapera certainement mes maladresses. Elle saura me montrer comment faire, elle saura me montrer comment être ton…  

 

Je bute sur le dernier mot. Il reste bloqué à l’entrée de mes lèvres. Je regarde ton ventre avant de remonter sur ton visage. J’ai un choc en croisant ton regard noisette. Un moment, on reste ainsi connectés avant que tes paupières ne se ferment à nouveau. Je n’ai rien discerné de particulier dans ton regard, pas de joie, pas d’amour mais pas de douleur non plus, tu as juste ouvert les yeux et, malgré tout, ça me fait du bien, ça me redonne du courage parce que c’est un signe.  

 

- Je te l’ai dit, bébé, ta mère est une battante et, quand elle sera là, elle me montrera comment… comment être ton père., réussis-je à finir ma phrase malgré ma trachée serrée.  

 

Je sais que tu seras là. Tu mettras peut-être un peu de temps à arriver, tu ne comprendras peut-être pas tout de suite comment tu t’es retrouvée avec un bébé sur les bras mais tu t’adapteras et tu trouveras ta place et je sais que, même si tu rates le début, tout ira bien, vous trouverez votre place tous les deux. Après tout, on a bien réuni un père soi-disant décédé et sa fille après plus d’un an de séparation et leur a permis de reprendre une vie heureuse à deux. Il n’y a pas de raison que ça ne marche pas pour nous. Cette fois, ce sera à moi de tout faire pour vous faciliter les choses et je n’aurais pas de ministre à faire tomber. J’aurais même un allié de taille, parmi d’autres, que je n’aurais pas à berner.  

 

- Tu te souviens du mauvais tour que j’ai joué à Umi ? C’était l’affaire Hagio avec la petite Michiko. Je me suis fait passer pour le secrétaire du ministre et je lui ai fixé un faux rendez-vous pour prendre sa place. J’arrive pas à croire qu’il n’y ait vu que du feu. Il faut dire que j’ai un don pour l’imitation de voix mais…  

 

Je m’arrête et te regarde. J’ai un don pour l’imitation de voix. Je sais imiter les voix de tous ceux que j’entends, homme comme femme, et, s’il y a bien une voix que j’ai entendue à loisirs sur à peu près tous les tons, c’est la tienne. Je ne sais pas si c’est bien mais j’ai le sentiment de devoir le faire, pour toi, pour lui. Tu peux parler au bébé… enfin, je peux le faire pour toi.  

 

Un peu nerveux à l’idée de ce que je vais faire, je prends tes deux mains et les pose sur ton ventre, les maintenant en place.  

 

- J’espère que tu ne m’en voudras pas, Kaori. C’est pour vous deux que je le fais., te dis-je.  

- Bonjour… mon grand…  

 

Je n’ai aucune idée du petit nom que tu lui donnerais alors j’utilise celui que tu donnes aux enfants de l’orphelinat. J’ai un peu de mal à continuer parce que, même en sachant que c’est moi qui parle, ça fait tout drôle d’entendre ta voix après des mois de silence de ta part. Sans vraiment réfléchir, j’ai pris cette intonation douce que tu as lorsqu’on est tous les deux enlacés et qu’on se parle de tout et de rien. J’en ai même le cœur qui bat plus vite.  

 

- C’est maman. Je… Je suis heureuse que tu sois là. J’ai hâte de te connaître mais tu… tu as le temps d’arriver.  

 

Je n’avais pas imaginé que ce serait si compliqué. Je suis obligé de me concentrer pour ne pas flancher en plus de devoir trouver les bons mots, ceux que tu utiliserais, ceux qui montreraient tous ce que tu ressens pour ce petit être qui grandit en toi, le fruit de notre amour, un amour à la fois simple et très compliqué, qui s’est imposé à nous mais contre lequel je me suis longtemps débattu.  

 

- Tu verras, on sera heureux tous les trois. Papa et moi, nous t’aimerons et te protégerons. Nous ne laisserons personne te faire du mal. Je te lirai des histoires, chanterai des comptines. Je t’emmènerai au parc…  

 

C’est quelque chose que tu feras, j’en suis sûr, et, moi, j’y serai aussi avec vous. Je regarderai notre enfant rire et courir et te regarderai sourire tendrement, laissant transparaître tout le bonheur que tu ressens. Tu le prendras par la main pour le ramener vers moi et je le soulèverai dans les airs quand il courra vers moi… On aura ces moments-là.  

 

- On fera des gâteaux pour papa, on ira à la plage et on fera des châteaux de sable. Je soignerai tes bobos, te ferai de gros câlins quand tu seras triste ou que tu auras fait un cauchemar. Je…  

 

Soudain, la porte s’ouvre et je me tourne, magnum en main. Je mets quelques secondes à la baisser en faisant face à Mick, le regard hagard braqué sur toi, toujours endormie.  

 

- J’ai… J’ai cru entendre sa voix…, murmure-t-il, la gorge serrée.  

- C’était moi, juste moi l’imitant., lui dis-je, voyant la déception se peindre sur son visage.  

 

Il me regarde et, pendant un dixième de seconde, j’ai l’impression qu’il est au bord des larmes mais ça ne dure pas. Malgré tout, par égard, je me retourne en rangeant mon arme avant de me rasseoir près de toi.  

 

- Pourquoi ?, me demande-t-il, venant à mes côtés.  

- Pour que le bébé entende sa voix, qu’il apprenne à la connaître., lui dis-je simplement, repositionnant correctement tes bras.  

 

Face à son silence, je jette un œil et je vois ses yeux fixés sur ton ventre arrondi. Doucement, je tire ta blouse sur ta peau dénudée, la glisse sous la couverture que je remonte.  

 

- C’est étrange de voir son ventre ainsi. Je n’arrive pas encore à y croire., m’avoue-t-il.  

- Je sais et, pourtant, c’est bien réel. Je l’ai vu bouger. Je ne l’ai pas encore senti mais je l’ai vu et il est bien vivant.  

 

Il acquiesce et se laisse tomber sur la chaise, visiblement abattu.  

 

- Je croyais que tu avais un rendez-vous ?, me souviens-je.  

- Annulation de dernière minute. Je me suis dit que j’allais quand même passer pour la voir et te soulager un peu aussi mais, visiblement, je tombe mal., s’excuse-t-il.  

- Je vais te laisser., fait-il, se levant.  

- Non, reste si tu veux. Je suis désolé de t’avoir fait penser qu’elle s’était réveillée. Je ne pensais pas qu’on m’entendrait du couloir.  

- Juste derrière la porte… mais je suis étonné que tu ne m’aies pas senti arriver., me dit-il, un sourcil levé.  

- J’étais concentré sur eux deux.  

 

J’ai baissé la garde, c’est vrai. En toutes autres circonstances, ça aurait pu me coûter la vie mais je me sens relativement protégé à la clinique et, si je n’ai pas senti Mick arriver, il en aurait été tout autre d’une personne aux intentions meurtrières, je le sais.  

 

- Elle a ouvert les yeux, Mick. Spontanément, sans stimuli douloureux. Ca n’a pas duré longtemps mais elle l’a fait.  

- C’est vrai ? C’est bon signe, non ?, s’exclame-t-il, un sourire revenu.  

- Oui. Elle va revenir. C’est pour cela aussi que je prépare son retour d’une certaine manière. Le bébé sera peut-être un étranger pour elle mais je ne veux pas qu’elle le soit pour lui. S’il est habitué à elle, je suis sûr que ce sera plus facile pour elle de l’accepter.  

- Certainement… Ca fait plaisir de te voir si impliqué. Tu as déjà commencé à préparer son arrivée ?, m’interroge-t-il.  

- Non, je n’en suis pas encore là. Il me reste quatre mois et demi encore.  

- Ca passe vite, Ryo. Et si elle se réveille et que tu veux être là pour l’aider à se remettre sur pieds, tu ne pourras pas tout faire. Si on se faisait un atelier peinture samedi ?, me propose-t-il.  

 

On ne peut pas dire qu’il se perde en conjectures celui-là. Je ne suis pas sûr de vouloir accélérer les choses mais il n’a pas tort. Je ne dois pas trop tarder à préparer certaines choses même si j’aimerais que tu sois là pour choisir. Il va falloir que je prenne les décisions en attendant et, en matière de décoration, il n’y a rien d’irréversible.  

 

- Pas celui-ci mais le suivant alors. Le Professeur a prévu une écho la semaine prochaine et il saura peut-être me dire si ce sera une fille ou un garçon. Ca aidera un peu., lui dis-je.  

- Tu vas partir dans du rose ou du bleu. Je te croyais moins classique…, me taquine-t-il.  

- Non pas vraiment mais on verra si on choisit le motif magnum ou massue., lui réponds-je du tac au tac, ce qui nous fait rire tous les deux.  

 

Ca fait du bien. J’apprécie tous ces moments de légèreté grappillés à droite à gauche dans cette situation compliquée. Ca aide à tenir le coup et je sais que chacun y met du sien. De Reika qui me sermonne faussement pour que je ne fasse pas l’andouille sur ses enquêtes à Miki qui m’a encore proposé hier de me faire une manucure assortie à la tienne hier en passant par Sayuri qui m’abreuve de détails sur son boulot quand elle me voit partir dans des pensées moroses, tous m’aident à surmonter cette épreuve et garder la tête hors de l’eau.  

 

- Tu as raison, c’est important. Je te réserve mon samedi de la semaine prochaine alors. Je suis sûr que les filles se feront une joie de venir tenir compagnie à Kaori et Umi de nous aider. Il passera le pinceau plutôt que le torchon., se moque Mick.  

- Je ne sais pas si je veux vous avoir tous les deux dans la même pièce. On y passera le samedi mais je risque de passer le dimanche à nettoyer le fruit de vos chamailleries.  

- Mais non… On s’est se tenir correctement quand on veut., m’oppose-t-il, faisant un petit geste de la main.  

- Oui… Il est là le problème : quand vous voulez… Le problème, c’est que ça n’arrive pas souvent., lui fais-je remarquer.  

- Là, c’est pour une bonne cause., objecte-t-il.  

- Parce que la dernière fois, face à une vingtaine de malfrats, ce n’était pas pour la bonne cause ?  

- Non, on s’amusait. A cinquante, ça aurait commencé à devenir sérieux., lâche-t-il, ironique.  

- Vu comme ça…, dis-je.  

 

Bizarrement, c’est le genre de remarque que j’aurais pu avoir et qui me ferait sourire en temps normal. Aujourd’hui, elle ne me fait pas vraiment rire. Suis-je devenu trop sérieux ou est-ce juste le poids de la fatigue accumulée ces derniers mois ?  

 

- Tu devrais peut-être aller prendre un peu l’air, Ryo. Tu as l’air d’en avoir besoin., me conseille-t-il, posant un regard sérieux sur moi.  

- Tu as peut-être raison.  

 

Je me lève, lissant les couvertures, avant de sortir de la chambre. Je m’arrête un instant à l’entrée pour prendre un café à la machine et sors dans le froid hivernal. Tu as raté Noël et Nouvel-An. Verras-tu la Saint-Valentin, ton anniversaire ou encore l’hanami ? J’ai envie d’y croire mais j’en doute même si tu sembles récupérer doucement. Il est impossible de rester immobile dans ce froid glacial et je me mets en marche. Comme à mon habitude, je fais le tour de la clinique, une fois, puis deux, puis trois.  

 

Ca me calme, me laisse le temps de me reprendre après avoir entendu ta voix à travers la mienne, avoir parlé à notre enfant pour moi et pour toi. Je sais que je le referai, la machine est enclenchée maintenant. Je me dis que j’aurais ces moments-là à te raconter plus tard, que je les aurais partagés avec lui puis avec toi, que vous en aurez quelque part partagé un peu ensemble même si tu ne le ressens que de très loin dans ton inconscience.  

 

Je passe ainsi une demi-heure avant de retourner vers ta chambre. Quand je tends l’oreille et entends Mick te lire Guerre et Paix de Dostoïevski, je poursuis mon chemin, tombant sur le Professeur. Cette littérature-là manque vraiment trop d’images à mon goût… J’ai surtout déjà vu beaucoup trop de la guerre pour en apprécier une version romancée aussi intelligente soit-elle.  

 

- Tu n’es pas avec Kaori ?, s’étonne-t-il.  

- Mick lui fait la lecture., lui dis-je.  

- Ah oui… J’ai vu le genre., fait-il d’un ton désapprobateur.  

- Je pensais qu’il trouvait ce genre de lecture assommante.  

- Moi aussi mais apparemment, c’est un test pour voir si c’est lui qui va se retrouver assommer., m’explique-t-il.  

- Kazue a vendu la mèche., se moque-t-il.  

- Si ça peut marcher… Elle a ouvert à nouveau les yeux.  

- Tu lui as encore fait du mal ?, m’interroge mon vieil ami, soupçonneux.  

 

Je ne peux m’empêcher de sourire à l’évocation de ma maladresse qui m’a valu ton premier « regard » il y a quelques temps.  

 

- Non. Je parlais. Ca a été bref mais elle les a ouverts… mais je ne crois pas qu’elle était consciente. Son regard… il n’était pas habituel.  

- Accroches-y toi malgré tout. Si elle réagit à ta voix sans que tu cries, c’est une progression., m’affirme-t-il.  

- Je sais. Au fait, la semaine prochaine à l’écho, on pourra connaître le sexe du bébé ?  

- Oui. J’allais te poser la question mais apparemment, tu veux le savoir., me répond-il.  

- En effet. Il faudra bien que je commence à préparer son arrivée.  

- C’est une bonne chose, Ryo. Si tu veux quelques rudiments sur la façon dont on s’occupe d’un bébé, je suis sûr que Kazue sera ravie de t’expliquer., me dit-il.  

- Je n’en doute pas. Et vous aviez raison, Professeur.  

 

Il me regarde sans comprendre, ce qui est un logique vu que je passe du coq à l’âne et qu’il n’est pas dans ma tête, me dis-je.  

 

- Il y a quelques semaines, vous m’avez demandé si j’avais désiré cet enfant même si je ne le voulais pas. Vous aviez raison. C’était pour moi un rêve qui ne se réaliserait jamais et n’aurait jamais dû se réaliser mais on ne crache pas sur les bonnes choses qui ressortent d’évènements tragiques.  

- Tout à fait. Je suis heureux que tu t’en sois rendu compte, Ryo. Je suis sûr que tu sauras t’occuper de cet enfant., m’affirme-t-il.  

- Je ferai ce qu’il faudra en tous cas.  

- Je n’en doute pas.  

 

Sur ces derniers mots, il m’adresse un petit signe de tête et s’en va. De mon côté, je retourne à ta chambre et toque à la porte avant d’entrer. Mick finit le chapitre et pose le livre sur ta table de chevet.  

 

- Tu sais que tu fais la lecture à deux personnes. Il y en a au moins une qui est un peu trop jeune pour ce genre de récit., lui dis-je, moqueur.  

- S’il sort son premier livre à six ans, j’espère bien qu’il me le dédicacera., réplique-t-il.  

- On verra ça. Pour le moment, il est bien où il est.  

- Effectivement. Je vais te laisser, Ryo. A demain, ma belle., fait-il, déposant un baiser sur ton front.  

- Quand tu en auras marre de Dostoïevski, fais-le moi savoir. Sinon, on attaque Zola après. J’ai L’assommoir en réserve., te prévient-il, fair-play.  

- Tu veux qu’elle te déteste ?  

- Qui sait ? Ca m’évitera peut-être la corvée de baby-sitting., rétorque-t-il, m’adressant un clin d’oeil.  

 

Je lui souris, amusé, et lui serre la main, le remerciant d’être venu encore une fois.  

 

- J’aimerais bien que tu me dises que ce n’est plus la peine mais tant que ce ne sera pas le cas, je serai là., m’affirme-t-il.  

- Je sais.  

- Peut-être qu’elle se réveillera amnésique et me sautera dans les bras. Je ne veux pas rater ça., me taquine-t-il.  

 

C’est le parti pris qu’on a adopté depuis qu’on a commencé à évoquer les troubles possibles lors de ton réveil : en rire plutôt que d’en spéculer. On gérera le moment venu mais on n’oublie pas vraiment en attendant.  

 

- Dans tes rêves, l’amerloque. Elle n’aura certainement pas oublié les heures de torture avec tes grands écrivains occidentaux., lui fais-je.  

- Elle tombera en pâmoison devant tant d’érudition…, me proclame-t-il.  

- Non, les sons bizarres qui sortent de ta bouche, ça s’appelle des éructations. Ne confonds pas, ce n’est pas aussi glamour.  

- Ah ah très drôle. Ca lit Play-Boy et compagnie et ça se permet de faire le malin… Rira bien qui rira le dernier…, me dit-il.  

 

Ces derniers mots me glacent. Ce sont ceux que tu prononçais au moment de l’accident. Je sens mes traits se figer sans rien pouvoir y faire. Il ne peut pas savoir, il n’était pas avec nous mais ça n’arrête pas les images, ton sourire, la voiture qui s’éloigne, la mini écrasée, brinquebalée, les étincelles…  

 

- Ryo ? Ryo, ça va ?, s’inquiète-t-il.  

- Oui… Oui, oui, excuse-moi. C’est juste… Elle disait les mêmes mots quand…  

 

Je n’arrive pas à finir ma phrase mais il semble comprendre et pose une main sur mon épaule.  

 

- Je suis désolé. Si j’avais su…, s’excuse-t-il.  

 

Je secoue la tête pour l’arrêter. Il va falloir que j’apprenne à vivre avec ça.  

 

- Ca va aller. Ne t’inquiète pas. Passe une bonne journée, Mick. A demain., lui dis-je.  

- Oui, à demain. Appelle si tu as besoin., me rappelle-t-il avant de sortir de ta chambre.  

 

J’approche de ton lit, m’y assieds et prends ta main. Je sens ta chaleur gagner mes doigts glacés et je m’apaise. C’était il y a quatre mois et demi et aujourd’hui tu es toujours en vie… Vous êtes en vie tous les deux, me dis-je, posant la main sur ton ventre. 

 


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